Problèmes économiques

2014 2013 2012 2011 2010 2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 1995

1995

No 2.442
18 octobre 1995

Economie de la santé

Les Soins médicaux : Bien privé ou bien public ?

(The Amercan Journal of Economics and Biology)
Economie de la santé)

Coût d'une maladie : Peut-on l'évaluer ?

(Risques)

La Consommation médicale totale en France

(Comptes nationaux de la santé)

L'Accès aux soins en France : Evolution des inégalités depuis 1980

(Economie et statistique)

Le Système français de financement hospitalier

(Analyse financière)

La Mise en place d'un système d'assurance-dépendance : L'Exemple de l'Allemagne

(Regards sur l'économie allemande)

L'Echec de la réforme fédérale de l'assurance médicale aux Etats-Unis

(Chronique internationale de l'IRES)

No 2.443
25 octobre 1995

France

Les Bouleversements du marché de la micro-informatique

(INSEE Première)

Le Recrutement social de l'élite universitaire depuis 40 ans

(Education et formation)

Economies étrangères

Les Evolutions récentes de la politique sociale aux Etats-Unis : Réforme ou démantèlement ?

(WSI-Mitteilungen)

La Reconstruction de l'économie dans les nouveaux Länder allemands

(Deutschland Archiv)

Les Réformes structurelles de l'économie néo-zélandaise depuis 1984

(Bulletin mensuel de la Kredietbank)

No 2.444-2.445
1 novembre 1995

La Science économique est-elle en crise ? Principes, instruments, pouvoirs

No 2.446
15 novembre 1995

Pays en développement

Théories du développement : Le Caractère réducteur du modèle néolibéral

(Third World Quarterly)

Le Rôle des femmes da,ns le développement urbain

(OCDE)

Les ressources de l'agriculture urbaine

(Choix)

Multilatéralisme et organisation économique régionale en Afrique francophone

(Economie rurale)

La Dévaluation du franc CFA : Un Bilan

(Finances et développement)

Le Développement du secteur privé en Côte d'Ivoire

(Marchés tropicaux et méditerranéens)

No 2.447
22 novembre 1995

Entreprise

La Gestion : Science ou technique ?

(Sciences humaines)

Les Nouvelles tendances du contrôle de gestion

(Echanges)

La Gestion des relations technologiques dans les PME

(Sociologie du travail)

L'Ere de la productique : Crise ou dépassement du modèle classique d'organisation ?

(Sociologie du travail)

Le Marketing des odeurs

(L'Entreprise)

Bilan de compétences : Le Regard du praticien

(Humanisme et entreprise)

No 2.448
29 novembre 1995

Monnaie et finance

L'Evolution des banques françaises depuis le début des années quatre-vingt

(CDC)

La Lente adaptation des banques françaises

(Option finance)

La Classification des banques centrales selon leur degré d'indépendance : Un Panorama critique de la littérature

(Information commerciale espanola)

 France : L'Etat peut-il s'endetter autrement ?

(Chroniques économiques de la SEDEIS)

Combien coûte un redressement budgétaire ? Une Comparaison internationale

(CEPII)

Réforme fiscale : Quelques enseignements des expériences étrangères

(OFCE)

Niveau, répartition et déterminants de l'épargne mondiale

(Bulletin du FMI)

La Relation entre le déficit budgétaire américain et la faiblesse du dollar : Le Mythe de l'"immaculé transfert"

(Financial Times)

No 2.447
6 décembre 1995

Les Indicateurs économiques

Croissance potentielle et diagnostic conjoncturel

(Note de conjoncture de l'INSEE)

Recherche sur la nature et l'évaluation de la richesse des nations

(Financial Times)

Evolution des inégalités de revenus en France depuis 1975 : Quel instrument de mesure pour quel constat ?

(Synthèses)

Comparaison internationales des prélèvements fiscaux et sociaux : Quelques mises en garde

(CNIS)

Comment mesurer l'inégalité sociologique entre les sexes

(Rapport mondial sur le développement humain)

Quel indicateur pour le chômage ?

(Monthly Labor Review)

Comment évaluer l'orientation de la politique budgétaire ?

(Revue de l'OFCE)

Agrégats et objectifs monétaires dans les principaux pays développés

(Bulletin de la Banque de France)

No 2.450
13 décembre 1995

Travail, formation, emploi

L'Evolution de la sociologie française du travail

(Le Mouvement social)

L'Insertion professionnelle des jeunes en France depuis 20 ans

(Economie et statistique)

Coût du travail et chômage : Une Relation complexe

(Futuribles)

Les Travailleurs découragés

(Perspectives de l'emploi de l'OCDE)

Les Déterminants du travail des enfants dans les pays en développement

(Revue internationale du travail)

No 2.451
20 décembre 1995

Economie internationale

Les Conséquences socio-économiques de la SIDA

(Futuribles)

La Prise en compte des externalités environnementales

(Revue de l'énergie)

Le Cycle global de l'immobilier

(L'Observateur de l'immobilier)

Le Marché des assurances dans les pays développés

(Risques)

Les Revenus des ménages agricoles : Une Comparaison internationale

(L'Observateur de l'OCDE)

Analyse comparée de neuf quotidiens économiques européens

(Réseaux)

No 2.452
27 décembre 1995

Economies étrangères

La Pauvreté en Allemagne

(Allemagne aujourd'hui)

Panorama de l'économie italienne

(Review of economic conditions in Italy)

L'Economie portugaise à la croisée des chemin

(L'Expansion)

La Situation du secteur agricole dans les pays d'Europe centrale et orientale

(CCET/OCDE)

La Délocalisation de l'industrie japonaise

(Japon, économie et société)

L'Ouverture du marché des biens de consommation en Chine

(China Aktuell)

La Nouvelle loi bancaire chinoise

(Banque)

2003

No 2.833
26 novembre 2003

Travail, formation, emploi


PAUVRETE ET MARCHE DU TRAVAIL
Les politiques anti-pauvreté ont-elles réussi ?
Sociétal
Pierre Concialdi

Les trappes d’inactivité revisitées
Travail et Emploi
Yolande Benarrosh

Les working poor version française
Droit social
Margaret Maruani

Les sans-domicile ne sont pas coupés de l’emploi
INSEE Première
Bernadette de la Rochère

PROTECTION SOCIALE ET MARCHE DU TRAVAIL
Les procédures de licenciement en question
Conseil d’analyse économique
Olivier Blanchard et Jean Tirole

No 2.834
3 décembre 2003

Union européenne

INTEGRATION EUROPEENNE 
Pourquoi l’Europe ne ressemble-t-elle pas à ce que voudraient les économistes ?
Revue économique
Jürgen von Hagen et Jean Pisani-Ferry
Répartition des compétences en Europe : l’éclairage de l’économie
Cepremap
Robert Boyer et Mario Dehove
L’Union européenne permet-elle la diversification des risques ?
Economie internationale
Pierre-Guillaume Méon et Laurent Weill


ELARGISSEMENT

 les dangers du manque de flexibilité
Revue d’économie financière
Charles Wyplosz

INFLATION

Dispersion de l’inflation : une comparaison Europe – Etats-Unis
Bulletin mensuel de la BCE
BCE

No 2.835
10 décembre 2003

Monnaie et finance


CRISES FINANCIERES INTERNATIONALES
Vers une prévention macro – prudentielle des crises
Revue d’économie financière
André Cartapanis

INNOVATION ET SPECULATION FINANCIERES
Bulles et paniques financières : une perspective socioéconomique
The American Journal of Economics and Sociology
Brenda Spotton Visano

TAUX DE CHANGE
Quel régime monétaire pour l’Amérique Latine ?
Finances et Développement
Andrew Berg, Eduardo Borensztein et Paolo Mauro

FISCALITE DE L’EPARGNE
Le nouvel accord de la taxation de l’épargne transfrontalière en Europe
Bulletin financier - ING
Jerry van Waterschoot

INDICATEURS ECONOMIQUES
L’indice des prix : un objet de controverses
La Recherche
Michel Armatte

ECONOMIE SOLIDAIRE
Où en est le secteur de la finance solidaire ?
Finance et bien commun
Entretien avec Jean-Paul Vigier
No 2.836
17 décembre 2003

Entreprises et marchés


MARCHE AUTOMOBILE
les stratégies des constructeurs franco-allemands
Regards sur l’économie allemande
Christophe Barmeyer et Sylvie Hertrich
La filière automobile française en Europe de l’Est
Le 4 Pages du SESSI
Pascal Brocard et Corinne Darmaillacq

RESTRUCTURATIONS
Les dispositifs publics d’accompagnement des restructurations
Premières informations, Premières synthèses
Odile Brégier

MANAGEMENT
Public, privé : concilier performance et croissance
L’Expansion Management Review
Dominique Damon

INSTITUTIONS ET STRATEGIES
Le champagne ou la création d’un produit de luxe
Economie Appliquée
Christian Barrère

No 2.837
24 décembre 2003
Economies étrangères


Le déclin du commerce agricole américain
Chambres d’agriculture
Thierry Pouch
Alors que l’excédent du commerce extérieur de produits agricoles et alimentaires des Etats- Unis avait enregistré une chute importante au milieu des années 1980, pour se situer à 4,7 milliards de dollars, les négociations du GATT et la signature des accords de Marrakech avaient permis à la première puissance agricole mondiale de retrouver des excédents conformes à son rang (27 milliards de dollars en 1997) au cours de la décennie suivante. L’embellie n’a été cependant que de courte durée puisque, depuis maintenant cinq ans, l’excédent agricole ne cesse de se réduire, se rapprochant progressivement de son point bas de 1986.

Où en est le mouvement syndical aux Etats-Unis ?
Mouvements
Marianne Debouzy
Les informations statistiques sur les taux de syndicalisation aux Etats-Unis attestent le déclin du mouvement syndical dans ce pays. Ce phénomène de désyndicalisation n’empêche pas pour autant l’existence, au cours des dernières années, de grèves et de conflits sociaux durs mais ces derniers sont souvent le fait de militants de base très déterminés. On observe, en outre, que la Californie semble être devenue un laboratoire social, tant sont nombreuses les nouvelles formes d’organisations et de luttes sociales qui s
sont développées depuis les années 1990.

Système de protection sociale brésilien : trop de dépenses ou trop peu de recettes ?
Revue Tiers Monde
Bruno Lautier
Dans les années 1945-1960, le Brésil a mis en place un système « bismarckien » de protection sociale, reposant sur un triple pari : le plein emploi, une rapide progression de la salarisation et l’intégration progressive de la population non salariée dans le système contributif mutualiste. Cependant, près d’un demi-siècle après l’instauration de ce système, le pari n’a pas été gagné et engendre aujourd’hui les difficultés auxquelles se heurte l’Etat-providence brésilien et qui se manifestent notamment par la faiblesse des recettes des cotisations.

Contrôle des capitaux : les enseignements de l’expérience malaisienne
Challenge
Rawi Abdelal et Laura Alfaro
Un an après la crise asiatique de 1997, la Malaisie met en place un système de contrôle des capitaux. Cette recherche d’autonomie par rapport au marché international n’a pas eu d’effet négatif sur la croissance économique du pays. Si le succès d’une telle politique est avéré, il n’est cependant pas reproductible en tout temps et en tout lieu. Le contrôle des capitaux s’est traduit par un succès en Malaisie car le pays réunissait l’ensemble des facteurs nécessaires : bon niveau de réserves de change, faible dette externe et un degré d’institutionnalisation élevé.

Corée du Sud : la crise menace-t-elle à nouveau ?
CA – Perspectives
Sébastien Barbe
La Corée du Sud a surmonté la crise de 1997 en adoptant une stratégie axée sur le développement de son économie domestique. Celle-ci s’est avérée payante entre 1998 et 2002, la croissance ayant été alimentée par le dynamisme de la consommation des ménages. Depuis la fin de 2002, le pays fait face à un net ralentissement économique qui s’est accentué en 2003. S’ajoutent à ces difficultés les tensions politiques accrues avec la Corée du Nord. Si, sur le plan économique, tout risque de crise systémique semble écarté, la gestion de la question nord-coréenne pourrait s’avérer plus délicate à résoudre, surtout si celle-ci passe à terme par un processus d’unification, comme ce fut le cas pour l’Allemagne.
 

2004

No 2.839
14 janvier 2004

Économie internationale


ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE
Le cycle de Doha : enjeux et forces en présence
Paysans
Philippe Chalmin
Lors de la conférence de Doha en novembre 2001, un nouveau cycle de négociation baptisé « Doha development round », devant se clôturer fin 2004, a été lancé. Des lignes directrices ont été adoptées. Il a été notamment prévu que la conférence de Cancun de septembre 2003 soit l’occasion de définir les modalités de ce cycle de négociations commerciales multilatérales. L’auteur revient sur l’échec de Cancun à travers l’analyse des acteurs en présence.

Cancun : un échec ?
Flash - CDC Ixis
Hervé Boulhol
Quels liens existe t – il entre commerce et croissance économique ? La question suscite de nombreux débats entre économistes. A travers l’analyse des enjeux du cycle de négociations de Doha lancé en 2001, l’auteur montre que la relation entre ces deux variables n’est pas linéaire. Certes, il existe une corrélation positive entre elles. Pour autant, davantage de commerce n’entraîne pas forcément davantage de croissance.

MONDIALISATION
Organisations économiques internationales et gouvernance
La Pensée
Fatima Arib
Le concept de gouvernance n’est pas nouveau. Il est apparu dans les années trente chez les économistes américains. Adopté par divers courants, le terme a vu sa signification évoluer. En utilisant la notion de « bonne gouvernance », les organisations économiques mondiales imposent dans les années quatre-vingt-dix un nouveau modèle économique et social.

Du bon usage de la mondialisation
Politique étrangère
Frédérique Sachwald
La mondialisation serait un fléau volontiers incriminé par les gouvernements. Pourtant, l’ouverture croissante des échanges commerciaux et des flux de capitaux résulte bien souvent de volontés politiques. Au cours des deux dernières décennies, les politiques nationales ont joué un rôle fondamental pour catalyser les effets positifs de la mondialisation, comme pour corriger ses effets négatifs.

Mondialisation des échanges et emploi : le rôle des exportations
Économie et statistique
Éric Maurin, David Thesmar et Mathias Thoenig
A travers une enquête menée de 1988 à 1992 sur quelques 5 900 entreprises françaises, les auteurs montrent qu’il existe un lien fort entre exportations et renforcement des qualifications de l’emploi dans les services de gestion et de développement commercial. Ce ne serait donc pas parce qu’elle favorise la concurrence des pays à bas salaire mais plutôt parce qu’elle amène les entreprises françaises à se restructurer que la mondialisation agit sur les inégalités devant l’emploi.
No 2.840
21 janvier 2004

Travail, formation, emploi


MARCHE DU TRAVAIL, VIEILLISSEMENT ET RETRAITE
Départ à la retraite : une perspective internationale
Revue française d’économie
Alain Jousten
Les taux d’activité des 55-64 ans dans des pays comme la Belgique, la France, les Pays – Bas ou l’Italie sont très faibles. Les systèmes de retraite et de préretraite ne sont pas sans influencer les choix individuels entre vie active et inactivité. Dans les pays où sont mis en œuvre des programmes de préretraite, les individus sont financièrement incités à anticiper leur sortie du marché du travail. Ces politiques de départ anticipés rencontrent des limites. Elles n’ont notamment pas résolu le problème du niveau élevé du chômage des jeunes.

Politiques publiques de l’emploi : le défi des seniors
Premières synthèses et Premières informations
Saïd Adjerad
Jusqu’en 1994, les politiques publiques de l’emploi en France ont principalement soutenu le retrait des seniors du marché du travail (politiques « passives »). Au cours des dix années suivantes, l’embauche de ces derniers en contrat aidé a fortement augmenté (politiques « actives »). Le taux d’emploi des 50-69 ans atteignait 43 % en 2001. Il reste que le retrait des seniors du marché du travail demeure très fort sur cette période.

DECENTRALISATION DU RMI ET CREATION DU RMA
RMI, RMA : les risques d’une réforme
L’Economie politique
Entretien de Carole Tuchszirer avec Marie-Thérèse Join-Lambert
Le 18 mars 2003, le ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité a annoncé la création d’un revenu minimum d’activité (RMA). Son entrée en vigueur a eu lieu le 1er janvier 2004. Le RMA est destiné à compléter le revenu minimum d’insertion institué en 1988. Ce dernier avait été conçu comme un complément du système de protection sociale, dans un contexte où se développait ce qui était alors qualifié de « nouvelle pauvreté ». L’objectif du RMA vise à dynamiser le volet insertion du RMI et à favoriser le retour à l’emploi des allocataires. En outre, le projet de loi prévoit, dans le cadre de la décentralisation, le transfert aux départements du pilotage intégral du RMI.

PRODUCTIVITE DU TRAVAIL
Le manque de flexibilité sur le marché du travail handicape-t-il l’économie européenne ?
Conjoncture – BNP Paribas
Raymond Van der Putten et Eric Vergnaud
Dans la seconde moitié des années 1990, les performances économiques des Etats-Unis ont été supérieures à celles de nombreux pays de l’OCDE. Il est communément admis que l’Union européenne aurait enregistré au cours de cette période un retard de productivité par rapport à l’économie américaine. Cette analyse doit être relativisée. En effet, une part importante des gains réalisés dans les dernières années semble être davantage cyclique que structurelle. De plus, certains pays européens ont des niveaux de productivité horaire relativement proches de ceux observés outre-Atlantique. Les écarts de croissance enregistrés seraient dès lors plutôt liés à des différences dans l’utilisation du facteur travail.

PARTAGE DE LA VALEUR AJOUTEE
La répartition salaires/profits : une spécificité française ?
La lettre des études économiques – Natexis
Alexandre Bourgeois
La question de la répartition de la valeur ajoutée entre les revenus du travail et ceux du capital fait depuis longtemps débat. Si les liens entre la croissance et le taux de marge (rapport entre les profits et la valeur ajoutée) sont connus, en revanche, les facteurs qui influencent l’évolution de celui-ci le sont beaucoup moins. Au cours des quarante dernières années, le taux de marge en France a évolué de façon très contrastée. Il se situe actuellement, comme en Allemagne ou aux Etats-Unis, à un niveau relativement élevé.

SECTEURS D’ACTIVITE
Un salarié sur deux d’un grand établissement travaille encore dans l’industrie
Insee Première
Cyrille Van Puymbroeck
Au 1er janvier 2002, le secteur marchand comptait en France 30 000 établissements de plus de 50 salariés. Ces établissements emploient 5,2 millions d’individus dont un sur deux travaille encore dans l’industrie. Nombreux sont les établissements situés dans la moitié nord de l’Hexagone. Les spécialisations régionales restent en outre marquées par l’histoire. Certaines zones d’emploi sont très dépendantes de quelques gros établissements autour desquels se structure la vie économique. Le développement de la grande distribution et l’augmentation de l’emploi dans le commerce expliquent en partie une répartition plus équilibrée des grands établissements sur le territoire.
No 2.841
28 janvier 2004

Union européenne

POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE
PAC : l’agriculture européenne en jachère ?
Lettre de l’OFCE
Jacques Le Cacheux
Une nouvelle réforme de la PAC a finalement été décidée en juin 2003. Il ne faudrait pourtant pas y voir l’avènement d’une politique agricole européenne nouvelle. L’auteur revient sur les principaux points de l’accord conclu entre les Quinze et souligne leurs limites. En comparaison, la réforme de 1992 s’inscrit comme une franche rupture. La promotion des productions de qualité respectant l’environnement doit être soutenue.

Quelle politique agricole pour l’Europe ?
La Revue du Trésor
Olivier de Lagarde
La Politique agricole commune (PAC) a changé de visage depuis les années 1970. Alors que « la première PAC » se caractérisait par des prix élevés financés par les consommateurs et, partant, des productions excédentaires, la « deuxième PAC », issue de la réforme de 1992, s’est traduite par un ensemble de changements non négligeables : un recul progressif des prix garantis, la mise en œuvre d’aides directes compensatoires (aides à la surface) et de quotas, notamment pour le lait en 1984. Au total, l’auteur estime que l’existence de la PAC a plus d’avantages que d’inconvénients.

PAC : d’une réforme à l’autre, baisse des prix et maîtrise des coûts
INSEE Première
Dominique Desbois et Bernard Legris
L’internationalisation croissante de certains marchés et le progrès technique contribuent à la baisse continue des prix des principaux produits agricoles. Nombreux sont ceux qui enregistrent, au début des années 2000, un prix à la production inférieur au coût. Les dispositifs de la Politique agricole commune garantissent pour certains d’entre eux une marge nette en contrepartie d’un ajustement du volume de la production. Pour d’autres, en revanche, aucune aide spécifique n’est prévue. Les marges nettes dégagées par ces produits sont de ce fait beaucoup plus fluctuantes.

La PAC est-elle dommageable aux pays en développement ?
Chambres d’Agriculture
Dominique Brinbaum, Thierry Fellmann, Daniel Bigou et Guillaume Brûlé
D’aucuns considèrent souvent que la Politique agricole commune constitue un obstacle au décollage économique de nombreux pays en développement dans lesquels le secteur agricole occupe la majeure partie de la population active. D’après les auteurs de l’article, il est d’abord nécessaire de rappeler que le Sud forme un ensemble très hétérogène, aux objectifs et aux intérêts différents. Ensuite, que les difficultés auxquelles se heurtent les agriculteurs des PED ne sont, pour l’essentiel, pas à mettre sur le compte de la PAC, mais sont dues bien plus à leur faible productivité du travail, à un accès insuffisant au crédit ou encore à la faiblesse des infrastructures de collecte et de transport.

ELARGISSEMENT
Les répercussions de l’adhésion à l’Union européenne sur la main- d’œuvre
Revue internationale du travail
Philippe Egger
L’élargissement de l’Union européenne de quinze à vingt-cinq pays ou plus se traduira - t - elle par une élévation significative du niveau de vie des treize pays candidats ? A cette question, l’auteur tente de répondre en analysant les répercussions d’une convergence à la fois réelle et nominale et ce, à partir de données pour la période 1995 - 2000. L’évolution des coûts salariaux, de la productivité du travail, de la structure de l’emploi, de la croissance, mais aussi de l’inflation, est passée en revue. Le succès de l’élargissement sera largement fonction de la combinaison de toutes ces variables, aspects essentiels du processus de convergence.
No 2.842
04 février 2004

Monnaie et finance

FUSIONS ET ACQUISITIONS
Vers une nouvelle vague d’OPE/OPA ?
Le point mensuel – Aurel Leven
Régis Khaber, Jean-Louis Mourier et Christian Parisot
Les grandes vagues de fusions et acquisitions (F&A) depuis la fin du XIXe siècle ont essentiellement été motivées par la recherche d’économies d’échelle et la volonté d’immuniser le groupe constitué contre les aléas de la conjoncture ou de sécuriser l’approvisionnement. Récemment, les opérations de croissance externe semblent repartir à la hausse. Cependant, selon les auteurs, une nouvelle vague d’OPE-OPA paraît peu probable, car les opérations actuelles répondent plutôt à une autre logique économique – celle de la restructuration – afin d’améliorer les marges unitaires.

L’efficience microéconomique incertaine des fusions et acquisitions en Europe
Flash Eco – Crédit Agricole
Alain Roche
Nécessité industrielle pour les petites structures et argument stratégique pour les grands groupes bancaires atteindre la taille critique est souvent une motivation majeure des opérations de fusions et acquisitions bancaires. Cependant, toutes les opérations n’augmentent pas la performance des établissements comme le montre l’étude suivante concernant les banques européennes. Si les analyses révèlent des gains d’efficience par le biais d’une meilleure allocation des compétences, l’impact des fusions sur les économies d’échelle est plus ambigu en raison de l’existence d’une courbe en ‘U’ entre la taille du bilan et le coût moyen.

REFORME BANCAIRE
Bâle II : quelles conséquences économiques ?
Conjoncture – BNP Paribas
Nguyen The Van
En raison des faiblesses du ratio Cooke, une nouvelle réglementation prudentielle se met en place dans le cadre du Comité de Bâle II présidé par l’Américain Mac Donough. Son application effective est prévue pour le début de 2007. Il s’agit de renforcer, au niveau international, la solidité des banques et de simplifier leur gestion. Certes, l’adoption de ce nouveau ratio ne sera pas sans impacts sur les circuits de financement. Elle modifiera mécaniquement les risques et, partant, les notations des agences de rating. Mais d’après l’auteur, les changements macroéconomiques resteront peu marqués.

POLITIQUE MONETAIRE
Y a-t-il un risque mondial de déflation ?
Politique étrangère
Patrick Artus
En 2003, le risque mondial de déflation a fait l’objet de la plus grande attention. Dans le monde contemporain, la déflation décrit une situation dans laquelle l’inflation se réduit jusqu’au point où les taux d’intérêt réels augmentent, dégradant la situation des emprunteurs et ralentissant les investissements. Cette évolution se produit, lorsque, à la suite d’un choc défavorable, la réaction de la politique monétaire est trop tardive et quand les capacités de production sont excédentaires ou qu’intervient un dérèglement des régimes de change. C’est ce scénario qu’a connu le Japon dans les années 1990. La situation économique internationale présente, aujourd’hui, certaines de ces caractéristiques, mais la politique monétaire des principales économies est très expansionniste, ce qui pousse le prix des actifs à la hausse et rend prématuré de parler de déflation mondiale.

FINANCES PUBLIQUES
Les dangers cachés des comptes fédéraux américains
The Economist
La comptabilité publique s’établit généralement sur la base de simples flux de trésorerie, sans prendre en compte les recettes et dépenses futures. Plusieurs études récentes tentent d’évaluer l’ampleur réelle du déficit du budget fédéral américain en y intégrant des perspectives de long terme. Leur constat est alarmant : les dépenses futures dépasseraient ainsi de plusieurs dizaines de milliards de dollars les recettes.

INSTITUTIONS RELIGIEUSES ET ECONOMIE
L’Eglise et l’argent
Etudes
François Mayaux
La perception que les Français ont des rapports que l’Église de France et le Vatican entretiennent avec l’argent reste marquée par l’histoire. Les Français, par exemple, pensent encore majoritairement que l’Église est riche. Les mythes restent donc vivaces, même si sur certains aspects comme la situation économique des prêtres ou l’évolution de la situation financière de l’Église, l’ opinion des Français est assez proche de la réalité. L’auteur présente les résultats de la première enquête menée en France sur ces questions pour la Conférence des évêques de France.
No 2.843
11 février 2004

Le secteur des transports : perspectives et enjeux


COUTS DU COMMERCE
La logistique de la mondialisation
Revue de l’OFCE
Guillaume Daudin
Les coûts du commerce sont une variable aussi importante pour le commerce mondial que le sont en la matière les politiques des Etats. Ils restent pourtant peu étudiés. Ces coûts comprennent des coûts logistiques et des coûts de transactions. Ils peuvent être analysés grâce aux bases de données du commerce mondial et aux études de prix microéconomiques. Il apparaît que – malgré le progrès technique – il ný a pas eu depuis la Seconde Guerre mondiale de baisse globale massive des coûts de transport en proportion de la valeur des biens échangés.

TRANSPORT MARITIME
Panorama des transports maritimes dans le monde
Informations et Commentaires
Jean-Michel Cusset
Depuis 1960, le trafic maritime s’est accru de manière significative. Parallèlement, la flotte mondiale a évolué avec le recul relatif du nombre de pétroliers et la progression de celui des porte-conteneurs. L’évolution de la flotte par catégorie de pays montre le recul de la part relative des pays développés qui s’explique notamment par la montée en volume du tonnage sous pavillon étranger. Dans le même temps, le coût du fret a peu changé: depuis 1980, il se situe entre 6 % et 7 % de la valeur des importations mondiales.

TRANSPORT AERIEN
Le phénomène des compagnies aériennes low cost : contre un certain nombre d’idées reçues
Le Journal des transports
Jacques Mosnier
Le concept de la compagnie aérienne low cost (à bas coûts) trouve son origine aux Etats-Unis, au début des années 1970. Aujourd’hui, alors que les grandes compagnies font face à d’importantes difficultés, les low cost affichent une réussite insolente. En réalité, ces compagnies ont su, au-delà du développement d’un modèle économique innovant, mettre en place une offre en phase avec les besoins des passagers aériens - affaires ou loisirs - et répondre aux aspirations d’un nouveau type de clientèle autrefois peu ou pas utilisatrice du transport aérien.

TRANSPORT URBAIN
L’économie et le financement du système des transports urbains
Commissariat général du Plan
La politique des transports urbains est un élément essentiel du développement durable des villes. Dans ce contexte, l’importance du niveau des dépenses de fonctionnement et d’investissement que nécessite le développement d’infrastructures de transports publics collectifs efficaces, plaide pour que soient rapidement mis en œuvre les moyens d’optimiser leur système de financement.

SECTEUR DES TRANSPORTS : BILAN 2002
Les effets du ralentissement économique sur le transport de marchandises
INSEE Première
Nathalie Aubris et Edouard Fabre
La branche transports, en raison d’un contexte économique morose, a connu en 2002 un ralentissement notable. Pour la deuxième année consécutive, en effet, la valeur ajoutée du transport progresse plus lentement que le PIB. Les transports de marchandises – et en particulier celui du transport routier - ont vu leur production diminuer globalement de 1,3 %. En revanche, le succès du TGV a soutenu l’activité dans le secteur du transport de voyageurs. Si on a noté, enfin, une reprise du transport aérien international, les liaisons nationales ont été, elles, victimes d’une part de l’atonie de l’économie française et d’autre part de la concurrence du TGV.

No 2.844
18 février 2004

Economies étrangères


BRESIL
Pauvreté, inégalités et politiques sociales au Brésil
La lettre du CEPII
Jérôme Sgard
Au Brésil, la pauvreté résulte d’une grande inégalité de revenus et non d’un faible niveau de vie moyen. L’accès à l’éducation, en tant qu’investissement, constitue le meilleur outil pour lutter contre la pauvreté. Si la durée moyenne des études a augmenté au Brésil depuis plus de vingt ans, elle reste encore en deçà de celle observée dans des pays comparables. En conséquence, la mobilité sociale y est aussi moins forte. Une faible croissance économique au cours des deux dernières décennies, conjuguée à des réformes de structures profondes, ont fragilisé une partie de la classe moyenne dont le niveau de formation est assez élevé. « Le rendement » de l’éducation en termes de revenus a diminué depuis deux décennies. Au total, une croissance économique plus soutenue et des politiques sociales plus performantes que par le passé seraient nécessaires pour réduire la pauvreté. L’auteur revient sur la stratégie du gouvernement Lula.

EUROPE
Pays – Bas : vers la fin d’un modèle ?
CA- Flash Éco
Florent Masson
Le modèle « Polder » qui avait mené les Pays – Bas sur un sentier de croissance durable et non inflationniste au cours des deux dernières décennies serait-il en train de s’essouffler ? Tel est le point de vue soutenu par l’auteur. La dégradation du modèle européen au cours des trois dernières années, tant en matière économique que sociale, ne résulterait pas d’une simple crise conjoncturelle mais plutôt de difficultés plus profondes.

Italie : la mesure de l’économie souterraine
DREE
Anne Giudicelli
D’après l’institut de statistiques officielles italiennes, l’économie souterraine – celle portant sur des activités légales mais non déclarées - atteindrait 16,9% du PIB italien. Après avoir fortement augmenté au cours de la première moitié de la décennie 1990, cette part s’inscrit en recul depuis 1997. Mais l’évaluation reste soumise à la méthodologie retenue.

La réforme du système de retraite suédois
Revue française des affaires sociales
Ole Settergren
La Suède a choisi au début des années 1990 de réformer de façon radicale son système de retraite. Les changements introduits ont été tels que l’on peut considérer qu’un système complètement nouveau a été mis en place. L’objectif central de la réforme a été de garantir, en tenant compte des évolutions démographiques et économiques, la stabilité financière du régime de retraite par répartition.

ALGERIE
De l’indépendance aux années 1980 : les stratégies de développement
Informations et commentaires
Mohammed Liassine
Après son indépendance, l’Algérie fait le choix d’une politique d’industrialisation. Les banques sont nationalisées et la planification centralisée est instituée. La stratégie de développement adoptée est fondée notamment sur la croissance du secteur pétrolier et sur les entreprises publiques qui se substituent peu à peu aux organes administratifs. Depuis 1980, l’économie algérienne tente de passer d’une économie administrée à une économie de marché. Si – globalement - la stratégie choisie par le pays était, d’après l’auteur, la seule possible, ce dernier déplore néanmoins un système de gouvernance qui n’a pas toujours été efficace.

No 2.845
25 février 2004

Économie internationale


Répartition et croissance en Amérique latine à l’ère des réformes structurelles
OCDE
Samuel A. Morley
On relève depuis longtemps en Amérique latine la distribution des revenus la plus inégalitaire du monde. La répartition des terres agricoles, les politiques gouvernementales de développement et d’éducation qui ont été adoptées dans la région et les évolutions démographiques sont les facteurs le plus souvent avancés pour expliquer cette situation. À la suite des réformes économiques des années 1980, les inégalités se sont encore aggravées. Quant aux réformes entreprises au début de la décennie 1990, elles ont, malgré l’espoir qu’elles ont suscité, abouti à un échec.

Investissements directs et inégalités salariales
Mondes en développement
Bertrand Maximin
D’après la théorie traditionnelle de l’échange international, les investissements directs étrangers (IDE) s’orientent vers les régions où le contenu en travail peu qualifié est important. Mais dans les faits, le partage salarial apparaît plutôt défavorable au travail le moins qualifié. L’auteur cherche à évaluer l’incidence de ces investissements sur les évolutions de salaires dans les pays d’accueil. En disposant d’équipements modernisés, les firmes multinationales participent au phénomène de « destruction – créatrice » des emplois les moins qualifiés. Si les impacts diffèrent selon les pays retenus, un environnement public favorable à la formation en capital humain ne peut que contribuer à la réduction des inégalités salariales.

Convergences et divergences américano-européennes dans l’analyse des projets de concentration
Revue de la concurrence et de la consommation
Michel Glais
En dépit d’outils analytiques semblables et du rapprochement des administrations concernées, de réelles divergences demeurent entre les conceptions américaine et européenne en matière de contrôle des projets de concentration. Ces différences s’expliquent surtout par une hiérarchisation différente des objectifs : tandis que la Commission européenne favorise une approche très structuraliste qui vise le renforcement de la concurrence, les Américains s’intéressent davantage aux résultats économiques du projet.

Relations commerciales États-Unis - Afrique : qui bénéficie réellement de l’AGOA ?
Afrique contemporaine
Thierry Latreille
Les États-Unis représentent le premier partenaire commercial bilatéral de l’Afrique. Néanmoins, les importations par ce pays en provenance de l’Afrique ne s’élèvent qu’à 2 % du total de ses importations. L’AGOA, African Growth and Opportunity Act, voté en 2000, a pour objectif de dynamiser les liens commerciaux américano-africains et de renforcer les politiques économiques du continent africain. Son principal avantage est d’offrir un accès libre de droits de douane au marché américain pour certains produits. Jusqu’à présent, l’accord n’a eu que peu d’impact : les relations commerciales des États-Unis avec l’Afrique restent très concentrées en termes de produits et de partenariat commercial.

OGM et relations commerciales transatlantiques
Cahiers d’économie et sociologie rurales
Olivier Cadot, Akiko Suwa-Eisenmann et Daniel Traça
Après les conflits sur le bœuf aux hormones et la banane, la réglementation des biotechnologies agricoles est à son tour source de tensions dans les relations commerciales entre les États-Unis et l’Union européenne. Les Américains considèrent que les dispositions restrictives adoptées par l’UE à la fin des années 1990 sur la commercialisation des produits génétiquement modifiés s’apparentent à des mesures protectionnistes. À cela, les Européens répondent que la réglementation mise en place obéit avant tout à des considérations d’ordre environnemental et sanitaire. D’ailleurs, l’érosion des parts de marchés américaines dans le secteur du maïs et du soja – les principaux produits concernés par le différend – est, en effet, plutôt générale que particulière à l’UE. Le conflit sur les OGM est donc, semble-t-il, plus complexe qu’une simple question d’accès au marché agricole.

No 2.846
3 mars 2004

DOSSIER : CHINE, UN NOUVEAU GEANT ECONOMIQUE ?


Le formidable essor économique de la Chine
Foreign Affairs
David Hale et Lyric Hughes Hale
À partir de la fin des années 1970, Deng Xiaoping décide d’engager la Chine sur la voie de la libéralisation économique. Au cours des deux dernières décennies du XXe siècle, le pays va enregistrer des taux de croissance spectaculaires qui vont provoquer une transformation radicale de l’économie. Si la Chine est, d’ores et déjà, un acteur économique mondial de premier plan – qui suscite un certain nombre d’inquiétudes chez les autres nations – son potentiel de développement est encore immense. La médaille a, néanmoins, son revers et les stratégies économiques suivies par les autorités chinoises provoquent déjà un certain nombre de déséquilibres en termes de développement entre les régions orientales et celles situées à l’ouest mais aussi en termes d’accroissement des inégalités sociales entre les citadins des grandes villes côtières et les travailleurs migrants venus des campagnes. L’Etat va devoir également affronter le problème du vieillissement rapide de la population, dans un pays où le système de protection sociale ne couvre qu’une minorité et où la politique de l’enfant unique ne permet plus à la famille de jouer son rôle traditionnel de filet de sécurité.

Regards sur l’émergence d’une économie de marché
Perspectives chinoises
Rigas Arvanitis, Pierre Miège et Zhao Wei
L’économie chinoise est encore loin de pouvoir être qualifiée d’économie de la demande. La croissance repose essentiellement sur l’investissement. Les différentes vagues d’investissements qui ont émergé depuis les années quatre-vingt ont donné lieu à un empilement de différents systèmes productifs. La grande vague des investissements directs étrangers en provenance des pays industrialisés vise à développer un marché en territoire chinois. Certes, estiment les auteurs, la loi de la concurrence s’étend de plus en plus. Il reste que la confiance, pilier central d’une économie de marché, doit encore être instaurée.

Les entreprises et les banques face au défi de l’ouverture
Accomex
Diana Hochraich
Entamée dès la fin des années soixante-dix, la restructuration des entreprises d’Etat chinoises est loin d’être aboutie. Ces dernières représentent près de la moitié de l’emploi en Chine. Des transformations ont toutefois conduit à la création de différentes catégories d’entreprises (joint-venture, sociétés par actions côtées en Bourse…). Ces évolutions se sont accompagnées de l’apparition de nouveaux organes de direction et de nombreuses introductions en Bourse. Après avoir dressé le panorama des entreprises chinoises, Diana Hochraich montre que le système financier chinois souffre d’un défaut de solvabilité des entreprises et partant, d’une très faible rentabilité du système bancaire, encore à dominante publique. D’après l’auteur, dans un contexte d’ouverture internationale de plus en plus marqué, les banques chinoises pourraient se trouver rapidement confrontées à une crise ouverte.

Faut-il réévaluer le yuan ?
Bulletin financier - ING
Liesbeth Van de Craen
Compte tenu du déficit courant bilatéral des Etats-Unis avec la Chine, un taux de change plus élevé de la devise chinoise est souvent présenté comme la solution miracle pour réduire ce déficit, voire même assainir la balance américaine des paiements. Toutefois, cette solution présente des risques manifestes. La Chine n’est pas seulement un concurrent, elle est aussi pour l’Occident un pays d’accueil pour l’investissement et pour l’installation de sites de production. Par ailleurs, une réévaluation du yuan pourrait déclencher une spirale déflationniste.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

FISCALITE
L’imaginaire fiscal : des utopies fiscales à l’impôt virtuel
Revue française des finances publiques
Michel Bouvier
La conception d’un impôt « idéal » anime depuis fort longtemps la démarche des nombreux auteurs de projets de réforme fiscale. Dans cette quête du « bon » impôt, l’idée d’instituer un impôt unique est une constante que l’on retrouve chez la plupart d’entre eux. À leurs yeux, cette solution aurait le mérite de couvrir l’ensemble des dépenses publiques et de résoudre toutes les questions que pose la fiscalité. Il est difficile de rattacher à des courants de pensée politique précis les projets d’impôt unique qui se succèdent depuis le début du XIXe siècle. On peut néanmoins distinguer ceux qu’habite une culture humaniste de ceux qui, vers la fin du XXe siècle, en particulier aux Etats-Unis, sont empreints d’une culture de marché. Ces derniers, s’ils voyaient le jour, pourraient marquer la disparition du lien citoyen – contribuable et la fin d’une certaine forme de civisme fiscal.

COMPATBILITE NATIONALE
L’effet du nombre de jours ouvrables sur le PIB
INSEE – Département des comptes nationaux
Le récent débat sur la suppression d’un jour férié est l’occasion de se pencher sur les analyses quantitatives menées par l’INSEE en la matière. Le nombre de jours ouvrables est assez variable d’une année à l’autre. 2004 compte par exemple trois jours ouvrables supplémentaires par rapport à 2003. L’estimation de leur apport à la croissance du PIB se situe entre 0,2 et 0,3 point. Arriver à une telle estimation réclame un travail considérable de décomposition du PIB à partir d’une méthode de correction des jours ouvrables reposant sur un modèle économétrique.

ENTREPRISE
Théories de la firme et culture d’entreprise
Revue d’économie politique
Patrick Cohendet et Morad Diani
L’étude de la nature et de l’évolution des interactions directes entre les agents économiques permet de renouveler les théories de la firme. Ce renouveau est particulièrement visible dans le domaine de l’économie de la connaissance. Souvent enracinée dans la pratique de petits groupes, la connaissance et le processus de sa création ne peuvent véritablement être pris en compte qu’à travers la notion de communauté. L’intensité des interactions entre ces différents groupes dans l’entreprise détermine ensuite la « culture d’entreprise » qui, selon les auteurs, est le concept permettant une compréhension globale du fonctionnement des communautés au sein de la firme.

No 2.847
17 mars 2004

DOSSIER : L’ECONOMIE, UNE SCIENCE TROP HUMAINE ?


Il faut réformer l’enseignement de l’économie
Challenge
Entretien avec Gilles Raveaud par Richard Mac Intyre
L’enseignement supérieur de l’économie en France est l’objet de vives critiques depuis que des étudiants, constitués en « Mouvement pour une économie post-autiste », ont réclamé, via la diffusion d’une lettre ouverte au printemps 2000, la refonte des programmes à l’Université. La critique porte sur plusieurs points. Les étudiants déplorent que les modèles mathématiques revêtent autant d’importance dans le cursus. Ils préconisent le pluralisme et un meilleur ancrage des enseignements dans la réalité. Richard Mac Intyre, économiste américain, s’est récemment entretenu avec Gilles Raveaud, doctorant de l’École normale supérieure et membre actif du mouvement. Ce dernier retrace son engagement en faveur d’un nouvel enseignement de l’économie en France. Plus largement, il nous fait partager son point de vue sur l’état actuel de l’économie.

Comment enseigner la microéconomie en 1er cycle universitaire
Revue d’économie politique
Hervé Defalvard
Dans le but de dépasser le clivage entre économistes hétérodoxes et orthodoxes, Hervé Defalvard propose quelques pistes de réflexions sur la façon dont devrait être enseignée la microéconomie en premier cycle universitaire. La microéconomie étant un savoir hypothético- déductif, il n’est pas surprenant que son enseignement se réfère à des « mondes imaginaires » à travers le modèle de concurrence parfaite. Le détour par des modèles de concurrence imparfaite qui introduisent du réalisme dans les hypothèses permet de comparer les résultats obtenus avec l’équilibre concurrentiel qui reste la norme. Ce détour est l’occasion de souligner les tensions pouvant émerger par rapport à cette norme. L’auteur revient sur la critique de la trop grande formalisation des cours de microéconomie et préconise, en la matière, la modération.

Trop d’économistes abusent des statistiques
The Economist
L’utilisation abusive des statistiques peut être dommageable. Il s’agit d’un défaut pourtant très répandu dans la communauté des économistes. Tel est le point de vue argumenté de deux chercheurs américains. En effet, dans la plupart des travaux scientifiques d’économie, trop souvent la signification statistique d’un phénomène est mis en avant au détriment de sa pertinence économique. Les statistiques devraient se limiter à être des outils au service de la compréhension de la réalité économique. Or, de nombreux exemples tendent à prouver qu’il n’en va pas nécessairement ainsi. L’absence de questionnement sur la portée des conclusions dégagées est bien souvent la règle.

L’avenir de l’économie comme discipline
L’Économie politique
Robert Boyer
Tour à tour, érudit au siècle des Lumières, savant à l’époque de la Révolution industrielle, chercheur après le second conflit mondial et enfin expert depuis quelques décennies, l’économiste n’a cessé de changer de statut. Cette évolution historique accompagne la professionnalisation et la spécialisation progressives de l’économie et l’aspiration chez les économistes, depuis la fin du XIXe siècle, au renforcement, sur le modèle de celui des sciences de la nature, du caractère scientifique de leur discipline. De la décennie 1960 aux années 2000, trois grandes postures de l’économiste se distinguent : celle du théoricien, celle de l’économètre et celle de l’ingénieur social de la politique économique. Au-delà des changements de rôle et d’époque, on note toutefois une permanence : la fonction de l’économiste comme conseiller du Prince. Désormais, la demande sociale d’analyses économiques s’élargit toujours davantage au-delà de celle, traditionnelle, de l’État. Cette évolution pourrait être le signe d’une réorientation significative des travaux des économistes.

Les étudiants en économie : égoïstes, mais honnêtes
American Journal of Economics and Sociology
Laszlo Zsolnai
Il est communément admis que les étudiants en économie se comportent de manière moins coopérative que leurs collègues d’autres disciplines. Une récente expérimentation est venue enrichir les analyses et les observations effectuées à ce propos. Elle suggère que les étudiants en économie se démarquent par leur comportement d’honnêteté. D’après Laszlo Zsolnai , il n’existerait pas de contradiction entre ces deux affirmations : les étudiants en économie se distinguent plutôt par une une forme particulière de comportement éthique, caractérisée par la préférence pour leur intérêt personnel et le respect des droits de propriété d’autrui.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

MATIERES PREMIERES
Une chronique de l’économie du pétrole sur un siècle : 1960- 2060
Responsabilité et Environnement
Pierre Radanne
Le secteur pétrolier se caractérise par un mode de fonctionnement cyclique. L’alternance des chocs et contre-chocs pétroliers au XXe siècle en est une bonne illustration. La probabilité d’occurrence d’un troisième choc pétrolier autour de 2015–2020 est d’ores et déjà envisagée. En effet, l’insuffisance des investissements de production combinée aux très faibles efforts de maîtrise de l’énergie ainsi que la hausse de la consommation énergétique dans les pays émergents sont aujourd’hui des facteurs qui laissent présager ce scénario. Cette nouvelle crise énergétique pourrait toutefois se résoudre selon des modalités assez semblables à celles des chocs pétroliers des années 1970. Les défis que poseront, en revanche, la phase de tension suivante, vraisemblablement entre 2040 et 2050 - provoquée cette fois par le passage à des ressources d’hydrocarbures non conventionnelles et les nécessités de la lutte contre l’effet de serre -, pourraient être d’une toute autre ampleur.

PROTECTION SOCIALE
Les fonds de retraite après la crise des années 2000
Conjoncture - BNP Paribas
Raymond Van der Putten
Suite à la crise financière des années 2000, qui s’est traduite par un effondrement des prix des actions et par la baisse des rendements, de nombreux régimes de retraite professionnels à prestations déterminées se sont trouvés sous-provisionnés. Les employeurs garants de ces régimes se sont alors retrouvés avec une charge financière importante. De ce fait et, renforcées par la révision des règles de comptabilité internationale, de nombreuses entreprises américaines et britanniques ont mis fin aux régimes de retraite à prestations définies et se sont lancées dans des régimes, moins coûteux, dits à contributions déterminées. Ces derniers sont beaucoup moins intéressants pour les futurs retraités car les revenus y sont incertains. L’auteur estime que dans les pays qui ont choisi un système de retraite par capitalisation, il est souhaitable d’améliorer les incitations pour que les employeurs demeurent impliqués dans les régimes de retraite professionnels.

FORMATION
Vingt ans de décentralisation de la formation professionnelle continue
Droit social
Didier Gelot
La décentralisation de la formation professionnelle continue a débuté il y a une vingtaine d’années. À la veille d’une nouvelle phase du processus de décentralisation, l’auteur tente de dresser un bilan des réformes successives de la formation professionnelle. Il apparaît que celles-ci se sont traduites par une perte relative en termes d’informations et une difficulté certaine à évaluer les effets du transfert aux régions de la formation professionnelle. Améliorer la mesure de ces impacts devrait être une des ambitions de la prochaine réforme. De la même manière, le législateur pourrait chercher à clarifier plus nettement, parmi les différents dispositifs, ce qui relève de la politique de l’emploi – qui doit rester du ressort de l’État – de ce qui relève de la formation proprement dite dont la compétence devrait être transférée aux conseils régionaux 

No 2.848
31 mars 2004

DOSSIER : L’EURO, UNE MONNAIE FORTE ?


Un euro fort : est-ce grave ?
Crédit agricole – Indicateurs
Pascal Blanqué
Après sa création, la monnaie unique a d’abord connu une période de faiblesse. Cette tendance s’est inversée à partir du début de l’année 2002. L’appréciation de l’euro est devenue particulièrement forte par rapport au dollar. Compte tenu du faible niveau des taux d’intérêt américain et du déficit de la balance des paiements outre-Atlantique, la force de la monnaie européenne est perçue comme une tendance plutôt inévitable. L’auteur souligne que malgré les craintes d’un effet dépressif sur la croissance européenne, l’appréciation de l’euro ne fait que ramener le taux de change euro- dollar à sa moyenne historique. Par ailleurs, la Banque centrale européenne, même si elle n’a pas d’objectif de change, dispose d’instruments pour contrer les variations de l’euro. De plus, il est tout à fait envisageable que les flux de capitaux à long terme vers les Etats-Unis redémarrent avec le retour de la croissance américaine.

L’euro à 1,40 dollar : les conséquences pour l’UEM
Euro économie –Société Générale
Véronique Riches-Flores
L’appréciation de l’euro dure maintenant depuis deux ans. Elle est la plus marquée par rapport au dollar, mais concerne également la devise japonaise. Les conséquences négatives de cette appréciation se font déjà sentir : repli des marges, baisse des prix et des volumes à l’exportation et, finalement, pertes de parts de marché, estimées à environ 8 %. Une appréciation de l’euro qui irait jusqu’à 1,40 dollar entraînerait des pertes supplémentaires de l’ordre de 5 à 7 %. Plus globalement, l’appréciation continue de l’euro aurait des conséquences dépressives marquées sur l’économie européenne, comme le souligne la présente étude. Compte tenu du caractère incompressible du taux de marge des entreprises au-delà d’un certain seuil, le risque est grand d’un ajustement sur leurs coûts (emploi et investissements). Les prévisions de croissance pour 2004 pourraient ainsi être hors de portée…

Et si la BCE intervenait ?
Flash – CDC IXIS
Patrick Artus et Jérôme Teïletche
Face à la forte appréciation de la monnaie unique, certains observateurs préconisent une réaction de la Banque centrale européenne, notamment l’intervention sur le marché des changes. En effet, de telles interventions sont utilisées par les banques centrales des principaux pays industrialisés, car, malgré l’abandon du système de Bretton Woods, celles-ci n’ont jamais véritablement renoncé à gérer plus ou moins activement la valeur de leur monnaie. L’impact réel des interventions de change est cependant incertain. La littérature académique et l’expérience historique suggèrent que la BCE ne devrait pas procéder à des interventions non coordonnées avec les Etats-Unis. Cependant, ces derniers n’ont actuellement aucun intérêt économique à une telle coordination. Les auteurs de l’article concluent que la BCE devrait alors agir seule. Deux possibilités s’offrent à elle : une intervention non- stérilisée, se soldant par un assouplissement monétaire ou - ce qui serait finalement plus simple et plus direct - une baisse des taux.

L’euro et les dysfonctionnements du système monétaire international
Handelsblatt
Entretien de Torsten Riecke avec Robert Mundell
Robert Mundell, considéré par certains comme le père spirituel de l’euro, estime que les pays industrialisés devraient lutter plus activement contre les fluctuations de change, notamment par des interventions et des accords de stabilisation entre les trois grands espaces monétaires internationaux. Si, par ailleurs, Mundell confirme la réussite du lancement de la monnaie unique, il insiste sur le fait que l’euro reste pour l’instant impuissant face au dollar, parce que les Etats-Unis peuvent manipuler le taux de change de leur monnaie en fonction des évolutions conjoncturelles de leur économie nationale. Enfin, Robert Mundell revient sur le Pacte de stabilité qu’il juge nécessaire mais pas suffisamment flexible.

Pourquoi l’euro n’est pas près de remplacer le dollar
L’Economie politique
Benjamin J. Cohen
Si la création de l’euro a été motivée par la volonté de développer un sentiment d’identité collective afin de contribuer au projet d’intégration européenne, une autre ambition fut également présente: accroître le rôle de l’Europe sur la scène mondiale en créant un puissant rival au dollar. Cinq ans après la création de l’euro, cette deuxième ambition est loin d’être atteinte : le dollar domine toujours comme moyen d’échange sur le marché des devises ; il reste la monnaie de référence pour le commerce mondial ainsi que comme réserve de valeur. Ce constat n’est guère étonnant, comme nous l’expose l’auteur. Quatre raisons expliquent selon lui la médiocre performance de l’euro : l’inertie persistante qui caractérise tout comportement monétaire, le coût des opérations monétaires, la tendance « anti-croissance » inhérente à l’Union économique et monétaire et, enfin, le manque de clarté de la structure de gouvernance de l’UEM.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

MARCHE DU TRAVAIL
Le conseil en management : une « seconde école » ?
Travail et Emploi
Yannick Fondeur et Catherine Sauviat
Comment fonctionne le secteur du conseil en management ? Qui y travaille et comment ? Telles sont les questions auxquelles les auteurs tentent de répondre. Ce secteur recrute essentiellement des jeunes issus des grandes écoles. Ces derniers acquièrent leurs compétences dans le secteur du conseil à travers des missions effectuées chez différents clients. L’entrée dans cette profession est souvent vécue comme une sorte de prolongement de la scolarité. Si bien que, l’âge moyen des consultants dépasse rarement trente ans. La pression exercée par la hiérarchie sur eux est telle que le turn over de la main-d’œuvre est très élevé. Les règles informelles du culte de la performance pouvant être résumées par l’expression up or out prévalent. Elles ne relèvent ni d’un « marché interne », ni même d’un « marché professionnel », mais sont plutôt liées au « marché de la compétence » ; un marché qui tend à se développer de plus en plus au-delà du secteur du conseil en management.

DEVELOPPEMENT
Le rôle des institutions dans le développement
Finances et Développement
Daron Acemoglu
Les principaux facteurs explicatifs des écarts de développement entre nations sont les conditions géographiques et les institutions. A propos des premières, les analyses historiques montrent de formidables renversements de situations. Les sociétés héritières de civilisations parmi les plus riches vers 1500 sont aujourd’hui, parmi les plus pauvres au monde et beaucoup moins développées que celles de pays situés, par exemple, sur les territoires d’anciennes civilisations moins avancées au XVIe siècle en Amérique du Nord ou en Océanie. En réalité, la géographie ne condamne pas davantage un pays à la pauvreté qu’elle ne garantit sa réussite économique. Les institutions jouent ainsi un rôle déterminant. L’étude des stratégies coloniales confirme, en effet, que dans les colonies où les Européens se sont installés en masse et ont mis en place de « bonnes » institutions protégeant leurs intérêts, celles-ci, propices à l’investissement et à la croissance, ont permis à des zones géographiques peu développées avant l’époque moderne de connaître par la suite un formidable essor économique.

SCIENCE ECONOMIQUE
Pouvoir et prospérité des nations : l’analyse de Mancur Olson
IDEES
Claude Bordes
Dans l’ultime ouvrage qu’il publia, Mancur Olson a livré une sorte de testament intellectuel dans lequel il présente de façon synthétique l’essentiel de sa pensée. Il a cherché, tout au long de son oeuvre, en sa qualité d’économiste politique et en mettant au service de ses recherches les travaux des historiens et des politologues, à comprendre pourquoi certaines nations s’enrichissent tandis que d’autres restent pauvres. Pour lui, le rôle du pouvoir dans le développement des sociétés est fondamental. A cet égard, le régime démocratique, en assurant l’existence des libertés économiques et de la paix - qui sont autant de biens publics indispensables au développement -, offre les meilleurs conditions de garantie de la prospérité des nations.

No 2.849
14 Avril 2004

DOSSIER : QUELLE GOUVERNANCE ECONOMIQUE POUR L' EUROPE ELARGIE ?

Le cinquième élargissement marque - t – il la fin de la transition économique postsocialiste ?
Reflets et Perspectives de la vie économique – Bruxelles (Belgique)
Wladimir Andreff
Il est tentant de voir dans l'entrée, le 1er mai 2004, des Pays d'Europe centrale et orientale dans l'Union européenne l'achèvement du processus de transition vers l'économie de marché qui a débuté il y a treize ans. L'auteur conteste cette analyse et considère, qu'au-delà de l'aspect symbolique, cet événement ne constitue pas la fin de la transition économique postsocialiste. Les huit PECO vont de toute façon vivre une phase transitoire et devront parcourir une seconde transition qui les ménera du jour de l'adhésion à celui du plein bénéfice de tous les avantages déjà acquis par les anciens États membres. On peut considérer en définitive que la transition sera totalement achevée lorsque auront disparu certains processus typiques de la transition. Si on ajoute à cela la prise en compte des critères de rattrapage du niveau de développement et de changement institutionnel, la date de fin de la transition se situerait pour les PECO les plus avancés vers 2020.

Union européenne à 25 : quel budget ? Pour quelles politiques communes ?
Sociétal

Jean Pisani-Ferry
La construction européenne s'est réalisée progressivement grâce à un compromis entre les partisans de deux modèles rivaux d'intégration, celui de la souveraineté collective et celui de la concurrence entre États. L'échec des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe montre que cette alliance est aujourd'hui épuisée. Il est certain que l'élargissement de l'Europe à 25 fait tendre de façon naturelle l'Union européenne vers le modèle d'un ordre concurrentiel. Quoiqu'il en soit, il devient désormais urgent que les États membres définissent le modèle de gouvernance économique et sociale qui favorisera la résolution des difficultés auxquelles l'UE fait aujourd'hui face et qui rendra possible demain le fonctionnement d'une Europe élargie.

Concurrence entre Etats ou souveraineté collective ?
Politique internationale

Jean-Jacques Rosa
Les caractéristiques économique, politique et démographique de l'Union européenne à 25 pourraient en faire un État de dimension continentale en mesure de rivaliser avec les États-Unis ou la Russie. L'auteur considère toutefois qu'aujourd'hui, poursuivre dans cette voie et plus précisément dans celle de la constitution d'un grand État fédéral, conduirait les pays européens dans une impasse. Selon lui, les conditions de l'environnement économique, politique et organisationnel du début du XXIe siècle ne seraient plus favorables à la construction d'État de ce type. Dans ce contexte, l'élargissement de l'UE le 1er mai 2004 n'irait guère dans le sens de l'histoire.

Politique économique : de la nécessité d'une Europe différenciée
La Lettre de l'OFCE

Eloi Laurent et Jacques Le Cacheux
Avant même un élargissement qui ne fera qu'accroître les différences, l'Union européenne, à l'occasion des travaux de la Conférence intergouvernementale (CIG) d'octobre 2003, est réapparue très hétérogène. Que l'on considère le respect des règles budgétaires imposées par le Pacte de stabilité et de croissance ou les conséquences de la politique monétaire commune au sein de la zone euro, les intérêts stratégiques et les situations macroéconomiques, des « grands » et des « petits » pays sont, pour des raison structurelles, divergents. Dans une Europe élargie, au sein de laquelle le poids des « petits » États va augmenter, l'adoption d'une gestion macroéconomique différencié s'impose de plus en plus comme une nécessité.

Les déterminants du taux d'épargne en question
Revue d'économie politique

Karine Berger et Aurélien Daubaire

La baisse du taux d'épargne des ménages observées dans la plupart des pays de l' OCDE depuis la début de la décennie 1980 a suscité de nombreuses études économétriques sur séries temporelles qui, par définition, ne tiennent pas compte des tendances de fonds comme les évolutions démographiques ou celles des soldes publics. Afin de mieux cerner l'évolution de cette épargne, les auteurs mettent en avant des déterminants à moyen terme communs aux comportements d'épargne des ménages des pays de l'OCDE (le solde des finances publiques, la structure démographique, l'inflation, le taux d'intérêt réel et le taux de chômage) et valident l'existence d'un effet néo – ricardien, d'un effet démographique sur les décisions d'épargne des ménages ainsi que d'un effet d'encaisse réelles liées à l'inflation. Les auteurs reviennent sur l'évolution atypique du taux d'épargne des ménages français depuis plus de 10 ans. En effet, depuis la fin des années 1980, le taux d'épargne de ces derniers remonte alors qu'il continue à reculer dans l'ensemble des pays de l'OCDE. Des pistes explicatives comme l'aggravation du déficit public sur la période sont avancées. Elles restent toutefois insuffisantes pour expliquer l'évolution des comportements des français en la matière.

Les groupes religieux extrémistes sont – ils rationnels ?
The Economist
Depuis quelques années, les groupes religieux extrémistes font régulièrement la une de l'actualité. Si la sociologie a abondamment étudié les motivations de ces structures radicales et de leurs membres, l'économie propose désormais des analyses originales des mobiles qui peuvent parfois conduire les affidés à ces sectes et mouvements religieux fondamentalistes à accomplir des actes d'une extrême violence. Une étude récente d'un chercheur américain de l'université de Californie à San Diego montre ainsi que l'approche économique peut apporter un éclairage intéressant sur les modes de fonctionnement de ces groupes et sur la manière dont l'État peut efficacement lutter contre les activités et l'influence néfaste pour la société des groupes les plus radicaux.

La création d'entreprise par les jeunes diplômés vécue comme un jeu
Humanisme et entreprise

Alain Fayolle, Allen Vernier et benjamin Djiane
Tous les acteurs s'accordent aujourd'hui qu'il est nécessaire d'encourager et de faciliter l'entreprenariat chez les étudiants et les jeunes diplômés. Le phénomène reste néanmoins encore peu analysé. Une étude basée sur des entretiens semi-directifs révèle que l'âge joue le rôle de stimulateur principal, car la création d'entreprise se distingue surtout par sa forte dimension ludique. L'action d'entreprendre est ainsi vécue comme un vecteur d'apprentissage et appréciée à cause de sa rupture avec le réel.

La réduction des conges maladie en Suède: une réforme contestée
Chronique internationale de l'IRES

Annie Jolivet
La part des salariés en congé maladie était en Suède, dans la seconde moitié des années quatre-vingt, une des plus élevées d'Europe. Au cours de la décennie suivante, le régime d'indemnisation des congés maladie a été modifié à plusieurs reprises. Alors que jusqu'en 1997 le nombre de personnes en congé maladie avait régulièrement diminué, à partir de 1998 celui – ci s'est mis à nouveau à augmenter fortement. La progression du coût des congés maladie qui a résulté de cette hausse a conduit la gouvernement à proposer une réforme qui, bien que vivement contestée par les partenaires sociaux, est entrée en vigueur en 2003.
No 2.850
28 avril 2004

DOSSIER : L’éducation face aux défis économiques


L’économie de l’éducation : méthodologies, constats et leçons
CIRANO - Série scientifique
Marcelin Joanis
L’économie de l’éducation est un champ de recherche en pleine expansion. Elle a une variété de méthodologies, notamment dans le domaine des techniques microéconométriques. Les dernières recherches soulignent la variabilité des rendements de l’éducation et le risque associé à un sous-investissement en capital humain. Les politiques publiques qui visent à remédier à ces problèmes portent, entre autres, sur la question des frais de scolarité ou sur celle de la fourniture de « bons » d’éducation, mais concernent également la contribution financière parentale ou de la discrimination positive.

Les coûts du système éducatif
Haut Conseil de l’évaluation de l’Ecole
Jean-Claude Hardouin, André Hussenet, Georges Septours (avec la collaboration de Norberto Bottani)
Depuis un quart de siècle, les dépenses publiques allouées au système éducatif progressent plus vite que le PIB. L’État est le principal financeur, mais les collectivités territoriales sont de plus en plus impliquées. Tous les niveaux – primaire, secondaire, supérieur – ont profité de cette hausse, mais c’est dans le premier degré que l’augmentation des dépenses par élève est sur trente ans la plus forte. Comparativement, la France dépense plus pour l’éducation que la plupart des pays de l’OCDE. Le budget de l’éducation nationale, dont l’essentiel est constitué par des dépenses de personnel, est le premier budget de l’Etat.

Une performance du système éducatif aujourd’hui moins satisfaisante
Conseil d’analyse économique
Philippe Aghion, Élie Cohen
La contribution du système éducatif à la croissance peut se mesurer à travers l’analyse de la performance en matière de productivité et d’innovation. Pour la France, le constat est peu rassurant car on observe une croissance de la productivité déclinante et une détérioration en termes d’innovation. L’étude de la performance reste cependant incomplète, si elle ne prend pas également en considération l’impact des inégalités face à l’école. En effet, s’il existe un arbitrage entre efficacité et égalité, un certain déficit de performance dans une dimension (l’efficacité) pourrait ainsi s’interpréter comme la contrepartie de bonnes performances dans une autre (la lutte contre les inégalités).

Comment analyser la construction de la qualité éducative ?
Colloque « Conventions et Institutions », Paris X- Nanterrre
Franck Bailly, Elisabeth Chatel
La question de la qualité de l’éducation est en vogue. Peu de théories sont pourtant en mesure d’aborder les aspects de la qualité dans leur globalité. Dans la conception substantialiste, c’est-à-dire le courant qui considère que les caractéristiques du produit éducatif sont objectivement inscrites dans celui-ci, la qualité se traduit, par exemple, par une productivité plus importante (théorie du capital humain) ou par les caractéristiques propres de l’individu (théorie du filtre). Ces théories substantialistes n’expliquent cependant pas l’origine de la qualité. Le courant conventionnel répond à cette question. Selon cette conception, la qualité de l’éducation est un facteur endogène.

L’université doit-elle toujours être gratuite ?
Regards économiques - IRES
Vincent Vandenberghe
Le modèle général de financement de l’Université garantie la quasi- gratuité durant les études en contrepartie de taux d’imposition relativement élevée dès l’entrée sur le marché du travail. Si ce système a fait ses preuves, il faut s’interroger sur sa pérennité. Il doit en particulier répondre à deux défis. Le premier concerne la concurrence grandissante des secteurs dépendant d’un financement public. Le deuxième est la mobilité croissante des étudiants se soldant par un prêt implicite financé par la fiscalité locale. Des systèmes de financement alternatifs doivent être envisagés comme, par exemple, celui d’un système de prêts étudiants généralisé mis en place et supervisé par les pouvoirs publics.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

MARCHE DU TRAVAIL
Les discriminations raciales sur le marché du travail français
Confluences méditerranée
Mouna Viprey
Trente ans environ après la décision du gouvernement français de « suspendre » l’entrée de nouveaux travailleurs étrangers sur son territoire, la question de l’immigration reste une des plus controversées du débat public. Si, au contraire de certains pays anglo-saxons, il n’existe pas en France de statistiques ethniques, on y assiste néanmoins à un décalage entre la perception sociale de l’immigration et sa définition juridique légale. Cette situation conduit, notamment sur le marché du travail, à la stigmatisation comme immigrés des jeunes d’origine étrangère dont la plupart sont pourtant français.

HISTOIRE MONETAIRE
La révolution de la carte de crédit
Fortune
Katrina Brooker
L’invention, dans les années 1950 aux Etats-Unis, de la carte de crédit a constitué une véritable révolution. Au cours de la décennie suivante, la plupart des banques américaines ont adopté ce système. Cette innovation, en facilitant la consommation, a eu des répercussions considérables sur l’économie. Mais avec l’apparition de la fraude et des défauts de paiement, les banques ont rapidement enregistré des pertes considérables. Grâce à l’informatique, le système de la carte de crédit est devenu, à la fin des années 1970, plus sûr et plus rapide et a ainsi pu connaître un formidable essor. Aujourd’hui, le progrès technologique offre à l’industrie des cartes de paiement de nouvelles perspectives de développement.

MACROECONOMIE
L’histoire du PIB
Enjeux – Les Echos
Jacques Marseille
Devenu, en quelques décennies l’indicateur phare de la richesse et des performances d’un pays, le produit intérieur brut est – il toujours adapté à nos sociétés post - industrielles ? Telle est la question que soulève l’historien Jacques Marseille. En effet, en additionnant des activités générant des flux monétaires quelle que soit leur nature et quel que soit leur impact sur le bien être des individus, le PIB apparaît en décalage par rapport à la conception moderne du progrès. Les premières estimations du revenu national remontent au 17e siècle. Des comparaisons entre les niveaux de richesses de différents pays vont ensuite voir le jour. Il faut attendre la fin des années 1930 pour qu’apparaisse l’expression « produit intérieur brut ». A quand un indicateur de « bien être national brut » qui tiendrait compte de la production domestique et qui serait corrigé des activités polluantes et plus largement nuisibles ?

MARCHES FINANCIERS
Le temps et la valeur des entreprises : le cas des offres publiques
Revue de la Concurrence te de la Consommation
Patricia Charlety-Lepers
La méthode d’analyse financière des « études d’événements » permet de mesurer la création de valeur pour les entreprises impliquées dans des prises de contrôle, ainsi que pour leurs concurrents. Les opérations horizontales, qui font plus particulièrement l’objet de l’article, créent davantage de valeur que les autres opérations de fusions acquisitions. Cependant, l’analyse ne permet pas de déterminer de façon précise l’origine du gain réalisé. En effet, l’entreprise peut voit sa valeur boursière augmentée pour différentes raisons. Selon les cas, le marché anticipe une amélioration de l’efficacité productive ou un accroissement du pouvoir de marché.
No 2.853
9 juin 2004

L' économie allemande est-elle en déclin ?

Circulations migratoires : nouvelles dynamiques des migrations
Présentation du dossier
Aspects généraux
- Immigration dans la zone OCDE : un panorama à multiples facettes
- Les pays de l’Union européenne face aux nouvelles dynamiques des migrations internationales.
Ampleur des migrations et caractéristiques des migrants, suivi d’un commentaire :
Deux ou trois idées non reçues sur les migrations
- Les limites de l’approche statistique des circulations migratoires. Le système statistique français
Quelques exemples
- Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration
- Les Tamouls du Sri Lanka dans la région parisienne. L’emprise du politique
- L’expérience des vendeurs migrants sur le marché de Vintimille
Connaissances nouvelles et perspectives
- Quand la recherche française investit les circulations migratoires

No 2.854
23 juin 2004

DOSSIER : Peut-on parler d’une entreprise européenne ?


L’évolution des modèles de gouvernance des entreprises en Europe
L’Option de confrontations Europe
Roland Pérez
L’Europe se caractérise par une diversité de modèles de gouvernance d’entreprises. Chacun d’entre eux renvoie à des zones géographiques ou pays particuliers. L’auteur dresse un panorama des pratiques en vigueur. Il reste que les transformations profondes des économies et des sociétés européennes au cours des quinze dernières années ont modifié les modèles de gouvernance. Porté par l’euphorie financière de la fin du XXe siècle, le modèle boursier, c’est-à-dire régulé par les marchés financiers, s’est ainsi propagé dans l’ensemble des pays européens. Mais la crise financière de mars 2000, combinée aux affaires de manipulations comptables, ont eu pour effet d’atténuer, voire de remettre en cause, le système boursier de gouvernance d’entreprise. L’auteur estime que la disparité actuelle des dispositifs nationaux de gouvernance d’entreprise est nuisible. Aussi, une harmonisation des systèmes de gouvernance d’entreprises s’impose-t-elle.

Dissolution de l’entreprise européenne dans l’internationalisation
Flash CDC IXIS
Patrick Artus
L’entreprise européenne se définit en généralement par opposition à l’entreprise anglo-saxonne selon des critères comme la rentabilité et la prise de risque, ou encore la gestion à moyen terme de la main-d’œuvre et des investissements. Que reste-t-il du modèle de l’entreprise européenne ? Certes, le rendement du capital est plus faible en Europe continentale (France, Allemagne) que dans les pays anglo-saxons (Etats-Unis et Grande-Bretagne). De même, les investissements en nouvelles technologies sont moindres dans les deux pays du vieux continent qu’aux Etats-Unis et en Grande- Bretagne. Il n’empêche, face à l’importance du mouvement d’internationalisation des échanges, des centres de production, de l’emploi et du capital des entreprises, la distinction généralement admise entre le modèle de l’entreprise européenne et celui de l’entreprise anglo-saxonne doit être dépassée. Patrick Artus n’hésite pas à avancer que le modèle de l’entreprise européenne n’existe déjà plus et le mouvement à l’œuvre est tel qu’il a peu de chances de renaître. L’auteur présente de nombreux indicateurs étayant cette thèse.

Le modèle européen de capitalisme n’est pas en perte de vitesse
Prisme – Centre Saint-Gobain
Bruno Amable
Les différents modèles de capitalisme ne sont pas figés. Ils se modifient en fonction à la fois de leur propre dynamique et des évolutions de leur environnement. Les modèles, qui sur longue période enregistreraient des performances inférieures à d’autres, seraient-ils pour autant condamnés à disparaître, s’interroge Bruno Amable. D’après le rapport Sapir, l’Union européenne souffrirait de mauvaises performances par rapport aux Etats-Unis. Dans un contexte de mondialisation croissante, le modèle européen apparaît dépassé. Dans ce cadre, des réformes institutionnelles et organisationnelles favorisant la flexibilité et, plus largement, la concurrence s’imposeraient. Au contraire, Bruno Amable montre qu’il n’existe pas de supériorité écrasante du modèle néolibéral lorsque l’on regarde de près les niveaux relatifs de PIB par heure travaillée ou le processus de rattrapage du niveau de développement des Etats-Unis. Par ailleurs, les performances des Etats-Unis ne doivent pas être confondues avec celles du modèle néolibéral.

La « Société européenne » : un nouvel atout pour les entreprises et pour l’Europe
Fondation Robert-Schuman
Etienne Mathey
Dès le 8 octobre 2004, les entreprises exerçant leur activité en Europe pourront se constituer en Société européenne ou SE. Les avantages de l’adoption d’un tel statut ne sont pas négligeables. Ainsi, du fait d’une plus grande sécurité juridique, les opérations transfrontalières devraient s’en trouver renforcées. Par ailleurs, l’avènement du statut de SE constitue un progrès politique pour l’Europe. Il fait avancer l’idée d’une nationalité européenne et souligne la forte complémentarité existante entre l’échelon réglementaire de l’Union européenne et celui de chaque État membre.

MONNAIE ET FINANCE
Les nouvelles technologies financières de gestion des risques
The Economist
Robert Shiller
Quelle relation existe-il entre la finance, l’assurance et le bien-être social ? Robert Shiller met en avant les liens étroits qui peuvent exister entre ces deux secteurs d’activité et ce critère de l’état de satisfaction sociale d’une population. D’après l’auteur, nos économies disposent de technologies financières leur permettant de faire face à des risques économiques croissants. Des instruments permettant de se couvrir contre le risque de change ou d’évolution des prix de matières premières fonctionnent déjà. Demain, le progrès technique sera tel que chaque individu pourra se couvrir contre des risques très personnalisés comme la perte d’emploi ou de logement… L’auteur dresse l’état des lieux des techniques novatrices de gestion des risques qui pourraient dans un futur proche avoir des retombées importantes.

ENTREPRISES ET MARCHES
Le secteur des télécommunications surfe-t-il de bulle en bulle ?
Revue de l’OFCE
Mathieu Plane
La diffusion rapide de la téléphonie mobile (GSM) et le développement de l’internet à partir de la seconde moitié des années quatre-vingt-dix ont été à l’origine de la formation d’une gigantesque bulle financière. Le dégonflement de celle-ci s’est soldée par une grave crise du secteur des télécommunications. L’auteur se penche sur les facteurs qui ont conduit à une telle valorisation financière des entreprises de télécommunications et, par la suite, à un tel retournement. Certes, les entreprises de télécommunications continuent à supporter les coûts de l’effondrement des marchés. Il reste que, au fur et à mesure que la situation des opérateurs s’améliore, le risque de voir se former une nouvelle bulle - même de moindre ampleur - n’est pas à négliger.

ECONOMIE ETRANGERE
Japon : évaluation des politiques en faveur de l’égalité hommes- femmes au travail
Chronique internationale de l’IRES
Misako Arai et Sébastien Lechevalier
L’inégalité au travail entre hommes et femmes est un phénomène très répandu. Toutefois, il semblerait exister une spécificité japonaise. Le différentiel de salaire selon le sexe, indicateur privilégié de l’inégalité hommes-femmes, est particulièrement marqué au Japon par rapport à d’autres pays. Un décrochage entre la progression du salaire des hommes et des femmes apparaît à partir de la tranche d’âge 30-39 ans. Les femmes représentent moins de 9 % des cadres au Japon au milieu des années quatre-vingt-dix contre 33% au Royaume-uni et plus de 40 % aux Etats-Unis. Au cours des vingt dernières années, des politiques spécifiques ont été mises en place par les pouvoirs publics pour pallier cette situation. Quels ont été les impacts des lois de 1985 et de 1997 ? L’évolution de la situation des femmes japonaises sur le marché du travail est davantage à mettre sur le compte de l’évolution de ce marché que sur celui des politiques de promotion de l’égalité entre les sexes.

 No 2.855
7 juillet 2004

DOSSIER : L'intégration régionale au service de la mondialisation


Mondialisation et régionalisation : les cas de l'Europe et de l'Asie de l'Est
Cepremap
Pascal Petit
L'internationalisation des économies développées est marquée dans la période contemporaine par le développement de processus d'intégration régionale. L'auteur se propose d'identifier grâce à une analyse méso-économique deux idéaux types de construction régionale : celui de l'Europe et celui de l'Asie de l'Est. Les différences fondamentales, mais également les points communs dans l'émergence et l'évolution de ces deux modèles, sont mis en évidence. La transformation de ces blocs régionaux en structures hybrides est fortement liée aux chocs extérieurs et aux pressions qu'exercent sur leurs membres l'environnement international.

Libéralisation commerciale et régionalisme : le cas des Amériques
Economie internationale
David Roland-Holst et Dominique van der Mensbrugghe
La comparaison empirique des effets de la zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) avec ceux d'un processus global de libéralisation est riche d'enseignements. Les auteurs montrent qu'au niveau macroéconomique, la libéralisation multilatérale procure, en général des gains supérieurs à celle qu'on mène au niveau régional. Comment comprendre alors l'engouement actuel pour le régionalisme ? Il pourrait s'expliquer à la fois par la grande incertitude qui entoure les négociations multilatérales et par le sentiment que les risques de la libéralisation sont moins élevés dans le cadre d'accords régionaux. Par ailleurs, aux vues des résultats de l'analyse, l'idée selon laquelle la libéralisation régionale favoriserait l'adaptation de certains pays à la globalisation ne semble guère pertinente.

ALENA : dix ans après, le libre-échange toujours en procès
The Economist
L'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a dix ans. Si ses détracteurs furent nombreux lors du lancement du projet, force est de constater, une décennie plus tard, que leur nombre n'a guère diminué et que la controverse reste vive. D'ailleurs, l'accord reste aujourd'hui impopulaire dans les trois États signataires. Pourtant, pour le Mexique, dont le cas est le plus intéressant dans la mesure où avant l'ALENA l'économie y était presque complètement fermée, les études montrent que le pays a largement tiré profit de l'accord. Quant aux États-Unis, les craintes les plus vives portaient sur la disparition d'emplois. Or, entre 1994 et 2000, l'économie américaine a créé plus de 2 millions par an. Et si un certain nombre d'emplois ont disparu dans le secteur industriel, l'ALENA ný a qu'une responsabilité limitée. Enfin, au Canada, les inquiétudes étaient liées à une éventuelle remise en cause du système de protection sociale. Mais dix ans après l'entrée en vigueur de l'accord, le modèle canadien demeure très différent de celui des États-Unis.

L'intégration régionale en Afrique est-elle au service du développement ?
Cahier de politique économique
Andrea Goldstein
L'intégration régionale n'est pas un fait nouveau sur le continent africain. C'est en effet en Afrique australe que se trouve la plus ancienne union douanière du monde. Cependant, les nombreuses expériences qui ont été conduites par les États africains en matière de régionalisme économique ont, pour la plupart, abouti à des échecs. Aujourd'hui, l'intégration régionale sur le continent noir, en instaurant la confiance, devient un instrument de promotion de l'investissement privé. On peut espérer que l'harmonisation régionale des politiques économiques et la mise en œuvre de projets d'infrastructures communs permettent une meilleure insertion des pays africains dans l'économie mondiale, un accroissement des flux de capitaux et la stimulation des échanges entre les États du continent.

L'OMC face au nouveau régionalisme économique
Cahiers de recherche - CEIM
Christian Deblock
En juillet 2003, seuls trois membres de l'OMC -Macao Chine, la Mongolie et le Taipei chinois- n'étaient pas liés à un accord commercial régional (ACR). Au cours des dernières années, Les ACR se sont multipliés. Les analyses de leurs conséquences sont partagées. Si d'aucuns s'inquiètent de l'ampleur du phénomène, parce qu'ils considèrent que ces groupements régionaux mettent en danger le système commercial multilatéral, d'autres estiment au contraire qu'ils peuvent le soutenir. L'OMC, qui autorise dans certaines conditions la conclusion d'ACR, n'en est pas moins soucieuse des risques associés au nouveau régionalisme et a mis en place, dans le seconde moitié des années 1990, un comité chargé d'examiner les groupements régionaux et leur conformité avec les règles du commerce multilatéral

MARCHE DU TRAVAIL
La productivité des salariés âgés : une tentative d'estimation
Economie et statistique
Patrick Aubert, Bruno Crépon
En moyenne, les salaires augmentent avec l'âge, mais est-ce que des salaires plus élevés correspondent à une productivité plus élevée ? Les auteurs du présent article tentent de répondre à cette question. Leur étude suggère que la productivité des salariés croît avec l'âge jusqu'à 40 ans, avant de se stabiliser. En particulier, il n'apparaît pas d'écart marquant entre salaire et productivité, si ce n'est aux âges les plus avancés (plus de 55 ans). Ces résultats restent néanmoins assez peu précis, car l'estimation contient au moins deux biais : les salariés âgés sont plus nombreux dans les entreprises anciennes et peu efficaces et ils représentent une partie de la main-d'œuvre qui s'ajuste moins rapidement aux chocs de productivité.

MANAGEMENT
France-Allemagne : management interculturel, gérer les incidents critiques
Regards sur l'économie allemande
Christoph Barmeyer
Pour des raisons objectives et subjectives, les économies de la France et de l'Allemagne sont particulièrement proches. Coûts de production et d'investissement en France attractifs pour les entreprises allemandes, taille du marché allemand adaptée à leurs homologues françaises, curiosité et intérêt pour le mode de vie de l'autre, tout cela a contribué à un niveau de rapprochement économique exemplaire. Malgré cette proximité, les malentendus franco-allemands persistent. La vie des entreprises en offre de nombreux exemples. Rarement dus aux différences de stratégies ou d'objectifs, ces malentendus s'expliquent le plus souvent par l'incompréhension des systèmes de valeurs et d'interprétation de l'autre.

RELATIONS ECONOMIQUES EXTERIEURES
Les pays partenaires du processus de Barcelone et leurs relations avec la zone euro
Bulletin mensuel de la BCE
Le processus de Barcelone vise à établir à partir de 2010 une zone de libre-échange entre l'Union européenne et plusieurs pays méditerranéens. Ces derniers sont loin d'être homogènes mais ils possèdent quelques points communs : les systèmes financiers sont partout centrés sur les banques, l'environnement monétaire est de plus en plus stable et, dans la plupart des pays, les services prennent une place croissante. Si, par ailleurs, les échanges intra-zone restent à un faible niveau, la région est très orientée vers l'UE : en moyenne, le commerce extérieur avec cette zone représente 40 % des échanges totaux. Mais malgré une intensification des relations politiques, les échanges semblent avoir atteint un palier.
No 2.857
1er septembre 2004

DOSSIER : Les approches économiques de la guerre


Le marché des entreprises du secteur de la défense
Kyklos
Keith Hartley et Todd Sandler
Le secteur de l’aérospatial et de l’électronique de part et d’autre de l’Atlantique a connu des mouvements de fusions-acquisitions sans pareil au cours de la décennie quatre-vingt-dix. Le mouvement de concentration s’est traduit par une forte augmentation de la taille des entreprises du secteur. La prédominance américaine en termes de taille et de productivité est manifeste. En revanche, les auteurs observent qu’en 2001, la part des dépenses en investissements et recherche et développement rapportées aux ventes des européens dépassait celle des américains. Quels seront les contours de ce secteur dans cinquante ans ? Assurément, les nouvelles technologies auront un impact non négligeable sur les industries du secteur de la défense. Les restructurations industrielles se poursuivront. Elles engendreront de nouvelles formes d’organisation industrielle. L’entreprise du futur pourrait ressembler à une société multinationale approvisionnant les marchés mondiaux et dont les fournisseurs seraient situés au quatre coins du monde. A l’heure actuelle, le marché européen de la défense reste inefficient. En effet, la préférence donnée à l’indépendance nationale plutôt qu’à l’action collective génère des coûts importants. Les auteurs estiment que la mise en place d’une zone de libre-échange entre des Etats-membres de l’OTAN, permettrait d’accroître la concurrence et la production à grande échelle. Des économies non négligeables pour les entreprises américaines et européennes les plus en pointe pourraient ainsi en découler.

L’industrie française de matériel militaire terrestre
Défense nationale
Christian Schmidt
Face à la puissance américaine, le secteur de l’armement terrestre européen et, plus précisément français, est en proie à de sérieuses difficultés. Ce secteur recouvre des filiales de grands groupes de l’industrie aéronautique et spatiale comme EADS, Eurocopter et MBDA, de l’informatique avec Thales et Sagem ; mais aussi des unités exclusivement consacrées à la fabrication de matériel terrestre comme Giat industries ou bien encore tout le réseau de PME sous-traitantes. Au total, le chiffre d’affaires du secteur a reculé de plus de 40% sur les dix dernières années. Pour pallier ce déclin, l’auteur suggère une spécialisation européenne par type de matériel avec une redistribution des spécialisations plus fines par fonction selon les compétences respectives de chaque Etat ou groupe industriel. Enfin, face à la percée américaine sur le Vieux Continent, la position européenne - affrontement ou coopération - devrait être clarifiée.

Causes et conséquences des guerres civiles
Ecodef
Vincent Médina
L’analyse des causes et des conséquences économiques des guerres civiles facilite la compréhension des mécanismes à l’origine des conflits et, partant, des politiques économiques, de prévention et de gestion des crises qui peuvent être mises en œuvre. L’auteur recense à travers la littérature économique l’ensemble des causes économiques pouvant favoriser les conflits. On apprend, notamment, que la pauvreté est un facteur qui accroît la probabilité de déclenchement d’un conflit. Aussi, toutes les politiques économiques visant à améliorer la croissance et donc la richesse d’un pays participent- elles à la prévention des crises. L’article livre des résultats démontrés et majoritairement admis par la communauté scientifique.

Le prix de la paix
The Economist
Dans leur dernière étude, Paul Collier et Anke Hoeffer, chercheurs au Centre for the Study of African Economies à l’université d’Oxford, listent quelques grandes mesures visant à réduire le coût exorbitant des guerres civiles. En effet, celles-ci ont des retombées économiques très importantes. Les auteurs se sont livrés à des évaluations qui montrent notamment que, passé la fin du conflit, un pays met en moyenne dix ans à redresser son économie. Par exemple, l’augmentation des aides à destination des pays pauvres contribuerait à contrer de façon non négligeable les risques de déclenchement d’une guerre civile, et ce en raison du surplus de croissance dégagée. Une fois commencée, il est possible de réduire la durée d’une guerre, en privant les belligérants de certaines ressources nécessaires à son financement, soit en recourant au boycott des richesses naturelles ou des matières premières servant à financer le conflit, soit en favorisant la baisse des prix de ces ressources sur le marché mondial. Il reste que l’intervention militaire d’une puissance étrangère reste, en termes purement économiques, la plus rentable de toutes les mesures envisagées par les auteurs.

Vers une privatisation des interventions militaires : l’exemple des opérations de maintien de la paix
Politique internationale
Philippe Chapleau
Un demi-siècle après leurs premiers déploiements, les soldats de la paix ont-ils encore un avenir ? La légitimité des Casques bleus des Nations Unies est en effet de plus en plus discutée. Les critiques vont bon train. Certains dénoncent l’incompétence chronique des Casques bleus ; d’autres, leur inexpérience ou le cadre juridique trop étriqué dans lequel ces soldats doivent effectuer leur mission. Face à cette situation, de nombreuses entreprises militaires privées proposent leurs services. L’humanitaire et le maintien de la paix constituent des marchés fructueux. Certaines sociétés militaires sont d’ores et déjà passées à l’action pour le compte d’ONG, d’agences internationales ou de représentations diplomatiques. Leurs missions sont variables. Les prestations spécialisées vont de la fourniture d’ingénieurs ou de logisticiens, aux services de protection rapprochée, en passant par l’audit ou la formation… Les risques de dérapages d’une telle sous-traitance ne sont toutefois pas à négliger. L’auteur insiste sur les garde-fous nécessaires pour prévenir de tels débordements.

ENTREPRISES ET MARCHES
La R&D publique dans les nanotechnologies
Réalités industrielles
Françoise Roure
Les nanosciences - qui renvoient à la fabrication à l’échelle moléculaire - et les nanotechnologies - qui proposent la fabrication à la nano-échelle de nouveaux dispositifs possédant des propriétés extraordinaires – sont en vogue. Elles offrent d’intéressantes perspectives que ce soit en termes de compétitivité ou d’utilité sociale. Les nanosciences, dont les applications font appel à une convergence pluridisciplinaire, offrent de multiples débouchés (sécurité alimentaire, produits issus de la chimie…). Le niveau des investissements dans ce secteur témoigne d’un pari élevé sur les effets de l’application des nanosciences dans les prochaines années. Si les investissements publics en représentent les trois quarts, de nombreux géants industriels estiment que la production à l’échelle nanométrique constitue la clé de leur survie. Ainsi, que ce soit aux Etats-Unis, en Europe ou au Japon, les dépôts de brevets affluent. Il reste que les initiatives publiques d’aujourd’hui sont cruciales pour les pays souhaitant acquérir une position compétitive demain. Des pays émergents comme l’Inde ou le Brésil l’ont bien compris et ont lancé des programmes de recherche et développement.

DEVELOPPEMENT
La volatilité tient-elle à la monnaie dans laquelle sont libellées les dettes ?
FMI Bulletin
Entretien avec Ricardo Hausmann
Les pays en développement sont particulièrement touchés par le phénomène de la volatilité. Liée à l’incertitude quant à l’évolution des variables économiques, cette instabilité a pour eux des conséquences néfastes. Contrairement aux pays industrialisés, les PED n’ont guère la possibilité de se doter de mécanismes adéquats pour y faire face. Les carences des marchés financiers et la faiblesse du cadre institutionnel et législatif de ces pays expliquent une bonne partie du problème. Mais celui-ci est également d’ordre financier : la plupart des PED ne peuvent pas emprunter sur les marchés internationaux dans leur propre monnaie. Une dépréciation du taux de change rend ainsi le service des prêts plus difficile. En prêtant en dollar et non en monnaie locale, les institutions financières internationales ne font qu’accentuer le problème.

MARCHE DU TRAVAIL
Inégalités de salaires entre femmes et hommes : le poids de la discrimination
Revue de l’OFCE
Yves de Curraize et Réjane Hugounenq
Malgré le mouvement de féminisation à l’œuvre depuis plusieurs décennies en France, les inégalités de traitement entre les femmes et les hommes persistent. Les femmes perçoivent toujours, en moyenne, un salaire inférieur à celui des hommes. Les auteurs de l’article cherchent, à partir de la méthode Oaxaca-Blinder (1973) et ses développements, à mesurer la part imputable à des pratiques discriminatoires, pratiques qui consistent à emploi égal à offrir un salaire inégal. Il en ressort qu’une part du différentiel de salaire apparaît en effet étroitement liée à des pratiques discriminatoires. Les auteurs estiment qu’une plus grande part encore pourrait leur être attribuée si certaines pratiques comme la discrimination à l’école ou à l’embauche pouvaient être mesurées et intégrées dans l’évaluation. Par ailleurs, les auteurs se penchent sur la spécificité de la discrimination entre le sexes comparée à la discrimination raciale pour en montrer les effets sur le marché du travail.

No 2.858
15 septembre 2004

DOSSIER : LE BILAN DE L'ECONOMIE FRANCAISE EN 2003


60 millions d'habitants en France métropolitaine
Population et sociétés

Gilles Pison
Au cours de l'année 2003, la population en France métropolitaine a augmenté de 0,4 %. La croissance a été un peu plus faible qu'en 2002. Au 1er janvier 2004, la population était estimée en métropole à 59,9 millions d'habitants et les 60 millions devraient être atteints au cours de l'année. La population aura mis deux siècles pour doubler. En 2003, le nombre annuel de décès a augmenté de 4 % par rapport à l'année précédente. L'augmentation de la population et son vieillissement expliquent en partie cette hausse, mais elle est surtout due à la surmortalité du mois d'août 2003. La canicule a en effet provoqué près de 15000 décès supplémentaires par rapport à la moyenne des mois d'août 2000, 2001 et 2002.

Emploi salarié : les premières pertes d'emplois depuis 10 ans
Unedic

Pour la première fois depuis 1993, l'emploi salarié s'inscrit en recul. Ce mouvement n'est pas sans lien avec le ralentissement de l'activité économique. Les secteurs ont été inégalement affectés : les services et la construction ont enregistré une progression qui n'a pas suffi à compenser le recul enregistré dans le secteur industriel. Les évolutions sont par ailleurs contrastées selon les régions : l'emploi salarié en Ile-de-France accuse une baisse. En revanche, l'axe Atlantique – Méditerranée apparaît très dynamique.

La plus faible croissance depuis 1993
Insee Première

Aurélien Daubaire et Jean – Marie Saunier
Avec une progression de 0,5 % en volume, le produit intérieur brut enregistre en 2003, sa plus faible progression depuis 1993. Pour la troisième année consécutive, l'activité ralentit, en France et, plus largement, dans l'ensemble de la zone euro. Le pouvoir d'achat des ménages français augmente faiblement et leur taux d'épargne recule pour la première fois depuis 1998. Le principal soutien à la croissance réside dans les dépenses effectuées par les administrations publiques. Le net repli des exportations contribue négativement à l'activité. Quant au taux de marge des entreprises non financières, il recule pour la deuxième année consécutive. La faiblesse de l'investissement de ces entreprises pénalise également la croissance. Au total, le déficit public s'est alourdi. Il atteint 4,1% du PIB.

Progression du revenu disponible brut et vigueur de la consommation
Note de conjoncture – INSEE

En 2003, le revenu disponible brut des ménages a progressé de 2,8 % en moyenne annuelle (+ 3,9 % en 2002). Sur l'ensemble de l'année, en raison notamment de la stagnation de l'emploi salarié, les revenus d'activité ont enregistré une forte décélération. L'année 2003 a également été marquée par une très nette reprise des impôts versés par les ménages (+ 4,3 %). Le pouvoir d'achat a ralenti : + 1,2 % contre 2 % l'année précédente. Au cours du quatrième trimestre de 2003, la consommation des ménages a continué d'augmenter. Toutefois, la hausse du chômage tout au long de l'année pourrait limiter à court terme la croissance de la consommation.

La balance des paiements en 2003 : des résultats décevants
Banque de France

L'excédent du compte des transactions courantes de la balance des paiements a baissé en 2003 par rapport à l'année précédente de quelque 10 milliards d'euros, du fait d'un repli marqué de l'excédent des échanges de biens ainsi que d'une chute des recettes et du solde des services. De plus, le déficit du compte de capital s'est considérablement accru. En revanche, le solde du compte financier s'est amélioré de plus de 18 milliards d'euros. Cependant, les investissements directs étrangers en France ont baissé de 20%, ne s'élevant qu'à 41,6 milliards d'euros (chiffre le plus bas depuis 1999), ce qui sous-entend une détérioration de l'attractivité du pays.

Baisse des flux du commerce extérieur
Notes bleues de Bercy
Le commerce extérieur français s'est replié en 2003 : les exportations ont baissé de 3 % et les importations de 2,1 % par rapport à 2002. Les échanges de biens d'équipement ont été les plus touchés par ce repli, ceux de biens intermédiaires et de biens de consommation ont été moins affectés. L'automobile est la seule catégorie qui a bénéficié d'une demande soutenue. En somme, l'excédent commercial est en baisse par rapport à 2002 : il n'atteint plus que 4 milliards d'euros.

Hausse du déficit public sur fond de faiblesse des recettes
Cour des comptes

Le déficit budgétaire s'est élevé à 3,7 % du PIB en 2003. Pour la deuxième année consécutive, le budget de la France ne respecte donc pas les critères de déficit du traité de Maastricht. La dégradation continue des recettes fiscales est partiellement responsable de ce résultat. En effet, les recettes fiscales ont baissé de 2,6 % par rapport à 2002 (après une réduction de 3 % par rapport à 2001). Quant aux dépenses, qui marquent un ralentissement dans leur progression, celles imputées sur le budget général ont néanmoins augmenté de 6,7 % en valeur. Cette situation est également reflétée par l'examen des états financiers de l'État dans la perspective de l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

FISCALITE
L'impôt sur la fortune : les raisons du repli
Les Notes de l'institut de l'entreprise

Christophe Heckly
L'imposition du patrimoine n'est plus en vogue. En effet, de nombreux pays ont aboli l'impôt sur la fortune ou envisagent de le faire. Cette tendance contraste avec l'enthousiasme qui a entouré cette forme d'imposition il y a encore 30 ans, période durant laquelle les gouvernements y ont vu un bon moyen de redistribution des revenus et des patrimoines. Aujourd'hui, on semble privilégier une autre perspective, prenant davantage en compte des considérations de concurrence fiscale et d'épargne. Mais l'argument le plus fort est la mauvaise relation coût-rendement de cet impôt : en moyenne, les recettes de l'impôt sur la fortune dépassent rarement 1 % du total des recettes fiscales pour un coût de gestion qui arrive largement en tête de tous les impôts.

SCIENCE ECONOMIQUE
The Legacy of John Kenneth Galbraith
Challenge

Richard Parker
Fidèle à sa vocation pédagogique et dans le souci de rendre sa lecture toujours plus utile, Problèmes économiques inaugure, à l'occasion de la parution de ce numéro, la publication d'articles en anglais. Désormais, la revue proposera des textes dans leur version originale, afin de familiariser ses lecteurs avec l'utilisation de l'anglais économique. Le premier article de cette série est consacré à John Kenneth Galbraith qui a fêté ses 95 ans. Considéré par beaucoup comme le dernier des institutionnalistes américains, ancien président de l'American Economic Association, il reste sans doute l'un des économistes les plus connus de l'après-guerre aux États- Unis. À côté de ses activités d'enseignement et de recherche à l'université d'Harvard, il a occupé de multiples fonctions dans l'administration et la politique, les médias et la diplomatie (il fut ambassadeur des États-Unis en Inde au début des années 1960). Bien que J. K. Galbraith soit situé en dehors du courant dominant, nombre de questions qu'il a soulevées - même si souvent cela n'a pas été reconnu explicitement - ont suscité par la suite de nombreux travaux de recherches d'économistes parmi les plus éminents, notamment J.M. Buchanan, H. A. Simon ou T. de Scitovsky.

No 2.859
29 septembre 2004

DOSSIER : Faut-il avoir peur des délocalisations ?


Comment définir les délocalisations ?
Rapport d’information du Sénat
François Grignon
Définir les « délocalisations » est une tâche difficile. Comprennent-elles uniquement les changements de site de production sans affectation de la destination des produits ou faut-il élargir la notion aux externalisations et à toutes créations d’activité productive à l’étranger ? Par ailleurs, la perception que peut avoir au niveau local l’ensemble des acteurs économiques concernés par une opération de délocalisation rend la définition du processus encore plus malaisée. Les indicateurs disponibles reflètent ces difficultés : les investissements directs à l’étranger, la structure et le solde de la balance commerciale, la mesure de la transformation de l’outil productif industriel, etc. Malgré ces problèmes de mesure, les chiffres disponibles suggèrent qu’il s’agit d’un mouvement certes réel, mais plutôt limité.

Industrialisation : la destruction créatrice permanente
Futuribles
Michel Drancourt
Autrefois c’étaient les entreprises en difficulté qui délocalisaient, aujourd’hui, c’est aux entreprises rentables de faire de même. Malgré ces changements, l’origine du phénomène est toujours la même : la course à la compétitivité. La pression qui s’exerce sur les entreprises s’est encore accentuée ces dernières années : non seulement les exigences de la compétitivité, mais également l’impératif d’innovation oblige les firmes à tirer profit des marchés en expansion, mais également à diversifier leur offre. Restructuration, mutations industrielles, délocalisation ou désindustrialisation – tous ces termes ne décriraient-ils pas en définitive un processus bénéfique, celui de la destruction créatrice ?

Amérique et Chine : les vrais enjeux
The Wall Street Journal
Thomas Hout et Jean Lebreton
Comme d’autres pays industrialisés, les Etats-Unis sont confrontés aux conséquences des délocalisations. La Chine joue dans ce contexte un rôle majeur. Ce pays montre qu’il serait erroné de limiter le débat sur les enjeux des délocalisations aux seuls retombées en termes d’emploi. Comme les auteurs le soulignent, l’émergence de la Chine est une véritable révolution. Contrairement au Japon qui a réinventé la production industrielle, la Chine la « désinvente » en réduisant les besoins de capitaux et en rendant les circuits de production moins complexes. Ce cadre renouvelle la production et permet une meilleure qualité des produits. Les entreprises qui désirent tirer profit de ces caractéristiques devraient s’engager à long terme en Chine en y implantant des sites de production de nouvelles gammes de produits.

Mondialisation et délocalisation : quelle stratégie pour les Etats- Unis ?
Center for Strategic and International Studies
En Europe et aux Etats-Unis, les craintes des conséquences négatives de la globalisation concernent la perte d’emploi (délocalisations), mais également – suite au nivellement technologique – la menace que constitue la perte du leadership technologique et industriel. Mais contrairement à l’Europe, qui semble plus préoccupée par le problème de l’emploi et tente dý répondre en créant des « champions européens », les Etats-Unis se focalisent sur la question de la concurrence technologique. La préservation des compétences en matière d’innovation devrait être prioritaire par rapport aux efforts de protection des emplois manufacturiers. L’analyse du secteur de la défense montre que cette stratégie pourrait même être insuffisante : aujourd’hui, il ne s’agit plus d’empêcher la « fuite » des technologies, mais de réussir à s’intégrer à la chaîne technologique internationale, comme le soulignent les experts du CSIS, un influent think- tank américain.

Une stratégie à deux composantes pour contrer la désindustrialisation
Conseil d’analyse économique
Patrick Artus et Gilbert Cette
En Europe, quatre stratégies industrielles peuvent être distinguées : l’Allemagne s’est spécialisée dans les biens d’équipements et l’automobile, la France dans l’automobile, l’Espagne ne s’est pas spécialisée et le Royaume-Uni s’est désindustrialisé. Aujourd’hui, l’Europe a besoin de nouvelles stratégies car elle est concurrencée par le bas par les pays émergents et par le haut par les pays à fortes dépenses technologiques. Afin d’assurer la croissance à venir, l’Europe devrait suivre une double stratégie : créer des emplois à fort niveau de productivité et accroître le nombre d’emplois peu qualifiés. L’insertion commerciale et économique dans une zone à croissance rapide (comme les PECO) ou l’augmentation des dépenses liées aux technologies et à la R&D pourraient être les vecteurs d’une telle stratégie.

Les réseaux d’entreprises : source de compétitivité
DATAR
La désindustrialisation et les délocalisations touchent avant tout le tissu économique local. Compte tenu de ce constat, une stratégie efficace de réponse à ces processus pourrait également se trouver au niveau local en y développant par exemple des réseaux d’entreprises. Les politiques publiques qui cherchent à renforcer l’efficience de ces systèmes productifs locaux s’appuient sur l’idée selon laquelle le facteur concurrentiel décisif ne se situe plus seulement à l’intérieur des entreprises mais dans les liens qu’elles tissent entre elles et dans leur rapport à l’environnement. Une analyse comparative intégrant des pays de différents continents montre qu’il s’agit d’une tendance lourde. Partout, des pôles de compétence et d’excellence ont été créés ces dernières années, organisés souvent autour d’une ou plusieurs firmes leaders. Des rapprochements entre universités et entreprises sont également observés.

SCIENCE ECONOMIQUE
Les économistes et leurs revues
Revue d’économie politique
Philippe Jeannin
Assurer de solides fondements à une évaluation de la recherche française en économie dans les revues scientifiques est une tâche difficile. La méthode présentée dans l’article consiste à croiser les bases qui font autorité et à interroger la communauté scientifique française. On obtient ainsi la définition suivante de la scientificité d’une revue : « est scientifique la revue qui est jugée telle par la communauté ». L’auteur apporte quelques nouveaux éclairages, mais expose également des positions déjà largement partagées. Il s’agit par exemple de la très bonne tenue des titres de l’INSEE, mais également de ceux de la Direction de la prévision. Les Études économiques de l’OCDE, par contre, sont jugées peu scientifiques.

ENTREPRISES ET MARCHES
Progrès techniques et croissance du trafic routier
Réalités industrielles-Annales des Mines
Jean Delsey
Comment expliquer l’accroissement du trafic routier ? Jean Delsey constate que la forte amélioration des performances et du confort des véhicules automobiles, notamment au niveau européen, qui se conjugue avec la progression certes lente, mais régulière du niveau de vie des individus, contribue largement à augmenter la consommation globale de carburants. Ný aurait-il pas de solution pour réduire ce mouvement voué à perdurer ? L’auteur estime que des inflexions restent possibles. Elles concernent la technique des véhicules et surtout, la mise en place de réglementations relatives aux automobiles ainsi qu’à l’aménagement du territoire.

PROTECTION SOCIALE
L’impact des cotisations sociales en question
Informations sociales
Pierre Concialdi
Depuis le début des années quatre-vingt, le débat à propos de l’impact des cotisations sociales sur la compétitivité des entreprises et sur le niveau de l’emploi n’a pas cessé, en particulier en France, où cette question est, depuis la création des premières assurances sociales, une véritable antienne. L’auteur, s’appuyant sur des comparaisons internationales et sur une analyse des effets des politiques d’allégement de cotisations sociales sur les bas salaires, revisite quelques idées reçues à propos de l’impact présumé négatif des cotisations sociales. Il montre en outre les menaces que les politiques d’allégement font peser sur le financement de la protection sociale et leurs conséquences sur les salariés les plus précaires.
No 2.860
13 octobre 2004

DOSSIER : Le bilan de l’économie mondiale 2003


Vers une reprise mondiale…
Perspectives économiques de l’OCDE
OCDE
En 2003, l’économie mondiale a renoué avec une croissance soutenue. L’investissement des entreprises est reparti à la hausse. Le continent asiatique conserve son dynamisme, en particulier la Chine dont l’économie est proche de la surchauffe. Au Japon, la vigueur de la reprise s’est confirmée. Les Etats-Unis, de leur côté, ont enregistré un taux de croissance proche de la moyenne des années 1990. Les autres pays anglophones, comme le Royaume-Uni ou l’Australie, ont continué sur leur lancée avec un rythme de croissance vigoureux. En revanche, les économies d’Europe continentale – notamment l’Allemagne et l’Italie – éprouvent toujours les plus grandes difficultés à redémarrer en raison de la faiblesse de la demande intérieure et des dépenses des ménages.

Accélération des échanges commerciaux
Rapport sur le commerce mondial 2004
OMC
Après une lente progression au premier semestre, la croissance du commerce mondial s’est accélérée durant la deuxième moitié de l’année pour atteindre un taux réel moyen de 4,5 % sur l’ensemble de 2003. Cette accélération a été plus forte en valeur nominale (dollar) qu’en valeur réelle. Elle a entraîné une hausse des prix principalement imputable à celle des prix des produits de base. La tendance à la baisse des prix observée depuis 1995 s’est ainsi inversée. Du côté des exportations comme celui des importations, la plus forte croissance a été enregistrée dans les régions exportatrices de combustibles comme les économies en transition et l’Asie. L’Europe occidentale, de son côté, a été pénalisée par deux facteurs : la faiblesse de la croissance et l’appréciation de l’euro par rapport au dollar. En termes réels, la croissance du commerce de cette zone a été la plus faible de toutes les régions. Enfin, les services commerciaux ont progressé moins vite que le commerce des marchandises, renversant ainsi la tendance des deux dernières années.

Le goût du risque est de retour sur les marchés de capitaux
Rapport annuel
Banque des règlements internationaux
Le goût du risque a fait son retour sur les marchés en 2003. Les marchés d’actions ont profité d’un redressement très net. Néanmoins, au niveau macroéconomique, aucune information spécifique ne permet d’expliquer ce retournement, amorcé le 12 mars 2003, quelques jours avant le début de la guerre en Irak. Dans le compartiment des obligations d’entreprises, les marges de crédit se sont rapprochées de leur minimum historique. La confiance s’est réinstallée sur ces marchés, car les défauts et rétrogradations ont sensiblement diminué en 2003. L’autre fait marquant de l’année a été l’insensibilité des marchés aux changements d’anticipations de la politique monétaire. Longtemps, les courbes de rendements ont en effet émis des signes contradictoires sur les perspectives économiques. Seule la récente remontée des taux américains a réduit le goût du risque sur les marchés.

Baisse du dollar et envolée de l’euro
Rapport annuel de la Banque de France
Christian Noyer
Au cours de l’année 2003, la dépréciation du dollar vis-à-vis des principales devises s’est poursuivie. L’environnement international incertain et les déséquilibres extérieurs des Etats-Unis expliquent en partie cette situation. L’euro a enregistré face à la devise américaine une forte progression (20 %), atteignant à la fin de l’année un plus haut niveau, à 1,2647 dollar pour un euro. Au mois de septembre, au sommet du G7 à Dubaï, la nécessité d’une plus grande flexibilité des changes a été rappelée. Les devises des pays candidats à l’Union européenne sont restées, dans l’ensemble, stables, à l’exception des monnaies polonaise et hongroise qui, dans un contexte de volatilité, se sont dépréciées face à l’euro. L’année 2003 a également été marquée par la poursuite du mouvement de hausse du prix de l’or entamé deux ans auparavant.

Le recul investissements étrangers se prolonge
World Investment Report 2004
CNUCED
Après avoir chuté de 17 % en 2002 et de 41 % en 2001, les entrées d’investissements directs étrangers à l’échelle mondiale accusent un nouveau recul : le fléchissement est estimé à 18%. Mais la CNUCED prévoit une reprise de ces investissements en 2004. Le recul des entrées d’IDE en 2003 a été particulièrement marqué dans les pays développés et en Europe centrale. En revanche, les IDE à destination des pays en développement ont enregistré une progression de 9%. Hors Luxembourg, la Chine arrive en tête des destinations mondiales. Autre mouvement marquant de l’année : la structure des IDE s’est modifiée au profit des services.

Progression du chômage
Perspectives de l’emploi de l’OCDE
OCDE
L’année 2003 se caractérise par une progression du chômage de 0,2 point. Il atteint 7,1% de la population active des pays de l’OCDE. Par ailleurs, les économistes de l’OCDE constatent que la croissance de la rémunération des salariés a progressé modérément. Ils insistent ensuite sur la nécessité dans un contexte de vieillissement démographique d’accroître le taux d’emploi. Pour ce faire, ils préconisent une plus grande flexibilité du temps de travail qui pourrait également avoir pour vertu de faire baisser le chômage.

Développement et liberté culturelle
Rapport mondial sur le développement humain 2004
PNUD
Le développement humain consiste en premier lieu à permettre aux individus de mener le genre de vie qu’ils souhaitent et à leur donner les outils et les opportunités pour faire ce choix. Beaucoup de travaux sur le développement humain ont insisté sur un plus grand accès à la santé et à l’éducation, sur une meilleure répartition des richesses et sur la démocratisation. Mais pour mieux répondre à ces défis, et finalement éradiquer la pauvreté, le monde doit commencer par construire des sociétés intégratrices, respectant les diversités culturelles. Car permettre aux individus une expression culturelle pleine et entière est en soi un objectif de développement important. Le Rapport mondial sur le développement humain 2004 porte sur ce thème. L’exclusion culturelle est répandue dans toutes les régions et touche principalement les minorités ethniques ou religieuses, les populations autochtones et les immigrés. Environ 900 millions de personnes seraient aujourd’hui victimes de discrimination ou défavorisées en raison de leur identité. L’exclusion culturelle peut se traduire au niveau de la religion ou de la langue. En outre, une grande partie des exclusions politiques, économiques et sociales sont fondées sur l’identité culturelle. Ces groupes culturels ont souvent des niveaux de vie inférieurs à ceux de leurs compatriotes. Des études montrent en effet que les indicateurs de santé, d’éducation, et d’espérance de vie sont moins bons, comme le relève l’indicateur du développement humain par groupe culturel.

ETATS-UNIS
Les causes de la progression de l’obésité
The Journal of Economic Perspectives
David M. Cutler, Edward L. Glaeser et Jesse M. Shapiro
Le poids moyen des individus n’a cessé d’augmenter au cours du XXe siècle aux Etats-Unis. Le taux d’obésité outre-Atlantique est deux fois plus élevé aujourd’hui qu’au début des années soixante-dix (Center for Disease Control, 2003). Si, pour les auteurs, la montée de l’obésité constatée depuis 1980 s’inscrit dans ce contexte, il n’en reste pas moins par ailleurs un phénomène fondamentalement différent. Les auteurs se penchent sur les causes de la croissance de l’obésité particulièrement marquée aux Etats-Unis. Ils proposent d’analyser le phénomène en s’appuyant sur la division du travail dans la préparation des aliments. Pour eux, la préparation de masse des aliments constitue une révolution a peu près comparable à celle, il y a un siècle, de la production des biens manufacturés. Le passage de la préparation individuelle à la préparation de masse s’accompagne d’une baisse des prix en termes de temps et de consommation alimentaire. Partant, elle entraîne une augmentation de la quantité et une diversification des aliments consommés. Le progrès et la diffusion des nouvelles technologies alimentaires en réduisant le prix des biens ou du temps devrait ainsi accroître le revenu disponible des ménages et améliorer leur bien-être, sauf lorsque les individus ont des difficultés à se discipliner….

SCIENCE ECONOMIQUE
La théorie méconnue de Emil Lederer
Revue de l’économie méridionale
Claude Diebolt
Claude Diebolt présente la théorie méconnue du manque de pouvoir d’achat de Emil Lederer (1882-1939), d’origine viennoise. En effet, au début des années vingt, cet ancien professeur à la New School for Social Research de New York, réanime la vieille théorie de la sous-consommation. Il estime que seule une augmentation des salaires par rapport au revenu total permet une relance économique avec résorption du chômage. Un peu plus tard, Keynes contribuera à renouveler cette théorie à travers le concept de demande effective.

No 2.861
27 octobre 2004

DOSSIER : Forces et faiblesses de l'économie mondiale


Fragilités de la reprise économique
Banca Nazionale del Lavoro Quaterly Review
Wynne Godley et Alex Izurieta
A travers les balances financières-privées, courantes et publiques-, les auteurs retracent l'évolution de l'économie américaine au cours des dix dernières années. La période 1992-2000 que l'on a qualifié de « Nouvelle économie » s'est ainsi traduite par un excédent budgétaire important et par une détérioration du solde de la balance courante ainsi que de la balance privée, les dépenses privées évoluant beaucoup plus rapidement que les revenus. Le retournement s'opère à partir de 2001: la politique budgétaire expansionniste qui se met en place va contribuer, au prix d'une nette détérioration du budget, à remettre la première puissance économique sur la voie de la reprise. Mais, cette dernière reste fragile. Les auteurs n'hésitent pas à avancer que les perspectives de moyen terme de l'économie américaine paraissent assez sombres.

Les ménages américains vivent-ils au dessus de leur moyens ?
Finances & Développement
Chris Faulkner-MacDonagh et Martin Mühleisen
La croissance américaine est fortement soutenue par la consommation des ménages. Cette dernière peut-elle pour autant continuer indéfiniment à jouer son rôle de moteur de la croissance économique outre- Atlantique? Certains analystes redoutent un fléchissement de cette variable face à un « l'éclatement de la bulle de l'immobilier » américain. Il reste que si certains indicateurs - comme le taux d'endettement des ménages qui atteint un niveau record- laissent à penser que les Américains vivent au dessus de leurs moyens, vue sous d'autres angles, leur situation financière n'apparaît pas si inquiétante, estiment les auteurs de l'article.

L'ouverture des marchés dynamise la création d'emploi
Joint Economic Commitee
Robert F. Bennett
L'économie américaine connaît un taux de chômage relativement faible – en dessous de 6 % de la population active. Comment expliquer l'étonnante capacité de cette économie à créer des emplois ? L'auteur cherche à prouver que le dynamisme de l'économie américaine, en matière de création d'emplois, est étroitement liée à sa place de première économie mondiale dans les échanges commerciaux. Il montre que l'ouverture sur l'extérieur de l'économie américaine contribue favorablement à dynamiser son marché du travail. Les mouvements de délocalisation de nombreuses multinationales qui se traduisent par des suppressions d'emplois nationaux s'accompagnent de nouvelles créations d'emplois sur le territoire américain.

Une politique monétaire trop accommodante
Economic and Financial Policy Review
Evan F. Koenig
L'auteur dresse un état des lieux de la politique monétaire menée par la Réserve fédérale (Fed) au cours des dernières années. Il montre en quoi les taux d'intérêt actuels sont bas. La politique monétaire américaine est très accommodante. Aussi, la remontée des taux, estime l'auteur, est – elle inévitable pour que le niveau des taux des fonds fédéraux soit en phase avec le niveau actuel de l'inflation. Il examine la relation historique entre la politique menée par la Fed, l'inflation et le potentiel de croissance, pour pouvoir évaluer les variations des taux à venir. Les perspectives d'évolution de la politique monétaire pour les prochaines années restent suspendues au degré de vigueur de la reprise économique, à la croissance potentielle et au taux de chômage soutenable.

Quelle relation entre le prix du pétrole et les récessions aux États- Unis ?
FMI Bulletin
Entretien de Praskash Loungani avec James Hamilton
En 1982, le thèse de doctorat de James Hamilton a fait sensation. A l'époque, ce dernier avançait l'idée que la hausse des prix mondiaux du pétrole avait joué un rôle dans presque toutes les récessions de l'histoire moderne de États-Unis. Interrogé par Praskash Loungani sur la situation économique actuelle, James Hamilton revient sur sa thèse et sa pertinence face aux nouveaux évènements économiques. Il montre que la corrélation entre ces deux variables reste aujourd'hui encore très étroite.

Les marchés financiers sont-ils rationnels ?
Reflets et Perspectives de la vie économique
André Orléan
En rupture avec la théorie de l'efficience, la théorie hétérodoxe de la dynamique auto-référentielle fondée sur le mimétisme et la convention considère que les cours boursiers ne sont pas nécessairement des estimations pertinentes de leur valeur fondamentale. L'écart des cours à cette valeur fondamentale n'est pas analysé comme le produit de l'irrationalité des investisseurs mais plutôt comme relevant de la nature même de la logique financière. A partir de l'exemple de la bulle boursière de 2000, André Orléan revient sur l'analyse de cette théorie.

Capital Account Opening, International Reserves and Development?
NBER Reporter
Joshua Aizenman
L'intégration commerciale des PED s'accompagne généralement de l'ouverture de leur balance courante. Cette intégration financière n'est cependant pas sans risques comme l'attestent les crises financières affectant ces pays plus ou moins régulièrement. L'auteur défend l'idée que ces crises sont inévitables, car l'ouverture commerciale favorise par nature la mobilité des capitaux. Néanmoins, il est possible d'agir sur la gravité et la fréquence des crises. Sur la base d'expériences récentes, l'auteur suggère plusieurs moyens : d'une part, les PED devraient disposer d'un niveau important de réserves de changes et privilégier les flux intra-groupes des multinationales, d'autre part, la communauté internationale devrait développer et imposer des ratios de solvabilité.

L'enseignement supérieur, condition de convergence des économies européennes depuis 1870
Économies et Sociétés
Claude Diebolt et Magali Jaoul
Depuis le traité de Maastricht et l'instauration de l'Union économique et monétaire (UEM), la convergence est devenu le mot d'ordre pour les États européens. La volonté d'harmonisation s'exprime par exemple par le respect de certains critères de convergence, condition sine qua non pour l'admission au sein de l'UEM. Néanmoins, un champ socio-économique demeure toujours de la compétence des gouvernements nationaux : l'enseignement. Les auteurs étudient si la construction européenne s'est soldée non seulement par une convergence des PIB par habitant, mais également par un rapprochement des systèmes d'enseignement supérieur. Une analyse en termes de causalité révèle que l'enseignement peut être considéré soit comme un investissement directement productif, soit comme un investissement d'infrastructure.

L'éducation des enfants dans les pays pauvres
FMI – Dossiers économiques
Arye L. Hillman et Eva Jenkner
Dans la plupart des pays pauvres, le faible niveau de scolarisation correspond à celui des résultats économiques. De nombreux enfants ný sont pas scolarisés ou quittent l'école avant d'avoir achevé le cursus primaire. Cette situation peut s'expliquer par des défaillances de l'offre et de la demande. Souvent, les coûts d'opportunité sont tels que l'école, même gratuite, est inabordable pour certaines familles. Lorsque le problème est une défaillance de l'offre -parce que les ressources publiques sont insuffisantes ou que la volonté politique est absente pour construire des écoles - les parents peuvent être conduits à financer eux-mêmes la scolarité de leurs enfants. Si cette solution présente dans certains cas des avantages indéniables, elle ne doit rester qu'une option temporaire, car elle constitue un impôt régressif lorsque la scolarisation est obligatoire.
No 2.862
10 novembre 2004
DOSSIER : L’économie des systèmes de santé


L’évolution des dépenses de santé depuis les années 1970
Les Rapports du Sénat
Catherine Bac
L’auteur analyse l’évolution des dépenses de santé dans les principaux pays européens et aux Etats-Unis de 1970 à 2000. Au cours de cette période, les dépenses de santé en pourcentage du PIB ont augmenté de 2 à 6 points. Les Etats-Unis enregistrent la plus mauvaise performance. Plusieurs facteurs expliquent l’accroissement des dépenses : le comportement des assurés et celui des prestataires. Les facteurs institutionnels qui sont au cœur des réformes des systèmes de santé jouent également un rôle déterminant et agissent à la fois sur la demande et sur l’offre. Le résultat des analyses montre que, à systèmes institutionnels constants, l’évolution du revenu agrégé, les tendances démographiques ou le progrès technique vont entraîner les dépenses à la hausse.

Systèmes de santé : la rationalité économique à l’ordre du jour
L’Observateur de l’OCDE
Elisabeth Docteur et Howard Oxley
Si les sociétés des pays développés n’ont jamais été aussi bien portantes, elles n’ont également jamais autant dépensé qu’aujourd’hui pour leurs services de santé. Cependant, dépenser toujours plus pour la santé ne permet pas forcément d’atteindre un meilleur état sanitaire. Les Etats-Unis, l’Allemagne ou la Suisse qui sont les pays qui consacrent aux soins et aux services de santé la part la plus importante de leurs ressources, n’offrent pas nécessairement de meilleurs services en ce domaine. Aujourd’hui, quelle que soit la manière dont est organisée le système, les pouvoirs publics de l’ensemble des pays développés cherchent, face à la hausse des coûts, à obtenir une meilleure rationalité économique en matière de santé.

Quelle régulation pour la santé ? Un regard comparatif
La Revue de la CFDT
Bruno Palier
L’analyse du fonctionnement et des réformes des systèmes de santé des pays développés révèle une augmentation globale des dépenses de santé. Cependant, on observe que certains d’entre eux parviennent à contrôler cette évolution sans que pour autant la qualité ou l’égalité d’accès aux soins n’en pâtissent. Le mode d’organisation et de régulation du système de santé explique ces différences. Dans le cas de la France, il semble que la difficulté des pouvoirs publics à déterminer un mode particulier de régulation contribue à l’échec des tentatives de maîtrise des dépenses de santé.

La réforme française de l’assurance maladie
Lettre de l’OFCE
Gérard Cornilleau et Bruno Ventelou
En France, les pouvoirs publics, confrontés en 2004 à un déficit de l’assurance maladie de 14 milliards d’euros, ont décidé d’une nouvelle réforme qui devrait prendre effet le 1er janvier 2005. Celle-ci a écarté tout bouleversement radical du système de santé. Elle intervient dans trois domaines : la gouvernance du système, les modalités d’accès aux soins et le financement. Les changements entrepris à l’hôpital, pour la médecine de ville ou le médicament sont susceptibles d’améliorer la qualité des soins. Toutefois, la réforme reste inachevée dans la mesure où elle ne remet pas en cause certains principes fondamentaux du système de santé qui sont sources de multiplication des dépenses. Dans ce contexte, Il est probable que les mesures structurelles mises en place n’auront pas d’impact très sensible à moyen terme. On risque, dès 2007-2008, de parler de nouveau de crise de l’assurance maladie.

La crise du système de santé américain
Les Cahiers du Cercle des économistes
Jacques Mistral et Bernard Salzmann
Le système de santé américain est le plus coûteux au monde. Malgré des compétences techniques très élevées, il n’obtient que des résultats médiocres : la mortalité infantile y est la plus élevée des pays développés et l’espérance de vie la plus faible. Au cours des années 1990, afin de rationaliser le système, des réseaux de soins intégrés (Managed Care Organizations) se sont mis en place, puis ont progressivement évolué selon différentes formules. Cependant, ils n’ont pas permis d’empêcher l’accroissement des dépenses, ni même d’améliorer la qualité des soins. Aujourd’hui, une nouvelle génération de plans d’assurance qui cherchent à impliquer davantage le patient dans la maîtrise du coût de sa propre santé, voit le jour. Parallèlement, l’administration républicaine a entrepris en 2003 une réforme de l’assurance maladie, en particulier du programme Medicare. Mais il semble que cette réforme, telle qu’elle a été conçue par ses partisans, risque d’aggraver davantage une situation financière déjà préoccupante et, pour ses adversaires, d’ouvrir la voie à une privatisation de l’ensemble du système de protection sociale.

DEVELOPPEMENT
Analyse des micro-unités et des PME en Afrique sub-saharienne
Techniques financières et développement
Philippe Hugon
Frappées par la crise, les économies d’Afrique sub-saharienne voient les petites unités de production proliférer. Philippe Hugon analyse les caractéristiques de ces structures dans lesquelles la frontière entre travail « formel » et « informel » reste floue. Les petites et moyennes entreprises privées, en revanche, constituent généralement le chaînon manquant du tissu économique des sociétés africaines. Le passage du statut de petites unités marchandes à celui de PME s’avère difficile. Après avoir évoqué les principales raisons de la faiblesse du tissu de PME en Afrique, l’auteur se penche sur le débat plus large « marché versus organisation » visant à expliquer l’émergence du comportement microéconomique entrepreuneurial. Il analyse également la question de la territorialité des micro-unités et les politiques pouvant être mises en place. Pour ce faire, l’auteur mobilise les principaux résultats des enquêtes de terrain menés depuis trente ans.

SCIENCE ECONOMIQUE
Les limites de l’économie de marché
Review of International Political Economy
Richard Nelson
Au cours du dernier quart de siècle, le système d’économie de marché s’est imposé. Cette forme d’organisation a été érigée au rang de meilleur système de gouvernance. L’auteur analysant les raisons de cette prééminence, les qualifie de dogmatiques. Après avoir passé en revue les divers arguments théoriques en faveur du marché, de la théorie néoclassique standard à l’école autrichienne en passant par Schumpeter, il met en avant les limites de ceux - ci à travers la théorie de la défaillance des marchés et du problème des externalités. Mais pour l’auteur, il importe de pousser plus avant ces théories. Il est ainsi amené à démontrer que les structures de gouvernance économique sont de nature politique.

UNION EUROPEENNE
La Turquie au tournant
La Lettre du CEPII
Jérôme Sgard, Deniz Ünal Kesenci et Yves Zlotowski
Après l’avis favorable rendu par la Commission européenne, début octobre, à propos de l’ouverture de négociations d’adhésion entre l’Union européenne et la Turquie, ce sera au Conseil européen de se prononcer dans le courant du mois de décembre. Pour la Turquie, qui a réussi à sortir son économie de l’instabilité chronique qui l’a caractérisée deux décennies durant (de 1980 à la fin des années 1990), l’ouverture de ces négociations marquerait un véritable tournant. Elle accélérerait le processus de stabilisation et de réformes amorcé en 1996 avec l’entrée en vigueur du traité d’union douanière signé avec l’UE, traité qui prévoyait déjà l’adoption d’une partie de l’acquis communautaire. La perspective de l’adhésion européenne permettrait la modernisation du cadre institutionnel et l’émergence d’un nouveau modèle de croissance. L’économie turque deviendrait plus attractive pour les investissements directs étrangers et les transferts de technologie. Toutefois, pour une économie en développement comme celle de la Turquie, l’adhésion à une règle du jeu très contraignante - définie par certains des pays les plus développés au monde - n’est pas exempte de risques et pourrait déboucher sur une forme d’ « eurosclérose périphérique ».
No 2.863
24 novembre 2004
DOSSIER : L’économie de l’environnement


L’approche économique de la protection de l’environnement
Université de Harvard
Robert N. Stavins
L’intervention publique dans le domaine de l’environnement, notamment quand il s’agit de la protection environnementale, se justifie par le fait que la pollution est un cas typique d’externalité, lié à une défaillance de marché. Les autorités publiques disposent d’un éventail d’instruments assez large : impôts, licences, normes, interdictions ou permissions. Ces différents instruments peuvent être évalués du point de vue de l’efficience, mais également de l’équité. L’évolution de l’opinion publique et politique en matière d’environnement est spectaculaire : les instruments basés sur le marché sont aujourd’hui largement connus et acceptés. Mais comme le montre l’exemple des Etats-Unis, cette tendance ne doit pas automatiquement se solder par un emploi plus large du critère de l’analyse coûts-bénéfices dans l’évaluation des réglementations.

Privatiser pour conserver ? Une lecture critique de la nouvelle économie des ressources
Revue Tiers Monde
Valérie Boisvert, Armelle Caron et Estienne Rodary
La nouvelle économie des ressources ou écologie de marché a émergé aux Etats-Unis au début des années 1980. Inspirés par les analyses du Public Choice, ses théoriciens considèrent qu’une gestion durable des espèces et des milieux naturels ne peut s’accomplir que par la privatisation des ressources naturelles et leur exploitation dans un cadre marchand. Mais pour les auteurs, la transformation des préceptes de la nouvelle économie des ressources en mesures de politique environnementale se heurte à la complexité du réel et à la spécificité des trajectoires historiques. Face à la résistance des faits et prisonniers d’un discours idéologique, les nouveaux économistes des ressources sont contraints, afin de valider leurs hypothèses théoriques, d’arranger la réalité.

L’évaluation environnementale : l’exemple de la demande de paysage
Cahiers d’économie et sociologie rurales
Mbolatiana Rambonilaza
La méthode de transfert des bénéfices est au coeur du débat sur l’évaluation environnementale. Quand il s’agit de la demande de paysage, les méthodes indirectes sont les plus utilisées. Elles s’inspirent de la méthode contingente. Cependant, l’existence de relations de complémentarité ou de substitution entre les attributs de la demande nécessite une adaptation de la version standard, soit en méthode multi-programmes, soit par le recours à la méthode par expérimentation des choix. L’auteur propose une revue de la littérature consacrée à ce sujet. L’analyse des résultats montre que les préférences paysagères dépendent avant tout du contexte naturel, culturel et social des bénéficiaires, rendant très délicat le transfert des consentements à payer d’un site à un autre. La recherche d’une fonction de transfert appropriée – par exemple par une méta-analyse - reste problématique. L’auteur propose quelques perspectives méthodologiques en conclusion.

Comment agir face au réchauffement climatique ?
Business Week
John Carey et Sarah Shapiro
Les dernières décennies ont été les plus chaudes depuis l’époque où a débuté l’enregistrement des températures. Presque tout le monde est aujourd’hui d’accord avec l’idée selon laquelle il est nécessaire d’agir contre ce réchauffement climatique. Même si les gouvernements de certains pays ne sont pas encore prêts à prendre des mesures, comme le propose par exemple le protocole de Kyoto, les entreprises, quant à elles, n’attendent pas. La lutte contre le réchauffement génère non seulement des débouchés pour des nouveaux produits, mais également des économies de coût. Mais leur action reste finalement sous-optimale, car entreprises et citoyens manquent de prévisibilité à long terme et ne disposent pas des moyens politiques d’un Etat. Peu de pays ont pour l’instant eu le courage de fixer des objectifs pour les cinqunte prochaines années, comme l’a fait la Grande-Bretagne qui s’est engagée à réduire ses émissions de 60 % d’ici à 2050.

Pourquoi des marchés de permis à polluer ?
Regards économiques
Axel Gosseries et Vincent van Steenberghe
Le Protocole de Kyoto ouvre la voie à la mise en place de marchés nationaux et internationaux de permis d’émission de gaz à effet de serre. Parallèlement en Europe, une Directive prévoit la mise en œuvre d’un système d’échange de permis à partir de janvier 2005. Les auteurs se penchent sur le fonctionnement de ces marchés. Le principe consiste à opérer des réductions d’émission là où le coût de cette réduction paraît le plus faible. Les Etats-Unis font office de modèle en la matière. En effet, ces derniers se sont lancés en 1995 dans un programme visant à réduire les émissions de dioxyde de soufre (S02) responsables des pluies acides. Au total, ce système fonctionne plutôt bien : les émissions de S02 dans le pays ont été réduites significativement.

Mondialisation des échanges et environnement
Les Rapports du Sénat
Serge Lepeltier
Parmi les nombreuses critiques adressées à la mondialisation, certaines portent sur sa responsabilité en matière de dégradation de l’environnement. La mondialisation des échanges aurait deux conséquences majeures : d’une part, donner un avantage compétitif aux pays les moins respectueux de l’environnement - ce qui entraînerait des délocalisations d’entreprises industrielles ou un recul des normes environnementales dans les pays développés – et, d’autre part, en stimulant la croissance, conduire à une aggravation insoutenable de la pollution et des pressions sur le milieu naturel. Pourtant, d’autres analyses montrent que les effets de la mondialisation sur l’environnement sont complexes et loin d’être univoques.

Les biens publics mondiaux et le niveau transnational de la régulation
La Lettre de la régulation
Philippe Hugon
Les problèmes environnementaux font partie des phénomènes transnationaux qui échappent non seulement au monopole de gestion des Etats, mais dépassent également le cadre des relations interétatiques. Philippe Hugon a forgé pour décrire ces phénomènes la notion de biens publics mondiaux (BPM). En mobilisant des acteurs et des forces sociales transnationales, les BPM peuvent être à l’origine d’une nouvelle régulation internationale. Afin de clarifier le débat, l’auteur s’interroge sur les différents arguments théoriques qui spécifient les biens collectifs, communs, publics, mondiaux ou internationaux et étudie les deux conceptions de la régulation, à savoir une régulation économique en termes d’intérêts, de règles et de défaillances de marché et une régulation en termes de conflits de valeurs.

Entreprises : quand l’environnement devient stratégique
Economies et Sociétés
Emmanuelle Reynaud
Les études portant sur le management de l’environnement ont été pour l’essentiel d’abord consacrées aux raisons du comportement de protection de l’environnement, puis à la question de la mise en œuvre des politiques de protection et à l’analyse des liens entre performance financière et performance écologique. L’auteur propose de s’interroger sur les stratégies environnementalistes des entreprises, domaine jusque-là particulièrement délaissé. À partir d’une analyse du secteur des produits biologiques, elle esquisse une typologie faisant apparaître trois stratégies génériques : l’entreprise idéaliste conduit une stratégie de niche en accord avec ses valeurs, l’entreprise pragmatique mène une stratégie de domination du marché, enfin l’entreprise novatrice cherche à se libérer des standards contraignants et de la relative pénurie des matières premières de l’agriculture biologique en se positionnant sur le créneau de l’agriculture raisonnée.

Origines et enjeux de la notation sociale et environnementale
Sociétal
Geneviève Ferone
Le développement durable est depuis quelque temps un thème en vogue. Nombre d’entreprises récupèrent le concept et les agences de notation « sociales et environnementales » fleurissent. Geneviève Ferone, fondatrice en 1997 d’Arese - la première agence française de notation extra-financière dont elle assura la présidence jusqu’en 2002 -, fait le point sur l’historique de ces agences, de leur genèse à leur développement. L’investissement socialement responsable et son outil opérationnel, la notation sociale et environnementale, représente un jeune marché voué à gagner du terrain. Toutefois, ces agences sont loin d’avoir acquis la puissance des agences de notation financière. Leurs critères et leurs méthodes sont encore incertains et leur pouvoir d’influence sur les entreprises reste limité.

Les firmes face à leur responsabilité environnementale
Revue économique
Sandrine Spaeter
Les risques environnementaux liés à des activités de production des entreprises ne sont souvent pas sans générer des externalités négatives pour la société. Les entreprises sont généralement protégées par la règle de la responsabilité limitée qui ne les rend responsables financièrement d’un dommage environnemental causé par leurs activités qu’à concurrence de la valeur nette de leurs actifs. Cette situation peut notamment expliquer la modestie de l’investissement dans la prévention ainsi que la faiblesse de la demande d’assurance pollution. L’auteur met en avant les différences entre les types de responsabilité retenus outre-Atlantique et ceux figurant au niveau européen à travers la convention de Lugano. A l’aune des théories économiques, elle souligne les avantages et les inconvénients de la notion de responsabilité étendue.

No 2.864
8 décembre 2004

DOSSIER : L'arme de l'intelligence économique


Les leçons de l'étranger
Accomex
Jean- Daniel Gardère
Certes, le mouvement de globalisation à l'œuvre tend à gommer la notion de nations, et partant de frontières. Il reste que « l'effet frontière » subsiste. L'auteur passe en revue la manière dont l'intelligence économique est mise selon les pays au service de l'influence. Deux grandes tendances se dégagent. D'une part, le Policy – mix anglo-saxon avec le modèle dominant et exemplaire américain et d'autre part, les expériences moins dirigistes et beaucoup plus informelles pratiquées par l'Allemagne, le Japon, l'Espagne ou encore d'Italie. Ces dernières attestent que des moyens plus modestes que ceux mis en œuvre par la première économie mondiale sont loin d'être disqualifiants.

Quelques exemples d'affrontements France –
ةtats-Unis
Politique internationale
Ali Laïdi
Au cours des années 1990, l'offensive des sociétés américaines en direction de la France s'est intensifiée. La CIA (Central intelligence agency) multiplie ses activités dans les affaires économiques. Des agences de sécurité sont réorientées vers le renseignement économique. L'auteur revient sur l'affaire Airbus de 1994 où les Français se sont fait doubler par les services d'espionnage américains ainsi que sur l'affaire Thomson CSF. Avant le 11 septembre 2001, les ressources financières de la CIA consacrées à l'intelligence économique atteignaient 40% de son budget total… Par ailleurs, toutes les directions d'entreprises américaines de dimension technologique internationale disposent d'une cellule solide en intelligence économique ayant fait preuve à de multiples occasions de leur capacité à s'infiltrer dans des sociétés françaises. Dans ce contexte, la France paraît quelque peu à la traîne…

Les enseignements de l'affaire Gemplus
Diplomatie
Nicolas Moinet
En 1988, six ingénieurs de Thomson quittent l'entreprise pour tenter l'aventure de la carte à puce. Le démarrage de Gemplus est foudroyant. Avec la mise sur le marché financier quatre ans plus tard, d'une partie des actions de la société française - aujourd'hui Luxembougeoise - le capital de cette dernière s'ouvre à de nombreux étrangers. Le fonds d'investissement américain TPG devient ainsi l'actionnaire principal du groupe. En 2002, le leader mondial des cartes à puces nomme à sa tête un Américain, administrateur de In-Q-Tel, le fonds de capital-risque crée par la CIA, chargé de favoriser l'émergence des nouvelles technologies de l'information intéressant la sécurité nationale. Le savoir-faire de Gemplus intéresse grandement les Américains. L'auteur montre comment cette affaire et tant d'autres posent la question de la maîtrise des technologies-clés pour la sécurité nationale, notamment économique. Face à la puissance américaine, la France manque de visibilité, et partant, demeure sur une posture essentiellement défensive.

L'intelligence économique ou l'école de la guerre
Harvard Business Manager
Christian Harbulot
L'auteur montre comment évolue le contenu de l'intelligence économique. La mise en place d'un système de gestion de l'information performant apparaît aujourd'hui au cœur du concept. L'émergence, au cours des dix dernières années, de la société de l'information s'est traduite par une modification de la nature des affrontements économiques et concurrentiels. Les attaques par le biais de l'information ont supplanté celles entreprises à travers le renseignement ou le marketing traditionnel, selon Christian Harbulot. Les campagnes de déstabilisation d'une entreprise au moyen d'attaques portées contre son image ont un pouvoir de nuisance important. L'objectif consiste à identifier les failles et les contradictions d'une entreprise cible, puis à émettre des informations négatives sur cet adversaire, l'amenant ainsi dans une position où il sera contraint de se justifier. Les entreprises doivent absolument se doter de moyens spécifiques pour faire face à cette nouvelle forme de guerre économique. A cet égard, le modèle français souffre d'un trop grand colbertisme et d'une culture d'une culture profondément marquée par le colbertisme et d'une sensibilisation insuffisante aux nouvelle stratégies développées dans le cadre de la concurrence économique, estime ce spécialiste en Intelligence économique.

Faible mobilisation des réseaux dans les PME - PMI
Humanisme et Entreprise
D. Phanuel
Dans un contexte où la concurrence se fait plus dure, et à l'heure où de nombreuses grandes entreprises françaises se sont lancées dans la pratique de l'intelligence économique, l'auteur s'interroge sur la place de cette activité au sein des PME - PMI. Le concept de réseau interne (dirigeants, salariés, experts…) et externe ( acteurs de marché et hors marché…) à l'entreprise apparaît étroitement lié à celui d'intelligence économique. D'après la théorie, de nombreux acteurs internes et externes devraient être mobilisés. Or, les résultats d'une étude de terrain menée dans un département français montrent que les PME- PMI utilisent un réseau externe étendu et un réseau interne restreint et centré sur le dirigeant qui joue le rôle d'acteur pivot.

No 2.865
22 décembre 2004

DOSSIER : Les inégalités économiques en question


Mondialisation et dynamique des inégalités
Risques
Pierre-Noël Giraud
La question de savoir si la mondialisation est un facteur qui aggrave les inégalités économiques, tant entre les pays qu’à l’intérieur de chacun d’entre eux, mobilise de plus en plus les chercheurs. Le résultat qui ressort de la plupart des analyses sur séries longues est que l’évolution des inégalités – après une réduction ou stabilisation durant plusieurs décennies – est repartie à la hausse dans les décennies quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Le rôle de la mondialisation est ambigu. Elle peut être un facteur favorable au rattrapage pour les pays pauvres – à condition de disposer de certains atouts comme un Etat fort et légitime. L’évolution des inégalités est également contrastée au sein des pays industrialisés. Quant au rôle de l’Etat, l’auteur souligne que si la mondialisation engendre des tendances inégalitaires internes, il ne faut pas oublier que les gouvernements disposent toujours de moyens pour les atténuer.

Le double lien entre inégalités et croissance
Conférence AfD-EUDN du 13 novembre 2003 à Paris
Orazio Attanasio et Chiara Binelli
L’analyse du lien entre les inégalités économiques et la croissance est depuis longtemps un sujet très controversé. Ce débat tient à la diversité des arguments et au caractère peu concluant des résultats empiriques. Sur le plan théorique, la relation entre les inégalités et la croissance est double. Elle peut être positive par le biais de l’épargne individuelle et des incitations à investir. Mais elle est susceptible également s’être négative. Les inégalités peuvent en effet être la cause d’une instabilité politique et sociale, d’une charge fiscale décourageante pour l’investissement ou d’un taux d’accumulation plus faible de capital humain. Les études empiriques – elles se heurtent à des problèmes méthodologiques et de qualité des données - sont aussi variées que les arguments théoriques. Néanmoins, les analyses les plus récentes confortent plutôt l’hypothèse d’un impact négatif des inégalités de revenus sur la croissance.

L’influence de la technologie sur l’évolution des inégalités
NBER reporter
Daron Acemoglu
L’idée selon laquelle le progrès technologique est un facteur déterminant de l’évolution des inégalités économiques est aujourd’hui largement répandue. En effet, le progrès technique favorise l’emploi de personnes plus qualifiées et augmente la demande de formation. La distribution des salaires serait ainsi biaisée en faveur des personnes plus formées. Néanmoins, le mécanisme de substitution ne joue pas toujours en faveur de l’emploi qualifié, comme l’a montré le XIXe siècle avec le développement des usines et des chaînes de montage. La révolution technologique qui se propage depuis les années soixante-dix est cependant d’une autre nature : il s’agit en fait d’un changement technologique endogène.

Quel est l’apport des indicateurs composites des inégalités et de développement ?
Premières journées du développement du GRES
Bruno Boidin
La question de la mesure est un sujet central dans l’étude des inégalités. L’éventail des indicateurs est grand, mais il se réduit si on se cantonne à une comparaison internationale. Dans ce contexte, le plus connu est certainement l’indicateur du développement humain (IDH) du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Mais comme tous les autres indicateurs, il est contesté. Afin de clarifier le débat, l’auteur propose des critères d’évaluation. Ils portent sur le bien-être, la comparabilité dans l’espace et dans le temps ainsi que sur l’utilisation de l’indicateur comme outil d’aide aux décideurs publics. L’auteur conclut qu’à l’avenir, on pourrait songer à combiner des indicateurs synthétiques du bien-être à des mesures plus sectoriels.

La difficile mesure de la pauvreté en France
Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale
La lutte contre la pauvreté est devenue une des priorités des politiques économiques et sociales. L’analyse des causes de la pauvreté et de son évolution nécessite le recours à des informations dont la qualité ne paraît pas encore satisfaisante, comme l’atteste par exemple la disponibilité encore trop tardive des données synthétiques en France. Les auteurs proposent la mise en place de deux indicateurs de pauvreté, l’un tenant compte de l’évolution des seuls revenus des ménages pauvres, l’autre - plus classique - situant les revenus dans le cadre de la progression générale des revenus des ménages.

FISCALITE
Les taxes sur les cigarettes sont-elles régressives ?
Economie publique
Raphaël Godefroy
Depuis le début des années quatre-vingt-dix, le prix réel des cigarettes a presque doublé en France. Plusieurs facteurs explique cette évolution. Le prix des produits du tabac est fortement influencé par l’Etat et le vote de la loi Evin en 1991 marque, en matière de politique de santé publique, la volonté de lutter plus efficacement contre le tabagisme. D’après l’auteur, on observe qu’entre 1979 et 2000, les dépenses en cigarettes par adulte sont décroissantes selon les déciles de revenu : si la consommation moyenne du premier décile de revenu a stagné, celle du dixième décile a baissé. Ces résultats montrent que les taxes sur le tabac sont un impôt très régressif. Les modèles de consommation de biens de dépendance expliquent cette régressivité par la corrélation négative entre la préférence pour le présent et le revenu. En outre, il faut noter que le discours public d’information des dommages liés au tabac n’est pas parvenu à sensibiliser les catégories sociales aux revenus les plus faibles : ce constat indique les limites des mesures fiscales pour lutter contre le tabagisme.

INDICATEURS ECONOMIQUES
Les indicateurs comparatifs de compétitivité
Les Notes bleues de Bercy
Fabrice Hatem
L’actualité économique regorge de publications d’indicateurs de synthèse destinés à classer les différents pays du monde en fonction de divers critères tels que la compétitivité, le développement humain, le coût des affaires, etc. L’auteur recense, dans un premier temps, l’ensemble des indicateurs généralistes les plus répandus. Puis, il passe en revue les indicateurs plus précis visant à mesurer l’attractivité comparée des pays du monde pour les investissements étrangers. Pour finir, il énumère les critiques méthodologiques pouvant être portées sur ces différents travaux. La qualité des sources, mais aussi le choix des indicateurs ou encore le mode de calcul de l’indicateur de synthèse sont analysés successivement.

SCIENCE ECONOMIQUE
Les douze apôtres ou ce que pensent douze prix Nobel d’économie
Handelsblatt
En septembre 2003 à Lindau, sur les rives du lac de Constance, a été organisée pour la première fois la rencontre de douze lauréats du prix Nobel d’économie. Ils ont répondu à un questionnaire portant sur les grands problèmes contemporains et l’avenir de l’économie mondiale. Leur message est plutôt optimiste : en dépit de la famine, de la pauvreté, du vieillissement, l’humanité semble capable de maîtriser toutes les crises. Parmi les questions abordées, les douze lauréats ont par exemple dû se prononcer sur le nom de l’économiste le plus important du siècle dernier. John Maynard Keynes arrive en tête devant Milton Friedman, Paul A. Samuelson et Kenneth Arrow.

2005

No 2.866
05 janvier 2005

DOSSIER : L' Inde , l'autre géant asiatique

Les Réformes économiques des années 1980 et 1990
FMI - Working paper
Arvind Panagaryia

L'Inde parie sur les niches technologiques
La Lettre du CEPII
Sophie Chauvin et Françoise Lemoine

L'Inde n'est pas une nouvelle Chine
Flash CDC - IXIS
Patrick Artus

Un Nouveau pole mondial de la R&D
The Economist
 

L'Agriculture indienne à l'épreuve de l'OMC
Le Monde diplomatique
Roland-Pierre Paringaux

Lutter contre les inégalités : La Politique de discrimination positive
Far Eastern Economic Review
Jason Overdorf

Le Marché de l'immobilier en France
CA Immobilier Conjoncture
Olivier Eluère

Les Français et Internet
Les 4 pages du SESSI
Raymond Heitzman et Elisabeth Rignols

No 2.867
19 janvier 2005

DOSSIER : Les industries culturelles à l'heure d'internet


L'industrie culturelle dans la tourmente
The Economist
Avec l'augmentation du volume des téléchargements de musique en ligne, l'industrie du disque est confrontée à un changement de taille. Dans cet article, The Economist cherche à dégager les grandes lignes des modifications en cours dans l'industrie du disque. Les majors sont confrontées à un certain nombre de dilemmes. L'évolution de cette industrie va dépendre de la position adoptée par ces grandes sociétés face au problème du piratage. Il reste que la prise de risque, tout autant technologique que créatif, constitue une condition nécessaire pour que les majors conservent une position dominante dans l'industrie du disque.

L'impact du P2P sur le marché du disque
Adami
Tariq Krim
Le recul des ventes de CD observé au cours des dernières années est- il imputable aux échanges de fichiers sur internet ? Le Peer to Peer ou P2P aurait un impact limité. Les causes sont davantage structurelles, démontre Tariq Krim. Pour ce faire, ce dernier passe en revue de nombreuses études portant sur le sujet. Quant à la consommation de musique en ligne, elle, est en train de connaître une profonde modification. L'auteur distingue les freeriders, c'est- à-dire ceux pour qui le P2P remplace la consommation de CD des sampleurs, ceux pour qui, en revanche, le P2P développe la connaissance musicale et génère une consommation de CD supplémentaires. Le marché du disque vit actuellement sur l'équilibre entre ces deux populations.

Vers une remise en cause du droit d'auteur ?
Revue d'économie industrielle
Joëlle Farchy et Fabrice Rochelandet
L'avènement des technologies et des réseaux numériques s'accompagne d'une forte contestation du principe du droit d'auteur ainsi que de sa mise en œuvre. Mais ils permettent par ailleurs l'émergence de nouvelles formes de protection des contenus fondées sur un modèle contractuel et non plus réglementaire (droit d'auteur). Cette forme de protection contractuelle comporte toutefois des limites. Les technologies de protection de contenus représenteraient surtout une nouvelle arme concurrentielle aux mains de certains producteurs de contenus. De fait, ces technologies sont actuellement utilisées par les majors pour renforcer leurs droits en matière de droit d'auteur, et non pour le remplacer, estiment les auteurs.

Des remèdes au contournement des droits de propriété intellectuelle…
Cerna- Notes de travail Contango
Olivier Bomsel et Gilles Le Blanc
Le contournement massif des droits de propriété intellectuelle se traduit par un problème économique de taille : la remise en cause de la « rivalité » des biens, condition fondamentale du modèle économique de la création, de l'exploitation et de la distribution des œuvres. En effet, c'est sur cette propriété que reposent les mécanismes institutionnels du droit d'auteur, de copyright ou de licences et soutiens. Rétablir la rivalité dans la distribution des contenus culturels afin de donner les bons signaux d'investissement, revient à rendre coûteux l'échange. Il s'agit de mettre en place une tarification de l'accès montant, comme pour la téléphonie. Autrement dit, il s'agit de faire payer l'accès au consommateur en proportion des fichiers qu'il émet. Parmi les nombreux avantages d'une telle solution, les auteurs mentionnent la mise en place d'une distribution légale, donc maîtrisée, respectant les droits de propriété des contenus.

Mutation du secteur de la location vidéo
DREE-Revue sectorielle
Candice Morrissey
Principale source de revenus de l'ensemble de la filière cinématographique, le secteur de la vidéo aux
ةtats-Unis subit de profondes mutations. De nouveaux modèles économiques émergent. En proposant un abonnement mensuel à tarif fixe, la location d'un nombre illimité de films par mois avec envoi direct des produits chez le client, Netflix a connu un vif succès. L'auteure analyse la situation et l'évolution de ce marché où la concurrence se fait déjà très forte.

SECTEURS ET MARCHES
Le marché du transport aérien
Conjoncture – BNP Paribas
Olivier Bouillé
Comment anticiper les retournements dans le secteur du transport aérien ? L'auteur montre que les compagnies aériennes sont non seulement sensibles aux chocs externes mais aussi à la conjoncture économique. Ces retournements peuvent avoir des répercussions non négligeables sur la rentabilité des compagnies. L'auteur présente quelques indicateurs avancés ayant pour objectif de donner des signaux d'alerte sur les retournements de cycles. Des simulations effectuées sur la base d'un modèle intégrant différentes variables comme les marges opérationnelles ou les réserves de liquidité permettent de connaître les évolutions futures de ce secteur.

ECHANGE INTERNATIONAL
Détérioration séculaire des termes de l'échange : réalité ou illusion ?
ةconomie appliquée
ةtienne Modeste Assiga Ateba
Les premiers travaux établissant une détérioration séculaire des termes de l'échange dans les pays en développement datent des années cinquante. Depuis lors, cette thèse n'a cessé de susciter le débat. En effet, les analyses généralement avancées ne permettent pas de valider totalement celle-ci et les traitements économétriques aboutissent parfois à des résultats contradictoires.
ہ partir du cas des matières premières africaines, l'auteur cherche, à l'aide de méthodes économétriques dites de correction des erreurs et de co- intégration, à trancher une fois pour toutes le débat. Pour son étude, il opère une distinction entre les termes de l'échange des matières premières avec et hors pétrole et tient compte également de l'appartenance ou non du pays à la zone franc.

SCIENCE
ةCONOMIQUE
Nicholas Georgescu-Roegen ou l'invention de la bioéconomie
Recherches économiques de Louvain
Philippe Dulbecco, Pierre Garrouste
Nicholas Georgescu-Roegen occupe une place à part dans la théorie économique. Relativement méconnue, son œuvre, dont les débuts remontent aux années cinquante du siècle dernier, représente néanmoins une contribution essentielle à l'analyse économique. Il s'agit d'une approche alternative fondamentalement dynamique, émancipée de la conception mécanique de l'économie et revendiquant un ancrage dans la thermodynamique. S'inspirant de la biologie évolutionniste, son œuvre donne une vision nouvelle de la production dans laquelle le problème d'oisiveté des fonds, c'est-à-dire la rareté du temps, ainsi que la distinction entre processus irréversible et processus irrévocable jouent un rôle central.

No 2.868
02 février 2005

DOSSIER : LE ROLE DES INSTITUTIONS DANS LE DEVELOPPEMENT


Qualité des institutions et résultats économiques : un lien solide ?
Finances et développement
Hali Edison
De nombreux travaux soulignent l’importance des institutions pour le développement et la croissance économiques. Concrètement, ils suggèrent en général que le PIB par habitant est étroitement lié à des différences dans la qualité des institutions, mesurée par un ou plusieurs indices de gouvernance, intégrant par exemple la participation des citoyens, la stabilité politique ou le poids de la réglementation. L’auteur résume une étude du FMI qui cherche à faire avancer le débat en testant la solidité empirique de ces relations et revoit les recommandations en matière politique. Globalement, il ressort que l’effet de l’action des pouvoirs publics semble moins marqué que dans le cas des institutions.

Finance et croissance : un lien positif sous condition pour les pays en voie de développement
Economie appliquée
Mohamed Trabelsi
Au plan théorique, le lien positif entre le développement du secteur financier, la productivité et la croissance peut facilement être démontré. Il s’appuie surtout sur le canal du crédit et, plus particulièrement, sur le rôle des intermédiaires dans l’offre de fonds. Les travaux empiriques testant ce lien vérifient difficilement ces propositions. L’auteur présente une nouvelle analyse de ce problème. Son principal résultat réside dans le fait que les régressions en coupe transversale montrent l’effet positif attendu du développement financier sur la croissance économique, mais cet effet disparaît si la dimension temporelle est introduite. L’auteur explique ce paradoxe par l’absence d’un secteur entrepreneurial privé capable de transformer les fonds disponibles en projets profitables.

Un autre regard sur la gouvernance d’entreprise
Etudes du centre de développement de l’OCDE
Nicolas Meisel
L’essentiel des critères utilisés pour évaluer les institutions de gouvernance d’entreprise dans les pays en voie de développement s’inspire de l’expérience des pays anglo-saxons. Mais certaines expériences de développement, comme le miracle asiatique ou les Trente Glorieuses en France, se sont déroulées à l’opposé de ce modèle de référence. En s’appuyant sur l’étude du cas français, l’auteur propose une analyse systématique des mécanismes institutionnels de production et de partage de la confiance, du pouvoir et de l’information. La grille de lecture ainsi développée souligne combien il est important de ne pas analyser les institutions de gouvernance indépendamment de la culture dans laquelle elles s’inscrivent.

Vers une meilleure perception des institutions
CESifo DICE report
Dani Rodrick
Au sujet du lien entre institutions et développement, l’approche économique orthodoxe conduit à une forme de réductionnisme centré autour du droit de propriété : il suffirait de protéger ce droit par des institutions appropriées et le développement en découlerait automatiquement. L’exemple de la Russie et de la Chine montre cependant qu’il n
a pas de voie unique pour parvenir à la croissance et à la mise en place de bonnes institutions. La Russie, bien qu’elle ait rapidement réécrit ses lois conformément aux prescriptions de l’économie orthodoxe, est aujourd’hui largement distancée par la Chine en termes d’investissements étrangers. L’auteur suggère à ce sujet qu’il faut distinguer la stimulation et le soutien de la croissance. ہ court terme, il est rarement nécessaire de procéder à une réforme institutionnelle de grande ampleur pour impulser la croissance.

Un programme de recherche pour l’économie institutionnelle
CEPREMAP
Robert Boyer
Règles, normes, droits de propriété, coûts de transaction, organisation, réseaux, etc. : la théorie des institutions ne dispose pas pour l’instant d’un corpus analytique harmonisé ce qui rend l’économie institutionnelle très hétéroclite. L’auteur présente quelques-uns des chantiers de recherche consacrés aux problématiques institutionnalistes : définir avec précision les termes d’une économie institutionnelle, organiser une confrontation entre les divers programmes de recherches institutionnalistes et, enfin, tenter d’analyser le changement institutionnel. Ces propositions permettront peut-être un jour de mettre au point vers une théorie générale des institutions.

MATIERES PREMIERES
Why this Time the World Economy Can Cope With an Oil Price Shock
Financial Times
Chris Giles, Andrew Balls
Le prix du pétrole a fortement augmenté en 2004 et constitue un réel handicap pour la croissance mondiale. Néanmoins, les responsables des principales banques centrales estiment que l’économie mondiale peut échapper à une crise de stagflation comme celle des années soixante-dix. Plusieurs facteurs confortent cette analyse. Le principal tient au comportement des banques centrales qui disposent aujourd’hui d’une véritable crédibilité dans la lutte contre l’inflation. Il y a trente ans, elles avaient majoritairement réagi par une baisse des taux, alimentant ainsi la spirale inflationniste. En termes réels, les prix actuels restent nettement en dessous du plus haut des années soixante-dix. Par ailleurs, la dépendance des pays industrialisés vis-à-vis du pétrole est relativement plus faible aujourd’hui.

ECONOMIE DE LA CULTURE
Les enjeux économiques du patrimoine
Pouvoirs locaux
Xavier Greffe
Il y a une dizaine d’année encore, l’apport économique des activités patrimoniales était considéré comme d’un faible poids et le patrimoine ne faisait guère l’objet de l’intérêt des économistes. Aujourd’hui, il en va tout autrement : le lien entre patrimoine et économie est analysé en particulier dans le cadre des réflexions sur le développement local. Il existe plusieurs manières d’envisager les retombées économiques du patrimoine, selon qu’on le considère comme une consommation finale ou intermédiaire. En outre, dans le cadre de l’amélioration du cadre de vie et de l’image du territoire – notamment pour des villes ayant connu de graves crises de reconversion –, le patrimoine peut avoir un effet d’attraction sur la population locale en lui redonnant confiance dans les perspectives de développement. Il peut aussi favoriser l’implantation de nouvelles activités.

SYSTEME FINANCIER
La situation des systèmes bancaire et financier dans la zone franc
Banque de France
Les années 1990 ont connu une marginalisation progressive de l’Afrique dans l’activité bancaire internationale. Malgré l’augmentation en chiffres absolus, les financements bancaires internationaux en faveur de l’Afrique ont baissé d’environ 40 % en termes relatifs depuis 1990. Les pays de la zone franc connaissent la même évolution. Les financements accordés bénéficient principalement aux importateurs et aux exportateurs et très peu aux banques, accentuant ainsi la faiblesse des systèmes bancaires de la zone. Afin d’améliorer l’accès aux services bancaires et au financement, l’UEMOA et la CEMAC favorisent le secteur de la microfinance. Cette stratégie est également poursuivie aux Comores.

No 2.869
16 février 2005

DOSSIER : LA R&D A L'EPREUVE DE LA MONDIALISATION


Les critères d'un système de recherche performant
Le Banquet
Olivier Postel-Vinay
A l'aune des indicateurs les plus pertinents pour comparer les performances des pays engagés dans la compétition scientifique, l'auteur dresse la liste des pays affichant les meilleures performances en matière de recherche. Il s'agit, d'une part, de petits pays européens comme la Suisse, la Suède et les Pays-Bas ; d'autre part, des Etats-Unis et du Royaume-Uni. De nombreuses caractéristiques en matière de recherche scientifique sont communes à ces pays. La France, elle, reste à l'écart de ce peloton de tête.

Fuite et circulation des cerveaux : les défis américains et asiatiques
Annales des Mines
Jérôme Fourel
En 2002, les immigrants indiens et chinois ont crées plus de la moitié des entreprises technologiques de la Silicon Valley. Ce phénomène traduit une nouvelle étape de la mondialisation. Après celle de la production au cours de la décennie 1970, la période 2000 - 2010 s'annonce comme celle de la mondialisation du savoir. Les élites américaines et asiatiques sont engagées depuis 20 ans dans des logiques très fécondes de co-développement. Des pays comme Taïwan, la Chine et l'Inde sont devenus centraux. La communauté des ingénieurs et des scientifiques européens apparaît en revanche absente de ces réseaux d'échanges privilégiés.

Les entreprises étrangères favorisent la R&D en Allemagne
Economic Bulletin
Heike Belitz
Le processus de mondialisation se traduit par de nombreuses délocalisations. Qu'en est-il des activités de R&D ? A travers le cas de l'Allemagne, l'auteur montre que si de nombreuses entreprises allemandes développent leurs activités de R&D à l'étranger, les multinationales d'origines étrangères, en retour, ne désertent pas l'Allemagne. Au contraire, la part des activités de recherche des entreprises étrangères par rapport à la proportion d'investissement direct étranger est relativement élevé. Les entreprises étrangères ont contribué à un quart des investissements de R&D en 2001. Les activités de recherche et développement outre-Rhin apparaissent donc loin d'être menacées.

Le nouveau régime américain de la propriété intellectuelle
Revue d'économie industrielle
Benjamin Coriat
Au cours des vingt dernières années, la propriété industrielle a connu de profonds bouleversements. A force de décisions jurisprudentielle et législative, le domaine de la brevetabilité n'a cessé de s'étendre. Les brevets couvrent non seulement les inventions effectives mais aussi… celles à venir ! Ce nouveau droit américain va alors par contagion s'imposer comme la norme et progressivement se diffuser au niveau international, observe l'auteur. De nombreux effets pervers apparaissent. Accordés sur la base de critères peu exigeants, les brevets ont alors un effet contraire à ceux attendus. La protection juridique accordée devient fragile. Par ailleurs, les pénalités pour les imitateurs étant alourdies, de plus en plus de firmes renoncent à l'innovation. Au total, estime l'auteur, l'explosion du nombre de brevets au cours des dernières années aux Etats-Unis ne serait pas nécessairement le signe d'une vitalité retrouvée…

Biotechnologies et droits de propriété intellectuelle : une réponse théorique
Conseil d'analyse économique
Claude Henry, Michel Trommetter, Laurence Tubiana et Bernard Caillaud
Comment protéger la propriété intellectuelle sans entraver la concurrence ? La théorie économique offre quelques éléments de réponse. Les auteurs passent en revue la littérature économique liée à l'application des modèles d'incitation à la recherche et développement (R&D). A travers le modèle de la course au brevet, de la coopération ou encore de celui des licences, les auteurs montrent comment s'articulent valeur sociale et valeur privée d'une innovation.

SCIENCE ECONOMIQUE
Hétérogénéité des croyances, prix du risque et volatilité des marchés
Revue d'économie financière
Elyes Jouini et Clotilde Napp
Les recherches sur l'impact de la divergence d'opinion des investisseurs sur les prix, les taux d'intérêt et la volatilité des marchés financiers sont peu nombreuses. Les auteurs analysent ici, à l'aide de différents modèles théoriques, les conséquences de l'introduction de croyances subjectives hétérogènes dans le modèle d'équilibre standard. Elles parviennent à mettre en évidence que la divergence d'opinions conduit à des comportements spécifiques et que les périodes de forte volatilité informationnelle amènent les marchés à surréagir par rapport à ce qui est prévu par les modèles usuels, et cela même lorsque l'on remplace dans ces modèles les anticipations rationnelles par des anticipations moyennes ou de consensus.

MARCHE DE L'ART
Remarques sur quelques anomalies économiques du marché de l'art
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Jürgen Kaube
L'analyse de la fixation du prix sur le marché de l'art révèle des anomalies microéconomiques incompatibles avec les lois standards de l'offre et de la demande. L'auteur recense deux de ces anomalies concernant le marché des tableaux : 1) les prix ne semblent jamais baisser et 2) le lien étonnement stable entre taille et prix. L'explication de ces anomalies renvoie aux particularités du marché de l'art, caractérisé par l'impossibilité du public de comparer les œuvres et par l'incertitude concernant leur qualité. Afin de réduire cette incertitude, le marché a créé des institutions comme les galeries, les musées et la critique d'art. La fixation du prix aurait dans ce contexte une importance au-delà de la pure fonction économique, car elle permettrait également de délimiter les missions respectives de ces différentes institutions.

DEVELOPPEMENT
Transferts financiers des migrants : un levier pour le développement des pays du Sud ?
Techniques financières et développement
Aude Penent
Selon les Nations unies, le nombre de migrants dans le monde a augmenté de plus de 20 millions de personnes sur 10 ans et concerne aujourd'hui environ 3 % de la population mondiale. La Banque mondiale, quant à elle, estime que les transferts financiers de cette population ont représenté 100 milliards de dollars en 2003. L'auteur analyse l'impact économique et social de ces transferts, qui – malgré des effets positifs mais également négatifs – contribuent à réduire la pauvreté dans les pays du Sud. Enfin, deux expériences sont présentées qui tentent de maximiser les effets positifs des transferts.

No 2.870
2 mars 2005

DOSSIER : PRODUCTIVITE ET TEMPS DE TRAVAIL


Europe-Etats-Unis : un siècle de croissance économique comparée
Revue de l'OFCE
Robert J. Gordon
Partant d'un niveau similaire de productivité et de PIB par tête au milieu du XIXe siècle, l'Europe n'a cessé de s'éloigner des performances américaines au cours des siècles suivants. En 1950, la productivité et le PIB par tête en Europe atteignaient la moitié des niveaux américains. Au cours des décennies suivantes, les avantages de l'économie américaine ont commencé à s'éroder. Cela, combiné à la forte baisse du volume de travail, expliquerait le dynamisme des gains de productivité sur la période et, partant, le rattrapage du niveau de productivité américain. L'auteur montre qu'une quasi- convergence s'esquisse du côté de la productivité européenne. Pour autant, celle du PIB reste incomplète... Au cours de la décennie 1990, et à la différence des Etats- Unis, l'Europe n'a pas fait l'expérience d'un sursaut de sa productivité. Mais, l'auteur estime qu'il faut relativiser la performance américaine sur cette dernière période, la contribution des TIC (technologies de l'information et de la communication) à l'économie outre-Atlantique ayant été vraisemblablement exagérée.

Productivité : les Etats-Unis distancent l'Europe dans les années 1990
Futuribles
Gilbert Cette
Au début des années 2000, le PIB par habitant de la France et de l'Union européenne était inférieur d'environ 25 % à celui des Etats-Unis. L'évolution de cet indicateur s'explique par différents facteurs comme la productivité horaire, la durée moyenne du travail et le taux d'emploi. Pour comprendre l'origine de cet écart de PIB, l'auteur établit notamment une comparaison entre la productivité horaire « observée » et la productivité horaire « structurelle » qui est nettement supérieure outre-Atlantique à celle de l'Europe ou du Japon. Il rappelle que l'accélération de la productivité aux Etats-Unis et son ralentissement dans l'Union européenne peuvent s'expliquer pour l'essentiel par le développement et la diffusion plus rapide des technologies de l'information et de la communication (TIC). Mais, pour que l'effet d'entraînement des TIC soit optimal, il montre également qu'une certaine flexibilisation sur le marché des biens et du travail doit accompagner l'augmentation des investissements en la matière.

Comment mesurer la productivité ?
The Economist
La technique la plus utilisée pour mesurer l'efficience économique n'est pas la meilleure. Telle est la conclusion présentée par The Economist après une analyse du concept de productivité et de sa mesure. En effet, l'indicateur le plus souvent cité - la production horaire par travailleur dans le secteur industriel – ne reflète que la croissance de la productivité du travail. La production multifactorielle obtenue en rapportant la production à l'ensemble des facteurs de production est une mesure plus pertinente. Certes elle est plus difficile à estimer, mais elle rend les comparaisons internationales plus fiables et permet d'expliquer une part des gains de productivité américains.

TIC et productivité : une comparaison internationale
Economie internationale
Johanna Melka et Laurence Naymann
En Europe, le débat sur la productivité s'est focalisé sur le retard par rapport aux
ةtats-Unis en matière de gains de productivité, mais également d'investissement en technologies de l'information et de la communication (TIC). Les auteurs proposent une comparaison internationale permettant d'expliquer la croissance de la productivité horaire du travail. Sur la période 1995-2001, les résultats suggèrent que l'usage accéléré des TIC aurait été la source de gains de productivité environ deux fois plus élevés aux Etats-Unis et au Royaume-Uni qu'en France et en Allemagne. Dans tous les pays, cette progression a été particulièrement rapide dans les secteurs producteurs de TIC, mais dans les secteurs très utilisateurs de TIC (comme la banque et le commerce), ne sont enregistrés que les gains de productivité des pays anglo-saxons.

La productivité des services est-elle sous-estimée ?
Conseil d'analyse économique
Anita W
ِlfl
Au cours des années 1990, dans la majorité des pays de l'OCDE, la croissance de la productivité est restée plus élevée dans les industries manufacturières que dans les services. Certaines analyses expliquent ce déséquilibre tendanciel par des problèmes de mesure. Une des difficultés tient en particulier au mode de calcul de la valeur ajoutée à prix constants. Cette sous-estimation potentielle des taux de croissance de la productivité des services a pour conséquence une modification du poids relatif de la contribution des différents secteurs de l'économie à la croissance de la productivité agrégée, mais pourrait également avoir un effet sur la mesure de cette dernière.

Quel lien entre l'évolution de la productivité et de celle de l'emploi ? Le cas français
Economie et statistique
Bruno Crépon et Richard Duhautois
L'évolution de la productivité au cours des deux cycles de croissance soutenue (1987-1990 et 1996-1999) a été très différente d'une période à l'autre. A la fin des années 1990, la productivité du travail a augmenté deux fois moins vite que dix ans plus tôt. Ce ralentissement est moins marqué dans le cas de la productivité globale des facteurs. L'analyse de la croissance du taux d'emploi montre que la part de l'augmentation de la productivité imputable aux créations/disparitions d'entreprises a légèrement reculé et que la croissance de l'emploi est davantage due aux embauches réalisées par les entreprises pérennes. Cet enrichissement en emplois entre 1996 et 1999 donnerait ainsi un caractère plus « smithien » que « schumpéterien » à la croissance française.

35 heures : une politique économique coûteuse
Flash – CDC Ixis
Patrick Artus et Laure Maillard
Quels sont les effets du passage à la semaine de 35 heures en France ? Le bilan atteste que la mesure a eu des effets contra-cycliques puissants puisque près de 400 000 emplois ont été créés, estiment les auteurs. Mais au final, cette politique se révèle être onéreuse : le coût d'un emploi créé est de l'ordre de grandeur du salaire par tête. Par ailleurs, la mise en œuvre des 35 heures devrait se traduire par une chute de 2,5 % de la production à partir de la date de retour au chômage d'équilibre.

L'impact des 35 heures sur l'économie française
Rapport d'information de l'Assemblée nationale
Patrick Ollier et Hervé Novelli
L'économie française peut-elle supporter les 35 heures ? A travers l'audition de plusieurs personnalités du monde économique et politique, les auteurs du rapport dressent un bilan plutôt négatif de la mise en place des 35 heures en France. Certes, la baisse de la durée du travail a généré une hausse de la productivité horaire, mais cette dernière n'a pas été suffisante pour accroître la productivité par tête. Au total, de nombreux économistes auditionnés estiment qu'à long terme, la diminution du temps de travail aurait un impact négatif sur le potentiel de croissance.

Plus d'argent ou moins de travail ?
Enjeux Les Echos
Valérie Delarce
Depuis 2000, la France et les Etats-Unis connaissent une évolution très différente de l'utilisation de la richesse produite. Sans conteste, les Etats-Unis, affichent sur longue période une préférence marquée pour la production c'est-à- dire, une croissance du PIB soutenue par une consommation vigoureuse à la fois des ménages et de l'administration ainsi que par un investissement en équipement très important. Dans le même temps, la France s'est engagée dans un processus de réduction du temps de travail au détriment de la croissance. Mais ce choix de société est-il soutenable à long terme ?

No 2.871
16 mars 2005

DOSSIER : LE BRESIL, LES DEFIS D’UNE PUISSANCE EMERGENTE


Un premier bilan de l’action du gouvernement Lula
Problèmes d’Amérique latine
Stéphane Monclaire
Alors que l’élection de Luis Inacio Lula da Silva, candidat du Parti des travailleurs, à l’élection présidentielle d’octobre 2002, avait soulevé au Brésil l’immense espoir d’un changement profond – et avant l’élection, les pires inquiétudes des institutions financières internationales -, les deux premières années d’exercice du pouvoir ont été marquées par la volonté de maintenir les grands équilibres macroéconomiques et de relancer la croissance économique. Les premières réformes structurelles ont été entreprises, comme celle du système de retraite ou de la fiscalité. En revanche, la politique de réduction de la pauvreté et des inégalités sociales tarde, en dépit de quelques progrès, à être mise en œuvre. L’année 2003 qui s’était soldée par une petite récession semble n’être désormais qu’un mauvais souvenir. En 2004, en effet, les performances économiques ont été bien meilleures et le Brésil a renoué avec la croissance.

Pourquoi la société brésilienne est-elle si inégalitaire ?
Inequality and Economic Development in Brazil
Banque mondiale
Le Brésil, cinquième pays le plus peuplé au monde, est un des plus inégalitaires. Les inégalités y sont particulièrement persistantes sur le long terme, même si on note une légère réduction de celles-ci vers la fin des années 1990. Le pays présente aussi certaines caractéristiques comme l’existence de fortes inégalités spatiales, ethniques et sexuelles. Parmi les raisons qui expliquent la permanence des inégalités et leur reproduction, on peut citer : l’accès à l’éducation, la répartition des terres, la structure du marché du travail, mais également des facteurs historiques, politiques et culturels, comme l’esclavage.

Cycle économique, politique monétaire et répartition
Colloque « Régulation sociale et développement. Spécificités et enseignements du cas brésilien »
Jaime Marques-Pereira
Avec le retour de la croissance, le débat économique porte aujourd’hui, au Brésil, sur les marges de manœuvre qui permettraient un desserrement de la contrainte externe par une politique de restriction monétaire et budgétaire et un approfondissement des réformes microéconomiques. Ce débat est d’autant plus crucial qu’il pose de manière sous-jacente la question des enjeux distributifs de la politique monétaire. Du choix de l’endettement international dans les années 1970 à celui de la stabilité monétaire par la libéralisation économique dans les années 1990, la politique monétaire opère en effet au Brésil, en déterminant le cycle économique, une interaction constante entre la contrainte externe et la répartition des revenus.

Une union monétaire du Brésil et de l’Argentine est-elle réalisable ?
Economie appliquée
Jerôme Trotignon
A la fin des années 1980, l’idée de créer une monnaie commune entre le Brésil et l’Argentine est lancée. Dix ans plus tard, l’ambition est encore plus grande, puisque l’hypothèse de la création d’une monnaie unique est cette fois évoquée. Les bouleversements monétaires auxquels aboutissent la crise du real, puis la crise argentine – passage au flottement du real et du peso – vont rendre plus crédible un processus de convergence nominale des deux économies. En 2003, le principe de la mise en place d’un institut monétaire du Mercosur chargé de la coordination macroéconomique et des études à mener pour la constitution d’une union monétaire est approuvé par les membres du Mercosur. Pour savoir si, aujourd’hui, le projet de création d’une union monétaire entre le Brésil et l’Argentine est réalisable, l’auteur le soumet à un examen des critères traditionnels de la théorie des zones monétaires optimales (ZMO) et analyse les conditions de convergence nominale des deux.

HISTOIRE ECONOMIQUE
Les théories économiques et la crise de 1973
Vingtième Siècle
Lucette Le Van Lemesle
Depuis le XVIIIe siècle, de nombreux économistes ont cherché à comprendre les crises et partant, à en prévenir leur retour. L’auteur éclaire la crise de 1973 à l’aune des différentes théories qui ont jalonné l’histoire économique : de Ricardo à Keynes en passant par Marx et les théoriciens néo-classiques. Elle passe ensuite en revue les différentes théories qui ont émergé avec la crise des années 1970, notamment de l’école de la régulation avec Robert Boyer en chef de file.

MONNAIE ET FINANCE
Les déterminants de l’inflation en France
Flash éco – Crédit agricole
Anne Beaudu
Après une décennie environ de désinflation, la hausse généralisée des prix ne semblait plus constituer un véritable problème. Cependant, suite à la récente flambée des prix du pétrole qui a fait remonter l’inflation au-dessus de 2 % dans la zone euro et en France, elle redevient une préoccupation. L’auteur cherche à clarifier les perspectives d’inflation en France. En rappelant un certain nombre de liens théoriques (courbe de Phillips, approche par les coûts), elle construit plusieurs modèles simples de prévisions. De cet exercice, l’auteur retient l’influence prépondérante des facteurs extérieurs (au premier rang desquels le pétrole) et le caractère persistant de l’inflation.

SCIENCE ECONOMIQUE
Adam Smith et les contradictions du libre marché
Challenge
Peter Nolan
Certes, Adam Smith fut l’apôtre de la liberté des marchés. Il reste que l’auteur de la métaphore de « la main invisible » avait également pleinement conscience des contradictions internes de ces marchés. En effet, l’auteur montre qu’Adam Smith voyait les conflits de classe comme un phénomène inévitable et doutait que l’acquisition de biens matériels puisse rendre les hommes heureux. L’analyse du père de l’économie politique reste plus que jamais d’un recours indispensable pour comprendre les grandes questions auxquelles le monde se trouve aujourd’hui confronté.

PACTE DE STABILITE ET DE CROISSANCE
Comment définir les « circonstances exceptionnelles » ?
La lettre du CEPII
Agnès Bénassy-Quéré et Alexis Penot
La réforme du pacte de stabilité et de croissance – prévue depuis près de deux ans - n’est toujours pas achevée. Une des difficultés auxquelles se heurte la réforme est la définition de la notion de « circonstances exceptionnelles » qui autorise les pays membres à dépasser la limite de 3 % du PIB fixée au déficit public. La définition actuelle est si restrictive qu’elle apparaît virtuelle et la Commission a proposé de l’aménager. Mais quelle définition pourrait être adoptée ? Les auteurs discutent plusieurs possibilités moins restrictives et concluent qu’elles auraient conduit à invoquer les « circonstances exceptionnelles » dans 20 à 50 % des cas sur la période 1997- 2003.

No 2.872
30 mars 2005

DOSSIER : REGARDS ECONOMIQUES SUR LE DROIT


Common Law ou « droit codifié » : quel système est le plus efficace ?
Sociétal
Bruno Deffains
La mondialisation n’épargne pas les systèmes juridiques. En effet, celle-ci conduit à une mise en concurrence de systèmes disparates. Incités par les entreprises dans leur recherche de performance et de sécurité juridique, les économistes ont commencé à comparer les deux grands systèmes juridiques, à savoir celui issu de la tradition anglo-saxonne de la Common Law, fondée sur la jurisprudence et celui des pays de tradition civiliste romano-germanique (droit codifié). La question centrale est de déterminer lequel des deux systèmes présente la plus grande efficacité. Ainsi, l’école américaine de l’analyse économique du droit s’emploie à démontrer la supériorité de la Common Law. Elle favoriserait notamment le développement des marchés financiers. L’auteur met en garde contre cette analyse. Il n’est nullement prouvé que la loi civile soit moins efficace, moins protectrice et moins adaptable que sa concurrente.

Croissance économique et indépendance judiciaire : quels liens ?
European Journal of Political Economy
Lars P. Feld et Stefan Voigt
L’indépendance judiciaire est un élément fondamental pour le bon fonctionnement de l’économie. Elle réduit l’incertitude et assure la crédibilité des engagements lors des conflits entre les citoyens, entre les citoyens et le gouvernement ou entre différentes entités de l’autorité publique. Cependant, le pouvoir politique ne fait pas toujours le nécessaire pour instaurer l’indépendance judiciaire. Les auteurs cherchent à tester si celle-ci exerce une influence sur la croissance économique. Pour cela, ils construisent deux indicateurs de l’indépendance judiciaire, de iure et de facto. Ils concluent de leur analyse que la croissance n’est pas influencée par l’indépendance de iure. En revanche, l’indépendance de facto est positivement liée à la croissance du PIB.

La diversité des codes de la faillite: le point de vue de l’économie du droit
Document de travail du CREDES
Bertrand Chopard
La législation relative aux procédures de redressement d’entreprises en difficulté varie considérablement d’un pays à l’autre. Ainsi, par exemple, le droit de pouvoir soumettre un plan de redressement est attribué aux entreprises concernées (législation américaine) ou à un professionnel de la faillite (législation britannique et allemande). D’autres critères de comparaison concernent la facilité avec laquelle le débiteur peut se placer en redressement judiciaire ainsi que la prise en compte par le tribunal de privilèges ou d’accords conclus en dehors du mécanisme judiciaire. En France, contrairement aux autres pays, le redressement repose presque exclusivement sur le tribunal. L’analyse comparative aboutit à distinguer les pays dont le régime juridique est le plus favorable aux créanciers de ceux dont le code est le plus protecteur de l'entreprise : Grande-Bretagne, Allemagne, Etats-Unis et France.

L’analyse économique et comportementale du droit
Max Planck Institute for Research on Collective Goods
Markus Englerth
Le développement de l’analyse comportementale concerne également l’analyse économique du droit. L’approche classique se distingue à plusieurs titres de celle-ci. Ainsi, lors du processus de création et d’application du droit, l’analyse économique et comportementale du droit (Behavioral Law and Economics) applique rigoureusement le postulat de la rationalité et de la recherche de l’avantage personnel à l’ensemble des acteurs. Elle prend également explicitement en compte différents biais psychologiques pouvant survenir comme par exemple l’heuristique de disponibilité, l’effet de possession ou l’effet d’a posteriori.
ہ travers de nombreux cas, l’auteur montre à quel point la prise en compte de ces biais psychologiques aboutit à des recommandations juridiques qui sont parfois très éloignées des pratiques actuelles.

ECONOMIE ETRANGERE
Grandeur et décadence de l’économie argentine au XXe siècle
Informations et commentaires
Charles Lancha
L’histoire économique de l’Argentine est remarquable à plus d’un titre. Au début du XXe siècle, le pays semblait promis à un destin formidable. Mais rapidement, les perspectives se sont détériorées et la fin du siècle a été marquée par une crise sans précédent. Deux données fondamentales sont responsables de cette évolution. La première concerne le problème de la dette qui est apparu très tôt : déjà en 1910, l’Etat argentin consacre un tiers de ses ressources au service de la dette. L’autre tient à l’existence d’une structure oligarchique terrienne qui s’est transformée au cours du siècle en oligarchie financière. L’auteur rappelle les principales étapes de l’évolution économique de l’Argentine depuis 1900.

COMMERCE EXTERIEUR
Le commerce extérieur de la France de 1993 à 2002
Le 4 pages du SESSI
Boris Guannel
Entre 1993 et 2002, les échanges en produits industriels de la France ont enregistré une croissance de 7 % par an en moyenne, alors que du second choc pétrolier au début des années 1990, ils n’avaient augmenté en moyenne que de 4 % par an. Cette forte croissance s’explique par l’activité des grands groupes qui ont su profiter pleinement du dynamisme de l’économie mondiale et de la mise en place du marché unique européen. Les deux tiers du commerce extérieur de la France se font au sein de l’Union européenne. Sur la période analysée ici, c’est avec l’Irlande que les échanges de produits industriels ont le plus rapidement augmenté. Dans le même temps, l’Espagne est devenue le quatrième partenaire commercial européen de l’Hexagone. Enfin, on peut noter que le poids dans les échanges des pays émergents et des pays d’Europe centrale et orientale a crû de façon considérable.

SECTEURS
La stabilisation du revenu des agriculteurs en Europe et aux Etats-Unis
Economie rurale
Florence Jacquet, Wallace E. Tyner et Allan W. Gray
L’objectif central des politiques agricoles en Europe comme aux Etats-Unis est de protéger les agriculteurs du risque de fluctuation de leur revenu. Si les moyens privilégiés pour y parvenir différent des deux côtés de l’Atlantique, ils s’avèrent tous d’une remarquable efficacité. On peut observer que le niveau global du soutien est fortement lié au niveau du prix mondial. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) n’est pas opposée à cet objectif de stabilisation du revenu des producteurs à condition, toutefois, qu’il soit réalisé à l’aide d’instruments conformes à l’esprit de l’accord de Marrakech. Or, ce n’est pas le cas, jusqu’à présent, des principaux instruments utilisés par l’Union européenne et les Etats-Unis.

Problèmes économiques
No 2.873
13 avril 2005

DOSSIER : LES NOUVELLES TENDANCES DU MANAGEMENT

Manager les compétences pour stimuler l'engagement individuel
Bref-Cereq
Sylvie Monchatre
Dans un contexte de recherche accrue de compétitivité, la notion de compétence en entreprise ne cesse de se développer. Le management des compétences consiste à stimuler l'engagement des salariés dans leur contribution à la performance collective. Dès lors, comment ces compétences sont-elles gérées au sein des entreprises ? Comment l'encadrement concilie-t-il à la fois mobilisation et équité ? Enfin, quelles en sont les retombées sur les salariés en termes de mobilité ? Telles sont les questions auxquelles l'auteur fournit un éclairage.

L'évolution du management dans l'économie de la connaissance
Humanisme et entreprise
Joanna Pomian et Claude Roche
Dans un contexte où la connaissance revêt de plus en plus d'importance, on assiste à une dualisation des modes d'organisation du travail. La connaissance se développe dans l'entreprise selon des modalités particulières qui se greffent sur l'organisation « régulière » du travail sans toutefois sý substituer. Il en découle, selon les auteurs, la nécessité de mettre en place un nouveau management, adapté à cette dualité. Il s'agit d'ajuster l'organisation des équipes à la dynamique de la connaissance afin que l'entreprise en tire le meilleur bénéfice, tout en veillant à maintenir l'équilibre entre l'investissement de chaque salarié dans « le travail de la connaissance » et le temps consacré aux activités « classiques » de production.

Salariés peu performants et syndrome d'échec programmé
L'Expansion Management Review
Jean-François Manzoni et Jean-Louis Barsoux
A la suite de travaux de terrain menés sur une dizaine d'années, les auteurs distinguent deux grands types de salariés : les meilleurs éléments et les collaborateurs « les moins performants » (CMP). Ils montrent comment certains employés demandent à leur hiérarchie une énergie et une attention très soutenue et, au final, peu efficace. En effet, pour gérer les collaborateurs « les moins performants », beaucoup de dirigeants s'appuient sur une méthode qui, au lieu d'améliorer la situation, la détériore. Ce paradoxe est qualifié de syndrome de l'échec programmé.

La rémunération au mérite : mode ou nécessité ?
Les cahiers du groupe Bernard Brunhes
Anne de Bayser, Valérie Georgeault et Pierre Maréchal
Face à l'émergence du concept de compétence, le mécanisme de rémunération évolue. De plus en plus, les grilles associant des critères de qualification et d'ancienneté sont abandonnées au profit de systèmes de rémunération de plus en plus individualisés. En effet, la rétribution des compétences récompense les qualités du salarié. Quant à la rémunération au mérite, elle se définit comme une augmentation de salaire individuelle fondée sur la performance du salarié. Les auteurs soulignent les limites de ce système et montrent que les outils d'évaluation ne peuvent pas prendre en compte l'ensemble des objectifs à atteindre. Au total, la diffusion massive dans les entreprises françaises de pratiques formalisées d'appréciation, le plus souvent fondées sur une démarche objectifs/performances, s'est révélée généralement peu satisfaisante.


EGALEMENT DANS CE NUMERO


Démystifier la sous-traitance
Finances et développement
Mary Amiti et Shang-Jin Wei
En 2004, la sous-traitance de services, accusée d'entraîner des pertes d'emplois dans les pays développés, a fait l'objet d'une intense médiatisation, en particulier aux États-Unis. Si elle se développe en effet rapidement, la sous-traitance de services ne représente encore qu'une faible part du produit intérieur brut (PIB) des pays industrialisés. Il ne s'agit pas, par ailleurs, comme le laissent souvent penser certains observateurs, d'une opération déséquilibrée entre le Nord et le Sud. En réalité, compte tenu de leur poids économique, les pays industrialisés ne sous-traitent pas davantage que les pays en développement. Enfin, les analyses montrent que la sous-traitance de services n'entraîne pas un recul de l'emploi global : lorsque des emplois sont perdus dans certains secteurs, ils sont compensés par la création d'autres emplois dans les branches les plus dynamiques de l'économie.


Wicksel, Lindahl et la théorie des biens publics
Scandinavian Journal of Economics
Joaquim Silvestre
Wicksell et Lindahl ont consacré l'essentiel de leurs travaux à la question des biens publics et à l'analyse des décisions de la puissance publique. Leurs recherches, complémentaires, sont considérées à la lumière des dernières avancées de la théorie économique. L'auteur présente les idéaux normatifs qui étaient ceux de ces deux économistes et la difficulté à les atteindre. Leur approche de la négociation politique est analysée à l'aune de concepts plus récents, qui occupent une place centrale dans la théorie économique contemporaine.

L'essor des accords de libre-échange en Asie
Accomex
Christian Milelli
Pendant longtemps, l'Asie est restée à l'écart des dynamiques du libre- échange. Depuis le début des années 1990, la situation a commencé à changer avec l'augmentation du nombre d'accord commerciaux enregistrée, notamment depuis 1995. Ainsi, 250 accords de libre-échange avaient été notifiés à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à la fin de 2002. Cependant, la plupart de ces accords ont un caractère bilatéral, ce qui conduit à s'interroger sur l'existence de véritables zones économiques régionales en Asie.

 

Problèmes économiques
No 2.874
27 avril 2005

DOSSIER : LA FISCALITE LOCALE EN DEBAT

Un système de financement obsolète
Revue française de finances publiques
Luc Saidj
Avec le processus de décentralisation, initié au début des années 1980, les finances publiques locales ont connu de nombreuses modifications. Les transferts de compétence opérés par l'Etat au profit des collectivités territoriales ont entraîné une augmentation des charges qui n'a fait qu'accentuer l'inadaptation de leur système de financement. L'obsolescence de leur système de ressources a conduit l'Etat à augmenter considérablement ses dotations financières. Ce phénomène est venu de surcroît souligner l'affaiblissement progressif de l'autonomie financière des collectivités territoriales. Dans le même temps, on a assisté au cours des vingt dernières années à une modernisation des techniques financières et à une adaptation des contrôles, avec notamment la création des chambres régionales des comptes. Ces transformations n'ont cependant pas bousculé le traditionalisme de l'appareil financier qui aujourd'hui apparaît inadapté.

Les finances locales françaises : une comparaison européenne
Journal des Économistes et des Études humaines
Olivier Verheyde
Le système infranational français présente plusieurs caractéristiques qui le distinguent des autres pays européens, notamment le nombre plus élevé de niveaux administratifs locaux et de collectivités. Les dépenses locales y sont par ailleurs relativement faibles comparées au reste de l'Europe. En 2000, elles ont représenté 9,2 % du PIB contre 13,9 % en moyenne dans l'Union européenne (UE). En outre, la France, avec une autonomie fiscale très élevée et un poids financier faible, fait figure d'exception – hormis le cas particulier des pays scandinaves - par rapport au modèle européen des finances locales caractérisé par une certaine faiblesse de l'autonomie fiscale et du poids financier des administrations locales. Enfin, la situation financière des collectivités locales françaises est marquée par une grande hétérogénéité en raison d'une forte inégalité des ressources fiscales que le système de péréquation de l'Etat ne parvient à compenser que partiellement.

Quelle réforme de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle ?
Pouvoirs locaux
Alain Guengant
La réforme probable de la taxe professionnelle en 2006 pourrait n'être que la première étape d'un chantier beaucoup plus vaste qui est celui d'une réforme d'ensemble de la fiscalité locale française. Celle-ci est en effet marquée par de nombreux déséquilibres, que ce soit entre contribuables avec la dualité des régimes d'imposition de la taxe d'habitation ou de la taxe professionnelle, entre collectivités locales avec l'existence de fortes inégalités territoriales des bases ou encore entre administrations publiques avec le creusement du déficit de l'État en raison, entre autres, des allégements d'impôts locaux. En dépit des mesures adoptées jusque-là, comme les exonérations ou les dégrèvements, et faute d'une réforme des bases, les pouvoirs publics ne sont pas parvenus à stabiliser durablement le système fiscal local. L'auteur esquisse ici quelques scénarios de réforme de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle.

Décentralisation fiscale et croissance économique : existe-t-il un optimum ?
Economic Bulletin - DIW
Ulrich Thiessen
Depuis une trentaine d'années, on observe dans les pays développés de l'OCDE un mouvement de convergence en matière de décentralisation fiscale. Il n'est pas aisé de déterminer jusqu'à quel point celle-ci est susceptible de favoriser la croissance économique ou au contraire de l'handicaper. Il existe en effet un certain nombre d'arguments théoriques en faveur ou en défaveur de l'une ou de l'autre thèse. L'auteur présente ici les résultats d'une étude empirique - menée sur plusieurs pays à hauts revenus de l'OCDE - qui cherche à déterminer s'il existe en matière de croissance un degré optimal de décentralisation.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

SCIENCE ECONOMIQUE
L'analyse économétrique de la délinquance
Revue française d'économie
Denis Fougère, Francis Kramarz et Julien Pouget
Depuis les travaux menés à la fin des années soixante par Gary Becker sur la criminalité et la délinquance, les économistes ont été de plus en plus nombreux à investir le champ de la criminologie. La plupart des recherches visent à tester la validité du modèle introduit par Becker. De nombreux travaux ont ainsi cherché à évaluer l'impact du taux de chômage sur la criminalité. Les auteurs présentent ici les principaux résultats d'une étude qui porte sur le lien entre chômage des jeunes et délits enregistrés dans les départements français au cours de la dernière décennie.

IMMOBILIER
Comprendre la hausse du prix des logements anciens
Insee Première
Martine Beauvois
Le prix des logements anciens a progressé de 70 % entre 1998 et 2004. Ce mouvement touche l'ensemble de la France et se traduit pour les acheteurs par une perte de pouvoir d'achat et le rallongement de la période d'endettement. Plusieurs arguments sont couramment avancés pour expliquer cette hausse : l'accroissement du nombre de ménages, la faiblesse de l'offre, ainsi que le fait que l'intérêt s'est détourné de la bourse pour se porter sur les valeurs mobilières. L'auteur reprend un à un ces arguments et conclut qu'aucun ne résiste à une analyse approfondie.

ENTREPRISES ET MARCHES
L'émergence du concept d'entreprise sociale
Reflets et Perspectives de la vie économique
Jacques Defourny
L'auteur montre que le concept d'entreprise sociale est en nette progression dans de nombreux pays et ce, aussi bien aux Etats-Unis qu'en Europe. Au cours de la décennie 1990, de nombreux programmes de formation et de soutien aux entreprises sociales ont vu le jour. Sur le Vieux continent, le pas le plus important a été franchi par le Parlement italien au début des années 1990. C'est un peu plus tard, à partir de 2002 que le gouvernement britannique a décidé de promouvoir les entreprises sociales. Ce troisième secteur se développe pour répondre à des besoins auxquels ni le secteur privé classique, ni l'Etat ne peuvent donner une réponse satisfaisante. L'auteur dresse un état des lieux de ce nouveau rapport au marché.
No 2.875
11 mai 2005
DOSSIER : FECONDITE ET INCITATIONS FINANCIERES

Conciliation entre vies professionnelle et familiale et renoncement à l'enfant
Revue de l'OFCE
Gilbert Cette, Nicolas Dromel et Dominique Méda
La question du lien entre fécondité et taux d'activité des femmes, qui a déjà suscité de nombreuses études, est analysée ici à partir des réponses à une enquête IPSOS-Chronopost de 2003. Les résultats sont les suivants : les personnes qui renoncent le plus fréquemment à avoir un enfant sont les jeunes, les femmes (sans doute parce que ce sont elles qui doivent assumer la plus grande part des tâches familiales) et les salariés sans enfants. Par ailleurs, il ressort que plus la catégorie socioprofessionnelle est élevée, plus les salariés se déclarent concernés par des problèmes organisationnels ou logistiques. Mais en même temps, la contrainte financière joue un rôle important, car plus le revenu est important, moins les salariés renoncent à avoir un enfant.
Les coûts d'opportunité des enfants : une comparaison Japon- France
Innovations - Cahiers d'économie de l'innovation
Anne Bustreel, Tomo Nishimura
En matière de fécondité et de taux d'activité des femmes, tout oppose le Japon et la France. Le Japon se caractérise par de faibles taux de fécondité et d'activité professionnelle des mères, tandis qu'en France, ces deux chiffres sont élevés. Les auteurs tentent d'expliquer ce décalage en s'appuyant sur un travail économétrique qui mesure le coût d'opportunité d'un enfant. Il ressort qu'une Française ayant un enfant doit renoncer à 2 % de ses revenus salariaux, tandis que le revenu d'une Japonaise est amputé de 72 % ! Une division des tâches nettement plus rigide au sein des ménages japonais explique, entre autres facteurs, cette situation.
Incitations financières et ménages avec enfants : une comparaison européenne
CESifo DICE Report
Rüdiger Parsche et Rigmar Osterkamp
Les instruments financiers occupent une fonction centrale dans les politiques familiales. Traditionnellement, deux instruments sont utilisés: les allocations familiales d'un côté et les exonérations et déductions fiscales de l'autre. Les auteurs présentent un panorama des dispositifs en Europe. La France se distingue surtout par l'originalité de sa politique en la matière car elle est le seul pays à pratiquer un système de quotient familial. Généralement, on accorde un forfait déductible du revenu imposable. En ce qui concerne le niveau absolu du soutien, il s'avère que l'Allemagne - malgré son faible taux de natalité - dispose du système le plus généreux financièrement.
Le quotient familial a-t-il stimulé la natalité française ?
Economie publique
Camille Landais
En France, l'impôt sur le revenu - grâce au système du quotient familial - joue un rôle déterminant dans la politique de soutien aux familles. Mais quelle est son influence réelle sur la fécondité ? L'auteur étudie cette question à partir de la méthode des expériences naturelles , à savoir l'instauration en 1980 d'une part entière pour le troisième enfant et le plafonnement des effets du quotient familial en 1981. Les résultats suggèrent que l'impact de ces incitations fiscales est positif mais toujours extrêmement faible. Par ailleurs, les effets sont très lents à se diffuser (5 à 10 ans) et dissymétriques en fonction du rang de naissance et du revenu : la sensibilité aux incitations fiscales croît en fait avec le revenu.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
MONDIALISATION
L'altermondialisation : essai d'évaluation
Commentaire
Henri Bourguinat
Depuis la fin des années 1990, le mouvement altermondialiste ne cesse de progresser. La contestation, même si elle rassemble des pays ou des groupes aux intérêts divergents, est désormais suffisamment structurée pour parvenir à faire échouer, comme à Cancun en septembre 2003, les grandes négociations commerciales internationales. Au fil des ans, le mouvement a vu sa doctrine évoluer, la rhétorique antimondialisation des débuts a cédé la place à un discours en fin de compte porteur d'espoir : celui de l'altermondialisation. Pour l'auteur, si les dérives graves de la libéralisation du marché des biens et des capitaux dénoncées par les altermondialistes sont indéniables, les solutions qu'ils proposent pour les résoudre sont le plus souvent marquées du sceau de l'irréalisme. Il reste toutefois convaincu, à condition qu'il se transforme radicalement, de l'importance du rôle que peut jouer le mouvement altermondialiste dans la définition de nouveaux mécanismes de régulation de l'économie internationale.
SCIENCE ECONOMIQUE
L'univers professionnel des économistes
Kyklos
Tom Coupé
La profession d'économiste présente des caractéristiques qui lui sont propres. L'auteur montre en effet que s'agissant de la longueur des délais de publication, de la préférence marquée des évaluateurs des revues académiques pour leurs collègues les plus proches, de l'énumération systématique des co-auteurs dans l'ordre alphabétique, ou encore de la pratique de plus en plus fréquente de la signature de publications à plusieurs, les particularités ne manquent pas. Certaines statistiques concernant la profession d'économiste peuvent servir à l'étude de cette dernière mais aussi à tester des théories économiques portant sur le marché du travail académique ou sur l'influence de l'enseignement. Les différents travaux d'économistes qui ont pour objet d'étude les économistes eux-mêmes et leur comportement sont passés en revue.
ECONOMIE INTERNATIONALE
Les produits alimentaires peuvent-ils êtres des biens universels ?
Paysans
Marie-Anne Frison-Roche
Certains biens nécessaires à la vie devraient pouvoir échapper aux lois du marché et faire l'objet d'une régulation qui garantisse à tous leur accès. L'auteur propose un mécanisme collectif et automatique qui respecte le libre-échange et l'ordre concurrentiel mais qui comporte un dispositif de régulation. De plus, certains biens étant nécessaires à la vie, pourquoi ne pas classer les biens selon leur usage, ce qui permettrait d'en exclure quelques-uns du système marchand pour en faire des biens publics mondiaux accessibles gratuitement.
No 2.876
25 mai 2005
DOSSIER : TAUX DE CHANGE ET ECONOMIE : QUELLES RELATIONS ?
Une économie du change réel dans une économie mondialisée
Revue d'économie politique
Gérard Lafay
Dans une économie mondialisée, le taux de change réel résulte de deux relations de sens contraire : d'une part, la demande intérieure détermine le taux de change réel qui en retour assure l'équilibre du solde extérieur global. D'autre part, le taux de change réel a un effet sur l'évolution de la demande intérieure. Ces deux relations interagissent. Elles aboutissent à un équilibre qui n'est pas forcément de plein emploi. Au total, la monnaie est loin d'être neutre. L'auteur poursuit son analyse en étudiant plus spécifiquement la politique monétaire menée par le Banque centrale européenne.
Dollar et croissance
Flash CDC Ixis
Patrick Artus
Quels sont les liens entre la faiblesse actuelle du dollar et le niveau de croissance dans les différentes régions du monde ? Patrick Artus montre que la thèse répandue aux États-Unis consistant à dire que c'est l'insuffisance de croissance en dehors des États-Unis qui expliquerait le déficit commercial américain et partant, l'affaiblissement du dollar, ne tient pas. En effet, les Américains enregistrent des déficits commerciaux importants avec des régions en croissance plus importante que celle des États-Unis. Pour l'auteur, la causalité est inversée : c'est la dépréciation du dollar qui explique en grande partie la faiblesse de la croissance dans certaines parties du monde - notamment dans la zone euro - , et non l'inverse. Il reste que si la croissance asiatique était plus faible, le dollar en serait encore plus affaibli….
Indicateurs de crise de change : enseignements théoriques
CA Flash Eco
Arnaud Latinier
La décennie 1990 et le début des années 2000 ont été marqués par de nombreuses crises de change, qu'il s'agissent des crises du SME, des crises mexicaine, asiatiques, russe, brésilienne, turque ou argentine. Des études montrent que sur la période qui court de 1973 à 1997, la probabilité de crise est près de deux fois plus fréquente qu'au cours de la période des accords de Bretton Woods (1945-1971) et de l'étalon-or (1880-1913). L'auteur dresse une typologie des modèles théoriques de crises de change. Ces dernières sont entendues au sens de variation significative et non anticipée du taux de change. Alors que la première génération explique les crises de balance des paiements en Amérique latine par plusieurs variables : les réserves de change, le crédit intérieur, le déficit budgétaire et l'inflation anticipée, la deuxième génération explique les crises de change du SME par les anticipations des agents. Enfin, la troisième explique les crises mexicaines et asiatiques par des variables financières.
Instabilité, contagion et taux de change
Intereconomics
Ansgar Belke et Ralph Setzer
La littérature sur les taux de change est abondante. Mais les points de vues sur la formation et la transmission des crises ne fait pas l'unanimité. Les auteurs de cet article se penchent plus particulièrement sur le rôle des comportements moutonniers, sur la crise de contagion financière et partant, sur la très forte volatilité des taux de change qui en résulte. Cela n'est pas sans conséquences sur les économies concernées. En effet, les épisodes de volatilité extrême des taux de change peuvent avoir des effets macroéconomiques très négatifs, notamment sur le marché du travail de ces pays.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
Le dérapage contrôlé des finances publiques de la France
La Revue du Trésor
Bertrand Blancheton
Alors que depuis plus d'une vingtaine d'années, le discours économique dominant prône la réduction ou la stabilité des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires, on observe dans les faits la permanence de la pratique du déficit budgétaire et l'augmentation de l'endettement public. L'auteur montre que la faiblesse empirique de l'argumentaire macroéconomique libéral à propos des effets négatifs supposés du déficit budgétaire et l'efficacité du jeu des stabilisateurs automatiques – au sein de l'Union européenne, la France ne dispose plus en effet pour faire face au ralentissement de l'activité que du seul outil budgétaire – expliquent cette situation paradoxale.
Les estimations de l'écart de production sont-elles fiables ?
Bulletin mensuel de la Banque centrale européenne
Banque centrale européenne
L'output gap peut être défini de façon très générale comme l'écart entre le PIB réel et son niveau potentiel. Il s'agit d'un concept souvent utilisé, surtout dans une perspective de court et moyen termes, par exemple en matière de politiques d'emploi ou afin d'obtenir la décomposition du déficit public en parties conjoncturelle et structurelle. L'indicateur fournit en effet une information synthétique sur les capacités de production inemployées dans l'ensemble de l'économie et donc, pour peu que les évolutions cycliques soient suffisamment régulières, sur l'évolution la plus probable de l'activité. Cependant, le calcul de l'écart de production est lié à un certain nombre de problèmes méthodologiques et statistiques considérables qui font que son estimation est particulièrement incertaine.
A la recherche de l'organisation idéale
La revue des Sciences de gestion
Christophe Assens et Alessandro Baroncelli
Des travaux de recherche en organisations se penchent sur les frontières de l'entreprise. Ainsi, Williamson (1991) propose d'établir une distinction très nette entre une entreprise intégrée, le marché et une situation intermédiaire qualifiée de hybride. Les auteurs montrent qu'il n'est pas toujours pertinent d'utiliser une classification des entreprises par rapport à des idéaux-types organisationnels qui apparaissent en décalages avec la réalité économique. Il apparaît alors utile de dépasser la vision photographique de l'état d'une organisation et de se rapprocher d'une conception dynamique fondée sur le changement d'état. Les auteurs proposent alors une grille de lecture fondée sur le principe de l'enchevêtrement organisationnel.
No 2.877
8 juin 2005
DOSSIER : LIBRE-ECHANGE ET DELOCALISATIONS : LE DEBAT REBONDIT
Quand Samuelson revisite les théories classiques de Ricardo et de Mill
Journal of Economic Perspectives
Paul A. samuelson
La théorie ricardienne des avantages comparatifs est l'argument fondamental des défenseurs du libre-échange, qui concluent que l'ouverture des frontières apporte à long terme des avantages pour tous les pays qui la pratiquent. Certes, certains groupes ou secteurs peuvent, au moins temporairement, subir des pertes en termes absolus, mais celles-ci sont toujours plus que compensées par le gain de pouvoir d'achat de l'ensemble des agents économiques, profitant de biens moins onéreux. Aujourd'hui, face à l'accélération de la mondialisation et notamment aux conséquences de la place grandissante de la Chine dans le commerce mondial, les Etats-Unis et d'autres pays développés ont commencé à douter des bienfaits du libre-échange. Paul A. Samuelson reprend ce débat à travers l'analyse de plusieurs configurations des relations sino-américaines dont au moins une suggère que les avantages ne sont pas toujours du côté des Etats-Unis.
Bhagwati et al. repensent les délocalisations et défendent la globalisation
Journal of Economic Perspectives
Jagdish Bhagwati, Arvind Panagariya et T. N. Srinivasan
Le débat - que ce soit aux Etats-Unis ou ailleurs - autour de la mondialisation se focalise de plus en plus sur la notion de délocalisation (ou externalisation comme on disait encore récemment), soumise ici à une analyse approfondie. Partant d'une définition claire - l'échange de services à distance - les auteurs rejettent la plupart des craintes formulées à l'encontre des délocalisations. Notamment en termes de pertes d'emploi, leur analyse est sans ambiguïté : non seulement le nombre total d'emplois américains délocalisés est très faible, mais les Etats-Unis n'ont pas non plus à craindre de pertes significatives d'emplois qualifiés. Par ailleurs, sur le plan théorique, les phénomènes en question ne bouleversent en rien les schémas traditionnels de l'échange international. Les auteurs défendent notamment la thèse selon laquelle le commerce de services n'est qu'une forme spécifique d'échange qui ne se différencie pas des principes classiques.
Désindustrialisation, délocalisations et marchés financiers : l'économie réelle sous influence
Conseil d'analyse économique
Dominique Namur et Jean-Louis Truel
Les analyses concernant les effets de la désindustrialisation et des délocalisations ne doivent pas, selon les auteurs, être limitées aux conséquences de ces phénomènes sur l'emploi. Ils rappellent par ailleurs le lien étroit entre l'internationalisation de la production industrielle et celle des marchés financiers. Ainsi, les délocalisations ne sont qu'une manifestation de l'autonomie croissante de la localisation industrielle par rapport à l'épargne. Toute reconversion du tissu industriel dépend étroitement de l'efficacité des marchés financiers et de l'industrie de la finance. Les Etats-Unis disposent dans ce contexte d'un avantage comparatif important face à des marchés financiers internationaux normés essentiellement selon les standards américains.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
PROTECTION SOCIALE
Contrevérités sur le départ à la retraite
Revue d'économie politique
Pierre Pestieau
L'âge de départ à la retraite constitue un élément central de nombreuses politiques de réforme des retraites. L'auteur présente et discute une dizaine d'énoncés fréquemment utilisées dans ce débat, comme par exemple, le lien supposé positif entre mise à la retraite des travailleurs âgés et l'accès à l'emploi des jeunes chômeurs ou la supposé pénalisation des moins qualifiés par toutes les politiques visant à relever l'âge de la retraite. L'auteur montre que ces affirmations sont erronées ou à tout le moins discutables.
DEVELOPPEMENT
La contribution des politiques de santé au développement durable
Mondes en développement
Stéphane Tizio
Depuis les années 1990, les organisations internationales ont mis l'accent sur le rôle primordial que jouent dans le développement durable les systèmes de soins et les politiques de santé. Les analyses économiques ont en effet montré depuis fort longtemps que l'état sanitaire d'une population est un facteur déterminant de la croissance économique à long terme et du développement humain. Aussi, la commission Macroéconomie et santé de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise-t-elle, depuis plusieurs années, une augmentation substantielle de l'aide fournie par les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, afin de soutenir de manière plus efficace les politiques sanitaires mises en œuvre dans les pays en développement.
MONNAIE
Vers une nouvelle union monétaire en Afrique de l'Ouest ?
La Lettre du CEPII
Agnès Bénassy-Quéré
Le lancement de l'euro a contribué à stimuler dans d'autres régions du monde les projets d'union monétaire. Celui qui jusque-là était le plus avancé est celui de la seconde union monétaire ouest-africaine rassemblant cinq pays d'Afrique de l'Ouest non-membres de l'Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). Ces pays n'appartiennent pas à la zone franc, mais sont membres de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Le projet a conduit à la création, en 2002, de la zone monétaire ouest-africaine (ZMOA). Le lancement de la monnaie unique, baptisée eco, était initialement prévu le 1er juillet 2005, mais le processus de convergence étant insuffisamment avancé, il a été décidé récemment de reporter l'unification monétaire au 1er décembre 2009. Quoi qu'il en soit, l'analyse approfondie de la situation économique des pays membres de la ZMOA montre qu'à l'heure actuelle, cet ensemble n'est guère homogène. En fin de compte, ces membres semblent avoir peu d'intérêt à une unification monétaire rapide.
No 2.878
22 juin 2005
DOSSIER : Vers une renaissance de l'économie japonaise ?
Le soleil s'est enfin levé
Conjoncture BNP-Paribas
Caroline Newhouse-Cohen
La reprise de l'économie du Soleil Levant serait-elle enfin solide ? C'est ce que pense l'auteur. En effet, nombre d'indicateurs économiques attestent d'un renouveau japonais. Tout d'abord, les exportations sont bien orientées. Elles ont constitué le principal moteur de la reprise. Par ailleurs à la différence des précédentes, la reprise actuelle s'est diffusée à l'ensemble de l'économie, notamment à l'industrie traditionnelle. Et la consommation des ménages n'est pas en reste. Enfin, la période de déflation commence à toucher à sa fin. L'économiste de BNP Paribas dresse également un bilan de la situation monétaire et budgétaire du pays. Elle revient notamment sur la grande opération récente de fusion et acquisition entre UFJ et MTFG ainsi que sur la privatisation en cours de la poste japonaise.
Des difficultés persistantes
Etudes économiques de l'OCDE
OCDE
L'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) s'est penchée sur l'ensemble des difficultés auxquels l'économie japonaise doit faire face. Il s'agit tout d'abord de la déflation. Les auteurs du rapport soulignent que les problèmes à résoudre pour assurer la stabilité des prix sont compliqués par l'existence d'anticipations déflationnistes bien ancrées. Par ailleurs, si la déflation s'interrompt, de nouvelles difficultés ne manqueront pas de surgir, notamment sur le plan budgétaire. D'autant que l'état des finances publiques constitue un autre objet d'inquiétude. En effet, considèrent les économistes de l'OCDE, la dette publique est préoccupante. Enfin, la dynamique de la croissance ne devrait pouvoir être mise en œuvre que par un renforcement de la concurrence.
Japon- Allemagne : des caractéristiques communes
Flash CDC-Ixis
Patrick Artus
Le Japon et l'Allemagne présentent de nombreuses caractéristiques communes. Tout d'abord, leur spécialisation internationale favorise une bonne performance à l'exportation et génère des excédents extérieurs. De plus, dans ces deux pays, la demande intérieure est faible, le secteur de la construction connaît une crise durable, les revenus salariaux sont comprimés et l'industrie enregistre de fortes pertes d'emplois. Par ailleurs, les difficultés des banques se traduisent par la nécessité de réduire les déficits publics, enfin, dans ces deux pays, la monnaie de part et d'autre de l'océan Pacifique est forte. Au total, malgré une contribution au commerce extérieur favorable à la croissance, l'économie allemande peut être entravée par un marché intérieur qui se déforme continuellement. Au Japon, la croissance peut être freinée par l'absence de création d'emplois et la baisse du salaire réel.
Japon- Chine : conflit ou partenariat ?
AGIR
Marie-Sybille de Vienne
Au cours des années 1960-1990, le Japon a connu une croissance accélérée. Dans le même temps, la Chine enregistrait une stagnation relative. Depuis, la tendance s'est inversée. L'économie chinoise s'est envolée et le Japon a basculé dans une crise monétaire et financière. Certains considèrent que le rapport de force entre la Chine et le Japon serait en train de s'inverser et qu'à terme l'Asie orientale serait contrôlée par la Chine. L'auteur se penche sur cette question à travers l'analyse de quelques données économiques et les dynamiques d'évolution de ces deux économies. L'observation des indicateurs économiques et financiers de base suggèrent une lecture beaucoup plus nuancée. Au total, la Chine apparaît dépourvu de moyens économiques pour être réellement en mesure d'asseoir son hégémonie sur la région.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
SCIENCE ECONOMIQUE
La cliométrie : un modèle pour les autres sciences sociales
Sociétal
Claude Diebolt
À la fin des années 1950, la publication des travaux de Conrad et Meyer qui montraient que l'impact économique de l'esclavage aux États-Unis avait été jusque-là amplement sous-estimé peut être considéré comme l'acte de naissance de la cliométrie. L'attribution du prix Nobel d'économie en 1993 à Robert Fogel et Douglass North marque, elle, la consécration définitive de ce qui avait été considéré quelque trente-cinq années plus tôt comme une nouvelle histoire économique . Aujourd'hui, la cliométrie, qui se caractérise par l'utilisation dans le champ historique du traitement statistique et économétrique de l'analyse quantitative et de la méthode d'analyse contre-factuelle, ambitionne de voir l'ensemble des sciences sociales adopter son approche et ses méthodes.
SYSTEMES DE SANTE
Vers une culture de l'évaluation économique des produits de santé ?
Réalités industrielles - Annales des Mines
Claude Le Pen
Alors que l'évaluation économique des biens de santé, qui s'appuie sur la méthode de l'analyse coût-bénéfice, jouit d'une reconnaissance officielle et est systématiquement mise en œuvre dans le cadre des politiques publiques de santé dans de nombreux pays comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, en France, les pouvoirs publics manifestent la plus grande réserve à l'égard de cette pratique. Ce peu d'engouement dans les pays latins pour l'application des méthodes d'évaluation économique au secteur de la santé s'explique avant tout par des facteurs culturels. La France est en outre empreinte d'une tradition intellectuelle qui la conduit, semble-t-il, à rester quelque peu méfiante vis-à-vis du caractère scientifique de l'économie et de ses méthodes.
FISCALITE
Le labyrinthe de la décision fiscale
Institut de l'entreprise
La gouvernance est à la mode et s'applique désormais à l'ensemble des faits économiques et sociaux. Mais si tout, ou presque, a été écrit sur les conséquences économiques de la fiscalité, on a prêté moins d'attention au processus de création et d'application de la norme fiscale. Quelles sont les règles, les processus et les comportements qui influent sur l'exercice du pouvoir fiscal en France ? Certes, chaque réforme fiscale doit suivre des points de passage obligés, mais le cheminement est rarement linéaire. Par ailleurs, un fonctionnement défectueux peut apparaître à tous les stades de la préparation à la prise de décision.
No 2.879
6 juillet 2005
DOSSIER : De nouveaux remèdes contre le chômage

Chômage structurel : un déséquilibre permanent du marché du travail
Travail et Emploi
Yannick L'Horty
Un grand nombre de pays d'Europe continentale enregistrent depuis plusieurs années des niveaux élevés de chômage. Ce déséquilibre permanent du marché du travail, qui constitue en fait un véritable défi théorique pour beaucoup d'économistes, amène à s'interroger sur la notion de chômage structurel. L'auteur présente les principales interprétations théoriques montrant que si le chômage de masse se maintient durablement à un niveau élevé, c'est parce que cette situation produit par ailleurs des effets positifs. Il passe ensuite en revue les différentes méthodes de mesure du chômage structurel et décrit les enjeux de politique économique qu'implique son traitement. L'auteur conclut sur le diagnostic d'une diminution du chômage structurel en France de l'ordre de deux points de taux de chômage, soit l'équivalent de 500 000 chômeurs en moins depuis une dizaine années.
Protection de l'emploi : de la dérégulation à la flexicurité
Droit social
Jérôme Gautié
Depuis quelques années, face à la persistance du chômage en Europe, l'analyse que font la majorité des économistes de la protection de l'emploi (PE) est plutôt négative. Elle serait responsable d'un certain nombre de rigidités sur le marché du travail qui nuiraient à la croissance et à l'emploi. En France, plusieurs rapports ont récemment proposé, pour réduire les effets supposés pervers de la PE sur l'emploi, de recourir à l'incitation plutôt qu'à la régulation. Mais ces différentes propositions dont l'objectif est de promouvoir l'efficacité économique présentent également un certain nombre de faiblesses. Au-delà de la protection de l'emploi, une des dernières pistes de réforme fréquemment évoquée, y compris par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), est de chercher à concilier, selon le modèle danois, flexibilité et sécurité.
Les lois Hartz, plus qu'une réforme du marché du travail ?
Chronique internationale de l'IRES
Mechthild Veil
L'incapacité des politiques d'emploi à faire reculer le chômage en Allemagne, en particulier le chômage de longue durée, a conduit les pouvoirs publics à mettre en œuvre depuis 2003 une réforme radicale du marché du travail. Les lois Hartz s'inspirent en effet des stratégies d'activation britanniques mises en œuvre d'abord par les conservateurs à partir de 1986 et poursuivies par les travaillistes depuis 1997. La réforme allemande transforme l'État providence en profondeur. L'intervention publique n'a désormais plus pour objectif d'amortir socialement les risques inhérents au marché du travail, mais vise à prendre toutes les mesures possibles pour favoriser le retour à l'emploi du plus grand nombre de chômeurs.
Contrat d'activité et marchés transitionnels du travail
POUR - revue du GREP
Jean Le Monnier et Sophie Rouault
Le paradigme de l'emploi à durée indéterminée, mono-employeur et à temps plein, est une norme d'emploi récente et de courte durée puisqu'il correspond à la période des Trente glorieuses. La prise en compte du temps long permet d'envisager la flexibilité comme un mode de gestion durable de la main-d'œuvre dont la régulation sociale passe par de nouvelles formes d'organisation du travail. Des expériences pilotes qui cherchent à flexibiliser l'emploi tout en le sécurisant sont déjà menées depuis quelques années en Allemagne, au Danemark et en France. Une nouvelle régulation de l'emploi dans laquelle les organismes d'ingénierie salariale jouent le rôle essentiel de médiateurs entre les entreprises, les salariés et les pouvoirs publics pourrait ainsi constituer une alternative crédible à une re-marchandisation du travail qui ne fait pas que des gagnants .
EGALEMENT DANS CE NUMERO
SCIENCE ECONOMIQUE
Micro-simulation et évaluation des politiques économiques et sociales
Revue d'économie politique
François Legendre
L'auteur rend compte du développement récent des modèles de micro-simulation. Il présente les méthodes et les attentes auxquelles ces derniers peuvent répondre et expose la genèse des principaux modèles utilisés en France. La méthode de micro-simulation se révèle être un outil particulièrement approprié à l'évaluation des politiques publiques.
MONNAIE ET FINANCE
La mesure de l'inflation reste controversée
The Economist
La mesure traditionnelle de l'inflation prend en compte l'évolution des prix des biens et services. Or, de plus en plus d'économistes avancent certains arguments pour y inclure également les prix des actifs. Si ces derniers augmentent à un rythme différent des prix des biens et services, un indice des prix étroit pourrait aiguiller les autorités monétaires sur une mauvaise voie. Si l'inflation est définie comme l'évolution de la valeur de la monnaie, une nette hausse des prix de l'immobilier, comme on l'observe actuellement dans de nombreux pays, réduit le pouvoir d'achat de la monnaie. L'indice des prix à la consommation serait alors insuffisant. La prévision de l'inflation deviendrait ainsi une tâche encore plus délicate à accomplir par les banques centrales.
MANAGEMENT
Nouveaux produits et conditions de marché
L'Expansion Management Review
David Gotland
Le lancement de produits nouveaux revêt une importance stratégique pour l'entreprise. Il s'inscrit dans des marchés à la fois complexes et instables. L'auteur montre qu'entre le moment de l'identification de l'opportunité du lancement d'un produit et son lancement proprement dit. Celui-ci est soumis à plusieurs étapes qui vont s'agencer différemment selon la configuration du marché. Ainsi, Zara, Nescape ou Yahoo n'adopteront pas le même processus que Dell, Renault ou Airbus. L'auteur présente quatre types de processus de développement correspondant à différentes articulations des deux phases de planification et de mise en œuvre de ce type d'opération.
No 2.880
20 juillet 2005
DOSSIER : L'économie souterraine dans la mondialisation
L'économie de l'ombre mesurée dans 43 pays

Université de Linz – Working paper
Friedrich Schneider
Même s'il est difficile d'estimer ce que représente l'économie de l'ombre (en termes de valeur ajoutée et/ou de population active), cette tâche n'est toutefois pas impossible. Grâce à différentes méthodes, comme l'observation de la demande de numéraire ou l'approche modélisée, l'auteur évalue son poids économique et détermine le nombre d(actifs qui y sont occupés dans 22 pays en transition et 21 pays de l'OCDE. L'impression générale qui ressort de ses analyses est que dans tous les pays étudiés, ce secteur a désormais une taille très importante. En moyenne sur les années 2000-2001, il représentait, en termes de valeur ajoutée et de population active, respectivement 38% du PIB officiel et 30,2% dans les 22 pays en transition, 16,7% et 15,3% dans les 21 pays de l'OCDE.
L'entreprise Al-Qaida : une multinationale de la terreur
Université de Denver- Working Paper
Jodi M. Vittori
L'auteur présente un tour d'horizon de l'organisation Al-Qaida, interprétée comme une multinationale. Son budget de fonctionnement se situe actuellement entre 5 et 10 millions de dollars, mais il s'est élevé jusqu'à 35 millions. Le financement est totalement décentralisé. Opérant essentiellement dans des États aux institutions et aux structures affaiblies, l'organisation est largement indépendante des sources financières étatiques. Comme toute multinationale, Al-Qaida est touchée par des crises économiques. Ainsi, au milieu des années 90, l'organisation a connu des problèmes de cash-flow dus à la revalorisation du dollar. Environ 80 entreprises sont susceptibles d'appartenir à l'empire d'Al-Qaida. Derrière une façade légale, elles s'adonnent aux activités de contrebande et de falsification de documents. Malgré les efforts importants de la communauté internationale, on n'est toujours pas parvenu à couper l'organisation de ses financements.
La difficile traque du financement du terrorisme et du blanchiment d'argent sale
Géoéconomie
Marie-Christine Dupuis-Danon
La mondialisation offre d'importantes opportunités pour les criminels et la lutte contre l'argent mafieux et terroriste devient de plus en plus difficile. Le fait qu'il n'existe pas jusqu'à présent de système juridique international adapté et que la coopération répressive internationale reste insuffisante explique en partie cette situation. Mais la lutte contre le financement terroriste est également rendue complexe par sa spécificité, car – excepté l'opacité - il répond à des logiques différentes de celles des circuits de l'argent mafieux. Il s'appuie notamment sur un système difficile à percer : banques islamiques, organisations caritatives, transferts de fonds informels qui sont autant d'univers où se mêlent divers intérêts étatiques et religieux.
Cybercriminalité : le risque n'est pas virtuel
L'informatique professionnelle
Solange Ghernaouti-Hélie
La montée en puissance de la cybercriminalité n'est pas étonnante, car l'internet offre grâce à la dématérialisation et à l'a- territorialité des transactions une véritable protection pour les criminels. Si les principales formes de cette criminalité restent relativement traditionnelles – fraude d'enchère, non-livraison et fraude à la carte de crédit –, l'auteur constate que la cybercriminalité est en train de devenir un vecteur de nuisance et de déstabilisation des organisations et des États. La maîtrise de cette forme de délinquance nécessite une réponse concertée des autorités au niveau international.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
SCIENCE ECONOMIQUE
Regard sur l'économie politique néo-smithienne continentale
Économies et Sociétés
Alain Béraud et Philippe Steiner
Pour les historiens de la pensée économique, il existe différentes façons de définir le terme d'économie politique néo-smithienne continentale, courant à la fois issu de l'œuvre d'Adam Smith et qui se situe hors du territoire britannique. Les auteurs passent en revue les multiples dimensions de cette terminologie au cours de la première moitié du XIXe siècle. Il s'agit aussi bien des économistes pour lesquels l'oeuvre de Smith constitue une référence théorique d'économistes de la tradition libérale française qui cherchent à forger des outils pour rendre compte des phénomènes marchands….
ENTREPRISE ET MARCHE
Structure financière et choix stratégiques : le cas de l'industrie du vin
Economie rurale
Olivier Saulpic et Hervé Tanguy
Un des enseignements majeurs de la théorie financière est d'avoir établi un lien entre la valeur de l'entreprise et sa structure financière (notamment le niveau d'endettement et le ratio capitaux propres sur dettes). Le choix de cette structure est une fonction de la plus ou moins grande efficacité des systèmes de contrôle qui vont pouvoir se mettre en place entre le management et les bailleurs de fonds. Pour les entreprises de négoce de vin, les problèmes d'appréciation de la stratégie et du suivi de la performance sont particulièrement aigus, car susceptibles de limiter l'accès au financement. Ainsi, des stratégies a priori bien conçues mais qui nécessitent d'importantes liquidités ne peuvent pas voir le jour. Les auteurs mettent cette hypothèse à l'épreuve d'une étude de cas comparative entre deux régions d'élection du négoce viti-vinicole : la Bourgogne et la Champagne. Leur étude révèle les avantages indéniables du système champenois.
ECONOMIE INTERNATIONALE
Réguler l'économie mondiale : le juge plutôt que le diplomate ?
La Lettre du CEPII
Jérôme Sgard
Le débat sur la nouvelle architecture internationale porte généralement sur la coopération entre les pays et la division du travail entre les grands organismes internationaux. Cette orientation est à déplorer, comme le souligne l'auteur, car il néglige d'importants acteurs dont l'intervention dans les échanges internationaux est plus quotidienne, mais également plus discrète. Il s'agit des scientifiques, des experts ou des juges. Une de leurs activités les plus intéressantes est celle de l'arbitrage privé international qui règle de nombreux différends internationaux à l'abri des interférences politiques.
HISTOIRE ECONOMIQUE
Aux origines de l'économie de la connaissance
Journal of Economic Literature
Hal R. Varian
La Révolution industrielle est remarquable à plus d'un titre. Non seulement elle marque le début de la phase de croissance la plus forte jamais enregistrée, mais elle représente surtout le passage d'une économie basée sur les secrets commerciaux et les guildes à une économie dans laquelle la transmission et la dissémination du savoir sont l'élément moteur du développement. Cinq caractéristiques de l'entreprise moderne : la routinisation, la modularisation, la standardisation, la production continue et la miniaturisation trouvent leur origine dans cette révolution de la production et du traitement de l'information. La compréhension théorique de ces caractéristiques reste néanmoins relativement insuffisante, comme le déplore l'auteur qui appelle au développement d'une nano- économie.
No 2.881
31 août 2005
DOSSIER : L'avenir des marques
Quelles stratégies pour les marques globales ?
Harvard Business Review
Douglas B. Holt, Lohn A. Quelch et Earl L. Taylor
Si on assiste à l'avènement d'une culture mondiale, cela ne signifie pas pour autant que les consommateurs partagent tous les mêmes goûts et les mêmes valeurs. Symboles de la mondialisation, des marques comme Coca-cola, Mc Donald's ou Nike rencontrent de vives oppositions de la part des mouvements anti-mondialistes. Les auteurs ont mené une étude quantitative et qualitative sur une quarantaine de pays pour comprendre la façon dont les individus perçoivent les marques transnationales. Ils aboutissent à un classement des consommateurs en quatre grandes catégories. Pour reconquérir certains publics et s'imposer sur un marché très compétitif, les marques doivent impérativement repenser certaines phases de leur développement.
Risques perçus et fidélité à la marque
Revue française de marketing
Jean-Louis Moulin
En se fondant sur la notion de risque perçu , l'auteur montre qu'il est possible de discerner chez le consommateur des comportements de réachat des produits de marque très différents : fidélité, inertie, rétention et réduction minimale du risque. Après avoir passé en revue les analyses théoriques du comportement des consommateurs, l'auteur cherche à vérifier leur validité empirique. Les résultats obtenus fournissent des pistes pour une gestion diversifiée du risque perçu par le consommateur.
Les interactions efficaces font la marque
L'Expansion Management Review
Susanne Hogan, Eric Almquist et Simon E. Dlynn
Face à la difficulté de bâtir une marque à l'échelle internationale, les chefs d'entreprises doivent œuvrer au quotidien avec un certain savoir faire. Les auteurs décrivent les divers pièges à éviter ainsi que les stratégies gagnantes. Ils soulignent l'importance du procédé du bouche à oreille . Autrement dit, l'expérience du client apparaît primordiale pour construire une image de marque, qui peut être valorisée ou dépréciée à n'importe quel moment depuis les premières impressions jusqu'au service après vente. Si historiquement, la stratégie de la marque a longtemps été le pré - carré du chef marketing, elle engage désormais une grande partie de l'entreprise et en particulier le directeur général.
Les marques face au hard discount, quelles stratégies ?
Revue française de gestion
Jean-Noël Kapferer
La montée en puissance de la distribution hard discount
en Europe constitue un véritable sujet de préoccupation pour les entreprises qui commercialisent des produits de marques. Les écarts de prix avec ces derniers se creusent et déséquilibrent l'ensemble du système de valeur construit au cours du temps par les marques. Quelle stratégie mener alors face à cette distribution en pleine croissance qui ne vend pas de marques ? Il apparaît fondamental, pour l'auteur, de remettre le prix au cœur des stratégies d'innovation.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
SCIENCE ECONOMIQUE
Jean-Jacques Laffont et l'économie publique
Revue d'économie publique
Roger Guesnerie
A travers cet article, Roger Guesnerie rend un bel hommage à l'œuvre scientifique de Jean-Jacques Laffont. Il montre comment ce dernier assoit sa première notoriété par des travaux sur le thème de l'économie politique. L'Etat occupera une place importante dans son analyse économique et la notion d'asymétrie d'information va alors constituer le fil directeur de toute sa production intellectuelle. De la théorie des incitations à la théorie de la régulation en passant par la théorie des contrats, l'œuvre de Jean-Jacques Laffont est foisonnante.
ENVIRONNEMENT
Première évaluation du plan français de quotas de CO2
Commentaire
Olivier Godard
Le dernier sommet du G8 à Gleaneasgles a permis à George W. Bush de reconnaître les conséquences néfastes de la consommation d'énergie sur le réchauffement de la planète. L'Union européenne quant à elle a mis en place depuis le 1er janvier 2005 le marché européen des permis d'émission. Le marché des quotas d'émissions de CO2 a ainsi vu le jour au printemps dernier. Chaque industrie dispose d'un quota de CO2 qu'elle doit respecter. Si ses émissions sont supérieurs, elle doit se fournir sur le marché des permis d'émission (ou la bourse européenne de carbone) ; au contraire si elle dégage un surplus elle peut le vendre en bourse. Olivier Godard propose une première évaluation du plan français de quotas d'émission de CO2 après nous avoir rappelé les principes de cette initiative. Il présente la procédure d'allocation de ces quotas de CO2 et ses limites. Il explique comment et pourquoi la France a cherché à favoriser les industries françaises par une allocation des quotas avantageuses négligeant parfois l'objectif premier de diminution des émissions de gaz à effet de serre.
HISTOIRE ECONOMIQUE
Les quatre grands modèles de capitalisme
La Revue socialiste
Robert Boyer
La puissance du capitalisme financier a-t-elle pour effet d'uniformiser les économies ? C'est à cette question que l'auteur tente de répondre à travers un entretien accordé à La Revue Socialiste
. Il montre la persistance d'une diversité de capitalisme dans le monde sans réelle perspective de convergence. En d'autres termes, la probabilité que le capitalisme chinois ressemble au capitalisme américain est quasiment nulle. Les pays nordiques constituent, à ses yeux, un modèle social de développement intéressant. Ils sont plus que jamais une alternative au capitalisme anglo-saxon.
ENTREPRISES ET MARCHES
L'heureuse alliance de l'héritier et du manager
La Gazette de la société et des techniques
Arnaud Le Foll et Edouard de Pirey
Certes, les entreprises familiales réussissent mieux que les autres. Il reste que, le seul fait d'avoir un actionnariat familial n'est pas suffisant. En effet, les entreprises familiales ne sont pas insensibles aux pressions extérieures qu'il s'agissent des banques d'affaires, des marchés financiers ou des médias. Par ailleurs, il apparaît difficile de trouver des managers compétents parmi les descendants des fondateurs. Les auteurs proposent une classification en cinq catégories d'entreprises, exemples à l'appui. De fait, la structure idéale résiderait dans l'alliance entre une famille actionnaire et un manager extérieur.

Religions et croissance (n.2882)

Religions et croissance

- Foi religieuse et croissance économique : quels sont les facteurs déterminants ? (Robert Barro - Heritage Lectures)
- Religion et déclin économique de l'Europe : y aurait-il un lien ? (Niall Ferguson - Economc Affairs)
- Confucius et Boudhha : sources du développement asiatique ? (Gérard Donnadieu - Personnel)
- L'essor des banques islamiques (Mahmoud Abdel Wahab - Rapport moral sur l'argent dans le monde)
Repères :
L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme
Les principales religions et l'économie
Pour en savoir plus
Economie internationale
- Quel rôle pour le FMI ? (Jean Tirole - Commentaire)
Science économique
- La fin du XIXe siècle vue par les historiens de la pensée économique (François Etner - Revue d'économie politique)
Secteur
- L'imprimerie : de Gutenberg au numérique (Gérard Bigot - Le 4 pages du SESSI)
No 2.883
28 septembre 2005

DOSSIER : NOUVEAUX REGARDS SUR L'HOMO ŒCONOMICUS

Comment la recherche sur le cerveau contredit les modèles économiques
Wirtschaftswoche
Malte Fischer et Susanne Kutter
La théorie économique est basée sur le modèle de l'homo oeconomicus qui agit de manière rationnelle et égoïste. Ce modèle a permis à la discipline d'atteindre un haut niveau d'abstraction et de scientificité. Les doutes quant au réalisme du modèle de l'homo oeconomicus sont anciens, mais ce n'est que très récemment que des recherches en médecine permettent de fournir des preuves tangibles contre ce modèle restrictif. L'analyse de l'activité cérébrale a ainsi démontré que lors de prises de décisions en matière économique, les zones actives sont parfois davantage celles habituellement sollicitées pour le traitement des émotions que celles où la rationalité est supposée être située. D'autres expérimentations rejettent l'hypothèse d'uniformité de l'homo oeconomicus, comme le suggère la comparaison de l'activité cérébrale chez les hommes et chez les femmes.
Enjeux et genèse de l'économie cognitive
Université Paris 1
Bernard Paulré
Si la science économique s'est construite autour de l'hypothèse de la rationalité illimitée, la réflexion concernant une approche plus réaliste, intégrant la dimension cognitive, a toujours accompagnée son développement. Elle s'est accélérée durant les années soixante-dix avec des avancées considérables au sujet du traitement de l'information imparfaite sur les marchés et au sein des organisations, prolongées ensuite par la théorie des jeux. A cette époque apparaissent les premières interrogations liées à cette approche, comme par exemple le problème d'équilibre et celui de la nature de la rationalité cognitive. Cependant, selon l'auteur, les véritables enjeux pour le développement d'un programme de recherche se situent ailleurs : faut-il choisir entre une approche large ou une approche stricte de l'économie cognitive ? Quelle est la nature des relations entre l'économie cognitive et les sciences cognitives ? Quoi qu'il en soit, l'imbrication entre les aspects économiques et cognitifs, tant au niveau individuel que collectif, est forcément très étroite, car la connaissance individuelle procède généralement d'une interaction sociale.
Les implications pour le marché du travail et les politiques économiques
New England Economic Review
Richard W. Kopcke, Jane Sneddon Little et Geoffrey M. B. Tootell
Les recherches des psychologues et des spécialistes du comportement permettent à l'économiste de mieux comprendre les processus de prise de décision. Mais cette compréhension n'est véritablement utile que si elle améliore les modèles économiques et les décisions de politique économique. Les auteurs présentent deux champs d'application où ces améliorations sont avérées. Dans le domaine du marché du travail, les économistes sont enfin capables de mieux analyser la rigidité des salaires, dont l'origine serait surtout due aux décisions des dirigeants d'entreprises. Dans le domaine des politiques économiques, la prise en compte de la psychologie suggère, selon certains économistes, de relativiser l'objectif des politiques monétaires en ciblant un objectif positif en matière d'inflation. Même si on ne partage pas ses résultats, l'économie comportementale fournit ainsi un fondement intellectuel indispensable à l'approche keynésienne de l'économie.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
SCIENCE ECONOMIQUE
L'entrepreneur porteur de fausses représentations chez J.-B. Say
Economie et Sociétés
Karine Goglio
Grande figure de la société moderne, l'entrepreneur constitue aussi une pièce non négligeable de l'œuvre de J.-B. Say. En effet, ce dernier analyse minutieusement les contours de l'entrepreneuriat. Certes, les qualités de ce dernier sont louées sans relâche par J.-B. Say. Mais, le jugement de l'entrepreneur peut être affecté par de fausses représentations. En effet, ce dernier peut bâtir des croyances erronées. De plus, il élabore ses connaissances de façon limitée et la manière dont il analyse des situations complexes peut le conduire à l'erreur.
ETATS-UNIS
Inégalités : l'envol des hauts revenus
Sociétal
Jérôme Wittner
Au cours des trente dernières années, les inégalités de revenus se sont creusées outre-Atlantique. Elles se sont traduites, à partir de la décennie 1980, par une progression importante des hauts revenus, accentuée par des politiques fiscales en faveur des ménages aisés sous les administrations Ronald Reagan et George W. Bush. Dans le même temps, l'écart entre les bas salaires et le salaire médian tendait à se réduire. Ces évolutions, combinées aux dispositifs de redistribution fondés sur le retour au travail plutôt que sur l'aide sociale, montrent, selon l'auteur, les divergences profondes d'éthique entre les Etats-Unis et les pays d'Europe continentale.
DEVELOPPEMENT
Processus d'urbanisation et développement au Cambodge
Informations et Commentaire
Alain Guillaume
L'urbanisation est-elle un moteur de croissance ? En principe, une augmentation de l'activité de la métropole a des retombées positives sur l'activité des villes secondaires et des campagnes, touchant ainsi l'ensemble du territoire. Selon Jeffrey D. Sachs, stimuler la croissance économique des villes peut entraîner une amélioration du niveau de vie des habitants. L'étude présentée ici porte sur le Cambodge où, en 2002, 18 % seulement de la population était urbanisée. L'auteur rappelle, dans un premier temps, le lien entre urbanisation et développement montrant en quoi l'urbanisation est à la fois une cause et une conséquence de la croissance économique. Il décrit ensuite le processus d'urbanisation de Phnom Penh, premier centre urbain du Cambodge, et ses effets d'entraînement sur le développement du pays, qui restent toutefois jusqu'à présent limités.

No 2.884
12 octobre 2005

DOSSIER : LE BILAN DE L'ECONOMIE FRANÇAISE

L'espérance de vie franchit le seuil des 80 ans
Population et sociétés
Gilles Pison
Au cours de l'année 2004, la population en France métropolitaine a augmenté de 0,6 %. Il faut remonter trente ans en arrière pour trouver une croissance annuelle aussi élevée. Au 1er janvier 2005, la population était estimée en métropole à 60,6 millions d'habitants. La durée de vie continue de s'allonger et en 2004 le seuil des 80 ans d'espérance de vie a été franchi pour les deux sexes réunis. Si cette évolution s'inscrit dans la longue durée, il faut toutefois noter qu'en 2004 la mortalité exceptionnellement basse a fait plus que compenser les décès provoqués par la canicule de 2003.
Retournement positif du marché du travail
Premières informations et Premières synthèses
DARES
Après trois années de ralentissement économique, le retour d'une croissance plus soutenue en 2004 a permis d'enclencher un retournement positif du marché du travail. Les créations d'emplois dans la construction et le tertiaire marchand - si elles sont restées modestes - ont plus que compensé les pertes d'emplois dans l'industrie. L'emploi total a ainsi augmenté de + 37 000 après une diminution de - 93 000 en 2003. Cette évolution favorable a permis, au cours de l'année, de stabiliser le taux de chômage à 10 % de la population active.
Une reprise tirée par la demande
INSEE Première
Adrien Friez et Guillaume Mordant
La reprise de l'activité économique s'est confirmée en 2004. Le PIB (produit intérieur brut) s'est en effet accru de 2,3 % en volume après 0,8 % en 2003 et 1,2 % en 2002. Le pouvoir d'achat du revenu disponible brut des ménages a augmenté de 1,4 %. Le principal soutien de la croissance a été la consommation effective des ménages. Mais l'investissement des entreprises qui est reparti à la hausse a également contribué à la reprise. Les effets d'entraînement de ces deux moteurs de la croissance ont été contrebalancés par les résultats du commerce extérieur qui, pour la première fois depuis quatre ans, a enregistré un solde des échanges de biens négatif. Quant aux taux de marge des entreprises non financières, il a amorcé son redressement après trois années de recul. Enfin, la forte augmentation des recettes fiscales a permis une réduction du déficit public, qui demeure toutefois élevé. Il a atteint 3,6 % du PIB contre 4,2 % en 2003.
Confirmation de la croissance des revenus et de la consommation
Insee - Note de conjoncture
En 2004, le revenu disponible brut des ménages a progressé de 3,2 % en moyenne annuelle (+ 1,7 % en 2003). Cette amélioration est due à un moindre dynamisme des prélèvements sociaux et fiscaux (+ 2,8 % par rapport à + 3,7 % en 2003) et un retournement sensible de la tendance des revenus de la propriété (+ 3,5 % par rapport à - 7,0 % en 2003). En 2005, la croissance du revenu disponible brut se stabiliserait à 3,2 %. La tendance est similaire du côté de la consommation : après une accélération en 2004 (+ 2,3 % par rapport à + 1,6 % l'année précédente), on attend une stabilisation pour 2005 (+ 2,2 %). En l'absence d'une accélération sensible du pouvoir d'achat, les ménages favoriseraient en 2005 davantage leur épargne et leur investissement que leur consommation.
Balance des paiements : résultats contrastés
Banque de France - Rapport annuel
En 2004, le faible excédent du compte des transactions courantes de l'année précédente s'est transformé en un déficit du même ordre (- 4,4 milliards d'euros). Cette dégradation s'explique essentiellement par la croissance plus forte des importations par rapport aux exportations. En revanche, le compte de capital a renoué avec l'excédent en 2004 (+ 1,7 milliard après - 7,7 milliards d'euros en 2003). Enfin, le compte financier a confirmé son amélioration, l'excédent est passé de 13 milliards à 17,2 milliards d'euros. Les entrées de capitaux aux titres des autres investissements ont été particulièrement élevées, notamment vis-à-vis des contreparties extérieures à la zone euro.
Nette progression des flux du commerce extérieur
Notes bleues de Bercy
En 2004, les échanges commerciaux français ont augmenté : comparées à 2003, les exportations sont en hausse de 5,6 %, en raison de la croissance économique soutenue dans l'Union européenne, et les importations de 8,6 %, signe d'un raffermissement de la demande intérieure. L'ensemble des biens industriels bénéficie le plus de cette progression mais ce sont les achats et les ventes de produits de l'industrie automobile qui sont les plus dynamiques. En définitive, la France enregistre en 2004 un déficit commercial de - 7,8 milliards d'euros (excédent de + 1,7 milliards en 2003), dû en partie à l'alourdissement de la facture énergétique.
Diminution du déficit budgétaire et augmentation des recettes de l'État
Cour des comptes
Le déficit budgétaire (3,6 % du PIB), plus faible que prévu, s'est réduit par rapport à 2003 mais demeure à un niveau très élevé. La nette augmentation des recettes fiscales (+ 10,8 % par rapport à 2003), due essentiellement au dynamisme des recettes de TVA et d'impôt sur les sociétés, et le ralentissement dans la progression des dépenses de l'Etat en 2004 (+ 3,6 % en valeur sur l'année par rapport à 2003) ont contribué à la réduction du déficit. En parallèle, l'endettement public (65 % du PIB) continue de s'accroître au-delà du plafond indiqué par les critères de Maastricht (60 % du PIB) et le service de la dette représente une partie considérable du budget de l'Etat (20 % du budget de l'État).
EGALEMENT DANS CE NUMERO
UNION EUROPEENNE
Gérer la monnaie d'un pays hors zone euro
Finances et Développement
Camilla Andersen
Par deux fois, les Danois ont refusé d'adopter l'euro. Néanmoins, ce double refus n'a pas changé l'orientation de la politique monétaire danoise. Le pays pratique depuis le début des années quatre-vingt un régime de taux de change stable, ancré d'abord sur le deutsche mark, puis, depuis 1999, sur l'euro. Ainsi, le Danemark a renoncé à une politique monétaire et de change souple, car toute action de la Banque centrale européenne est suivie d'un ajustement analogue à Copenhague. Aujourd'hui, la couronne danoise est très stable, grâce non seulement à une politique budgétaire saine, mais également en raison d'une certaine autorité morale dont profitent les pays nordiques.
ECONOMIE ET DEMOGRAPHIE
Choc démographique : les mutations à venir

La lettre de l'économie - Société Générale
Véronique Riches-Flores
Le choc démographique à l'oeuvre dans les pays d'Europe continentale et plus particulièrement en France ne sera pas sans répercussions sur nos économies. L'auteur s'interroge sur les changements de comportements macroéconomiques des agents inhérents à l'accroissement de l'âge moyen de la population. L'allongement de la durée de vie malmène la théorie du cycle de vie à courte échéance. En effet, dans un premier temps, on devrait assister non pas à un recul du taux d'épargne mais plutôt à une remontée du taux d'épargne. Différentes explications sont avancées. Par ailleurs, l'économiste mentionne l'existence de nombreuses distorsions sectorielles liées à des modifications dans les modes de consommation.
 

No 2.885
26 octobre 2005

DOSSIER : LES PME : ATOUTS ET HANDICAPS


Le rôle de la taille de la firme : les spécificités des petites et moyennes entreprises
Economies et Sociétés
Jean-Claude Papillon
Joseph Schumpeter fut l'un des premiers théoriciens à s'intéresser à la taille de l'entreprise, même si ce sont plutôt les grandes (dont les moyens pour investir sont incontestablement les plus importants) qui ont retenu particulièrement son attention. Mais le rôle de la taille de l'entreprise a souvent été négligé dans les théories économiques. Généralement, lorsqu'il s'agit de s'intéresser de près au tissu productif, on lui préfère la nature de l'activité. Le découpage administratif français ne suit-il pas une logique de nature des productions ? La négligence à l'égard de la dimension vient certainement de la difficulté que l'on a à appréhender ce facteur. Néanmoins, identifier les entreprises selon leur taille (c'est-à-dire les effectifs) permet de les comparer entre elles. L'auteur déduit ainsi de plusieurs études économiques sur les petites et moyennes entreprises que celles-ci offrent des rémunérations plus faibles, réalisent un taux de croissance plus élevé, pratiquent une plus forte rotation de leur main-d'œuvre, exportent et innovent moins, mais différemment.

TIC et PME exportatrices : entre éloignement et gestion de proximité
Revue de l'économie méridionale
Martine Boutary et Marie-Christine Monnoyer
La décision d'internationalisation implique, pour l'entreprise, l'intégration et la maîtrise d'informations nouvelles. Lorsqu'elles décident de franchir les frontières, les PME, dont la spécificité consiste à élaborer leur système d'informations à partir de la proximité , se trouvent ainsi confrontées à de nombreux obstacles de toute nature (linguistique, culturel, financier, etc.). Il se produirait alors une dénaturation de la PME qui la conduirait à s'éloigner de ce qu'elle maîtrise le plus, à savoir, son milieu . Or, aussi paradoxal que cela puisse paraître, les technologies de l'information et de la communication vont contribuer à permettre aux PME de développer leur activité internationale à partir de leur proximité, montrant ainsi la prédominance des capacités relationnelles sur les capacités transactionnelles. De ce fait, le souci de la localisation de l'information nouvelle s'en trouve amoindri.

La reprise de l'entreprise artisanale
Revue internationale PME
Christian Picard et Catherine Thévenard-Puthod
La délicate transmission de l'entreprise artisanale - dont le système de gestion est principalement concentré sur l'artisan (et non l'entrepreneur) et sur le métier - implique un transfert de propriété, de pouvoir et de savoir. Elle représente un processus séquentiel non linéaire où les étapes successives (préparation du cédant et du repreneur, accord, transition et gestion de la reprise) présentent des obstacles de natures diverses. La gestion de la reprise est la phase-clé de la transmission, celle où le repreneur est confronté aux éventuelles réactions négatives de l'environnement, qui émanent des clients et des fournisseurs, et au possible rejet des salariés.
Le financement des PME américaines : l'action publique de la Small Business Administration
Techniques Financières et Développement
Pascal Alphonse et Jacqueline Ducret
Le financement externe des PME américaines repose essentiellement sur l'endettement bancaire. Or, l'engagement des banques apparaît fortement dépendant de l'existence d'un certain relationnel bancaire et des possibilités de garanties qu'offre l'emprunteur. Les programmes d'intervention publique de la Small Business Administration, fondés sur l'octroi de garanties et des participations financières, limitent les effets d'exclusion des PME qui se trouvent dans l'impossibilité de rassembler ces conditions. Néanmoins, cette action publique ne se substitue pas au marché du financement comme mécanisme d'allocation des ressources.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

ECONOMIE DE LA CULTURE
Où en est le cinéma français ?
Commentaire
Paul Mentré
Aux Etats-Unis, le cinéma est davantage considéré comme une industrie que comme un art ; subissant naturellement les lois du marché, son financement est majoritairement assuré par les studios hollywoodiens. En France, en revanche, un système d'aide établi depuis les années 1940 permet son financement. Des ressources prélevées sur les taxes d'exploitation des films sont redistribuées par le Centre national de la cinématographie (CNC) pour produire les films français. D'autres sociétés participent également au financement de l'industrie cinématographique comme les Sofica (sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel) et il existe par ailleurs d'autres aides notamment régionales. Paul Mentré nous présente un bilan chiffré du secteur. Il constate tout particulièrement une augmentation de la production, des investissements, des entrées en salles ainsi que des entrées à l'exportation. Il émet ensuite, quelques critiques à propos du système de financement du cinéma français. Il fait enfin le bilan des différentes réformes entreprises pour promouvoir le cinéma français.

MARCHE DU TRAVAIL
La mixité, un enjeu stratégique

L'Expansion Management Review
Véronique Préaux-Cobti et Avivah Wittenberg-Cox
Les auteures de l'article se sont penchées sur la place des femmes dans l'entreprise européenne et plus particulièrement française. Elles s'appuient sur des études attestant que plus les équipes sont diversifiées, plus elles sont performantes, sous réserve qu'elles soient gérées correctement. Autre raison pouvant motiver la plus grande mixité au sein des entreprises : la pénurie attendue de cadres dans les prochaines années. Et comme la moitié des diplômés des universités et des grandes écoles sont des femmes, les entreprises qui emploient des femmes auront un avantage compétitif. L'intérêt pour la question du genre au sein des entreprises se traduit par des démarches proactives constituées de différentes phases. Il faut également noter l'engagement du top management et la mise en place de réseaux au sein de l'organisation.

SECTEUR
Le marché de la vidéosurveillance

Informations sociales
Eric Heilmann
Les marchés de la vidéosurveillance et de la télésurveillance sont en pleine progression depuis une dizaine d'années. A l'échelle des collectivités locales, les investissements dans ce secteur sont considérables. Mais l'engouement pour la vidéosurveillance va bien au-delà du cadre des collectivités publiques. Les dispositifs techniques sont en effet de plus en plus utilisés par des propriétaires privés et investis dans les lieux privés ouverts au public . Toutefois, les études montrent que le soutien apporté par les caméras à la lutte contre l'insécurité est négligeable.

No 2.886
09 novembre 2005

DOSSIER : LE BILAN DE L'ECONOMIE MONDIALE


La croissance reste soutenue malgré des risques d'affaiblissement
Perspectives économiques de l'OCDE
Après un très bon début d'année, la croissance de l'ensemble de la zone OCDE a ralenti courant 2004. Dans les six plus grands pays de l'OCDE, le taux de croissance est ainsi passé de 1 % au premier trimestre à 0,5 lors des deux derniers trimestres de l'année. Le rythme d'activité a moins faibli aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en France qu'au Japon, en Allemagne et en Italie. Bien qu'un regain de vigueur doive en principe se généraliser en 2005, la croissance reste exposée à plusieurs risques, dont notamment la nette appréciation du prix du pétrole, la valorisation de certains marchés d'actifs et la persistance d'amples déficits budgétaires.
Forte croissance du commerce mondial
Rapport sur le commerce mondial 2005
OMC
Le commerce mondial des marchandises a augmenté en 2004 de 9 % en valeur réelle, ce qui est le meilleur résultat annuel depuis 2000. Cette expansion est nettement supérieure à la moyenne de la dernière décennie. La hausse des cours du pétrole et des métaux a entraîné une forte augmentation de la part des combustibles, des métaux et du fer dans les exportations mondiales. Le Moyen-Orient, l'Afrique et les pays de la Communauté des Etats indépendants (CEI) sont de gros exportateurs nets de ces produits. Leur part dans le commerce mondial a encore gagné du terrain en 2004. L'ensemble des économies en développement dans les exportations mondiales a ainsi atteint un nouveau sommet de 31 %. L'évolution a été plus modeste en Europe et en Amérique du Nord. En termes réels, les deux zones affichent une croissance de leur commerce située entre 6 et 10 %.

L'envolée des cours pétroliers a pesé sur les marchés des actions
Rapport annuel
Banque des règlements internationaux
Au cours de l'année 2004, les conditions financières se sont assouplies sur l'ensemble des marchés. Le bas niveau des rendements longs malgré les relèvements des taux directeurs a été particulièrement surprenant aux Etats-Unis. La hausse des cours pétroliers qui s'est accompagnée par une intense activité spéculative a pesé sur les marchés des actions. La diminution des primes de risque a traduit la faible volatilité des marchés et un goût affirmé pour le risque. Enfin, le dernier trimestre de l'année 2004 a été marqué par l'augmentation des besoins de financement des entreprises américaines.

Baisse du dollar et forte hausse des cours du pétrole
Rapport annuel de la Banque de France
Christian Noyer
Au cours de l'année 2004, en dépit d'un relèvement des taux d'intérêt directeurs de la Réserve fédérale, la dépréciation du dollar vis-à-vis des principales devises s'est poursuivie. Le recul de la monnaie américaine n'a toutefois pas été régulier tout au long de l'année. L'euro a enregistré face au dollar une progression de 8 %, atteignant un pic à 1,36 dollar en décembre 2004. Les devises des nouveaux Etats membres de l'Union européenne sont restées stables ou se sont appréciées vis-à-vis de l'euro. Enfin, l'augmentation de la demande mondiale de pétrole, tirée en particulier par la Chine et les Etats-Unis, dans un contexte géopolitique incertain a entraîné de fortes tensions sur les cours du brut.

IDE : la fin du ralentissement
World Investment Report 2005
CNUCED
Après trois années de baisse consécutive, les flux mondiaux d'investissements directs à l'étranger (IDE) se sont légèrement redressés en 2004. Ce redressement s'explique par la forte augmentation des IDE à destination des pays en développement (PED). Les Etats-Unis conservent leur rang de premier destinataire d'IDE, devant le Royaume-Uni. La région Asie-Océanie reste, quant à elle, avec 148 milliards de dollars, le premier bénéficiaire des flux d'IDE à destination des PED. Dans cet ensemble, la Chine est, avec 61 milliards de dollars, le premier pays du monde en développement pour l'accueil d'IDE et occupe le troisième rang mondial. En revanche, les flux à destination de l'Union européenne sont tombés à leur niveau le plus bas depuis la fin des années 1990. Toutefois, l'évolution est contrastée puisque les dix nouveaux Etats membres ont enregistré une augmentation des entrées d'IDE.

Marché du travail : manque de dynamisme
Perspectives de l'emploi
OCDE
L'année 2004 se caractérise, dans la zone OCDE, par une croissance modérée de l'emploi (0,9 %) et les économistes ne prévoient pas de redressement rapide dans les deux années à venir. La légère diminution du taux de chômage (s'établissant à 6,7 % de la population active), qui devrait se confirmer par la suite, ne parvient pas à masquer les disparités entre les pays. La croissance des salaires est prudente (3,1 %) mais les coûts unitaires de la main-d'œuvre, en nette décélération, devraient retrouver leur rythme de progression de la période 1992-2002 (1,6 %).

Développement humain et conflits violents
Rapport mondial sur le développement humain 2005
PNUD
Bien que le nombre de conflits ait décliné au cours du XXe siècle et plus particulièrement depuis le début des années 1990 (51 conflits en 1991 contre 29 en 2003), le dernier siècle a été extrêmement meurtrier (presque trois fois plus de personnes tuées durant un conflit que lors des quatre siècles précédents). Mais le nombre de victimes ne représente pas le seul coût dû aux conflits violents. Leurs conséquences sur le développement humain sont très étendues. La destruction des infrastructures et du capital physique modifie, à long terme, le système productif et réduit considérablement le potentiel de croissance. Elle contribue aussi à la chute des flux d'investissements dans les régions concernées et provoque un effet d'éviction en incitant à consacrer plus de revenus à l'armement qu'aux moyens productifs. D'autres types de coûts, moins visibles, sont plus délicats à traduire en chiffres. Pourtant, la dislocation des systèmes alimentaires, de santé et d'éducation, la perturbation du marché du travail, les risques sanitaires et la désintégration du système politique sont autant de facteurs défavorables au développement humain. Les risques sécuritaires concernant de plus en plus les pays à faibles revenus, le rapport du PNUD montre que, plus que jamais, l'interaction entre la pauvreté et les conflits violents menace la sécurité collective de la communauté internationale.
EGALEMENT DANS CE NUMERO

ECHANGE INTERNATIONAL
Le déséquilibre des échanges commerciaux sino-américains
Monde Chinois
Sarah Y. Tong
Le déséquilibre croissant des échanges commerciaux sino-américains est devenu une préoccupation essentielle des autorités américaines. Ce déséquilibre commercial alimente les débats et fait l'objet de vives controverses. La Chine et les Etats-Unis sont notamment en désaccord sur son ampleur et ses origines. L'auteur montre que, pour y voir plus clair dans les données officielles, il est nécessaire d'examiner attentivement le rôle des réexportations hongkongaises mais également de tenir compte de l'importance des échanges de services et de l'impact des échanges commerciaux réalisés par des entreprises à capitaux étrangers installées en Chine. Il s'avère, qu'après avoir opéré divers ajustements, les différences de chiffres peuvent être réduites des trois quarts. L'étude insiste, en outre, sur le fait que les échanges de services, en faveur de l'économie américaine, permettent de compenser le déséquilibre commercial bilatéral entre les Etats-Unis et la Chine.

ENTREPRISES ET MARCHES
Le militantisme éthique, facteur de délocalisation des entreprises ?
Kyklos
Gilles Grolleau, Tarik Lakhal et Naoufel Mzoughi
Le militantisme éthique est-il efficace ? Trois générations de militants éthiques peuvent être identifiées. La première a conduit les décideurs politiques des pays développés à imposer des normes éthiques contraignantes sur les industries domestiques ce qui a entraîné la délocalisation d'un certain nombre d'entreprises vers des pays dotés de normes moins exigeantes. La seconde génération a directement pris pour cible les firmes en menaçant leur profit sur les marchés de consommation, quelle que soit leur localisation. Cette forme de militantisme a poussé certaines entreprises à améliorer les conditions éthiques de leurs sites à l'étranger et a même parfois abouti à la relocalisation de ces sites dans leur pays d'origine. Quant à la troisième génération, elle a cherché à sortir de la confrontation pour établir des relations de coopération avec les firmes. Les partenariats mis en place ont une influence non négligeable sur les décisions d'implantation des entreprises.
No 2.887
23 novembre 2005

DOSSIER : LES DEFIS D'UNE EUROPE ELARGIE


GOUVERNANCE ECONOMIQUE
L'assouplissement du Pacte de stabilité
La Revue du Trésor
Philippe Marchat
L'auteur revient ici sur les circonstances qui ont présidé à l'assouplissement du Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Les déficits de la majorité des Etats membres de l'Union européenne (UE), en particulier ceux de l'Allemagne et de la France, pays leaders de l'UE, et l'élargissement à dix nouveaux membres, favorisant l'augmentation du nombre et parfois de la durée des déficits budgétaires, ont incontestablement déclenché le processus d'assouplissement du PSC. L'évolution du Pacte, adoptée au printemps 2005, implique de revenir sur sa signification. Sans modification des seuils, mais plaçant l'endettement (et de ce fait, le long terme) en première ligne, le PSC est aujourd'hui considéré comme l'organe essentiel de la politique économique et financière de l'UE dont le défi majeur est de réaliser l'ambitieux objectif économique fixé par la stratégie de Lisbonne : devenir l'économie la plus compétitive au monde.

Le concept d'attractivité en Union monétaire
Bulletin de la Banque de France
François Mouriaux
La question de l'attractivité du territoire est une interrogation ancienne. Depuis la mise en place de l'Union économique et monétaire, on constate une intensification de l'intérêt pour cette problématique, comme en témoignent la publication d'une série de rapports sur le sujet. En effet, dans un contexte où les ajustements de change ne peuvent plus intervenir, l'intérêt et les limites du concept d'attractivité dans la formulation des politiques économiques se posent en termes nouveaux. Dans le cadre de l'Union économique et monétaire, la concurrence fiscale et la santé des finances publiques deviennent des éléments essentiels de l'attractivité. En incitant les pays membres à s'inscrire dans une action pluriannuelle et à améliorer la qualité des dépenses publiques, le Pacte de stabilité et de croissance peut être d'une grande utilité dans la conduite des politiques d'attractivité.

Le budget 2007 - 2013 : quelle politique de cohésion européenne ?
Futuribles
Marjorie Jouen
Au cours du Conseil européen du 16 et 17 juin 2005, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne (UE) ne sont pas parvenus à trouver un accord sur le cadre financier 2007-2013. La future politique de cohésion économique et sociale fait notamment l'objet d'âpres discussions. L'UE est confrontée aux nombreux problèmes posés par l'élargissement à dix nouveaux États membres, issus pour huit d'entre eux d'Europe centrale et orientale. L'adhésion de ces pays, dont le niveau de richesse se situe en dessous de la moyenne communautaire, va en effet entraîner un accroissement des disparités régionales et sociales, de nouvelles inégalités territoriales et l'aggravation de la pauvreté et de l'exclusion sociale. Or, la question du financement de la future politique de cohésion économique et sociale conçue pour résoudre ce type de problèmes se pose à un moment où le projet européen souffre d'une véritable désaffection et où l'Union enregistre des performances économiques médiocres.

POLITIQUES SOCIALES ET CROISSANCE
L'UE : un sujet politico-économique complexe
Intereconomics
J. Andrés Faíña
Le traité constitutionnel qui avait comme objectif d'établir les nouveaux fondements juridiques et politiques de l'Union européenne (UE) a essuyé un échec avec les résultats négatifs des référendums français et néerlandais. L'Europe est-t-elle désormais en crise ? Pour répondre à cette question, il faut d'abord rappeler que l'UE a accompli d'impressionnantes réalisations institutionnelles. L'unification du marché intérieur, l'union monétaire et le récent élargissement en sont des exemples. L'auteur cherche ensuite à montrer la véritable signification du processus d'intégration européen et à analyser l'impopularité dont l'UE est aujourd'hui victime. Parmi les difficultés, il cite le rôle toujours prépondérant des gouvernements nationaux ainsi que le problème de crédibilité face aux objectifs de l'UE.

L'avenir incertain du modèle social européen
Droit social
Georges Spyropoulos
Les questions sociales ont dominé les débats qui ont marqué les campagnes référendaires, en vue de la ratification du traité constitutionnel, qui se sont déroulées, au printemps dernier, en France et aux Pays-Bas. L'élargissement de l'Union européenne (UE) à des pays dont les systèmes de protection sociale se situent nettement en dessous des standards européens fait en effet planer la crainte d'une remise en cause profonde des acquis sociaux de l'Etat providence. Après avoir rappelé les principes fondamentaux du modèle social européen, l'auteur souligne que celui-ci, devant les critiques répétées des libéraux et des néo-libéraux, a commencé depuis une vingtaine d'années à céder du terrain. Il montre notamment que lors des négociations d'adhésion qui ont précédé le dernier élargissement, ce sont les critères politiques et économiques qui ont prévalu au détriment des critères sociaux. Par ailleurs, la Charte des droits sociaux fondamentaux incorporée au traité constitutionnel ne prévoit pas de compétence nouvelle de l'Union en matière sociale. Il est donc difficile, dans ces conditions, d'envisager, dans les cinq à dix prochaines années, une évolution positive du modèle social européen.
L'Union européenne après l'élargissement
Chronique internationale de l'IRES
Jacky Fayolle
Le 1er mai 2004, dix nouveaux États membres ont rejoint l'Union européenne (UE). Il est attendu de cet élargissement de l'UE un processus de rattrapage économique et une coordination plus transversale entre tous les acteurs sociaux européens. Il semble qu'au contraire ce soit la méthode intergouvernementale, voire supra-étatique qui domine. Le développement de l'investissement productif et du commerce extérieur ayant permis à la croissance économique des PECO (Pays d'Europe centrale et orientale) de résister depuis 2000 sont autant d'éléments qui confirment l'idée que le rattrapage est amorcé. Toutefois, la diffusion de ces gains est limitée : les taux de chômage dans les nouveaux pays membres sont élevés et l'écart entre l'évolution des salaires et celle de la productivité augmente. Ces pays doivent en outre faire face à différents dilemmes. Favoriser le développement des investissements directs à l'étranger (IDE), par exemple, encourage la transmission des technologies et allège la contrainte financière de ces économies mais risque d'accroître le dualisme entre les entreprises à capital étranger et les petits secteurs constitués d'entreprises locales. Adopter l'ancrage fixe de la devise locale sur l'euro favorise la stabilité monétaire mais risque d'exercer une pression sur la compétitivité nationale. Au contraire, choisir une transition souple à l'euro permettrait d'éviter la contrainte pesant sur la compétitivité mais incite, dans le même temps, à la dépréciation et peut provoquer de l'inflation.

Le difficile équilibre entre solidarité et croissance
Finances et Développement
Michel Deppler
Après plusieurs décennies de forte croissance, l'Europe traverse actuellement une phase de croissance faible, surtout comparée aux Etats-Unis. L'auteur, en retraçant l'histoire économique de l'Europe continentale depuis l'Après-guerre tente d'analyser ce problème dans le cadre d'une Europe élargie. Il souligne la présence de deux traditions de long terme : l'une tournée vers la solidarité et l'équité, l'autre vers la discipline financière et l'efficacité économique. Si aujourd'hui, l'intégration des nouveaux pays membres lance un défi à l'Europe sociale, cette même intégration a toujours été une source majeure de croissance en Europe. Mais au-delà de cet élargissement - et afin d'améliorer les perspectives de croissance - l'auteur rappelle que les réformes politiquement difficiles sont généralement considérées nécessaires à une forte croissance.

QUELLES REFORMES POUR UNE MEILLEURE COMPETITIVITE ?
Comment sauver le processus de Lisbonne ?
CES ifo
Jean Pisani-Ferry
Les trois principaux objectifs de Lisbonne (une intégration économique plus poussée, une meilleure coordination des marchés du travail domestiques et des systèmes de retraite et une restructuration de la dépense publique) ont-ils été atteints ? La comparaison des trajectoires des pays membres de l'Union européenne (UE) et des pays extérieurs à la zone montre que l'UE s'est trouvée dans l'incapacité de tenir ses engagements. L'absence d'incitation à coordonner les politiques de réformes structurelles nationales en est la principale responsable. Dans ces conditions, et pour un intérêt commun, la seule façon de rendre plus efficace le processus de Lisbonne, et de rendre sa légitimité à l'Union européenne, est d'inciter les Etats membres à développer des politiques coordonnées et d'aider à la diffusion des externalités positives attendues.

L'avenir économique de l'Europe
The Journal of Economic Perspectives
Olivier Blanchard
La situation de quasi stagnation que connaît l'Europe depuis quelques années, comparée au dynamisme de l'économie américaine, entretient un climat de profonde morosité sur le Vieux continent. Pourtant, une analyse des performances économiques de part et d'autre de l'Atlantique montre que depuis trois décennies, l'écart de PIB par habitant entre l'Union européenne et les Etats-Unis est resté relativement constant et que la productivité du travail - mesurée en PIB par heure travaillée - a augmenté plus rapidement en Europe qu'Outre-Atlantique. D'importantes réformes structurelles ont de surcroît été engagées depuis une vingtaine d'années par l'Union européenne qui, de toute évidence, sont bien davantage le signe du changement que de l'immobilisme. Si l'économie européenne continue d'être handicapée par une réglementation insuffisamment efficace rien, selon l'auteur, ne justifie néanmoins l'excès de pessimisme qui semble s'être emparé des Européens.
 

2006


No 2.890
4 janvier 2006

DOSSIER : Réforme fiscale et concurrence

La politique fiscale française depuis les années 1990
Études de politique fiscale
OCDE
En France, au début des années 1990, la politique fiscale, en vue de respecter les critères fixés par le traité de Maastricht, était orientée vers l'objectif de réduction des déficits publics. Une fois cet objectif atteint, la réduction de la charge fiscale est devenue la principale préoccupation des pouvoirs publics. Des mesures visant à réduire les trappes à inactivité et à stimuler le potentiel de production de l'économie ont été introduites : la réforme de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, la création de la prime pour l'emploi, la réduction de la charge fiscale pesant sur les entreprises ou encore des mesures favorables à l'investissement pour les entreprises étrangères installées dans l'Hexagone.

Fiscalité française et investissements des multinationales
Conseil d'analyse économique
Sébastien Raspiller
L'intégration de plus en plus poussée des marchés conduit à une compétition accrue entre Etats pour attirer les investissements internationaux. Parmi les critères déterminants de l'attractivité des territoires, la fiscalité compte parmi les facteurs décisifs. Au sein de l'Union européenne (UE), qui offre l'exemple d'un espace économique très intégré, les écarts de pression fiscale entre Etats membres jouent dès lors un rôle particulièrement important. Evaluer la charge fiscale qui pèse sur les entreprises d'un pays reste toutefois une tâche difficile compte tenu de la complexité des systèmes d'imposition. Dans le cas de la France, les résultats de l'analyse sont globalement pessimistes. Si en effet, concernant l'impôt sur les sociétés, elle se situe dans la moyenne de l'UE, elle occupe, en revanche, les dernières places pour ce qui est de la charge fiscale globale pesant sur les entreprises.

Concurrence fiscale : la France reste relativement attractive
La Revue du Trésor
André Barilari
Si dans le cadre de la concurrence fiscale, la France compte un certain nombre d'éléments défavorables : le poids des cotisations sociales, un taux nominal d'imposition des bénéfices des sociétés parmi les plus élevés de l'Union européenne, un dispositif d'imposition des plus-values de cession d'actifs particulièrement lourd ou encore une taxe professionnelle qui pèse sur les immobilisations, le système fiscal français présente également des éléments favorables qui rendent la France relativement attractive. Le Conseil des impôts a cherché dans son XXIIe rapport à évaluer le poids respectif des avantages et des inconvénients du système français. Il n'a pas limité son étude à la fiscalité pesant sur les entreprises mais a analysé également l'influence de la fiscalité des personnes physiques sur la localisation des firmes, ceci afin d'éclairer, en particulier, le débat sur les conséquences économiques de l'impôt sur la fortune.

La Flat-Tax : principes et applications
Adam Smith Institute
Andrei Grecu
Le système de l'impôt proportionnel à taux unique, flat-tax en anglais, est dans le cadre des projets de réforme de la fiscalité de plus en plus fréquemment présenté par de nombreux économistes libéraux comme une alternative aux systèmes fiscaux en vigueur. L'auteur, partisan du système de la flat-tax, en expose ici les grands principes et dresse un bilan des avantages qu'il présenterait par rapport à un système d'impôt progressif, en particulier dans le cadre de la concurrence fiscale devenue avec la mondialisation un facteur décisif de compétitivité. Il rappelle que quelques petits pays ont depuis longtemps adopté ce système avec, selon lui, un réel succès. Tandis qu'au cours de la dernière décennie plusieurs pays d'Europe centrale et orientale en ont fait un élément central de réforme de leur économie.
EGALEMENT DANS CE NUMERO

NOUVELLES TECHNOLOGIES
Les analyses économiques du piratage des biens numériques
Revue française d'économie
Myriam Davidovici-Nora
Au cours des dernières années, accompagnant le développement de l'internet, un phénomène nouveau a fait son apparition celui du piratage de masse des biens numériques par le grand public. Ce piratage qui est venu s'ajouter à celui des professionnels nourrit les craintes des détenteurs de droits de la propriété intellectuelle sur ces biens. L'auteur examine ici les conditions qui ont favorisé l'essor de ce phénomène. Elle passe également en revue ses conséquences : sur les ventes, les prix, les profits, l'innovation et la stratégie d'entreprise. Elle conclut son étude par une analyse des effets du renforcement des protections juridiques et technologiques sur le piratage.

COMMERCE INTERNATIONAL
Exportations : l'Allemagne distance la France
Guillaume Gaulier, Amina Lahrèche-Révil et Isabelle Méjean
La Lettre du CEPII
La France et l'Allemagne présentent des déterminants macro-économiques relativement similaires. Pourtant, depuis le début des années 2000, les exportations françaises progressent moins vite que les exportations allemandes. Les auteurs proposent d'en déterminer les raisons dans une fine analyse, sur un millier de secteurs. Les résultats obtenus mettent en évidence des compositions sectorielles différentes et des comportements divergents face aux chocs de change et aux variations de la demande mondiale. La contre-performance de la France est ainsi expliquée par son incapacité à adapter son offre d'exportation à la demande mondiale.

DEMOGRAPHIE
Les immigrés en France, une situation qui évolue
INSEE Première
Chloé Tavan
Si depuis trente ans, en France, la part des immigrés dans la population est restée stable, le visage de l'immigration a lui beaucoup changé. Augmentation du nombre des entrées dans le cadre du regroupement familial, féminisation et éloignement géographique des pays de provenance sont les nouvelles caractéristiques de l'immigration. Les immigrés continuent d'être confrontés dans leur vie quotidienne à un certain nombre de difficultés. Ils vivent en effet plus fréquemment dans des logements surpeuplés et sont davantage affectés par le chômage. Leurs enfants sont souvent en difficulté scolaire, mais pas plus cependant que les autres enfants ayant les mêmes caractéristiques sociales.

No 2.891
18 janvier 2006

DOSSIER : Nouveaux visages de l'industrie automobile

La place de l'automobile dans notre société
Futuribles
Pierre Bonnaure et Véronique Lamblin
Malgré la tertiarisation de l'économie, l'industrie automobile occupe toujours une place importante dans les pays développés. Certes, son poids en termes d'effectifs a diminué nettement - en France, le secteur n'occupe plus que 1,3 % des actifs - mais ses liens avec d'autres secteurs ou des activités comme l'électronique ou la R&D lui confèrent un rôle d'entraînement significatif. Les auteurs reviennent sur ces interdépendances et montrent que la voiture a beaucoup évolué, dans sa forme comme dans sa composition : de nouvelles exigences en matière de sécurité, d'environnement, etc. apparaissent à côté de celles plus traditionnelles des consommateurs. Plus récemment, la perspective d'épuisement des hydrocarbures ainsi que l'arrivée sur le marché de constructeurs issus de pays émergents (Chine, Inde) posent de nouveaux défis au secteur.

Fusions et scissions dans le secteur
Actes du Gerpisa
Michel Freyssenet
L'industrie automobile figure parmi les secteurs emblématiques du processus de concentration industrielle transnationale. Les multiples fusions qui ont été réalisées depuis 1950 ont créé un oligopole d'une quinzaine de groupes industriels internationaux qui se partagent aujourd'hui la production d'une cinquantaine de millions de véhicules particuliers et utilitaires dans le monde. Cependant, ce mouvement de fusions, d'acquisitions et d'alliances masque une autre réalité, celle de la désintégration verticale se traduisant par la cession d'activités et la vente de filiales. L'auteur analyse les six vagues de regroupement-séparation que l'on a pu observer depuis les années cinquante et tente d'identifier les enjeux de chacune d'elles, ainsi que les raisons de leur réussite ou de leur échec.

La nouvelle dynamique concurrentielle
Economie et sociétés
Matthias Holweg
La production automobile a connu quatre grandes phases : d'une concurrence fondée sur le coût de production (le fordisme), on est passé à une concurrence fondée sur la variété des modèles offerts (après 1930), puis à une concurrence s'appuyant sur la diversification et le leadership en matière de design et de processus de production (cas de Toyota), et enfin aujourd'hui, à une concurrence basée sur une adaptation au plus près des besoins des consommateurs. L'auteur étudie cette évolution et s'interroge sur la prochaine étape. Selon lui, elle devrait être caractérisée par l'apparition de nouveaux modes de propulsion et de nouvelles énergies. En effet, depuis la mise au point du moteur de Carl Benz en 1886, il ný a eu que peu de changements dans ce domaine.

Vers la voiture sur mesure
Document de travail Cerna
Noémie Behr
L'articulation entre modèles productifs et organisation du système de distribution reste une question relativement peu explorée. Pourtant, d'importants changements sont intervenus dans les modes de production avec des répercussions directes sur les modes de distribution. Ainsi, le modèle de vente sur stock dans de petites concessions a fait place à la distribution d'une variété croissante de produits (par combinaison des caractéristiques d'un modèle). L'auteur montre comment cette diversité permet de révéler que l'analyse des types d'articulation entre production et distribution doit prendre en compte non seulement l'ensemble des composantes des modèles productifs, mais également la totalité des caractéristiques d'un système de distribution, notamment la structure de marché de la distribution.
EGALEMENT DANS CE NUMERO

SCIENCE ECONOMIQUE
L'évaluation empirique des théories économiques
Economie appliquée
Patrick Eparvier
Le caractère scientifique de l'analyse économique demeure une question centrale dans les débats épistémologiques en sciences sociales. L'auteur propose ici une réflexion autour des outils méthodologiques nécessaires pour une évaluation empirique des théories économiques. Un rôle important est souvent accordé à la confrontation des conclusions théoriques à des tests empiriques. Or, souligne l'auteur, cette confrontation est souvent éludée ou déformée par les théories économiques. Dans le même temps, des théories, rarement testées participent pourtant à l'élaboration théorique des politiques publiques. Cette capacité à proposer de tels éléments est en fin de compte un autre mode d'évaluation empirique des théories économiques. Ces dernières doivent être, selon l'auteur, jugées sur leur capacité à répondre à plusieurs niveaux d'analyse : représentation théorique de certaines propositions, possibilité de tester ces propositions et transformation de certaines notions en éléments de politique publique. Enfin, c'est sur l'articulation des différents travaux au sein d'un programme de recherche - travaux qui ne doivent pas nécessairement être conduits par le même individu - que l'auteur propose de faire porter l'évaluation empirique des théories.

MARCHE DU TRAVAIL
L'égalité des sexes engendre-t-elle la croissance ?
L'Observateur de l'OCDE
Roger Mörtvik et Roland Spånt
Dans les pays où prévalent des structures familiales plus traditionnelles dans lesquels le marché du travail est relativement et particulièrement dominé par les hommes, il est plus difficile de concilier vie de famille et travail et le taux de natalité en pâtit. C'est l'hypothèse que formulent les auteurs. Ainsi, l'offre de main-d'œuvre diminue sur le long terme et la croissance économique dans ces pays ralentit. Il ressort de leur étude portant sur dix-sept pays et reposant sur deux critères (la nature des mentalités - plus ou moins traditionnelles - et le taux de natalité), que les pays les moins progressistes (l'Allemagne, le Japon, l'Italie et l'Espagne entre autres), dont le taux de natalité est relativement faible, sont aussi ceux qui connaissent un ralentissement économique par rapport aux autres (Etats-Unis, Irlande, Norvège, Suède, etc.). Pour la plupart des économistes en général, il s'agit davantage d'un problème de productivité que de mentalités. Ce n'est pas l'avis des auteurs pour qui une réforme du marché du travail impliquant plus d'égalité entre les hommes et les femmes est capitale pour la croissance.

No 2.892
1er février 2006

DOSSIER : La dette des PED : où en est-on ?

Soutenabilité de la dette : concepts, mécanismes et diagnostics
Revue de la stabilité financière
Adeline Bachellerie et Bertrand Couillault
La dette publique des pays émergents s'est accrue en moyenne de 10 points de PIB en moins de dix ans (70 % en 2002), notamment en raison de l'abondance des capitaux sur les marchés obligataires devenus la source principale de financement de ces économies au détriment de l'endettement bancaire qui caractérisait les années 1980. L'assèchement brutal des financements vers les pays émergents, dans les années 1990, a contribué aux crises de leur compte de capital. En outre, leurs fragilités internes, l'incapacité à emprunter dans leur monnaie nationale sur les marchés internationaux et l'imperfection des informations concernant ces économies sont autant d'obstacles à la soutenabilité de leur dette. Dans ce contexte, l'élaboration d'un diagnostic précis de l'endettement est utile pour mieux rendre compte des incertitudes et des vulnérabilités financières des pays émergents et pour mieux prévoir les crises.
L'émission externe de titres en monnaie nationale : le choix récent du Brésil
Note du Boletim Trevisan
L'amélioration de la situation macro-économique brésilienne a permis au gouvernement fédéral de prendre, le 19 septembre 2005, une décision historique : financer une partie de sa dette externe en émettant des titres en reals sur le marché international pour un montant équivalent à 1,5 milliard de dollars. Ce type de financement de la dette en monnaie locale permet d'éviter les risques de change qui sont alors supportés par les créanciers. Ceux-ci sont prêts à le faire dans la mesure où le spread brésilien (écart entre le taux d'intérêt local et celui des Etats-Unis) est faible. L'accès aux ressources extérieures pour nombre d'entreprises et de consommateurs brésiliens permettra de libérer un certain volume d'épargne interne - jusqu'alors faible si on la compare avec celle des autres économies émergentes, notamment l'Asie du Sud-Est - qui sera disponible pour soutenir l'investissement. Le surcroît d'épargne permettra au gouvernement de diminuer le taux d'intérêt qui, à un niveau élevé, renchérit le coût de la dette et du capital productif. Cette stratégie de financement de la dette brésilienne repose sur une hypothèse fondamentale : la stabilité escomptée du real par rapport au dollar. En effet, le moindre signe de faiblesse de la monnaie (ou, à l'inverse, le plus petit signe de vigueur du dollar) contribuera à dévaloriser les bons brésiliens et à éloigner les investisseurs. Dans ces conditions, l'appréciation du real doit être de mise. Etant donné que les bons ne sont pas indexés à l'inflation (contrairement aux bons uruguayens par exemple), Brasilia semble pouvoir se le permettre.

Les pays émergents pourront-ils emprunter dans leur monnaie ?
BIS Quarterly Review
Camilo E. Tovar
L'impossibilité d'emprunter dans sa propre monnaie sur les marchés financiers internationaux (" péché originel ") semblait être la caractéristique des économies émergentes. Pourtant, en Amérique latine, l'Uruguay a créé, en 2003, un précédent. Le pays a été suivi par la Colombie en 2004 et le Brésil en 2005. Toute une combinaison de facteurs est à l'origine de ce phénomène. La recherche de nouvelles sources de financement leur permettant de diminuer la vulnérabilité des marchés de capitaux domestiques, la diminution des taux d'intérêt sur les marchés financiers matures - les spreads des pays émergents qui en résultent sont affaiblis et réduisent les risques pour les investisseurs - et l'amélioration des fondamentaux ont rendu possible l'émission d'une partie des dettes publiques souveraines en monnaie locale. Toutefois, même si ces succès constituent un signal fort adressé aux acteurs de la finance internationale, il semble que leur pérennité ne soit pas nécessairement garantie.

Restructuration de la dette : le cas argentin
La Lettre du CEPII
Jérôme Sgard
L'abandon de la proposition Krueger qui aurait imposé un cadre juridique relativement contraignant, obligeant des créanciers minoritaires réfractaires à conclure des accords, a finalement conduit à privilégier, pour la restructuration de la dette souveraine, la voie de la négociation. Cette nouvelle procédure, appelée CAC (clauses d'action collective), qui implique la marginalisation du Fonds monétaire international dans les processus de restructuration des dettes des économies émergentes, semble plus démocratique que la précédente. Elle présente toutefois quelques difficultés. En effet, si les CAC supposent que les investisseurs publics et privés négocient entre eux, souvent ces derniers résistent à un accord et portent plainte devant les tribunaux de commerce des places financières où les obligations ont été émises (New York ou Londres). C'est ce qui s'est passé en Argentine où trois années ont été nécessaires pour que les créanciers s'entendent. Même si un accord est finalement trouvé, il n'est conclu qu'entre ceux qui l'ont souhaité. Et dans l'hypothèse d'une plainte non recevable auprès du tribunal de commerce de la part d'investisseurs réfractaires, un montant non négligeable de la dette peut rester en souffrance, c'est actuellement le cas de 24 % de la dette argentine.

Prêts versus dons : quelle source de financement pour les PED ?
L'Observateur de l'OCDE
Daniel Cohen et Helmut Reisen
Au moment où le Fonds monétaire international et la Banque mondiale viennent d'annoncer l'annulation de la dette multilatérale de dix-neuf pays pauvres très endettés (PPTE), la question de l'utilité des prêts est de retour. Il semble que l'augmentation du volume de dons au détriment des prêts n'ait pas contribué à diminuer la pauvreté dans les pays en développement, notamment ceux qui en bénéficient le plus. Selon les auteurs, il faut dépasser le clivage entre les deux sources de financement qui sont en réalité compatibles, chacune présentant des avantages. D'un côté, les remboursements des prêts octroyés dans le passé permettent d'alimenter les crédits futurs même si, dans certains cas, ces nouveaux prêts ne servent qu'à financer les précédents. De l'autre, en dépit du caractère incitatif des prêts, les dons offrent une marge de manœuvre immédiate qualifiée par les économistes d' " effet de lissage " qui contribue à stabiliser la conjoncture.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

DEVELOPPEMENT
Le rôle de l'agriculture dans la croissance et le développement
Revue Tiers Monde
Pierre Berthelier et Anna Lipchitz
L'environnement économique et commercial s'est transformé, les échanges se multiplient et les règles qui les encadrent ont évolué. Dans ces conditions, le rôle de l'agriculture dans le processus de développement des pays du Sud est contesté. Selon les auteurs, la transition agricole est une raison nécessaire mais non suffisante au développement économique et à la croissance soutenue des pays du Sud. L'étude économétrique qu'ils proposent sur une cinquantaine de pays relativise ainsi les travaux d'Arthur Lewis à l'origine de la théorie du surplus pour laquelle la transition économique s'explique par un flux continu de ressources de l'agriculture vers l'industrie. Les auteurs montrent en effet que s'il n'est pas accompagné d'un développement des autres secteurs, le processus de transition peut être bloqué. Ainsi, l'accumulation du capital, l'investissement en capital humain et les politiques agricoles publiques constituent des éléments essentiels au développement économique des pays du Sud.

La France et ses pôles de compétitivité
Crédit Agricole - Eclairages
Jean-Paul Betbèze, Alain Argile et Olivier Eluere
Face aux mutations de l'environnement économique international et, par répercussion, national, la France a décidé d'initier une politique industrielle de grande envergure : la promotion et le développement de facteurs clés de la compétitivité industrielle. Au premier rang se trouve la capacité d'innovation qui est au cœur de la politique des pôles de compétitivité. Parmi les 105 candidatures recueillies au printemps, 67 pôles de compétitivité ont finalement été sélectionnés en 2005. Parmi ceux-ci, on distingue 6 projets mondiaux et 9 projets à vocation mondiale. Destinés à développer les synergies entre entreprises, unités de recherche et centres de formation dans un espace géographique donné, ils bénéficieront de 1,5 milliard d'euros de financement public sur trois ans. Compte tenu du double handicap (qualitatif et quantitatif) de la France en matière de recherche et de développement, l'impact de ces pôles sur l'économie devrait être positif.
 

No 2.893
15 février 2006

DOSSIER : L'économie italienne au pied du mur


De 1970 aux années 2000 : trois décennies de déclin de l'économie italienne
Review of Economic Conditions in Italy
Mariano D'Antonio et Margherita Scarlato
Au cours des trente dernières années du XXe siècle, l'Italie a connu les changements structurels caractéristiques d'un pays développé. Elle s'est ainsi peu à peu transformée en une économie post-industrielle. Dans le même temps, elle a été marquée par des évolutions plus singulières comme la tendance très forte à l'instabilité macroéconomique. Depuis les années 1970, elle semble être entrée dans une phase de déclin. La croissance du PIB ne cesse de ralentir, ses performances en termes de productivité se sont progressivement détériorées et ses parts de marché sont en constante diminution. Le début des années 2000 n'a pas montré, jusque-là, une réelle inversion de tendance. Faut-il pour autant en conclure que le déclin de l'économie italienne est inéluctable ?

Quel avenir pour l'industrie transalpine ?
La Lettre des études économiques - Natexis
Carol Hainaut
Longtemps, l'Italie a tiré sa force de ses célèbres " districts industriels ". Cette structure industrielle originale, qui a émergé dans le centre et le nord du pays, il y a plus de deux siècles, étonnait. Elle était même enviée. Un regard rétrospectif montre pourtant que leur nouvel essor, observé au cours de la décennie 1970, était en grande partie artificielle. Du début des années 1970 à la fin des années 1980, la compétitivité de l'économie italienne a surtout reposé sur la dépréciation continue de la lire et sur la vigueur de la demande de biens de consommation sur le marché domestique. Ces facteurs ont aujourd'hui disparu et la Péninsule se retrouve avec un modèle productif inadapté aux évolutions de la mondialisation : production à faible contenu technologique dont la demande est de plus en plus satisfaite par des pays comme la Chine, spécialisation dans la production de biens dont la part dans la demande mondiale est appelée à décliner, taille insuffisante des entreprises, etc. La mutation de l'appareil productif a été engagée, mais c'est un processus lent qui nécessite des investissements considérables en termes de recherche et d'innovation. L'industrie italienne est donc, semble-t-il, condamnée à un affaiblissement durable.

Les réformes italiennes au banc d'essai
Crédit Agricole - Eclairages
Gregorio De Felice
Les mauvaises performances de l'économie italienne au cours des dernières années s'expliquent en partie par une insuffisance des réformes structurelles. A partir des années 1990, certaines mesures ont été prises pour réformer le système des retraites, le marché du travail et celui de l'énergie. Le pays s'est également engagé dans la voie du fédéralisme fiscal. La plupart de ces réformes restent néanmoins inachevées. La liste de celles qui devraient rapidement être entreprises est en outre substantielle. C'est notamment le cas pour les secteurs des transports, du commerce ou des télécommunications.

Le Mezzogiorno n'est pas encore sorti du sous-développement
The Economist
Si le Mezzogiorno, avec ses entreprises de haute technologie de l'Etna Valley ou ses excellentes écoles d'ingénieurs napolitaines, ne correspond plus tout à fait à l'image que l'on peut s'en faire à l'étranger, il reste le talon d'Achille de l'Italie. En dépit de politiques publiques volontaristes menées au fil des décennies pour y favoriser le décollage économique, son retard en termes de développement reste considérable par rapport aux régions du centre et du nord de la Péninsule. Les organisations criminelles de Naples, de la Calabre et de la Sicile conservent, aujourd'hui encore, tout leur pouvoir de nuisance dans ces régions, y favorisant la corruption et l'économie souterraine. Le Sud ne manque pourtant pas d'atouts : reste à imaginer les remèdes pour les mettre en valeur.

Libéralisme à l'italienne
Politique internationale
Entretien de Richard Heuzé avec Luca Cordero di Montezemolo
Luca Cordero di Montezemolo, industriel d'origine piémontaise, est devenu, en mai 2004, président de la Confindustria (le Medef italien). Il est également, depuis la disparition d'Umberto Agnelli, en mai de la même année, à la tête du groupe Fiat. Formé au début des années 1970 à l'université Columbia (New-York), il a été, à partir de 1973, assistant personnel de Enzo Ferrari - qu'il remplacera en 1991 comme PDG de la firme (Ferrari appartient au groupe Fiat) - et également organisateur de la coupe du monde de football en Italie en 1990. Très apprécié des Agnelli, reconnu pour ses talents de manager par les chefs d'entreprises italiens, inspirant le respect aux syndicalistes transalpins, proche du président de la République Carlo Azeglio Ciampi, le patron de la Confindustria est particulièrement écouté dans la Péninsule. Il fait d'ailleurs régulièrement part de ses critiques de la politique économique menée par le gouvernement Berlusconi. Il esquisse dans cet entretien un programme de réformes structurelles qu'il appelle de ses vœux et qui permettrait, selon lui, à l'économie italienne de retrouver dynamisme et croissance.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

POLITIQUE INDUSTRIELLE
Vers une nouvelle politique industrielle

La Lettre de l'OFCE
Jean-Luc Gaffard
La France et l'Europe accusent un retard sensible en matière d'innovation par rapport aux Etats-Unis. Les dépenses européennes en R&D en pourcentage du PIB sont très inférieures aux dépenses américaines, notamment en raison de la faible croissance enregistrée dans les industries de haute technologie. S'ajoute à cela un écart important concernant le nombre de brevets déposés, à l'avantage des Etats-Unis. Risquant de pérenniser les monopoles et d'empêcher l'innovation, la politique industrielle traditionnelle qui vise à soutenir, via une commande publique le plus souvent, une grande entreprise désignée comme porteuse d'un grand projet est progressivement remise en cause. Aujourd'hui, si les principes de l'intervention traditionnelle ont été abandonnés, la politique industrielle renaît sous une nouvelle forme. Elle cherche désormais à stimuler la R&D et à renforcer la diversification en favorisant la diffusion de la connaissance scientifique, technologique et des marchés, afin de contribuer à la création de nouveaux avantages comparatifs. Ainsi, le renforcement des relations entre les entreprises publiques et privées est favorisé par les pouvoirs publics. La logique d'agglomération qui procède d'un mécanisme de sélection par l'Etat de territoires pour la création de pôles coordonnés (" pôles de compétitivité ") par les autorités décentralisées (régions, départements, villes) devient en outre une réponse pour stimuler l'innovation. Selon les auteurs, l'efficacité de cette nouvelle politique dépendra, d'une part, de l'interaction entre les différents partenaires impliqués dans le processus d'innovation et, d'autre part, des nouveaux contours de la politique industrielle au niveau européen.

RESERVES DE CHANGE
Le coût budgétaire de la détention des réserves internationales

Bulletin du FMI
David Hauner
Le montant des réserves internationales a considérablement augmenté ces dernières années, offrant aux pays en développement la possibilité de répondre aux chocs économiques endogènes ou exogènes et d'améliorer leur notation en termes de dette externe. Cependant, une récente étude du Fonds monétaire international portant sur les cent plus grandes économies du monde a montré que la détention de ces réserves n'avait pas que des avantages. L'importance des coûts engendrés (d'opportunité, de stérilisation et de revalorisation) dépend ainsi de la situation économique de chaque pays.

UNION EUOPEENNE
La politique monétaire unique et le canal des taux d'intérêt
Bulletin de la Banque de France
Jérôme Coffinet
Un des objectifs de la mise en œuvre de la politique monétaire unique consistait à accélérer la transmission des décisions de politiques monétaires aux taux pratiqués par les banques. Cet objectif semble, selon l'auteur, en partie atteint, même si le passage à la politique monétaire unique ne semble pas constituer une rupture si importante que cela. Par ailleurs, le degré de l'accélération n'est pas le même pour tous les pays participant à la monnaie unique. En France, elle a été plus marquée. L'ampleur de l'accélération ne paraît, en outre, plus dépendre de la phase du cycle macroéconomique. L'intensification de la concurrence au sein du secteur bancaire semble être à l'origine de la transmission plus rapide et plus efficace des taux directeurs aux taux bancaires.

No 2.894
1er mars 2006

DOSSIER : Les défis du management

Peter Drucker, prophète de " l'âge des organisations "
The Economist
La fin de l'année 2005 a été marquée par la disparition de Peter Drucker, un des plus éminents théoriciens américains des sciences de gestion du XXe siècle. S'il est sans doute exagéré de dire de lui qu'il fut l'inventeur du management, nul en revanche ne peut contester le rôle pionnier qui a été le sien, dès les années 1940, dans l'avènement aux Etats-Unis, à partir notamment de ses travaux sur General Motors, d'une nouvelle approche de la gestion des entreprises. Doué d'une vision prophétique, il avait dès les années 1950, prévu l'émergence de l'économie de la connaissance et son impact sur les organisations. Il permit aux dirigeants anglo-saxons de découvrir les vertus de certaines méthodes japonaises de management. Il défendit également avec beaucoup d'enthousiasme le management par objectifs. Si certaines de ses approches ont suscité la critique ou si on a pu lui reprocher de ne prêter attention qu'aux grandes entreprises - négligeant par exemple l'analyse des start-ups - son influence sur la vie des organisations (entreprises, associations, Eglises, administration publique) est restée jusqu'au bout sans égale.

La gestion des entreprises bouleversée par les technologies de l'internet
Réalités industrielles - Annales des Mines
Jean-Michel Yolin
Avec l'avènement de l'internet, les processus de conception, de production et de vente sont radicalement remis en cause. Quel que soit le secteur d'activité, les technologies de l'internet permettent en effet de réduire les délais et de passer d'un processus discontinu à un processus continu. L'organisation des entreprises et leur mode de gestion en sont profondément bouleversés tant au niveau individuel que collectif. L'internet rend ainsi possible la réalisation d'objectifs que les entreprises cherchaient à atteindre depuis longtemps sans y parvenir : meilleure écoute du client, travail sans stocks en flux tendu, hiérarchies plates autorisant une grande réactivité, flexibilité dans l'organisation et l'outil de production, accélération du renouvellement des produits, entreprises en réseau où chacune se recentre sur son cœur de métier, etc.

Le knowledge management ou comment gérer les connaissances
Document de travail du LAMSADE
Michel Grundstein
Peter Drucker l'avait prédit, le capital immatériel était voué à devenir un facteur de compétitivité pour l'entreprise. La libéralisation des échanges accélère les processus de décision de l'entreprise et implique que l'assimilation des informations soit à la fois de meilleure qualité et plus rapide. Ainsi, la fonction qui consiste à " manager " les connaissances au sein de l'entreprise s'avère primordiale. Bien que la prise de conscience de l'importance du capital immatériel ait été tardive - le concept de knowledge management est apparu en France, aux Etats-Unis et au Japon au milieu des années 1990 -, à l'heure actuelle, l'organisation de l'échange d'informations et le partage des connaissances sont devenus des facteurs clés d'une gestion performante de l'entreprise. Ils doivent s'inscrire dans un projet global, destiné à mettre en valeur les savoirs et les savoir-faire individuels et collectifs.

Les leçons du coaching pour le management de la qualité
Humanisme et Entreprise
Martine Brasseur
Parmi les nouvelles formes de management en vogue dans les entreprises, le coaching figure en bonne place. Appliqué au management de la qualité, il s'agit d'une pratique d'accompagnement destinée à initier et à faciliter le processus de développement d'un individu. La démarche consiste à affirmer que tout individu est en quête de qualité, à condition toutefois de ne pas lui imposer des contraintes l'empêchant de progresser. On considère notamment les erreurs comme potentiellement fécondes. En définitive, le coach donne au coaché la permission de réussir en lui donnant aussi la permission d'échouer.

Le management responsable
La Revue des Sciences de Gestion
Roland Pérez
L'éthique et le management responsable sont à la mode. L'auteur s'interroge ici sur la cohérence et la pertinence de ces concepts. Il propose trois approches. La première invite à les contextualiser en les situant dans une perspective socio-historique. La deuxième cherche à expliciter le contenu analytique de ces concepts sur la base de la notion économique de l'externalité afin d'en étudier la cohérence interne. Enfin, à travers une troisième approche, l'auteur propose de traduire les analyses en termes opératoires. En se basant sur l'exigence de l'accountability, il montre comment les concepts de l'éthique et de la responsabilité sont concrètement pris en compte dans les systèmes de management.

Du mauvais usage du marketing : raisons et remèdes
Harvard Business Review
Clayton M. Christensen, Scott Cook et Taddy Hall
Satisfaire les désirs et les besoins du consommateur ou des groupes de consommateurs et assurer la commercialisation des biens et services proposés dans les meilleures conditions pour l'entreprise sont les missions du marketing. Or, plus de 90 % des 30 000 nouveaux produits lancés aux Etats-Unis chaque année connaissent un échec. Quelles en sont les raisons ? Selon les auteurs, les stratégies du marketing sont définies à partir d'hypothèses erronées. En privilégiant les caractéristiques propres du consommateur au détriment de ses attentes vis-à-vis du produit, les responsables en marketing finissent par supposer que si un certain nombre de produits correspondent à un type de consommateur, alors ces produits sont substituables entre eux. Or, chaque bien proposé remplit une fonction sociale bien particulière. Et c'est en rompant avec une approche erronée du marketing que l'on pourra éviter que le lancement de nouveaux produits ne soit voué à l'échec.
La LOLF : simple outil de management ou dogme écrasant ?
Gérer et comprendre - Annales des Mines
Arnaud Lacaze
Appliquer le management par objectifs aux dépenses de l'Etat et à la gestion de ses services : tel est la vocation de la LOLF, votée par le Parlement en 2001 et mise en vigueur progressivement jusqu'au 1er janvier 2006. L'auteur expose les principes de cette loi en soulignant ses atouts, mais également les enjeux et les risques. Son analyse s'ouvre sur la mise en lumière de l'inadéquation de la LOLF au management de la force publique, ce qui permet de s'interroger sur la pertinence de cette démarche s'inspirant des principes du management par objectifs. Comment en effet évaluer, par exemple, la performance des services de sécurité, alors que l'effet recherché est atteint lorsque certains actes délictueux sont déjoués et que, in fine, il ne se passe rien ? L'auteur propose enfin de dégager une grille d'analyse alternative permettant d'évaluer la gestion de la force publique et de mieux appréhender les ressorts de son management.

Une formation flexible nourrie de l'expérience
L'Expansion Management Review
Henry Mintzberg
Dans le domaine du management et de la gestion, la question du contenu de la formation est un défi bien particulier, car le décalage va croissant entre la réalité de la vie en entreprise et ce que l'on continue d'enseigner dans les écoles de gestion. Dans son dernier ouvrage, Henry Mintzberg fait une critique radicale des business schools. Selon l'auteur, il faudrait réserver la formation aux managers déjà en activité, car on ne fabrique pas des managers sur les bancs de l'école. Cette formation doit être enrichie par un cadre propice à une réflexion approfondie, individuelle et collective. Au total, il faudrait mettre en place un processus de " réflexion expérientielle ", centré sur les apprenants, selon un cycle récurrent : compréhension, apprentissage, application. Une telle démarche nécessite non seulement une conception très flexible de la formation, mais également la mobilisation d'un corps enseignant très motivé.

Vers une remise en cause du modèle américain des sciences managériales
Sciences Humaines
Entretien de Evelyne Jardin avec Jean-Claude Thoenig
La Business school et le Master of business administration (MBA) sont devenus, aujourd'hui dans le monde, le modèle de référence en matière de formation et de recherche en management. A travers cette domination, exercée presque sans partage sur les sciences managériales, de normes et de valeurs d'inspiration américaine, les Etats-Unis renforcent leur influence économique et géopolitique. Toutefois, face à l'émergence de nouvelles préoccupations comme l'éthique dans les affaires ou le développement durable, ce modèle est de plus en plus contesté. D'aucuns vont jusqu'à lui attribuer les difficultés de l'économie occidentale et certaines entreprises commencent à déplorer le profil uniforme et passe-partout du manager de type MBA.

No 2.895
15 mars 2006

DOSSIER : Nouveaux risques et assurabilité


Gérer les nouveaux risques industriels
Document de travail - Cepremap
Pierre Picard et Sophie Chemarin
Depuis une trentaine d'années, les sociétés industrielles, mais également les pays en développement doivent faire face à des catastrophes d'origine industrielle d'une ampleur inédite : Seveso et Amoco-Cadiz dans les années 1970, Bhopal et Tchernobyl dans les années 1980 ou l'usine AZF de Toulouse plus récemment. Ces nouveaux risques industriels qui présentent les caractéristiques suivantes : une grande sinistralité, une faible probabilité ainsi qu'une forte corrélation des risques individuels conduisent à une insuffisance de leur prise en compte et à d'importantes répercussions sur leur gestion. Ils existent néanmoins plusieurs façons de prévenir et de supporter ces risques : la mise en place d'une stricte réglementation, d'une couverture par le régime de responsabilité civile des entreprises ainsi que l'application du principe de précaution.

Risques catastrophiques : pourquoi le terrorisme est-il différent ?
Les rapports de l'institut Veolia Environnement
Erwann Michel-Kerjan
Depuis les attaques du 11 septembre 2001 qui ont été l'événement le plus coûteux de l'histoire de l'assurance, le risque terroriste s'est avéré être d'une sinistralité particulièrement élevée. La couverture financière de ce risque qui touche surtout les infrastructures critiques comme la distribution d'eau et d'énergie, les transports ou les services d'urgence pose d'importants problèmes aux assureurs freinant ainsi le développement de marchés d'assurance et de réassurance. En effet, les compagnies d'assurance sont confrontées à plusieurs difficultés qui limitent le recours aux modèles assurantiels traditionnels : l'interdépendance des risques, les externalités négatives des mesures de protection, le manque de données historiques, ainsi que l'incertitude dynamique liée aux comportements des terroristes. L'ensemble des ces difficultés, mais également le fait que l'Etat lui-même est porteur de risques appellent à l'utilisation de mécanismes basés sur des partenariats entre secteur privé et sphère public.

Innover pour assurer l'inassurable
Sigma - Swiss Re
David Laster et Christina Schmidt
En matière d'assurabilité, les assureurs sont confrontés à deux défis majeurs : rendre les nouveaux risques assurables et comprendre comment les évolutions de leur environnement affectent les risques déjà couverts. L'histoire de l'assurance est ainsi celle d'un double mouvement de l'inassurabilité à l'assurabilité et vice versa. Aujourd'hui, des phénomènes aussi divers que les grèves, les émeutes, les catastrophes naturelles ou le risque nucléaire sont devenus assurables. Mais on assiste également au mouvement inverse ; c'est par exemple le cas au sujet de l'amiante. Afin de repousser les limites de l'assurable, les compagnies d'assurance se servent d'un panel de techniques très variées : les modalités et conditions des contrats (franchise et limites de garanties), la tarification et - de plus en plus - des innovations comme l'autoassurance, la réassurance, la tritrisation ainsi que la participation de l'Etat.

Class action : les termes du débat
Eclairages - Crédit Agricole
Rémy Contamin et Anne de Lary
Alors qu'on discute en France de l'instauration en droit français des class actions (actions collectives), l'étude de l'expérience américaine en la matière peut s'avérer utile. Les class actions visent à mieux protéger le consommateur contre les pratiques abusives et les biens dangereux présents sur certains marchés. Concrètement, il s'agit d'une procédure par laquelle toute personne à la possibilité d'intenter une action en justice au nom d'un groupe ayant subi le même préjudice de la part d'un responsable unique et cela sans mandat et dans une seule instance. L'analyse économique des class actions montre toutefois que les coûts de ces procédures pour la société peuvent être élevés. Certaines dérives notamment aux Etats-Unis avec l'instrumentalisation des actions collectives par des avocats afin d'exercer des pressions sur les entreprises, montrent les limites de la procédure.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

DETTE PUBLIQUE
Faut-il réduire la dette publique ?
Lettre de l'OFCE
Jérôme Creel et Henri Sterdyniak
Depuis la sortie du rapport Pébereau, en janvier 2006, la question de la dette publique fait de nouveau l'actualité, suscitant des discours plutôt alarmistes. La France a-t-elle particulièrement fait preuve de laxisme ? Il semble que non si l'on compare sa dette (66 % du PIB) à celle de la zone euro (72 %) et à celles d'autres grands pays industrialisés, comme les Etats-Unis (65 %) et le Japon (169 %). Le niveau d'endettement entrave-t-il automatiquement la croissance ? Au regard de la situation économique américaine, la réponse est plutôt négative. Ainsi, afin d'éviter une vision manichéenne de la dette publique, les auteurs proposent de réfléchir en termes d'efficacité et de productivité des dépenses et des services publics plutôt qu'en termes de niveau d'endettement.

POLITIQUE MONETAIRE
Alan Greenspan ou le triomphe de la politique discrétionnaire
La Lettre du CEPII
Michel Aglietta et Vladimir Borgy
Après avoir été pendant dix-huit ans à la tête de la Réserve fédérale (Fed), Alan Greenspan a achevé, le 31 janvier 2006, son dernier mandat. C'est désormais à Ben Bernanke d'assumer la lourde responsabilité de présider la plus puissante banque centrale du monde. Durant le long règne de celui que ses admirateurs appelaient le " maestro ", la Réserve fédérale a vu sa pratique monétaire considérablement évoluer. Alan Greenspan a en effet, toujours refusé toute règle de décision préétablie afin de conserver une grande flexibilité de manœuvre et pouvoir réagir de façon appropriée aux événements. La Fed est ainsi devenue un gestionnaire du risque macroéconomique. Dans le même temps, attentif aux évolutions structurelles, Alan Greenspan a su détecter très tôt l'accélération des gains de productivité entraînée par le développement des technologies de l'information et de la communication et y adapter sa politique monétaire. L'ère Greenspan restera en définitive celle du triomphe de la politique discrétionnaire.

MARCHE DU TRAVAIL
L'insertion des jeunes sur le marché du travail au cours des dernières années
INSEE Première
Pauline Givord
Les salariés embauchés sur la base de contrats temporaires ont été, en France, entre 2002 et 2004, les premiers touchés par le ralentissement de l'activité économique. L'insertion des jeunes a été plus difficile : s i les débuts de carrière sont en effet traditionnellement marqués par une succession de contrats de courte durée, ils ont été au cours de cette période encore plus perturbés. Le pourcentage des jeunes de moins de trente ans qui se sont retrouvés au chômage ou en inactivité a augmenté. Le niveau de diplôme, même élevé, n'offre plus en outre la garantie d'obtenir un emploi à durée indéterminée. Ainsi, parmi les titulaires d'un diplôme de niveau bac + 2 qui avaient un emploi en 2003, 14 % ont connu au moins une fois une période de chômage en 2004.
N
o 2.896
29 mars 2006

DOSSIER : Régulation des transports urbains

Le transport : un enjeu toujours public ? L'exemple de la France
Sociétal
Yves Crozet
Les transports représentent un enjeu majeur pour l'Etat. Les politiques en la matière ont pour objectif de répondre à des exigences contradictoires en raison de la diversité et de la multiplicité des attentes. Ainsi, en vingt ans, bien que successives, ces politiques en France ont été parfois antinomiques. Aujourd'hui, de nouvelles contraintes apparaissent : les transports doivent-ils toujours relever de l'Etat ? Jusqu'où doit-il intervenir dans la définition des instruments ? Comment, dans un contexte de concurrence accrue, faire face aux contraintes d'environnement et de sécurité ?
Les acteurs publics et les transports en Europe
Pouvoirs Locaux
Jean-Baptiste de Prémare
Le partage des financements des infrastructures de transport (quel qu'il soit) entre l'Etat, l'Europe, les collectivités locales et les opérateurs publics ou privés a fait l'objet d'une étude menée par l'association TDIE et Dexia-Crédit local que reprend ici l'auteur pour en faire l'analyse. Les délégations de compétences de l'Etat vers les collectivités locales sont de plus en plus fréquentes, ce qui implique la multiplication de transferts financiers. La comparaison des mécanismes de financement des réseaux interurbains de transports et des infrastructures portuaires et aéroportuaires de la plupart des pays européens permet de faire deux constats. D'une part, il ný pas nécessairement adéquation entre le degré d'autonomie fiscale des collectivités locales et leur poids financier - c'est le cas de la France et de l'Italie, contrairement au nord de l'Europe et à l'Espagne. D'autre part, l'Etat reste un acteur très présent dans le financement des transports : le plus souvent, il favorise l'augmentation de ses dotations plutôt que d'encourager au développement de la fiscalité locale.
Pour en finir avec les encombrements
Futuribles
André de Palma, Serge Pahaut, Émile Quinet
Les économistes ont depuis un certain temps déjà adopté l'hypothèse selon laquelle un mauvais écoulement des véhicules sur un réseau est créateur d'externalités négatives qui entraînent une détérioration du bien-être collectif et justifient une action correctrice de l'Etat. La congestion des transports est, par exemple, un handicap pour les zones encombrées en termes d'attractivité économique. Les pouvoirs publics disposent de différents outils pour lutter contre les encombrements. Ces instruments consistent essentiellement à agir sur les flux. Mais ils sont difficiles à mettre en œuvre car la congestion est un phénomène variable dans le temps et dans l'espace. Les nouvelles technologies de l'information et de la communication (TIC) peuvent jouer un rôle décisif pour améliorer la mobilité. Les péages de Londres et de quelques villes d'Europe du Nord en sont des illustrations. Ils pourraient ouvrir la voie à des réalisations identiques dans d'autres grandes agglomérations d'Europe, notamment à Paris.
Un chemin de fer structurant : l'exemple de Tokyo
Courrier de la Planète
Natacha Eveline
La gestion des transports nippons est réputée pour être très efficace, notamment celle des chemins de fer de Tokyo en dépit de la multiplicité des compagnies ferroviaires privées y exploitant le réseau. Leur ponctualité et leur rapidité ont largement contribué à leur succès : le chemin de fer représente plus de la moitié des trajets. Le train est un des éléments constituants de la vie des Tokyoïtes, à tel point que l'offre des services se concentre autour des stations ferroviaires et que les gares constituent le cœur même des projets de l'aménagement urbain.
L'expérience du péage de Londres
Transports
Rémy Prud'homme et Juan Pablo Bocajero
La création du péage de Londres, en février 2003, avait pour objectif affiché - à travers l'application d'une politique de prix qui consiste à faire payer l'entrée du centre-ville - la décongestion de la zone urbaine. Considéré comme une réussite technique, le péage urbain a parfaitement été accepté par les électeurs - les études montrent qu'il y a très peu de resquilleurs. Les bénéfices qu'en tirent les automobilistes et les utilisateurs des autobus (gains de temps) ainsi que les citadins (bénéfices environnementaux) sont toutefois très inférieurs aux coûts (d'investissement, de collecte, de contrôle, etc.) induits par le dispositif.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

PRIX NOBEL
Le Mezzogiorno n'est pas encore sorti du sous-développement
The Economist
Si le Mezzogiorno, avec ses entreprises de haute technologie de l'Etna Valley ou ses excellentes écoles d'ingénieurs napolitaines, ne correspond plus tout à fait à l'image que l'on peut s'en faire à l'étranger, il reste le talon d'Achille de l'Italie. En dépit de politiques publiques volontaristes menées au fil des décennies pour y favoriser le décollage économique, son retard en termes de développement reste considérable par rapport aux régions du centre et du nord de la Péninsule. Les organisations criminelles de Naples, de la Calabre et de la Sicile conservent, aujourd'hui encore, tout leur pouvoir de nuisance dans ces régions, y favorisant la corruption et l'économie souterraine. Le Sud ne manque pourtant pas d'atouts : reste à imaginer les remèdes pour les mettre en valeur.

TSUNAMI
Les enjeux économiques de l'après-tsunami
Économie & Humanisme
Kamala Marius-Gnanou
Quelques heures après le tsunami du 26 décembre 2004, la Commission économique et sociale de l'Organisation des Nations unies publiait un rapport qui indiquait que 85 % des personnes tuées dans le monde par des catastrophes naturelles au XXe siècle vivaient dans la zone Asie-Pacifique. Le récent raz-de-marée qui a ravagé la région a été l'un des plus violents. Si les conséquences économiques sont considérables compte tenu de l'ampleur des destructions, l'impact financier est, lui, relativement faible - si on le compare à celui de " Katrina ", l'ouragan qui a dévasté la Nouvelle-orléans en 2005 - en raison de l'absence de couverture des risques. A l'heure de la réhabilitation des zones côtières, le manque de coordination entre les organisations non gouvernementales d'un côté et les institutions et les communautés locales de l'autre est évident. Par ailleurs, la nécessité de donner un cadre juridique stable à la propriété foncière se fait pressante.

LOGEMENT
Les effets économiques du prêt à taux zéro
Économie et statistique
Laurent Gobillon et David Le Blanc
L'accès à la propriété est encouragé sous formes d'aides ou de subventions. Ce soutien peut consister en des dispositions fiscales incitant à la construction ou prendre la forme de prêts à des conditions particulières. Une aide plus directe sous forme de don ou de prêt accordé au ménage comme complément à l'apport personnel existe également. Une telle aide est justifiée par l'existence de contraintes d'emprunt, empêchant certains ménages d'accéder à la propriété. Le prêt à taux zéro, a ainsi été introduit en France en 1995. Il s'agit d'un prêt sans intérêt dont le montant est limité et qui est accordé aux candidats à l'accession. L'évaluation quantitative des auteurs montre que le dispositif a bien un effet déclencheur sur l'accession à la propriété. En contrepartie, il souffre d'effets d'aubaine importants et ne contribue pas nécessairement à l'amélioration générale de la qualité des logements neufs mis sur le marché.

No 2.897
12 avril 2006

DOSSIER : Les transferts entre générations en question


Transferts entre générations : à la recherche d'un modèle
Rapport du Conseil d'analyse économique
André Masson
Les économistes qui s'intéressent aux relations et aux transferts entre générations sont confrontés à deux problèmes : d'une part, à l'absence de contrat privé entre les générations, d'autre part, à l'irréversibilité temporelle qui entrave l'action des successeurs (ils ne peuvent pas par exemple réclamer leur dû après coup, ni modifier les décisions prises aujourd'hui). C'est ce dilemme qui rend légitime l'action de l'Etat en tant que garant des solidarités entre générations. Dans un Etat idéal, le sentiment de responsabilité des contemporains conduirait aux décisions optimales quant à l'héritage (éducation, legs, environnement) et à la créance (dette publique, retraite) pour les générations suivantes. La perspective de l'auteur est plus réaliste. Aussi s'interroge-t-il sur le comportement effectif de l'Etat en tant qu'arbitre entre les générations. Deux approches théoriques s'opposent : d'un côté, celle des comptes par générations, initiée par Kotlikoff, qui dénonce l'égoïsme des aînés, et de l'autre, le schéma beckerien de coopération entre les générations, les familles et l'Etat.

Le boom des héritages, une solution pour les retraites ?
Bulletin financier - ING
Ivan Van de Cloot
Avec le vieillissement de la population, les systèmes de retraite, dans les pays développés, rencontrent de plus en plus de difficultés à maintenir le niveau des pensions et la situation matérielle des retraités. Ce problème apparaît néanmoins sous un autre jour si on prend en compte le fait que l'élévation du niveau de vie va de pair avec un accroissement du patrimoine, ce qui conduit à une augmentation de la valeur des héritages. Dans une société d'héritiers, cette manne financière pourrait ainsi compenser partiellement le déséquilibre financier qui menace les caisses de retraites. Cette perspective doit cependant être relativisée, comme le note l'auteur, car si la valeur absolue des héritages est en constante augmentation, l'héritage moyen n'excédera guère celui des générations antérieures.

L'impact des transferts intergénérationnels sur les choix immobiliers
Revue française des affaires sociales
François-Charles Wolff et Claudine Attias-Donfut
Les transferts intergénérationnels reçus des parents (aides ponctuelles, donations, héritages) ont une influence significative sur le niveau de vie des bénéficiaires. Si les versements d'argent correspondent surtout à un investissement en termes de capital humain pour les enfants, les donations s'inscrivent dans une logique de transmission patrimoniale. Cette perspective est celle qu'adoptent les auteurs pour mesurer les conséquences des transferts sur les choix de logement des jeunes adultes. Les résultats de leurs analyses économétriques montrent que les transferts augmentent sensiblement la probabilité d'être propriétaire de sa résidence principale à un âge donné. Par ailleurs, le niveau du diplôme, qui réduit la durée d'épargne, apparaît sans incidence particulière sur les choix immobiliers des enfants.

L'entraide familiale : remise en cause d'une vision trop optimiste
Economie et Statistique
Nicolas Herpin et Jean-Hugues Déchaux
L'étude de l'entraide familiale concerne ordinairement deux formes : les dons financiers et les services rendus. Face à des difficultés économiques croissantes et à l'augmentation de la pauvreté dans de nombreux pays développés, une vision assez optimiste de l'entraide familiale s'est répandue. Cependant, selon les auteurs, la relative modestie du volume des échanges dans la parentèle et l'absence de redistributivité de l'entraide entre milieux sociaux remettent en cause cette conception. Plus qu'elle ne les corrige, l'entraide familiale accentue les clivages sociaux. Plus les ménages sont économiquement favorisés, plus l'entraide constitue une composante de la sociabilité qui vise à préserver leur situation sociale. Parmi les ménages plus modestes, en revanche, l'entraide prend une toute autre forme : celle de la cohabitation ou de la famille étendue.

Les nouvelles générations devant la panne prolongée de l'ascenseur social
Revue de l'OFCE
Louis Chauvel
La situation des nouvelles générations est aujourd'hui plus difficile qu'il y a trente ans. La stagnation économique de longue durée et l'apparition d'inégalités intergénérationnelles ont remis en cause la dynamique de l'ascension sociale typique de la période précédente. Sur fond d'un chômage de masse, les jeunes générations sont confrontées à plusieurs fractures, notamment la remise en cause de leur position économique relative et des déclassements sociaux plus fréquents. La persistance de ces phénomènes fait, selon l'auteur, courir à la société française le risque d'une profonde fragilisation.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

NOUVELLES TECHNOLOGIES
Les TIC moteur du développement dans les zones rurales des PED
Horizons Bancaires
Jérôme Adam
Le Sommet mondial de la société de l'information, dont la deuxième phase s'est déroulée à la fin de l'année 2005 en Tunisie, a été l'occasion de réaffirmer la nécessité d'une large diffusion des technologies de l'information et de la communication (TIC), non seulement dans les zones urbaines des pays en développement, mais également dans les zones rurales. En dépit, des problèmes techniques et des questions de coûts que pose la diffusion des TIC dans les pays pauvres, leur utilisation représente en effet un formidable outil de développement. Les applications envisageables sont très nombreuses, notamment dans les domaines de la santé ou de l'agriculture. D'ores et déjà, des organisations non gouvernementales (ONG) ont mis en œuvre avec succès plusieurs projets, en particulier en Afrique, au Bangladesh et en Inde.

CROISSANCE
La croissance ne fait pas le bonheur...mais elle y contribue
Idées
Claude Bordes
Suis-je satisfait de ma vie ? C'est une question que l'on se pose rarement, le plus souvent parce qu'on ne prend pas le temps de se la poser. Les grèves et les manifestations nous indiquent que, même dans les sociétés dites " développées ", des progrès en termes de satisfaction sont toujours à faire... Ainsi, la croissance ne ferait pas le bonheur et les paradoxes que relève l'auteur confortent le lecteur dans cette idée. En effet, en dépit de l'évolution des sociétés européenne et japonaise par exemple, le niveau moyen de satisfaction de la vie dans ces régions reste stable dans le temps. En réalité, le contentement est relatif et dépend de sa propre aspiration au bonheur (ou de l'idée qu'on se fait d'un " bon " niveau de vie) et de celui des autres. Il dépend également du degré d'adaptation aux événements qui rythment nos vies. Le contentement résulte aussi du niveau de croissance des sociétés : celle-ci naît des efforts de chacun consentis pour préserver un certain niveau de vie. Puis, à son tour, la croissance modifie le système des préférences qui sont réorientées vers des aspirations post-matérialistes, modifiant ainsi nos exigences...

No 2.898
26 avril 2006

DOSSIER : Chine, les fragilités du mode de croissance


La croissance et ses déséquilibres
Document de travail de l'AFD
François-Xavier Bellocq et Jean-Raphaël Chaponnière
Avec un taux de croissance de l'ordre de 9 %, le PIB de la Chine double tous les huit ans. Cette performance reste tout à fait remarquable, mais elle ne doit cependant pas faire oublier que le régime de croissance chinois n'est pas exempt de vulnérabilité. Si la croissance a permis de faire reculer la pauvreté, elle n'a pas empêché un accroissement important des inégalités sociales qui provoque depuis quelques années une augmentation importante du nombre des conflits sociaux. De même, avec un taux d'investissement de près de 50 % du PIB, la question de la soutenabilité de l'investissement, et donc de la croissance, commence à se poser. La Chine est également très dépendante de la conjoncture américaine. Les exportations chinoises vers les Etats-Unis représentent en effet 15 % du PIB, le pays est donc particulièrement exposé au risque d'une éventuelle récession américaine et d'une crise du dollar. Le système bancaire demeure fragile même si les réformes mises en œuvre commencent à porter leurs fruits. La politique monétaire chinoise reste enfin contestée par ses partenaires commerciaux, notamment américains et les autorités chinoises ont conscience de la nécessité de gérer une sortie progressive du régime de change ancré au dollar.

Le devenir de l'économie paysanne
Revue Tiers Monde
Claude Aubert
Quand aujourd'hui on évoque l'économie de la Chine, c'est avant tout à l'industrie que l'on pense. L'agriculture y conserve pourtant un poids important. Elle représente encore 13 % du PIB et assure 40 % de l'ensemble des emplois. Si elle est devenue techniquement performante, sa productivité demeure particulièrement faible et la modernisation du secteur se fait encore attendre. Elle reste en outre pénalisée par la relative rareté de l'eau et des zones cultivables et souffre du morcellement. Le pays compte en effet 200 millions de foyers exploitant en moyenne 0,6 hectare. La situation des ruraux s'est par ailleurs dégradée depuis la fin des années 1990. Les inégalités ne cessent de s'accroître avec les urbains. Du coup, les paysans chinois dont le malaise est grandissant - et qui demeurent plus que jamais des citoyens de seconde zone - alimentent les rangs des travailleurs migrants qui viennent chercher un complément de revenu dans les usines de la Chine côtière.

Les travailleurs migrants à Shanghai
Perspectives chinoises
Laurence Roulleau-Berger et Shi Lu
Ces dernières années, l'accélération de la croissance chinoise a entraîné l'intensification des migrations intérieures. Des millions de travailleurs migrants gagnent en effet chaque jour les provinces côtières et les grandes villes comme Shanghai dans l'espoir dý trouver de meilleures conditions d'existence. Dans les faits, les dispositifs publics de contrôle des mouvements migratoires et de gestion de la main-d'œuvre, ainsi que les exigences du mode de croissance, produisent de fortes inégalités sociales et économiques. Si la migration offre à certains une mobilité professionnelle, les migrants peu qualifiés constituent, eux, les nouveaux surnuméraires d'une société chinoise dans laquelle ils sont bien souvent contraints d'accepter des conditions d'emploi particulièrement pénibles marquées par une flexibilité maximale, l'absence de contrat de travail et de protection sociale.

La Chine face à la crise écologique
Etudes
Benoît Vermander
D'après les historiens, la Chine était déjà à la prise de pouvoir du Parti communiste en 1949 sévèrement touchée par la dégradation de l'environnement liée aux activités économiques. Aujourd'hui, avec l'accélération de la croissance, la situation est devenue très préoccupante. La pollution de l'air et de l'eau, l'érosion des sols, la désertification, la réduction de la biodiversité ont atteint des niveaux particulièrement alarmants. Ceci étant, le modèle de croissance chinois n'est pas seul responsable de cette situation catastrophique. La crise écologique de la Chine renvoie, en effet, à des causes multiples dont certaines sont structurelles, comme le fait que 22 % de la population mondiale vivent sur 7 % des terres émergées. Les autorités ont désormais pris conscience du coût économique, social et sanitaire de cette dégradation de l'environnement et ont intégré aux orientations du XIe plan (2006-2010) la mise en œuvre d'une stratégie de développement durable. L'objectif déclaré du gouvernement chinois est d'adopter des politiques publiques qui concourent à la formation d'une " société harmonieuse ".

EGALEMENT DANS CE NUMERO

SECTEUR INFORMATIQUE
Les SSII : l'évolution d'une industrie
Entreprises et Histoire
Jean-François Perret
Les sociétés de services et d'ingénierie informatiques, les SSII, représentent un secteur qui s'étend du conseil et de l'ingénierie à l'infogérance, en passant par l'édition de logiciels. Aujourd'hui, elles emploient en France près de 300 000 collaborateurs et génèrent un chiffre d'affaires de l'ordre de 30 milliards d'euros. En trente ans, la structure de ce secteur s'est beaucoup modifiée. L'auteur revient sur cette évolution et identifie plusieurs caractéristiques concernant la France. Ainsi, l'Hexagone se distingue notamment par le fait que les SSII françaises contrôlent encore plus de 60 % du marché intérieur, alors qu'en Grande-Bretagne et en Allemagne, la part contrôlée par les SSII n'est plus que de 40 %.

DEVELOPPEMENT
De la transition vers le développement
Reflets et perspectives de la vie économique
François Facchini
Le passage de la transition au développement est généralement expliqué par les changements institutionnels. Néanmoins, la modification de la structure des droits de propriété, animée par une volonté politique, est nécessaire mais non suffisante pour impulser le développement économique. L'auteur considère qu'il est indispensable de lever les obstacles de nature culturelle et psychologique. Sa démonstration repose sur l'hypothèse selon laquelle le passage de la transition au développement se fait par le bas (par l'intermédiaire des actions des entrepreneurs) et non par le haut (par l'intermédiaire des décisions politiques).

HISTOIRE DE LA PENSEE ECONOMIQUE
Adam Smith, un libéralisme bien tempéré
Revue des sciences sociales
Roland Pfefferkorn
Grâce à l'immense fortune qu'a connue son Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations, publiée à la fin du XVIIIe, Adam Smith est unanimement considéré comme le père fondateur de l'économie politique classique. Mais une lecture rapide ou abusive de l'œuvre a également permis aux libéraux de faire du célèbre " économiste " écossais un penseur emblématique du libéralisme. La Richesse des nations, œuvre foisonnante et complexe, mérite pourtant, pour être bien comprise, une lecture rigoureuse. Si Adam Smith est surtout connu comme économiste politique, il fut d'abord titulaire d'une chaire de philosophie morale et acquit une certaine renommée grâce au succès rencontré par son autre grand ouvrage, La Théorie des sentiments moraux en 1759. Il y expose ses positions morales, qui serviront par la suite de fondements philosophiques aux conceptions économiques présentées dans La Richesse des nations. Ce que montre en définitive l'analyse approfondie de l'œuvre de Smith, c'est que, s'il est indiscutablement un penseur libéral, son idéal moral et politique reste bien éloigné d'un certain libéralisme économique contemporain qui rêve d'un marché libre fonctionnant sans entraves et sans intervention de l'Etat.

No 2.899
10 mai 2006

DOSSIER : L'Amérique latine après la tourmente

Une croissance retrouvée... mais quelques signes d'essoufflement
CCE international
Carlos Quenan
L'Amérique latine semble connaître actuellement un cycle de croissance historique : 5,8 % en 2004 (le meilleur résultat depuis 1980) et 4,1 % en 2005. Mais il est vrai que les performances remarquables du Venezuela et de l'Argentine (après la tourmente de 2002) - 17,9 et 9 % respectivement - ont largement nourri le dynamisme économique de la région. De même, les progrès en matière de gouvernance financière ont fortement contribué à diffuser, au niveau international, l'image d'un continent économiquement solide. Néanmoins, le faible niveau d'investissement enregistré et le ralentissement en 2005 de la croissance chez les deux " géants " latino-américains, le Brésil (2,6 % selon la Banque centrale) et le Mexique (3 % selon le Fonds monétaire international), renforcent les doutes concernant la soutenabilité de la croissance dans la zone.
La pauvreté dans la région
Rapport de la CEPAL
Réduire l'extrême pauvreté et assurer l'éducation primaire pour tous sont les deux premiers des huit objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) que les Etats membres des Nations unies ont convenu d'atteindre d'ici 2015. Pourtant, même si l'indigence et la pauvreté ont reculé en Amérique latine dans les dernières années, le pourcentage de Latino-Américains en situation de pauvreté reste très élevé : 41 % (si l'on prend en compte les carences basiques de la population) ainsi que 17 % d'indigents. Récemment, les remesas (montants accumulés par les immigrants et transférés à leur famille restée au pays) se sont multipliées et leurs effets sur le niveau de vie des populations locales sont positifs. Elles concernent toutefois un trop petit nombre de ménages pour que leur contribution soit déterminante.
La lutte contre la pauvreté
Rapport de recherche du CID
Bruno Lautier
Trop souvent, les politiques de lutte contre la pauvreté ne se fixent des objectifs qu'à court terme. Or, elles ne sont réellement efficaces que si les résultats en termes de réduction de la pauvreté peuvent être mesurés sur le long terme. Pour cela, il est nécessaire de passer d'une optique privilégiant les techniques de lutte contre la pauvreté à une autre plus large permettant la réforme de l'ensemble du système de protection sociale. En ce sens, les " politiques ciblées ", généralement considérées comme un outil pour combattre la pauvreté présentent un réel intérêt si elles permettent aussi de limiter le risque de devenir pauvre (la vulnérabilité). Elles s'accompagnent alors d'un principe universaliste et prennent la forme de politiques sociales de lutte contre le clientélisme, la marginalisation des plus pauvres, etc. Elles favorisent également les externalités positives des transferts de revenus sur l'économie locale. L'auteur présente un bilan des travaux de reconstruction du système de protection sociale, déjà engagés dans certains pays latino-américains.
La rivalité entre la Chine et l'Amérique latine
Rapport de la Banque interaméricaine de développement
Le taux de croissance de la Chine est d'une vigueur exceptionnelle (9,4 % depuis 1978 en moyenne) et l'écart entre l'Empire du milieu et l'Amérique latine se réduit chaque jour davantage accentuant la rivalité entre ces deux " régions " émergentes. La croissance économique rapide, stable et jusqu'à maintenant exempte de poussées inflationnistes, de l'économie chinoise, ses performances en termes d'échanges internationaux ainsi que la taille et l'ouverture de son marché permettent en effet à la Chine d'attirer la majeure partie des investissements productifs au détriment du continent sud-américain. Ils lui permettent en outre d'être, sur la scène internationale, un acteur de premier plan, laissant l'Amérique latine jouer les seconds rôles.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

PROTECTION SOCIALE
Vers un État d'investissement social
Informations sociales
Bruno Palier
Les réformes des systèmes de protection sociale en Europe se sont pour l'essentiel, depuis plusieurs années, cantonnées à des mesures de restrictions budgétaires. Or, reconstruire la protection sociale nécessite aujourd'hui la mise en œuvre de politiques qui permettent non seulement de résoudre les problèmes financiers auxquels fait face l'Etat-providence sans détériorer les conditions d'emploi, mais également de répondre aux nouveaux besoins sociaux. Dans ce contexte, quatre chercheurs ont récemment travaillé à la définition d'une nouvelle architecture pour la protection sociale européenne au XXIe siècle. Selon eux, les principes fondateurs de l'Etat-providence doivent être repensés en profondeur. L'enjeu majeur est de renoncer à une perspective jusqu'alors statique, de la protection sociale pour en adopter une qui soit dynamique et qui pense les problèmes sociaux en termes de cycle de vie. Pour redevenir efficace, les systèmes de protection sociale doivent désormais passer d'une stratégie de politiques sociales réparatrices et compensatrices à une stratégie préventive et d'investissement social.

MARCHE DU TRAVAIL
De la difficulté à devenir cadre par promotion
INSEE Première
Manuella Baraton
Depuis la fin des années 1970, si le nombre de cadres dans l'économie française a été multiplié par trois, la probabilité de devenir cadre par promotion a diminué. Avec l'élévation du niveau d'études, de plus en plus de jeunes obtiennent un diplôme leur permettant d'accéder directement ou dans un délai très bref à un emploi d'encadrement, ce qui, du même coup, réduit mécaniquement la possibilité de devenir cadre par progression de carrière. La promotion concerne toujours davantage les professions intermédiaires que les employés ou les ouvriers. Quant à la probabilité pour une femme d'être promue cadre, elle demeure inférieure à celle des hommes.

MANAGEMENT
Les nouveaux défis de l'entreprise responsable

L'Expansion Management Review
Philippe Détrie
Désormais, l'entreprise doit trouver une nouvelle légitimité auprès de la société civile, des clients et usagers, des actionnaires et des salariés et être " attentive " à leurs attentes. Jusqu'à maintenant, des bilans économique et social étaient suffisants pour évaluer l'efficacité d'une entreprise. Dorénavant, dans le domaine de l'environnement par exemple, l'entreprise responsable doit aussi se soumettre à un bilan sociétal. L'auteur propose une feuille de route du manager qui permet, grâce à de nouveaux référentiels, de focaliser son attention sur les résultats de l'entreprise plutôt que sur ses moyens et ses intentions et ainsi de vérifier si les exigences de chacune des parties prenantes sont satisfaites.

No 2.900
24 mai 2006

DOSSIER : La gestion de l'eau en France

La politique de l'eau, une perspective française
Rapport au Premier ministre et au ministre de l'Ecologie et du Développement Durable
Jean-Claude Flory
La politique française de l'eau doit aujourd'hui faire face à de nouveaux défis liés non seulement à la réglementation européenne (application de la directive-cadre européenne sur l'eau fondant les engagements de l'Etat non plus sur des obligations de moyens mais de résultats), mais également nationale (par exemple, la Charte de l'environnement et la relance de la décentralisation). L'auteur illustre dans ce contexte les postulats du système actuel - une politique très décentralisée, basée sur le principe de la couverture du coût de l'eau par son prix et centrée sur la thématique de la lutte contre la pollution - et explique l'organisation territoriale, progressivement mise en place depuis 40 ans (niveaux européen, national, bassin/distinct et commune). Cette analyse est complétée par la présentation de quelques exemples européens de taxes et de redevances sur l'eau.

Un prix de l'eau encore peu compréhensible
Cour des Comptes
La Cour des comptes a étudié pour la période 1995-2002 la gestion des services publics d'eau et d'assainissement de plus de 200 communes et établissements publics intercommunaux. En ce qui concerne le prix de l'eau, la Cour constate d'abord l'existence d'écarts très importants (de 1 à 4 d'une commune à l'autre), sans que les raisons de telles disparités soient parfaitement claires. En comparant gestion directe et gestion déléguée de l'eau, la Cour observe ensuite que le principe de l'équilibre budgétaire du système de régie permet uniquement le financement des investissements déjà inscrits au budget, et que l'existence d'une comptabilité analytique ou d'un contrôle de gestion est trop rare, ce qui entraîne fréquemment la majoration du prix de l'eau par des charges indues. Du côté de la délégation, le prix est affecté notamment par diverses clauses défavorables aux usagers.

L'effet de la délégation sur le prix de l'eau potable
INRA - Sciences sociales
Alain Carpentier, Céline Nauges, Arnaud Reynaud et Alban Thomas
Dans un peu plus de la moitié des communes françaises, la gestion de l'eau est déléguée à des entreprises privées. L'argument principal en faveur de ce choix - et contre la gestion en régie publique - est la recherche d'une plus grande efficacité technique et économique, notamment grâce à la mutualisation des activités de recherche et développement, ainsi que des achats de matières premières ou des équipements au sein des groupes auxquels les délégataires appartiennent. Les auteurs analysent l'incidence de ce choix sur le niveau des prix des services d'eau potable en France. Leurs résultats révèlent un écart positif entre la délégation et la régie, qui s'explique notamment par les conditions d'exploitation des services. En effet, les communes ont tendance à choisir la gestion privée si elles font face à des conditions d'exploitation plus difficiles.

L'efficacité relative du type de propriété dans le secteur de l'eau
Economia internazionale
Maurizio Conti
Le débat sur l'efficacité des services publics est ancien et il n'a pas épargné le secteur de l'eau. Si, sur le plan théorique, il existe un certain consensus quant à la plus grande efficacité des entreprises privées, cette hypothèse est moins patente quand ces dernières sont en charge d'un service public. Sur le plan empirique, trente ans de recherche avec des techniques très diverses n'ont pas donné raison à l'une ou l'autre des hypothèses. Les travaux se partagent plutôt à part presque égales entre ceux qui concluent à la plus grande efficacité des opérateurs publics et ceux qui constatent l'inverse. Ce résultat semble donc aller à l'encontre de l'hypothèse selon laquelle les opérateurs privés dans les services d'eau sont plus efficaces. Dès lors, si le type de propriété n'est pas un élément décisif, l'attention des responsables politiques devrait se focaliser davantage sur d'autres aspects, comme la réglementation en vigueur ou le niveau de concentration et de concurrence dans le secteur.

L'eau, un domaine d'excellence pour les entreprises françaises
Responsabilité et environnement - Annales des Mines
Claude Camilleri
Si l'eau est un produit banal pour le grand public, il ne l'est pas pour les entreprises françaises qui détiennent dans ce secteur une position de leadership. Le progrès technologique constitue leur atout majeur et a permis le développement de leur marché national et la conquête de nombreux marchés à l'étranger. Ces succès ont été rendus possibles par la large place laissée à la délégation privée, ainsi que par la création de groupes puissants, capables d'offrir un service complet et d'engager les efforts nécessaires de recherche et développement. Ces succès sont aujourd'hui menacés et les marges des entreprises se réduisent. Deux raisons sont, selon l'auteur, à l'origine de cette tendance : d'une part, l'augmentation du coût de l'offre en raison de cahiers des charges de plus en plus lourds et, d'autre part, certains aspects du nouveau Code des marchés.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

ECONOMIE ET SECURITE
Quel rôle pour le secteur privé ?
Politique étrangère
Alyson J. K. Bailes et Caroline Holmqvist
L'interpénétration entre sphères économique et de sécurité semblait jusqu'à la guerre froide avoir quelque peu perdu de son évidence. Mais des événements récents comme les attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ou des évolutions comme la privatisation croissante de certaines activités militaires montrent de nouveau, qu'en matière de défense et de sécurité, l'interdépendance des secteurs public et privé est une réalité incontournable. Si les Etats continuent d'exercer dans ces domaines une fonction de nature régalienne fondamentale, les entreprises ont désormais également, à côté des gouvernements et des institutions internationales, un rôle essentiel à jouer dans la gestion des problèmes liés à la sécurité.

UNION EUROPEENNE
Europe de la défense : le mythe du passager clandestin
Ecodef-Le bulletin de l'économie de la défense
Martial Foucault
Au niveau national, les préférences collectives en matière de défense sont révélées par l'impôt. Ce n'est pas le cas au niveau européen. Chaque État ayant sa propre perception des menaces internationales, la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) repose sur des décisions prises au niveau national et le financement de la politique commune n'est pas optimal. Ainsi, alors que tout porte à croire que les États auront une forte propension à adopter un comportement de " passager clandestin ", les recherches de l'auteur aboutissent à un résultat autrement plus mitigé, notamment en raison de la présence de bénéfices privés incitant les pays à coopérer.

MONDIALISATION
Le dilemme de la mondialisation, une perspective allemande
Economie internationale
Hans-Werner Sinn
La globalisation procure des gains, mais elle occasionne également des perdants. Dans les pays industrialisés - suite à la disparition des avantages comparatifs et à la convergence du prix des facteurs - une partie des salariés fait partie de ces perdants. L'Etat-providence est tenté d'intervenir, mais son action peut amplifier les difficultés. Ainsi, le paiement de revenus de substitution rend les salaires plus rigides et les impôts nécessaires pour financer ces aides peuvent difficilement être prélevés sur les facteurs les plus mobiles. La sortie de ce dilemme est délicate. Le versement de salaires subventionnés et l'encouragement de l'épargne privée pourraient représenter des solutions possibles selon l'auteur.
No 2.901
7 juin 2006

DOSSIER : L'agriculture dans la mondialisation

Agriculture européenne : le bras de fer entre la PAC et l'OMC
Agriculteurs de France
Isabelle Delourme
La libéralisation de l'agriculture était une nouvelle fois au cœur des négociations de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui ont abouti à l'accord de Hong Kong fin décembre 2005. Les pays en développement - au premier rang desquels le Brésil - considérant que les subventions versées par les pays riches à leurs agriculteurs faussent la concurrence internationale, ont exigé la fin de ces aides d'ici 2010. L'Union européenne a cependant obtenu un répit de trois ans, fixant à 2013 la date de la suppression de ces subventions. L'accord de Hong Kong place ainsi sur la sellette la France et les Etats-Unis qui, via respectivement la Politique agricole commune et la Farm Bill, octroient les subventions à l'exportation agricole les plus importantes.
Comment les subventions stabilisent-elles les revenus des agriculteurs ?
Economie rurale
Florence Jacquet, Wallace E. Tyner et Allan W. Gray
A l'heure où les politiques agricoles font l'objet de nombreuses critiques, les auteurs proposent, à partir d'exemples concrets, un examen attentif des mécanismes d'intervention européens et américains. Les résultats de l'étude menée les conduit à défendre la Politique agricole commune et la Farm Bill. En dépit d'instruments différents, l'impact des programmes de soutien sur les revenus agricoles est quasiment le même dans les deux cas : les aides directes et l'intervention sur les prix diminuent de moitié la variabilité du produit brut de chacune des deux exploitations sur lesquelles portent l'analyse (l'une située dans le Cher, en France, l'autre dans le Kansas, aux Etats-Unis) et font plus que compenser leurs coûts de production ; sans eux, ces deux entreprises agricoles afficheraient des résultats nets négatifs.
Faut-il continuer de subventionner l'agriculture européenne ?
The Economist
Instrument de concurrence déloyale pour les uns, source d'inégalités et trop coûteuse - 40 milliards d'euros par an pour un secteur ne représentant que 2 % de la force de travail européenne - pour les autres, la Politique agricole commune (PAC) est critiquée de toutes parts, y compris " de l'intérieur ", par l'ensemble des petits agriculteurs, en voie de disparition. Si, en outre, les nouvelles générations sont de moins en moins concernées par le devenir des agriculteurs, qui, à l'avenir, pourrait défendre les subventions agricoles ? La PAC serait-elle en train de vivre ses dernières années ?
Libéralisation agricole : les PED sont-ils vraiment gagnants ?
Horizons bancaires
Jean-Christophe Bureau
Dans les années qui ont précédé la conférence de Cancún organisée en 2003, l'hétérogénéité des économies du Sud, notamment celles membres du groupe de Cairns, n'avait pas favorisé l'adoption d'une position commune face à l'Union européenne et aux États-Unis, historiquement protectionnistes. Il a fallu attendre l'intégration de l'Inde et celle, conjointe, du Brésil au " groupe des vingt " (G20), créé en 2003, pour que les PED parlent d'une seule voix. Représentant 70 % de la population agricole mondiale, le G20 a en effet des arguments de poids pour dénoncer le protectionnisme des pays du Nord. L'auteur se propose toutefois de revenir, ici, sur l'idée défendue par les organisations internationales et les organisations non gouvernementales, selon laquelle la libéralisation agricole bénéficierait à l'ensemble des PED. Un plus large accès au marché mondial serait bien entendu profitable aux grands pays exportateurs mais la suppression des droits de douane ne facilitera pas l'insertion des pays les plus pauvres pour lesquels la libéralisation se traduirait par la disparition progressive des différents systèmes de préférences commerciales.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE
L'utopie de l'économie de la connaissance
Sciences de la société
Geneviève Azam
L'expression " économie de la connaissance " a, en ce début du XXIe siècle, définitivement remplacé celle, très en vogue à la fin des années 1990, de " nouvelle économie ". Les sociétés les plus avancées auraient désormais atteint un nouveau stade du développement économique dont la connaissance serait le facteur essentiel. Cette idée laisse supposer que jusque-là, celle-ci ne jouait qu'un rôle secondaire dans le processus productif. L'auteur se propose d'expliquer le sens et les implications que ce nouveau statut confère au savoir et à la recherche. Pour mieux comprendre ce qui est à l'œuvre avec l'invention d'une " économie de la connaissance ", elle analyse tout d'abord, à travers l'évolution récente des droits de propriété intellectuelle, les conditions de la transformation de la connaissance en bien économique. S'appuyant sur les travaux de Karl Polanyi, à propos des " quasi-marchandises ", l'auteur montre ensuite qu'en réalité celle-ci est une marchandise " fictive " et que la tentative actuelle de lui assigner un rôle instrumental constitue pour elle-même une grave menace.

UNION EUROPEENNE
Un retour à la politique budgétaire contra-cyclique est-il fondée ?
CESifo Forum
Vito Tanzi
La politique budgétaire contra-cyclique, après avoir été très en vogue dans les années 1950 et 1960, a connu dans les décennies suivantes une profonde désaffection. Le ralentissement prolongé de la croissance dans l'Union européenne (UE) a conduit certains gouvernements, sous l'influence de nombreux économistes, à proposer le retour de cette pratique. Les attaques récentes dont a fait l'objet le Pacte de stabilité et de croissance sont une parfaite illustration, chez les Européens, de ce nouvel engouement. L'auteur estime toutefois que si on ne doit pas renoncer à la mise en œuvre de politiques budgétaires contra-cycliques dans les périodes de dépression ou de récession, leur adoption n'est guère conseillée lorsque les finances publiques sont déjà dans un état précaire, ce qui est aujourd'hui le cas de bon nombre d'économies de l'Union européenne.

No 2.902
21 juin 2006

DOSSIER : Que faire de la rente des pétrodollars ?


Le concept de rente : le cas des économies du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord
Document de travail - Centre d'économie de Paris Nord
Fatiha Talahite
Les pays exportateurs de pétrole de la zone Moyen-Orient/Afrique du Nord sont définis par les économistes comme des Etats rentiers. L'auteur cherche tout d'abord à préciser la notion de rente telle qu'elle est appliquée à ces économies. Elle montre que le concept recouvre une pluralité de définitions et qu'il n'existe pas de théorie économique unifiée de la rente. Elle revient ensuite sur l'idée selon laquelle il n'est pas toujours possible d'établir avec certitude un lien entre l'existence de rentes et une moindre efficacité économique. L'absence de bases théoriques solides expliquerait que les analyses sur les pays pétroliers dérivent bien souvent vers un simple jugement de valeur sur la légitimité ou l'illégitimité de cette dernière. En définitive, à travers la dénonciation de la rente s'exprimerait implicitement une contestation de la légitimité des pays pétroliers ou de leurs Etats à s'approprier les revenus de l'exportation des hydrocarbures.

Comment les pays exportateurs de pétrole peuvent-ils profiter de la hausse des prix du pétrole ?
Regional Economic Outlook
FMI
Avec la forte augmentation des prix du pétrole, les pays exportateurs du Moyen-Orient et d'Asie centrale ont vu, depuis deux ans, leurs ressources budgétaires augmenter de façon considérable. Si cette manne financière offre à ces pays une opportunité unique de développement, elle leur pose également d'importants défis de politique macroéconomique. Il semble qu'un certain nombre de leçons ait été tiré des précédents chocs pétroliers. Les pays exportateurs enregistrent en effet d'excellentes performances macroéconomiques depuis 2003. Ils affichent également la ferme volonté de prendre les mesures nécessaires pour rendre la croissance durable et soutenable.

La répartition de la rente pétrolière en Afrique
Afrique contemporaine
Christine Rosellini
En Afrique, les revenus tirés de l'exploitation pétrolière n'ont jusqu'à présent que rarement été mis au service du développement. Les économies pétrolières du continent comptent en effet paradoxalement parmi les pays les plus pauvres. La rente pétrolière y a favorisé une forte corruption, une mauvaise gouvernance, la violation des droits de l'homme et a bien souvent été à l'origine de guerres civiles. Aujourd'hui, les pressions exercées, dans un contexte de baisse des réserves pétrolières et d'instabilité sociale, par les organisations non gouvernementales et les institutions financières internationales sont en train de changer la donne. Avec l'aide des grandes compagnies pétrolières, les gouvernements commencent à adopter des politiques dont l'objectif est d'améliorer la transparence dans la gestion des revenus pétroliers. L'enjeu principal est désormais pour ces pays de se donner les moyens de sortir de la dépendance du pétrole.

Le recyclage des pétrodollars
The Economist
En 2005, les ventes d'or noir ont rapporté quelque 700 milliards de dollars aux pays exportateurs de pétrole. Ces derniers épargnent aujourd'hui une plus grande part de cette manne financière que lors des précédents chocs pétroliers. Cette situation suscite l'inquiétude du Fonds monétaire international (FMI) car elle risque d'accentuer les déséquilibres mondiaux créés par la hausse du prix du pétrole. Le recyclage des pétrodollars prend par ailleurs de multiples formes et il est plus difficile qu'auparavant de savoir avec certitude ce que deviennent ces capitaux.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

ENTREPRISE
Wal-Mart, la multinationale du XXIe siècle ?
Le Monde diplomatique
Serge Halimi
Sam Walton se doutait-il, lorsqu'il a créé le premier magasin Wal-Mart en 1962, dans l'Etat de l'Arkansas, qu'il mettait au monde ce qui allait devenir la plus grande entreprise planétaire - l'hypermarché étant désormais le premier employeur privé mondial ? La petite boutique rurale s'est progressivement transformée en multinationale dont le chiffre d'affaires dépasse le Produit intérieur brut (PIB) de la Suède. Comment expliquer cette réussite spectaculaire ? S'il ne semble pas y avoir de recette miracle, il est, en revanche, possible d'identifier différentes pratiques managériales qui ont joué un rôle essentiel dans la croissance de l'entreprise. Parmi celles-ci, le paternalisme qui transforme les salariés en " associés " pour les responsabiliser, des conditions de travail parfois abusives (prohibition des syndicats, élimination des temps de pause déjeuner dans certains Etats, etc.) qui garantissent à l'entreprise une compétitivité très forte, un degré élevé d'internationalisation qui lui permet de pénétrer différents marchés et de pratiquer la sous-traitance. Gagnant toutes les batailles imposées par la concurrence jusqu'à aujourd'hui, Wal-Mart est un succès, " le succès de l'Amérique ", comme l'a dit le président George Bush en 1992.

FINANCE
Performance des valeurs moyennes, dynamique boursière et cycle économique
La Revue du Financier
Jean-Pierre Berdot et Jacques Léonard
Les valeurs moyennes représentent près de la moitié des sociétés cotées mais ne pèsent que 5 % environ de la capitalisation totale d'Euronext. Auprès des investisseurs, elles passent pour plus stables et moins volatiles. En étudiant le comportement des marchés des valeurs moyennes de trois grandes places financières européennes vis-à-vis des marchés des grandes valeurs, d'une part, et des cycles d'activités, d'autre part, les auteurs confirment le caractère défensif des valeurs moyennes. Cette caractéristique tient à une déconnexion significative de leur processus de valorisation par rapport à celui des valeurs à forte capitalisation, de même que par rapport aux variations du cycle économique général.

INDICATEURS ECONOMIQUES ET STATISTIQUES
Peut-on faire confiance aux statistiques sociales ?
Droit social
David Revelin
Les statistiques sociales sont régulièrement l'objet de controverses, notamment celles particulièrement sensibles du chômage ou de la pauvreté. Les indicateurs comme les catégories statistiques sont en effet le résultat d'une construction méthodologique dont les critères peuvent facilement être manipulés par le pouvoir politique. L'auteur rappelle que si les statistiques ne peuvent donner un reflet exact de la réalité sociale, elles n'en demeurent pas moins indispensables pour la compréhension des phénomènes sociaux et l'élaboration des politiques publiques.
No 2.903
5 juillet 2006

DOSSIER : Champions nationaux et patriotisme économique

Malaise dans la mondialisation ou " patriotisme économique " ?
La Revue parlementaire
Elie Cohen
La France qui est un des pays les plus ouverts économiquement semble être obsédée par la nationalité de l'entreprise. Cette obsession trouve son origine dans l'idée selon laquelle la nationalité du capital détenu par les dirigeants et le lieu d'implantation du siège social auraient des effets positifs en termes d'effectifs ou de localisation d'activités. Les entreprises françaises ne se privent pourtant pas de lancer des opérations de fusions et acquisitions ou de rationalisation, lorsqu'il en va de leurs intérêts. L'auteur revient sur quelques-unes de ces contradictions françaises, notamment sur la politique de privatisation qui a été mise en œuvre mais sans la création de fonds de pension ou bien encore sur le démantèlement de l'Etat colbertiste qui n'a pas conduit à l'abandon d'une certaine vision traditionnelle sur le rôle économique de l'Etat.

La légitimité du patriotisme économique
Défense nationale
Christian Harbulot
Le débat qui s'est ouvert en France à propos du patriotisme économique est assez révélateur de l'absence de définition précise de ce concept. Selon l'auteur, le patriotisme économique définit le cadre de développement d'un pays confronté aux opportunités et aux menaces issues de la mondialisation des échanges. Il permettrait donc la poursuite de l'intérêt général. La mondialisation joue un rôle fondamental dans le développement de cette pratique que l'on retrouve dans la plupart des pays. Elle fournit en effet non seulement une justification commerciale, mais également sécuritaire (approvisionnement énergétique) au patriotisme économique.

Regards sur la nouvelle vague de fusions et acquisitions
Regards économiques
Nihat Aktas, Eric de Bodt et Giorgio A. Tesolin
Les chiffres ne trompent pas : après l'effondrement du nombre et du volume des opérations de fusions et acquisitions à la suite de l'éclatement de la bulle des nouvelles technologies au début des années 2000, on assiste, aujourd'hui, à un retour en force de ces opérations. L'année 2005, avec un montant total évalué à 2 980 milliards de dollars, s'est soldée par une augmentation de 43 % par rapport à 2004 du nombre des fusions et acquisitions. Au cours des premiers mois de 2006, la tendance semble même encore s'accélérer. Afin de mieux comprendre cet engouement, les auteurs présentent différents outils conceptuels et proposent une réflexion à partir des dernières recherches scientifiques menées sur ces questions. Ils étudient notamment les motivations qui sous-tendent le déclenchement d'opérations pouvant conduire à la fois à la création et à la destruction de valeur pour les actionnaires. Les auteurs reviennent, en conclusion, sur deux opérations récentes : l'OPA de Mittal sur Arcelor et la fusion entre Suez et Gaz de France.

Contrôle des fusions et acquisitions : le retour de la politique ?
CES Ifo Forum
Simon J. Evenett
Dans le domaine du contrôle de la concurrence et des fusions et acquisitions, la plupart des pays ont mis en place des autorités indépendantes. Dans la pratique, cette indépendance est plus au moins limitée par des dispositifs permettant aux responsables politiques de peser sur les décisions. Ainsi, pour des raisons de service public ou d'intérêt national, le ministre concerné ou le gouvernement peut parfois avoir le dernier mot. Comme le note l'auteur, ces pratiques gagnent du terrain. Aussi, les autorités antitrust sont-elles de plus en plus sévères quant il s'agit de bloquer des opérations impliquant le rachat d'une entreprise nationale par un concurrent étranger, tandis qu'une certaine bienveillance de leur part est de mise lorsque les opérations s'effectuent en sens inverse.

Quel patriotisme économique au XXIe siècle ?
Amicus Curiae
Augustin Landier et David Thesmar
La mondialisation des marchés de capitaux alimente les frustrations et les peurs. A partir de l'analyse des différentes versions du patriotisme économique, les auteurs se demandent si celui-ci ne pourrait pas constituer une réponse susceptible de rendre la mondialisation moins inquiétante. Une première forme - défensive - du patriotisme économique cherche à dissuader les investisseurs étrangers de prendre le contrôle d'entreprises françaises mais cette stratégie a un coût économique élevé. Les auteurs recommandent donc d'adopter une autre forme du patriotisme économique, plus offensive celle-là qui pourrait permettre aux épargnants français de redevenir actionnaires des entreprises hexagonales. Mais pour atteindre cet objectif, il faudrait d'abord réformer le système financier français car actuellement les Français sont davantage créanciers que propriétaires de leurs entreprises.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

UNION EUROPEENNE
La Russie : partenaire stratégique de la zone euro
Bulletin de la Banque centrale européenne
L'Union européenne et la Russie entretiennent des relations économiques étroites. La zone euro est le principal partenaire commercial de la Russie. Elle représente 35 % du total des échanges de biens de ce pays. En outre, un quart des importations nettes totales de pétrole de la zone proviennent de la Russie. Les deux économies ont donc tout intérêt à créer un environnement macroéconomique solide et stable, propice à leurs échanges. C'est ce que la Russie s'efforce de faire depuis la crise financière qu'elle a subie en 1998. L'augmentation des exportations de ses réserves abondantes en matières premières (6,1 % et 26,5 % des réserves mondiales de pétrole et de gaz, respectivement) a contribué à maintenir son taux de croissance à un rythme annuel moyen de 6,8 % et à redresser ses finances publiques - le secteur représente 40 % des recettes budgétaires russes. Aussi les liens entre l'UE et la Russie se sont-ils renforcés au cours des dernières années : la zone est devenue la principale source d'investissements directs à l'étranger (IDE) en Russie (37 % du total) et l'euro a été choisi dans le pays comme monnaie d'ancrage et de réserve diminuant ainsi la volatilité de la parité euro/rouble.

ENTREPRISE
Marques de distributeurs contre marques nationales : le match
Analyse financière
Cédric Louboutin
L'époque où les marques nationales (MN) réalisaient de confortables marges appartient désormais au passé. En imposant des prix, en moyenne 40 % moins élevés que ceux des MN, les marques de distributeurs (MDD) ont en effet réussi à conquérir environ un quart du marché agroalimentaire. L'auteur ne prédit toutefois pas la fin des marques nationales. Leur coexistence sur le marché des deux types de marques est possible mais tient à une condition : la rationalisation de l'offre qui se traduit par la réduction du nombre de produits proposés. Les budgets consacrés au lancement d'une MN en termes de publicité, R&D et de marketing peuvent ainsi être plus importants et profiteront à l'ensemble des MDD de la même gamme.

SCIENCE ECONOMIQUE
" Sentiment de progrès " et croissance économique
Bulletin du FMI
Ina Kota
A l'heure où, dans les sociétés modernes, certaines valeurs comme l'équité ou la tolérance semblent être menacées, Benjamin Friedman, professeur à Harvard, soutient la thèse selon laquelle la croissance économique a une incidence positive sur la morale et aiderait à en promouvoir les valeurs. L'existence d'une relation entre le monde matériel et la morale, que beaucoup réfutent, en dépit des analyses théoriques de Adam Smith et de John Rawls, est ainsi réaffirmée. L'auteur précise toutefois que cette relation n'est valide qu'à la condition que : la croissance économique ne soit plus comprise comme une augmentation du produit intérieur brut (PIB) - qui n'affecte généralement que les 10 % les plus riches - mais comme une progression certaine des revenus médians de la majorité de la population. Dans ce cas, un " sentiment de progrès " est partagé par l'ensemble des individus. La thèse de Benjamin Friedman présente d'autant plus d'intérêt que l'on n'observe pas, actuellement aux Etats-Unis, et cela pour la sixième année consécutive, d'amélioration du niveau de vie moyen, alors que le PIB, lui, continue d'augmenter...
No 2.904
19 juillet 2006

DOSSIER : Economie du climat : l'après Kyoto
Le Protocole de Kyoto...et après ?
Revue d'économie financière
Aurélie Vieillefosse
Le Protocole de Kyoto est à l'heure actuelle le seul instrument pour lutter contre la pollution de l'air à l'échelle internationale. Il ne permet toutefois pas de lever tous les obstacles rencontrés dans le cadre de la lutte contre la pollution. En premier lieu, il ne rassemble que quelques-uns des pays qui émettent le plus de CO2 - les Etats-Unis ne l'ont pas signé. Il parvient ensuite, difficilement, à rendre compatibles les intérêts divergents des pays du Nord avec ceux des pays en développement. Enfin, il ne prévoit pas de collaboration technologique internationale entre les pays, ce qui favoriserait le transfert de " technologies propres " du Nord vers le Sud. En dépit de toutes ces limites, l'auteur estime néanmoins qu'il mérite d'être défendu.
Une coordination difficile des régimes climatiques
Revue d'Economie Politique
Jean-Charles Hourcade
Coordonner de manière efficace les politiques climatiques dans la période de l'après-Kyoto est particulièrement complexe. Seul un système hybride " prix-quantité " permettrait, selon l'auteur, d'offrir un cadre suffisamment flexible pour faire face aux différentes modalités d'engagement des pays, faire émerger un système de contrôle (" système d'observance ") autorisant un recours possible à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), créer des chambres de compensation internationales pour les échanges entre Etats et promouvoir une politique de recherche et développement (R&D) à l'échelle internationale.
Les marchés de droits à polluer
Eclairages - Crédit Agricole
Philippe Roos
Le Protocole de Kyoto fixe des objectifs de volume (cap) à certains des signataires. Or, il est difficile pour les agents de se conformer à ces quantités. Le cap-and-trade, dont l'auteur rappelle le fonctionnement et en décrit les avantages et les limites, apparaît alors comme le système de régulation le plus adéquat puisqu'il combine la fixation d'un objectif de volume : cap (plafond) et l'échange des quantités allouées : trade. L'idée de troquer des droits de pollution peut paraître immorale : la création d'un marché où se rencontrent l'offre et la demande de carbone, n'a d'intérêt que s'il résulte de l'échange un profit. Le trading a toutefois l'avantage de motiver les agents (une entreprise, un État, etc.) à prendre en charge le coût de la pollution et permet à la collectivité de bénéficier d'une externalité positive.
Peut-on étendre le système des quotas échangeables aux PED ?
Liaison Energie-Francophonie
Renaud Crassous et Sandrine Mathy
Lors de la mise en œuvre du Protocole de Kyoto, il a été décidé de laisser jusqu'en 2012 les pays du Sud en dehors du mécanisme d'encadrement par quotas. Mais cette contrainte ne pourra pas être maintenue indéfiniment : avec 3,5 milliards de tonnes en 2002, la Chine émet davantage de CO2 que l'Union européenne des quinze (UE-15) (3,2 milliards de tonnes) et presque trois fois plus que le Japon (1,2 milliard de tonnes). Dans moins de dix ans, les émissions chinoises devraient dépasser celles des États-Unis (5,5 milliards de tonnes). Stabiliser les émissions du Sud implique d'intégrer ces pays dans les programmes de réduction de la pollution due aux gaz à effet de serre (GES). Le système des quotas échangeables est l'un des instruments proposés par le Protocole. L'article étudie la possibilité de l'étendre aux pays en développement (PED) tout en sachant que dans ces pays, l'incertitude entourant l'évaluation des conséquences macroéconomiques de l'attribution d'une certaine quantité de quotas, comme les coûts d'abattement, etc., est plus grande que pour les pays du Nord.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

POLITIQUE BUDGETAIRE
Etat imposant, Etat impuissant : la France paralysée par sa dette
Futuribles
Alexandre Siné
La gestion des finances publiques, en particulier en ce qui concerne la dette, est un enjeu majeur, surtout en période préélectorale. C'est à cette question délicate que s'intéresse ici l'auteur, en dénonçant la paralysie croissante engendrée par une dette toujours plus importante et la réduction des marges de manœuvre qui en résulte, tant en termes budgétaires qu'en matière de politique générale. La France s'est, selon lui, engagée dans une dynamique dangereuse, auto-entretenue, qui pénalise les citoyens d'aujourd'hui comme ceux de demain. Il affirme certes avec force la nécessité de la dépense publique, voire d'un déficit contrôlé. Mais il est primordial que cette politique soit le résultat de choix assumés par l'Etat, et non la conséquence de plusieurs décennies de politique budgétaire mal maîtrisée.

ENTREPRISES
La croissance des groupes étrangers en France
INSEE Première
Jean-William Angel et Virginie Régnier
En Europe, la France figure parmi les économies les plus ouvertes aux investissements étrangers. Hormis le secteur de la finance et de l'administration, un salarié sur sept y travaille dans une filiale de groupe étranger. Entre 1994 et 2003, ce chiffre a été multiplié par 1,8. Durant la même période, le nombre de filiales sous contrôle étranger a triplé. Le premier investisseur dans l'Hexagone sont les Etats-Unis, tandis que la part des capitaux asiatiques reste marginale. Les implantations étrangères sont essentiellement - comme c'est le cas dans tous les grands pays - concentrées dans l'industrie. Cette dernière rassemble la moitié des effectifs de salariés français employés par une entreprise étrangère.

DEVELOPPEMENT
Défaillances des États et des marchés : l'approche de J.- J. Laffont
Revue d'économie politique
Jean-Paul Azam
Malgré une croissance mondiale soutenue, la plupart des pays du Sud, notamment en Afrique, restent à l'écart du développement économique. Face à l'échec des réformes imposées par les programmes d'ajustement structurel des années 1990, les institutions internationales ont été amenées à considérer d'autres champs d'analyse afin de diagnostiquer et de comprendre les difficultés rencontrées par les pays dont elles financent le développement. En intégrant la théorie des incitations, l'approche de Jean-Jacques Laffont exposée ici par l'auteur a considérablement renouvelé l'économie du développement. Elle propose en effet un nouveau cadre d'analyse qui insiste sur les défaillances de l'Etat - pour mieux appréhender celles du marché - concernant la fourniture de services publics à la population dans les pays pauvres. L'auteur aborde également les problèmes de régulation auxquels les pays en développement sont confrontés ainsi que les obstacles qu'ils rencontrent dans les réformes mises en œuvre sous l'égide d'organisations internationales comme la Banque mondiale.
No 2.905 30 août 2006

DOSSIER : Europe et services : quelle stratégie ?

L'Europe a besoin d'une économie des services compétitive
La Lettre de Confrontations Europe
Luis Rubalcaba Bermejo
Les économies les plus avancées du monde sont des économies de services : près de 70% de la valeur ajoutée et de l'emploi y sont générés par des entreprises de ce secteur d'activité. Cette situation est partiellement le résultat du mouvement de délocalisation des fabricants de produits manufacturés. Longtemps, les services fonctionnaient comme secteur de " refuge " au chômage industriel. Mais depuis, le offshoring des services s'est développé en force et les pays industrialisés subissent de nouvelles pertes d'emplois au profit des pays à faible coût de main-d'œuvre. Si l'élargissement de l'Europe offre de nouvelles opportunités pour le développement de ce processus, le manque d'intégration des marchés européens des services constitue dans le même temps un obstacle de taille à l'accélération et une limite à la compétitivité de l'Europe.

Etat des lieux de l'intégration des services en Europe
Etudes économiques de l'OCDE
L'ouverture des marchés nationaux est depuis l'origine un objectif de l'Union européenne. La stratégie de Lisbonne lui a donné un nouveau souffle. Ces dernières années, les obstacles au commerce des marchandises ont été en grande partie levés ; ceux qui demeurent concernent principalement des produits complexes ou représentant un risque pour la santé. Cependant, les obstacles à l'intégration des services sont encore importants (monopoles nationaux, restrictions quantitatives, obligations de résidence, etc.). Leur suppression rehausserait pourtant le potentiel de croissance de la zone euro, renforcerait, de fait, les avantages de l'Union économique et monétaire (UEM) et améliorerait sa résistance aux chocs. Les consommateurs profiteraient en outre de prix plus bas et de nouvelles possibilités d'emploi s'offriraient à eux.

Que penser de la Directive services version " Bolkestein " ?
Flash CDC IXIS
Patrick Artus, Emma Ménascé
La directive relative aux services, proposée en 2004 par l'ancien commissaire européen Bolkestein, étend aux entreprises de services le principe du pays d'origine (PPO) qui vaut déjà pour la production de biens : une entreprise peut vendre dans tous les pays de l'Union européenne si elle respecte les règles de son pays d'implantation. La directive a été dès le départ très critiquée au sujet de l'application du PPO aux règles du marché du travail. En dépit du fait que celle-ci proposait la mise en place de diverses dérogations - concernant notamment certains secteurs (comme les services d'intérêt général), certaines professions (architectes, médecins, etc.), ainsi que les travailleurs détachés - la crainte d'un dumping salarial et social a très vite conduit à la mise au ban de l'ensemble du texte. Outre une analyse fine des applications du PPO, les auteurs étudient ici les conséquences économiques (emploi, convergence et niveau des salaires, migrations, prix) de la directive.

Le compromis final autour de la Directive services
Questions d'Europe - Fondation Robert Schuman
Marie-Dominique Garabiol-Furet
Dès sa publication, la directive services a suscité un grand débat. Au nom du principe du pays d'origine - érigé en symbole du libéralisme économique et politique -, celui-ci a opposé, d'une part, le Parlement et la Commission européenne et, d'autre part, les Etats membres favorables à un modèle libéral et ceux fidèles à une certaine idée du modèle social européen. Le compromis final semble signer la défaite des forces libérales, puisque le principe du pays d'origine a disparu du texte. Toutefois, le compromis n'altère en rien l'état du droit existant qui laisse toute sa place à ce principe, sous certaines réserves. Ce sera à la Cour de justice des Communautés européennes de préciser l'interprétation de la directive. Le vrai débat portait, en réalité, sur le champ d'application de celle-ci. Concernant ce dernier, la nouvelle version du projet de directive le restreint au nom d'une certaine conception de l'exercice des missions de service public mais comprend en revanche les services d'intérêt économique général les plus lucratifs.

Reconfiguration des services en Europe et nouvelle compétitivité internationale
La Lettre du CEPII
Agnès Bénassy-Quéré, Cyrille Schwellnuss, Deniz Ünal-Kesenci
Dans le secteur des services, l'Europe occupe une position forte dans la finance, l'assurance et l'informatique. Mais à l'exception du Royaume-Uni, spécialisé dans les services à forte croissance, cette position est désormais contestée par les grands pays émergents. Aujourd'hui, les échanges internationaux de services sont largement dominés par l'activité des entreprises implantées à l'étranger. Cette situation pourrait changer avec l'entrée en vigueur de la directive services. En éliminant certaines réglementations, elle ouvrira à la concurrence des marchés dans certains cas encore fermés et pourra ainsi dynamiser les échanges intra-européens qui restent pour l'instant relativement peu développés. De nouveaux schémas de spécialisation pourraient émerger, renforçant ainsi les atouts des pays européens sur le marché des services.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

INDICATEURS ECONOMIQUES
L'utilité des indicateurs issus des enquêtes de conjoncture
Bulletin mensuel de la Banque centrale européenne
Les données ressortant d'enquêtes de conjoncture jouent un rôle important pour la prévision des évolutions économiques à court terme. Deux indicateurs sont généralement utilisés : l'indicateur du climat économique (Economic Sentiment Indicator - ESI) et l'indice composite des directeurs d'achat (Purchasing Managers' Index - PMI). L'indicateur ESI du climat économique est une moyenne pondérée des indices de confiance pour l'industrie manufacturière, les services, les consommateurs, le commerce de détail et la construction. L'étendue de l'indice PMI des directeurs d'achat est plus limitée, car il est réservé à l'industrie manufacturière et les services. Les deux indicateurs présentent globalement un degré de corrélation raisonnable avec la croissance du PIB en volume, l'indice ESI étant plus un indicateur coïncident et l'indice PMI davantage un indicateur avancé des évolutions de la production.

MONDIALISATION
Les villes : moteurs économiques au cœur de la mondialisation
L'Observateur de l'OCDE
Mario Pezzini
Si les villes ne sont pas nées au XXe siècle, elles sý sont, en revanche, fortement développées. L'urbanisation continue de la planète, initiée dans les pays développés, a en effet engendré l'émergence de mégalopoles mondiales telles que Tokyo - la plus importante avec 35 millions d'habitants -, Séoul, Bombay, New York, Londres ou encore Paris. Véritables vecteurs de développement régional et mondial, les grandes régions métropolitaines de l'OCDE ont vu leur poids économique augmenter considérablement ces dernières années. Mais, face à une mondialisation de l'économie toujours plus grande, de nouveaux enjeux apparaissent, notamment en termes de compétitivité. L'auteur présente ainsi les nouveaux défis que les villes doivent relever, et ce, dans le but de renforcer leur place dans le système-monde.

DELOCALISATIONS
L'effet de la délocalisation des services aux Etats-Unis
Bulletin du FMI
Si la délocalisation des services est moins importante aux Etats-Unis que celle de la production, sa progression est toutefois très nette et concerne désormais 400 000 emplois. Le Fonds monétaire international (FMI) s'est intéressé à l'influence de la délocalisation des services sur l'emploi et la productivité aux Etats-Unis. L'effet sur l'emploi global est, comme attendu, négatif mais il est néanmoins limité : les produits rapatriés étant moins chers, ils sont plus attractifs. Ainsi, afin de combler le surcroît de demande, les secteurs les utilisant comme produits intermédiaires sollicitent davantage de main-d'œuvre. La délocalisation des services favorise en revanche davantage l'augmentation de la productivité en libérant l'entreprise de ses chaînons de production les moins efficients.

FINANCE
Les styles de gestion de portefeuille existent-t-ils ?
Revue d'économie financière
Catherine Aaron, Isabelle Bilon, Sébastien Galanti, Yamina Tadjeddine
Dans le discours des promoteurs de fonds d'épargne, le style de gestion est souvent un argument central. Mais existe-t-il vraiment des pratiques de gestion différentes, surtout à une époque où la multigestion est à la mode ? A l'aide d'un questionnaire adressé aux gérants d'OPCVM, les auteurs identifient six styles (indiciel, stock picking, quantitative, sectoriel, growth et value). Les résultats montrent que les fonds ayant un même style ont des caractéristiques (par exemple, en termes de profil du fonds et du gérant ou des sources d'informations retenues) homogènes et distinctes des fonds adoptant d'autres styles. Enfin, bien que les styles puissent expliquer les performances des différents fonds, il ný en a pas un seul qui soit systématiquement plus rentable que les autres.
No 2.906 13 septembre 2006

DOSSIER : Afrique : les chemins de la croissance

Les économies africaines dans la mondialisation
Esprit
Philippe Hugon
Pour faire un état des lieux de la situation économique de l'Afrique au début du XXIe siècle, quoi de plus parlant que de choisir comme critère d'évaluation la mondialisation. Si celle-ci a en effet favorisé le développement de certaines aires géographiques comme l'Asie du Sud et de l'Est, l'Afrique est restée, elle, largement en marge du phénomène. 34 pays les moins avancés (PMA) sur 49 se situent aujourd'hui sur le continent noir. Avec 11 % de la population mondiale, l'Afrique ne réalise que 1 % du produit intérieur brut mondial et 2 % du commerce international. L'analyse des principales composantes du processus de mondialisation (échanges commerciaux, globalisation financière, nouvelles technologies de l'information et de la communication, R&D, Investissement direct à l'étranger, etc.) est sans appel et donne l'image d'un continent qui - sauf exception - se retrouve vis-à-vis du reste du monde dans une position de marginalisation ou de relative exclusion.

Politique macroéconomique, croissance et lutte contre la pauvreté
Finances et Développement
Catherine Pattillo, Sanjeev Gupta et Kevin Carey
Après des décennies de stagnation, l'Afrique subsaharienne a renoué, depuis 2004, avec un taux de croissance supérieur à 5 %. Le défi auquel sont désormais confrontés les gouvernements africains est de déterminer la politique économique la plus efficace à mettre en œuvre pour accélérer la croissance et la rendre durable. Ils peuvent avec profit s'appuyer sur certaines études récentes conduites par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), l'Agence française de développement (AFD) et l'université Harvard qui ont cherché à identifier les différents facteurs favorisant les phases d'accélération de la croissance. Ces analyses fournissent également des informations précieuses sur les conditions qui doivent être réunies pour que la croissance permette de réduire de façon significative la pauvreté.

NEPAD : les partenariats public-privé au service du développement
Courrier de la Planète
Rawia M. Tawfik
Au cours des décennies 1970 et 1980, les initiatives en faveur du développement de l'Afrique se sont multipliées. Celles-ci ont successivement accordé un rôle central à l'Etat - à l'époque de la planification économique -, puis au marché - au temps des plans d'ajustement structurel. L'échec patent de ces différentes stratégies pour sortir le continent du sous-développement ont conduit, en 2001, au lancement du Nouveau partenariat économique pour le développement de l'Afrique (Nepad) dont l'objectif est d'instaurer un cadre institutionnel plus équilibré entre les différents acteurs du développement. Le Nepad prône en effet l'établissement de partenariats public-privé entre l'Etat, le marché et la société civile. Ces derniers devraient favoriser le renforcement de relations de complémentarité entre des institutions qui ont toutes, à leur manière, un rôle essentiel à jouer dans la croissance et le développement durable.

Aide au développement : où en est-on ?
The Economist
En 2005, la Commission pour l'Afrique, créée il y a deux ans par le Premier ministre britannique Tony Blair, a réclamé aux pays riches qu'ils accordent, jusqu'en 2008 ou 2010, une aide supplémentaire de 25 milliards de dollars au continent noir. Il est vrai qu'au rythme actuel, les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) - que s'est fixée, en 2000, la communauté internationale - ne seront pas atteints à l'échéance prévue en 2015. Les réticences des donateurs à davantage de générosité s'expliquent toutefois par le constat d'échec de décennies d'aide au développement. Mais il paraît également évident que les besoins en capitaux de l'Afrique restent absolument considérables. Aussi, les institutions internationales, les Etats et les organisations non gouvernementales devenus plus pragmatiques cherchent-ils désormais à améliorer le climat d'investissement et à mieux contrôler sur le terrain la mise en œuvre des programmes que finance l'aide au développement.

Le poids des mentalités : un important facteur de blocage
Arabies
Entretien avec Stephen Smith
Journaliste de grande réputation, spécialiste du continent noir, Stephen Smith a été successivement responsable du service Afrique à Libération et au Monde. Dans un ouvrage publié en 2003, intitulé " Négrologie : pourquoi l'Afrique meurt ", il dresse un bilan très sombre de la situation économique et sociale du continent. Il se défend néanmoins, comme l'en ont accusé ses nombreux détracteurs, de faire preuve dans ce livre d'afropessimisme. Il veut au contraire ouvrir le débat et considère qu'en dépit de tous les maux qui accablent l'Afrique, celle-ci a les ressources nécessaires pour parvenir à faire jeu égal avec le reste du monde. Dans biens des domaines comme l'éducation, les mentalités, l'organisation du travail ou la libération de l'individu à l'égard du collectif, les bases du développement restent à jeter. Mais Stephen Smith insiste surtout sur un point : pour que l'Afrique se développe, il est indispensable que ses habitants rompent avec un passé réinventé et idéalisé et acceptent d'entrer de plain-pied dans la modernité.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

MARCHE DU TRAVAIL
Une main-d'œuvre stable est-elle bonne pour la productivité ?
Revue internationale du travail
Peter Auer, Janine Berg et Ibrahim Coulibaly
Les partisans de la flexibilité du marché du travail considèrent que celle-ci favorise la hausse de la production et permet de baisser le taux de chômage. Aussi n'ont-ils de cesse de réclamer l'application de réformes allant dans ce sens en Europe et au Japon. Ces économies se caractérisent en effet par des marchés du travail relativement stables et pour lesquels l'ancienneté moyenne dans l'emploi est longue. Pour éclairer le débat, les auteurs présentent ici les résultats d'une étude qui montre que globalement, une ancienneté très longue et une ancienneté courte peuvent tout autant nuire à la productivité. Si par ailleurs une ancienneté moyenne longue ne semble pas diminuer la productivité, elle pourrait bien en revanche ne pas toujours être très favorable à l'emploi. Les pays qui, comme le Danemark, ont une ancienneté d'une durée intermédiaire et qui investissent dans des politiques du marché du travail favorisant une " mobilité protégée " sont ceux qui enregistrent au bout du compte les meilleurs résultats, aussi bien en termes de productivité que d'emploi.

AUDIVISUEL
La situation financière des entreprises de télévision de l'Union européenne
Reflets et Perspectives de la vie économique
André Lange
Le secteur des entreprises de télévision de l'Union européenne comporte six types d'établissement : les entreprises publiques de radio-télévision, leurs homologues privés financés par la publicité, les entreprises de diffusion de chaînes de films à péage, celles éditrices de bouquets de chaînes thématiques et de programmes de télé-achat. Après la crise de 2001-2002, marquée par des pertes importantes liées à la baisse des recettes publicitaires et à la transition vers le numérique, la situation du secteur s'est globalement améliorée, bien que les rythmes de croissance restent très variés suivant les pays et les types d'activités. Globalement, la situation financière demeure néanmoins fragile, non seulement à cause des interrogations qui pèsent sur le volet public de la structure de financement du secteur (redevance et financement sur le budget de l'Etat), mais également à cause du développement de la télévision numérique terrestre.

NOUVELLES TECHNOLOGIES
Qui contrôlera internet ?
Foreign Affairs
Kenneth N. Cukier
Tout réseau international est d'ordinaire géré de manière centralisée. Le système téléphonique mondial est par exemple contrôlé par une organisation instituée par un traité international. Internet reste une exception. D'abord supervisé, depuis sa création, par Jon Postel, professeur à l'université de Californie, il est, depuis 1998, coordonné par une société privée américaine à but non lucratif, l'ICANN. Jusqu'au premier Sommet mondial sur la société de l'information, organisé fin 2003 par les Etats-Unis, les problèmes liés à la gestion intergouvernementale d'internet n'avaient pas encore été posés. Avec le développement des nouvelles technologies et la multiplication des échanges, les enjeux économiques d'internet sont devenus considérables. Aussi, certains gouvernements, en particulier des pays en développement, ont récemment revendiqué un droit de regard sur les noms de domaines et les codes-pays, jusqu'à présent attribués par l'ICANN. Si le contrôle d'internet devait être cédé aux Etats, il est à craindre que celui-ci ne devienne un instrument de renforcement du pouvoir des régimes autoritaires en matière de circulation de l'information. Quoiqu'il en soit, l'enjeu est de taille puisqu'il s'agit en effet de sécuriser le réseau et d'en renforcer le contrôle sans toutefois priver de liberté les utilisateurs

No 2.907 27 septembre 2006

DOSSIER : L'Etat en quête de performance

Performance : nouveau mot d'ordre de la gestion publique
Les Notes Bleues de Bercy
Hugues Bied-Charreton
Prévue par la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), votée le 1er août 2001, l'introduction de la démarche de performance dans la gestion publique est une innovation majeure en France. Elle implique que la culture de moyens qui prévalait jusque-là soit abandonnée au profit de la culture de résultats. Les deux tiers des pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) l'ont déjà adoptée. Ils sont désormais conduits à évaluer l'action publique et à mettre en place des programmes annuels de performance (PAP). Un dispositif du même type, prévu dans le cadre de la LOLF, offre aux différentes administrations françaises plusieurs indicateurs destinés à la mesure de la performance. Si ce dispositif est prometteur, il est toutefois, précise l'auteur, insuffisant, puisqu'il cherche davantage à évaluer l'efficacité (53 % des indicateurs) que l'efficience (29 %) et la qualité (18 %).
La LOLF préfigure-t-elle une réforme profonde de l'Etat ?
Revue française d'administration publique
Jean-François Calmette
Le passage d'un mode de gestion publique à un mode de gestion privée, institué par la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), conduit à l'adoption d'une démarche utilitariste qui implique que tout objectif peut être atteint et que tout résultat doit être optimisé et mesurable. Cette démarche laisse entendre que l'action de l'État aurait été jusque-là inefficace et fait apparaître la LOLF comme un outil d'inspiration libérale qui, selon l'auteur, amène à une évaluation biaisée des activités de l'Etat. Les critères sont parfois en effet inadéquats : l'attention porte souvent davantage sur le bénéfice financier produit par l'action publique, alors que celle-ci peut également engendrer des effets plus larges sur la société, difficiles à quantifier. Aussi, peut-on craindre que cette démarche n'aboutisse à un amalgame entre les différents critères. Or, ces derniers ne concernent pas nécessairement le même public : l'usager est davantage préoccupé par la qualité, alors que l'efficience concerne avant tout le contribuable.
Après 20 ans de modernisation de la gestion publique, où en est-on ?
Perspective gestions publiques
IGPDE
Au cours des vingt dernières années, la gestion publique a considérablement évolué dans la plupart des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), sans toutefois que l'on puisse parler véritablement de réforme, car cela sous-entendrait que seule la volonté de l'État est en cause. Dans un entretien accordé à l'Institut de la gestion et du développement économique (IGPDE), Alex Matheson estime qu'il ne faut en effet pas négliger, dans cette évolution, le rôle joué par les exigences nouvelles des citoyens, des usagers et des contribuables en matière de politiques publiques. Il serait ainsi désormais préférable de reconnaître les spécificités nationales plutôt que de promouvoir la diffusion des " bonnes pratiques " édictées par les organisations internationales.
La réforme de la gestion publique est-elle " exportable " ?
Revue de l'OCDE sur la gestion budgétaire
Christopher Pollitt
L'histoire nous enseigne que les modes nationaux de gestion publique s'exportent. C'est le cas, notamment, du modèle britannique appliqué aux Pays-Bas, en Tanzanie et récemment au Japon et du modèle français retenu en Mauritanie. En dépit des nombreux échanges de méthodes en matière de gestion publique, les travaux portant sur les conditions qui favorisent un transfert réussi sont peu nombreux. Si un modèle standard n'existe pas, il est toutefois possible, selon l'auteur, d'offrir une réflexion sur les conditions qui assurent une adaptation réussie d'un mode de gestion publique dans un contexte national différent. Ce sont finalement la simplicité des modèles et leur bonne compréhension ainsi que la similitude des administrations et leur compatibilité culturelle qui garantiront son succès.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

LOGEMENT
Quelques expériences européennes sur de nouvelles formes de propriété
L'Observateur de l'Immobilier
Alain Costa et Jean-Pierre Schaefer
La forte augmentation du prix des logements en France depuis la fin de la décennie 1990 a rendu l'accession à la propriété plus difficile pour les ménages modestes. Cette situation incite de nouveau à porter le regard au-delà des frontières, notamment en Finlande, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni où, au cours des dernières années, de nouveaux modes d'habiter, à mi-chemin entre la location et la propriété, ont été expérimentés. Les auteurs dressent ici un panorama de ces expériences étrangères. L'analyse des avantages et des inconvénients de ces formules permet ainsi - compte tenu des différents contextes - d'en apprécier les conditions éventuelles de transposition en France.

INDE
Inde : pour un régime fiscal générateur de croissance ?

FMI Bulletin
Hélène Poirson
En dépit de la modernisation de son régime fiscal, l'Etat ne parvient pas, en Inde, à augmenter ses recettes de façon significative. Les taux d'imposition élevés appliqués à certaines activités, qui ne compensent pas les exonérations fiscales, contribuent à gonfler le secteur informel. L'auteur s'interroge sur les moyens d'accroître les recettes fiscales sans entraver la croissance et parie sur l'impôt indirect, notamment la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui stimulerait l'investissement tout en relevant les recettes de 1 % du produit intérieur brut. Mais la solution consisterait également à favoriser le civisme fiscal et à moderniser l'administration en introduisant les nouvelles technologies de l'information afin de lutter contre l'évasion fiscale.

ARGENTINE
La stratégie à haut risque du président Kirchner
Conjoncture - BNP-Paribas
Christine Peltier
Avec un taux de croissance annuel de l'ordre de 9 % depuis 2003, l'économie argentine est en train de se relever de la grave crise qu'elle a traversée au cours des années 2001-2002. Les effets de rattrapage de la période d'après-crise ont été amplifiés par un contexte international favorable et par la politique expansionniste adoptée par le gouvernement du président Nestor Kirchner. Si les Argentins rendent grâce à leur président des bonnes performances économiques enregistrées par le pays, la communauté financière est, elle, plus circonspecte. Les créanciers privés, certaines entreprises étrangères et les exportateurs locaux ont en effet subi, depuis trois ans, de nombreuses mesures pénalisantes de la part des autorités. Or, l'incertitude demeure sur la légalité des actions entreprises par l'Etat argentin. Le mode de gestion " hétérodoxe " adopté par le gouvernement ne paraît pas, en outre, pour beaucoup d'observateurs, constituer une stratégie crédible de développement à moyen terme.
 

No 2.908 11 octobre 2006

DOSSIER : Le bilan de l'économie française : 2005/2006

Le pays européen le plus fécond après l'Irlande
Population et Sociétés
Gilles Pison
Au cours de l'année 2005, la population en France métropolitaine a augmenté de 0,6 %. La croissance a été du même ordre que l'année précédente. Au 1er janvier 2005, la population était estimée en métropole à 61 millions d'habitants. L'année a été marquée par un nombre de naissances un peu plus élevé qu'en 2004. Avec une moyenne de 1,92 enfant par femme, la France est pratiquement le pays le plus fécond d'Europe. Seule l'Irlande (1,99) enregistre une moyenne plus élevée.

Une consolidation des créations d'emplois
Point statis - Unedic
Didier Dubaud et Arnaud Gérardin
Le retournement positif du marché du travail enclenché en 2004 s'est confirmé en 2005 avec la consolidation des créations d'emplois. Au cours de l'année, l'emploi salarié a ainsi augmenté de 0,7 %. Au regard du taux de croissance économique (1,2 %) et du nombre de postes de travail créés (107 800 contre 48 760 en 2004), 2005 est la meilleure année depuis 2001. Comme en 2004, la hausse des effectifs dans le secteur tertiaire et la construction a fait plus que compenser le recul de l'emploi dans l'industrie. La tendance observée sur le marché du travail en 2005 semble se confirmer au premier semestre 2006. A la fin du mois de juillet 2006, le taux de chômage s'établissait à 8,9 %, soit le meilleur résultat depuis février 2002.

Dynamisme de l'activité privée, ralentissement de la consommation publique
INSEE Première
Adrien Friez et Hélène Poncet
En 2005, l'évolution en dents de scie de la croissance du produit intérieur brut se poursuit : 1,2 % en volume, après 2,3 % en 2004 et 1,1 % en 2003. La croissance a enregistré un net redémarrage au deuxième semestre, mais globalement, l'activité est freinée par le solde extérieur (très déficitaire). Par ailleurs, les dépenses des administrations décélèrent nettement. La consommation des ménages reste cependant robuste et l'investissement accélère. Néanmoins, le pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages ralentit et leur taux d'épargne diminue de près d'un point. Le déficit public se réduit, sous l'effet d'une hausse des prélèvements obligatoires et d'un ralentissement des dépenses publiques. Du côté des entreprises non-financières, leur taux de marge se contracte.

Moindre croissance des revenus, maintien du bon niveau de la consommation des ménages
Note de conjoncture
INSEE
En 2005, l'augmentation du revenu disponible brut (RDB) des ménages a ralenti par rapport à l'année précédente et ne s'établit plus qu'à + 3,1 % (après + 4,1 en 2004), principalement à cause d'une progression moins forte des revenus d'activité (+ 2,6 % en 2005 par rapport à + 3,3, % en 2004). Cette tendance se traduit par une décélération du pouvoir d'achat (+ 1,3 % après 2,5 % en 2004). Pour 2006, on s'attend à un retour à l'évolution précédente avec un RDB en augmentation de 4 %. Ce trou d'air dans la progression des revenus s'est également manifesté au niveau de la consommation des ménages, tandis que les dépenses d'investissement de ces derniers sont restées bien orientées.

Balance des paiements : nouvelle dégradation
Rapport annuel
Banque de France
L'année 2005 a été principalement marquée par une nouvelle et forte dégradation du solde des transactions courantes, dans le prolongement de la tendance observée depuis le début de la décennie. Alors que l'excédent courant représentait près de 3 % du PIB en 1999, le déficit apparu en 2004 a plus que quadruplé et s'inscrit désormais au niveau record de - 25,9 milliards d'euros, soit - 1,6 % du PIB. Les soldes très négatifs des biens et des transferts courants sont responsables de cette évolution. Au sein du compte financier, les flux de capitaux entre résidents et non-résidents sont à l'origine de sorties nettes de 15 milliards d'euros en 2005. Dans un contexte de forte croissance de l'économie mondiale et de reprise des opérations de fusions et acquisitions, les investissements directs français (- 41,9 milliards d'euros) ont doublé par rapport à l'année 2004 (- 20,6 milliards d'euros).

Aggravation du déficit commercial
Les Notes Bleues de Bercy
En 2005, le dynamisme des échanges de biens se confirme, mais le déficit commercial, pour moitié imputable à l'alourdissement de la facture énergétique, a triplé depuis 2004 pour atteindre 26,5 milliards d'euros. En dépit d'une augmentation des ventes à l'étranger de biens d'équipements et de biens intermédiaires, le rythme des exportations (+ 4,1 %) reste inférieur à celui des importations (+ 9,2 %). La forte demande des pays d'Asie et des Etats-Unis et le rebond de l'activité des partenaires européens n'ont en effet pas suffi à compenser l'augmentation des importations de biens industriels. La détérioration du solde des échanges avec les pays de l'Union européenne - premier déficit commercial de la France avec la zone depuis 10 ans - est notamment due à l'accroissement des importations en provenance de la plupart des pays membres.

Meilleure maîtrise du budget mais une dette financière accrue
Rapport annuel
Cour des comptes
Alors que l'on s'attendait à un déficit budgétaire accru, en raison notamment de la sous-évaluation du montant de la rémunération des personnels, celui-ci a été moins élevé que prévu même s'il a atteint, en 2005, - 43,5 milliards d'euros. C'est le maintien de l'équilibre des recettes qui a permis la maîtrise du budget. La croissance des ressources fiscales - même si celle-ci a été plus faible qu'en 2004 du fait du ralentissement conjoncturel - et non fiscales, a en effet compensé la croissance du PIB, moins importante que prévue. Certaines opérations de trésorerie, non imputées au budget de l'Etat alors qu'elles auraient dues l'être, ont également contribué à alléger le solde budgétaire ; elles ont en contrepartie pesé sur la dette financière qui s'est accrue de 43,3 milliards d'euros.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

ROYAUME-UNI
L'économie britannique, modèle pour l'Europe ?
Commentaire
Guillaume Lagane
Tony Blair, Premier ministre britannique, vient d'annoncer officiellement qu'il quittera le pouvoir d'ici un an. Après une décennie d'expérimentation de la " troisième voie " et, au moment où celui qui en fut l'incarnation et le promoteur en Europe semble passer de mode, les temps sont mûrs pour les bilans. Les réformes engagées dans les années 1980 par les tories et celles mises en œuvre ensuite par le New labour ont permis au Royaume-Uni de retrouver son rang et de redevenir une économie performante. La Grande-Bretagne, depuis dix ans, connaît une période de croissance ininterrompue. En valeur absolue, le produit intérieur brut (PIB) britannique a dépassé celui de la France. Aujourd'hui, en dépit de certaines faiblesses et d'un essoufflement de la croissance, l'économie britannique - notamment au regard des médiocres performances de l'Europe continentale - reste florissante. Si la Grande-Bretagne continue d'incarner l'ouverture et la modernité et reste, aux yeux de beaucoup, l'exemple même du système économique libéral, certains signes semblent montrer qu'elle pourrait - en particulier sous la houlette d'un Gordon Brown - évoluer plutôt vers un modèle d'organisation sociale de type scandinave.

PROTECTION SOCIALE
Quel sort pour les allocataires de minima sociaux ?
Lettre de l'OFCE
Hélène Périvier
Entre 1976 et 1988, trois minima sociaux - l'allocation parent isolé, l'allocation de solidarité spécifique et le revenu minimum d'insertion - ont été créés en France pour venir en aide à des populations en âge de travailler, a priori aptes à le faire et présentant chacune des besoins spécifiques. Ces minima sociaux représentent aujourd'hui une dépense d'environ 8 milliards d'euros par an dont près des deux tiers pour le RMI. Les rapports critiques contre l'inefficacité du dispositif de minima sociaux se sont multipliés ces derniers mois. Ce dernier est en effet jugé incohérent, compliqué et peu incitatif à la recherche d'un emploi. Faut-il fusionner les minima sociaux ? Comment lutter contre la pauvreté via l'emploi ? L'assistance doit-elle être repensée ? Telles sont désormais quelques-unes des questions qui se posent.

No 2.909
25 octobre 2006

DOSSIER : Les stratégies d'entreprise dans la mondialisation

Vers la fin des avantages comparatifs ?
Journal of Management Studies
David L. Levy
Selon la théorie classique du commerce international, il existe un gain mutuel au libre- échange. L'auteur s'inspire du courant de l'économie politique internationale (EPI), qui différencie la nature des intérêts de chaque acteur de la mondialisation, pour avancer, au contraire, l'hypothèse selon laquelle la création de richesses engendrée par les délocalisations ne profite pas nécessairement à la nation ou aux salariés mais aux actionnaires. Ainsi, selon l'auteur, et contrairement à la théorie de David Ricardo, les avantages tirés de cette stratégie ne seraient pas réciproques. Même si la plupart des salariés retrouvent du travail à la suite à la perte d'un emploi provoquée par la délocalisation de leur entreprise, leur nouveau revenu est généralement inférieur au précédent. De même, les emplois créés dans les pays d'accueil engendrent une croissance rapide de leur revenu national, mais bien des économies en développement restent, si elles ne parviennent pas à attirer des investissements directs à l'étranger (IDE), à la marge de ce processus. Plus qu'un phénomène temporaire, le transfert d'activités à l'étranger pourrait, selon l'auteur, devenir une véritable " arme économique " susceptible d'être utilisée pour modifier l'équilibre des pouvoirs de marché entre l'entreprise, l'Etat et le salarié.

La mondialisation de l'économie n'impose pas une stratégie unique
Futuribles
Michel Drancourt
Professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), Suzanne Berger avait, dans une première enquête réalisée au début des années 1980, révélé les faiblesses de l'économie américaine face à la menace constituée par les économies en croissance rapide du Sud-Est asiatique. Sa deuxième enquête, lancée dans les années 2000 et menée cinq années durant auprès de 500 entreprises dans le monde, conteste l'idée reçue selon laquelle la mondialisation imposerait un modèle unique d'entreprise. Ces dernières développent, au contraire, des stratégies diversifiées. En outre, la multinationale, dont les activités productives étaient, dans les années 1980, " intégrées ", s'est progressivement fragmentée, donnant naissance à un " monde Lego " dans lequel les délocalisations semblent inévitables. Cependant, si celles-ci ont pour seul motif la recherche d'un gain en termes de coût salarial, elles se révèlent souvent décevantes. Suzanne Berger rappelle également que, contre toute attente, l'essentiel de la sous-traitance est encore aujourd'hui dans les pays développés.

Le coût du travail n'est pas le seul déterminant des délocalisations
La Vie des Idées
Entretien avec Suzanne Berger
L'importance du coût du travail dans le choix d'une délocalisation est généralement surestimée. Celui-ci s'impose comme facteur décisif lorsque tous les autres déterminants concernant la qualité de l'infrastructure, l'abondance en ressources et en capital, le niveau de corruption, etc., sont réunis. En dépit de la montée en puissance de géants économiques comme l'Inde et la Chine, la division internationale du travail reste favorable aux pays industrialisés. Ainsi, selon Suzanne Berger, les avantages comparatifs ne sont pas prêts de disparaître et les économies des pays industrialisés ont encore beaucoup à gagner à condition qu'elles ne consacrent pas toute leur énergie à sauvegarder les emplois menacés par les délocalisations mais qu'elles investissent davantage dans les domaines où elles sont les plus compétitives : notamment le design, la recherche et la formation.

Le choix de la localisation : le cas des multinationales françaises en Europe
Economie et Statistique
Jean-Louis Mucchielli et Florence Puech
Dans leur étude sur la localisation de 614 multinationales françaises en Europe, à la veille des années 2000, Jean-Louis Mucchielli et Florence Puech montrent que l'implantation de ces entreprises va autant dépendre des " effets d'agglomération " que du niveau des salaires du pays hôte ainsi que du potentiel marchand - les investissements français sont, en effet, très concentrés et les pays limitrophes, particulièrement privilégiés. Les déterminants du choix de la localisation agissent ainsi aussi bien au niveau régional qu'au niveau national. Aussi, l'importance des " effets d'agglomération " souligne-t-elle la pertinence du développement des politiques favorisant l'attractivité du territoire.


Quelques enjeux autour de la nationalité des firmes
La revue internationale et stratégique
Claude Serfati
Les sociétés transnationales (64 000 à ce jour) et leurs filiales étrangères se multiplient. Ces dernières représentent actuellement une valeur ajoutée de 3 911 milliards de dollars (soit 10 % du produit intérieur brut mondial) et emploient 57 millions de personnes dans le monde. Leur prépondérance est donc devenue bien réelle. L'éclatement des processus de production au niveau mondial a conduit l'auteur à s'interroger sur la nationalité de l'entreprise : comment peut-on la repérer ? A-t-elle un rôle à jouer ? Peut-on encore dire d'une entreprise transnationale qu'elle est américaine, japonaise ou française ? Il semble, pour l'auteur, que les notions de nationalité et de territoire national comptent toujours mais que l'on passerait d'une logique de " pôle de compétitivité " à une logique de " pôle d'attractivité " qui privilégierait davantage le territoire d'implantation (par exemple les Etats-Unis) que la nationalité proprement dite de l'entreprise (par exemple les entreprises américaines) quelle que soit sa localisation.


EGALEMENT DANS CE NUMERO

Education et formation
L'enseignant à travers le regard de la science économique
Travail et Emploi
Jean-Michel Plassard et François Larré
A l'heure de l'économie du savoir et de la connaissance, l'éducation est devenue un enjeu majeur. Dans ce contexte, l'enseignant qui est pourtant au cœur du système éducatif ne fait toujours l'objet, de la part des économistes, que d'un intérêt relativement limité. Avec l'ambition de construire les prémices d'une approche économique de la profession enseignante (enseignements primaire et secondaire) à partir des analyses existantes, les auteurs proposent ici une étude qui permet de mieux comprendre les interactions et les mécanismes d'ajustements à l'œuvre autour de la figure centrale de l'enseignant dans le processus de production de l'éducation.

Inégalités
Les inégalités dans le monde : où en est-on ?
La Lettre du CEPII
Isabelle Bensidoun et Agnès Chevallier
La mesure de l'évolution des inégalités dans le monde est un exercice particulièrement complexe. Il n'existe en effet pas un, mais plusieurs indicateurs des inégalités reposant sur des concepts différents. Ainsi, on comprend mieux que ces indicateurs délivrent sur les tendances à l'œuvre des informations apparemment contradictoires mais qui en réalité se révèlent être plutôt complémentaires. Pour se faire une idée la plus précise possible des inégalités mondiales, il est indispensable d'aller au-delà des moyennes nationales et de prendre en compte les inégalités internes. Sur ce point, les estimations divergent également mais ce sont les données et les méthodes statistiques utilisées qui cette fois expliquent les différences. L'ensemble des études s'accorde dans tous les cas pour indiquer une baisse des inégalités mondiales - due à leur composante internationale - qui s'accompagne, en moyenne au niveau mondial, d'une progression des inégalités internes.

No 2.910
8 novembre 2006

DOSSIER : Le bilan de l'économie mondiale 2005/2006

Une croissance toujours vigoureuse mais vulnérable

Perspectives économiques de l'OCDE
OCDE
En 2005, l'activité économique mondiale est restée vigoureuse. En dépit du ralentissement provoqué par la hausse des prix de l'énergie, la zone OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) est entrée dans sa cinquième année d'expansion. Aux Etats-Unis, l'économie pourrait connaître une légère décélération. Le rythme de l'activité en Europe devrait s'accélérer progressivement. Le Japon a aujourd'hui achevé le redressement de son économie, tandis que la Chine poursuit son expansion. L'économie mondiale n'est pas pour autant exempte de tensions. Certains risques persistent. Les déséquilibres des balances courantes, qui ont atteint des niveaux sans précédent, notamment aux Etats-Unis, sont ainsi susceptibles d'entraîner à terme des perturbations aux conséquences sérieuses.

Ralentissement de la croissance du commerce mondial
Rapport sur le commerce mondial 2006
OMC
En 2005, en raison du ralentissement de la croissance économique mondiale et de l'évolution du marché pétrolier, l'augmentation du commerce des marchandises s'est ralentie en termes réels, tout en restant supérieure à la moyenne des dix dernières années. Dans les pays développés importateurs de pétrole, la hausse des importations a été inférieure de plus de moitié à celle enregistrée en 2004. Compte tenu des médiocres performances économiques de l'Europe et des caractéristiques de ses flux commerciaux - 75 % des exportations sont intra-européennes -, la zone a enregistré en 2005 un net ralentissement de la croissance de ses échanges.

Marchés financiers : des conditions toujours favorables
Rapport annuel
Banque des règlements internationaux
Grâce à la vigueur de l'économie mondiale, les conditions sur les marchés financiers sont restées favorables en 2005 et au début de 2006. A l'exception des obligations à long terme, le resserrement de la politique monétaire dans les pays industrialisés avancés n'a guère eu d'incidence sur les prix des actifs. Les actions et les primes de risque ont bénéficié des fortes révisions à la hausse des perspectives de croissance, principalement en Europe et au Japon. En outre, les évolutions concernant le capital des entreprises ont constitué un facteur supplémentaire de stimulation des marchés : les distributions de dividendes, le rachat d'actions et les fusions-acquisitions se sont en effet orientés à la hausse. Par ailleurs, la stabilité des primes de risque en 2005 n'a pas été affectée par la remontée des taux d'endettement.

Hausse du dollar et des matières premières, mais stabilité de l'inflation
Rapport annuel de la Banque de France
Christian Noyer
L'année 2005 a mis fin à une longue phase de baisse du dollar. La divise américaine s'est en effet affermie de près de 12 % contre l'euro et de plus de 14 % contre le yen. Cette inversion de tendance ne s'est pas produite sur les marchés des matières premières. Au contraire, car les marchés ont continué leur hausse entamée en 2003. Le cours de Brent a ainsi progressé de plus de 40 % en 2005. Malgré cette hausse, l'inflation est restée contenue dans le monde et notamment en Europe. L'inflation de la zone euro a atteint 2,2 % en moyenne annuelle. Depuis 2000, l'inflation totale de la zone euro oscille entre 2,1 et 2,3 % en moyenne annuelle.

Une nouvelle année de croissance de l'IDE
World Investment Report 2006
En 2005, l'investissement direct étranger (IDE) a progressé dans la plupart des sous-régions du monde. Les pays développés restent les principales sources des IDE sortants - les Pays-Bas en première position avec 119 milliards de dollars, la France ensuite (116 milliards de dollars) puis le Royaume-Uni en troisième position (101 milliards de dollars). Cependant, même si l'univers des sociétés transnationales (STN) est toujours dominé par les firmes de la Triade, les entreprises des pays en développement (PED) sont de plus en plus actives dans l'émission des IDE. Ainsi, parmi les 100 premières STN, cinq proviennent du monde en développement. Concernant la destination des investissements, les pays développés ont la part belle : ils connaissent la plus forte hausse des entrées d'investissements avec 542 milliards de dollars, soit 37 % de plus qu'en 2004. Mais la somme investie dans les PED a elle aussi augmenté pour atteindre le niveau record de 334 milliards de dollars.

Le taux de chômage diminue mais la croissance de l'emploi reste modérée
Perspectives de l'emploi de l'OCDE
En 2005, la croissance de l'emploi reste modérée dans la zone de l'Organisation de coopération et de développement économiques - OCDE - (+ 1,1 %), mais celle-ci continue d'être supérieure à la progression de la population active dans la plupart des pays membres. La croissance de l'emploi s'est accélérée dans toutes les économies de la zone, excepté en Allemagne (- 0,2 %) et aux Pays-Bas (- 0,6 %), où l'augmentation du produit intérieur brut (PIB) réel a été faible, et au Mexique (- 0,7 %). Le taux de chômage moyen des pays de l'OCDE a diminué de 0,2 point en 2005 pour se stabiliser à 6,5 % de la population active (contre 6,7 % en 2004) et devrait continuer de régresser. Il reste toutefois particulièrement élevé en Pologne (17,7 %), en République slovaque (16,2 %), en Grèce (10,4 %) et en Turquie (10 %). Le redressement du taux de croissance des rémunérations réelles par salarié masque, quant à lui, de fortes disparités entre les pays européens notamment et reste en deçà de la hausse de la productivité du travail.

La migration internationale se féminise
Etat de la population mondiale 2006
Aujourd'hui les femmes représentent la moitié des 94,5 millions de migrants internationaux. Traditionnellement, elles émigraient pour se marier ou rejoindre leur famille, mais le nombre de femmes émigrant seules ou en compagnie d'autres femmes a considérablement augmenté ces dernières décennies. Elles se voient généralement offrir, dans le pays d'accueil, des emplois moins bien rémunérés par rapport aux hommes et souvent limités aux services domestiques et au secteur tertiaire, même si elles sont bien représentées dans la catégorie des emplois qualifiés en Amérique du Nord et en Europe. Le Rapport sur l'état de la population mondiale 2006 expose les raisons de la migration internationale : dans le monde en développement, la pauvreté, la maladie et le mariage seraient les premières motivations de la migration internationale. Il énonce également ses implications socioéconomiques. L'immigration féminine a ainsi contribué, dans les pays développés, à l'essor de l'industrie du spectacle et du sexe et a participé de ce fait à l'accroissement du produit intérieur brut (PIB) du pays d'accueil : dans quatre pays d'Asie du Sud-Est, par exemple, plus de 2 % du PIB sont générés par ces activités.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

PAUVRETE
2007 comptera, à l'échelle planétaire, plus d'urbains que de ruraux
Financial Times
En 2007, pour la première fois dans l'histoire, la planète comptera plus d'urbains que de ruraux et un citadin sur trois vivra dans un bidonville. La pauvreté urbaine se développe et plus de 560 millions d'êtres humains n'ont actuellement accès ni à l'eau potable, ni à un réseau sanitaire. Les sommes consacrées à l'amélioration de la situation de ces miséreux restent très insuffisantes et les programmes de travaux publics sont appliqués, le plus souvent, à petite échelle, les grands projets courant le risque de s'enliser dans la bureaucratie. Selon les Nations unies, seul un Etat fort peut éradiquer la pauvreté urbaine en étant notamment capable de reorienter les migrations pour éviter la congestion des bidonvilles et de faire appliquer les mesures nécessaires pour limiter la pollution domestique.

INFLATION
L'impact de l'inflation chinoise sur les Etats-Unis et le Japon
FMI Bulletin
Tarhan Feyzioglu
Quelle est le lien entre le niveau d'inflation des pays émergents et celui des pays industrialisés ? La baisse générale, ces dernières années, de l'inflation dans le monde a amené certains à soutenir la thèse selon laquelle les pays émergents, notamment la Chine, faisaient, à travers leurs exportations de marchandises bon marché vers des économies plus matures, baisser les prix dans le reste de la planète. Récemment, l'apparition de tensions inflationnistes qui tendent à se généraliser a conduit au développement d'une argumentation inverse : ce serait cette fois la demande chinoise qui entrainerait la hausse des prix dans le reste du monde. Dans un document de travail, le FMI analyse ces relations. Il montre que rien n'indique vraiment que la Chine ait exporté son inflation au Japon ou aux Etats-Unis ; ce pourrait même être en définitive le contraire.

No 2.911
22 novembre 2006

No SPECIAL : Débats de science économique


Introduction

Où en est la théorie économique au début du XXIe siècle ?
Sociétal
Radu Vranceanu
La théorie économique tente, depuis toujours, de concilier deux phénomènes : la rareté des ressources et la croissance continue de la demande, et cherche à déterminer une allocation optimale des ressources, celle qui permet d'éviter les gaspillages et de combattre les " externalités négatives " (pollution, etc.). L'auteur rappelle brièvement l'objet de la théorie économique depuis le XIXe siècle à nos jours et retrace l'évolution de ses grands principes méthodologiques. Il insiste également sur les difficultés que la théorie a rencontrées pour pallier les inefficacités informationnelles qui ont conduit à la naissance de la théorie des jeux.

Les grandes théories

Les mutations de la politique monétaire
Ecoflash
Sophie Brana
La politique monétaire est probablement la politique économique qui a le plus changé depuis le début des années 1970. L'abandon du système de changes fixes lui permet en effet de trouver une latitude inconnue jusque-là. Elle est utilisée depuis pour atteindre des objectifs précis, comme la croissance ou la lutte contre l'inflation. Ainsi en 1979, Paul Volker, nouveau gouverneur de la Banque centrale américaine, décide d'utiliser l'instrument de la politique monétaire pour stabiliser les prix. C'est le début d'un engagement croissant des banques centrales pour lutter contre l'inflation. Les décennies qui suivent sont surtout marquées par le développement des marchés financiers, caractérisé par les 3 D : déréglementation, désintermédiation et décloisonnement. Les autorités monétaires font face aujourd'hui à de nouveaux défis : d'une part, le processus inflationniste s'étend à d'autres domaines (notamment les prix des actifs financier ou de l'immobilier), d'autre part, l'instabilité financière s'accroît, ce qui pose la question d'une éventuelle réorientation de la politique monétaire.

La théorie financière classique : une parenthèse de 50 ans ?
Gérer et comprendre
Hélène Rainelli-Le Montagner
Depuis la fin des années 1990, la théorie financière classique est remise en cause par l'apparition de plusieurs phénomènes : le développement de la bulle financière et le krach de l'Internet, d'une part, la multiplication des scandales financiers, de l'autre. En réaction, un ensemble foisonnant de travaux en rupture avec le paradigme dominant, s'est développé. Au centre de la critique : l'individualisme méthodologique. On a pris l'habitude de regrouper ces travaux sous l'appellation de " finance comportementale ". Ce nouveau courant redécouvre des descriptions du XIXe et du début du XXe siècle, avant la mathématisation des années 1950 et 1960. Néanmoins, les nouveaux théoriciens doivent relever un défi important : efficaces dans la critique des modèles classiques, ils doivent encore prouver leur capacité à élaborer des outils de décision pertinents. C'est sur ce socle que s'est fondée la finance mathématisée.

La mondialisation au regard des théories du commerce
Idées
Pascal Le Merrer
Pourquoi échanger ? Comment l'intégration internationale affecte-t-elle les inégalités ? La libéralisation des échanges est-elle bénéfique pour la croissance ? Les théories du commerce peuvent apporter des réponses à ces questions. L'auteur constate que - au niveau théorique - l'ouverture génère deux types de gains : des gains d'échange liés à la modification de la structure des prix relatifs et des gains de spécialisation liés à la réallocation des facteurs vers les pays disposant d'une production plus efficace. Mais ces résultats ne sont pas dans les pays concernés synonymes d'effets positifs pour tout le monde, car si la mondialisation s'appuie aujourd'hui sur l'intégration commerciale, elle s'accompagne également - à travers l'externalisation d'activités - d'une tendance à la désintégration de la production. Cette désintégration est considérée par certains comme une désindustrialisation, par d'autres comme une simple transformation de la gestion des activités productives.

Les penseurs

Deux " prix Nobel " pour la théorie des jeux
Revue d'économie politique
Christian Schmidt
Le jury de Stockholm a, en 2005, récompensé pour la seconde fois, la théorie des jeux, en attribuant le " prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel " au mathématicien Robert J. Aumann et à l'économiste Thomas C. Schelling pour leurs travaux consacrés aux jeux coopératifs et non coopératifs. Les études de John F. Nash, John C. Harsanyi et Reinart Selten, lauréats en 1994, avaient en commun d'utiliser les premières recherches de Nash. L'éloignement des méthodes utilisées par les lauréats de 2005, suscite l'interrogation de l'auteur sur les raisons qui ont motivé, cette année, le jury dans l'attribution du prix aux deux chercheurs. Voulait-il récompenser la variété des outils qu'offre la théorie de jeux ou avait-il, au contraire, conscience du possible rapprochement des deux œuvres présentant alors une unité cachée ? L'auteur retient la seconde hypothèse. Il semble, en effet, que les deux lauréats aient été conduits par la même interrogation de départ sur les croyances guidant les joueurs dans leurs décisions individuelles dont les implications sont collectives.

L'énigmatique " théorème de Coase "
Revue économique
Elodie Bertrand
Considéré comme le père de la théorie des coûts de transaction, Ronald Coase s'attaque, dans un article de 1959, à l'analyse pigovienne des externalités en montrant qu'il est possible de les internaliser, sans coûts de transaction, par la voie de la négociation bilatérale, à partir d'une dotation initiale des droits de propriété. La négociation entre les deux agents les amènera à s'entendre sur le prix de l'externalité et son niveau. Cette critique coasienne de l'analyse pigovienne est contenue dans le " théorème de Coase ". L'apport de Coase est majeur car ainsi, les externalités ne constitueraient pas un obstacle à l'optimalité, ce qui est contraire à la microéconomie usuelle. Or, si dans un cadre de marchandage bilatéral, les hypothèses de concurrence pure et parfaite (CPP) - qui justement ne prévoient pas l'existence d'effets externes - ne sont plus nécessaires pour mener à l'efficience, alors le théorème devient une critique du modèle CPP. Mais cette thèse coasienne de l'efficience, rappelle l'auteur, ne fait pas l'unanimité et les interprétations du théorème sont nombreuses ce qui l'expose à diverses critiques sur son aspect tautologique et sur le problème, non résolu, du partage de surplus après négociation.

Les méthodes

Le sursaut de la productivité américaine : réalité ou illusion statistique ?
L'Economie politique
Francisco Vergara
Etablir des comparaisons internationales en économie est une tâche particulièrement délicate. Le thème de la productivité du travail offre une illustration parfaite de ce problème. Depuis le début des années 2000, de nombreux rapports indiquent que, dans la deuxième moitié des années 1990, l'Europe aurait été distancée par les Etats-Unis en matière de productivité du travail. Une explication répandue de ce décrochage est le manque de flexibilité des marchés sur le Vieux Continent, qui aurait empêché une exploitation efficace du potentiel offert par les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Mais nombreux sont aussi les experts qui estiment cette explication insuffisante puisqu'elle n'est pas confirmée par des analyses approfondies. Les statistiques officielles montrent pourtant bel et bien, depuis une décennie, une accélération de la productivité horaire au Etats-Unis et un ralentissement en Europe. En réalité, il semble que les branches pour lesquelles des gains de productivité importants ont été réalisés aux Etats-Unis se limitent tout compte fait au commerce de gros, au commerce de détail et aux services financiers. Pour le reste, une bonne partie de l'écart constaté s'expliquerait par les différences de méthodes mises en œuvre par les comptables nationaux, de part et d'autre de l'Atlantique, pour mesurer la productivité du travail.

L'évolution des hauts revenus : une perspective historique et internationale
The American Economic Review
Thomas Piketty et Emmanuel Saez
Longtemps, les nombreux chercheurs qui s'intéressent aux inégalités de revenus dans les pays développés ne disposaient pour leurs travaux que de bases de données parcellaires et sans aucune homogénéité. Un des objectifs du projet de recherche collectif conduit par les auteurs était de remédier à cette situation. C'est désormais chose faite avec la constitution d'une base de données de qualité - même si, en raison de la méthode utilisée pour sa réalisation, celle-ci n'est pas exempte de limites - qui concernant les concentrations de revenu et de patrimoine couvre le plus grand nombre possible de pays et d'années. Après une description rapide de cette nouvelle base de données, les auteurs présentent, ici, quelques-uns des résultats de leur recherche. Leur étude confirme entre autres que la réduction des inégalités est en grande partie la conséquence des chocs économiques violents subis par les détenteurs du capital au cours de la période 1914-1945 ou bien encore que les cadres dirigeants (working rich) ont progressivement remplacé les rentiers de l'entre-deux-guerres au sommet de la hiérarchie des revenus au XXe siècle.

Le plagiat chez les économistes
Challenge
Walter Enders et Gary Hoover
La recherche est par excellence une activité intellectuelle parmi les plus exposées au risque du plagiat. La profession d'économiste n'échappe pas à la règle et compte dans ses rangs nombre de plagiés et de plagiaires. Les auteurs présentent, ici, les résultats d'une enquête récente menée auprès de 18 000 économistes dans le monde afin de cerner de façon plus précise les contours de ce fléau. Il en ressort que le phénomène semble prendre de l'ampleur et que les chercheurs comme les rédacteurs en chef des revues confondent couramment le plagiat avec le non-respect des droits d'auteur. Autre information préoccupante il apparaît que rien , dans bien des cas, ne soit vraiment mis en œuvre pour combattre cette pratique.
No 2.912
6 décembre 2006

DOSSIER : Experts et think tanks, quel modèle de conseil ?


Le rôle des think tanks
Accomex
Pierre Lepetit
Les think tanks passent pour des institutions liées spécifiquement à la culture anglo-saxonne. Aux Etats-Unis, ils sont le fruit d'une tradition de démocratie pluraliste. En Europe, où les think tanks font l'objet d'une certaine curiosité, ils commencent à se développer. Toutefois, ces institutions qui n'appartiennent pas à la culture politique française, suscitent plutôt la méfiance. Celle-ci se traduit notamment par le fait qu'aucune traduction ne rende complètement compte de la réalité que recouvre l'expression think tank. Qualifiés de " réservoir à penser ", de " boîte à idées ", de " laboratoires politiques ", voire d' " officine d'intérêts ", les think tanks offrent néanmoins une nouvelle forme de participation à la vie politique et économique et peuvent rendre l'expertise plus efficace.

Expertise et conseil en France : un modèle centralisé et élitiste
Colloque AFSP
Xavier Carpentier-Tanguy
En France, il existe peu de structures qui sont clairement identifiables comme think tank, c'est-à-dire comme structures d'expertise indépendante. Ce phénomène s'explique par un ensemble de raisons historique, politique et sociologique qui renvoie à une approche particulière de la sphère publique et à une distinction nette entre cette dernière et l'Etat qui sont spécifiques à la France. Ainsi, le principal obstacle au développement des think tanks est l'existence d'un Etat intégrant lui-même la plus grande partie des structures d'expertise. Présents dans ou autour des cabinets ministériels, ces structures sont souvent composées de collaborateurs personnellement choisis par les ministres ce qui réduit leur capacité d'action permanente. La France dispose néanmoins d'un certain nombre de structures d'expertise extérieure. L'auteur propose ici un tour d'horizon de ces différents organismes.

Expertise et conseil en Allemagne : gérer l'abondance
Regards sur l'économie allemande
Markus Gabel et René Lasserre
Entre 130 et 150 instituts de recherche et centres d'expertise (environ 20 % de la capacité européenne) sont basés outre-Rhin. En termes quantitatifs, l'Allemagne se place ainsi en deuxième position dans le monde après les Etats-Unis. Ce paysage allemand des think tanks est particulièrement diversifié, reflétant à la fois le polycentrisme des centres décisionnels et le haut degré d'organisation de la société civile. Cette structure nécessite et induit une production abondante d'expertise et de conseil. Cependant, cette abondance du côté de l'offre n'est pas pour autant synonyme d'une intégration efficace des avis émis par les think tanks dans le processus de décision politique. Par ailleurs, l'expertise économique semble de plus en plus nettement dissociée de ce processus qui tend à faire appel à de nouvelles formes de conseil scientifique jugées plus opérationnelles.

Conseil économique institutionnel : trois pays, trois modèles
Rapport du Sachverständigenrat
Wolfang Wiegard
Des organismes dédiés au conseil en matière de politiques économiques existent dans de nombreux pays. Leurs formes varient en fonction des conditions institutionnelles et des traditions politiques. L'auteur présente et compare trois institutions phare de conseil dans trois pays différents : le Council of Economic Advisers (CEA) aux Etats-Unis, le Sachverständigenrat (SVR) en Allemagne et le Conseil d'analyse économique (CAE) en France. Le CEA est intégré à l'administration et participe directement à l'action gouvernementale. Le SVR, quant à lui, se situe totalement en dehors des rouages politiques et est davantage un organisme d'évaluation que de conseil. Enfin, le CAE se positionne d'une certaine manière entre les deux institutions précédentes. Il n'est ni à l'extérieur ou à l'intérieur de l'action politique mais relève davantage de la commission d'experts permanente.

De l'expertise aux politiques publiques : l'exemple de l'Allemagne, des Pays-Bas et de la Suède
IZA - Discussion paper series
Werner Eichhorst et Ole Wintermann
Les réformes de l'Etat-providence et du marché du travail sont devenues des domaines majeurs de l'action politique. Les auteurs analysent comment, dans trois pays européens, l'action des think tanks arrive dans ce domaine à peser sur l'action politique. En Allemagne, pays caractérisé par une abondance en matière d'expertise indépendante, la réforme récente du marché du travail a largement mobilisé les commissions d'experts temporaires, affaiblissant ainsi la traditionnelle expertise corporatiste. Les Pays-Bas ont quant à eux instauré un système de " fléxicurité " grâce au bon fonctionnement de l'expertise dans le cadre d'un réseau efficace de partenaires sociaux. Enfin, la Suède qui possède un système de conseil très performant, enregistre également la montée en puissance de commissions ad hoc. De ces trois exemples, les auteurs déduisent notamment que l'expertise est souvent moins efficace si elle est trop fragmentée et doit faire face à un gouvernement plutôt faible. Dans ce cas, le recours à des commissions ad hoc est à préconiser.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

BRESIL
Politique économique : le dilemme de Lula
La Lettre du CEPII
Jérôme Sgard
En dépit des bénéfices de la politique orthodoxe du premier mandat de Lula (réélu le 29 octobre 2006) - la réduction de la dette publique, la hausse de l'excédent budgétaire primaire et la relance des exportations sont à compter parmi les résultats positifs -, la croissance brésilienne n'est pas au rendez-vous. La pression fiscale excessive (37,5 % en 2005), essentiellement supportée par la classe moyenne, ainsi que le niveau élevé des taux d'intérêt l'ont en partie condamnée. Or, pour relancer la croissance, Lula dispose, à l'occasion de son second mandat, d'une marge de manœuvre extrêmement réduite. Le Président brésilien devra en effet convaincre de la soutenabilité de la dette sans avoir recours ni aux coupes budgétaires ni à l'élévation des prélèvements fiscaux. Fâcheux dilemme...

PHILANTHROPIE
La naissance du philanthrocapitalisme
The Economist
The Gospel of Wealth, ouvrage classique de la littérature philanthropique, dont l'auteur n'est autre que le célèbre Andrew Carnegie, continue, plus d'un siècle après sa parution, à faire des adeptes. Bill Gates, l'homme le plus riche d'Amérique, et peut-être du monde, a ainsi annoncé en juin dernier, suivant les préceptes développés par Carnegie, que dès 2008, il se consacrera à plein temps à la gestion de la fondation qu'il a créée avec sa femme. Un autre milliardaire américain, Warren Buffett, n'est pas en reste et vient, justement de léguer l'essentiel de sa fortune, quelque 31 milliards de dollars à la Fondation Gates. La philanthropie se porte donc bien, notamment aux Etats-Unis, où les initiatives caritatives sont légion. Les nouveaux philanthropes sont toutefois de plus en plus nombreux à prendre leur distance avec les méthodes traditionnelles de gestion des fondations. Ils cherchent, en effet, à rendre leurs structures plus efficaces financièrement et socialement, tout en continuant à rêver à l'avènement du philanthrocapitalisme.

ENDETTEMENT
Les raisons de l'endettement excessif des ménages américains
Revue du MAUSS
Paul Jorion
Les Etats-Unis avec, depuis les années 1980, un taux d'épargne des ménages proche de zéro, font figure d'exception parmi les nations occidentales, où des taux de plus de 10 % sont plutôt la norme. Certains expliquent cette situation par l'optimisme qui prévaudrait aux Etats-Unis quant aux perspectives économiques incitant la population à consommer plutôt qu'à épargner ; d'autres incriminent le mode de calcul du taux d'épargne qui ne reflèterait pas la réalité. Selon l'auteur, l'endettement des Américains est en réalité une histoire ancienne liée à la culture de l'endettement propre au processus de colonisation du pays. Quant au nouveau contexte de l'endettement - après 1980 -, il s'explique essentiellement par deux innovations dans la technologie des instruments financiers : le rating des consommateurs et l'utilisation optimale de la maison d'habitation comme gage de nouveaux emprunts.
No 2.913
20 décembre 2006

DOSSIER : Japon : sortie de crise, à quel prix ?

Japon : l'économie la plus dynamique du G7
Finances et Développement
Daniel Citrin et Alexander Wolfson
L'économie nippone semble s'être remise de la crise bancaire des années 1990. Le taux de croissance de 3 % enregistré au cours des quatre dernières années et l'amélioration des principaux agrégats macroéconomiques marquent le retour du Japon sur la scène économique internationale et nous font oublier combien le pays a souffert. Il semble toutefois que les rigidités structurelles qui caractérisent l'économie, notamment sa population vieillissante, peuvent constituer des obstacles sérieux à son dynamisme.

Le Japon tire les leçons de sa crise bancaire
The Economist
La décision prise par la Banque centrale japonaise en juillet 2006 d'augmenter légèrement le taux directeur au Japon a été reçue avec enthousiasme parce qu'elle adressait aux autres puissances économiques un signal positif, révélateur du meilleur état de santé de l'économie nippone. La politique du " taux d'intérêt 0 " a en effet été menée pendant de longues années pour tenter d'enrayer une crise qui a duré presque 15 ans. Le relèvement du taux directeur se fait en l'occurrence avec prudence car c'est précisément une décision semblable qui avait précipité l'emballement des prix de l'immobilier et l'écroulement du marché financier japonais, qui avait déjà été ébranlé par le krach de Wall Street en 1987. Une partie du capital des banques avait d'ailleurs disparu avec la chute des actions. L'injection de fonds publics n'a pas suffi à relancer l'économie et seul l'abaissement brutal du taux d'intérêt conjugué à une politique d'assainissement des crédits a permis d'éviter la catastrophe.

La montée de la précarité de l'emploi au Japon
Chronique internationale de l'IRES
Bernard Thomann
L'emploi à vie qui, auparavant, était la caractéristique principale du marché du travail japonais est, depuis les années 1990, progressivement remis en cause. La prédominance de ce type d'emploi, par définition peu flexible, a incité les pouvoirs publics à transformer la structure du marché du travail et a ainsi paradoxalement conduit à une progression rapide des emplois précaires (jusqu'à 28 % en 2001). Même si la proportion des salariés ayant un contrat à durée indéterminée reste importante, les transformations dans les méthodes de recrutement ont accentué les inégalités de revenus et de conditions de travail en faveur des salariés des grandes entreprises.

De plus en plus de sans-abri au Japon
Cités
David Antoine Malinas
Le Japon était encore, au début des années 2000, le dernier pays développé épargné par le phénomène des sans-abri. Mais au cours de la décennie perdue (1980-1990), le nombre d'exclus a été multiplié par plus de 50. On en dénombrait, en 2002, environ 25 000. En comparaison avec les autres économies industrialisées, ce nombre reste, il est vrai, marginal - il est évalué, par exemple en France, à 80 000 (pour une population moitié moins nombreuse). Mais ce phénomène, apparu récemment et qui se développe rapidement, n'en est pas moins inquiétant. Il concerne en effet des hommes âgés et sédentaires. Ils sont généralement regroupés dans les yoseba, des espaces publics municipaux, afin d'échapper au regard des citadins qui tendent à les rejeter en raison de l'image négative dont ils sont porteurs dans la société japonaise.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

UNION EUROPEENNE
Les PECO, sont-ils les bienvenus dans la zone euro ?
La Lettre de l'OFCE
Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak
Les nouveaux pays membres (NPM) de l'Union européenne (UE) sont tenus par la Constitution de se préparer à intégrer le plus rapidement possible la zone euro. L'entrée dans l'union monétaire suppose de satisfaire aux critères de Maastricht, critères dont la justesse fait désormais débat après plusieurs années de fonctionnement de la zone. De plus, compte tenu des déséquilibres spécifiques que présentent les économies des NPM, ces critères ne semblent pas, de toute façon, les plus adaptés. Est-il en outre légitime - au risque de compromettre leur croissance - d'imposer aux NPM des contraintes auxquelles les membres actuels ne se plient pas toujours ? Si la rigidité institutionnelle de l'UE empêche toute réforme, les autorités européennes conservent toutefois une marge de manœuvre concernant l'interprétation des critères d'adhésion. En 2007, seule la Slovénie sera en mesure d'entrer dans la zone euro. Cette situation devrait conduire les autorités européennes à une réflexion sur le fonctionnement d'une zone monétaire qui ne semble pas, aujourd'hui, toujours très satisfaisant.

REGULATION
Crédit à la consommation : protéger le consommateur contre lui-même
Vingtième siècle
Alain Chatriot
Le crédit à la consommation, qui n'a fait l'objet que de rares travaux en sciences sociales, a connu un grand succès en France depuis les années 1950, tout en suscitant inquiétudes et réticences. Il fait intervenir un nombre très varié d'acteurs (Etat, syndicats, associations de consommateurs, etc) et comporte des enjeux à la fois économique, juridique et social. L'encadrement réglementaire de cet outil emblématique de la société de consommation est le résultat d'un débat d'idée fécond, alternant interprétation positive (comme par exemple la réduction des inégalités matérielles) et négative (comme notamment le problème du surendettement). Aujourd'hui, malgré un cadre réglementaire visant à protéger le consommateur, le crédit à la consommation reste un instrument singulier de la vie économique, à la fois accepté et perçu avec une certaine suspicion.

POLITIQUE MONETAIRE
Expliquer l'évolution de la masse monétaire de la zone euro
La lettre des études économiques
Alexandre Bourgeois
La Banque centrale européenne (BCE) est, depuis décembre 2005, engagée dans un processus de remontée de ses taux directeurs. Cette politique est dictée, en grande partie, par l'évolution des variables monétaires, car actuellement ni le niveau de l'inflation (il se situe très près de sa moyenne sur 10 ans), ni le faible pouvoir de négociation des salariés de la zone euro (on enregistre une stagnation des salaires réels sur un an) ne justifient une augmentation des taux. La BCE craint en effet une progression plus forte que prévue de la masse monétaire. L'auteur s'interroge sur le bien-fondé de ces craintes. Pour cela, il revient sur la place de la monnaie dans la science économique, ainsi que sur les principales théories expliquant l'évolution de la masse monétaire.

2007

 

No 2.914
3 janvier 2007

DOSSIER : Migrations internationales : quels effets sur les économies ?

Les migrations internationales : du XIXe siècle à 2030
Finances et Développement
Jeffrey G. Williamson
Au cours des deux derniers siècles, le monde a connu deux vagues de migrations mondiales massives. La première, qui a débuté au XIXe siècle, a vu notamment, entre 1820 et 1920, 60 millions d'Européens pauvres émigrer pour le Nouveau Monde. La deuxième vague, qui démarre après la Seconde Guerre mondiale, s'est accélérée de façon spectaculaire à partir des années 1990 et de la seconde ère de mondialisation. Le " cycle de vie " d'une émigration massive est à chaque fois le même et les facteurs économiques qui déterminent le phénomène se reproduisent à l'identique. Deux régimes caractérisent généralement l'histoire de l'émigration dans un pays : le premier est conditionné par l'offre d'émigrants, le second par la demande. L'analyse des migrations massives, passée et présente, est donc essentielle et nous éclaire sur les flux mondiaux futurs.

La fuite des cerveaux entrave-t-elle la croissance européenne ?
Regards économiques
Frédéric Docquier et Abdeslam Marfourk
L'Union européenne (UE-15) est la seule des grandes puissances économiques mondiales qui enregistre un déficit dans ses échanges de main-d'œuvre qualifiée avec le reste du monde. Cet exode des cerveaux touche en particulier les qualifications très élevées et/ou les secteurs de pointe et met en péril les performances européennes en matière de recherche et développement dans des domaines clés comme la biotechnologie, la recherche médicale, la chimie, la nanotechnologie, les technologies de l'information et des communications. Le déficit européen en matière de migration qualifiée s'explique par une politique d'immigration peu sélective et par des conditions de travail et des perspectives de carrière bien moins attractives que celles offertes aux Etats-Unis ou au Canada.

Les stratégies de la Chine pour faire revenir sa matière grise
Revue internationale du travail
David Zweig
À partir des années 1990, la Chine, de plus en plus engagée dans la compétition économique internationale, a pris conscience, afin d'améliorer le niveau des sciences et des technologies du pays, de la nécessité de laisser ses étudiants partir librement se former à l'étranger, tout en se donnant les moyens de les convaincre de rentrer ensuite. Les nombreux programmes mis en place par le gouvernement central et les municipalités pour faire revenir les scientifiques et les universitaires - dans un contexte de forte croissance économique - ont permis de créer un climat propice à ces retours. Aussi, en dépit du maintien d'un régime politique autoritaire, assiste-t-on, depuis plusieurs années, au retour de dizaines de milliers de chercheurs ou d'entrepreneurs qui ont fait leurs classes dans les meilleures universités étrangères.

Le rôle des transferts de fonds des émigrés dans le développement
Perspectives des migrations internationales
Les transferts de fonds internationaux des émigrés vers les pays en développement représentaient, en 2002, 149,4 milliards de dollars. Si l'investissement direct étranger (IDE) et les mouvements de capitaux au profit des PED ont chuté au cours des dernières années, les transferts de fonds opérés par les migrants n'ont cessé d'augmenter, de façon spectaculaire. Leur rôle dans la croissance et le développement et leur importance pour compenser la perte de capital humain subie par les PED en raison des migrations ont été mis en évidence dès le début des années 1980. Les auteurs font ici un examen détaillé des déterminants des transferts de fonds, des circuits empruntés pour effectuer ces transferts et de l'impact économique de ces opérations sur les pays destinataires.


EGALEMENT DANS CE NUMERO

ECONOMIE SOUTERRAINE
Pourquoi réprimer l'offre n'affaiblit pas le trafic de drogues
Revue Economique
Sylvaine Poret
Depuis les années 1980, les politiques de lutte contre l'offre de drogues illicites se sont durcies dans la plupart des pays. En dépit du renforcement de ces politiques répressives, le narcotrafic s'est amplifié et le chiffre d'affaires du commerce mondial de drogues illégales, actuellement évalué à un montant compris entre 300 et 500 milliards de dollars, est plus important que celui des industries pétrolière et automobile. L'auteur s'interroge sur les raisons de cet échec ainsi que sur le comportement stratégique des acteurs du marché. Les saisies, les arrestations, les sanctions devaient, selon les principes de l'économie des organisations, en provoquant une augmentation des coûts de production, affaiblir le trafic et ainsi faire baisser la consommation. Mais ces politiques répressives ne sont pas parvenues à diminuer l'offre globale. Même si celles-ci ont, dans certains Etats (Pérou et Bolivie), permis une réduction importante des cultures, notamment de coca, elles n'ont fait que " déplacer " l'offre dans d'autres pays (Colombie). La répression a également eu pour conséquence de modifier la structure de la filière en l'étirant, ce qui a permis à de nouveaux acteurs parfaitement complémentaires et indépendants d'apparaître et de se partager le risque et le coût total du trafic.

SERVICES
Les services à la personne en France, un secteur méconnu mais porteur
Horizons Bancaires
Estelle Honthaas
Bien réels, mais peu connus encore à ce jour en raison notamment de la difficulté que les économistes ont à les évaluer, les services à la personne sont un des secteurs les plus dynamiques en France : ils représentent 3 % du produit intérieur brut (PIB) et emploient plus de 1,3 million de personnes. Les études montrent que ces services ont un impact macroéconomique positif important sur la société : ils contribuent à son bien-être, offrent de nombreux emplois et constituent un potentiel considérable de croissance économique. Le plan proposé par le ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, Jean-Louis Borloo, en juin 2004, contribue d'ailleurs à en faire la promotion. L'auteur revient cependant sur les obstacles à leur expansion. La fragmentation de l'offre des services à la personne et la répartition inégale du recours aux services à domicile, tant aux niveaux géographique que social, tendent en effet à limiter leurs effets positifs sur l'économie.

RECHERCHE ET DEVELOPPEMENT
La réforme de la recherche publique au Japon : une rénovation en cours
Gérer et comprendre
Hiroatsu Nohara
Le Japon, qui a traversé une longue crise d'une quinzaine d'années, est désormais fermement décidé à se doter des moyens nécessaires pour affronter la compétition économique internationale. La réforme de la recherche publique est au cœur de cette stratégie. L'objectif est ambitieux, puisqu'il s'agit de faire du pays un leader mondial dans ce domaine. Les pouvoirs publics escomptent rapidement créer dans l'Archipel une trentaine d'universités qui seront " les meilleures du monde ". Des relations contractuelles ont été établies entre les universités et l'industrie, tandis que de nouvelles règles d'encadrement de la recherche ont été instaurées comme l'autonomie de gestion du budget, du personnel et des brevets, l'obligation de résultats, la rentabilisation des brevets ou la " défonctionnarisation " des chercheurs.

No 2.915
17 janvier 2007

DOSSIER : Commerce mondial : avec ou sans l'OMC ?

L'OMC victime de la mondialisation ?
Ramses
Jean-Marie Paugam
L'Organisation mondiale du commerce (OMC) est contestée. Ses détracteurs mettent en cause son rôle moteur dans la mondialisation, sa responsabilité dans le déséquilibre de l'économie mondiale au regard des principes du développement durable et l'inefficacité, voire l'injustice de sa doctrine basée sur le libre-échange. Au-delà de ces critiques, l'OMC a du mal à confirmer son hégémonie sur le système commercial multilatéral et traverse une période de crise : échec des négociations commerciales, prolifération des accords régionaux, tensions protectionnistes. Ces difficultés ne sont cependant pas surprenantes compte tenu des mutations du système de négociation commerciale internationale depuis une vingtaine d'années : passage de simples pourparlers à la régulation du commerce mondial, intégration des pays en développement et organisation d'une gouvernance mondiale.

Doha : les raisons d'un échec
La Lettre du CEPII
David Laborde et Lionel Fontagné
Le 28 juillet 2006, le Conseil général de l'OMC a décidé de suspendre le cycle de Doha. Les pays membres ne sont pas parvenus à s'entendre sur un compromis basé sur les exigences minimales des grands acteurs, car les négociateurs ont à tout prix cherché à équilibrer les concessions accordées en matière agricole par des concessions sur les biens industriels. Une simulation des gains à attendre de ce compromis peut expliquer les raisons du blocage actuel. Au niveau mondial, les gains auraient été très faibles et inégalement répartis et les concessions demandées à chaque Etat n'auraient pas été dénuées de coûts politiques. Pour réactiver les négociations, leur périmètre devrait donc être élargi, par exemple en y intégrant les services.


L'OMC entre régionalisme et multilatéralisme
Document de travail - Union interparlementaire
Donald H. Oliver
L'Organisation mondiale du commerce (OMC) est confrontée à la prolifération d'accords régionaux qui viennent défier le multilatéralisme qu'elle encourage et soutient. Les accords régionaux ou bilatéraux comportent certains avantages, notamment la plus grande rapidité et facilité avec lesquelles ils peuvent être conclus. Mais bien qu'ils favorisent le commerce, les accords régionaux - outre le coût administratif qu'ils entraînent - ne peuvent pas régler des problèmes plus complexes, ni traiter la question des pays en développement. La poursuite du multilatéralisme paraît ainsi indispensable.

L'OMC et les entreprises
ACCOMEX
Béatrice Richez-Baum
Les négociations commerciales menées dans le cadre de l'OMC impliquent des rapports de force entre Etats, alors que les enjeux concernent directement les entreprises. L'actuel cycle de négociation (Doha), orienté vers le développement, a encore accentué ce décalage. Les entreprises risquent de finir par se désintéresser de négociations qui s'inscrivent davantage dans le long terme, ce qui n'est pas forcément compatible avec leurs objectifs. Cette situation est renforcée par le nombre très limité, au niveau international, de structures regroupant des entreprises et permettant un débat sur l'importance et le rôle de l'OMC. Seules quelques grandes entreprises ou fédérations d'entreprises ont par exemple des collaborateurs à Bruxelles avec mission de suivre les dossiers de l'OMC, d'autres encore se concentrent sur les négociations bilatérales où les objectifs s'inscrivent davantage dans le court terme.

Une voie pragmatique pour sortir l'OMC de la crise
Rapport d'information du Sénat
Jean Bizet
Compte tenu de l'importance du multilatéralisme, le rôle potentiel de l'OMC en tant qu'arbitre du commerce mondial ne fait guère de doute. Si des différences substantielles continuent de diviser les membres sur le fond, il y a assurément moyen de renforcer l'efficacité fonctionnelle de l'OMC. Deux niveaux de réformes sont envisageables : d'une part, peuvent être engagées des mesures visant à améliorer la procédure de négociation (comme une meilleure organisation des enceintes de négociation et un renforcement du rôle du Directeur général de l'OMC), de l'autre, on peut imaginer doter l'Organisation de moyens qui permettraient de renforcer sa légitimité (comme une meilleure association des acteurs non gouvernementaux et des parlements nationaux ou le renforcement de la coopération qu'elle réalise avec les autres institutions internationales, notamment l'ONU).

EGALEMENT DANS CE NUMERO

UNION EUROPEENNE
Quel modèle de compétitivité pour l'UE ?
Reflets et perspectives de la vie économique
Bruno Amable
L'Union européenne (UE) parviendra-t-elle à devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive en 2010 (objectif qu'elle s'est fixé dans le cadre de la stratégie de Lisbonne) ? Tous les indicateurs disponibles pour mesurer l'avancée de la zone en termes d'innovation montrent le retard de l'UE au regard de ces objectifs. Mais ce constat n'est pas nouveau et les Etats s'inquiètent toujours davantage des résultats présentés chaque année par les économistes. L'analyse de l'auteur apporte ici en revanche un regard neuf sur les raisons de ce retard. L'inadéquation des institutions ne constitue pas, selon lui, une réponse satisfaisante à l'échec du processus de Lisbonne. Celui-ci serait plutôt dû à l'analyse erronée qui est faite de la dynamique du capitalisme en Europe. Trop attachée à décrire la supériorité du capitalisme financier dans la zone, cette analyse rejette au second plan les particularités nationales. L'auteur leur rend toute leur importance et considère qu'elles sont la clé pour qui veut comprendre le retard de l'UE en termes de compétitivité.

CONSOMMATION
La baisse de la consommation de tabac s'accentue depuis 2003
INSEE Première
Danielle Besson
Depuis la loi Evin de 1991, le prix du tabac a fortement augmenté en France. Les achats à prix constants ont reculer de 3,4 % par an en moyenne. La baisse de la consommation de tabac s'est accentuée dans la période récente avec une chute d'environ 30 % des achats en volume de tabac en France entre 2002 et 2004. Les achats de tabac dans les pays frontaliers ont toutefois augmenté au cours de cette période et représenteraient près de 6 % des achats sur le territoire français. La part de leur budget que les Français consacrent au tabac est de 1,7 %, soit moins que la moyenne européenne (2 %). Avec des prix plus élevés et une consommation plus faible que dans la plupart des Etats de l'Union européenne, le dispositif législatif de lutte contre le tabagisme semblerait donc avoir, en France, un effet dissuasif sur certains consommateurs.

DISTRIBUTION
Les marques de distributeurs : une stratégie d'enseigne gagnante
INRA - Sciences sociales
Fabian Bergès-Sennou, Sylvette Monier-Dilhan et Valérie Orozco
Au cours des trente dernières années, la grande distribution a beaucoup changé. Dans les années 1970, il s'agissait surtout de proposer aux consommateurs des produits à bas prix grâce aux volumes élevés commandés aux producteurs des grandes marques - aujourd'hui la grande distribution joue un rôle beaucoup plus actif. Ce changement se manifeste notamment à travers la gestion de ses propres marques, les marques de distributeurs (MDD). Pour une majorité de produits, les consommateurs peuvent aujourd'hui choisir entre les marques nationales (MN) et la marque du détaillant. L'intérêt de cette stratégie est double : concurrencer les marques nationales et segmenter la demande par une offre différenciée. Plus récemment, la grande distribution s'est fixée un troisième objectif stratégique : lutter contre les magasins pratiquant le maxidiscompte (le hard-discount).

No 2.916
31 janvier 2007

DOSSIER : La controverse autour du pouvoir d'achat

Que cache le sentiment d'une baisse du pouvoir d'achat ?
Chroniques
Les Français ont l'impression que, depuis 2002 et le passage à l'euro, les prix ont fortement augmenté et que leur pouvoir d'achat se dégrade alors que les statisticiens ne constatent aucune hausse prononcée des prix. Les calculs officiels manqueraient-ils de transparence ? En réalité, les indicateurs sont fiables mais ils ne sont valables que si l'on considère la totalité des ménages quels que soient leur taille, la catégorie socioprofessionnelle, les habitudes de consommation et le revenu. Chaque ménage, lui, perçoit son pouvoir d'achat en fonction de l'ensemble de ces conditions et se voit en outre effectuer des dépenses de plus en plus contraintes (loyers, etc.). La vision des Français concernant l'évolution du pouvoir d'achat ne peut dès lors qu'être très différente de celle des statisticiens de l'INSEE.
Comment mesurer le coût de la vie ?
Regards économiques
Vincent Bodard et Jean Hindriks
Le coût de la vie paraît, pour de nombreux ménages, plus élevé aujourd'hui qu'hier. Ce sentiment se traduit-il pour autant par une baisse du niveau de consommation ? Comment mesurer l'impact de l'évolution des prix sur le comportement des consommateurs ? Les auteurs proposent et comparent deux méthodes de calcul simples, celle du pouvoir d'achat et celle du niveau de vie, la dernière étant préférable selon eux, car elle tient compte des possibilités de substitution dont dispose le consommateur, et contribue ainsi à réduire l'impact d'une augmentation des prix sur la consommation.
S'entendre sur la notion de " ménage "
Données sociales - La société française
Pascal Chevalier, Olivier Guillemin, Aude Lapinte et Jean-Paul Lorgnet
Entre 1970 et 2002, le niveau de vie moyen des individus a augmenté de 70 %, même si la progression a été moins nette entre 1980 et 1997. Mais les inégalités de niveau de vie, celui-ci étant devenu plus sensible à la conjoncture, s'accroissent à partir de 2003 et le nombre de pauvres augmente de 250 000. À revenu disponible inchangé, plus la taille du ménage est grande, plus le niveau de vie diminue. Le nombre de personnes contribuant à l'apport de ressources dans le ménage constitue également un facteur important de la détermination du niveau de vie. À nombre d' " apporteurs de ressources " et à catégories sociales identiques, l'effet de la taille du ménage influe également. Ainsi, les familles monoparentales ont un niveau de vie plus faible que celui des couples sans enfant, les prestations familiales ne compensant donc pas, en général, la perte de niveau de vie liée à la présence d'un enfant.
Une inflation plus forte pour les ouvriers et les chômeurs
Document de travail du CREDOC
Pascale Hébel
Si les Français ont le sentiment que, depuis 5 ans, leur pouvoir d'achat se dégrade, trois facteurs au moins peuvent expliquer cette situation : le ralentissement de la croissance des revenus d'activité et de patrimoine à partir de 2002, l'augmentation sensible des impôts en 2003/2004 et la modification progressive de la structure de la consommation en faveur du logement et des services (voyages touristiques, services récréatifs, communication, transports, etc.) dont les prix ont considérablement augmenté ces dernières années. Mais il faut également noter que l'inflation affecte davantage les catégories socioprofessionnelles les plus modestes : les ouvriers et les chômeurs ont en effet la structure de consommation la plus défavorable au regard de l'évolution des prix des biens et services qu'ils consomment habituellement.
L'euro, bouc émissaire ? Une comparaison France/Allemagne
DP - Analyses Economiques
Sylvie Lefranc
L'opinion publique est convaincue, de part et d'autre du Rhin, que le passage à l'euro a entraîné une augmentation des prix. En témoigne l'écart depuis 2002 entre l'inflation perçue et l'inflation réelle. La monnaie européenne n'a toutefois pas été inflationniste, même si l'entrée en vigueur de l'euro a incontestablement brouillé les repères des consommateurs et leur perception des prix les conduisant à la surestimation de l'inflation (phénomène désigné comme l' " effet Teuro " en Allemagne). Cependant, celle-ci n'a semble-t-il pas conduit à un recul de la consommation des ménages en Europe.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

UNION EUROPEENNE
Ouverte pour travaux : la présidence allemande de l'UE et la réunification européenne
Lettre de l'OFCE
Jérôme Créel, Eloi Laurent et Jacques Le Cacheux
Depuis le 1er janvier 2007, l'Allemagne a pris la présidence de l'Union européenne (UE) pour une durée de six mois. La présidence allemande est face à trois grands chantiers : institutionnel, monétaire et financier et celui de l'élargissement. En 2006, l'UE n'a pas avancé sur ces dossiers : Bruxelles et les capitales européennes se sont accordé une " pause de réflexion " au lendemain des " non " français et néerlandais à la ratification du traité constitutionnel. Le premier impératif pour la présidence allemande sera ainsi de se pencher sur l'avenir du traité constitutionnel et de réfléchir à la possibilité de rédiger une " mini-constitution " pour l'Union à 27 Etats membres. Ensuite, il faudra reposer la question du fonctionnement de la zone euro, car le comportement des Etats membres face aux exigences de la monnaie unique varie beaucoup, notamment entre la France et l'Italie, d'un côté, et l'Allemagne, de l'autre. Enfin, la consolidation de l'Europe nécessiterait également une réforme du budget européen, notamment concernant son mécanisme de financement.

INDICATEURS ECONOMIQUES
Les champions du PIB par tête et ceux du niveau de vie
La Lettre du CEPII
Marc Fleurbaey et Guillaume Gaulier
Le produit intérieur brut (PIB) par habitant est l'indicateur de référence pour effectuer des comparaisons internationales de niveau de vie. Il présente pourtant un inconvénient majeur puisqu'il ne tient pas compte des composantes non monétaires qui peuvent sensiblement différer d'un pays à l'autre. Les auteurs estiment ici que la préférence exclusive pour le revenu monétaire n'existe pas, mais qu'en fonction de l'histoire et du contexte culturel de chaque pays, des arbitrages sont réalisés entre les différentes composantes du niveau de vie. Celles-ci peuvent être exprimées en termes de " revenu équivalent ". À partir de cette idée, ils élaborent un nouvel indicateur de niveau de vie intégrant différents aspects du bien-être individuel et social (loisir, santé, inégalités, soutenabilité, etc.). Le classement des pays selon le niveau de vie, lorsqu'il est effectué à l'aide de ce nouvel indicateur, modifie quelque peu le rang habituel de certaines nations : le Japon et la France notamment gagnent des places tandis que les Etats-Unis en perdent.

SANTE
Prix des médicaments : comment concilier les intérêts de la société avec ceux de l'industrie ?
Revue internationale de sécurité sociale
Elias Mossialos, David Brogan et Tom Walley
Les dépenses moyennes en produits pharmaceutiques dans les pays industrialisés ont connu, au cours des vingt dernières années, une augmentation spectaculaire, passant en moyenne pondérée de 13 % du total des dépenses de soins de santé en 1980 à 18,1 % au début des années 2000. Ces coûts croissants ont conduit à l'application de diverses réglementations et politiques en matière de tarification des produits pharmaceutiques. Les mesures classiques de maîtrise directe et indirecte des prix ne sont pas parvenues jusque-là à maintenir un équilibre entre les besoins de la société en matière de santé et ceux, souvent concurrents, de l'industrie. Il semble que pour réussir à optimiser les ressources de l'Etat et des patients, tout en orientant la recherche vers les domaines importants sur le plan clinique, l'adoption d'un système d'intégration des processus décisionnels en matière de prix et de remboursement, souvent distincts, soit la solution la plus prometteuse.

No 2.917
14 février 2007

DOSSIER : France 2007 : quels choix économiques ? Points de vue étrangers

Réformer en France : une mission impossible ?
The Economist
Nombreux sont ceux qui considèrent que la France est aujourd'hui entrée dans une phase de déclin et qui se montrent plutôt pessimistes sur son avenir. A bien des égards, cette situation rappelle celle du Royaume-Uni il y a 25 ans. Certes, sur le plan économique, la conjoncture française n'est pas aussi morose que celle qui prévalait Outre-Manche à la fin des années 1970, mais certains signes inquiétants existent, comme notamment l'affaiblissement relatif de l'économie française. Par ailleurs, la taille du secteur public, ainsi que le fonctionnement du marché du travail français, caractérisé par une rigidité forte entre insiders et outsiders, restent pour beaucoup des obstacles majeurs à l'amélioration des performances économiques. Le fait qu'en France, l'entreprise continue de souffrir d'une image négative constitue en outre un handicap considérable. Dans ce contexte global, pour sortir le pays de l'impasse, il revient au pouvoir politique d'afficher une véritable volonté de réforme. La bonne santé des entreprises du CAC 40, mais également de nombreuses entreprises privatisées, montre que c'est possible.

Comment améliorer les perspectives de long terme
FMI Staff Report
L'économie française est en bonne santé : avec un taux de croissance situé entre 2 et 2,5 % en 2006, une demande intérieure qui reste vigoureuse, la performance française est satisfaisante si on la compare avec le reste de l'Europe. Le même constat ne vaut cependant pas pour ce qui concerne les perspectives d'avenir. La stagnation de la création d'emplois, ainsi que l'érosion de la compétitivité française sont autant de signes précurseurs d'une prochaine dégradation. Selon le FMI, cette situation s'explique aussi par l'accélération de la croissance dans d'autres régions du monde. Il suggère ainsi de concentrer les efforts sur les politiques qui permettent d'exploiter davantage le potentiel français de croissance. Les experts du FMI conseillent pour cela de continuer à assainir les finances publiques, à augmenter le taux d'emploi et à réduire les dépenses publiques.

Renforcer la concurrence pour accroître la croissance
Document de travail de l'OCDE
Jens Høj et Michael Wise
Durant la dernière décennie, la croissance économique française s'est avérée insuffisante pour résorber un taux de chômage élevé et persistant. Certes, la France a engagé une réforme de la politique de la concurrence, se rapprochant ainsi dans ce domaine des pratiques recommandées par l'OCDE. Mais différentes études et comparaisons internationales montrent toujours qu'un renforcement du degré de concurrence permettrait d'améliorer significativement la performance économique. Elle est, semble-t-il, encore insuffisante dans plusieurs secteurs, notamment les secteurs de services abrités, réduisant la croissance de la production et freinant la création d'emplois. Les experts de l'OCDE conseillent notamment de donner aux autorités de réglementation une plus grande compétence concernant l'accès non discriminatoire des tiers dans les industries de réseau, d'abolir les réglementations trop contraignantes dans le secteur de la distribution et de supprimer la protection excessive dont bénéficient certaines professions comme celle d'avocats ou de notaires.

Le scepticisme français vis-à-vis de l'euro
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Patrick Welter
Après plus de huit ans d'existence de l'eurosystème, la France considère toujours l'euro avec un certain scepticisme. Pour la Frankfurter Allgemeine Zeitung, cette attitude est le reflet d'un autre scepticisme, celui que la France entretient vis-à-vis du libre flottement de la monnaie et de l'indépendance de la Banque centrale européenne. Cet état d'esprit serait la conséquence de l'importance trop grande accordée par les Français à la valeur extérieure de la monnaie. La France devrait au contraire chercher à mieux internaliser les conditions liées à l'eurosystème, notamment la nécessité de procéder à des réformes microéconomiques (comme le suggère notamment la stratégie de Lisbonne), car en France, comme en Italie, l'effet d'aubaine lié à la convergence des taux d'intérêt européens a trop longtemps freiné la volonté de réforme.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

AMERIQUE LATINE
Comprendre la croissance volatile en Amérique latine grâce à l'Histoire
Economie appliquée
Pierre Salama
Depuis 40 ans, même si elle n'a pas empêché l'accroissement des inégalités, notamment en Chine et en Inde ces dernières années, la croissance de l'ensemble des pays d'Asie est remarquable. Cette dynamique donne l'impression d'une formidable montée en puissance tandis que l'économie latino-américaine semble régulièrement lutter contre les crises bancaires, financières et de production. Les Asiatiques seraient-ils plus économes ou davantage interventionnistes ? L'auteur semble réfuter ces explications jugées superficielles et leur préfère une analyse fondée sur l'Histoire pour mieux comprendre le caractère volatil de la croissance latino-américaine. Il montre ainsi que la thèse de la tendance à la stagnation, initiée dans les années 1960 par Celso Furtado, célèbre économiste brésilien, demeure très actuelle et que l'irrégularité de la croissance en Amérique latine s'explique davantage par le développement d'un comportement rentier que par l'essor de la finance, celle-ci étant d'ailleurs indispensable à la croissance des économies de ces deux régions du monde.

GESTION
La métamorphose du contrôle de gestion
Economie et management
Yves Dupuy
Le contrôle de gestion s'est aujourd'hui généralisé dans la plupart des organisations privées et publiques. Autrefois cantonné à un rôle technique et comptable et perçu comme un outil de surveillance, le contrôle de gestion a beaucoup évolué. Il est aujourd'hui plus proche de la fonction de conseil que de celle de comptable. Ce changement est lourd de conséquences. Le rôle du contrôleur de gestion n'est ainsi plus de fournir des chiffres ni d'établir des tableaux de bord stratégiques (TBS), mais d'être animateur d'un processus : il devient un acteur-médiateur indispensable dont l'action contribue au climat de confiance et de cohésion de l'organisation.

DEVELOPPEMENT
Les plantes génétiquement modifiées peuvent-elles nourrir le tiers monde ?
Revue Tiers Monde
Valentin Beauval et Marc Dufumier
Au début du XXIe siècle, 852 millions d'individus souffrent encore de la faim et plus de deux milliards sont victimes de malnutrition. La plupart d'entre eux appartiennent à des familles paysannes pauvres du tiers monde. La " révolution verte ", qui, dans les années 1970 et 1980, a été à l'origine d'un très fort accroissement de la production vivrière dans de nombreux pays du Sud mais qui a également conduit à de graves déséquilibres écologiques, avait été conçue pour résoudre ce problème d'alimentation des pauvres du tiers monde. Les grandes firmes multinationales productrices de plantes génétiquement modifiées présentent aujourd'hui celles-ci comme une nouvelle solution miracle. Les auteurs montrent tout d'abord que le précédent de la " révolution verte " devrait être médité. Ils insistent ensuite sur la difficulté de maîtriser les risques environnementaux induits par le recours aux plantes transgéniques. Ils rappellent enfin que leur coût les rend difficilement accessibles pour les paysans non solvables du tiers monde.

No 2.918
28 février 2007

No spécial : L'entreprise : défis et enjeux

INTRODUCTION

L'entreprise et la société unies par un contrat social implicite
The Economist
Ian Davis
Le débat sur le rôle de l'entreprise dans la société voit aujourd'hui s'affronter deux logiques : d'un côté, on trouve ceux pour qui l'objectif de l'entreprise est de créer de la valeur pour l'actionnaire en s'inspirant du fameux principe de Milton Friedman " business of business is business " et de l'autre, les partisans de la responsabilité sociale de l'entreprise (RSE), rejoints depuis la fin des années 1990 par les mouvements altermondialistes, qui soutiennent que l'entreprise doit à la fois poursuivre des objectifs sociaux et environnementaux et engranger des bénéfices. Une nouvelle approche, d'inspiration rousseauiste, dépassant les limites des deux modes de pensée précédents commence peu à peu à faire son chemin. Considérant que la relation qui unit l'entreprise et la société repose sur un contrat social implicite - assorti comme tout contrat de droits et de devoirs -, les tenants de cette troisième voie estiment que le but ultime de l'entreprise devrait être la fourniture de biens et de services utiles à la société. Ils invitent, dorénavant, les dirigeants des grands groupes à intégrer ce nouvel état d'esprit des affaires qui pourrait à terme se révéler également plus profitable pour l'actionnaire.

L'ENTREPRISE ET L'ENTREPRENEUR

L'odyssée d'un concept et les multiples figures de l'entrepreneur
La Revue des sciences de gestion
Alain Fayolle et Azzédine Tounes
L'une des difficultés majeures de l'étude du rôle de l'entrepreneur consiste à définir ce concept. Si certains affirment qu'il n'existe aucune véritable théorie de l'entrepreneur, pour d'autres le concept se confond avec celui de l'entreprise. Mais le plus souvent, on distingue deux approches de l'entrepreneur : l'une est descriptive, l'autre comportementale. Les auteurs reviennent sur ce débat et relient cette perspective historique à une vision dynamique. Ils tissent ainsi un lien entre la dimension conceptuelle et les événements contextuels qui ont vu l'émergence ou le retour des entrepreneurs. Cependant, il convient de ne pas oublier que ces derniers agissent souvent sans tenir compte de la théorie économique, car au-delà du risque, l'activité entrepreneuriale bouscule souvent l'ordre établi.

La gouvernance des grandes entreprises françaises n'est plus ce qu'elle était...
Economies et Sociétés
Roland Pérez
Le temps où l'on associait le nom du PDG d'une grande firme française au prestige d'une grande école ou d'un grand corps de la fonction publique semble révolu. Ce modèle traditionnel français de la gouvernance d'entreprise a cédé la place à la financiarisation des stratégies de la firme qui a impliqué un certain affaiblissement du pouvoir des dirigeants vis-à-vis des actionnaires et a provoqué de nombreuses fusions/acquisitions - l'OPA récente de Mittal sur Arcelor et la fusion Renault-Nissan ainsi que leur projet de rapprochement avec General Motors en sont des illustrations.

Le manager intermédiaire, intrapreneur : les paradoxes d'une nouvelle identité managériale
Cadres
Christian Mahieu
Les entreprises sont aujourd'hui en quête de capacités managériales qui leur permettent d'atteindre l'agilité stratégique imposée par l'évolution rapide des marchés. Parmi l'encadrement intermédiaire, certains managers sont ainsi appelés, à leur tour, à jouer de nouveaux rôles au sein du processus stratégique. Les entreprises misent avant tout sur l'autonomie et " l'intrapreneuriat ". Elles attendent de ces managers intermédiaires qu'ils développent des capacités d'action et de raisonnement qui devraient logiquement à terme les amener à sortir de l'organisation pour créer une entreprise ou à négocier leur niveau d'engagement comme pourrait le faire un associé. Dans le même temps, les entreprises comptent sur leur loyauté. Face à ce paradoxe, les managers intermédiaires éprouvent une certaine difficulté à construire leur nouvelle posture managériale et s'interrogent sur le sens et la durabilité de la nouvelle responsabilité qu'on leur demande dorénavant d'assumer.

Le financement des " gazelles " en France
Horizons bancaires
Jean-Paul Betbèze
L'accès au financement des PME est au cœur du système économique et est un paramètre essentiel pour expliquer la croissance. Bien que les conditions d'accès au financement n'aient jamais été aussi favorables en France, la situation n'est pas satisfaisante, notamment pour une partie des PME, les entreprises qui " vont vite " : les " gazelles ". Elles ont pourtant un impact majeur sur l'emploi : entre 1993 et 2003, elles ont été à l'origine de plus de la moitié des créations d'emplois. Cependant, elles restent trop peu nombreuses en France, car elles souffrent d'un cadre inadapté à leur trajectoire de croissance.

MANAGEMENT ET STRATEGIE

Le business model, un outil d'analyse stratégique
L'Expansion Management Review
Xavier Lecocq, Benoît Demil et Vanessa Warnier
Alors que les journalistes, les dirigeants d'entreprises ou les consultants utilisent de plus en plus souvent l'expression " business model " pour décrire des activités qui ne se limitent pas à la sphère de l'e-business, le monde académique semble, lui, particulièrement réticent à employer ce concept qui a fait son apparition à la fin des années 1990 au moment de l'émergence de la bulle Internet. Il est vrai que l'absence de définition précise ne favorise pas sa légitimation par les chercheurs. Pour les auteurs, le business model répond pourtant à une question fondamentale : comment l'entreprise gagne-t-elle de l'argent ? La création de valeur dépend directement de l'offre de l'entreprise, des ressources qu'elle mobilise et de l'organisation mise en place pour la développer. Le business model qui, selon eux, se situe à l'articulation de la stratégie et des approches fonctionnelles, est un outil idéal permettant une lecture transversale parfaitement adaptée au cadre d'action des managers.

Faire face aux low cost : quelles stratégies adopter ?
Harvard Business Review
Nirmalya Kumar
Les entreprises low cost sont florissantes dans de nombreux secteurs d'activités et voient leurs parts de marché s'accroître rapidement. S'il suffisait pour les entreprises traditionnelles d'abaisser leurs prix pour assurer leur survie, les choses seraient simples... Une guerre des prix est en effet, comme l'explique l'auteur, souvent absurde car sans merci pour les entreprises traditionnelles qui sont alors amenées à jouer la carte de la différenciation.

Procter & Gamble ou la fin du " marketing de masse "
Décisions Marketing
Jean-Marc Lehu
Le marketing est l'une des priorités de l'entreprise Procter & Gamble à tel point qu'on parle couramment de " modèle proctérien " dans les manuels spécialisés. Depuis 1837, l'entreprise a développé ses marques en s'appuyant sur une solide stratégie de communication. Au regard de son chiffre d'affaires - 56,7 milliards de dollars pour l'exercice 2004-2005 -, le marketing lui a bel et bien rapporté, mais le " retour sur investissement " semble bien difficilement mesurable. Est-il possible, dans ces conditions, d'établir un lien direct entre les dépenses en marketing et l'évolution du nombre de produits vendus ? L'auteur revient sur les difficultés à évaluer la performance du marketing et s'appuie sur la nouvelle stratégie de Procter & Gamble, fondée sur la relation privilégiée entreprise-client, pour tenter d'en dégager les principales caractéristiques et montrer ensuite que le " modèle de communication proctérien ", contraire aux principes du " marketing de masse ", semble particulièrement bien fonctionner.

La fonction du mécénat d'entreprise
Revue française du marketing
Sylvère Piquet et Jean-Michel Tobelem
L'entreprise souffre, en France, d'une image négative. L'objectif premier de la firme est en effet souvent réduit à la création de valeur pour les actionnaires. L'une des manières les plus efficaces pour l'entreprise de réhabiliter son image auprès des citoyens est de pratiquer le mécénat, fonction qu'il n'est toutefois pas aisé de définir. L'absence de consensus sur l'efficacité de cette stratégie tient certainement au manque d'intérêt des spécialistes des sciences de gestion pour le sujet. Selon l'auteur, il s'agit moins d'un outil promotionnel - donc occasionnel par définition - que de la manifestation d'une volonté affirmée de légitimer l'existence sociale et morale de l'entreprise face à son environnement. Le mécénat permettrait en outre, au sein de l'entreprise, de développer le sentiment d'appartenance à une collectivité et de réduire ainsi le turn-over. L'auteur revient également sur les limites de cette stratégie. Sa mise en œuvre implique en effet de repenser les domaines d'activité de la firme et remet bien des idées en cause, notamment celle qui affirme qu'une entreprise doit être amorale, c'est-à-dire ni morale ni immorale et qui sous-entend que la responsabilité sociale est l'affaire du gouvernement.

No 2.919
14 mars 2007

DOSSIER : L'Inde entre mondialisation et question sociale


L'Inde, miroir du monde émergent
Ramses 2005
Jean-Luc Racine
Depuis la libéralisation des années 1990, l'Inde ne cesse de monter en puissance. Son insertion dans la mondialisation s'est encore accélérée, depuis le début de la décennie, avec les ambitions internationales désormais affichées par les groupes indiens les plus dynamiques. Mais le retour de l'Inde sur la scène économique internationale se fait au prix d'importants déséquilibres. " L'Inde nouvelle " est en effet aussi marquée par un accroissement des inégalités sociales et régionales. Le défi majeur auquel sont aujourd'hui confrontés les dirigeants indiens est immense car à la mesure de ce pays- continent. Ils doivent tout à la fois trouver les moyens de mettre en œuvre des politiques susceptibles de soutenir durablement la croissance, de renforcer la position de l'Inde dans l'économie mondiale et de rééquilibrer son développement interne. L'Inde fait ainsi à cet égard un peu figure de modèle, tant elle semble le reflet de ce que connaissent aujourd'hui de nombreux pays émergents.

Inde : une économie en transition
Conjoncture
Delphine Cavalier
Depuis deux ans, le rythme de croissance du produit intérieur brut (PIB) de l'Inde se maintient à un niveau proche de 8 % par an. Ce cycle d'expansion est le plus fort mais aussi le plus long que l'économie indienne ait connu. Reste à savoir si ce taux de croissance est soutenable à long terme... L'Inde profite-t-elle seulement d'un simple effet de cycle et du dynamisme du secteur des services ou a-t-elle accompli de réels progrès structurels qui profiteraient actuellement à l'ensemble de l'économie ?

L'Inde peut-elle rapidement rattraper la Chine ?
The Economist
A la suite des excellentes performances économiques réalisées récemment par l'Inde, l'optimisme règne en maître dans tout le pays. Nombreux sont les Indiens qui voient déjà leur pays dépasser la Chine. Une étude comparative menée par deux chercheurs de la Brookings Institution (Washington) ne conclut pourtant pas au même scénario. Il semble notamment que la faiblesse de la productivité dans le secteur industriel constitue un obstacle majeur qui empêchera pour longtemps encore l'Inde d'atteindre des résultats économiques équivalents à ceux de sa grande rivale chinoise.

L'avenir de l'économie indienne
Futuribles
Jean-Joseph Boillot
L'Inde peut-elle devenir l'une des grandes puissances économiques du XXIe siècle ? S'appuyant sur la méthode des scénarios prospectifs, l'auteur présente les évolutions possibles de ce pays au cours des prochaines décennies. Il souligne que les nombreuses incertitudes auxquelles l'Inde sera confrontée, tant sur le plan démographique que sur le plan économique, rendent difficile tout pronostic. À partir de différentes études réalisées récemment par Goldman Sachs, Dani Rodrik et Arvind Subramanian et par un groupe de recherche constitué des meilleurs économistes indiens associé à l'équipe du Forum de Davos, l'auteur analyse les nombreux paramètres qui pourraient à l'avenir influencer la croissance économique du sous-continent.


EGALEMENT DANS CE NUMERO

INTEGRATION REGIONALE
Dynamisme du commerce intrarégional en Amérique latine
Accomex
Daniel Solano
La valeur des importations a atteint, en 2005, son maximum historique en Amérique latine : 77 milliards de dollars. Il semble ainsi que le commerce intra-ALADI (Association latino-américaine d'intégration) confirme le dynamisme économique de la région pourtant affaiblie par les récentes crises économiques et financières qu'elle a subies. Ces bons résultats sont essentiellement dus à l'élargissement et à la multiplication des zones d'échange (14 accords en vigueur en 2005) ainsi qu'aux bonnes performances économiques du Mercosur. L' " approfondissement " de l'intégration latino-américaine reste malgré tout largement entravé par le refus de cession de souveraineté exprimé par de nombreux Etats, notamment le Brésil.

FINANCE
Vers une convergence Nord/Sud des marchés financiers ?
Revue de la stabilité financière
Ivan Odonnat et Imène Rahmouni
Les années 2000 sont marquées par l'amélioration des performances macroéconomiques de la plupart des pays émergents et de la structure de leur dette publique. On note en parallèle, au Sud, un élargissement de la gamme des marchés financiers et une diversification des investisseurs. Les économistes observent désormais un phénomène de convergence financière nette entre les économies émergentes et les pays industrialisés. Il reste toutefois d'importantes divergences au sein même des pays du Sud, comme l'illustre notamment la forte dispersion des principaux indicateurs de référence en termes de finances publiques, de réserves de change, de montant des créances douteuses et de qualité de la gouvernance. Le phénomène de rattrapage entre pays du Nord et du Sud, évoqué par les économistes, ne semble pas encore, dans ces conditions, tout à fait pertinent.

ENTREPRISES
Orientation entrepreneuriale et grande entreprise : le cas EDF
La Revue des Sciences de Gestion
Alain Fayolle et Thomas Legrain
L'" orientation entrepreneuriale " d'une firme, c'est-à-dire les processus organisationnels, les méthodes et les styles de management mis en œuvre par une entreprise, est analysée par les auteurs à partir du cas d'EDF. Cette entreprise est en la matière particulièrement intéressante, car elle est confrontée aux nécessités et à l'urgence d'un changement imposé par son histoire et par l'évolution rapide de son environnement. Les deux premières parties sont consacrées aux différentes dimensions du concept d' " orientation entrepreneuriale ", comme la propension à innover, la prise de risque ou l'agressivité compétitive, ainsi qu'à la description d'EDF et de son évolution récente. Enfin, dans une dernière partie, les auteurs montrent la conformité entre les choix stratégiques opérés par EDF et le modèle théorique de l'orientation entrepreneuriale.

No 2.920
28 mars 2007

DOSSIER : La pauvreté dans les pays riches

Les Etats-Unis : la pauvreté dans le pays le plus riche
The Journal of Economic Perspectives
Timothy Smeeding
Les Etats-Unis sont un des pays les plus riches sinon le plus riche de la planète. Le produit intérieur brut par habitant, fruit de la croissance, a constamment et fortement augmenté au cours des cinquante dernières années. Le formidable dynamisme de l'économie a toutefois laissé en marge certaines populations dont le niveau de vie a stagné, voire reculé, parfois même plus fortement que dans d'autres pays industrialisés. L'auteur présente les principales caractéristiques de la pauvreté aux Etats-Unis et en retrace l'évolution sur les deux dernières décennies, en comparant la situation américaine avec celle de onze autres pays développés. L'étude comparative permet non seulement de montrer que les Etats-Unis arrivent, quel que soit le critère de mesure de la pauvreté, en tête du classement, ou dans le trio de tête, mais aussi que les programmes de lutte contre la pauvreté figurent parmi les moins importants des pays développés.

L'expérience britannique de lutte contre la pauvreté des enfants
Chronique internationale de l'IRES
Odile Join-Lambert
Le Royaume-Uni affichait, dans les années 1990, le taux de pauvreté infantile le plus élevé d'Europe : un enfant sur quatre vivait dans une famille pauvre. De 1,4 million en 1979, le nombre d'enfants pauvres est passé à 4,4 en 1998. Renverser la tendance était pour Tony Blair, l'objectif principal de son premier mandat. L'auteur revient sur le caractère multidimensionnel de la pauvreté des enfants et notamment sur les menaces qu'elle fait peser sur leur avenir. Elle rappelle également que les inégalités croissantes des revenus primaires et la marginalisation des jeunes mères au Royaume-Uni ont provoqué l'aggravation de la " pauvreté persistante " infantile. Mais elle souligne toutefois les progrès indéniables de la politique anglaise menée depuis une dizaine d'années puisque le pays est parvenu à réduire de 25 % le nombre des enfants pauvres.

Onze millions de travailleurs pauvres en Europe
Connaissance de l'emploi
Marie-Cécile Cazenave
Les travailleurs pauvres qui ont fait ces dernières années l'objet de nombreuses études ne constituent pas, dans les pays industrialisés et en Europe, un phénomène nouveau. Déjà dans les années 1970, en France, 40 % des personnes pauvres appartenaient à un ménage d'actifs. Avec l'entrée des femmes sur le marché du travail et l'augmentation régulière du salaire minimum, on s'attendait pourtant à ce que la " pauvreté laborieuse " diminue peu à peu. Mais le nombre de travailleurs pauvres a constamment augmenté imposant l'idée que l'emploi ne constitue pas un rempart absolu à la pauvreté. La réduction de la pauvreté laborieuse dépend de nombreux facteurs comme les caractéristiques de l'emploi (de la durée et du taux de rémunération horaire), de la taille du ménage, mais surtout de l'importance des transferts sociaux.

Réduire le nombre de pauvres en France : un plan en trois mesures
L'Économie politique
Denis Clerc
La France compte 7 millions de pauvres. Bien souvent ceux-ci sont assimilés aux sans domicile fixe des grandes villes. Mais la pauvreté concerne en réalité tout autant les travailleurs, les chômeurs, les étudiants et les inactifs. Quelles politiques adopter dans un pays comme la France ? Les politiques d'aide aux plus pauvres sont indispensables pour tenter de leur redonner une certaine dignité et encourager leur insertion dans la société. Mais elles ne résolvent pas tout. Il est également important, selon l'auteur, de financer davantage d'emplois aidés pour favoriser l'accès à l'emploi stable. En revanche, compléter les bas revenus d'activité, notamment en augmentant le SMIC, est une " fausse bonne idée ", le taux de rémunération horaire ne constituant qu'une partie du problème.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

ASSURANCE
La problématique d'assurance pour les professions à risque
Risques
Olivier Muraire et Stéphane Penet
En principe, les sociétés d'assurance couvrent, en matière d'assurance et de risques, les besoins de la société : même les plus grandes catastrophes naturelles peuvent faire l'objet d'une d'indemnisation - au moins dans les pays les plus avancés. Grâce aux techniques de l'antisélection, ainsi qu'à la mutualisation des risques et des pertes, les assureurs et réassureurs parviennent en effet à éviter que l'ampleur de ces risques ne les mette en péril. Néanmoins, certains risques et certaines professions ne trouvent que très difficilement de garantie pour couvrir leur activité à un coût acceptable. Aujourd'hui, les limites de l'assurabilité sont par exemple atteintes - certes pour des raisons très diverses - pour certaines professions médicales, pour les gendarmes ou les journalistes envoyés en missions dangereuses. Dans ces cas, une action conjointe du législateur, des représentants des professions concernées et des assureurs est nécessaire afin de trouver des solutions adaptées à chacun d'entre eux.

FORMATION
Le financement des études supérieures transfrontalières
Revue d'économie politique
Marcel Gérard
En Europe, effectuer un parcours d'études transfrontalier devient de plus en plus populaire. C'est la conséquence du processus de Bologne qui vise, d'ici 2010, à créer un Espace européen de l'enseignement supérieur. A l'avenir, il sera fréquent d'effectuer une partie de sa formation dans son pays d'origine et une autre à l'étranger. Ce choix pose la question du financement efficace des études. Pour l'instant, la charge financière relève du pays hôte des étudiants. Les auteurs suggèrent de la transférer aux pays de résidence, c'est-à-dire au pays d'origine de l'étudiant. Pour cela, ils proposent que chaque État délivre à ses étudiants des chèques-études utilisables également à l'étranger, dans des établissements d'enseignement supérieurs agréés. Un tel mécanisme accroîtrait l'efficacité en internalisant les externalités et les phénomènes de passager clandestin.

ENTREPRISES
Les secrets du redécollage d'Air France
Le Journal de l'Ecole de Paris du management
Pierre-Henri Gourgeon
Au début des années 1990, le secteur du transport aérien européen connaît, à l'exception de British Airways, de sérieuses difficultés. Les compagnies sont en effet victimes du ralentissement économique qui a commencé aux Etats-Unis, puis a gagné l'Europe. Cette crise survient, en outre, au moment où se produit la libéralisation du secteur. En 1993, alors que certaines compagnies voient leurs résultats se redresser, Air France s'enfonce dans la crise. Pourtant en une décennie, la compagnie française va se transformer, à tel point qu'elle est devenue, depuis le milieu des années 2000, le leader en Europe et le premier groupe mondial du secteur en chiffre d'affaires. L'auteur explique comment les dirigeants de l'entreprise ont orchestré la sortie de crise et réussi à développer un groupe en construisant un puissant outil commercial grâce au hub de l'aéroport de Roissy.

No 2.921
11 avril 2007

DOSSIER : Allemagne, le retour en force

Une reprise durable
Perspectives économiques de l'OCDE
OCDE
En Allemagne, les principaux indicateurs économiques affichent désormais de très bons résultats. Pendant plusieurs années, la croissance allemande a essentiellement été tirée par l'excédent du commerce extérieur. Depuis 2006, celle-ci est aussi dynamisée par la bonne tenue de l'investissement et le réveil de la demande intérieure. Le pays s'est ainsi engagé dans une reprise durable qui devrait dépasser son rythme potentiel, même si la croissance tombe momentanément au-dessous de 2 % en 2007 à la suite de l'augmentation de la TVA. A l'avenir, le net recul du chômage et la hausse des revenus réels stimuleront davantage la croissance. Afin d'inscrire cette reprise dans la durée, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) conseille de poursuivre l'assainissement budgétaire et de renforcer le degré de concurrence dans certains secteurs, comme celui des professions libérales et des industries de réseau.

Compétitivité : comment font les Allemands ?
Futuribles
François Michaux
Les performances allemandes en termes d'exportations et de compétitivité sont remarquables. Jusque-là, l'économie allemande s'était appuyée sur une bonne spécialisation et sur la qualité de ses produits. Elle exploite depuis peu un troisième moteur de compétitivité : la réduction des coûts de production. Au-delà de la délocalisation dans les pays de l'Est européen, les progrès récents réalisés en termes de compétitivité-coût tiennent essentiellement à deux facteurs. Le premier est lié à l'allongement du temps de travail, à la quasi-stabilité des salaires et à la remise en cause d'un certain nombre de droits acquis, obtenus par des négociations intervenant à tous les niveaux hiérarchiques de manière consensuelle. Le deuxième facteur responsable de la baisse des coûts de production est l'allégement de la fiscalité d'entreprise, ainsi que l'augmentation sensible de la TVA, dont une partie est affectée aux systèmes de protection sociale afin de permettre une réduction des cotisations chômage. La fiscalité devient ainsi un moyen de régulation des effets de la mondialisation.

Investissements, spécialisation et commerce extérieur : une symbiose réussie
Regards sur l'économie allemande
Rémi Lallement
L'Allemagne est - au même titre que le Japon et contrairement à la France et aux Etats-Unis - un important investisseur net à l'étranger. Ces investissements sont réalisés par une multitude d'entreprises indépendantes de taille moyenne qui conservent outre-Rhin le cœur de leur activité et investissent à l'étranger afin de satisfaire une demande supplémentaire. Il existe ainsi un lien étroit entre investissement direct et gonflement de l'excédent commercial : les revenus provenant des exportations sont partiellement réinvestis sur les marchés extérieurs tout en préservant l'emploi domestique et l'activité des secteurs exportateurs. Ceci explique pourquoi la part totale de la valeur ajoutée induite par les exportations a augmenté de plus de 10 % sur 15 ans. L'insertion réussie des entreprises allemandes dans la division internationale du travail contribue ainsi fortement à stabiliser le modèle rhénan dont les grands principes demeurent inchangés : une large place accordée au principe de subsidiarité, une longue pratique des partenariats public-privé et une tradition d'autorégulation d'une multitude d'acteurs organisés en réseaux.

Un salaire minimum dans le pays des hauts salaires ?
Chronique internationale de l'IRES
Adelheid Hege
Il y a quelques années encore, la question de l'instauration en Allemagne d'un salaire minimum aurait paru incongrue, car le système des conventions collectives semblait le meilleur rempart contre les bas salaires et l'inégalité salariale. La primauté de l'autonomie conventionnelle, inscrite dans la Constitution, laisse aux organisations professionnelles représentatives le soin de construire et de légitimer les hiérarchies salariales. Depuis peu, la question du salaire minimum fait néanmoins débat, car face au développement des secteurs pratiquant une politique des bas salaires et aux pressions exercées sur les standards sociaux allemands, le système de négociation collective semble de moins en moins en mesure de fixer des standards minima. L'extension du champ d'application de la loi sur le détachement des travailleurs dans l'Union européenne et l'introduction d'un salaire minimum qui sont en discussion apparaissent comme des solutions. Les chances d'introduction de ce dernier sont néanmoins faibles, car cette mesure ne fait pas l'unanimité au sein du gouvernement de grande coalition au pouvoir à Berlin et les syndicats sont divisés sur le sujet.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

ORGANISATIONS INTERNATIONALES
FMI : la réforme des quotes-parts
FMI Bulletin
Abbas Mirakhor et Iqbal Zaidi
En 2002, lors du Sommet de Monterrey (Mexique), le Fonds monétaire international (FMI) s'est donné pour objectif de renforcer la participation des pays en développement au processus de décision de l'organisation afin de résoudre les problèmes de gouvernance auxquels elle est confrontée depuis plusieurs années. Jusque-là, le poids d'un pays dans le système de vote dépendait de sa taille et du degré d'ouverture de son économie ainsi que de l'offre et de la demande de ressources du FMI. Avec le temps, ces critères sont de moins en moins pertinents par rapport à l'évolution de la taille économique réelle de chaque pays membre. La réforme qui prévoit de réviser en profondeur la formule de calcul des quotes-parts consisterait ainsi à y inclure la taille de la population mais aussi à prendre en considération le produit intérieur brut (PIB) fondé sur la parité de pouvoir d'achat (PPA), afin de pouvoir comparer les PIB entre eux et de permettre une évaluation plus fidèle des besoins en termes de ressources du FMI, celles-ci étant corrélées positivement au degré d'ouverture.

DEFENSE
Effort de défense et perception de la menace : comparaison internationale
Ecodef
Sylvain Daffix, Yves Jacquin et Mahmoud Jlassi
La sécurité d'une nation fait partie des fonctions régaliennes et constitue l'une des priorités de l'Etat. La croissance économique peut lui permettre de consacrer une part importante de son produit intérieur brut (PIB) aux activités de défense. De nombreuses études ont, en outre, mis en évidence une corrélation positive entre croissance économique et croissance des dépenses en matière de défense, quelle que soit la réalité des menaces. Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis semblent avoir changé la donne : quatre pays sur les six étudiés par l'auteur ont, en dépit du ralentissement de la croissance économique, augmenté leur budget de défense entre 2001 et 2005. La dynamique des dépenses a même dépassé celle du PIB en France, en Espagne et aux Etats-Unis.

ECONOMIE ET CLIMAT
Changement climatique : que fera l'Europe après 2012 ?
Responsabilité et environnement
Patrick Nollet
Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique et en accord avec les principes d'application du protocole de Kyoto, l'Union européenne a mis en place un système européen de quotas d'émissions négociables (SEQEN). Le marché du SEQEN a été inauguré le 1er janvier 2005. Deux ans après son lancement, ce dernier ne semble pas répondre de façon satisfaisante aux objectifs que s'était fixés la Commission de Bruxelles. Selon l'auteur, il est nécessaire et urgent d'adapter le SEQEN pour accroître son efficacité économique et environnementale. Il propose des pistes pour améliorer le dispositif sans en dénaturer l'esprit, tout en soulignant qu'il est indispensable de dépasser le cadre d'une simple révision. Il s'agit en effet, selon lui, de définir clairement les contours de la politique européenne de lutte contre l'effet de serre que l'UE ambitionne de mettre en œuvre après 2012.

 

No 2.922
25 avril  2007

DOSSIER : Emploi et chomage en France : De Nouvelles solutions 

No 2.923

9 mai 2007

DOSSIER : Un Autre regard sur l’économie américaine

 

No 2.924
23 mai 2007

DOSSIER : A quoi servent les hedge-funds ?

La poussée de fièvre des hedge-funds
Le Nouvel Economiste
Patrick Arnoux et Jacques Secondi
Les hedge-funds sont devenus un acteur incontournable du système financier international. Aujourd'hui, on compte plus de 9 000 fonds alternatifs ou spéculatifs, gérant entre 1 000 et 1 500 milliards de dollars. Les effets de leur activité se ressentent d'abord au niveau microéconomique : à l'aide d'achat d'actions détenues souvent sur une courte durée, ils jouent un rôle déterminant dans les fusions, les démantèlements ou les faillites d'entreprises. Si le résultat est de mettre le management sous pression, leur " hyperactivité " suscite aussi des craintes, notamment celle d'une décorrélation entre le temps des financiers et celui des industriels. Au niveau macroéconomique, leur rôle est également ambigu : d'un côté, ils apportent des liquidités utiles au bon fonctionnement du système financier international, de l'autre, ils pourraient représenter, dans l'hypothèse de l'effondrement d'un ou de plusieurs d'entre eux, un risque systémique important.

Fonds spéculatifs et marché de l'énergie : deux domaines à surveiller
FMI Bulletin
Entretien avec William Lee et Todd Groome
En diversifiant leurs cibles d'investissement, les hedge-funds touchent également aux produits de base comme le pétrole. Cependant, il ne semble pas que cet engouement pour le marché de l'énergie permette d'expliquer l'augmentation récente des prix dans le secteur. Cette hausse est plutôt due à de réelles contraintes de production. Les experts du FMI conseillent néanmoins une surveillance étroite des hedge-funds. Cette vigilance est rendue nécessaire, d'une part, par l'évolution structurelle actuelle des marchés de l'énergie (certaines des banques d'investissement ont acheté des sociétés qui produisent de l'énergie), de l'autre, par les leçons tirées de la crise du fonds LTCM (Long Term Capital Management) en 1998, au cours de laquelle la discipline de marché n'avait pas permis de limiter la prise de risque par les fonds spéculatifs. Les experts insistent également sur le fait que le secteur des hedge-funds, qui n'est pratiquement pas réglementé, demeure toujours très mal connu.

Banques et hedge funds : une relation dangereuse ?
L'AGEFI Hebdo
Florent Berthat et Alexandre Garabedian
L'évolution, ces dernières années, des relations entre banques et hedge-funds laisse à penser que les établissements bancaires sont devenus plus accommodants concernant les termes et les conditions des prêts accordés aux fonds spéculatifs. Ce phénomène s'explique notamment par le fait que l'activité des fonds représente aujourd'hui une part importante des revenus de l'industrie bancaire. Ce comportement inquiète les autorités de contrôle, comme la Banque des règlements internationaux (BRI), car la surveillance et la réglementation des hedge-funds ne fonctionnent qu'indirectement, à travers celles des banques. Les liens de plus en plus étroits tissés entre les banques et les hedge-funds risquent de conduire à des conflits d'intérêts, les premières devenant à la fois juge et partie. Conscientes du danger, les établissements bancaires ont développé des techniques permettant de réviser quasiment en temps réel le montant des capitaux qu'ils exigent en garantie des financements qu'ils apportent.

Ne touchez pas aux hedge-funds !
Foreign Affairs
Sebastian Mallaby
Et si les craintes liées aux hedge-funds étaient largement exagérées ? Telle est la position défendue par l'auteur qui rappelle d'abord que ces fonds sont soumis aux mêmes règles que tous les autres investisseurs. La principale vertu des hedge-funds serait de réguler les risques. L'activité de ces fonds consiste en effet à exploiter, et donc à corriger, soit les inefficiences du marché, soit les défauts de gouvernance des entreprises. Ils apportent par ailleurs aux marchés de la liquidité en prenant les risques que personne d'autre ne souhaite encourir. Les hegde-funds seraient ainsi le parfait corollaire du système financier moderne (où règne un certain degré d'incertitude et d'instabilité) établi depuis l'effondrement du système de Bretton Woods (qui reposait sur la certitude et la stabilité).

Hedge-funds : le point de vue du régulateur
Revue mensuelle de l'autorité des marchés financiers
Michel Prada
Du point de vue du régulateur, les hedge-funds présentent cinq risques principaux : le risque systémique, le risque d'abus de marché (c'est-à-dire les éventuelles manipulations de cours et les délits d'initiés), le risque pour la gouvernance des sociétés cotées, le risque opérationnel de mauvaise valorisation des actifs et, enfin, le misselling (c'est-à-dire la distribution inadaptée de produits alternatifs à une clientèle insuffisamment avertie). Si aucun de ces risques ne paraît aujourd'hui complètement incontrôlé et que certains, comme le risque systémique, sont même en baisse grâce à la meilleure coordination des instances de surveillance au niveau international, l'amélioration de la réglementation - afin de renforcer la transparence - reste toujours d'une grande d'utilité. Cependant, pour être efficace, cet encadrement doit reposer sur des standards appropriés, acceptés et respectés par tous les acteurs concernés.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

DELOCALISATIONS
S'implanter en France ou à l'étranger : le choix des firmes françaises
La Lettre du CEPII
Thierry Mayer, Isabelle Méjean et Benjamin Nefussi
Depuis le début des années 1990, la part des implantations étrangères dans les créations de filiales par les firmes manufacturières françaises a augmenté. La mondialisation favorise ce phénomène, les entreprises cherchant à se rapprocher des marchés dynamiques et à profiter de coûts de production avantageux. Aussi, les délocalisations sont-elles une source grandissante de préoccupations pour les citoyens des pays développés qui y voient une menace pour l'emploi. Un modèle explicatif des choix de localisation fait cependant apparaître que la probabilité pour une firme moyenne française de créer une filiale sur le territoire national reste dix fois plus élevée que de le faire à l'étranger dans un pays comparable en termes de marché, de coûts de production et de transaction. La densité des relations financières et commerciales dont dispose une entreprise dans son propre pays explique en grande partie ce choix. Il semble qu'à l'avenir la multiplication du nombre de filiales à l'étranger - qui aboutit progressivement à la construction de ce type de réseaux dans le pays d'implantation - conduise à une augmentation des décisions de localisation des filiales en faveur de l'étranger.


AGRICULTURE ET INDUSTRIE AGROALIMENTAIRE
Alimentation et malnutrition dans le monde
Economie et Humanisme
Laurence Roudart
En ce début de XXIe siècle, si la grande majorité des habitants des pays développés et de quelques pays en développement (PED) est abondamment nourrie - voire même suralimentée si on en juge par le pourcentage très élevé d'individus en surpoids ou obèses vivant dans les pays riches -, le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde est encore, selon la FAO, d'environ 855 millions. Ce nombre n'a que faiblement baissé depuis 1970. L'incertitude qui entoure les estimations laisse même penser qu'il pourrait avoir augmenté. La malnutrition d'un individu au cours de l'enfance a, en général, des répercussions tout au long de sa vie et un impact global négatif sur le plan économique. Les politiques publiques et les actions privées mises en œuvre dans la lutte contre la faim ont sans aucun doute contribué à la baisse de la proportion de personnes sous-alimentées au cours des dernières décennies, mais elles n'ont pas permis d'enrayer complètement le fléau. Or, si le droit à l'alimentation pour tous n'est toujours pas garanti, atteindre cet objectif n'a rien d'irréaliste tant du point de vue écologique que technique.


STATISTIQUES
Le rôle des statistiques dans l'étude des discriminations
Idées
Patrick Simon
Les statistiques sur lesquelles reposent, en France, les politiques de lutte contre les discriminations servent avant tout à identifier ces dernières. Mais ces " statistiques ethniques " impliquent la catégorisation des individus suivant le critère unique de la nationalité. Elles consistent donc à discriminer les individus alors que l'objectif même des politiques de lutte contre les discriminations est de les supprimer. C'est pourquoi, pour pallier cette apparente contradiction, certaines statistiques ont, depuis peu, été enrichies par d'autres critères comme les relations avec les institutions ou les rapports sociaux. Ces critères compliquent cependant la tâche du statisticien qui se heurte alors à un domaine relevant davantage de la subjectivité.

ECONOMIE DU SPORT
La télévision fait le sport
Finance et Bien commun
Jean-François Bourg
La multiplication des chaînes de télévision privées a entraîné une augmentation considérable des revenus mondiaux du sport. Ils ont, en 2006, atteint environ 60 milliards d'euros. Les marchés du sport télévisé sont également progressivement devenus imparfaits avec la mise en place d'un monopole de l'offre. Les droits de retransmission de la Coupe du monde de football, propriétés de la Fédération internationale (FIFA), sont ainsi passés de 15 millions d'euros en 1978 à plus d'un milliard en 2006. Aujourd'hui, les relations entre la télévision et le sport semblent être entrées dans une nouvelle phase avec le retournement du marché des droits. La contraction des investissements publicitaires, la stratégie de regroupement des réseaux payants de télévision, le ralentissement de la croissance du taux d'abonnement des ménages, le plafonnement ou la baisse des audiences, etc. sont en effet des tendances fortes remettant en cause le modèle économique qui s'était mis en place au cours des dernières années.

No 2.925
6 juin 2007

DOSSIER : Les économies face aux défis démographiques

La fin du baby-boom
Population et Sociétés
Alain Monnier
Les baby-boomers, nés après la Seconde Guerre mondiale, atteignent progressivement l'âge de la retraite et cèdent la place aux jeunes générations. Cette situation va-t-elle contribuer pour autant à créer les conditions d'une réduction du chômage en France et en Europe ? Pour qu'il en soit ainsi, plusieurs conditions doivent être réunies. D'une part, l'effectif des générations atteignant 20-24 ans doit être durablement inférieur à celui des 60-64 ans. Or, en France, nous rappelle cet auteur, ce n'est pas le cas. D'autre part, il faudrait qu'il y ait adéquation entre les caractéristiques des emplois laissés vacants par les départs en retraite et celles des demandeurs d'emploi. Sur ce point, tous les pays ne connaissent pas la même situation et rien n'est garanti.

Vieillissement, productivité et compétitivité
Regards sur l'économie allemande
Stefanie Wahl
Au cours des 35 dernières années, en Europe, la population âgée de 79 ans et plus a doublé et s'élève en 2007 à 21 millions. En 2050, un tiers des Européens aura plus de 59 ans alors que la population en âge de travailler (entre 15 et 64 ans) diminuera de 146 millions. L'auteur met ainsi en évidence la menace que peut représenter le vieillissement démographique pour l'économie européenne et notamment pour l'Allemagne, où le phénomène est particulièrement prononcé. En effet, toutes choses égales par ailleurs et si une réforme des systèmes de protection sociale n'est pas engagée, les Allemands devront, pour compenser les effets de la diminution de la population active et de l'augmentation des dépenses de santé et de protection vieillesse, être en mesure d'accroître leur productivité alors même qu'ils vieillissent.

La démographie à la rescousse de la protection sociale en France
Lettre de l'OFCE
Mathieu Plane
Les dernières observations concernant l'évolution de la population française ont modifié de façon importante les hypothèses démographiques formulées par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Ce dernier a ainsi été conduit à revoir, lors de ses nouvelles projections, son ratio de dépendance économique, c'est-à-dire le rapport entre les inactifs de plus de 60 ans et les actifs. Moins pessimiste que le précédent, le ratio prévu pour 2050 est maintenant évalué à 71 % (au lieu de 90 %). L'augmentation de la population active a, certes, pour effet immédiat de retarder le retour au plein-emploi. Mais elle va permettre, en contrepartie, sur le plus long terme, d'accroître la capacité de la nation à financer ses dépenses de protection sociale.

La démographie a aussi un impact sur la consommation
Rapport du Conseil économique et social
Léon Salto
A partir du cas de la France, l'auteur montre que l'évolution de la structure de la population a une incidence sur la consommation. Les besoins en termes de logement augmentent notamment avec la croissance du nombre de ménages et selon leur taille. De même, l'allongement de la durée de vie implique la création ou la multiplication de marchés liés aux activités de loisirs comme le bricolage ou le jardinage. Les évolutions démographiques (accroissement des populations vivant à la périphérie des grandes villes, vieillissement, etc.) ont également un impact direct sur les attentes des citoyens à l'égard des réseaux de la grande distribution : le transport vers les magasins, les livraisons à domicile, etc.

La jeunesse, un atout pour les PED ?
Finances et Développement
Emmanuel Y. Jimenez et Mamta Murthi
Jamais, dans les pays en développement (PED), les conditions réunies pour le financement de l'éducation et de la formation des jeunes n'ont été aussi favorables qu'aujourd'hui. En effet, grâce à la baisse de la fécondité dans l'ensemble de ces pays, la proportion de la population en âge de travailler est désormais plus élevée que celle des enfants et des personnes âgées et tend à augmenter durablement. Elle accroît ainsi le revenu par personne dépendante. Mais la jeunesse des pays du Sud implique aussi de mettre en œuvre des chantiers pour réformer l'éducation. Ceux-ci sont considérables et extrêmement coûteux, et les PED ne sont pas tous prêts à y faire face.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

UNION EUROPEENNE
Europe de la recherche et de l'innovation : où en est-on ?
Futuribles
Pierre Papon
En 2000, au sommet de Lisbonne, l'Union européenne (UE) s'était fixé l'objectif ambitieux de faire de l'Europe, en 2010, l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde. A trois ans de l'échéance, force est de constater que cet objectif ne sera pas atteint. L'UE est notamment nettement dépassée dans la compétition internationale à laquelle se livrent les leaders de l'économie mondiale en matière de recherche et d'innovation, en tête desquels figurent le Japon et les Etats-Unis. Cette situation s'explique en grande partie par l'insuffisance des moyens consacrés à la R&D (Recherche et développement) et le manque d'harmonisation entre les différents instituts nationaux de recherche au sein de l'espace européen.

SECTEURS
L'avenir des opérateurs de télécommunications
L'Expansion Management Review
Philippe Lecigne
La période de croissance euphorique qu'ont connue les opérateurs des télécommunications en Europe, marquée par le déploiement rapide de l'Internet et de la téléphonie mobile, semble toucher à sa fin. Pour les prochaines années, les perspectives de développement paraissent beaucoup plus modérées. Dans un secteur où la concurrence est sans cesse plus forte, les prix ont été tirés vers le bas. Le progrès technologique et les innovations en matière commerciale obligent aujourd'hui les entreprises à opérer des choix stratégiques et opérationnels qui seront déterminants pour l'avenir du marché des télécommunications.

ECONOMIES ETRANGERES
Le Royaume-Uni récolte les fruits de la mondialisation
Bulletin du FMI
Anthony Annett et James Morsink
Au moment où Tony Blair, Premier ministre britannique, s'apprête, après dix ans passés à la tête du gouvernement, à quitter le pouvoir, le Royaume-Uni affiche de très bons résultats macroéconomiques. La hausse sensible des salaires, effet secondaire de l'augmentation du prix du pétrole, et la vigueur de l'emploi - le taux de chômage se maintient autour de 5 % - ont relancé la demande intérieure et permis au pays d'enregistrer le plus fort taux de croissance économique du G-7. En contrepartie, le Royaume-Uni devra faire face à quelques risques, notamment la surévaluation des prix de l'immobilier et l'endettement des ménages qui constituent les principales sources actuelles de vulnérabilité pour l'économie anglaise.
No 2.926
20 juin 2007

DOSSIER : La Chine et le reste du monde

Chine/Etats-Unis : dialogue, ou choc des Titans ?
CA-Eclairages
Hélène Baudchon et Bruno Cavalier
Les relations entre la Chine et les Etats-Unis sont devenues fondamentales pour une économie mondiale dont le centre de gravité s'est au cours de la dernière décennie déplacé vers l'Est. Les marchés, les échanges de marchandises, les flux financiers s'organisent dorénavant autour de l'axe sino-américain. Ce dernier que d'aucuns qualifient de nouveau Bretton Woods comporte ses fragilités. L'arrivée au premier plan de la Chine est en effet, compte tenu des dimensions du pays et des caractéristiques de son mode de croissance, une source potentielle de déséquilibres pour l'économie mondiale. Cette situation particulière rend encore plus compliqué des rapports bilatéraux déjà relativement difficiles.

La Chine et l'OMC : une posture ambitieuse et ambiguë à la fois
Accomex
Corinne Vadcar
Depuis qu'elle a fait son entrée à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en 2001, la Chine a procédé à un vaste travail d'adaptation réglementaire et législatif pour respecter ses engagements vis-à-vis de l'institution. En dépit de ces efforts, la Chine fait l'objet de nombreuses critiques de la part de certains de ses partenaires commerciaux parce qu'elle continue de bafouer les règles de l'OMC. Son manque d'expérience des négociations multilatérales et des traditions politiques et culturelles différentes de celles des Occidentaux lui ont par ailleurs fait adopter jusque-là une posture de négociation plutôt discrète. La Chine donne également l'impression de privilégier la voie du bilatéralisme à celle du multilatéralisme mais il s'agit sans doute là d'un simple phénomène de rattrapage.

Un phénomène récent : les investissements chinois dans le monde
Rapport de la Commission Asie-Pacifique et HEC
CCE et HEC Eurasia Institute
En dépit des réformes conduites, depuis les années 1990, et qui ont abouti à la création en Chine de nombreuses entreprises privées, l'Etat reste le grand décideur des stratégies d'entreprises à l'international. Le premier objectif a été de sécuriser l'approvisionnement en matières premières, énergétiques ou non, à travers une série d'opérations d'acquisitions. Pour des raisons de puissance et de prestige national, la Chine est également désireuse de voir figurer ses plus grandes entreprises dans le mythique classement du magazine américain Fortune. L'Etat souhaite aussi bâtir des champions nationaux - ce qui pour certaines entreprises passe par un développement international - pour contrebalancer les effets de l'ouverture massive aux investissements étrangers qui a abouti au contrôle par des groupes étrangers de pans entiers de l'industrie nationale. Enfin, l'Etat a lancé récemment les multinationales chinoises à l'assaut de certaines firmes occidentales. Ces opérations de fusions et acquisitions inhabituelles de la part de firmes issues d'un pays émergent sont celles qui suscitent d'ailleurs le plus l'émoi des Européens et des Américains.

Acquérir des matières premières à tout prix
Financial Times
Victor Mallet
L'appétit de la Chine pour les matières premières dont regorge le monde en développement semble désormais sans limite. Les Occidentaux qui s'inquiètent des moyens mis en œuvre par les Chinois pour parvenir à leurs fins commencent à le faire savoir. Ils dénoncent la pratique par ces derniers du " surpaiement " pour l'accès aux ressources naturelles ainsi que le manque de transparence de leur politique de prêt qui sape les recommandations des organisations internationales en la matière et risque de provoquer une nouvelle crise de la dette dans les pays pauvres. Les Etats-Unis et l'Europe sont également particulièrement préoccupés par le manque de considération accordée par Pékin, dans le cadre de ses relations économiques avec un certain nombre de pays en développement, à certaines valeurs et principes traditionnellement défendus par l'Occident comme le respect des droits de l'homme.

La Chine en Asie : un jeu gagnant-gagnant
La Lettre des économistes de l'AFD
Jean-Raphaël Chaponnière
La stratégie d'ouverture de la Chine s'est traduite par l'installation de nombreuses firmes asiatiques sur son territoire. Ces entreprises assurent désormais 59 % des exportations chinoises et 90 % des exportations " high-tech ". Dans le même temps, la composition des échanges intra-asiatiques s'est modifiée : ils comportent moins de produits finis et davantage de demi-produits. L'essor du commerce intra-asiatique s'explique en partie par les changements dans la " division asiatique du travail ". Le Japon, la Corée et Taïwan figurent parmi les principaux partenaires de la Chine dans la région et leurs économies ont largement bénéficié de la croissance chinoise. Concernant l'Indonésie, la Thaïlande et les Philippines, si leurs échanges avec la Chine sont excédentaires, leurs positions sont plus fragiles car ces pays ne bénéficient pas d'un niveau scientifique et technologique suffisant pour monter en gamme. Les pays les plus pauvres et les plus proches géographiquement de l'Empire du milieu (Vietnam, Laos, Myanmar, Pakistan, Cambodge) tirent en revanche peu de profit de ce voisinage et leurs déficits avec la Chine sont très importants.

La stratégie chinoise en Afrique
Défense nationale et sécurité collective
Barthélémy Courmont et Irving Lewis
A la fin de l'année 2006, s'est tenu à Pékin l'événement diplomatique le plus important jamais organisé par le pouvoir chinois : le sommet Chine-Afrique. Cette rencontre historique, à laquelle ont participé pas moins de 48 Etats africains a permis à la Chine de renforcer ses liens commerciaux avec un continent devenu pour elle stratégique. Cette dernière a besoin en effet pour nourrir sa croissance des ressources énergétiques dont regorge le continent noir. L'Afrique est aussi un débouché pour les exportations chinoises de produits manufacturés à bas prix. Les Occidentaux sont particulièrement préoccupés par cette nouvelle coopération sino-africaine notamment parce que la Chine cherche clairement à les supplanter sur le continent.

La Chine en Amérique latine
Perspectives chinoises
François Lafargue
Au cours du dernier demi-siècle, la République populaire de Chine (RPC) ne s'est que très peu intéressée à l'Amérique latine. Depuis cinq ans, cette période d'indifférence est révolue. Les investissements chinois ne cessent d'augmenter sur l'ensemble du continent. La présence chinoise chaque jour plus forte bouleverse les équilibres économique et géostratégique dans cette partie du monde. Elle suscite également interrogations et inquiétudes. Dans les pays sud-américains, les échanges avec Pékin, loin de permettre le développement, confortent plutôt le maintien d'économies rentières. Quant aux Etats-Unis, ils n'apprécient guère l'influence grandissante de la Chine dans une région longtemps considérée comme leur pré carré.


EGALEMENT DANS CE NUMERO

ECONOMIE SOUTERRAINE
Les méthodes et les effets du blanchiment d'argent
La Revue du Financier
Jean-Guy Degos et Dolly Matta
Réinvestir l'argent acquis de manière illicite dans des activités légales correspond aux activités de " blanchiment ". L'expression remonte aux années 1920, lorsque le célèbre gangster américain, Al Capone, désireux de recycler l'argent de ses activités criminelles pour échapper à la justice, racheta une chaîne de blanchisserie. Ces fonds (600 milliards de dollars dans le monde) échappent en grande partie à la comptabilité publique mais participent pourtant à la vie économique (consommation, investissement, etc.). Les auteurs analysent les différentes méthodes du blanchiment et leurs effets sur l'économie réelle et financière.

MONNAIE ET FINANCE
L'euro, monnaie mondiale ?
Finances et Développement
Axel Bertuch-Samuels et Parmeshwar Ramlogan
Depuis son lancement, en 1999, l'euro a réussi à dépasser en importance la livre sterling et le yen et s'est imposé solidement comme deuxième monnaie du monde. En tant que monnaie internationale, la devise européenne a le plus progressé dans les opérations financières internationales, essentiellement comme monnaie de libellé des emprunts internationaux, et a le moins avancé dans les transactions commerciales internationales. D'un point de vue géographique, l'influence de l'euro reste limitée. La monnaie unique est surtout utilisée par les pays qui ont des liens régionaux et politiques avec la zone euro. Elle est donc encore loin de rivaliser véritablement avec le dollar. Pour que la devise européenne devienne une monnaie internationale à part entière, elle devra être utilisée au-delà de la proximité immédiate de sa zone d'émission. Cela suppose qu'un certain nombre d'obstacles structurels qui freinent en Europe la croissance économique et le développement des marchés financiers soient levés.

ENVIRONNEMENT
Les taxes sur l'énergie sont-elles efficaces ?
L'Observateur de l'OCDE
Rory J. Clarke
Les taxes sur l'énergie, prélevées essentiellement sur les produits énergétiques et sur les véhicules à moteur, représentent environ 2 % du produit intérieur brut (PIB) de la zone de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). A ce titre, elles constituent un véritable instrument de politique environnementale. Mais, selon l'auteur, l'efficacité de leur utilisation se heurte à certains obstacles. La plupart des Etats craignent, en particulier, que l'augmentation des taxes ait un effet sur la compétitivité de la zone (dans la mesure où l'ensemble des pays ne l'applique pas) et qu'elle affecte la consommation des ménages les plus modestes.

No 2.927
04 juillet 2007

DOSSIER : La santé comme moteur de croissance
Les dépenses de santé explosent. Tant mieux !
Handelsblatt
Olaf Storbeck
D'ici à 2050, les dépenses consacrées aux systèmes de santé dans les pays industrialisés devraient connaître, selon les calculs récents de deux économistes américains, une hausse spectaculaire qui rendra à terme leur financement particulièrement difficile. Cependant, selon ces deux experts de l'université de Berkeley, on aurait tort de vouloir empêcher cette évolution. La hausse des dépenses de santé correspond en effet au désir des individus, au fur et à mesure qu'ils s'enrichissent, de consacrer une part toujours plus grande de leurs revenus à un bien considéré comme supérieur.

" A votre santé " et à encore plus de croissance !
Deutsche Bank Research
Stefan Bergheim
La santé constitue un bien qui non seulement est fortement valorisé par les individus, mais peut aussi contribuer à renforcer la croissance économique : d'abord, les personnes en meilleure santé produisent de façon plus efficace, ensuite, à mesure que la mortalité décline, la population croît, ce qui dynamise l'économie et, enfin, une espérance de vie plus longue incite davantage à investir dans le capital humain. Afin que ces effets positifs des dépenses de santé sur la croissance puissent pleinement jouer leur rôle, certaines conditions sociales et politiques doivent être réunies : notamment l'adoption d'une nouvelle définition de la vieillesse, un développement efficace des systèmes de santé, ainsi que la mise en œuvre de réformes des systèmes d'éducation et de retraite.

La maîtrise des dépenses de santé est-elle souhaitable ?
Revue d'économie financière
Philippe Ulmann
Aucune réponse définitive ne peut être donnée à la question du bien-fondé de l'objectif de maîtrise des dépenses de santé. Sur la possibilité de limiter la progression de ces dernières, la réponse est plutôt positive à court terme, mais, compte tenu du progrès technique et du vieillissement de la population, plutôt négative à long terme. L'incertitude est encore plus importante en ce qui concerne la légitimité de la maîtrise des dépenses de santé. Cet objectif se justifie si ces dépenses ne font pas la preuve de leur efficacité (dans ce cas, il faudrait les réorienter vers des activités plus efficaces comme l'éducation ou le social). En même temps, on peut justifier la progression du poste santé dans le produit intérieur brut (PIB) par ses impacts positifs sur le bien-être de la population ainsi que sur l'emploi et sur l'innovation. La réponse à la question posée est donc avant tout politique et doit être formulée selon les aspirations de la société.

Rendre la France plus attractive pour les industries pharmaceutiques
Réalités industrielles - Annales des Mines
François Rain
Depuis dix ans, la France est le premier producteur européen de médicaments. Cette position est cependant menacée, non seulement à cause du phénomène de délocalisation de la production de médicaments dans les pays émergents, mais également en raison des piètres résultats obtenus en matière de recherche et de nouvelles technologies de la santé. Afin de rendre la France plus attractive pour les industries de la santé, il est désormais indispensable, comme le souligne l'auteur, d'affirmer une volonté et une vision stratégique ambitieuse. Ainsi, plutôt que de percevoir les industries de santé essentiellement comme une charge pour le système d'assurance-maladie, les enjeux d'attractivité de la France dans ce secteur devraient être placés au cœur du système de pilotage et de régulation de la santé.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

FISCALITE
Réformer la fiscalité française pour faire face à la concurrence fiscale
Reflets et perspectives de la vie économique
Jacques Le Cacheux
Le système fiscal français se caractérise par certaines faiblesses qui le rendent particulièrement vulnérable à la concurrence fiscale. Il s'agit notamment du nombre relativement réduit de contribuables sur lesquels pèse l'impôt sur le revenu, du niveau élevé d'imposition supporté par les entreprises ainsi que de la persistance en France d'une imposition des patrimoines à travers l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Selon l'auteur, une réforme des prélèvements directs est possible sans amputer sensiblement les recettes totales, ni la redistributivité de l'ensemble. Pour cela, il propose, par exemple, d'élargir les assiettes fiscales, de baisser l'impôt sur les sociétés et la taxe professionnelle et de fusionner l'impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée (CSG).

L'Europe sociale entre mythe et réalité
Droit social
Claire Aubin
Au cours de la campagne du référendum sur le traité constitutionnel européen organisé en France en 2005, l'Europe sociale a une fois de plus fait l'objet de nombreux débats. Le rejet du traité par les Français peut d'ailleurs en partie s'expliquer par la perplexité grandissante que suscite dans ce pays - doté depuis l'Après-guerre d'un système de protection sociale élevé -, la construction d'un État social européen qui semble de plus en plus hypothétique. Si les questions sociales ont dès l'origine été prises en compte dans le projet européen - la dimension européenne a d'ailleurs transformé de façon significative le cadre et les pratiques sociales nationales - le concept d'Europe sociale semble aujourd'hui beaucoup trop ambigu pour constituer un outil opérationnel de réflexion et d'action.

Les enjeux du commerce équitable
Ecoflash
Delphine Pouchain et Matthias Knol
A partir des années 1980, se met progressivement en place un nouveau type d'échanges entre le Nord et le Sud : le commerce équitable. Ce système qui garantit au producteur du Sud un prix plancher pour sa production, permet de protéger son niveau de vie d'une éventuelle chute des cours. En dépit d'un contexte marqué par une montée de l'exigence éthique chez les consommateurs des pays riches, le commerce équitable demeure une pratique confidentielle. Plusieurs expériences couronnées de succès ont néanmoins permis d'amorcer un réel développement dans un certain nombre de communautés paysannes du Tiers-monde.

No 2.928
18 juillet 2007

DOSSIER : La microfinance : un outil de lutte contre la pauvreté
Plein feu sur la microfinance !
Regards économiques
Valérie de Briey
2005 a été consacrée par les Nations unies " Année internationale du microcrédit ". Cette décision fut des plus logiques car le microcrédit s'impose désormais en effet comme l'instrument privilégié de la lutte contre l'exclusion bancaire et la pauvreté. En parallèle du système bancaire formel, un secteur financier semi-formel a émergé. Au sein de celui-ci, les institutions de microfinance (IMF), légalement reconnues mais ne faisant pas l'objet d'une régulation, offrent aux populations qui sont dans l'impossibilité de réunir les conditions indispensables à l'octroi d'un prêt, des services financiers de base (épargne, crédit, assurance, transferts de fonds, etc.). L'auteur explique ici comment une telle offre est rendue possible dans un secteur où l'absence de garantie financière et l'asymétrie d'information sont les principaux obstacles au bon fonctionnement des activités bancaires...

Muhammad Yunus, père du microcrédit, honoré par le prix Nobel de la paix
Revue d'économie politique
Michel Lelart
La Banque de Suède a attribué en 2006, dix ans après le premier sommet du microcrédit à Washington, le prix Nobel de la paix à Muhammad Yunus fondateur, il y a trente ans, de la Grameen Bank au Bangladesh. La Banque centrale suédoise a montré par ce geste hautement symbolique tout l'intérêt qu'elle porte aujourd'hui à la finance solidaire. L'établissement créé par M. Yunus est désormais une institution de microfinance de dimension internationale puisqu'elle est implantée dans 60 pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine et répond à la demande de 7 millions de clients auxquels elle a, depuis sa création, prêté 6 milliards de dollars. Les impayés s'élevant à 1 % seulement, la Grameen Bank - " la Banque du village " - est considérée comme un succès relaté par l'auteur qui rappelle toutefois que les études ayant pour objet d'évaluer les effets du microcrédit restent contradictoires.

Le développement du microcrédit encouragé dans l'Union européenne
Finance et bien commun
Maria Nowak
Depuis le début des années 1980, époque à laquelle le microcrédit a fait son apparition dans les pays industrialisés, celui-ci s'est rapidement développé en Europe de l'Ouest et plus récemment en Europe centrale et orientale. Son expansion (+ 67 % par an en moyenne) a bénéficié de conditions favorables : notamment le nombre important de très petites entreprises (TPE) et la persistance d'un chômage de masse. Mais en Europe, plus que dans les pays en développement où les secteurs bancaire et financier n'ont pas encore atteint un fort degré de sophistication, les institutions de microfinance (IMF) aspirent, avec l'aide de l'Union européenne, à poursuivre le même objectif que les établissements bancaires traditionnels qui leur servent d'exemple, à savoir la rentabilité financière.

La microfinance et le " Consensus de Washington "
Challenge
Patrice Flynn
L'accroissement de la dette des pays en développement (PED) et l'insolvabilité de certains d'entre eux ont rendu difficiles les relations financières entre leurs gouvernements et les détenteurs de capitaux originaires des pays riches. Encouragés par les organisations internationales, ces derniers ont alors décidé de proposer directement leurs services de microfinance aux populations du Sud, et particulièrement aux plus pauvres, notamment l'ouverture de comptes épargne permettant la réinjection dans le système bancaire du " capital mort ", et des services de transferts de fonds, censés faciliter la transaction de centaines de milliards de dollars envoyés chaque année par les émigrés à leurs familles. Ce qui semble être, pour certains, les symptômes d'une démocratisation de la finance consistant à étendre au Sud les mêmes droits et services qu'au Nord, est en fait, pour l'auteur, une occasion pour les organisations internationales de promouvoir la philosophie du " Consensus de Washington " dont un des éléments fondamentaux est une libéralisation financière accrue, quels qu'en soient les coûts.

Les limites de l'utilisation du microcrédit dans les pays du Sud
Techniques financières et Développement
Jean-Michel Servet
Dans les pays en développement, plus de 80 % de la population n'a pas accès aux banques. Les institutions de microfinance ont donc de l'avenir et on comprend l'intérêt des prêteurs de fonds pour les populations pauvres du Sud. Mais qu'en est-il des bénéficiaires des microcrédits ? Sont-ils parvenus à sortir de la pauvreté ? En réalité, les effets du microcrédit sont insuffisants et l'auteur, qui admet que la microfinance est un apport incontestable aux politiques sociales et de développement, revient sur certains mythes qui, selon lui, consistent à diffuser l'idée que ce nouvel instrument financier serait devenu la seule solution contre la pauvreté.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

RECHERCHE ET DEVELOPPEMENT
L'urgence de la réforme du système de brevet européen
Reflets et perspectives de la vie économique
Jean-François Lévêque et Yann Ménière
Le système actuel de brevet européen est issu de la convention de Munich de 1973. Cette dernière n'a pas supprimé les brevets nationaux, mais a instauré une procédure centralisée d'examen des brevets par l'Office européen des brevets (OEB), créé à cet effet dans la capitale bavaroise. Les brevets délivrés par l'OEB autorisent le déposant à obtenir des brevets nationaux sans examen supplémentaire dans les pays de son choix. Aujourd'hui, plus de 90 % des brevets adressés aux offices nationaux ont été préalablement examinés par l'OEB. Ce succès cache néanmoins un certain nombre de défauts, dont notamment les coûts de traduction. Ainsi, le dépôt d'un brevet européen est beaucoup plus coûteux pour un inventeur que dans les systèmes américain ou japonais. La réforme du système européen de brevet reste plus que jamais à l'ordre du jour.

DEVELOPPEMENT
Pays en développement : le spectre du ré-endettement
Bulletin de la Banque de France
Emmanuel Rocher
Les principaux créanciers bilatéraux et les institutions financières internationales se sont engagés ces dernières années dans une action importante de réduction de la dette des pays en développement (PED). L'initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE) et l'Initiative d'annulation de leur dette multilatérale (IADM) témoignent de cette volonté. Mais en dépit de ces dernières, ces pays sont aujourd'hui menacés d'un ré-endettement. Leur besoin financier au regard des objectifs de développement explique ce risque, auquel s'ajoute un deuxième facteur : les nouvelles politiques d'endettement, conduites en particulier sous l'influence de nouveaux prêteurs internationaux, comme la Chine, qui n'inscrivent pas nécessairement leur action dans le cadre coopératif traditionnel.

MARCHE DE L'ENERGIE
L'électricité est-elle un bien public ?
Revue de l'OFCE
Evens Salies, Lynne Kiesling et Michaël Giberson
Le 1er juillet 2007, le marché de l'électricité pour les particuliers sera ouvert à la concurrence. Cet événement, nouvelle étape du processus de libéralisation du secteur énergétique en Europe, vient rappeler que les débats concernant notamment les conséquences de la dérégulation du marché de l'électricité sont au cœur de l'actualité. L'auteur revient sur la question de la sécurité d'approvisionnement en électricité et se demande, à son propos, si celle-ci constitue ou non un bien public. Les pannes spectaculaires survenues sur les réseaux électriques dans certaines régions du monde au cours des dernières années alimentent régulièrement ce débat. Il semble que la sécurité d'approvisionnement, et plus généralement la fourniture d'électricité, soit un bien composite, à la fois public impur et privé. Ce caractère ne doit pas être négligé car il a des implications importantes pour la politique de régulation de la sécurité d'approvisionnement dans le secteur de l'énergie électrique.
No 2.929
29 août 2007


DOSSIER : Immobilier : d'une crise à l'autre

L'immobilier, un bien pas comme les autres
Les Cahiers de l'Abécédaire
Michel Mouillart
En dépit des efforts de construction réalisés en France ces dernières années, le logement reste un bien rare et une source de préoccupation pour les ménages. La hausse des prix à l'achat ainsi que l'augmentation des loyers font qu'il est de plus en plus difficile de se loger à proximité de son travail. La réflexion sur les problèmes liés à l'immobilier reste donc d'actualité et demeure le meilleur moyen d'éviter à l'avenir les phénomènes d'exclusion et de ségrégation urbaine. Car sans la volonté et la mise en œuvre des moyens nécessaires, les déséquilibres actuels dans le domaine de l'habitat et de l'aménagement pourraient encore s'aggraver.

Les raisons de la crise persistante du logement en France
Futuribles
Jean-Paul Lacaze
Comme d'autres pays, la France connaît, depuis plusieurs années, une forte hausse des prix de l'immobilier, qui conduit à l'exclusion progressive des jeunes couples et des ménages des classes moyennes de l'accession à la propriété et aboutit à une insatisfaction croissante en termes de conditions de logement (situations de logement " subi " et non choisi). L'auteur identifie quatre facteurs explicatifs de cette crise quantitative de logement : les insuffisances de la gouvernance territoriale en matière de production de terrains à bâtir, la baisse continue de la taille moyenne des ménages, le refus des décideurs d'organiser l'expansion de l'habitat individuel en périphérie des villes et, enfin, la sous-estimation de la croissance démographique dans les grands bassins d'habitat.

France : l'actuel cycle immobilier touche à sa fin
HSBC Global Research

Mathilde Lemoine et Pierre-Emmanuel Ferraton
En 2006, le marché français de l'immobilier est entré dans une phase de ralentissement qui s'est amplifié sous l'effet de la détérioration de la solvabilité des ménages et de la hausse des mises en chantier depuis 2004. En 2007, ce processus pourrait s'accentuer, en particulier au cours du deuxième semestre. Toutefois, la demande de logements reste soutenue et la prime de risque sur le marché locatif est toujours positive, ce qui rend très peu probable un retournement brutal du marché. Le risque de contagion internationale entre les cycles via le taux d'intérêt demeure faible, car les prix immobiliers sont majoritairement déterminés par des facteurs nationaux (croissance démographique et revenu disponible brut).

L'immobilier aux Etats-Unis : la fin de l'american dream ?
Revue de l'OFCE

Christine Rifflart
Après une phase de croissance exceptionnelle, le marché immobilier américain traverse, depuis 2006, une période de ralentissement, voire de retournement. Contrairement à la France où le taux de propriétaires n'a que très peu augmenté durant l'actuel cycle immobilier, le marché américain a connu une véritable révolution : entre 1995 et 2006, le nombre de ménages propriétaires a augmenté d'environ 15 millions - il atteint ainsi 69 % de l'ensemble des ménages américains. Cette augmentation spectaculaire s'explique par la conjonction de conditions exceptionnelles : le niveau historiquement bas des taux d'intérêt, conjugué à des politiques publiques de soutien à l'accession à la propriété, mais aussi et surtout à la très grande inventivité dont ont fait preuve les établissements financiers américains pour repousser toujours plus loin les limites de l'endettement.

EGALEMENT DANS CE NUMERO
STRATEGIE D'ENTREPRISE
La croissance n'est pas toujours rentable ... tant mieux !

L'Expansion Management Review
Emmanuel Zilberberg
Depuis les années 1970, la plupart des théories de l'entreprise reposent sur l'idée qu'il existe une relation de causalité entre la croissance de la firme et sa rentabilité. Certains chercheurs ont cependant montré récemment que l'augmentation du volume de production, par la conquête de parts de marché et la réalisation d'économies d'échelle, n'est pas toujours une opération rentable. Porter davantage l'attention sur le volume plutôt que sur le prix peut en effet contribuer à faire baisser celui-ci plus rapidement que le coût unitaire. Mais comme le montre l'auteur en prenant le cas de Nokia, la stratégie de " croissance non rentable ", qui n'est pas pertinente à long terme, semble porter ses fruits à plus court terme. Elle a en effet permis à l'entreprise finlandaise, début 2006, de s'attirer une nouvelle demande, notamment en Inde, alors qu'en privilégiant la rentabilité, ses concurrentes risquent de perdre bon nombre de clients qu'il leur sera difficile de reconquérir par la suite...

SCIENCE ECONOMIQUE
Y a-t-il une nouvelle économie ?
Réalités industrielles - Annales des Mines
Alain Bienaymé
Les médias se sont abondamment fait l'écho, au début des années 2000, de l'avènement d'une " nouvelle économie " liée aux nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). Si " une nouvelle économie " apparaît bel et bien, à l'orée du XXIe siècle, ce n'est pas uniquement, selon l'auteur, en raison du développement spectaculaire de l'Internet ou du téléphone mobile mais également parce que, au cours des dernières décennies, le monde a été transformé par des phénomènes comme la mondialisation des échanges, la complexité croissante des économies développées ou l'émergence de préoccupations environnementales et éthiques. Ces bouleversements posent un véritable défi de compréhension à la science économique qui s'efforce d'élaborer de nouveaux modèles explicatifs.

COMMERCE INTERNATIONAL
Doha : un cycle en développement
L'économie mondiale 2008 - CEPII/La Découverte
David Laborde
Peu de temps après les attentats du 11-Septembre, débute à Doha le premier cycle de négociations commerciales de l'ère de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Le contexte historique au cours duquel ce nouveau round est lancé va avoir pour conséquence d'en faire un enjeu symbolique de la volonté des nations de tout mettre en œuvre pour promouvoir le développement économique, seul rempart efficace contre la misère qui fait le lit du terrorisme international. Les espoirs immenses et disproportionnés dont ce cycle était porteur vont rapidement conduire à une véritable désillusion. L'adhésion de la Chine validée à Doha, en raison des nombreuses questions que celle-ci soulève, va rendre plus difficiles encore des négociations déjà particulièrement complexes. Un an après la proposition de compromis avancée par Pascal Lamy, directeur de l'OMC, le cycle de Doha ne semble pas encore sorti de l'impasse dans laquelle l'échec des dernières discussions l'a conduit. Ce sentiment d'échec doit pourtant être relativisé, comme l'explique l'auteur. Ce dernier revient, à travers une analyse des péripéties qui ont marqué, depuis le départ, le Doha round, sur les conditions de déroulement d'un cycle qui n'aurait dû être qu'une étape de la libéralisation du commerce international et qui, en cas de succès, ne sera pas le dernier de l'histoire.
No 2.930
12 septembre 2007


DOSSIER : Le changement climatique, un défi mondial

Climat : il est urgent d'agir !
Etudes
Laurence Tubiana et Hubert Kieken
Après plusieurs années d'intenses controverses, le diagnostic scientifique sur le changement climatique ne fait aujourd'hui quasiment plus débat : les émissions de gaz à effet de serre provoquées par les activités humaines menacent dangereusement les équilibres climatiques planétaires. Ces perturbations ont atteint un tel niveau que désormais, il n'est déjà plus possible d'empêcher le changement climatique. Si des mesures adéquates sont prises, elles ne pourront que tempérer la nature et l'ampleur de ces changements. Depuis la signature de la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique à Rio, en 1992, et l'adoption du Protocole de Kyoto, en décembre 1997, l'Europe a joué un rôle majeur dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Alors que la question, y compris aux Etats-Unis, ne porte plus dorénavant sur la nécessité de l'action, mais sur ses modalités, les Européens ont la responsabilité historique de faire évoluer positivement, pour l'après-2012, le cadre du Protocole de Kyoto, en parvenant à convaincre les Américains et les grands pays émergents de prendre les mesures ambitieuses susceptibles de répondre à l'urgence climatique.

Le réchauffement met en péril l'économie mondiale : le rapport Stern
Conférence-débat IDDRI-Sciences Po
Sir Nicholas Stern
Quelques jours avant l'ouverture, le 6 novembre 2006, à Nairobi, au Kenya, de la 12e conférence internationale sur le climat, la publication d'un rapport de l'économiste britannique Sir Nicholas Stern a fait grand bruit. L'auteur y alerte la communauté internationale sur les conséquences dramatiques à terme pour l'économie mondiale du réchauffement climatique. Le rapport évoque un impact comparable à celui des guerres mondiales ou à la crise de 1929 et chiffre à 5 500 milliards d'euros le coût du changement climatique si rien n'est fait. Si le constat est alarmiste, le rapport n'est cependant pas défaitiste. L'auteur rappelle en effet qu'il n'est pas trop tard pour éviter une catastrophe planétaire à condition que chaque pays, riche ou pauvre, prenne rapidement les mesures qui s'imposent. Des pays et des régions, comme l'Union européenne, la Chine ou la Californie, ont déjà montré la voie en adoptant des politiques de réduction des gaz à effet de serre ambitieuses. Il faut désormais aller beaucoup plus loin et agir au niveau international en se fixant des objectifs communs à long terme.

L'agriculture et la forêt, au cœur du changement climatique
CA-Eclairages
Catherine Mollière
L'agriculture et la forêt ont une part de responsabilité très importante dans le changement climatique. Elles en seront également les victimes et dans certains cas de façon dramatique. Concernant l'activité agricole, le gaz incriminé n'est pas le dioxyde de carbone (CO2) mais le protoxyde d'azote (N2O) dont l'une des caractéristiques est d'être en tant que gaz à effet de serre 310 fois plus actif par tonne émise que le CO2. La déforestation, quant à elle, provoque la libération de quantités considérables de carbone stocké dans les arbres et dans le sol. L'agriculture et la forêt peuvent aussi participer à la lutte contre le réchauffement à travers une baisse des émissions, mais également par la fourniture d'énergies renouvelables. L'évaluation de cette contribution reste toutefois, à ce jour, relativement incertaine.

Le nouvel engouement des entreprises pour le " business vert "
The Economist
Si des années 1980 au début des années 2000, de grandes entreprises américaines, comme Exxon Mobil, sont allées jusqu'à constituer une coalition pour militer plus efficacement contre l'application de mesures de lutte contre le réchauffement climatique, l'attitude des milieux d'affaires est désormais tout autre et la protection de l'environnement est devenue leur nouveau cheval de bataille. Ce revirement spectaculaire s'explique en partie par la pression morale croissante exercée par les organisations de défense de l'environnement et les citoyens mais aussi par les formidables opportunités économiques offertes par les investissements dans le développement des énergies renouvelables et des technologies propres. Pour que l'engouement des entreprises, en particulier pour la lutte contre le réchauffement climatique, ne soit pas qu'un effet de mode éphémère, il appartient aux gouvernements de prendre les mesures susceptibles de les inciter à investir davantage encore dans le secteur du " business vert ".

Réchauffement de la planète : qui perd ? Qui gagne ?
The Atlantic Monthly
Gregg Easterbrook
Le réchauffement climatique pourrait avoir, au cours du siècle, on le sait, des conséquences terribles : inondations, sécheresses, perturbations des courants océaniques, recrudescence des maladies tropicales, etc. Autant de cataclysmes qui, de surcroît, risquent d'accabler davantage les populations déjà déshéritées des pays en développement. On évoque plus rarement en revanche le fait que dans certaines parties du monde, le changement climatique est aussi susceptible de faire des gagnants, notamment dans les pays et les régions situés dans la zone septentrionale (Alaska, Canada, Groenland, Russie et Scandinavie) qui verraient leurs terres prendre subitement de la valeur. De la même façon, le réchauffement de la planète ouvrirait de nouvelles routes maritimes qui feraient la fortune des ports de l'océan Arctique, tandis que plus au sud, les mégapoles portuaires, aujourd'hui très fréquentées, comme Singapour connaîtraient un déclin rapide et inexorable.

EGALEMENT DANS CE NUMERO
ECONOMIES ETRANGERES
Le rebond de l'Argentine

CCE International
Sophie Marek
Le dynamisme de l'économie argentine est désormais évident. Le rythme de croissance est resté élevé depuis 2003, de l'ordre de 9 % par an, grâce en grande partie à l'agriculture et au boom de la construction. Malgré l'amélioration très nette de la situation du pays, les investisseurs étrangers se montrent souvent vigilants, en raison des incertitudes politiques et juridiques qui demeurent. Cependant, les opportunités en Argentine sont nombreuses pour les entrepreneurs qui, en dépit des risques, sont en mesure de faire preuve d'une grande capacité d'adaptation.

ECHANGE INTERNATIONAL
Le commerce international des services de santé
Economies et Sociétés
Marc Lautier
Le thème du tourisme médical et de l'internationalisation des services de santé suscite l'intérêt croissant des économistes et se traduit, ces dernières années, par une abondance de publications. Les exportations de services de santé ont été, jusque-là, traditionnellement dirigées des pays du Nord vers ceux du Sud. Il semble toutefois que de nouvelles opportunités apparaissent pour certains pays en développement (PED), notamment en matière de fourniture de soins, sur le territoire national, à des patients étrangers. L'auteur, après avoir souligné la difficulté que représente l'analyse de ce phénomène en raison, en particulier, de la fragilité des données disponibles, revient sur l'ampleur et l'impact du commerce international des services de santé sur les économies des PED concernées et dessine quelques perspectives.

CATASTROPHES NATURELLES
Comment maîtriser le coût des catastrophes naturelles ?
Finances et Développement
David Hofman
Entre 1996 et 2005, il s'est produit 57 catastrophes naturelles dans le monde. Avec le changement climatique et l'urbanisation galopante, il semble que celles-ci se soient intensifiées ces dernières années, contribuant ainsi à l'accroissement du montant des pertes. On assiste en effet à un doublement du coût des catastrophes entre les périodes 1980-1989 et 1996-2005 : de 247 à 575 milliards de dollars. Les marchés de l'assurance offrent diverses possibilités aux pays menacés d'anticiper les risques inhérents à ces catastrophes. Contrairement aux dons qui leur sont versés après l'événement, ces marchés permettent également de limiter la dépendance financière des pays victimes de catastrophes naturelles à l'égard des pays qui leur viennent en aide. Dans ce contexte, le choix de la police d'assurance (mutuelle, marché des capitaux, assurance commerciale, etc.) revêt une grande importance.

No 2.931
10 octobre 2007


DOSSIER : Du commerce équitable au e-commerce, la liberté retrouvé du consommateur ?

Les AMAP : faire son marché autrement
Sciences de la Société
Sophie Dubuisson-Quellier et Claire Lamine
S'approvisionner auprès d'une association pour le maintien d'une agriculture paysanne (AMAP) constitue un engagement politique. Le consommateur, en payant ses produits plus chers et en contournant le canal de distribution classique, à savoir la grande distribution, revendique un acte d'achat qui permettra, grâce aux comportements similaires de ses concitoyens, de maintenir en activité une agriculture non intensive. Dans ce système, un contrat lie le producteur au consommateur. Ce dernier s'engage pendant au moins six mois à acheter une fois par semaine des produits plus chers que ceux vendus en grande surface. En échange, le maraîcher garantit au consommateur l'origine naturelle de sa récolte et lui donne la possibilité d'en juger, lors de leur rencontre hebdomadaire. Si cette forme de commerce est une alternative à la grande distribution, celle-ci continue toutefois, comme le rappellent les auteurs, à imposer ses repères aux AMAP, notamment lors de la détermination des prix.

Commerce équitable et grande distribution : le dilemme
Revue française de sociologie
Ronan Le Velly
Parmi les nouvelles formes de commerce qui défient la grande distribution, le commerce équitable, qui a pris son essor dans les années 1980 en France, est une des plus anciennes. Le mouvement Artisans du Monde (plus de 130 boutiques en France) en est une figure emblématique comme le label " Max Haavelar ", apparu, lui, plus tard. Leurs produits (café, bijoux, etc.) sont plus chers que ceux de leurs concurrents mais garantissent à l'acheteur le respect et la survie des petits producteurs du Tiers-Monde. L'auteur décrit le fonctionnement de Max Haavelar et d'Artisans du Monde qui ont choisi de suivre des stratégies différentes pour faire face à une demande croissante.

Le e-commerce donne plus de pouvoir au consommateur
Economie et Management
Sophie Néron
Dix-huit millions de Français - c'est-à-dire plus d'un internaute sur deux - ont acheté au moins une fois sur l'Internet. Le e-commerce - qui a progressé de 40 % entre 2005 et 2006 -, que l'on croyait jusque-là réservé aux jeunes technophiles, concerne en réalité une communauté plus large. La variété des sites d'achat proposés en ligne a certainement contribué à attirer notamment de plus en plus de femmes (58 % des " cyber-acheteurs ") et de retraités (6 %). Ce nouveau canal de distribution modifie en outre considérablement les conditions d'achat. En raison notamment de l'existence de sites comparatifs, le consommateur a rapidement accès à plus d'informations sur le produit et sur le prix. Le commerce en ligne donne ainsi à l'acheteur plus de pouvoir et de liberté. Annoncerait-il la fin de la toute puissance du vendeur ?

Amazon.com se lance dans le téléchargement payant
The Economist
Créée en 1995, à Seattle aux Etats-Unis, Amazon.com est, à l'origine, connue pour être la plus grande librairie en ligne du monde. Mais l'entreprise de commerce électronique a rapidement diversifié son offre pour vendre des disques, des vidéos, des jeux, des bijoux et des produits d'épicerie non périssables, empiétant ainsi sur les parts de marché de ses concurrentes de la grande distribution. Si la croissance de ses ventes globales est particulièrement forte (+ 22 % en 2006, presque autant que la croissance des ventes sur l'Internet aux Etats-Unis : + 25 %), l'activité d'Amazon.com reste toutefois traditionnelle puisqu'elle consiste en la vente de produits physiques. Afin dý remédier, l'entreprise américaine a récemment choisi de changer de stratégie et de proposer, en ce qui concerne les disques et les vidéos, le téléchargement à la demande, ce qui la place parmi les rares entreprises de commerce électronique que l'on surnomme les " Clicks ", à savoir celles qui ont définitivement abandonné toute activité traditionnelle.

Le paiement en ligne : la confiance au cœur du commerce électronique
L'Observateur de l'OCDE
Avec 96 % de satisfaits parmi les " cyber-acheteurs ", en 2006, en France et 40 % de croissance entre 2005 et 2006, la croissance du e-commerce semble particulièrement solide. Une menace pèse toutefois sur cette nouvelle forme de commerce : la " cyber-fraude ". Le nombre de plaintes a en effet plus que doublé entre 2004 et 2005 en Europe et a augmenté de 16 % aux Etats-Unis. Cela expliquerait pourquoi, selon l'Observatoire européen des technologies de l'information (OETI), les transactions entre les professionnels - qui représentent 90 % du commerce électronique - demeurent plus nombreuses que celles entre consommateurs et professionnels. Les coûts en termes financiers (1,2 milliards de dollars aux Etats-Unis) et de perte de temps à résoudre les problèmes dissuaderaient certains consommateurs à utiliser l'Internet pour leurs achats. La confiance est ainsi au cœur du commerce électronique et les autorités sont disposées à déployer tous les moyens juridiques pour la maintenir afin qu'elle ne devienne pas un obstacle au développement du e-commerce.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

EMPLOI
Politiques de l'emploi : entre compétences nationales et coordination européenne
Ecoflash
Christine Erhel
Les politiques de l'emploi sont des politiques structurelles qui s'inscrivent dans la durée. Elles visent à limiter les conséquences du chômage (dépenses passives) et à créer des emplois ou à améliorer le fonctionnement du marché du travail (dépenses actives). Si les politiques de l'emploi relèvent de la compétence nationale, on distingue toutefois, au niveau international, trois modèles : le modèle libéral et peu interventionniste suivi par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, le modèle universaliste (ou nordique) et fortement interventionniste de la Suède et du Danemark et le modèle intermédiaire adopté par la France, l'Allemagne et l'Italie. Les deux premiers s'opposent mais sont tous deux financés par l'impôt, contrairement au troisième qui repose sur les cotisations. En rappelant la diversité des pratiques en matière de politiques de l'emploi, l'auteur nous permet de mieux comprendre l'importance du débat sur leur efficacité.

UNION EUROPENNE
A quoi sert la Banque centrale européenne ?
Futuribles
Jean-François Drevet
L'intérêt de l'indépendance de la Banque centrale européenne (BCE) garantie par le traité de Maastricht, afin de préserver la politique monétaire d'éventuelles pressions politiques, n'a jusque-là pas été compris ou admis par tous. En France, les critiques portant sur l'action de la BCE et les réserves émises à l'égard de la solidarité monétaire européenne ont été nombreuses. L'auteur montre, ici, que le comportement de la BCE ne se distingue guère de celui des autres grandes banques centrales, dont l'objectif principal est de " maintenir la stabilité des prix ". Il souligne également que son utilité réside dans le fait que la monnaie unique " protège mais ne dynamise pas " les économies nationales. Ce qui plaide en faveur d'un renforcement de la convergence des politiques économiques.

RISQUE PAYS
Risque pays : remarques sur une évolution en profondeur
Accomex
Nicolas Meunier
La forte croissance mondiale des dernières années laisserait penser que le risque pays a diminué. En dix ans, en effet, le paysage macroéconomique des pays émergents a changé : la croissance s'est généralisée s'accompagnant d'une réduction des déséquilibres (solde budgétaire, balance courante, inflation), d'une diminution des spreads de taux d'intérêt et d'une amélioration des notations d'agence. Cependant, l'amélioration du risque souverain ne signifie pas que le risque pays a diminué : la dette a changé de nature et de main, mais elle est toujours là, certaines monnaies sont sous-évaluées et les phénomènes de contagion restent toujours d'actualité. Désormais, il faut envisager le risque pays davantage en termes de tension et non plus seulement de crises, les premières étant permanentes, les secondes apparaissant comme des événements dévastateurs mais rares.
No 2.932
10 octobre 2007


DOSSIER : Le bilan de l'économie française 2006/2007

Les immigrées sont-elles responsables de la hausse de la fécondité ?
Population et Sociétés
François Héran et Gilles Pison
La France est aujourd'hui avec deux enfants par femme un des pays les plus féconds d'Europe. D'aucuns affirment que cette fécondité qui place pratiquement la France au seuil de remplacement des générations serait due à l'immigration. Les auteurs montrent que la fécondité des étrangères est certes plus élevée que celle des Françaises mais, comme elles ne représentent qu'une minorité au sein de la population, leur contribution au taux de fécondité de la métropole reste modeste (+ 0,1). Ce dernier passe ainsi de 1,8 à 1,9 enfant par femme. Ce n'est donc pas l'immigration qui explique l'exceptionnelle fécondité des Françaises en Europe.

Une croissance de l'emploi au plus haut depuis 2001
Point statis - Unedic
Didier Dubaud et Arnaud Gérardin
En 2006, près de 240 000 emplois ont été créés avec un taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) qui n'a pas dépassé 2,2 % sur l'année. La France enregistre ainsi sur ce plan sa meilleure performance depuis 2001. Comme ce fut le cas les deux années précédentes, la hausse des effectifs dans le secteur tertiaire et la construction a fait plus que compenser le recul de l'emploi dans l'industrie. Au cours de l'année 2006, on observe une progression deux plus fois plus rapide de l'emploi féminin. La tendance à la baisse du chômage s'est poursuivie. A la fin de juillet 2007, le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) s'établissait selon des estimations provisoires de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) à 8 %.

Accélération de l'activité
INSEE Première
Franck Arnaud, Antonin Aviat et Adrien Friez
En 2006, l'activité économique a connu une accélération par rapport à l'année précédente. Le produit intérieur brut (PIB) a augmenté en moyenne annuelle de 2,0 % en volume. Le solde extérieur négatif, en 2006, a encore pesé sur la croissance. La consommation des ménages et l'investissement demeurent dynamiques. Le pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages a gagné en vigueur et leur taux d'épargne a augmenté. La hausse du taux de prélèvements obligatoires et le ralentissement des dépenses publiques ont permis de poursuivre la réduction du déficit public. Quant aux sociétés non financières, elles ont vu leur taux de marge se maintenir.

La consommation des ménages reste très solide et leur investissement dynamique
Note de conjoncture - INSEE
En 2006, le revenu disponible brut (RDB) des ménages a progressé par rapport à l'année précédente et s'est établi à 4,3 % en moyenne, contre 3,1 % en 2005. Avec une augmentation des prix de 1,9 %, le pouvoir d'achat des ménages s'améliore (+ 2,4 % par rapport à + 1,3 % en 2005). La consommation des ménages est restée très solide en 2006 (+ 2,1 % contre + 2,2 % l'année précédente), elle a été à nouveau pénalisée par le recul des dépenses énergétiques, en raison de températures particulièrement clémentes. L'investissement des ménages présente depuis début 2006 une nette tendance au ralentissement : le niveau élevé atteint par les prix de l'immobilier et le durcissement des conditions de financement ont fini par freiner une demande jusque-là très vigoureuse. La faiblesse de la consommation, conjuguée à la progression plutôt dynamique du revenu, a conduit à une remontée du taux d'épargne à la fin de l'année. Pour 2007, on s'attend à un rebond de la consommation (+ 0,9 % par trimestre) dans un climat de confiance qui reste élevé.

La dégradation des échanges courants perdure
Banque de France
Balance des paiements et position extérieure de la France
Les résultats de l'année 2006 confirment la tendance observée depuis le début de la décennie : une dégradation du solde des transactions courantes qui s'explique essentiellement par les soldes déficitaires des biens et des transferts courants (- 30 et - 21,7 milliards, respectivement). Le compte de capital qui était légèrement excédentaire en 2005, présente en 2006 un déficit de 0,2 milliard. En contrepartie, le compte financier se traduit par des entrées de capitaux de 64 milliards d'euros. Les investissements directs bénéficient de l'expansion du mouvement des fusions-acquisitions internationales et affichent des sorties nettes de 27,1 milliards d'euros, proches de celles enregistrées en 2005 (32,1 milliards).

L'énergie creuse le déficit commercial
DGDDI
Rapport du commerce extérieur - Année 2006
En 2006, la progression des échanges est plus rapide qu'en 2005. Le dynamisme des ventes de biens intermédiaires et de biens d'équipement a largement contribué à accroître le rythme de croissance des exportations (+ 8,6 % contre 4,1 % en 2005). Toutefois, il a été insuffisant pour compenser celui des importations (+ 9,8 %). La facture énergétique s'alourdit de 8,5 milliards d'euros par rapport à 2005, ce qui contribue fortement à la détérioration du solde commercial qui est passé de - 22,9 milliards d'euros en 2005 à - 29,2 en 2006.

Le déficit budgétaire repasse pour la première fois sous la barre des 3 %
Cour des comptes
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Le dynamisme, en 2006, de la croissance économique et l'accroissement des prélèvements obligatoires, en France, ont nettement contribué à la réduction du déficit public (2,5 % du produit intérieur brut - PIB) qui est tombé, pour la première fois, en dessous du plafond défini par le Traité de Maastricht (3 %). Le ratio reste toutefois deux fois plus élevé qu'en 2001, en raison notamment de la progression importante des dépenses publiques au cours des dix dernières années. La dette publique a, de son côté, augmenté pour atteindre les 1 142 milliards d'euros, c'est-à-dire 63,7 % du PIB, dépassant encore cette année la limite prévue par le Traité de Maastricht (60 %). Le retour à l'équilibre du solde public, cohérent avec les engagements européens, permettrait à la France d'accroître ses marges d'action et de faire face aux défis de long terme que sont le vieillissement de la population, le financement des retraites, l'accroissement des dépenses de santé et l'augmentation des charges environnementales.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

ENVIRONNEMENT
Sauver la planète, nouveau rôle des Etats ?
Sociétal
Michel Ruimy
La lutte contre le changement climatique figure en bonne place parmi les questions environnementales soumises au débat à l'occasion du " Grenelle de l'environnement ". L'auteur revient ici sur le rôle que l'Etat est susceptible de jouer dans ce domaine. Afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre, les principaux outils de politique économique mobilisés sont les taxes pigouviennes ou les marchés de droits à polluer. Mais ces outils qui tentent de remédier aux défaillances du marché et de pénaliser le producteur d'externalités négatives présentent des limites. Les Etats pourraient donc être amenés, dans le but de contraindre les entreprises à adopter des technologies particulières pour réduire leurs émissions polluantes, à compléter leur action en ayant recours à des outils réglementaires.

MATIERES PREMIERES
Pétrole : du marché au marchandage
La Gazette de la société et des techniques
Romain Bonenfant et Laurent Kueny
Dans un avenir désormais très proche, les gigantesques besoins en pétrole de pays émergents comme la Chine ou l'Inde ne pourront être satisfaits que par quelques pays membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). La concentration de cette ressource est susceptible de conduire certains producteurs à se servir de la manne pétrolière à des fins stratégiques. Dès lors, la sécurité d'approvisionnement des pays occidentaux et, plus grave encore, la paix dans le monde pourraient être dangereusement menacées. Selon les auteurs, dans la mesure où la logique de marché semble aujourd'hui avoir atteint ses limites, la seule perspective d'action pour prévenir ces périls passe par un retour de la puissance publique à travers la définition à l'échelon européen d'une nouvelle politique énergétique.
No 2.933
24 octobre 2007


DOSSIER : La propriété intellectuelle en danger

Pourquoi la production de connaissance doit-elle être protégée ?
Reflets et Perspectives de la vie économique
Paul Belleflamme
La finalité principale du droit de la propriété intellectuelle est de promouvoir l'innovation et la création en protégeant la production d'information ou de connaissance liée à ces activités. Mais la nature publique de la production d'information ou de connaissance est à l'origine d'un certain nombre de déficiences du marché : cette production génère en effet des externalités (la non-excluabilité notamment, principe selon lequel la consommation d'un bien par un individu ne peut empêcher la consommation du même bien par un autre individu) qui entraînent un problème d'" appropriabilité ". Le droit de la propriété intellectuelle cherche à remédier à l'ensemble de ces déficiences par des moyens légaux, en accordant au créateur l'usage exclusif de la connaissance protégée, pour une période de temps limitée.
Les risques de la dématérialisation des biens culturels
Communication au colloque CEPN-IFC
Anne-Gaëlle Geffroy
L'avènement des technologies numériques dans l'industrie des biens culturels a considérablement modifié les possibilités de reproduction et de distribution des films ou de la musique. Un milliard de fichiers musicaux ont ainsi été téléchargés en France en 2005 (soit l'équivalent du nombre de ventes physiques de titres), dont seulement 20 millions légalement. Les nouvelles technologies ont également transformé les moyens de protection des biens culturels. Elles ont en effet facilité la protection des droits exclusifs en abaissant fortement ses coûts. En effet, en dotant par exemple un fichier numérique d'un DRM (Digital Rights Management - en français : gestion des droits numériques), la surveillance légale des infractions individuelles au droit d'auteur (via l'utilisation du peer-to-peer) est facilitée et moins coûteuse. Pourtant l'utilisation des DRM tarde à se développer notamment en raison de l'attitude des fournisseurs de logiciels et d'équipements informatiques qui profitent du piratage pour valoriser leurs systèmes de protection. Réglementer l'industrie des biens culturels est toutefois, selon l'auteur, nécessaire pour inciter à la création.
Concilier propriété intellectuelle et concurrence dans le domaine du vivant
Synthèses
OCDE
Si le débat, amorcé il y a une trentaine d'années, autour de la brevetabilité du vivant n'est pas clos, il semble que le principe de son acceptation s'impose chaque jour davantage. La progression plus rapide du nombre de dépôts de brevets dans le secteur des biotechnologies en est l'illustration. Leur prolifération et la " déséquencialisation " de la recherche que celle-ci a permise dans le domaine amènent l'auteur à s'interroger sur les effets de ces deux processus sur le degré de concurrence et la nature de l'innovation dans la recherche sur le vivant, devenue plus difficile et plus coûteuse encore.
Les conflits Nord/Sud autour de la question de la protection du médicament
Rapport du groupe PIETA
Conseil d'analyse stratégique
Les tensions Nord/Sud autour de la question de la propriété intellectuelle restent particulièrement vives, notamment dans le cas des médicaments. Les entreprises pharmaceutiques du Nord ont intérêt à ce que leurs brevets soient reconnus et respectés dans le plus grand nombre de pays. Toutefois, dans la plupart des pays du Sud, les brevets sur les médicaments n'ont été reconnus que dans les années 1990. L'Argentine, le Brésil, la Jordanie et l'Inde, en particulier, en ont profité pour créer ou développer leur propre industrie pharmaceutique fabriquant des produits génériques. Si les négociations sur la santé publique sont délicates, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et le Conseil des Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) n'ont pas toujours contribué à alléger le cadre juridique multilatéral, d'où le développement croissant d'accords bilatéraux. Mais les blocages des négociations entre les deux blocs géographiques émanent également du Sud, notamment de la part de grands pays à revenus intermédiaires, comme le Brésil, dont les positions sur ce sujet ne font pas toujours l'unanimité au sein des pays en développement.
Les brevets constituent-ils un frein à l'innovation ?
Economie et Management
Frédéric Larchevêque
La privatisation des savoirs est maintenant un phénomène reconnu. Ce processus génère des investissements risqués, dont le coût croît avec le temps, et nécessite un renforcement du droit de la propriété intellectuelle. L'augmentation des coûts de transaction et la parcellisation des connaissances créent d'importantes barrières à l'innovation. La course au brevet peut, en outre, selon l'auteur, provoquer un gaspillage de ressources. Comment, dans un tel contexte, stimuler la création ? L'intervention publique, via la régulation de l'octroi des brevets, peut contribuer à abaisser les barrières à l'innovation. De même, l'incitation à la mutualisation des connaissances (" science ouverte ") permettrait de créer un domaine partagé des informations dans lequel chacun pourrait puiser librement, sans coûts. Mais ce processus n'est pas sans risques puisque, comme le rappelle l'auteur, il peut contribuer à favoriser la cartellisation de secteurs entiers...

EGALEMENT DANS CE NUMERO

COMMERCE INTERNATIONAL
Panorama mondial des politiques commerciales
La Lettre du CEPII
David Laborde
Les Etats ont recours, dans le cadre de l'application des politiques commerciales, à une grande diversité d'outils qui vont du simple droit de douane aux normes techniques et sanitaires les plus complexes. Le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) et le Centre de commerce international de Genève (CCI) ont mis au point une base de données qui fournit des informations précieuses sur les différentes méthodes utilisées en la matière par 170 pays dans le monde. Ces données permettent d'une part d'éclairer les intérêts des différents acteurs et d'autre part de mieux comprendre les positions que chacun d'entre eux défend dans les négociations commerciales multilatérales.

ECONOMIES ETRANGERES
La montée des inégalités à Taiwan
Far Eastern Economic Review
Craig Meer et Jonathan Adams
Entre 1964 et 1980, l'économie taiwanaise, tirée par les exportations, a connu de formidables années d'expansion qui ont permis une progression du niveau de vie de pans entiers de la population de l'île. La situation a aujourd'hui radicalement changé puisque l'on assiste à la montée des inégalités de revenus et à une érosion rapide de la classe moyenne. La compétition économique imposée par la mondialisation a en effet conduit de nombreuses entreprises de main-d'œuvre à délocaliser leurs activités en Chine. Les flux d'investissements directs à l'étranger (IDE) en provenance de l'ancienne Formose n'ont ainsi pas cessé de croître au cours des dernières années. Dans ce contexte, seuls les plus qualifiés sont parvenus à tirer leur épingle du jeu. L'Etat a pris conscience de la dégradation du climat social mais ses moyens de réduire la montée des inégalités de revenus restent relativement limités.

PROTECTION SOCIALE
Réformer l'assurance-maladie
Sociétal
François Ecalle
L'assurance-maladie constitue l'une des composantes majeures du système de sécurité sociale mis en place en France à partir de 1945. Aujourd'hui, son bilan apparaît largement positif, tant sur le plan sanitaire qu'en matière de cohésion sociale. Pourtant, elle est aujourd'hui confrontée à une situation financière difficile, comme l'a constaté récemment le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie. La hausse continue des dépenses, supérieure ces dernières années au taux de croissance du produit intérieur brut (PIB), a alimenté un déficit récurrent. La dernière réforme, engagée en 2004, entend à la fois changer les comportements des patients et des praticiens et améliorer la gouvernance de l'assurance-maladie. Par ailleurs, elle vise à dégager des recettes nouvelles, notamment via l'augmentation de la participation des malades aux actes de santé. Mais ce " reste à charge " est actuellement sans rapport avec leur capacité contributive, comme le souligne l'auteur qui propose de limiter cette participation à un certain pourcentage du revenu.
No 2.934
7 novembre 2007
No spécial : Portraits d'économistes

LES GRANDS CLASSIQUES
L'héritage de Milton Friedman, un géant de la science économique

The Economist
Il y a un an disparaissait Milton Friedman, un géant de la science économique. Né en 1912 à New York dans une famille pauvre d'immigrés hongrois, il a été pendant 30 ans, de 1946 à 1976, professeur à l'université de Chicago, où il fut le plus célèbre des chefs de file de la célèbre Ecole de Chicago. Il écrivit en 1963 avec Anna Schwartz, une monumentale histoire monétaire des Etats-Unis dans laquelle il explique l'aggravation de la crise de 1929 par les erreurs de la Réserve fédérale (Fed) qui mena une politique monétaire grossièrement restrictive. Ses travaux en matière d'analyse monétaire et de politique de stabilisation lui valent, en 1976, la récompense suprême avec l'attribution du prix Nobel. Ardent défenseur du libéralisme, promoteur du monétarisme, ses thèses forgeront, avec l'essoufflement de la pensée keynésienne, le contexte intellectuel menant à la révolution conservatrice Reagan-Thatcher de 1979-1980. En 1975, il se rendit au Chili où il rencontra brièvement Augusto Pinochet et conseilla les " Chicago boys ". Ses thèses comme sa visite chilienne controversée lui ont valu d'intenses critiques. Quoi qu'il en soit, nul doute que son apport scientifique et son influence intellectuelle demeureront. Il restera dans l'histoire comme l'économiste le plus influent de la fin du XXe siècle, après les années de domination de la pensée de John Maynard Keynes.
Robert Mundell, un économiste en avance sur son temps
Finances et Développement
Laura Wallace
Robert Mundell a reçu le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel (le " prix Nobel d'économie ") en 1999, l'année du lancement de l'euro. Il est un des principaux pionniers de l'économie internationale contemporaine, comme l'a rappelé le comité Nobel lors de la remise du prix en évoquant ses travaux sur l'analyse des politiques monétaires et budgétaires sous différents régimes de change. Passionné dès le début des années 1960 par le système monétaire international, Mundell est un chercheur particulièrement fécond et non conformiste qui a à la fois mené des recherches théoriques et assuré des fonctions dans des organisations internationales. Sur le plan scientifique, il a notamment jeté les fondements théoriques de l'Union monétaire européenne. Il a toujours été un ardent partisan de l'euro dont il est considéré comme le parrain. S'il ne tenait qu'à lui, le monde entier serait une vaste zone monétaire optimale dotée d'une monnaie unique. Ses travaux plus récents consistent à trouver un moyen de stopper l'inflation tout en évitant de provoquer la crise. Amoureux de l'Italie et de l'opéra, il est également fasciné par la Chine.
James Tobin ou la critique radicale du néolibéralisme
Alternatives économiques
Gilles Dolaster
James Tobin, mort en 2002, a été marqué au cours de son enfance par la grande dépression. Le souvenir de ces années noires explique la volonté qui a été la sienne de mettre la réflexion théorique au service de la politique économique afin de lutter contre la pauvreté par la croissance et le plein-emploi. Profondément influencé par les théories de John Maynard Keynes, il est aujourd'hui considéré comme un keynésien modéré. Sa principale contribution à la science économique est son analyse des marchés financiers et leurs liens avec les décisions des agents économiques en matière de consommation, d'emploi, de production et de prix - des travaux pour lesquels il a reçu en 1981 le " prix Nobel d'économie ". Tobin est connu du grand public pour sa proposition de taxation des opérations de change. L'objectif de cette taxe est de " mettre du sable dans les engrenages " afin de réduire la spéculation sur les places financières. Cette taxe, dénoncée par d'autres économistes, dont Robert Mundell, est devenue l'un des emblèmes du mouvement altermondialiste.
Maurice Allais, un économiste engagé
Revue d'histoire moderne et contemporaine
Olivier Dard
Maurice Allais, économiste et physicien de formation, est surtout connu pour ses travaux économiques. Il est, jusqu'à ce jour, le seul Français titulaire du " prix Nobel d'économie " - récompense qu'il a reçue en 1988 pour sa contribution à la théorie des marchés et ses travaux sur l'utilisation efficace des ressources. Si Maurice Allais est parfaitement représentatif de la tradition française des ingénieurs économistes, il a également toujours été un citoyen engagé, acteur du débat public. En apparence, cet engagement semble limité aux entreprises publiques et aux questions portant sur la tarification de leurs services. Mais au-delà de ces questions techniques, il n'a jamais hésité à prendre position sur de nombreux sujets. En 1947, il participe à la réunion de création de la très libérale Société du Mont Pèlerin. Militant européen et anti-communiste convaincu, Maurice Allais souhaite avant tout préserver les libertés politiques fondamentales et combattre tout système économique qui risque de compromettre le maintien de ces libertés.

LES INCLASSABLES
Avec Steven Levitt, l'économie descend dans la rue
Le Monde 2
Entretien de Samuel Blumenfeld avec Steven Levitt
En 2005, le livre d'économie le plus lu aux Etats-Unis a été Freakonomics, paru en France en 2006, que l'on pourrait traduire par " L'économie saugrenue ". L'auteur de ce best-seller est un jeune professeur prodige de l'université de Chicago, Steven Levitt, récipiendaire, en 2003, de la prestigieuse John Bates Clark Medal qui récompense tous les deux ans un économiste de moins de quarante ans. Si son ouvrage a intéressé un large public, c'est en raison du caractère inhabituel - pour un chercheur en économie - des domaines sur lesquels travaille Steven Levitt comme la drogue, l'avortement, la criminalité ou la prostitution. Loin de tout discours moral, il s'efforce grâce à l'analyse microéconomique d'éclairer ces faits de société.

Amartya Sen : l'économie est une science morale
Sciences Humaines
René-Eric Dagorn
Amartya Sen n'est pas un économiste comme les autres. Les travaux du " prix Nobel d'économie " de 1998 s'inscrivent dans la grande tradition humaniste d'économie de la justice. Sen a centré ses études sur les famines contemporaines, les inégalités et les choix sociaux. Dans le domaine des études empiriques, les applications de son approche théorique ont permis d'améliorer la compréhension des mécanismes économiques qui sont à l'origine des famines. Il a renouvelé l'approche de l'économie du développement et du bien-être. L'auteur retrace le parcours de cet économiste indien afin de mieux comprendre de quelle manière l'ensemble de son œuvre reste plus que jamais d'actualité.

LES PRATICIENS
Quelques questions au Maestro Greenspan
Die Zeit
Thomas Fischermann
Pendant vingt ans, Alan Greenspan a été à la tête de la Réserve fédérale (Fed) et a guidé l'économie américaine avec succès à travers un certain nombre de crises, dont le krach boursier d'octobre 1987, l'éclatement de la bulle Internet ou les attentats du 11 septembre 2001. Aujourd'hui âgé de 81 ans et officiellement à la retraite, il enchaîne les conférences, accumule les collaborations en tant que conseiller spécial et publie des livres. La sortie de ses mémoires, L'âge des turbulences, intervient cependant à un moment délicat. L'économie américaine souffre des effets de la crise des prêts hypothécaires à risques (subprime) et certains observateurs, dont Alan Greenspan lui-même, évoquent même l'hypothèse d'une récession. La responsabilité de l'ancien gouverneur de la Fed dans la crise est de plus en plus pointée du doigt. En maintenant les taux d'intérêt trop bas trop longtemps, il aurait favorisé la création d'une bulle immobilière à l'origine de l'effondrement des marchés hypothécaires.

Hernando de Soto : le capitalisme, médecine des pauvres ?
Politique internationale
Entretien de Henri Lepage avec Hernando de Soto
Un des principes de base de l'économie politique classique est l'affirmation que le capitalisme repose sur la propriété privée des moyens de production. Hernando de Soto, économiste médiatique, fondateur de l'Institut pour la liberté et la démocratie (ILD) - un think tank installé à Lima (Pérou) -, ancien gouverneur de la Banque centrale du Pérou et auteur de deux ouvrages majeurs, L'autre sentier - en référence aux guérilleros du Sentier lumineux au Pérou qui ont essayé de l'assassiner - et Le Mystère du capital, parus en espagnol, respectivement en 1986 et en 2000, part de ce principe en cherchant à renouveler le rôle de la propriété dans le développement. La question centrale de son analyse est celle de l'informalité dans les économies en développement. L'immense majorité des populations des pays du Sud ne bénéficient en effet que de droits flous, extra-légaux et contestables. L'absence de droits de propriété clairement établis et garantis par les institutions juridiques constitue pour ces populations un frein au travail et à l'investissement. Cette situation a, au final, un coût considérable en termes de développement économique. L'approche de Hernando de Soto, si elle comporte des insuffisances, notamment théoriques, a néanmoins le mérite de présenter un certain intérêt pour comprendre ce qui reste un enjeu fondamental du développement. Il a reçu en 2004 le prix Milton Friedman pour le progrès des libertés, décerné par le Cato Institute.

LES PEDAGOGUES
Quand Daniel Cohen explique des ressorts de la croissance
Sciences Humaines
Entretien de Sylvain Allemand avec Daniel Cohen
Au début des années 1980, Daniel Cohen a séjourné aux Etats-Unis. Là-bas, il a eu l'occasion de prendre la mesure de l'inventivité de la science économique américaine et de découvrir de futurs grands noms de cette discipline, comme Paul Krugman, Jeffrey Sachs, Rudiger Dornbusch ou Olivier Blanchard. A partir de septembre 1981, il y travaillera aux côtés de Jeffrey Sachs - avec lequel il se rendra en Bolivie - sur la définition d'un programme de lutte contre l'hyperinflation ainsi que sur l'endettement des pays en développement. Daniel Cohen, membre du Conseil d'analyse économique (CAE), mène aujourd'hui de front des activités d'enseignement (ENS), de recherche (CEPREMAP) et de consultant auprès d'organisations internationales. Mathématicien de formation, il s'efforce dans ses travaux de combiner les outils de la microéconomie avec l'apport des autres sciences sociales. C'est avec un ouvrage paru à la fin des années 1990, Richesse du monde, pauvreté des nations, qu'il se fait connaître au-delà du cercle des économistes.

Paul Krugman : un économiste militant
Finances et Développement
Arvind Subramanian
Paul Krugman, qui s'est vu décerner en 1991 la prestigieuse John Bates Clark Medal, dont on a coutume de dire qu'elle est plus difficile à obtenir que le " prix Nobel " annuel, a consacré ses travaux de recherche à l'étude du commerce dans des conditions de rendements croissants et de concurrence imparfaite, puis à l'étude d'une discipline quelque peu abandonnée, la géographie économique. Après quelques années, Krugman l'économiste a laissé la place à Krugman le journaliste. Tout en poursuivant ses tâches professorales à l'université de Princeton, il s'est fait connaître en effet du grand public, dans les années 2000, grâce à ses célèbres chroniques politiques publiées dans le New York Times. A travers cette tribune, la plus prestigieuse qui soit parmi les grands médias américains, il s'est mué en commentateur politique impitoyable, ce qui lui a valu au passage de nombreuses attaques personnelles et professionnelles. Mais si cette activité a fait passer ses travaux académiques au second plan, elle lui a permis d'assouvir une autre de ses vocations, celle d'expliquer l'économie au grand public.

Joseph Stiglitz : un rebelle de la pensée économique ?
Management Today
Entretien de Stefan Stern avec Joseph Stiglitz
Joseph Stiglitz, lauréat du " prix Nobel d'économie " en 2001, est devenu pour le mouvement altermondialiste, au début des années 2000, une véritable icône. Il n'est pas sûr pourtant que les opposants farouches à la mondialisation aient autant de choses en commun avec ce professeur brillant de l'université Columbia (New York) qu'ils ne se l'imaginent. Après avoir servi Bill Clinton à la Maison-Blanche, comme membre, puis président du Council of Economic Advisers (Conseil économique placé auprès du Président des Etats-Unis), Stiglitz a rejoint la Banque mondiale où il a occupé la fonction d'économiste en chef de 1997 à 2000. Il espérait, en acceptant ce poste, replacer la question du développement au cœur du système économique global et pouvoir exprimer ses vues - qui n'étaient pas nécessairement celles de la Banque -, notamment sur la mondialisation. Il s'est alors rapidement rendu à l'évidence qu'il lui serait difficile de travailler très longtemps au sein de cette institution. Dans La Grande désillusion, publié en 2002 et devenu un best-seller international, il a relaté cette expérience amère et s'est livré à un réquisitoire sévère des institutions internationales de Washington. Si ce livre l'a fait connaître du grand public et lui a attiré les louanges des altermondialistes, il lui a également valu de nombreuses polémiques et les critiques sévères d'une partie des économistes.

EN GUISE DE CONCLUSION
Qui seront les prix Nobel de demain ?
The Economist
En 1988, The Economist publiait un article sur les meilleurs jeunes économistes du monde, des chercheurs trentenaires qui avaient déjà acquis à l'époque une solide renommée dans la profession. La liste comportait les noms suivants : Larry Summers, Jeffrey Sachs, Andrei Shleifer, Paul Krugman, Gregory Mankiw, Sanford Grossman, Alberto Alesina et Jean Tirole. Dix ans plus tard, le magazine britannique chercha à savoir ce que ces stars de la recherche économique, toutes promises à un très bel avenir et figurant en bonne place parmi les futurs nobélisables, étaient devenues. Seules deux d'entre elles avaient poursuivi une activité de recherche fondamentale, les autres ayant préféré prendre des responsabilités au sein d'organisations internationales, de gouvernements ou se consacrer à l'écriture d'ouvrages de vulgarisation, d'articles de presse ou de manuels universitaires. Dans cet article de 1998, The Economist s'intéressa également à la relève, une nouvelle génération de chercheurs qui, à l'orée du nouveau millénaire, explorait de nouveaux champs de la science économique, utilisait des outils différents de recherche ou élaborait de nouvelles théories. Une génération promise, elle aussi, un jour, aux plus hautes distinctions. Près d'une décennie après la parution de cet article, le temps a montré que certaines des intuitions de The Economist se sont révélées exactes...
 

No 2.935
21 novembre 2007

DOSSIER : Le bilan de l'économie mondiale 2006/2007

Un pas de plus sur la voie du rééquilibrage de la croissance mondiale
Perspectives économiques de l'OCDE
OCDE
En 2006, les disparités conjoncturelles ont continué à s'atténuer entre les grandes régions de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Au premier trimestre 2007, les différentiels de taux de croissance et les écarts entre les taux de chômage étaient les plus faibles depuis plus de dix ans pour les sept principales économies de la zone. Le ralentissement de l'économie américaine, les meilleures performances de la zone euro, dont la croissance a dépassé (en glissement annuel) celle des Etats-Unis à la fin de 2006, et du Japon expliquent cette évolution. Les grands pays émergents (Chine, Inde, Russie, etc.) ont continué de soutenir l'activité économique mondiale. Les prix du pétrole sont repartis à la hausse, tandis que le recyclage des pétrodollars s'est intensifié. Les déséquilibres mondiaux - même si le déficit de la balance courante américaine est repassé sous la barre des 6 % du PIB à la fin de 2006 - sont restés, quant à eux, très marqués. Les turbulences financières observées depuis l'été 2007 accroissent désormais l'incertitude concernant la trajectoire que va suivre l'économie mondiale. L'hypothèse que les Etats-Unis basculent dans la récession ne peut ainsi être totalement écartée.

Marchés financiers : un goût pour le risque de plus en plus prononcé
Rapport annuel
Banque des règlements internationaux
Les prix des actifs à risque ont, au cours de la majeure partie de l'année 2006 et au début de 2007 - hormis deux corrections passagères -, continué à augmenter. Nombre d'indices boursiers ont ainsi enregistré des records historiques. Les perspectives économiques moins favorables aux Etats-Unis et les effets des hausses des taux antérieurs ont provoqué toutefois chez les investisseurs certaines interrogations qui se sont ressenties, en particulier aux Etats-Unis, dans l'évolution des rendements obligataires. Les marchés d'actions dans les pays développés ont été confortés par la poursuite soutenue de la progression des bénéfices des entreprises mais également par les modifications survenues dans le capital des sociétés (augmentation des rachats d'actions, intensification des fusions-acquisitions). Dans les économies émergentes, la progression des cours des actions s'est effectuée dans un contexte macroéconomique en général favorable. Les investisseurs mondiaux ont montré un goût de plus en plus affirmé pour le risque.

Hausse de l'euro et des matières premières
Rapport annuel de la Banque de France

Christian Noyer
En 2006, l'euro s'est apprécié face au dollar (11,4 %) et au yen (12,5 %), mais s'est déprécié face à la livre sterling (- 2 %). Au Japon, la hausse des taux directeurs n'a pas profité au yen qui a continué à baisser, notamment en raison des opérations spéculatives sur écart de rendement (carry trade), qui consistent pour les investisseurs à profiter des faibles taux d'intérêt pour s'endetter en yen et financer des investissements dans d'autres monnaies. Les cours du pétrole ont encore augmenté en 2006, avec une progression de près de 20 % par rapport à l'année précédente. Quant à la politique monétaire de l'Eurosystème, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne a décidé à cinq reprises en 2006 de relever les taux directeurs de 25 points de base.

Augmentation généralisée de l'investissement direct à l'étranger
World Investment Report 2007
CNUCED
D'après l´examen annuel des tendances de l´investissement, effectué par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), les entrées mondiales d´investissement direct à l'étranger (IDE) ont augmenté en 2006 de plus de 38 % pour s´établir à 1 306 milliards de dollars, soit un chiffre proche du record atteint en 2000. Comme l´indique le Rapport sur l´investissement dans le monde, la croissance de l´IDE a atteint en 2006 un taux inégalé depuis 2000 et a bénéficié aux trois groupes de pays suivants : les pays développés, les pays en développement et les pays en transition de l´Europe du Sud-Est et de la Communauté des Etats indépendants (CEI). Si la plupart des grandes sociétés transnationales (STN) sont toujours européennes, japonaises ou américaines, une des évolutions les plus remarquables de ces dernières années est le nombre croissant de sociétés de pays en développement qui intègrent la liste des 100 premières STN mondiales.

La croissance de l'emploi s'est accélérée dans les pays de l'OCDE
Perspectives de l'emploi
OCDE
En 2006, l'emploi a sensiblement progressé dans l'ensemble des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Sa croissance s'est, plus particulièrement dans les pays européens, accélérée (1,6 % en 2006 contre 1,1 % en 2005). Aux Etats-Unis, le ralentissement de l'activité n'a pas eu d'incidence sur le marché du travail. La croissance de la population active ayant été plus faible que celle de l'emploi, le taux de chômage a baissé, entre 2005 et 2006, de 0,6 point de pourcentage, dans la plupart des pays de la zone. Cette diminution n'a toutefois pas provoqué de fortes pressions à la hausse des rémunérations réelles. En effet, si la rémunération réelle moyenne par salarié a augmenté, cette hausse reste nettement inférieure à la croissance globale de la productivité du travail.

Objectifs du Millénaire pour le développement : des progrès inégaux
Objectifs du Millénaire pour le développement - Rapport 2007
Nations unies
La Déclaration du Millénaire, ratifiée en 2000 par 147 des 189 États membres de l'Organisation des Nations unies (ONU), énumère les huit objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) à atteindre, d'ici 2015, afin de réduire de moitié la proportion de la population mondiale dont le revenu est inférieur à un dollar par jour. Les progrès accomplis concernant quatre des OMD - éliminer l'extrême pauvreté et la faim ; assurer l'éducation primaire pour tous ; combattre le VIH, le paludisme et d'autres maladies ; assurer un environnement durable - sont, à mi-parcours, très inégaux. Des avancées considérables ont été constatées en matière d'éducation. Le taux de scolarisation primaire est en effet passé de 80 % en 1991 à 88 % en 2005. En revanche, si la proportion de personnes vivant dans des conditions d'extrême pauvreté est passée d'environ un tiers à moins d'un cinquième de la population mondiale entre 1990 et 2004, 30 millions d'enfants risquent de souffrir encore de la faim dans les régions d'Asie du Sud et d'Afrique subsaharienne. Le nombre de personnes mourant du VIH dans le monde a en outre augmenté pour atteindre 2,9 millions en 2006 et les mesures de prévention ne parviennent pas à suivre le rythme de progression de l'épidémie. En matière d'environnement, les progrès sont lents. La moitié de la population mondiale vit sans hygiène de base et un tiers de la population urbaine habite des logements insalubres.


EGALEMENT DANS CE NUMERO

ENTREPRISES
LBO : le management par la tyrannie du cash
Le Journal de l'École de Paris
Noël Goutard
Le LBO (leverage buy-out) désigne une opération de rachat d'entreprises par emprunt. Cette technique consiste à acquérir une entreprise avec un minimum de capital et un maximum de dettes (créant ainsi un effet de levier important). Celle-ci est souvent mise en œuvre par un groupe de managers d'une entreprise en difficulté, associé à des investisseurs externes qui décident de prendre le contrôle de la société et d'en assurer la pérennité. Ces opérations permettent aux acquéreurs (capital-investisseurs, personnes physiques...) d'obtenir le contrôle d'une entreprise, tout en minimisant l'apport de fonds propres. La technique du rachat avec effet de levier est particulièrement bien adaptée aux problèmes de transmission patrimoniale et aux problèmes de stabilité d'actionnariat. Le LBO, qui très souvent se traduit par des restructurations et des licenciements, souffre néanmoins d'une mauvaise réputation et reste perçu avant tout comme une opération de réduction des coûts.

La crise financière expliquée par Hyman Minsky
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Gerald Braunberger
Durant l'été 2007, la crise des titres de créances hypothécaires aux Etats-Unis (subprimes) a fait chuter les bourses mondiales et notamment les titres des établissements de crédit dont certains ont enregistré d'importantes pertes. La crise a fait sortir de l'oubli le nom d'un économiste américain peu connu, mort en 1996 à l'âge de 77 ans : Hyman P. Minsky. Influencé par les travaux de Keynes et de Schumpeter, il a toujours privilégié une version pragmatique de l'économie, en intégrant la dimension psychologique des acteurs aux modèles économiques. Pendant la dernière partie de sa vie, il s'est surtout intéressé à l'innovation financière et à ses répercussions et a développé une théorie de la crise financière. Selon lui, les crises sont surtout le fait d'une exubérance et d'une présomption de la part des acteurs financiers qui les poussent à inventer sans cesse de nouveaux produits financiers masquant ainsi le caractère explosif de la situation globale. Une fois la crise éclatée, les banques sont les principales victimes et ne s'en sortent souvent que grâce à l'intervention de l'Etat.

No 2.936
5 décembre 2007

DOSSIER : Quelle rémunération pour les dirigeants d'entreprises ?

La rémunération des dirigeants : le juste prix ?
Le nouvel Economiste
Jacques Secondi
La rémunération des dirigeants d'entreprise fait débat. De nombreuses polémiques concernant le montant des salaires versés, ainsi que les indemnités de départ ont jeté l'opprobre sur l'ensemble de la corporation. De plus en plus de grands dirigeants de sociétés cotées sont amenés à justifier leurs avantages afin de ne pas perdre la confiance de leurs actionnaires et celle de l'opinion publique. Certes, grâce au travail des comités de rémunération, le salaire des patrons n'est plus fixé par hasard. Mais néanmoins, le doute persiste, notamment pour justifier les écarts entre les plus hauts salaires et la moyenne des rémunérations de l'entreprise. La question à laquelle il faudrait répondre est la suivante : qu'est-ce qu'on rémunère véritablement, la capacité à s'entourer de personnes compétentes, à faire des arbitrages judicieux, à supporter la responsabilité pénale, la rareté... ?
Fondements et pratiques de la rémunération des dirigeants en France
Les Notes du LIHRE
Christiane Alcouffe
La rémunération des dirigeants des grandes entreprises est une question centrale des débats autour du " gouvernement d'entreprise ". Elle doit être replacée dans le contexte de la séparation entre la propriété et la direction de l'entreprise. Le salaire des dirigeants vise à minimiser la divergence d'intérêt entre ces deux pôles de la société. En France, le conseil d'administration est seul compétent pour décider de la rémunération du président et des autres membres de la direction de l'entreprise. Dans cette tâche, il est assisté par un comité de rémunération. Des doutes persistent cependant concernant l'indépendance de ces mandataires. Ces derniers, ainsi que le groupe des dirigeants, sont caractérisés par une grande homogénéité des formations et des parcours professionnels : plus de 60 % des dirigeants d'entreprises sont passés par une ou plusieurs Grandes écoles (X, HEC, ENA, etc.). Par ailleurs, si le salaire des dirigeants est le résultat d'une véritable négociation prenant en compte de multiples critères, la marge discrétionnaire des responsables d'entreprises en matière de rémunération demeure toujours élevée.

La légitimité contestée des niveaux de rémunération : PDG versus équipe dirigeante
Les Cahiers du CERGORS
Charles-Henri d'Arcimoles et Julien Le Maux
La légitimité économique du niveau de rémunération des dirigeants d'entreprise est aujourd'hui de plus en plus contestée. Cette remise en question s'explique par le montant atteint par les salaires des chefs d'entreprises, ainsi que par la relative faiblesse des arguments justifiant de tels niveaux de rémunération. Cette dernière fait l'objet, depuis de nombreuses années, d'études empiriques qui cherchent à évaluer les arguments légitimant les montants versés. L'étude présentée par les auteurs réfute l'hypothèse mise en avant par la majorité des travaux qui supposent une relative homogénéité de statut au sein de l'équipe de direction. Celui du président de la société est en effet particulier. Les résultats de l'analyse montrent que les variables explicatives de sa rémunération diffèrent de celles des autres dirigeants.

Propositions pour " bien " payer les dirigeants
Amicus Curiae - Institut Montaigne
Philippe Manière
A la suite de plusieurs affaires, voire de scandales, concernant un petit nombre de PDG, la rémunération des patrons est désormais considérée comme tout à fait disproportionnée et sans lien réel avec la performance de l'entreprise. Cependant, il serait erroné d'imaginer que tous les dirigeants d'entreprises sont extrêmement bien payés, ils ne sont même parfois pas les mieux rémunérés de leur entreprise. Les pouvoirs publics sont de plus en plus tentés d'intervenir dans ce domaine en légiférant. L'auteur formule deux recommandations pour une réforme : clarifier le statut et les conditions d'éviction des mandataires sociaux, aujourd'hui caractérisés par une certaine confusion qui explique la majorité des dérives, et réviser le statut fiscal des stock-options afin de leur donner un caractère plus méritocratique.

Les rémunérations des dirigeants : le débat américain
Rapport moral sur l'argent dans le monde
Boris Jeanne et Stéphane Paillaud
Aux Etats-Unis, la rémunération des dirigeants d'entreprise qui continuent d'augmenter et de se diversifier, est censée refléter le niveau de risque supporté ainsi que leur performance. Cependant, aujourd'hui, le lien entre le montant de la rémunération des dirigeants et la performance de la société est parfois sans rapport. Le niveau de ces rémunérations est devenu une question significative du point de vue microéconomique et macroéconomique. La rémunération des dirigeants pèse parfois lourdement sur les résultats des entreprises. En dépit de cette situation, les disparités de revenus qui découlent de l'inflation des salaires des patrons restent généralement bien acceptées parce que leur réussite répond parfaitement au modèle social incarné par l'American dream (" le rêve américain " de l'ascenseur social) et que les patrons qui ont fait fortune perpétuent la tradition philanthropique américaine. L'histoire récente est néanmoins riche de dérives - allant de la manipulation des indicateurs à la gestion comptable " agressive " des résultats, en passant par l'attribution rétroactive de stock-options - qui font douter de plus en plus les médias comme l'opinion publique du bien fondé du niveau de rémunération atteint par certains patrons américains.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

MECENAT
Baby-boom du mécénat : qu'est-ce qui motive les entreprises ?
Rue Saint-Guillaume
Virginie Seghers
Le mécénat d'entreprise est un phénomène récent qui apparaît aux Etats-Unis dans les années 1960 et en France dans les années 1970. Contrairement à une idée largement répandue, la France est un des pays d'Europe où cette activité est la plus développée. La loi d'août 2003, qui institue un dispositif juridique et fiscal souple et incitatif, y a favorisé une véritable explosion des opérations de mécénat d'entreprise. Les raisons poussant deux univers (qui, en France, au mieux se méconnaissent, au pire s'ignorent - l'entreprise et les acteurs de la société civile) à se rapprocher pour faire un bout de chemin ensemble sont, comme le rappelle l'auteur, très diverses et souvent subtiles.

ECONOMIE DE LA DEFENSE
Externaliser la défense : la politique américaine
Sociologie du travail
Sami Makki
Le 2 octobre 2007, le PDG de la société de sécurité privée américaine Blackwater a été entendu durant plusieurs heures par une commission du Congrès qui enquêtait sur les graves exactions commises par ses mercenaires en Irak. Comprendre un tel événement nécessite de revenir sur les évolutions profondes, au cours des dernières années, du secteur de la défense aux Etats-Unis. La rationalisation des budgets militaires, la libéralisation du secteur et l'augmentation de l'insécurité sur la scène politique internationale ont contribué à faire émerger des sociétés privées agissant pour la sécurité nationale. Celles-ci ont progressivement pris en charge un nombre de plus en plus important d'activités, ce qui a conduit ainsi à redéfinir le rôle de l'Etat dans la défense. La multiplication des opérations d'externalisation et de privatisation des fonctions de sécurité - en Irak, par exemple, 20 % des forces américaines sont privées - ne sont pourtant pas sans danger, comme le montre l'affaire Blackwater. Les procédures de recrutement très peu standardisées et l'incertitude qui entoure les compétences et la moralité des agents (de ces sociétés) qui agissent sur le terrain, inquiètent désormais l'armée de terre, notamment.

CAPITALISME
Six ans après Enron, le nouveau visage des capitalismes
Esprit
Olivier Pastré
Le XXIe siècle s'est, avec l'affaire Enron, ouvert sur un des plus grands scandales de l'histoire économique des Etats-Unis. La faillite de ce qui était alors un des fleurons de l'économie américaine et qui s'est soldée par la destruction de 4 000 milliards de dollars de valeur boursière dans le monde a-t-elle eu des conséquences sur la gouvernance d'entreprise et sur l'évolution des capitalismes nationaux ? L'auteur s'interrogeant sur ce qui a changé au cours des six dernières années en matière de gouvernance mondiale retient d'abord deux tendances de fond : la crise des instances de régulation post-Bretton Woods et le basculement de l'équilibre mondial des pouvoirs économiques des pays développés vers les grands pays émergents (Brésil, Russie, Inde et Chine). Ces évolutions n'ont pas manqué d'avoir des conséquences sur la gouvernance des entreprises qui structurent aujourd'hui la mondialisation. Quant aux capitalismes nationaux, si les éléments de convergence ont vu leur poids s'accroître, les disparités entre modèles et les spécificités nationales restent importantes. Les réformes qu'imposent les dysfonctionnements récents de la mondialisation nécessitent enfin d'engager rapidement une réflexion dans quatre domaines essentiels : celle de la régulation, celles des normes internationales et celles de la dynamique actionnariale et salariale.

No 2.937
19 décembre 2007

DOSSIER : 1997-2007, l'après-crise en Asie. Leçons et incertitudes.

Bref retour sur la crise asiatique
Accomex
Sandrine Rol
Il y a dix ans, une crise financière sans précédent frappait l'Asie. L'auteur revient sur le déroulement de cette dernière en commençant son récit le 2 juillet 1997, date " officielle " de son déclenchement en Thaïlande, avec les attaques contre le baht, la monnaie nationale. Elle montre à quel point cette crise est surprenante notamment en raison de son ampleur - en quelques mois, toute la région est touchée - et de ses caractéristiques - l'ensemble des secteurs d'activité est affecté, particulièrement dans la sphère privée, contrairement aux crises précédentes.
Les erreurs du Fonds monétaire international
Financial Times
Chris Giles
Avant le 2 juillet 1997, ni le Fonds monétaire international (FMI), qui louait les efforts entrepris par les pays asiatiques pour mener à bien des politiques macro-économiques rigoureuses, ni la très sérieuse agence de notation internationale, Standard and Poor, qui avait jusque-là attribué une excellente note à la dette de la plupart des pays de la région, n'avaient anticipé la crise financière asiatique. De surcroît, lorsque cette dernière survint, les recommandations habituelles du FMI - politique budgétaire rigoureuse et hausse des taux d'intérêt - qui avaient fait leurs preuves au cours de la crise financière mexicaine de 1995, se révélèrent inopérantes. Elles déclenchèrent même un mouvement de panique général parmi ceux qui avaient investi dans la région. L'auteur, à partir du cas indonésien - le pays fut contraint d'accepter, le 15 janvier 1998, l'aide du FMI - s'interroge sur le rôle joué par ce dernier dans l'aggravation de la crise.

L'Asie rayonne, mais il lui reste beaucoup à faire
Finances et Développement
David Burton et Allessandro Zanello
L'Asie a, au lendemain de la crise, renoué rapidement avec la croissance. Dès 1998, la production des pays les plus touchés redémarrait. Aujourd'hui, l'Asie compte parmi les régions les plus performantes de l'économie mondiale. Le taux de croissance moyen des pays émergents de la zone (c'est-à-dire l'Asie sans le Japon, l'Australie et la Nouvelle-Zélande) s'élèverait en 2006 à 9 %. Le poids croissant de la Chine et de l'Inde dans l'économie mondiale ouvre de nouveaux horizons aux autres pays de la région. Mais les défis restent nombreux. Parmi ceux-ci, la montée des inégalités qui met en danger la cohésion sociale au sein des pays les plus pauvres et l'augmentation de la volatilité des mouvements de capitaux, notamment des flux entrants que les bonnes performances en termes de " fondamentaux " attirent. Cette volatilité inquiète les pouvoirs publics qui pourraient y voir les prémices d'une éventuelle appréciation des monnaies locales.

L'incertitude politique pèse sur la Thaïlande
Conjoncture
Alexandre Vincent
Le 2 juillet 1997, les attaques des spéculateurs contre le baht vont précipiter la Thaïlande dans l'une des crises financières les plus graves de son histoire. Celle-ci fera tâche d'huile et touchera rapidement l'ensemble de la région. A la suite de divers plans de relance, l'économie va progressivement sortir du marasme. La Thaïlande a ainsi affiché, au cours de la décennie écoulée, de bonnes performances en dépit d'une croissance erratique. Les réformes structurelles, qui auraient dû être lancées, ont toutefois été négligées, ce qui n'a pas rassuré le monde des affaires. Le pays, victime d'un coup d'Etat en septembre 2006, devra également montrer qu'il est capable de faire face à l'incertitude politique.

Renforcer la solidarité financière dans la région
La Tribune
Laurent Chemineau
L'afflux de capitaux en Asie est bon signe. Il signifie que les excellentes performances affichées par les économies de la région attirent les investisseurs. Mais l'excès d'épargne, dont les trois quarts sont investis aux Etats-Unis et le quart restant dans l'Union européenne, n'a guère de retombées positives sur l'économie régionale. En outre, comme l'a montré la crise de 1997, l'afflux rapide de capitaux fait courir le risque d'une appréciation réelle de la monnaie et pourrait favoriser l'augmentation des prêts locaux hasardeux. Renforcer la solidarité financière en Asie permettrait de réinvestir sur place une partie des réserves de change de la région afin de constituer une source de financement local stable.

Quel avenir pour l'intégration économique en Asie orientale ?
La Lettre du CEPII
Michel Fouquin
L'Asie orientale est, depuis plusieurs décennies, la région dont l'économie est la plus dynamique au monde, mais la crise financière de 1997 a révélé certaines faiblesses. Si la création de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN), en 1968, a notamment permis une libéralisation commerciale progressive des pays membres, la région souffre du développement insuffisant d'instruments formels de coopération. L'auteur examine différents scénarios d'évolution du processus d'intégration économique de la région et ses conséquences tant pour les petits pays de la zone que pour les " géants " comme la Chine et l'Inde.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

FISCALITÉ
Justice et fiscalité : refonder la méthode pour permettre la réforme
Etudes
François Villeroy de Galhau
Le débat sur la fiscalité porte souvent sur le niveau de la charge fiscale. Cependant, à côté du niveau global, l'analyse de sa répartition est tout aussi essentielle. L'auteur appréhende ce débat autour de trois questions : y a-t-il un bon niveau de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques ? Peut-on bien répartir l'impôt pour mieux corriger les inégalités ? Comment peut-on renouveler, dans les démocraties françaises et européennes, la méthode pour mener à bien la réforme fiscale ?

FINANCE
Blanchiment, corruption... : les affaires marquantes en 2006
Rapport d'activité 2006
TRACFIN
Concernant les affaires de blanchiment, de corruption, etc., l'évolution enregistrée en 2006 s'inscrit dans la tendance amorcée dès 2004 d'une croissance modérée du nombre de déclarations de soupçon (en hausse de 3,63 % par rapport à 2005). Sur le plus long terme, l'augmentation demeure cependant remarquable : depuis 2002, le nombre de déclarations de soupçon comme celui des transmissions aux autorités judiciaires ont en effet progressé de 40 %. Les affaires marquantes mettent en évidence la diversité des modes opératoires ainsi que la criminalité sous-jacente à chaque cas. La plupart des affaires confortent toutefois la distinction des trois phases reconnues au sein du processus de blanchiment : le placement, l'empilage et l'intégration.

MIGRATIONS INTERNATIONALES
L'immigration qualifiée, remède miracle aux problèmes économiques européens ?
Reflets et perspectives de la vie économique
Frédéric Docquier et Hillel Rapoport
Depuis de nombreuses années, l'immigration fait, dans les pays développés, l'objet de vifs débats. L'adoption à l'automne 2007, en France, du projet de loi Hortefeux visant à encadrer l'immigration en a été une nouvelle illustration. La question de l'immigration sélective, voie dans laquelle se sont engagés désormais bon nombre de pays du Nord, y a été notamment au centre des discussions, car elle est aujourd'hui devenue fondamentale pour l'Europe. Peut-elle en effet résoudre certains des problèmes économiques structurels majeurs auxquels les pays européens sont confrontés - comme le financement de ses systèmes sociaux ou l'exode de cerveaux européens vers l'Amérique du Nord - en favorisant l'accueil sur leur sol de migrants qualifiés ?

2008

No 2.938
2 janvier 2008


DOSSIER : Le bonheur expliqué par les économistes

La croissance ne fait pas le bonheur : les économistes le savent-ils ?
Regards économiques
Isabelle Cassiers et Catherine Delain
En dépit d'une croissance économique continue, la " satisfaction de vie " des Occidentaux stagne depuis 30 ans au moins. Les économistes qui ont inscrit cette question sur leur agenda le savent parfaitement. Cette divergence entre la progression des revenus et du produit intérieur brut (PIB) par habitant, d'une part, et du bien-être, c'est-à-dire l'évaluation subjective de sa satisfaction personnelle, d'autre part, s'explique par deux facteurs principaux. D'abord, toute richesse est relative : au fil de la croissance économique, les aspirations personnelles sont constamment relevées à la hausse. Ensuite, la richesse n'est pas tout : le bien-être personnel dépend également de quantité de facteurs plus ou moins éloignés de la croissance économique proprement dite comme les risques de la vie quotidienne, les conditions de travail, le lien social, la santé, l'environnement ou la qualité de la gouvernance.

Mesurer le bonheur : des indicateurs pertinents pour la France ?
Document de travail - Fondapol
Raphaël Wintrebert
Malgré les insuffisances que présente le produit intérieur brut (PIB) pour mesurer le bien-être et l'existence d'indices alternatifs depuis plus de 25 ans, sa remise en cause ne s'est toujours pas vraiment faite. La longévité de cet indicateur s'explique par sa facilité d'utilisation et les possibilités qu'il offre en termes de comparaison, mais aussi par la difficulté de trouver un indicateur alternatif satisfaisant. Le premier problème est lié à la quantification d'une notion par nature subjective, le deuxième tient à la difficulté de trouver un accord sur les multiples éléments qui participent à l'épanouissement individuel. Les indicateurs de bonheur qui ont été réalisés à ce jour sont basés sur des données objectives (revenu, espérance de vie, etc.) et subjectives (obtenues à l'aide d'enquêtes). Les classements ainsi établis varient fortement en fonction des échelles et des critères retenus. Néanmoins, on peut conclure que les individus sont nettement plus heureux dans les pays plutôt riches, sécuritaires, libres, égaux et tolérants.

L'indicateur du bien-être économique : une application à la France
Revue française d'économie
Florence Jany-Catrice et Stephan Kampelmann
Parmi les nombreuses recherches qui visent à améliorer la mesure du bien-être à partir d'une vision multicritère, les travaux de Lars Osberg et d'Andrew Sharpe font figure de référence. Leur indicateur de bien-être économique (IBEE) n'avait pas encore été appliqué à la France. Les auteurs ont souhaité combler cette lacune et ont proposé, à partir de données originales, une estimation de l'évolution du bien-être économique français sur plus de deux décennies (1980 à 2003). Les résultats ainsi obtenus montrent que la croissance n'est pas un cadre satisfaisant pour conduire une réflexion pertinente sur l'évolution du bien-être : l'IBEE français fait preuve d'une croissance beaucoup moins marquée que ne l'indique celle du produit intérieur brut. Par ailleurs, les données présentées pourraient également remettre en cause l'habitude statistique qui consiste à se focaliser de façon excessive sur les moyennes, négligeant ainsi l'hétérogénéité de la société.

L'économie du bonheur peut renouveler les politiques publiques
Document de travail - CEE
Lucie Davoine
L'économie du bonheur a dû faire face au scepticisme de bon nombre d'économistes. Mais grâce à l'apport des sciences cognitives et de la psychologie, ainsi qu'à des recherches empiriques novatrices, les arguments de réponse à ce scepticisme sont désormais bien rodés. L'économie du bonheur montre quelles sont les conditions et causes du bonheur que les politiques publiques peuvent influencer et favoriser. Ainsi, les travaux récents de cette approche pourraient se traduire par des recommandations politiques concrètes. Parfois très éloignées ou même opposées à celles de l'économie traditionnelle (par exemple en ce concerne la fiscalité, la politique monétaire ou la lutte contre le chômage), ces recommandations peuvent conduire à un pluralisme d'idées qui pourraient être défendues sur le terrain politique.

La décroissance peut-elle rendre heureux ?
Le Monde diplomatique
Serge Latouche
S'il est une opinion largement partagée par la plupart des responsables politiques, c'est bien celle selon laquelle la croissance serait la solution aux problèmes économiques contemporains. Mais la croissance peut aussi s'avérer être un piège : même " durable " ou " soutenable ", elle est souvent destructrice pour la nature et créatrice d'inégalités. Si on souhaite augmenter le niveau de bien-être, ce serait donc davantage à la décroissance qu'il faudrait œuvrer : privilégier la qualité et non la quantité, la coopération et non la compétition, le lien social et non l'égoïsme.

Également dans ce numéro

Science économique
Économie de l'environnement ou économie écologique
Responsabilité et environnement - Annales des Mines
Franck-Dominique Vivien
À partir des années 1960, les économistes commencent à s'intéresser à la question environnementale. Ils vont pour l'essentiel l'aborder en adoptant deux postures épistémologiques : l'économie de l'environnement et l'économie écologique. Pour la première, la crise de l'environnement n'est que transitoire et l'environnement - considéré comme un objet économique encore imparfait - est appelé à devenir un bien économique comme un autre. L'environnement doit donc intégrer la logique économique. Pour la deuxième approche, la crise environnementale est le signal qu'une limite a été franchie. Le monde est entré dans une nouvelle ère de rareté qui frappe désormais le " capital naturel ". Dans ce contexte, l'économie doit donc s'insérer au sein des régulations écologiques. La logique économique doit s'incliner face à d'autres logiques qui la dépassent.
Innovation
Google : une formidable machine à innover
Le Journal de l'École de Paris du management
Bernard Girard
Il y a dix ans, deux étudiants en mathématiques de l'université Stanford (Californie, États-Unis) fondaient l'entreprise Google, un moteur de recherche sur l'Internet désormais mondialement connu. Le nom de la firme est un néologisme créé à partir du mot anglais " googol ", qui correspond au nombre formé du chiffre 1 suivi de 100 zéros (1010). Il fait référence à la capacité du moteur de recherche à référencer un important volume d'informations disponibles sur le web. En dépit d'une très forte concurrence, celui-ci, qui dispose du réseau de serveurs et du système de référencement les plus importants au monde (respectivement plus de 450 000 machines réparties sur plus de 25 sites et plus de 10 milliards de pages web), a maintenu, jusqu'à présent, sa position de leader sur l'Internet. Google mise sur sa créativité pour poursuivre son développement mais l'entreprise saura-t-elle répondre aux exigences éthiques et juridiques qui pourraient à l'avenir constituer autant d'obstacles à sa croissance ?
Finance
Microfinance et lutte contre la pauvreté : l'exemple efficace de l'Argentine
L'Économie politique
Juliette Renaud
Depuis l'attribution, en 2006, du prix Nobel de la paix à Muhammad Yunus et à sa banque spécialisée dans le microcrédit, la microfinance est considérée comme un outil privilégié de la lutte contre la pauvreté. L'auteur tente, à partir du cas de l'institution de microfiance argentine, Avanzar por el desarrollo humano (" Avancer grâce au développement humain "), d'évaluer l'impact microéconomique de la microfinance sur l'évolution de la situation économique et sociale des plus pauvres. Le bilan positif indique qu'une réduction de la vulnérabilité des bénéficiaires est possible et que le cercle vicieux de la pauvreté peut ainsi être rompu.

No 2.939
16 janvier 2008


DOSSIER : Les industries culturelles face aux défis de la gratuité

La gratuité va-t-elle tuer la culture ?
Le Nouvel Observateur
Entretien de Jacques Attali avec Denis Olivennes
L'accès gratuit aux œuvres culturelles via le téléchargement de musique, de films, de livres sur l'Internet fait, depuis quelques années, l'objet d'intenses débats. Pour les uns, ce phénomène, qui prive les artistes d'une juste rémunération, constitue une terrible menace pour la création et la diversité culturelles. Pour d'autres, la gratuité dans ce domaine n'est ni nouvelle, ni dangereuse. L'Internet ne fait en quelque sorte que généraliser la radio et le peer to peer (échange gratuit de fichiers) ne peut pas être assimilé à du piratage. S'il y a bien un combat à mener, c'est contre le commerce illicite de produits culturels. Jacques Attali, auteur d'un ouvrage récent consacré à l'histoire des cinquante prochaines années, Une brève histoire de l'avenir, et Denis Olivennes, qui vient de publier un essai intitulé La gratuité, c'est le vol. Quand le piratage tue la culture, confrontent, ici, leurs points de vue sur une question essentielle aujourd'hui pour le devenir de l'économie des industries culturelles.

Quand les industriels du numérique pillent une industrie voisine
NetEco.com
Entretien de Jérôme Bouteiller avec Olivier Bomsel
Olivier Bomsel a récemment publié un ouvrage consacré au déploiement de l'économie numérique. Afin de mieux comprendre le processus de développement de ce secteur, il y analyse le rôle fondamental que joue la gratuité dans les stratégies des industriels. Il montre notamment que le gratuit sert à conquérir des masses d'utilisateurs qui vont devenir clients de services liés. Il revient en particulier sur les mécanismes de création de richesse dans la société moderne, sur les effets de réseau ou encore sur le modèle économique de Google reposant sur la publicité.

La gratuité et ses ennemis
Le Débat
Daniel Cohen
Un livre, un CD, un DVD sont l'enveloppe physique qui oblige jusqu'à présent le consommateur à individualiser sa commande. Il paie cette enveloppe physique pour accéder à son contenu : l'œuvre. Le numérique, qui rend possible une dématérialisation totale de ces biens, rend caduc le modèle économique des industries culturelles car il bouleverse les principes de tarification des biens produits dans ce secteur. Après avoir analysé les différents arguments développés, notamment en faveur de la défense des industries culturelles par Denis Olivennes et Olivier Bomsel dans leurs récents ouvrages (La gratuité, c'est le vol et Gratuit !), l'auteur rappelle que chaque fois que ces industries se sont crues menacées par le progrès technique (radio, magnétoscope, etc.), elles se sont finalement adaptées, découvrant que ce qu'elles considéraient comme des menaces devenaient vite des opportunités. Repenser leur business model est donc devenu aujourd'hui une nécessité. L'auteur préconise, en particulier, d'abandonner le paiement à l'acte, dont il estime qu'il est désormais le pire des systèmes, au profit de toute solution qui pourrait rapprocher d'un paiement forfaitaire.

Un spectre hante le capitalisme : la gratuité
CERNA - École des Mines de Paris
Pierre-Noël Giraud
Le développement très rapide, au cours des dernières années, des échanges peer to peer (P2P) vient rappeler aux économistes que le don, abondamment étudié par l'anthropologie, joue encore aujourd'hui dans les sociétés un rôle fondamental. Les industries culturelles - les premières touchées par ce phénomène qui conduit, selon elles, à un piratage massif des œuvres musicales et cinématographiques - considèrent qu'il met gravement en péril la création artistique. L'auteur estime, lui, que s'opposer aux libertés nouvelles offertes par la technique est voué à l'échec. La création artistique ne serait, en outre, pas réellement menacée, puisque ce que met en danger le P2P, c'est avant tout " l'économie de la Sierra Madre " qui caractérise ces industries et se traduit par une extrême concentration des gains. Le spectre de la gratuité qui hante désormais les industries culturelles est un processus inéluctable qui devrait se déployer dans un avenir plus ou moins proche à une beaucoup plus grande échelle.

Internet et l'échange gratuit : quelle place dans la société de l'information ?
MURS - Collège de France
Bernard Benhamou
L'Internet est devenu, en quelques années, le média qui a connu la plus forte croissance de l'histoire des médias modernes. Aujourd'hui, il est un outil qui occupe une place essentielle dans la vie quotidienne de milliards d'individus. La particularité fondamentale de l'Internet, et qui explique qu'il ait connu un développement et une évolution extrêmement rapides de ses usages et de ses fonctions, est le principe de la neutralité. Ce dernier signifie que, d'un point de vue technique, les supports permettant d'acheminer l'information, les applications (web, e-mail, etc.) et les contenus sont strictement séparés. Grâce à ce protocole technique, qui est l'essence même du Net, des échanges de toutes natures se sont mis en place et des communautés de l'Internet se sont créées sur la base de la notion d'échange gratuit. Ces communautés sont devenues l'ossature de l'Internet, son épine dorsale. Penser que ce principe fondamental est immuable serait cependant une erreur. Il peut, à tout moment, à des fins politiques ou économiques, être remis en cause et modifié à la demande d'un Etat, d'une société ou d'un groupe.

Comment développer et protéger les œuvres culturelles sur le Net
Rapport sur le développement et la protection des œuvres culturelles sur les nouveaux réseaux
Mission Olivennes
En septembre 2007, la ministre de la Culture et de la Communication a confié au PDG de la Fnac, Denis Olivennes, une " mission sur la lutte contre le téléchargement illicite et pour le développement des offres légales d'œuvres musicales, audiovisuelles et cinématographiques ". Les travaux de cette mission ont été rendus publics le 23 novembre 2007. Le rapport débouche sur un accord inédit entre les ayants droit de la musique et du cinéma et les fournisseurs d'accès à l'Internet (FAI). La mission Olivennes a cherché à ménager la liberté des consommateurs et le droit des créateurs. Dans l'ensemble des mesures préconisées, la plus marquante est celle qu'ont accepté de mettre en œuvre les FAI, jusqu'à présent réfractaires à tout dispositif répressif : ils ont convenu de lutter plus efficacement contre les " petits " pirates par des sanctions appropriées. En contrepartie, les ayants droit de la musique s'engagent à mettre en ligne d'ici un an, pour le téléchargement, les chansons françaises sans verrous numériques (Digital Rights Management, DRM). L'industrie du cinéma devra, de son côté, réduire le temps d'attente avant la mise à disposition d'un film sur l'Internet après sa sortie en salles. Un dispositif législatif qui permettra une application rapide des mesures préconisées par la mission Olivennes pourrait être présenté au premier trimestre 2008 afin d'être adopté avant l'été.

La musique en ligne peut-elle imaginer une nouvelle relation ?
Esprit
Françoise Benhamou
À l'heure où le " marché du disque " traverse une très grave crise, un groupe de chercheurs du ministère de la Culture a imaginé ce que pourrait être l'avenir du secteur de la musique enregistrée. Ils ont élaboré cinq scénarios à partir de différentes caractéristiques propres aux stratégies mises en œuvre par les acteurs du secteur. Des modes de consommation distincts ont également été associés à ces scénarios. Les conclusions de cette étude prospective dessinent un paysage musical qui laisse peu d'avenir aux majors et sans doute un peu plus aux labels positionnés sur des créneaux à forte puissance d'innovation. Si cette étude offre une grille de lecture intéressante, elle semble néanmoins insuffisante. Les scénarios sont ainsi avant tout ceux de la musique de variétés. Quid du jazz, de la musique classique et savante ? Ces genres musicaux devront certainement inventer d'autres modèles. Quant aux interrelations entre la musique enregistrée et le spectacle, appelées elles aussi à évoluer, elles sont dans cette étude quelque peu négligées.

Également dans ce numéro


FISCALITE
Le " choc " fiscal tiendra-t-il ses promesses ?
Lettre de l'OFCE
Eric Heyer, Mathieu Plane et Xavier Timbeau
Les principales mesures fiscales annoncées par Nicolas Sarkozy dans son programme, lors de la campagne présidentielle, destinées à provoquer un choc fiscal, ont, depuis son élection à la présidence de la République, été adoptées par le Parlement. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) revient sur ces mesures et tente d'en analyser et d'en évaluer les effets. Selon les économistes de l'OFCE, les conséquences redistributives du paquet fiscal en termes d'incitation à plus de productivité, d'innovation ou d'activités semblent en réalité discutables. Si l'impact du paquet fiscal au niveau macroéconomique est significatif, il devrait cependant être plus faible que prévu.

EDUCATION
Quelques propositions pour permettre aux Français de mieux comprendre l'économie
Idées
Codice
Le Conseil pour la diffusion de la culture économique (Codice), mis en place le 4 septembre 2006 par Thierry Breton, alors ministre de l'Economie et des Finances, a rendu son rapport le 14 mars 2007. Les auteurs du rapport souhaitent réconcilier les Français avec l'économie et leur montrer que cette dernière, en tant que secteur, mais également comme discipline, ne peut être dissociée ni du social, ni de l'entreprise. Pour cela, ils ont formulé un certain nombre de préconisations qui visent à améliorer la formation économique des acteurs et médiateurs de la vie économique, ainsi que des futurs cadres de la fonction publique, à ouvrir les entreprises au monde éducatif et à développer des stages de formation économique au sein des entreprises. Au-delà de ces propositions, le rapport souligne également la nécessité de promouvoir au plan politique un discours économiquement responsable.
 

No 2.940
30 janvier 2008


DOSSIER :
Les nouveaux visages de l'intelligence économique

Quand l'information devient stratégique
Hermès
Christophe Blanc, Éric Delbecque et Thomas Ollivier
La mondialisation de l'économie s'est accompagnée d'une intensification de la concurrence qui confère désormais à la connaissance et à l'information une dimension stratégique. L'entreprise doit, si elle veut faire face à un environnement de plus en plus complexe, développer une politique d'intelligence économique. Celle-ci peut être passive si elle consiste à mettre en œuvre des opérations de veille ou de sécurisation de son patrimoine informationnel, ou active si la firme décide d'adopter une stratégie d'influence comme le lobbying.
Entre IE, guerre et patriotisme économiques : la frontière est floue...
Document de travail du CEREM
Francis Beau
Depuis le rapport Martre, publié en 1994 par l'ancien Commissariat général du Plan, puis celui du député Carayon en 2003, l'intelligence économique (IE), jusque-là principalement utilisée dans le domaine politique, a pénétré le monde de l'entreprise. Le concept reste toutefois délicat à définir. La confusion entre IE, guerre et patriotisme économiques - c'est-à-dire aussi bien entre renseignement et veille qu'entre protectionnisme et souveraineté - est, selon l'auteur, encore très fréquente et ne permet pas d'apprécier l'intelligence économique à sa juste valeur, autrement dit comme un instrument indispensable à la compétitivité.
Les Etats-Unis et le Japon : champions de l'intelligence économique
Arès
Jacques Fontanel et Liliane Bensahel
Si les pays anglo-saxons et le Japon sont leaders dans les domaines de la veille technologique, de l'espionnage économique et de la " contre-intelligence ", la France, elle, accuse encore un certain retard qui est essentiellement dû, selon les auteurs, à un blocage culturel à l'égard de l'activité du " renseignement ", longtemps réduite dans ce pays à sa dimension militaire. La France a toutefois accompli des progrès depuis la création au sein du ministère de l'Economie et des Finances, en 2004, de la Délégation générale pour l'intelligence économique.
" Guerre de l'information " : doit-on avoir peur de la Chine ?
Risques et management international
Damien Bruté de Rémur et Hong Jian Wen
Il y a plus de trente ans de cela, en 1973, Alain Peyrefitte tentait, à travers un ouvrage consacré à la Chine, toujours célèbre, Quand la Chine s'éveillera, le monde entier tremblera (Editions Fayard), d'alerter les citoyens du monde occidental sur les menaces que représentait déjà, à l'époque, selon lui, l'Empire du milieu. Depuis, l'économie chinoise a connu un formidable essor, notamment dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Mais si les dirigeants chinois ont effectivement compris que l'information était désormais la pierre angulaire de la compétitivité, ils n'ont pas pour autant intégré toutes les règles du marché qui nécessitent en particulier de protéger ses activités par les lois de la propriété intellectuelle. En outre, la principale méthode d'acquisition de l'information est aujourd'hui quelque peu désuète puisqu'elle consiste encore à débaucher des salariés chez les concurrents pour s'approprier leurs connaissances...
Quand la société civile s'empare de l'intelligence économique
Accomex
Ludovic François
Alors qu'on croyait l'intelligence économique (IE) réservée exclusivement aux luttes entre Etats et entre entreprises, les différends entre la société civile et certaines firmes font l'objet d'une utilisation de l'IE par les citoyens (ONG, associations, etc.). Ces " conflits cognitifs " portent généralement sur des préoccupations citoyennes, comme le travail des enfants, la vivisection, les sweatshops (ateliers réputés pour exploiter les travailleurs), etc., et sont initiés par des groupes d'activistes qui s'attaquent à la réputation des entreprises concernées. Aussi, le lobbying et l'influence sont-ils devenus des instruments privilégiés d'action pour ces groupes. Ces derniers ont récemment démontré leur efficacité contre les entreprises Gap, Nike, Carrefour ou L'Oréal.

Également dans ce numéro

FINANCE
Les capitales financières : la place de Francfort et ses perspectives
Revue d'économie financière
Hans-Helmut Kotz et Reinhard H. Schmidt
L'introduction de la monnaie unique et l'harmonisation de la réglementation financière en Europe ont nettement réduit les coûts de transaction sur les marchés financiers européens. Elles devraient également pousser à la concentration des places financières - au moins si on raisonne par analogie avec le cadre national. L'histoire de la place de Francfort en tant que centre financier est, à cet égard, particulièrement intéressante car cette ville a perdu, puis reconquis sa prééminence en tant que centre financier en Allemagne. L'Europe, quant à elle, demeure caractérisée par l'existence de plusieurs poches locales d'investissements et par une certaine demande de diversité, ce qui plaide en faveur de la coexistence d'un certain nombre de centres financiers de dimension internationale, comme Francfort, Paris et Londres.

ECONOMIE SOUTERRAINE
Cocaïne : la conquête de l'Europe
Questions d'Europe - Fondation Robert Schuman
Xavier Raufer, Dominique Lebleux et Stéphane Quéré
Le marché de la cocaïne est en plein essor en Europe, puisque ce produit y est désormais la deuxième drogue la plus consommée. C'est en Italie que sa percée est la plus spectaculaire, ce pays devenant le premier consommateur de cocaïne de l'Union européenne (UE). L'échec relatif de la " guerre contre la drogue ", en particulier en Amérique latine, et la " démocratisation " de la consommation de cocaïne expliquent en partie l'augmentation du trafic. L'Europe est dorénavant le deuxième marché visé par les narcotrafiquants après les Etats-Unis. Le renforcement de la politique de lutte contre le crime organisé et le trafic de stupéfiants par l'UE est aujourd'hui urgent.

SCIENCES ECONOMIQUES
Le MIT, capitale mondiale de l'économie
Sciences Humaines
Xavier de la Vega
Le Massachusetts Institute of Technology (MIT), situé à Cambridge dans la banlieue de Boston, abrite un des départements d'économie les plus prestigieux au monde. Celui-ci exerce en effet depuis des décennies un extraordinaire leadership en matière de recherche fondamentale dans cette discipline. Le MIT peut ainsi s'enorgueillir d'avoir accueilli en son sein pas moins de 14 économistes récompensés, depuis 1969, par le prix Nobel sur un total de 38. Cette influence formidable en matière de pensée économique s'est, en outre, doublée, au fil du temps, d'une capacité extraordinaire à contrer les diverses tentatives de contestation de son leadership intellectuel menées par les économistes d'institutions rivales, comme un temps, ceux de l'université de Cambridge au Royaume-Uni ou de la Commission économique pour l'Amérique latine (Cepal).
 

No 2.941 Index 2007
 

No 2.941
13 février 2008


DOSSIER :
Exportations : comment améliorer
la performance française ?

Les tendances récentes du commerce extérieur français
Rapport d'information du Senat
Les chiffres du commerce extérieur français se dégradent depuis plusieurs années. Longtemps excédentaire, le solde des transactions courantes devient déficitaire en 2005 - un déséquilibre qui s'est encore amplifié l'année suivante. Celui-ci a entraîné une baisse du taux de croissance d'un demi-point en 2006. Cette tendance est surtout le résultat d'une hausse plus forte des importations par rapport à celle des exportations de biens. La bonne tenue des échanges extérieurs de services permet de limiter le déficit des transactions courantes. Cette récente dégradation du commerce extérieur français, malgré un environnement international relativement favorable, est d'abord le résultat de plusieurs chocs extérieurs : hausse des produits énergétiques, appréciation de l'euro et renforcement de la compétitivité de l'Allemagne. Cependant, les performances de la France en matière d'exportations ont été, dès 2003, inférieures à la moyenne de l'ensemble des pays de la zone euro.

Eléments d'explication du recul des performances françaises à l'exportation
Document de travail - Coe-Rexecode
Den² is Ferrand et Valérie Perracino
Le décrochage du commerce extérieur français peut - au-delà des effets de la conjoncture - s'expliquer également par un certain nombre de facteurs structurels. De nombreux rapports et travaux ont été consacrés à cette question, sans pour autant lever tous les doutes sur la ou les causes précises du mal. Néanmoins, trois types de facteurs se dégagent assez nettement de l'analyse : la spécialisation sectorielle des exportations françaises, le problème des coûts de production et, enfin, des facteurs plus microéconomiques, liés notamment à la taille des entreprises et à leur fonctionnement interne. Les auteurs mettent surtout en avant les deux dernières explications. Ainsi, la compétitivité hors prix des entreprises françaises étant trop faible, elles pâtissent davantage des chocs de change et ont une aptitude plus faible à tirer profit du dynamisme de la demande mondiale. Ce dernier élément est également lié à la taille plus réduite des PME françaises, ainsi qu'au nombre insuffisant de PME innovantes.

Le commerce extérieur français revisité : retour sur la spécialisation sectorielle
Lettre de l'OFCE
Guillaume Daudin, Paola Monperrus-Veroni, Christine Rifflart et Danielle Schweisguth
Afin de s'expliquer la mauvaise performance de la France en matière d'exportations, de nombreuses analyses récentes rejettent les causes tenant aux différences de spécialisations géographique et sectorielle entre la France et ses voisins européens, notamment l'Allemagne, et mettent en avant des éléments plus microéconomiques. Cependant, faire porter le débat sur ces aspects est sans doute insuffisant comme cherchent à le montrer ici les auteurs. Ils attirent l'attention sur les changements intervenus dans le commerce mondial, notamment la nouvelle division internationale du travail et le redéploiement des segments de production à l'échelle internationale. Ces évolutions obligent, selon eux, à compléter l'analyse traditionnelle, basée sur les valeurs des échanges, par une approche prenant en compte les flux de valeur ajoutée. Ce nouvel examen confirme que la France et l'Allemagne disposent d'une orientation géographique du commerce très similaire, mais révèle d'importantes différences du point de vue sectoriel.

Le club très select des firmes exportatrices
La Lettre du CEPII
Matthieu Crozet et Thierry Mayer
La mondialisation semble aujourd'hui être partout : de plus en plus de pays s'ouvrent aux échanges et exposent un nombre croissant de secteurs à la concurrence internationale. Cependant, l'ouverture au commerce n'est pas suffisante pour participer aux échanges, car les entreprises ne sont pas toutes égales face à la mondialisation. Elles diffèrent en ce qui concerne les coûts variables (transport, douane) et les coûts fixes (liés à la promotion, à la chaîne logistique et à la mise aux normes étrangères). Ces barrières informelles ont pour conséquence de limiter la participation au commerce international à un petit nombre d'entreprises : en France celles-ci représentent moins de 5 % au total. Par ailleurs, ces entreprises se distinguent significativement des entreprises non exportatrices : elles sont plus grandes, plus riches en emplois et plus productives. L'amélioration des performances françaises en matière d'exportations passe ainsi par l'accroissement du nombre d'entreprises exportatrices.

Également dans ce numéro

SCIENCE ECONOMIQUE
Y a-t-il des lois en économie ?
Economies et Sociétés
Arnaud Berthoud
L'existence de lois en économie est une question qui continue de se poser. En réalité, il s'agit, dans ce débat, davantage de s'interroger sur la forme que prennent ces lois plutôt que sur leur existence à proprement parler. Pour l'auteur, qui revient sur cette question, l'enjeu est ainsi de savoir notamment quel sens est donné à la notion de " loi ", comprise comme le rapport entre deux variables au moins. De même, faut-il s'interroger sur l'existence ou l'absence de causalité. De la même manière, on peut se demander si ces lois s'inscrivent dans un cadre normatif (théorique) ou, au contraire, positif (s'inspirant de la réalité) ou si elles s'inspirent de l'histoire. Enfin, il est indispensable de chercher à savoir à quel niveau la loi s'applique (macro ou micro).

NOUVELLES TECHNOLOGIES
L'invasion des téléphones mobiles
Futuribles
Gérard Blanc
Le téléphone mobile fait désormais partie de notre quotidien : trois milliards de personnes dans le monde en possèdent un et ce nombre devrait doubler d'ici 2010. Afin d'attirer de nouveaux acheteurs et d'inciter les propriétaires de téléphone mobile au renouvellement de leur appareil, les industriels sont en quête de nouvelles fonctionnalités. Si la voix demeure le moyen de communication préféré des utilisateurs, la troisième génération de téléphone mobile qui offre la possibilité d'envoyer du courrier électronique et des images, ainsi que la quatrième qui permet de recevoir la télévision sont en train de gagner du terrain chez les utilisateurs.

ECONOMIES ETRANGERES
Turquie : anatomie du nouveau régime de croissance
Conjoncture - BNP Paribas
François Faure
L'économie turque connaît, depuis 2002, une période de croissance à la fois soutenue et durable. Ces performances remarquables ont séduit les investisseurs étrangers qui affluent dans le pays. L'évolution favorable de l'économie s'explique par le rétablissement partiel des grands équilibres macroéconomiques, mais surtout par les transformations structurelles mises en œuvre comme la diversification et le renforcement de la base industrielle, une meilleure compétitivité, des entrées importantes d'investissements directs étrangers (IDE) et des progrès dans les réformes en faveur de la libre entreprise. En dépit de ces nombreux succès, la Turquie conserve un certain nombre de faiblesses comme le déséquilibre structurel des comptes extérieurs ou se découvre des vulnérabilités potentielles qui ne doivent pas être ignorées comme la croissance débridée du crédit à la consommation et les risques liés aux investissements de portefeuille des non-résidents.

No 2.942
27 février 2008


DOSSIER :
Entreprise et risques

La notion de risque dans les entreprises aujourd'hui
Regards croisés sur l'entreprise - IGPDE
Pierre-Charles Pradier
Le risque, inhérent à l'activité économique et notamment à la notion de profit, est depuis longtemps un objet d'analyse de la théorie économique. Les économistes distinguent deux grandes classes de risques : les risques simples, aléatoires et les risques d'interaction. Si cette typologie semble limitée, dans la mesure où le classement d'un risque n'est pas toujours aisé, elle demeure néanmoins fondamentale pour l'appréhension théorique des risques. L'économiste américain Franck Knight a, quant à lui, établi une distinction devenue aujourd'hui classique entre le risque probabilisable, et de fait assurable, et le risque d'entreprise ou " incertitude ", et donc non assurable. Le profit correspond dès lors à la rémunération du risque pris à l'occasion de l'activité économique.

Dirigeants d'entreprise : les risques du métier
Risques
Muriel Fontugne
Les risques de mise en cause ou de condamnation d'un dirigeant d'entreprise ne cessent, ces dernières années, d'augmenter. Toutes les personnes physiques ou morales qui estiment avoir subi un préjudice, à la suite d'une faute de gestion d'un dirigeant, peuvent exercer une action en responsabilité civile contre ce dernier. De nombreux facteurs comme la réglementation croissante de l'environnement économique et social, l'accès plus facile aux sources d'information, la judiciarisation croissante de la vie des affaires, etc. expliquent cette évolution. L'assurance constitue dans ce contexte une protection financière indispensable pour les dirigeants d'entreprise.

Un risque à l'international multiforme
Accomex
Jacques Hogard
Si le risque est inhérent à l'activité entrepreneuriale, celui-ci s'accroît dès lors que l'entreprise décide de développer son activité à l'étranger. Dans un monde globalisé, en perpétuel, mutation, le risque à l'international, que l'on considère habituellement comme un " grand risque classique ", se complexifie et oblige les entreprises à chercher de nouvelles méthodes de prévention. Les sociétés d'intelligence économique et de renseignement, qui fournissent des informations sur l'environnement économique d'un pays ou d'une région du monde apparaissent alors comme un moyen de réduire l'incertitude, condition nécessaire au développement international d'une entreprise.

Coface : profession, évaluer les risques
Le Monde Économie
Adrien de Tricornot
L'évolution de l'économie mondiale a des répercussions positives ou négatives sur l'environnement des entreprises. Ces risques sont, pour les entreprises, difficilement maîtrisables. En France, la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) évalue, au début de chaque année, les risques financiers dans le monde. Pour 2008, en dépit de la crise financière qui sévit depuis l'été 2007, elle ne prévoit pas de récession mondiale, mais seulement un ralentissement. Si la note des Etats-Unis, de l'Irlande, du Royaume-Uni et de l'Espagne s'est dégradée, ces pays étant placés " sous surveillance négative " par la Coface, la poursuite du dynamisme des pays émergents, notamment asiatiques devrait permettre de soutenir la croissance économique mondiale. Le risque souverain des pays en développement s'est par ailleurs nettement amélioré en raison de la forte croissance économique et de l'abondance des liquidités, notamment en Chine. Certains risques apparaissent toutefois dans plusieurs pays en développement comme le Vietnam et l'Ukraine.

Quelles stratégies pour les entreprises exportatrices face à la contrainte de l'euro ?
Le MOCI
Christine Gilguy
Avec l'envolée du cours de la monnaie européenne, certaines entreprises exportatrices redécouvrent le risque de change. Les industriels de l'aéronautique sont les premiers à avoir tiré la sonnette d'alarme. Pour une société comme Airbus dont 76 % des coûts sont en euros - alors que 60 % de ses ventes sont réalisées hors d'Europe, sur un marché où son seul concurrent est l'américain Boeing - un euro s'échangeant contre 1,50 dollar devient un problème crucial. Cette évolution du taux de change de la devise européenne ne laisse dès lors guère de choix à l'avionneur européen s'il veut rester compétitif : il lui faut délocaliser une partie de ses unités de production dans la zone dollar. C'est cette stratégie qu'ont commencé à évoquer les dirigeants d'EADS ou de Dassault Aviation ...

Prévenir le risque de conflit social
La Revue des sciences de gestion
Chantal Mornet-Périer
Si les risques auxquels doit faire face une entreprise émanent souvent de l'extérieur, le risque de conflit social prend en revanche naissance au sein de l'entreprise. Sa forte occurrence signifie que les méthodes de prévention de ce risque ne sont pas adaptées, voire inexistantes dans certains cas. Ce qui expliquerait que la question de la gestion du risque de conflit social dans l'entreprise en général (hormis le cas des grandes entreprises) soit peu étudiée. Il ressort de l'enquête menée par l'auteur, auprès de nombreuses petites et moyennes entreprises (PME), que l'apparition du conflit est considérée comme " soudaine ". Ainsi, les cadres, peu préparés, ont, pour y faire face, souvent recours aux compensations financières et aux aménagements du temps de travail. Afin de quitter le registre émotionnel auquel est généralement associée la gestion du risque de conflit social, il est nécessaire, selon l'auteur, pour la prévention de celui-ci, d'impliquer tous les acteurs de l'entreprise dans l'identification préalable des risques.

Risque terroriste : prévoir l'imprévisible !
The Economist
Les attentats terroristes du 11 Septembre 2001 qui, avec la destruction des tours du World Trade Center, ont frappé le cœur financier des Etats-Unis ont marqué l'entrée dans une nouvelle ère du terrorisme et montré à quel point les entreprises pouvaient être vulnérables face à ce risque. Quatre ans plus tard, les attentats de Londres ont rappelé que l'aléa terroriste était plus que jamais une réalité. Le montant des sinistres générés par ce type d'événements est d'une telle ampleur qu'il dépasse souvent aisément les capacités de dédommagement des compagnies d'assurance. Celles-ci ont d'ailleurs depuis les attaques de 2001 cherché à limiter leur couverture du risque terroriste : la mise en place de dispositifs de réassurance impliquant l'Etat est désormais devenue indispensable.

Les risques informatiques majeurs
Strategic Risk
Andrew Leslie
Les technologies de l'information et de la communication occupent aujourd'hui une place centrale, voire vitale dans la plupart des entreprises. Les responsables de la gestion des risques savent bien que les systèmes informatiques sont particulièrement vulnérables et les cyber-risques sont parmi ceux qu'ils redoutent le plus. Ces derniers présentent une grande diversité : de la propagation de virus à la fraude en passant par le piratage et les pannes matérielles ou de logiciels. Des risques nouveaux apparaissent en outre régulièrement, au gré des évolutions technologiques. En dépit de la menace souvent considérable que constituent les risques informatiques, il est relativement rare que les entreprises soient couvertes par des polices d'assurance spécifiques.

Activités industrielles : le " risque zéro " est une illusion...
Responsabilité et environnement - Annales des Mines
Michel Turpin
A la suite de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse en 2001, une loi sur la maîtrise des risques industriels a été adoptée en 2003. Tous les grands groupes industriels ont désormais mis en place des systèmes de maîtrise des risques intégrés à leur gestion quotidienne. Les résultats concernant la sécurité sont publiés au même titre que leurs résultats financiers. Cette nouvelle gestion des grandes catastrophes dans l'industrie, davantage transparente, a contribué à diminuer la fréquence des accidents. Toutefois, si les méthodes probabilistes pour prévoir ce type de risques se sont développées, leur coût très élevé et la rareté des moyens matériels et immatériels requis empêchent les responsables d'aboutir au " risque zéro ".

Verdict de l'Erika, le préjudice écologique reconnu
Novethic.fr
Véronique Smée
Le naufrage de l'Erika au large des côtes françaises, en décembre 1999, a provoqué une des plus importantes pollutions maritimes de l'histoire et a entraîné la plus grande catastrophe ornithologique au monde jusqu'à ce jour. Huit ans après les faits, à l'issue du premier procès devant statuer en France sur les conséquences d'une catastrophe écologique de cette ampleur, le tribunal correctionnel de Paris a déclaré le groupe pétrolier Total coupable de pollution maritime et d'une faute d'imprudence. Pour les parties civiles et notamment les ONG (organisations non gouvernementales), la reconnaissance des deux principes fondamentaux que sont le " préjudice écologique " et le droit du " vivant non commercial " crée une nouvelle jurisprudence environnementale qui devrait faire date.

Réchauffement climatique : les entreprises sont sur la sellette
Rapport ParnterRe 2005
Erwann Michel-Kerjan
Les catastrophes (naturelles, terroristes, etc.) ont toujours existé, mais le nombre des événements à grande échelle, qui sont la caractéristique des " nouveaux risques ", ne cesse, depuis quelques années, d'augmenter. Le diagnostic scientifique sur le changement climatique ne fait aujourd'hui quasiment plus débat : les pertes (humaines, matérielles et financières), de plus en plus importantes, engendrées par les catastrophes naturelles, comme les inondations et les ouragans, sont provoquées par l'émission massive de gaz à effet de serre. Ainsi, au-delà des dommages directs, c'est notamment la responsabilité des entreprises dans ces phénomènes qui est incriminée.

La démarche de prévention des risques dans les entreprises, quel rôle pour l'Etat ?
Regards croisés sur l'entreprise - IGPDE
Jean Peyrot
La légitimité de l'intervention de l'Etat dans la gestion des risques au sein des entreprises privées reste une question en débat. Ainsi, pour les libéraux orthodoxes, cette intervention ne se justifie pas, puisque le marché se charge de sanctionner les risques mal évalués. Cependant, parfois, l'Etat ne peut laisser les forces du marché agir seules et se trouve contraint d'intervenir, comme cela a été le cas à la suite des attentats du 11 Septembre. De façon plus générale, concernant son rôle en matière de risque, l'Etat peut intervenir à plusieurs titres comme régulateur, actionnaire et contrôleur.

Gérer les risques " bio-sociaux " : l'Etat, un acteur central
Responsabilité et environnement - Annales des Mines
Yves Le Bars
Certaines entreprises peuvent mener des activités qui sont considérées comme présentant un danger potentiel pour la société : c'est le cas de la production d'organismes génétiquement modifiés (OGM) et de celle des nanotechnologies, pour lesquelles l'entreprise produit des risques " bio-sociaux " dont les effets, diffus sur le long terme, sont sujets à des controverses liées au développement durable. L'implication d'acteurs publics dans la maîtrise et la prévention de ce type de risque, via les politiques mises en œuvre dans les secteurs de l'environnement et de l'agriculture, est indispensable, mais l'insuffisante crédibilité accordée en la matière aux pouvoirs publics ne la facilite pas. L'enjeu, qui consiste ici à rendre aux décisions toute leur légitimité aux yeux de l'opinion publique, est donc avant tout politique.

Le développement durable : une solution pour prévenir les risques
Géoéconomie
Cécile Renouard
Les multinationales sont fréquemment accusées de violation des droits de l'homme (Gap, Nike, etc.) ou de dumping social. Leur irresponsabilité a également été mise au grand jour à la suite de désastres environnementaux et humains qui entachent l'image des entreprises. L'auteur revient ainsi sur la nécessité pour les firmes multinationales de prévenir le risque d'image ou de réputation en adoptant une véritable démarche de développement durable qui consiste notamment à assumer pleinement les responsabilités sociale (vis-à-vis des salariés) et sociétale (vis-à-vis de la société) qui incombent à l'entreprise du XXIe siècle.

No 2.943
12 mars 2008


DOSSIER :
Sport et argent

Dès le XIXe siècle, le sport devient une activité lucrative
Le Monde Economie
Entretien d'Antoine Reverchon avec Didier Primault
A l`origine, le sport est une activité de loisirs pratiquée par des amateurs. Mais dès le XIXe siècle en Angleterre, l´argent fait son apparition dans le milieu sportif. Il est d´abord limité aux paris et billets payants, mais les joueurs exigent progressivement une part des profits. Cette " économisation " d´une pratique de loisirs transforme le sport en spectacle de masse, assuré par des professionnels. En France, cette transformation commence tardivement, après la Première Guerre mondiale. C'est d'abord surtout le cyclisme, plus que le football, qui institue des liens entre le sport, le sponsoring et les médias (grâce aux journaux). Cependant, le véritable déclic se produit au début des années 1980 avec la libéralisation du paysage audiovisuel et l'acceptation par le Comité international olympique (CIO) de la professionnalisation.

Pourquoi les stars du sport sont-elles aussi bien payées ?
Le Document de travail - Institut Hayek
Vincent Bénard
La rémunération des stars du ballon rond peut paraître excessive - elle obéit pourtant à un calcul économique classique, celui du marginalisme. L´auteur démontre, que sur une saison, la différence entre deux places du classement se joue à 5 ou 6 buts près, parfois moins. Ainsi, pour réussir durablement, un club doit avoir les moyens de recruter les joueurs qui permettront de marquer ces quelques buts supplémentaires. En agissant de la sorte, le club adopte un comportement parfaitement rationnel puisqu'il offre un salaire particulièrement élevé à des joueurs susceptibles de lui procurer un avantage marginal décisif et très lucratif grâce à la participation du club à certaines compétitions comme la Ligue des champions. L´introduction d´une limitation au niveau des salaires serait dans ce système une mesure risquée, car elle pourrait désinciter les meilleurs joueurs à fournir les efforts nécessaires pour figurer parmi les stars.

Organiser les sports professionnels : socialisme américain versus libéralisme européen
Revue de la régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs
Wladimir Andreff
Les sports collectifs professionnels s'organisent autour de deux grands modèles institutionnels : celui de la ligue fermée, pratiquée en Amérique du Nord et celui de la ligue ouverte adoptée en Europe. L´analyse des deux modèles montre que règne une forte régulation au sein des ligues américaines, qui contraste avec la dérégulation croissante des sports professionnels en Europe. L´auteur attire l'attention sur deux paradoxes : dans le sport, le capitalisme financier et le développement d'un marché du travail libéralisé s'imposent aujourd'hui en Europe contrairement aux Etats-Unis ; ensuite, le modèle américain de ligue professionnelle fermée tend à renforcer ses régulations et à adopter de plus en plus des arrangements de type " quasi socialistes " (comme le plafonnement des salaires, le repêchage amateur ou la redistribution des revenus de télévision et des recettes au guichet). Par ailleurs, dans le système de ligue ouverte, l´explosion des droits de la télévision a un effet pervers : elle entraîne une concentration financière sur quelques clubs riches, ce qui nuit à l´équilibre sportif des championnats nationaux.

Sponsoring sportif : valeurs sportives ou marchandisation ?
Colloque " Communication marketing " - GREFIGE/AFM
Sylvie Hertrich et Gary Tribou
Le sponsoring représente actuellement, en moyenne, moins de 10 % des dépenses marketing des entreprises. En volume, l´investissement en sponsoring est estimé à 25 milliards de dollars en 2001, dont plus du tiers réalisé en Europe et environ 5 % en France. Grâce au sponsoring, l´entreprise cherche à communiquer de la proximité et des émotions. Initialement, le sponsoring sportif visait à améliorer l´image de marque de l'entreprise sponsor en s'appuyant sur les valeurs positives du sport. Cependant, l'éthique sportive traditionnelle qui puise sa force dans les valeurs de l'olympisme est de plus en plus malmenée par un certain nombre de dérives comme le dopage, la corruption, la violence, etc. Ces déviations n'altèrent en rien l´efficacité du sponsoring sportif ; au contraire, elles la servent parfois en donnant davantage de résonance aux événements. Ainsi, le sponsoring sportif adopte de plus en plus ouvertement une démarche publicitaire.

Le sport mondial, un bien public en quête de régulation
Finance et Bien Commun
Alain Loret
Le sport, ou plus précisément le spectacle sportif, est un bien public mondial. La production de ce type de bien au niveau mondial suppose qu'un système de régulation par des acteurs publics ou des agences privées indépendantes soit instauré. Le sport s´est organisé sur une telle base : le Comité international olympique (CIO) et les fédérations internationales assurent la production et l´encadrement du spectacle sportif mondial. Cependant, certaines dérives frauduleuses - dopage, corruption, paris illicites, hooliganisme - montrent l´insuffisance du système actuel de régulation au niveau international. L´auteur révèle trois problèmes majeurs : le sport est vulnérable car ses organisateurs sont également opérateur et régulateur ; les instances sportives internationales échappent largement au droit commun et, enfin, ces élites sont recrutées par cooptation.

Également dans ce numéro

SOCIOLOGIE ECONOMIQUE
Derrière le marché, le lien social
Sciences Humaines
Xavier de la Vega
Loin de se cantonner à la seule dimension sociale des questions économiques, les tenants de la " nouvelle sociologie économique " entendent au contraire appréhender les phénomènes et les " lois " de l'économie à partir de concepts proprement sociologiques, offrant ainsi des interprétations non plus complémentaires mais concurrentes à celles proposées par les économistes. Les choix économiques ne sont plus dès lors perçus comme résultant simplement d'arbitrages d'individus rationnels tendant à maximiser leur utilité mais analysés à l'aune de l'influence des réseaux, des institutions, et des rapports de force sur leurs comportements.

ECONOMIE DU DEVELOPPEMENT
Un milliard de clients potentiels pour les banques
L'Expansion Management Review
Janmejaya Sinha, Walter Piacsek, Arvind Subramanian et Michele Pikman
L'exclusion d'un nombre considérable d'individus des systèmes bancaire et financier dans les pays en développement (PED) reste une préoccupation majeure pour les gouvernements de ces pays. Un tiers seulement des populations indienne et chinoise, par exemple, a recours au secteur bancaire formel. Si la microfinance a permis de lutter contre l'exclusion bancaire, un milliard de personnes resterait encore en dehors de tout système de financement formel, ce qui représente autant de " consommateurs bancaires " potentiels. Une étude du Boston Consulting Group, menée en 2007, montre qu'actuellement un des problèmes essentiels demeure celui de l'accessibilité au système bancaire en raison de la faiblesse d'implantation des réseaux commerciaux dans la plupart des pays du Sud. Gagner la confiance des futurs clients et développer de nouveaux canaux de diffusion de l'offre bancaire - les boutiques et les postes pourraient notamment servir de relais pour les retraits et les prêts - sont ainsi devenus les principales missions des banques implantées dans les PED.

FISCALITE LOCALE
Décentralisation et fiscalité locale : quel bilan ?
Diagnostic(s) - Coe-Rexecode
La décentralisation a modifié sensiblement les compétences et les finances des collectivités locales. Jusqu'à " l'Acte II de la décentralisation " , mis en œuvre dans son intégralité en 2005, et le transfert aux régions de nouvelles ressources fiscales - notamment l'attribution d'une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) -, la part des taxes locales dans le produit intérieur brut (PIB) avait eu tendance à se réduire. Depuis, celle-ci a connu une légère reprise, passant de 4,1 % du PIB en 2000 à 4,8 % en 2005. Cette part reste néanmoins particulièrement faible en comparaison avec les besoins financiers croissants des collectivités locales. Aujourd'hui, fiscalité et finances locales sont dans une impasse car le différentiel de croissance entre les capacités contributives des redevables et les impôts votés par les collectivités locales s'accroît. Or, un ralentissement de la progression des prélèvements fiscaux nécessite une inflexion à la baisse des dépenses locales.
 

No 2.944
27 mars 2008


DOSSIER :
Amérique latine : quel rôle dans la mondialisation ?

Le retour de l'Amérique latine sur la scène mondiale
Finances et Développement
Arturo Valenzuela
Alors que les performances économiques de la Chine et de l'Inde ne cessent d'impressionner la plupart des observateurs, l'Amérique latine semble, elle, quelque peu oubliée. Pourtant cette dernière a accompli, au cours des vingt dernières années, des progrès considérables. Ainsi, l'ensemble des indicateurs macroéconomiques de la région se sont améliorés : les cours des devises se sont stabilisés, les taux d'intérêt réels ont diminué, la consommation intérieure a augmenté, etc. Si la croissance ne répond pas toujours aux attentes - les inégalités sociales et de revenus restent importantes dans certains pays comme le Brésil et la pauvreté persiste dans l'ensemble du sous-continent -, les progrès démocratiques et de gouvernance tendent à montrer que l'Amérique latine retrouve peu à peu sa place sur la scène mondiale.

Gérer les entrées de devises : un enjeu majeur pour l'Amérique latine
Perspectives de l'économie mondiale
FMI
En 2007, l'afflux massif de capitaux étrangers dans de nombreux pays latino-américains a fait courir le risque d'une augmentation du prix des actifs et de la demande de crédits, ressuscitant le spectre d'une surchauffe dans la région. La nécessité d'une meilleure gestion des entrées de devises est ainsi devenue un des enjeux majeurs pour les économies d'Amérique latine. Les pays de la région ont mis en œuvre diverses stratégies pour limiter les entrées massives de devises sans toutefois totalement y renoncer afin de conserver leurs effets potentiellement vertueux : l'afflux de devises conduit en effet à une appréciation de la monnaie - le real brésilien a, par exemple, atteint en 2006 son niveau le plus élevé par rapport au dollar depuis sept ans - et permet ainsi de contenir plus facilement l'inflation et de limiter les hausses du taux d'intérêt.

L'Amérique latine s'affranchit de la tutelle des Etats-Unis
Foreign Affairs
Peter Hakim
La transition démocratique et le passage à l'économie de marché des pays d'Amérique latine, au cours des années 1980, ainsi que l'importance des relations commerciales entre le nord et le sud du continent américain avaient conduit à espérer une amélioration des relations entre les Etats-Unis et les pays latino-américains. Force est de constater aujourd'hui que ce rapprochement n'a pas eu lieu. L'Amérique latine, qui commence à se tourner vers la Chine, demeure pour l'heure une région d'importance secondaire dans la politique extérieure des Etats-Unis, tandis que l'hostilité ouverte du Venezuela, l'absence de concessions réciproques en matière commerciale ou encore la stagnation du projet de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) laissent peu d'espoir quant à la possibilité d'une amélioration prochaine des relations entre ces deux acteurs régionaux pourtant essentiels l'un pour l'autre.

Union européenne et Amérique latine : des relations à consolider
La Revue internationale et stratégique
Claude Heller
L'intérêt de l'Union européenne (UE), depuis les années 1990, pour les économies du Mercosur (Marché commun du Cône Sud), notamment les deux géants, l'Argentine et le Brésil, ne s'est jamais démenti. Au cours des dix dernières années, près de 85 % des flux d'investissements directs européens vers la région ont en effet été destinés aux pays du Mercosur et 54 % du commerce extérieur de l'UE avec l'Amérique latine se concentre sur les quatre pays du sud de l'Amérique latine. L'UE a, en dépit de la rivalité américaine et de l'ALENA (Accord de libre-échange nord-américain), également renforcé les relations bilatérales avec le Mexique. En 2004, le commerce bilatéral a atteint son niveau le plus élevé : 27,5 milliards, soit une croissance de 17 % par rapport à 2003. Cependant, en dépit de l'accord commercial entre l'UE et le Mercosur, les relations entre les deux ensembles régionaux doivent encore être renforcées.

Le commerce chinois en Amérique latine : menace ou opportunité ?
Revista de la CEPAL
Jorge Blásquez-Lidoy, Javier Rodríguez et Javier Santiso
Si les effets de l'intensification des échanges commerciaux entre l'Amérique latine et la Chine apparaissent nettement positifs, la forte augmentation de la demande chinoise de matières premières risque de conduire à une spécialisation accrue des pays latino-américains et au renforcement du caractère rentier de leurs économies. Par ailleurs, la réussite du modèle économique chinois, qui doit plus au pragmatisme qu'à l'orthodoxie économique, pourrait pousser l'Amérique latine à adopter à son tour un modèle de développement original.

L'Inde : un acteur majeur de l'économie latino-américaine
Géoéconomie
François Lafargue
Si seuls 2 % de la totalité des investissements directs à l'étranger (IDE) reçus par l'Amérique latine sont d'origine indienne, le commerce entre l'Inde et les pays latino-américains a été multiplié par 2,5 depuis 2000. Les ressources naturelles y sont convoitées, notamment le pétrole dont la consommation a été multipliée par 2, en Inde, depuis 1989. La sidérurgie, l'informatique et l'industrie pharmaceutique sont les principaux domaines d'investissement. L'entreprise Mittal est ainsi implantée dans la région, notamment au Brésil, depuis 1989 et en est le premier producteur d'acier. De même, l'entreprise Tata y a récemment installé de nombreux centres d'appel afin de profiter de la proximité avec les Etats-Unis.

Le FMI et la Banque mondiale personae non gratae en Amérique latine
Le Monde diplomatique
Damien Millet et Eric Toussaint
L'accumulation de réserves de change, entre 2002 et 2007, a modifié les relations entre les pays d'Amérique latine et les créanciers des pays du Nord. L'abondance des recettes d'exportation en devises a en effet incité les gouvernements argentin, brésilien, mexicain, uruguayen et vénézuélien à solder leur compte à l'égard du Fonds monétaire international (FMI) et à s'émanciper de la Banque mondiale. En novembre 2007, six pays d'Amérique du Sud ont signé un accord officiel de création d'une banque régionale : la Banque du Sud appelée à jouer à l'avenir pour les pays latino-américains le rôle précédemment dévolu à la Banque mondiale. Le lancement de ses activités officielles est prévu au cours de l'année 2008, avec un capital initial de 7 milliards de dollars.

Egalement dans ce numéro

ECONOMIE SOUTERRAINE
Contrefaçon et piratage : impostures, faits et chiffres
L'Observateur de l'OCDE
Linda Haie-Fayle et Wolfang Hübner
Le commerce international de biens contrefaits ou piratés est en pleine expansion. Il représentait, en 2005, selon un récent rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), quelque 200 milliards de dollars. Mais la valeur totale des échanges de produits contrefaits ou piratés pourrait être beaucoup plus élevée, sachant qu'en outre l'estimation ne prend pas en compte la valeur des produits numériques distribués sur l'Internet. Si l'Asie constitue la principale zone de ce commerce et la Chine le premier producteur, ces articles sont néanmoins fabriqués et consommés dans la plupart des pays. Leur prolifération est extrêmement coûteuse pour les économies et les dangers qu'ils font peser sur la sécurité et la santé publiques sont considérables. L'un des plus grands défis à relever par les pouvoirs publics pour améliorer les dispositifs de lutte contre la contrefaçon et le piratage consiste à obtenir des informations fiables et à jour sur l'ampleur du phénomène et son impact réel sur les économies.

MIGRATIONS INTERNATIONALES
Nos cerveaux sont-ils en fuite ?
La Gazette de la société et des techniques
Benoît Jubin et Pascal Lignères
Le débat autour de la fuite des cerveaux est devenu central, ces dernières années, en France. Le départ massif de chercheurs français vers l'Amérique du Nord est particulièrement redouté par les pouvoirs publics. Certes, ce phénomène ne concerne qu'une minorité de scientifiques : en effet, moins de 2 % d'entre eux partent s'installer aux Etats-Unis ou au Canada. Ce taux est inférieur à celui de nos voisins européens et la France parvient en outre à attirer nombre de chercheurs étrangers. Cependant, une analyse plus détaillée montre que la situation est préoccupante : 40 % des meilleurs chercheurs français seraient expatriés aux Etats-Unis. Ce qui apparaît donc comme un phénomène marginal du point de vue quantitatif se révèle être considérable du point de vue qualitatif. A une époque où le dynamisme de la recherche et développement (R&D) est vital pour la croissance économique, cette fuite des chercheurs français de premier rang peut constituer un véritable handicap. La mise en œuvre de politiques publiques susceptibles d'enrayer ce processus est donc aujourd'hui urgente.

POLITIQUE ECONOMIQUE
Comment vaincre le chômage en France ?
Ecoflash
Eric Heyer
Si des inégalités liées à l'âge, au sexe ou au niveau de qualification persistent en matière d'exposition au risque de chômage ou de difficulté d'accès à l'emploi, les solutions au problème du chômage ne sont à rechercher, estime l'auteur, ni dans la défiscalisation des heures supplémentaires ni dans l'unification de contrat du travail. Il convient plutôt, si l'on veut que la " flexicurité " permettent effectivement à l'économie française d'atteindre le plein-emploi, d'accompagner les réformes structurelles d'une utilisation plus volontariste et plus réactive, donc plus fortement contracyclique, des instruments de politique économique.

No 2.945
09 avril 2008


DOSSIER :
Retour sur la crise financière de 2007

Subprimes : topographie d'une crise
Finances et développement
Randall Dodd
2007 restera dans l'histoire économique comme l'année de la crise des subprimes, ces prêts hypothécaires à risque américains qui font l'actualité depuis plusieurs mois. Une hausse modeste du taux des impayés de plus de 90 jours dans un sous-secteur du marché hypothécaire aux Etats-Unis s'est en effet traduite, au cours de l'été, par un très grave dérèglement du système financier américain et a provoqué une onde de choc sur toute la planète. Pour comprendre comment les marchés financiers mondiaux ont été une nouvelle fois entraînés dans la tourmente, un examen structurel du marché hypothécaire américain s'impose. Cette analyse approfondie permet de mieux saisir les dysfonctionnements qui se sont produits sur ce marché et met en évidence certaines failles plus générales du système financier.

Espoirs et écueils du plan de sauvetage du Trésor américain
The Economist
Au cours des derniers mois de l'année 2007, la gestion de la crise des subprimes par le gouvernement américain a quelque peu évolué, passant du laisser-faire à l'interventionnisme actif. Au mois de décembre 2007, le secrétaire au Trésor américain Henry Paulson a ainsi cherché, pour éviter une explosion du nombre des saisies de maisons pour défaut de paiement, à inciter les émetteurs de crédits immobiliers à accepter un gel partiel des taux d'intérêt des prêts subprimes. Les solutions préconisées par Henry Paulson ont suscité cependant un certain scepticisme, voire la franche hostilité du monde de la finance. Au-delà du manque à gagner sur les crédits consentis, les organismes financiers ont en effet souligné qu'un tel plan, n'incluant aucun financement public, pourrait soulever de nombreux problèmes.

Les agences de notation financière sont-elles indispensables ?
Variances - La revue des anciens de l'ENSAE
Pierre Cailleteau
La crise des subprimes a conduit à une remise en cause du rôle économique des agences de notation financière dans les processus d'évaluation du risque et dans la commercialisation des produits dérivés. Ces dernières se sont en effet retrouvées au banc des accusés pour avoir accordé des notes trop élevées à des produits structurés adossés à des portefeuilles de crédits immobiliers américains à risque. Les interrogations dont elles font l'objet portent sur leur indépendance, sur leur capacité à apprécier des risques de plus en plus complexes et sur leur place dans les nouveaux dispositifs réglementaires, en particulier, celui de Bâle II qui utilise comme référence, pour calibrer les fonds propres des banques au regard du risque de crédit de leurs clients, les notes produites par les agences.

Transparence des marchés, conflits d'intérêts et crise financière
Esprit
Bruno Biais
Les marchés financiers ont été, à l'occasion de la crise de l'été 2007, l'objet de nombreux débats. Les dysfonctionnements qui se sont une nouvelle fois produits dans la sphère financière conduisent en effet à s'interroger, au-delà de la crise des subprimes, sur le rôle fondamental que jouent, aujourd'hui, dans nos sociétés les marchés financiers. Après avoir décrit la logique et les principes économiques qui président au fonctionnement de ces marchés, l'auteur en souligne les imperfections et suggère de mettre en œuvre quelques mesures susceptibles d'en améliorer le fonctionnement.

Premiers enseignements d'une crise financière inachevée
Sociétal
Christian de Boissieu
La crise financière, qui a débuté au cours de l'été 2007, semble encore loin d'être achevée comme en témoigne chaque jour les informations diffusées par les médias. Il est déjà possible toutefois d'en tirer un premier bilan. Si cette crise partage des traits communs avec d'autres dans la mesure où elle a été provoquée par la baisse des prix immobiliers américains, elle se révèle cependant originale en raison des mécanismes nouveaux qui ont concouru à son développement comme la titrisation systématique des crédits et les innovations financières. L'auteur revient notamment sur les principaux débats auxquels a donné lieu la crise des subprimes, sur la question centrale de la régulation financière et sur les premières conséquences macroéconomiques de cette crise.

Également dans ce numéro

ECONOMIE DU TRAVAIL
Le salaire minimum britannique est-il comparable au SMIC ?
Lettre Trésor-Eco
Jean Boissinot
Les récentes controverses portant sur le niveau du smic (salaire minimum interprofessionnel de croissance) par rapport aux salaires minimums étrangers ainsi que sur le nombre de salariés français et britanniques rémunérés au salaire minimum incitent à s'interroger sur la comparabilité de ces dispositifs. Si l'auteur constate une relative proximité des niveaux de vie des salariés payés au smic ou au National Minimum Wage, il insiste également sur l'harmonisation nécessaire - et malaisée - des données statistiques concernant les proportions respectives de ces salariés dans les deux pays. Il note, en outre, une incidence très différente de ces rémunérations " plancher " sur l'échelle des salaires en France et en Grande-Bretagne.

NOUVELLES TECHNOLOGIES
Réduire la fracture numérique : un défi mondial
Revue de la gendarmerie nationale
Jean Pouly
Avec le développement de l'Internet, l'écart numérique entre le Nord et le Sud s'est creusé. Le Président de la République du Sénégal, initiateur du Fonds mondial de solidarité numérique, aime d'ailleurs à rappeler que l'île de Manhattan (New York) compte davantage de lignes téléphoniques que toute l'Afrique. Si l'accroissement du volume d'informations a permis la multiplication des formes de communication dans les pays développés ainsi que le développement des interactions entre les internautes, elle met également en danger leur identité.

ECONOMIE DU DEVELOPPEMENT
Après les " BRIC ", les " prochains 13 " !
Eclairages - Crédit Agricole
Aurélie Fontagné, Francis Nicollas et Sylvain Laclias
Les économies brésilienne, russe, indienne et chinoise - appelées " BRIC ", acronyme créé en 2001 par la banque américaine Goldman Sachs -, hier émergentes, sont désormais considérées comme des puissances mondiales. Elles constituent un ensemble d'environ 2,78 milliards d'individus et représentent 13 % du produit intérieur brut (PIB) mondial et 47 % du PIB des pays en développement (PED). Parmi ces derniers, certaines économies émergentes présentent déjà toutes les caractéristiques de futures BRIC. A partir d'un indice de potentialité, les auteurs établissent la liste des 13 pays, le Mexique en tête, qui intégreront prochainement le club des nouvelles puissances économiques. Les espoirs que soulèvent ces économies ne dissimulent toutefois pas certaines craintes, comme des risques bancaires provoqués par une croissance souvent trop rapide et un développement institutionnel limité.

No 2.946
23 avril 2008


DOSSIER :
La Chine, l'atelier du monde... et après ?

Les exportations chinoises : du textile aux écrans plats
Diagnostic(s) - Coe Rexecode
Leila Ali
L'insertion réussie de la Chine dans l'économie mondiale n'est plus à démontrer. Sur le point de devenir le premier exportateur devant l'Allemagne, l'économie chinoise représente 8,8 % des exportations et 5,3 % des importations mondiales. Le pays est ainsi le premier exportateur mondial de textile et le poids de la haute technologie dans les exportations totales représente, en 2005, 30 % contre 5 % seulement en 1990. Toutefois, les quatre cinquièmes de ces exportations restent issues des opérations d'assemblage et de sous-traitance. Il semble que les handicaps de la Chine en matière d'innovation constituent un frein à une " remontée " de filière...

La main-d'œuvre au cœur de la low-cost economy
Etude du Centre de développement de l'OCDE
Angus Maddison
Depuis les réformes menées dans les années 1970, l'allocation de la main-d'œuvre, longtemps biaisée, en Chine, par une segmentation rigide du marché du travail entre les zones urbaines et rurales, s'est nettement améliorée. L'excédent de la main-d'œuvre agricole est en outre progressivement absorbé par l'essor des petites entreprises industrielles dans les régions rurales. L'augmentation du nombre de travailleurs, plus rapide que celle de la population, constitue ainsi la principale richesse de l'économie chinoise et la formation de la main-d'œuvre est devenue l'une des priorités. Celle-ci a d'ailleurs largement contribué à l'augmentation de la productivité du travail. La " qualité " de la main-d'œuvre chinoise s'est également améliorée, comme le montre une comparaison avec celle des principaux pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Le prix de la compétitivité
La Lettre du CEPII
Guillaume Gaulier, Françoise Lemoine et Deniz Ünal-Kesenci
La Chine, plate-forme mondiale de production pour l'exportation, a longtemps bénéficié des avantages d'un modèle économique qui repose sur la compétitivité-prix. Mais celui-ci semble montrer des signes d'essoufflement. En effet, l'économie, fortement dépendante vis-à-vis des marchés extérieurs, doit faire face à la détérioration des termes de l'échange. La pression sur les prix des biens exportés est de plus en plus forte, alors que les intrants, davantage sophistiqués, sont de plus en plus chers et les prix des matières premières très élevés.

Que fait la Chine de ses devises ?
TOPIC -HEC Eurasia Institute
Jacques Gravereau et Héloïse Brière
Deuxième exportateur mondial, la Chine a accumulé un montant considérable de devises. Afin de gérer ces liquidités, la Central Huijin Company a été créé, en 2003. Contrôlé par la Banque centrale et le ministère des Finances et alimenté par les réserves de change, ce fonds d'investissement domestique constitue la holding des quatre grandes banques publiques chinoises. Le record atteint par le montant des réserves de change accumulées en 2006 (1 066 milliards de dollars), a incité la Chine à créer, en parallèle, la State Foreign Exchange Investment Company, un fonds d'investissement à l'étranger (IDE). 200 milliards de dollars seront ainsi investis en 2008, par le biais de cette agence, soit deux fois le montant de l'investissement direct chinois à l'étranger de 2006.

Également dans ce numéro

SCIENCE ECONOMIQUE
Les malentendus de la mondialisation
Humanisme et entreprise
Bertrand Venard
Les opposants et les partisans de la mondialisation s'affrontent régulièrement depuis plusieurs années. Les débats aussi vifs soient-ils demeurent toutefois bien souvent superficiels et prennent rapidement un tour idéologique. Ceci s'explique par le fait que de nombreux malentendus concernant ce phénomène complexe et multidimensionnel se sont imposés au fil du temps, dans la mesure où sa définition même manque singulièrement de clarté. L'auteur s'efforce de définir de façon plus précise le concept de mondialisation, d'en délimiter les contours et d'en évaluer les conséquences positives comme négatives.

DEVELOPPEMENT
Evaluer la violence en Amérique latine
Rapport du Conseil de l'Europe
Pierre Salama
La violence en Amérique latine est bien plus importante qu'en Europe et qu'aux Etats-Unis. Celle-ci n'a toutefois pas la même intensité dans chaque pays sud-américain. La combattre est d'autant plus difficile que, dans ces sociétés, la défiance à l'égard des institutions est très forte. Il existe, certes, des pré-requis qui permettraient de rendre leur cohésion aux sociétés latino-américaines : notamment favoriser une redistribution plus égalitaire des fruits de la croissance et améliorer l'éducation. Mais la tâche la plus essentielle consiste à redonner une légitimité aux institutions afin qu'elles retrouvent toute leur crédibilité.

COMMERCE EXTERIEUR
Pourquoi les entreprises françaises souffrent-elles de la force de l'euro ?
Lettre de l'OFCE
Sarah Guillou
Le taux de change effectif de l'euro s'est apprécié de 30 % depuis 2001. L'appréciation de la devise européenne, en raison de son ampleur et de sa durée, suscite une inquiétude croissante en France et plus généralement dans la zone euro. La vulnérabilité des entreprises face à une appréciation de cette monnaie est variable et dépend de leur positionnement concurrentiel. Quoi qu'il en soit, au fil du temps, le nombre d'entreprises sous contrainte tend à augmenter. En outre, l'appréciation de l'euro est susceptible de pénaliser non seulement les entreprises exportatrices mais également les entreprises domestiques en concurrence avec leurs homologues étrangères qui exportent sur le marché français.

No 2.947
07 mai 2008


DOSSIER :
Les villes dans la globalisation

Révolution urbaine
Finances et Développement
David E. Bloom et Tarun Khanna
L'année 2008 constitue un tournant dans l'histoire de l'humanité puisque, pour la première fois, plus de la moitié de la population mondiale vit dans des zones urbaines. Et d'ici à 2030, si le rythme actuel de l'urbanisation se maintient, cette part pourrait atteindre 60 %. Ce sont les pays du Sud qui vont enregistrer la plus forte croissance urbaine au cours des vingt-cinq prochaines années. Le phénomène le plus marquant de ce processus d'urbanisation sera, d'ici à 2015-2018, la croissance des " métacités ", c'est-à-dire des agglomérations géantes de plus de 20 millions d'habitants. Si l'urbanisation est considérée par beaucoup comme un facteur positif en termes de développement, d'aucuns y voient au contraire un phénomène aux conséquences négatives pour les populations. Bien que les conclusions de ce débat ne soient pas évidentes, il semble néanmoins qu'une urbanisation rapide peut être une aubaine, à condition de soigneusement la planifier.

La gig@city, nouveau lieu de la production de capital
Réalités industrielles - Annales des Mines
Dominique Lorrain
Dans la représentation traditionnelle de l'économie, confortée par l'approche marxiste, l'entreprise était le lieu de la production du capital et la ville celui de sa reproduction au travers des consommations collectives. Le passage de la mégapole à la gig@city - une cité de plus grande taille et plus dense que la mégalopole des années 1950 et qui conduit sa mutation à l'heure du développement des réseaux de communication à haut débit - ainsi que les transformations de l'économie rendent, selon l'auteur, cette vision obsolète. En ce début de nouveau millénaire, la ville est en effet devenue l'un des lieux majeurs de la production de capital. Elle n'accompagne plus le développement économique : elle en représente le cœur même. Cette mutation historique s'opère dans un univers de réseaux où s'organise un échange constant entre ceux des très grandes villes et ceux des très grandes entreprises.

Les territoires de la relation ville-industrie : les clusties
Revue d'économie régionale et urbaine
Frédéric Gaschet et Claude Lacour
D'une manière générale, dans leurs travaux, les chercheurs en économie géographique, en économie industrielle ou en économie de l'innovation n'évoquent bien souvent la ville que de façon allusive, ce qui ne permet pas de mettre en lumière sa capacité à faire émerger et se cristalliser les facteurs de développement ainsi que ceux de la ségrégation. A travers le néologisme de clusty - clusters in the city, clusters by the city -, les auteurs établissent un lien entre les villes et l'innovation. Ils attirent l'attention sur le fait que la ville n'est pas simplement un lieu qui offre des économies d'agglomération mais davantage l'endroit qui les favorise ou les fait émerger. Un territoire sur lequel ou à partir duquel s'organisent des relations entre activités et réseaux permettant la création de potentialités de " chaînes de valeurs métropolitaines ".

Nylonkong : trois villes-monde du XXIe siècle
Time Magazine
Michael Elliott
Depuis deux décennies, les multiples dimensions de la globalisation sont régulièrement débattues. Un aspect de ce processus est toutefois rarement évoqué : celui du rôle essentiel que jouent certaines villes, notamment trois cités idéalement situées sur le globe et partageant la même culture économique : New York, Londres et Hong Kong. Ces trois villes-monde, interconnectées, où les plus grandes banques d'affaires ont installé leur siège, constituent un formidable réseau financier qui permet une circulation constante des capitaux autour de la planète, favorisant la croissance de l'économie mondiale. Les financiers de ce réseau de villes baptisé Nylonkong tiennent en quelque sorte, en ce début de XXIe siècle, le rôle qui fut celui des banquiers toscans à l'aube du capitalisme.

Londres et Paris : les rivales
The Economist
Il y a deux ans de cela, Paris perdait contre Londres la bataille de l'organisation des Jeux olympiques de 2012. Cette défaite symbolique, abondamment commentée, est apparue comme un signe supplémentaire du déclin de la capitale française en comparaison avec l'insolent dynamisme de son ancestrale rivale britannique. Les deux cités sont plus liées que jamais depuis la mise en service de la première ligne à grande vitesse de Grande-Bretagne, au départ de la gare Saint-Pancras, mais elles semblent de plus en plus éloignées, si l'on retient comme critères le rôle et l'influence que chacune des deux villes joue aujourd'hui dans l'économie mondiale. Alors que Londres présente toutes les caractéristiques d'une ville-monde, Paris semble, selon le célèbre magazine économique britannique, avoir depuis quelques années perdu en matière d'urbanisme, d'influence culturelle et économique son rôle phare.

Également dans ce numéro

MATIERES PREMIERES
La rente pétrolière en Afrique : bénédiction ou malédiction ?
Finance et bien commun
Brahim Gacem
La forte augmentation du prix du pétrole, ces dernières années, a permis aux pays exportateurs d'accroître de façon considérable leurs ressources budgétaires. Cette manne pétrolière n'a toutefois pas été, selon l'auteur, une bénédiction. Elle freine la diversification de ces économies (comme l'innovation), où la croissance n'est soutenue que par le secteur minier. L'abondance des recettes issues de la vente de l'or noir a, en outre, tendance à exacerber la corruption, chaque groupe social revendiquant sa part du pactole...

CHANGEMENT CLIMATIQUE
Les enjeux de l'industrie automobile face au réchauffement climatique
Accomex
François Jaumain
La Commission européenne a récemment rendu public son plan de réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2), dont l'objectif est d'atteindre, en 2012, la barre des 130 g/km. Le secteur des transports est considéré comme l'un des principaux responsables des émissions mondiales de gaz à effet de serre (14 %) et diverses mesures ont été prises au sein de l'Union européenne. Le gouvernement français, par exemple, a mis en place un dispositif de bonus/malus qui constitue, d'ailleurs, un élément essentiel du Grenelle de l'environnement. L'auteur revient également sur les principales actions envisagées par l'industrie automobile pour réduire les émissions de CO2.

INEGALITES
Niveaux de vie et pauvreté en France : des disparités territoriales importantes
Insee-Première
Laurent Auzet, Magali Février et Aude Lapinte
L'étude des niveaux de vie, des inégalités de revenus et des taux de pauvreté en France révèle de fortes disparités entre régions et départements mais également au sein de chaque territoire. Il apparaît notamment que les départements du nord et du sud de la France sont les plus touchés par la pauvreté et les inégalités, que celles-ci sont particulièrement marquées à Paris en raison de la présence de très hauts revenus ou encore que les personnes âgées sont plus souvent pauvres dans les zones rurales. Le chômage, le nombre important de personnes inactives et les différences de structures sociale ou familiale apparaissent comme les principales causes de ces importantes disparités. Les prestations sociales, qui représentent le tiers du revenu disponible des ménages pauvres, contribuent cependant fortement à en réduire l'ampleur.
 

No 2.948
21 mai 2008


DOSSIER :
Les paradoxes de l'économie indienne

Coup d'œil sur l'Inde d'aujourd'hui... et de demain
Revue du Marché commun et de l'Union européenne
Philippe Marchat
De la démographie aux problèmes d'urbanisation en passant par l'évolution des investissements directs étrangers, l'auteur s'efforce de brosser un tableau le plus complet possible de la société et de l'économie indiennes dans ses différentes dimensions. Il pointe les risques, les déséquilibres et les défis auxquels l'Inde se trouve ou se trouvera confrontée en même temps que les succès, les opportunités et les perspectives favorables à son développement. Il s'en dégage l'image d'une Inde paradoxale, profondément hétérogène, divisée par de multiples fractures et dont le modèle de développement apparaît fondamentalement atypique.

La politique agricole de l'Inde
Politiques agricoles des pays non membres de l'OCDE
OCDE
Dans un pays qui compte plus d'1,1 milliard d'habitants, où l'agriculture occupe encore un actif sur deux et où 70 % de la population vit en zone rurale, la politique agricole vise logiquement en priorité à garantir l'autosuffisance alimentaire et à éradiquer la pauvreté. Aussi demeure-t-elle fortement réglementée, afin notamment de soutenir les prix agricoles, c'est-à-dire les revenus des agriculteurs, mais également la consommation des plus pauvres. Malgré une augmentation de la participation de l'Inde aux marchés mondiaux, son agriculture continue d'apparaître à bien des égards archaïque, son développement restant entravé par l'absence d'infrastructures modernes, la faible proportion de produits agricoles transformés, la petite taille des exploitations ou encore le taux modeste de mobilité foncière.

L'Inde et la sous-traitance internationale des services
Revue d'économie financière
Jean-Joseph Boillot
L'Inde parviendra-t-elle à se spécialiser dans la sous-traitance internationale des services comme la Chine a réussi à le faire pour l'industrie manufacturière de masse ? Si le poids des services dans l'économie indienne est déjà considérable - et très inhabituel compte tenu du niveau de développement du pays -, l'Inde ne pourra prétendre devenir le centre mondial de la sous-traitance internationale des services que sous certaines conditions. Un investissement massif dans la formation apparaît notamment nécessaire, afin de permettre à une main-d'œuvre en passe de devenir la plus abondante du monde de répondre à la demande de travail qualifié que suppose une telle spécialisation.

La Chine et l'Inde dans le commerce international, les nouveaux meneurs de jeu
La lettre du CEPII
Françoise Lemoine et Deniz Ünal-Kesenci
Malgré d'importantes différences, notamment en matière de revenu par tête ou de degré d'insertion dans les échanges internationaux, l'Inde et la Chine enregistrent des gains de productivité élevés dans les secteurs nouveaux liés à la révolution numérique, qui leur permettent d'occuper une place toujours plus grande dans le commerce international. La montée en puissance de ces deux pays, qui se traduit par une augmentation considérable de leurs exportations de produits manufacturés et de leurs importations de produits primaires, provoque un choc sur l'offre comme sur la demande mondiales de biens et de services et conduit à un changement dans l'évolution des prix relatifs mondiaux. Cependant, si la croissance mondiale profite du développement rapide des deux géants asiatiques, ni l'Inde, ni la Chine ne peuvent pour l'heure prétendre en devenir le moteur.

L'Inde et l'Asie à l'horizon 2025
Futuribles
Jean-Raphaël Chaponnière
Si les taux de croissance de l'Inde et de l'ensemble des pays asiatiques, après avoir longtemps divergé, sont aujourd'hui à un niveau comparable, le régime de croissance indien apparaît cependant original. Tirée par la consommation intérieure plus que par les exportations, fondée sur les services davantage que sur l'industrie manufacturière, compensant le manque de vigueur de l'investissement étranger par le dynamisme des entreprises nationales, la croissance indienne n'est pas exempte de faiblesses ni de déséquilibres : retard en matière de recherche et développement, insuffisance des infrastructures, faible intégration économique régionale... Néanmoins, la hausse de l'épargne et de l'investissement qui résultera de l'augmentation de la population active devrait assurer à l'Inde une place importante - quoique secondaire par rapport à la Chine - sur la scène asiatique.

Également dans ce numéro

DEMOGRAPHIE
Quelles politiques pour davantage de bébés ?
Synthèses
OCDE
Les taux de naissance sont en chute libre dans la plupart des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le taux de fertilité moyen de la zone a récemment atteint le niveau de 1,6 enfant par femme. Celui-ci est bien en deçà du seuil nécessaire pour le renouvellement des générations (2,1 enfants). Si cette situation semble s'inscrire dans la durée, elle n'est en rien inéluctable. En effet, de nombreux pays ont déjà adopté certaines mesures visant à inciter les couples à faire davantage d'enfants. Ces dispositifs permettent de retarder le vieillissement et le déclin démographique. Ils ont déjà fait leurs preuves, notamment en France et aux Etats-Unis.

NOUVELLES TECHNOLOGIES
Economie de l'Internet : une économie d'interactions sociales
Revue française d'économie
Thierry Pénard et Raphaël Suire
Les interactions sociales jouent un rôle essentiel dans les comportements des internautes, mais également dans les business model des entreprises de l'Internet. Ces interactions ont en effet fortement contribué, au cours des dernières années, au développement très rapide de la Toile. La majeure partie des nouveaux modèles économiques apparus sur l'Internet proposent ainsi des services marchands d'intermédiation ou mettent en place des espaces communautaires d'échanges qui fournissent autant de services à valeur ajoutée (comme des recommandations ou des évaluations sur des produits partagés entre internautes, etc.) dont l'entreprise n'a pas à supporter les coûts. Le principal défi demeure aujourd'hui la mesure des interactions sociales virtuelles et de leur impact sur les interactions physiques et sur les comportements sur et hors de l'Internet.

ECONOMIE DU TRAVAIL
Les salariés âgés face au travail " sous pression "
Centre d'études de l'emploi
Céline Mardon et Serge Volkoff
35 % des salariés de plus de 50 ans déclarent travailler " sous pression ", c'est-à-dire avec des contraintes temporelles pour la réalisation de leurs tâches. Si le travail " sous pression " n'est pas nécessairement synonyme de pénibilité - ce type de contrainte pouvant avoir un caractère stimulant, voire être une composante de l'identité professionnelle, en particulier dans certains métiers (urgentistes, pompiers, etc.) -, il est toutefois, dans la majorité des cas, mal vécu et provoque, en particulier chez les salariés âgés, certains troubles de santé. En outre, ce type de pression ne faisant pas partie des formes reconnues de pénibilité, il n'ouvre pas droit à des réaffectations ou à des départs anticipés. Il apparaît toutefois possible de rendre la pression plus supportable en offrant une plus grande liberté d'action au salarié dans la réalisation sa tâche.
 

No 2.949
4 juin 2008


DOSSIER :
Inflation et grande distribution

La flambée des prix des biens alimentaires pèse sur le pouvoir d'achat
Trésor - Eco
Pierre-Emmanuel Lecocq, Benjamin Richard et Baptiste Thornary
Les prix des produits alimentaires représentent, en France, 16,3 % de l'indice des prix, contre 12 % en Allemagne et 11 % au Royaume-Uni. Ceci explique en partie pourquoi la hausse des prix agricoles, qui se diffuse le long de la chaîne de production des produits alimentaires transformés, a conduit à une forte progression des prix à la consommation, à la fin de 2007 et au début de 2008. D'autant que 34 % des consommations intermédiaires des industries agro-alimentaires (IAA) proviennent de la branche agricole. Mais si les prix de production sont bien corrélés aux prix à la consommation, ils ne sont pas les seuls responsables de l'inflation.

La perception du revenu est souvent biaisée
Rapport du Conseil d'analyse économique
Philippe Moati et Robert Rochefort
Le contexte de modération salariale - les salaires constituent la majeure partie du revenu disponible brut (RDB) des ménages - et l'hétérogénéité des situations individuelles tendent à creuser l'écart entre la perception des revenus, et donc du pouvoir d'achat, et le calcul effectif de ces deux variables. De plus en plus de revenus sont complétés par des rémunérations " transitoires " (intéressement, bonus, etc.), par définition aléatoires, qui ne sont généralement pas prises en compte dans l'appréciation de leur pouvoir d'achat par les ménages qui se focalisent sur le revenu permanent. De même, ces derniers ne considèrent que rarement les allègements fiscaux comme des ressources. La perception biaisée de leur pouvoir d'achat par les ménages ne porte donc pas uniquement sur les prix...

La grande distribution en France : un secteur plus concentré que chez ses voisins ?
Accomex
Joachim Bechtikou
Si la France est le pays d'Europe qui compte le plus grand nombre d'hypermarchés par habitant (forte densité), les trois distributeurs les plus importants installés sur son territoire représentent, à eux seuls, plus de 50 % du commerce de détail de produits alimentaires (forte concentration). Mais la concentration du secteur de la grande distribution n'est pas propre à la France. C'est le cas dans la plupart des pays du nord de l'Europe. Le Royaume-Uni, l'Italie et l'Allemagne offrent toutefois des caractéristiques très différentes. Avec sept enseignes de hard discount se partageant les 14 214 magasins du pays, la grande distribution allemande offre ainsi un visage tout à fait singulier.

Les dysfonctionnements de la grande distribution en France
CEPREMAP
Philippe Askenazy et Katia Weidenfeld
Le président de la République, Nicolas Sarkozy, a récemment affirmé vouloir réformer le secteur de la grande distribution. Pourquoi une telle réforme est-elle urgente ? Les auteurs reviennent sur les différentes mesures qui, depuis 1996, ont régulé le secteur de la grande distribution française. Les lois Raffarin et Galland (1996) ont, selon eux, empêché le secteur de s'ouvrir à la concurrence, notamment au hard discount. Le nombre de créations et d'extensions de grandes surfaces alimentaires s'est en effet effondré dans la seconde moitié des années 1990, tous types de distribution confondus. Ces mesures seraient ainsi responsables de la hausse progressive des prix alimentaires depuis 1996 en France, alors que ceux-ci suivaient une évolution comparable à celle des autres pays européens.

Réformer la grande distribution : quels effets sur le pouvoir d'achat ?
Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française
Jacques Attali
Si une réforme du secteur de la grande distribution en France semblait depuis longtemps indispensable - la Commission européenne a récemment attiré l'attention sur le niveau de concentration particulièrement élevé dans ce secteur en France -, l'inflation des prix des biens alimentaires et la quasi-stagnation du pouvoir d'achat des ménages (voire une baisse pour les plus modestes) ont fortement incité le gouvernement à ne plus attendre pour la mettre en place. L'instauration d'une concurrence par les prix devrait, à court et moyen termes, favoriser la hausse du pouvoir d'achat de l'ensemble des ménages. Mais, à plus long terme, l'apparition d'oligopoles et d'ententes entre distributeurs, voire entre distributeurs et fournisseurs, pourrait affaiblir l'effet attendu sur le pouvoir d'achat...

Également dans ce numéro

HISTOIRE DE LA PENSEE ECONOMIQUE
Introduction à la nouvelle économie politique
Idées
Guillaume Cheikbossian
Si la science économique, autrefois désignée par la seule expression " économie politique ", ne pouvait initialement se concevoir indépendamment des questions politiques, la distinction qui s'est opérée entre sciences économiques et sciences politiques a conduit les économistes à faire abstraction des aspects politiques et institutionnels de leur discipline. La " nouvelle économie politique " (NEP) réintègre au contraire l'analyse des phénomènes politiques dans le champ de la science économique. Remettant en cause l'idée que les arbitrages effectués par les décideurs publics visent toujours à maximiser le bien-être de l'ensemble de la société, les tenants de la NEP ont notamment recours à la théorie des jeux ou à celle des anticipations rationnelles pour analyser l'influence des groupes de pression, l'incidence des asymétries d'information ou encore les questions de cohérence intertemporelle des choix politiques. Ces derniers apparaissent dès lors comme la traduction de conflits d'intérêts au sein de la société.

ECONOMIES ETRANGERES
Le modèle de croissance espagnol est-il épuisé ?
Diagnostic(s) - COE-Rexecode
Julian Pérez
Au cours de la dernière décennie, l'Espagne a obtenu des performances économiques remarquables qui lui ont permis de rattraper une partie de son retard vis-à-vis de ses partenaires européens. Le rythme moyen de croissance du produit intérieur brut (PIB) y a en effet été, depuis la fin des années 1990, de 3,8 % contre 2,5 % pour l'Union européenne (UE) et 2,2 % pour la zone euro. Plusieurs facteurs ont concouru à ces excellents résultats comme la politique monétaire expansionniste, l'essor du secteur de la construction et le dynamisme de l'offre de travail. Aujourd'hui, des signes d'essoufflement apparaissent et l'économie semble marquer le pas, ce qui nourrit un intense débat autour de la soutenabilité du modèle de croissance ibérique.
SCIENCE ECONOMIQUE
Cycles économiques
Eclairages - Crédit Agricole
Cynthia Kalasopatan et François Letondu
L'expansion rapide de l'économie chinoise est annoncée comme un phénomène de long terme qui coïncide avec une phase ascendante d'un cycle économique entamée en 2003. La croissance spectaculaire de l'Empire du Milieu offre ainsi l'occasion de s'interroger de nouveau sur les cycles dont la durée et la périodicité peuvent être différentes. Les auteurs abordent notamment la question de la relation entre le cycle économique et le cycle des prix des matières premières et de l'énergie qui rythment l'économie mondiale en insistant en particulier sur le cas de la Chine.

DELOCALISATIONS
Le offshore, un phénomène de mode ?
La Gazette de la société et des techniques
Thomas Houdré et Mathias Lelièvre
Si le terme offshore était, il y a quelques années, réservé aux entreprises pétrolières qui installaient leurs plates-formes au large des côtes, il s'applique désormais à l'ensemble des grandes entreprises, notamment à celles, en France, du CAC 40. Le offshoring consiste à réduire les coûts en produisant dans des pays où ils sont faibles. Aucune des activités essentielles de l'entreprise, de la production à l'informatique en passant par les ressources humaines, n'est épargnée par ce processus de délocalisation. Avec un taux de croissance de 30 % par an dans un pays comme l'Inde, le phénomène du offshoring peut-il encore être considéré comme un effet de mode ?
 

No 2.950
18 juin 2008


DOSSIER :
Retraites 2008 : la poursuite des réformes


Réforme des retraites : les rendez-vous de 2008
La Lettre de l'OFCE
Gérard Cornilleau et Henri Sterdyniak
La loi du 21 août 2003 portant sur la réforme des retraites institue des rendez-vous quadriennaux destinés à examiner les différents paramètres des régimes en fonction des données démographiques, économiques, financières et sociales. Le premier de ces rendez-vous a été prévu en 2008. Plusieurs questions cruciales ont été inscrites à l'agenda : l'allongement de la durée de cotisation requise de 40 à 41 ans, la prise en compte de la pénibilité, la revalorisation des pensions du régime général, l'évolution des prestations dans les cinq années à venir et enfin un bilan de la situation financière des régimes. Les décisions précises concernant ces divers chantiers devraient jouer un rôle essentiel dans la poursuite de la réforme.

De l'emploi à la retraite : quel parcours pour les seniors ?
Chronique internationale de l'IRES
Antoine Math
La prolongation de la vie active est considérée en Europe comme la solution au problème de la dégradation des taux de remplacement (ratio retraite/salaire) qu'entraînent les réformes des systèmes de retraite engagées depuis une bonne décennie. Chacun serait ainsi libre de choisir entre travailler plus longtemps ou percevoir une pension plus faible. Quant à la régulation du financement du système des retraites, elle serait assurée à la fois par un allongement des périodes de cotisation au système et par une diminution du temps passé à la retraite. L'augmentation du taux d'emploi des seniors qui permettrait d'enclencher ce schéma vertueux se heurte toutefois à la réalité du fonctionnement des marchés du travail qui se traduit par de fortes inégalités face à l'emploi. Ainsi, le passage direct de l'emploi à la retraite est-il un cas de figure minoritaire dans presque tous les pays européens. Si on ný prend garde, pour les seniors confrontés à des fins de carrière difficiles, ces politiques risquent d'aboutir à une précarisation encore plus grande et à un accroissement des inégalités.

Les effets redistributifs des systèmes de retraites en Europe
Revue française d'économie
Mathieu Lefèbvre
En France, la revalorisation des petites retraites et du minimum vieillesse est une des priorités inscrites à l'agenda du gouvernement en 2008. La question de l'évolution du niveau des pensions et de leurs conséquences sur la pauvreté et les inégalités entre retraités concerne une grande partie des Etats européens. A partir des données internationales fournies par la base du Luxembourg Income Study (LIS), l'auteur s'interroge sur les effets redistributifs des régimes de pension en Europe. Il montre qu'ils sont assez différents d'un pays à l'autre. Les systèmes bismarckiens semblent ainsi plus généreux en moyenne et davantage redistributifs que les systèmes beveridgiens. De même, si la situation des plus de 65 ans s'améliore nettement à partir du moment où ils touchent leurs pensions, le manque d'indexation de ces transferts sur le coût de la vie entraîne un appauvrissement progressif au fur à mesure que l'on vieillit.

Pour une refonte générale des régimes de retraites en France
Institute for Fiscal Studies et École d'économie de Paris
Antoine Bozio et Thomas Piketty
En raison de la complexité de ses règles de fonctionnement et de ses modes de calcul, le système français de retraites est devenu incompréhensible pour les citoyens. Rares sont ceux en mesure de dire quels seront effectivement leurs droits. Cette situation finit par miner le consensus démocratique autour de la retraite. De surcroît, la question de la pérennité du système est constamment posée en raison des problèmes que soulève à terme son financement. Plutôt qu'un énième ajustement, les auteurs proposent une refonte générale de l'ensemble des régimes de pensions et leur remplacement par un système unifié sur des comptes individuels de cotisations. Cette réforme qui s'inspire de celle mise en œuvre avec succès en Suède permettrait de conserver un système fonctionnant par répartition tout en clarifiant les droits à la retraite de chacun sur le long terme.


Également dans ce numéro

ECONOMIE DE LA CULTURE
Le financement public du cinéma français
La Revue du Trésor
Audrey Azoulay
Le cinéma est à la fois un art et une industrie. C'est également un formidable moyen d'information, voire de propagande. Les pouvoirs publics l'ayant compris, ont, dès la création du Centre national de la cinématographie (CNC) en 1946, mis en œuvre une politique d'aide au septième art. Le modèle de financement public du cinéma a, au fil du temps, évolué avec les modes de consommation des images. Le soutien public au cinéma français repose ainsi désormais davantage sur la taxe sur la télévision (377 millions d'euros) que sur la taxe sur le prix d'entrée dans les salles obscures (278 millions d'euros). Étendues à tous les types d'exploitation (salles, télévision hertzienne, câble, ADSL, vidéo et vidéo à la demande), les différentes contributions au financement du cinéma ont permis d'en diversifier les ressources budgétaires. Cette évolution est le signe d'un " pacte de confiance " toujours renouvelé entre l'Etat et l'industrie cinématographique française.

CAPITALISME
La démocratie est malade du supercapitalisme
Sciences Humaines
Entretien de Xavier de la Vega avec Robert Reich
Le nouvel ordre économique dominé par le supercapitalisme s'est imposé en bousculant le régime de croissance des trente glorieuses. Le capitalisme réglementé - le fordisme des économistes de la régulation - a subi, à partir des années 1960, notamment sur le plan politique, les assauts répétés de nouveaux concurrents. Parvenant à leurs fins, ces entreprises ont profondément bouleversé les règles du jeu. Les innovations technologiques (l'Internet et les nouveaux moyens d'acheminement des marchandises), ainsi que la déréglementation des marchés ont favorisé l'avènement de l'hyperconcurrence qui permet à n'importe quelle entreprise de pénétrer n'importe quel marché. Dans ce contexte, les grandes entreprises éprouvent les plus grandes difficultés à maintenir les accords salariaux négociés auparavant avec les syndicats. A l'heure de l'hyperconcurrence, si les consommateurs peuvent être gagnants, les citoyens, et de manière plus générale la démocratie, sont, eux, à coup sûr perdants. La politique est en effet devenue le prolongement de la concurrence économique par d'autres moyens, parmi lesquels le lobbying est sans doute aujourd'hui l'arme la plus redoutable.

No 2.951
02 juillet 2008


DOSSIER :
Les fonds souverains
A l´origine des fonds souverains
Eclairages - Crédit Agricole
Riadh El Hafdhi
Les marchés financiers internationaux ont vu émerger, au cours de la dernière décennie, un nouvel acteur de poids : les fonds souverains. La plupart d'entre eux ont été créés à partir des réserves et des excédents en devises des pays émergents. Leur but est avant tout de placer et de gérer de manière rentable des liquidités publiques qui ne font pas l'objet d'investissement dans leurs pays d'origine. Aujourd'hui, les fonds souverains sont devenus plus visibles car ils se contentent de moins en moins d'une fonction de stabilisation à court ou à long termes, mais recherchent des rendements élevés. Leurs choix se portent donc moins sur les bons du Trésor mais beaucoup plus sur les actions. Cette stratégie inquiète les gouvernements ne disposant pas de tels fonds : ils craignent que ces liquidités puissent servir des intérêts autres qu'économiques...

Les fonds souverains ou la profonde mutation des relations économiques internationales
Futuribles
Charles du Granrut
L'apparition des fonds souverains est un phénomène complexe qui ne se résume pas à une simple accumulation de réserves de change. L'auteur rappelle que l'émergence de ces fonds s'explique par une transformation, à la suite de la grave crise financière de 1997, de la stratégie de croissance des pays asiatiques. Celle-ci ne repose plus seulement sur l'ouverture commerciale, mais également sur la réalisation d'excédents commerciaux et l'accumulation de réserves de change. Dix ans plus tard, le succès de cette stratégie est indéniable. Il confère à ces pays un pouvoir substantiel en matière de gestion des taux de change ainsi que la possibilité de gérer une partie des réserves de façon dynamique sur les marchés internationaux. Par conséquent, le rôle des fonds souverains doit être analysé dans une perspective plus large, celle de l'accession de certains pays émergents au statut de puissance financière.

Une menace pour la stabilité financière ?
De Nederlandsche Bank Quarterly Bulletin
L'activité des fonds souverains peut être bénéfique pour la stabilité financière. La récente crise des subprimes en a été une parfaite illustration lorsque certains d'entre eux se sont portés au secours de banques américaines en difficulté. Par ailleurs, ces fonds étant à la recherche d'investissements qui offrent une garantie de rendement, ils sont particulièrement vigilants concernant l'allocation des capitaux qui doit s'avérer la plus efficace possible. Néanmoins, les fonds souverains peuvent également être la source d'un certain nombre de risques et de tensions. Leur taille (sans doute, dans 10 ans, 15 à 20 % de la valeur des actifs financiers dans le monde) et leur manque de transparence constituent ainsi de réels dangers. Ils risquent d'accroître la volatilité et ainsi de perturber les marchés financiers. Le financement de la dette des grands pays industrialisés pourrait en outre s'avérer plus difficile dans la mesure où les gérants des fonds souverains privilégient les actions et les obligations d'entreprises au détriment des bons du Trésor.

Fonds souverains : le retour du capitalisme d'Etat
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Jenik Radon et Julius Thaler
L'émergence récente des fonds souverains rend difficile l'analyse de leurs effets sur l'économie. Outre les craintes suscitées par leur manque de transparence, l'activité des fonds souverains provoque de nombreuses interrogations quant à ses conséquences réelles sur le fonctionnement de l'économie de marché. Les auteurs rappellent que les investissements réalisés par un fonds souverain n'engagent pas un investisseur privé mais un Etat, disposant de pouvoirs et d'un potentiel d'influence nettement plus importants. Ainsi, ce dernier pourrait - si cela sert ses fins politiques - supporter plus aisément des participations à pertes. Les fonds souverains pourraient également fausser la concurrence, si les produits d'une entreprise servaient par exemple à subventionner l'activité d'une autre firme figurant dans le portefeuille de ce fonds. Après des années de dérégulation, l'apparition des fonds souverains marque-t-elle le grand retour du capitalisme d'Etat ?

Le match des capitalismes
Le nouvel Economiste
Philippe Plassart et Patrick Arnoux
Quand aujourd'hui économistes, philosophes et décideurs politiques s'interrogent sur l'évolution récente du capitalisme, leur conclusion est sans ambiguïté : la prophétie de Friedman d'une planète uniformisée par la mondialisation s'est révélée inexacte. Cette dernière entraîne au contraire la coexistence de différentes formes de capitalisme. Si des forces de convergence demeurent, le capitalisme anglo-saxon semble montrer des signes de faiblesse et perdre de sa force fédératrice. Il doit en effet cohabiter avec d'autres formes de capitalisme : européen continental (comme en Allemagne et en France), familial (comme en Inde et en Chine), ou encore étatique (comme en Russie et en Chine). Cette dernière forme interpelle particulièrement les analystes car elle est révélatrice d'une autre tendance : les fonds souverains montrent que c'est aujourd'hui hors du marché que s'accumulent les capacités d'investissement les plus importantes.

Également dans ce numéro

MONDIALISATION ET MARCHE DU TRAVAIL
Les emplois exportables
Finances et développement
David Coe
Si le phénomène des délocalisations n'a longtemps concerné que les emplois faiblement qualifiés exposés à la concurrence internationale, les technologies de l'information et de la communication (TIC) rendent aujourd'hui de nombreux emplois, en particulier dans le secteur des services, potentiellement " sous-traitables ". Le mouvement de délocalisation de grande ampleur qui pourrait se produire toucherait dès lors également les travailleurs moyennement et hautement qualifiés, pesant ainsi sur leurs niveaux de rémunération comme sur la sécurité de l'emploi (effective ou ressentie) dans les pays développés. Il importera donc, estime l'auteur, afin notamment de rendre la mondialisation plus acceptable, de dédommager les perdants de ce processus, sans toutefois créer de désincitation au travail.

SCIENCE ECONOMIQUE
Confiance et croissance
Centre d'analyse stratégique
La confiance, dans la mesure notamment où elle permet d'intensifier les échanges et de favoriser les attitudes coopératives, est nécessaire au développement et au bon fonctionnement d'une économie. L'étymologie de l'adjectif " fiduciaire " - fiducia, en latin, signifie confiance - indique d'ailleurs clairement combien l'usage de la monnaie, c'est-à-dire l'activité économique, repose effectivement sur la confiance. Plusieurs travaux économétriques tendent du reste à confirmer la robustesse du lien entre confiance et croissance. Comme l'ont remarqué les lauréats du Prix du livre d'Economie 2008, Yann Algan et Pierre Cahuc, dans leur essai La société de défiance, les Français se distinguent par une confiance particulièrement faible aussi bien dans les autres que dans les institutions. Le retour de la confiance - donc de la croissance - ainsi que la survie du modèle social français pourraient dès lors passer par une amélioration de la transparence de l'action publique, une simplification de la réglementation (la complexité étant souvent suspectée de dissimuler des différences de traitements importants) ou encore une réforme du système éducatif.

DEVELOPPEMENT
L'aide au développement revisitée
Commentaire
Patrick Guillaumont et Sylviane Guillaumont Jeanneney
L'aide au développement fait, depuis quelques années, de nouveau l'objet de nombreux débats. Ce regain d'intérêt s'est accompagné d'une augmentation de l'effort d'aide consentie par la communauté internationale. Celle-ci a fini en effet par prendre conscience des écarts que la mondialisation avait contribué à creuser entre les pays développés et émergents et les pays les plus pauvres. L'aide au développement continue cependant d'être victime, en particulier en France, d'un certain nombre d'idées fausses et contradictoires. Les auteurs se proposent, afin de rendre la politique française d'aide au développement plus efficace, d'en remettre en cause cinq parmi les plus dommageables.

CROISSANCE
Ressources naturelles et solidarité entre générations
Etudes
Pierre-Noël Giraud
La multiplication de discours alarmistes ou catastrophistes concernant le mode d'exploitation des ressources naturelles conduit aujourd'hui une partie de l'opinion à remettre en cause radicalement notre mode de croissance. Si rien ne change, notre dette à l'égard des générations futures pourrait s'avérer, selon elle, incommensurable : nous léguerions ni plus, ni moins à nos descendants une planète sur laquelle les conditions d'existence seraient rendues très difficiles. Afin de clarifier le débat et d'identifier des priorités pour l'action collective, l'auteur revient, ici, sur la manière dont l'économie envisage la question des rapports intergénérationnels dans l'usage des ressources naturelles.

No 2.952

18 juillet 2008

DOSSIER :
L'Europe économique : où en est-on ?

L´euro : notre monnaie, notre problème
Commentaire
Béatrice Majnoni D´Intignano
Personne n'a oublié la célèbre remarque d´un dirigeant américain s´adressant, dans les années 1970, aux Européens à propos du dollar : " C´est notre monnaie et c´est votre problème ". Concernant l'euro, il ne semble pas qu'on puisse aujourd'hui en dire autant : celui-ci apparaît en effet à la fois comme notre monnaie mais aussi notre problème... Certes, l´euro a contribué à créer une vaste zone de stabilité monétaire en Europe, il facilite les échanges intra-européens et joue un rôle protecteur contre les chocs exogènes, mais il n´est pas parvenu jusque-là à devenir une monnaie de cotation et de règlement sur les grands marchés internationaux. Par ailleurs, l´euro joue le rôle de monnaie d´ajustement entre les zones du système monétaire international. En effet, en l´absence d´une troisième devise forte au niveau international, l´essentiel de l´ajustement se fait régulièrement au détriment de la monnaie européenne, conduisant à une perte de compétitivité démesurée vis-à-vis du dollar.

La gouvernance réussie de l´union monétaire
Revue d´économie financière
Niels Thygesen
Dix ans après sa création, la Banque centrale européenne (BCE) peut être considérée comme un succès. Cette dernière a en effet parfaitement réussi à assurer la stabilité des prix et ses décisions se sont révélées suffisamment transparentes pour les marchés. La politique monétaire de la BCE repose sur un policy mix qui allie des taux d´intérêt stables et peu élevés et des politiques budgétaires prudentes. Jusqu'à présent, la BCE reste le seul véritable organe de décision économique commun. La coordination des politiques budgétaires est en effet aujourd´hui limitée au Pacte de stabilité et de croissance (PSC) qui est avant tout un mécanisme de discipline, même s'il porte en germes, depuis sa révision en 2005, une future gestion commune des politiques budgétaires. Enfin, l´auteur rappelle que la volonté des Etats membres de céder réellement une part de leur souveraineté - notamment en matière fiscale ou de redistribution - demeure très faible.

Quelle place pour les politiques macroéconomiques ?
La Lettre du CEPII
Agnès Bénassy-Quéré et Benjamin Carton
Les politiques macroéconomiques (monétaire et budgétaire) constituent des leviers d´action contracycliques importants. Dans la zone euro, ces politiques sont mises en œuvre sous la contrainte du respect de l´objectif de stabilité des prix et du Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Laquelle de ces deux politiques - monétaire ou budgétaire - s´est révélée la plus compatible avec la conduite de politiques contracycliques, se demandent les auteurs. Si la politique monétaire commune s'est indéniablement montrée compatible, ce constat ne vaut pas pour les politiques budgétaires qui ont été erratiques et partiellement pro-cycliques. Ceci tient essentiellement au PSC qui se préoccupe avant tout du solde budgétaire et de la dette des Etats membres. Aussi, les auteurs suggèrent-ils que la coordination des politiques budgétaires en Europe porte également sur l´évolution des recettes et des dépenses des Etats, ainsi que sur d´autres indicateurs tels que les taux d´inflation et les soldes extérieurs courants.

Le budget communautaire : cinquante ans au service de la solidarité
Questions d´Europe - Fondation Robert Schuman
Nicolas-Jean Brehon
Le budget de l´Union européenne (UE) n´est pas comparable à celui d´un Etat membre, car c´est avant tout un budget opérationnel, c´est-à-dire un budget d´interventions et de subventions. S´il atteint aujourd´hui un peu moins de 130 milliards d´euros en crédits d´engagement, il reste néanmoins modeste, car il ne représente que 1 % du revenu national brut communautaire. Au delà de son rôle d´intégration, le budget de l´UE est avant tout au service de la solidarité, exprimée essentiellement par la politique de cohésion. Cette solidarité est double, car elle ne concerne pas uniquement les régions pauvres, mais également celles qui connaissent des difficultés structurelles. Ainsi, tous les Etats en profitent. A l´avenir, cette solidarité pourrait peut-être s´exprimer - outre les droits de douane actuels - par la création d´une nouvelle ressource propre...

Comment le traité de Rome peut à nouveau sauver l´Europe
Lettre de l´OFCE
Eloi Laurent et Jacques Le Cacheux
Le traité de Rome de 1957, qui a institué la Communauté économique européenne, contient au moins deux solutions pratiques aux différentes crises que traverse l´Europe aujourd´hui. La première serait d'œuvrer à davantage de cohérence entre le marché commun et le marché unique. Actuellement, celle-ci est insuffisante : la coordination fiscale demeure très faible et les marchés des services et du travail sont encore peu intégrés. Quant à la deuxième solution, elle consisterait à rendre plus évidente la différenciation institutionnelle. Cette solution pourrait rendre plus efficace le fonctionnement de la zone euro, car il est, selon les auteurs, peu probable que les besoins de coordination et de politiques communes soient les mêmes pour les pays de l´Union monétaire, d´une part, et pour l´Union européenne, d´autre part. L´instauration d´un Conseil zone euro (Eurogroupe institutionnalisé) pour coordonner les politiques budgétaires et fiscales dans la zone euro et pour élaborer un budget propre à cette dernière serait aussi parfaitement dans l´esprit du traité de Rome.


Également dans ce numéro

ENTREPRISES ET NOUVELLES TECHNOLOGIES
L'intégration des TIC est encore incomplète dans les entreprises
Insee Première
Sonia Besnard, Chantal Biré et Patrice Victor
En France comme dans la plupart des pays européens, les entreprises d'au moins dix salariés sont aujourd'hui presque toutes connectées à l'Internet. L'implantation des technologies de l'information et de la communication (TIC) est plus importante dans les grandes structures. L'intégration des applications informatisées reste cependant encore faible. Ainsi, moins d'une entreprise sur deux dispose d'un système informatique de gestion des commandes pour les achats ou les ventes. De même, en dehors des situations pour lesquelles les compétences liées à l'utilisation des TIC constituent le cœur de métier de l'entreprise, seule la moitié des effectifs ont recours de façon régulière à l'ordinateur. Les entreprises employant des personnels spécialisés dans les TIC ne représentent enfin que 15 % de l'ensemble.

EMPLOI ET QUALIFICATIONS
Surqualification et emploi des jeunes
Bref-Céreq
Dominique Fournié et Christophe Guitton
Si les emplois offerts sur le marché du travail sont tendanciellement de plus en plus qualifiés, le niveau de diplôme des jeunes sortant du système éducatif progresse également au fil des générations. Cette seconde évolution est cependant plus rapide que la première. Il en résulte que les mêmes catégories d'emplois sont pourvues à des niveaux de diplômes plus élevés. Cette évolution de la relation formation-emploi, outre qu'elle traduit une modification des représentations sociales de la qualification et de la compétence, a des conséquences importantes sur l'insertion et les perspectives de carrière des jeunes générations. Toutefois, la stabilisation puis la diminution de la population active à l'horizon 2010-2015, devrait conduire les entreprises à effectuer des recrutements moins sélectifs et à offrir des perspectives de carrière plus ouvertes.

ECONOMIE DU SPORT
Jeux Olympiques de Pékin : quel sera le palmarès des PED ?
Revue juridique et économique du sport
Jean-François Bourg
Le 8 août 2008 s'ouvriront les 29es Jeux Olympiques (JO) de l'ère moderne à Pékin. Peut-on d'ores et déjà prévoir le palmarès des médailles de cette olympiade, en particulier les résultats qu'obtiendront les pays en développement ? La relation entre développement économique et réussite sportive est en effet une question centrale en économie du sport. L'auteur souligne la diversité des pays du Tiers-monde en termes de performances sur la scène sportive internationale et l'inégalité de la répartition spatiale des performances olympiques. Dans toute l'histoire des Jeux d'hiver, par exemple, seuls 16 pays se sont partagé 91 % des podiums. De même, en moyenne une centaine de pays en développement participent aux JO d'été et n'ont que rarement accès aux finales olympiques.
 

No 2.953
3 septembre 2008

DOSSIER :
La France en 2030

Du 6e au 8e rang mondial
France - politique économique
Direction générale du Trésor et de la Politique économique
Aujourd´hui, les pays industrialisés occupent les premières places du classement des économies les plus importantes par la taille, établi en fonction du produit intérieur brut (PIB). La très nette montée en puissance de certains pays émergents - notamment les " BRIC " (Brésil, Russie, Inde et, particulièrement, la Chine) - va bousculer cette hiérarchie. La plupart des pays industrialisés vont ainsi être rétrogradés : si les tendances actuelles se poursuivent, la France se retrouvera en 2030 au huitième rang (aujourd´hui sixième), quant à l´Allemagne, elle passera de la troisième à la sixième place. Au-delà de cette date, la France risque de perdre encore une ou deux places. L´examen de ses performances économiques actuelles montre cependant qu'il existe une marge de progression non négligeable pour la France par rapport aux pays qui lui sont comparables, si elle réussit à mobiliser davantage ses ressources en main-d´œuvre et à profiter du dynamisme démographique que d´autres pays développés ne connaissent pas. Mais cela suppose que soit rapidement mise en œuvre une stratégie globale de croissance...

Le risque d´une croissance atone
La Jaune et la Rouge
Pierre Jacquet
La croissance qui compte pour l´avenir est la " croissance potentielle ", c'est-à-dire celle qu'un pays peut atteindre durablement sans risque de tensions inflationnistes. Pour la France, le taux de croissance potentielle semble plafonner aux environs de 2 % par an, très loin du chiffre de 3 % considéré par de nombreux économistes comme nécessaire pour faire baisser le chômage et les déficits publics. Ce niveau est aussi insuffisant pour maintenir la France dans le peloton de tête des principales économies du monde. Pire encore, la France risque de décrocher, car la phase de rattrapage du niveau de vie des Etats-Unis est terminée depuis plus de vingt ans et s´est même retournée récemment. Au rythme actuel, le produit intérieur brut (PIB) par habitant de la France ne serait plus que la moitié de celui des Etats-Unis en 2050. Limiter ce déclin n'est pas une tâche aisée. Il faudrait notamment pour cela parvenir à surmonter deux obstacles majeurs : le vieillissement de la population et la baisse de la population active, ainsi que la trop faible dynamique de l'innovation.

Le retour de la croissance est possible : les conclusions du rapport Attali
Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française
Le potentiel de croissance mondiale est considérable : si les projections actuelles se réalisent, celle-ci devrait se maintenir durablement au-dessus de 5 % par an. En Europe, certains pays profitent déjà de cette évolution, mais la France, en dépit de ses nombreux atouts (taux de natalité élevé, infrastructures modernes, etc.) a pris du retard. Pourtant, le retour d'une croissance plus forte en France est possible. Pour cela, il faut rapidement bâtir un projet d´ensemble favorisant la concurrence, l'essor de l´économie de la connaissance, ainsi que celui des nouveaux secteurs clés. Au total, la commission présidée par Jacques Attali a formulé 316 mesures, dont 20 fondamentales, parmi lesquelles figurent le développement du très haut débit pour tous, la réduction des délais de paiement des petites et moyennes entreprises par l´Etat, le transfert d´une partie des cotisations sociales vers la CSG (contribution sociale généralisée) et la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), l´ouverture à la concurrence des professions réglementées. Selon Jacques Attali, si ce programme est mis en œuvre, la France pourrait, dès 2012, atteindre une croissance potentielle de 1 point plus élevée qu´aujourd´hui et ramener son taux de chômage à 5 %, c´est-à-dire réaliser le plein-emploi.


La démographie favorable à une politique de croissance
Lettre de l´OFCE
Matthieu Lemoine, Paola Monperrus-Veroni et Frédéric Reynès
De nombreux scénarios noirs portant sur les perspectives de croissance de la France reposent sur d´anciennes prévisions démographiques. Une projection réactualisée, prenant en compte un plus fort dynamisme démographique, les effets de la régulation de l'immigration et l´impact anticipé des réformes des régimes de retraite permettent, concernant le potentiel de croissance de la France, de dresser un tableau plus optimiste. Ainsi, la population active augmenterait de 900 000 personnes à l´horizon 2050, alors qu´il était prévu, dans le scénario précédent, qu'elle baisse à partir de 2006. De même, le potentiel de croissance est supérieur de 0,3 point par an en moyenne entre aujourd´hui et 2050. Cependant, en dépit de cette évolution, la croissance potentielle passerait de 2,3 % aujourd´hui à 1,7 % sur la période 2021-2050. Ce ralentissement serait principalement dû au vieillissement démographique qui entraînerait la baisse de la population en âge de travailler à partir de 2011. Néanmoins, la croissance supplémentaire devrait davantage assurer la soutenabilité des finances publiques et donner des marges de manœuvre plus grandes aux politiques économiques.

Quel avenir pour l'économie française ?
Rapport du Conseil d´analyse économique
Cellule permanente du CAE
A partir des contributions de différents membres du Conseil d´analyse économique (CAE), la cellule permanente de ce dernier a dressé un tableau d´ensemble de la France dans quinze ans. Concernant les nouveaux gisements de croissance, il paraît probable que la France réussisse à accroître ses efforts en matière d'innovation et à améliorer les performances de son système d'enseignement supérieur. La compétitivité et la présence à l´international des entreprises, surtout des PME, seront également accrues. A propos du rôle de l´Etat, les auteurs voient, à partir d'un recentrage de ses fonctions, la France converger vers les standards européens. La fiscalité devrait également, en raison d'une intensification de la concurrence fiscale mondiale, être modernisée. Enfin, l'apparition de tensions entre jeunes défavorisés et retraités sont à prévoir, de même que l´accroissement des inégalités sociales.

Également dans ce numéro

ECONOMIES EMERGENTES
Les BRIC contre-attaquent !
Décideurs stratégie finance droit
Les économies brésilienne, russe, indienne et chinoise - les BRIC, acronyme désormais connu -, jeunes et dynamiques, bousculent les règles du jeu de la mondialisation en lançant notamment leurs champions nationaux à la conquête de l'Europe et des Etats-Unis et dopent ainsi les performances de l'ensemble des pays émergents. Le nombre d'offres d'achat de la part des marchés émergents sur des entreprises européennes et américaines est en effet deux fois plus élevé que celui émanant de l'UE et des Etats-Unis concernant les BRIC (respectivement 60 000 et 30 000 millions de dollars). Les performances financières des BRIC sont en outre, selon le cabinet d'audit Ernst & Young, remarquables. L'étude qu'il a menée sur les résultats financiers des géants économiques des pays émergents révèle qu'en 2007, 20 % des 1 000 premières capitalisations boursières, sont à mettre à l'actif de ces derniers, soit deux fois plus qu'en 2000.

CHANGEMENT CLIMATIQUE
Conséquences économiques du changement climatique : retour sur le rapport Stern
Lettre Trésor-Eco
Joffrey Célestin-Urbain
Le rapport effectué en, 2006 par Sir Nicholas Stern, alors directeur du Budget et des Finances publiques au Trésor britannique, introduit des éléments d'analyse économique dans le débat concernant le réchauffement climatique. Il conclut en effet que les dommages causés par le réchauffement de la planète seraient 5 à 20 fois supérieurs aux sacrifices que les systèmes économiques devraient consentir pour lutter efficacement contre l'effet de serre. Les choix méthodologiques de Stern - et, donc, ses conclusions - ont toutefois été vivement critiqués. Une approche plus homogène des coûts et bénéfices des mesures de prévention prises, une méthode d'actualisation plus orthodoxe et une meilleure prise en compte de la valeur du carbone et de l'incertitude dans la modélisation auraient permis, estime l'auteur, de prévenir les objections formulées à l'encontre du rapport, sans toutefois inverser le sens de ses conclusions : le laissez-faire en matière climatique coûterait davantage de richesses à l'humanité que les mesures de prévention nécessaires à la maîtrise et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les pouvoirs publics ont, dès lors, la responsabilité de mettre en place des incitations économiques appropriées pour modifier le comportement des agents afin de minimiser le coût du changement climatique.

TEMPS DE TRAVAIL
Heures travaillées : l'écart se creuse entre les Etats-Unis et l'Union européenne
L'Observateur de l'OCDE
Rory J. Clarke
Les revenus du travail seraient en grande partie expliqués par la quantité de main-d'œuvre utilisée. Ainsi, le temps de travail serait la principale cause de l'écart de revenus entre les Américains (en tête) et les Européens (à la traîne), notamment la France. De cette comparaison, est née une rivalité entre les deux zones. Si les Etats-Unis enregistrent en effet le plus grand nombre d'heures travaillées (plus de 15 % par rapport à la moyenne européenne), cela n'a pas toujours été le cas et les taux de productivité européens sont supérieurs. La France n'est en outre pas le pays où l'on travaille le moins. Les Britanniques, par exemple, travaillent à peine plus que les Français, mais, en revanche leur taux d'emploi est plus élevé.

No 2.954
17 septembre 2008

DOSSIER :
Les Etats-Unis, une superpuissance économique en crise

Elections américaines : le poids du contexte, le choc des programmes
Conjoncture BNP - Paribas
Jean-Marc Lucas
A l'automne prochain, les Américains auront à se déterminer sur le nom de celui qui succèdera, à la Maison-Blanche, à George W. Bush et qui présidera, pour au moins quatre ans, aux destinées de la plus grande puissance économique du monde. Alors qu'en 2004, le duel entre le Président sortant et le démocrate John Kerry avait surtout porté sur la sécurité nationale et la guerre en Irak, cette fois, ce sont les questions économiques qui arrivent au premier rang des préoccupations des électeurs. Il faut dire que le contexte économique dans lequel le scrutin se déroule est particulièrement morose. La confiance des ménages n'a cessé de s'effondrer depuis l'été 2007, traduisant, mois après mois, la profonde inquiétude dans laquelle les ont plongés le retournement de l'immobilier, la crise du subprime, la déprime du secteur de l'automobile ou la faiblesse historique du dollar. Le démocrate Barack Obama et le républicain John Mac Cain, désireux tous les deux de l'emporter le 4 novembre prochain, se sont évertués, au fil des semaines, à répondre le plus efficacement possible aux angoisses d'une majorité de leurs concitoyens.

La fuite en avant dans l'endettement
Vingtième siècle
Jacques Mistral
Sous le double mandat de George W. Bush, si après les chocs du début des années 2000, la croissance économique a été rapide, elle s'est aussi accompagnée d'une hausse considérable de l'endettement interne et externe. L'administration républicaine sortante aura été la plus dépensière, depuis des décennies, dilapidant en quelques années l'excédent budgétaire légué par Bill Clinton. Quant aux ménages, leur dette a littéralement explosé, passant de 580 milliards de dollars en 2000 à 1 250 milliards en 2005. Durant la même période, leur épargne ne va cesser de diminuer chutant de 2,3 % à - 0,5 %. Le caractère insoutenable des déficits et l'accumulation incontrôlée de la dette conduisent-ils cette fois l'économie américaine vers l'abîme ? Les plus pessimistes voient, notamment dans les turbulences financières déclenchées par la crise de l'été 2007, les prémices d'une catastrophe annoncée depuis quelques années déjà...

Dollar ; le début de la fin ?
The Economist
Le taux de change effectif nominal du dollar contre un panier des principales devises a perdu plus du tiers de sa valeur depuis 2002. La chute de la monnaie américaine a été, au cours des six dernières années, particulièrement marquée face à l'euro. La dépréciation du billet vert est aggravée par la crise qui mine l'économie américaine et les marchés financiers depuis l'éclatement de la crise du subprime. Aussi la perte de confiance dans le dollar ne cesse-t-elle de s'accroître depuis plusieurs mois. Cependant, si l'irrémédiable déclin du dollar a été de nombreuses fois annoncé au cours des trente dernières années, le billet vert est parvenu chaque fois à surmonter ses accès de faiblesse, réussissant jusqu'à présent à conserver son statut de première monnaie du monde.

La crise des " Big Three " de l'automobile américaine
Chronique internationale de l'IRES
Catherine Sauviat
Depuis les années 2000, l'industrie automobile américaine, en perte de vitesse, a engagé un important mouvement de restructuration. L'année 2008 est particulièrement sombre pour le secteur. La chute des ventes de véhicules neufs au premier semestre est la plus prononcée depuis 1993. Le premier marché automobile du monde suit en fait de près l'évolution de l'économie américaine dans son ensemble. La flambée du prix des carburants - le prix du gallon (3,785 litres) se situe à environ 4 dollars - et la crise du marché immobilier dissuadent les ménages d'engager des dépenses pour l'achat d'un véhicule. Les " Big Three " (General Motors, Ford et Chrysler) ne cessent de perdre des parts de marché par rapport à leurs principaux concurrents et sont désormais dans une situation particulièrement périlleuse.

L'assurance santé : un système coûteux, des résultats médiocres
Etudes et résultats - DREES
Sylvie Cohu et Diane Lequet-Slama
Aux Etats-Unis, la majorité de la population est couverte par une assurance privée de santé proposée dans la plupart des cas par les employeurs. Les assurances publiques concernent les personnes âgées de plus de 65 ans ou les personnes handicapées dans l'incapacité de travailler, certaines familles pauvres, ainsi que des enfants. En revanche, dans ce qui est le pays le plus riche du monde, près de 16 % de la population ne dispose d'aucune couverture maladie. Le système de santé se caractérise par son coût très élevé et l'augmentation des primes d'assurance a conduit récemment à un désengagement de la part des employeurs. En dépit de son coût, le système de santé n'est en outre pas particulièrement performant, puisque les Etats-Unis enregistrent des résultats sanitaires médiocres et des inégalités importantes. Une généralisation de l'assurance maladie à l'ensemble de la population a été mise en œuvre au Massachusetts et d'autres Etats comme New York ou la Californie sont tentés par une telle expérience.

Également dans ce numéro

SCIENCE ECONOMIQUE
Quel enseignement de l'économie à l'université ?
L'Economie politique
Michel Herland
A l'occasion de la remise du rapport Guesnerie au ministre de l'Education nationale, Xavier Darcos, le 3 juillet 2008, on s'est interrogé de nouveau sur la pertinence et l'utilité de l'enseignement de l'économie dans le secondaire et à l'université. Concernant les sciences économiques et sociales au lycée, le rapport dénonce le caractère " encyclopédique " des thèmes étudiés et la lourdeur de programmes qui semblent davantage insister sur les échecs et les défaillances de l'économie de marché que sur ses aspects positifs, ainsi qu'une présentation plutôt négative de l'entreprise. L'auteur, ici, offre son propre point de vue et se demande s'il est utile de continuer à enseigner dans le supérieur des théories reposant sur des hypothèses qu'il juge peu valables, voire " absurdes " (concurrence parfaite, productivité marginale décroissante, etc.). Il appelle implicitement à une reconsidération de la science économique qui mériterait, selon lui, de retrouver son indépendance vis-à-vis des mathématiques.

ECONOMIES ETRANGERES
L'Italie : vers un nouveau départ ?
Lettre de l'OFCE
Paola Monperrus-Veroni
Au lendemain des élections des 13 et 14 avril 2008, l'Italie présente une situation économique dégradée. La croissance est atone (+ 1,5 % seulement en 2007) et le déficit extérieur, qui contribue négativement au produit intérieur brut (PIB), est symptomatique d'une faible compétitivité (- 26 % de pertes de parts de marché à l'exportation depuis 1995). Seule une politique visant à maîtriser les coûts salariaux et les prix et à prendre en compte le vieillissement de la population qui pèse sur les dépenses de l'Etat, pourrait, selon l'auteur, renforcer l'économie italienne.

MONNAIE
Francs ou euros : dans quelle monnaie comptons-nous ?
INSEE Première
Maël Theulière
Après l'introduction de la monnaie unique dans la zone euro en 1999, les billets et les pièces des monnaies nationales ont continué à être utilisés, car leur remplacement définitif par l'euro n'a eu lieu qu'au début de l'année 2002. Depuis, le franc n'est plus l'unité de compte sur le territoire français. Six ans plus tard, les Français ne recourent quasiment plus à leur ancienne monnaie lorsqu'ils évoquent leurs dépenses quotidiennes. Mais pour les dépenses moins courantes, pour les achats importants ou pour des ressources exceptionnelles, certains de nos concitoyens préfèrent toujours se référer au franc. Ce phénomène est plus fréquent chez les personnes âgées et les ruraux pour qui les repères et les échelles de valeur demeurent souvent en franc. A l'inverse, habiter à proximité d'un autre pays de la zone euro ou posséder un niveau d'éducation élevé a facilité la conversion rapide à la monnaie européenne.

No 2.955
1er octobre 2008

DOSSIER :
Crise alimentaire mondiale : quelles solutions ?

La flambée des prix des biens alimentaires
Finances et Développement
Thomas Helbling, Valérie Mercer-Blackman et Kevin Cheng
La brutale hausse des cours sur les marchés de matières premières, ces derniers mois, contraste fortement avec la tendance baissière de la plupart des produits de base dans les années 1980 et 1990. L'augmentation des prix des biens alimentaires a conduit les experts du monde entier à s'interroger. Si la production de biocarburants perturbe sérieusement les marchés des biens alimentaires, la hausse des cours est, pour la plupart d'entre eux, largement imputable à l'évolution de la demande des pays émergents. Les faibles élasticités-prix de l'offre et de la demande, caractéristiques du marché des biens de première nécessité, risquent en outre d'inscrire ce phénomène dans la durée.

Et si la crise était profitable aux pays du Sud ?
L'Expansion
Benjamin Neumann
Le problème de la faim dans le monde n'est pas nouveau mais la crise alimentaire actuelle est inédite, dans la mesure où elle touche désormais une population urbaine appartenant à la classe moyenne. Au Sud, tous ne seront pas perdants. Cette crise alimentaire pourrait en effet s'avérer profitable aux paysans qui ne bénéficient pas de subventions. La hausse des prix des biens de première nécessité encourage en effet les petits agriculteurs à investir et à augmenter leur production, afin de rompre avec les deux dernières décennies au cours desquelles le niveau trop bas des prix a dévasté les agricultures peu compétitives. Aussi, à condition que les prix alimentaires restent élevés, dans les années à venir, nourrir l'ensemble de la population mondiale est-il un défi qui pourrait désormais être plus facilement relevé.

Le prix à payer de la " révolution verte "
Time
Vivienne Walt
Le lancement, à la fin des années 1960, de la " révolution verte " dans la plupart des pays en développement (PED), qui a permis l'incorporation du progrès technique dans les activités agricoles, a entraîné une augmentation de la production. Le succès de la " révolution verte " a conduit bien des experts et des responsables à considérer que les problèmes alimentaires mondiaux pouvaient être définitivement résolus. Les pays du Nord en ont d'ailleurs profité pour réduire le montant de l'aide attribuée aux PED. C'était sans compter avec la hausse de la demande mondiale de biens alimentaires qui a fortement contribué à l'augmentation des prix et à la diminution des stocks...

Seules les grandes exploitations du Nord pourront offrir davantage
The Economist
Depuis 2007, le prix du riz a augmenté de 141 %. S'il est difficile de mesurer toutes les conséquences de cette forte hausse, on estime d'ores et déjà que le pouvoir d'achat des pauvres des pays en développement (PED) serait réduit de 20 % en moyenne. Le recours à l'aide alimentaire offre une solution de court terme, mais comment parvenir à augmenter l'offre dans la durée ? Les agriculteurs des pays riches ont déjà commencé à réagir à la hausse des prix. Ce n'est pas le cas des petits producteurs des PED qui, à l'exception de quelques rares cas, notamment sur le continent africain, souffrent des défaillances du marché et ne peuvent pas réagir facilement aux signaux émis par les prix, comme c'est le cas dans d'autres secteurs.

L'ouverture agricole américaine et européenne : une solution pour le Sud ?
La Lettre du CEPII
Christophe Gouel et Maria Priscila Ramos
Les subventions agricoles à la production et à l'exportation, accordées par l'Union européenne (UE) et les Etats-Unis, ainsi que leur protectionnisme concernant les échanges agricoles, leur sont, depuis de longues années, reprochées. La crise alimentaire mondiale a relancé le débat autour de la libéralisation commerciale dans le secteur agricole. Mais les choses ne sont peut-être pas aussi simples. D'une part, l'impact d'une diminution des droits de douane américains et européens ne serait, selon les auteurs, profitable que pour les grands pays producteurs comme le Brésil qui bénéficierait, à lui seul, de la moitié du total des gains. D'autre part, cette libéralisation commerciale ne concernerait que quelques biens agricoles. Les prix des produits les plus protégés par l'UE et les Etats-Unis ne seraient, eux, concernés que de façon marginale.

Également dans ce numéro

ECONOMIES ETRANGERES
Allemagne : Résurgence de la pauvreté dans la vieillesse ?
Chronique internationale de l'IRES
Mechthild Veil
Depuis 1950, le régime allemand de retraites est passé par deux grandes phases. Les réformes réalisées entre 1950 et le début des années 1970 ont massivement relevé le niveau des retraites, mais à partir de la décennie 1980, cette tendance s'est progressivement inversée, conduisant au versement de pensions moins avantageuses pour une partie des bénéficiaires actuels ou futurs (augmentation de l'âge de la retraite, stagnation, voire baisse du montant de la retraite). A la suite de ces réformes, le risque de pauvreté parmi les personnes de plus de 65 ans, certes encore inférieur à celui que connaissent d'autres groupes d'âge en Allemagne, s'est accru et ce phénomène commence à trouver un écho dans la classe politique. Ainsi, un projet, qui a suscité de nombreux débats, prévoit de financer via l'impôt une augmentation des pensions des retraités aux carrières contributives longues, afin qu'ils puissent bénéficier d'un minimum supérieur au montant de l'aide sociale.

ECONOMIE DU SPORT
Les très hauts revenus des superstars du sport
Revue d'économie politique
Jean-François Bourg
Depuis quelques années, les économistes ont cherché à expliquer la formation des revenus dans le sport mais également les disparités considérables de rémunération des sportifs. Les écarts de talent sont supposés être à peu près identiques dans les années 1970 et 2000, mais les revenus des superstars ont fortement augmenté au cours des trois dernières décennies. Ces rémunérations sont également très variables d'un sportif à l'autre. Ainsi, le golfeur américain Tiger Woods et le tennisman suisse Roger Federer ont perçu des revenus très différents en 2007, 100 et 29 millions de dollars respectivement. Selon la théorie des superstars - qui s'applique à toute activité liée à l'" économie de la célébrité " -, ces écarts s'expliquent avant tout par le mode de valorisation des sportifs vedettes, via une médiatisation globale, notamment la télévision.

MIGRATIONS ET CHANGEMENT CLIMATIQUE
Les conséquences migratoires du réchauffement climatique
Futuribles
Étienne Piguet
Les migrations liées aux phénomènes climatiques sont un thème encore peu étudié. Après avoir précisé certains concepts qui font l'objet de controverses comme celui de " mouvements migratoires induits par l'environnement " ou celui de " réfugiés de l'environnement ", l'auteur montre quelles pourraient être les conséquences migratoires du réchauffement climatique au travers de trois types d'événements : les tempêtes et inondations, les sécheresses et pénuries d'eau et l'élévation du niveau de la mer. L'auteur souligne que ce dernier phénomène est susceptible d'entraîner des migrations définitives et concernerait au minimum 146 millions de personnes. Les pays industrialisés étant jusqu'à présent les principaux responsables des émissions de dioxyde de carbone à l'origine du changement climatique, il est indispensable qu'ils prennent aussi rapidement que possible la mesure du problème et qu'ils se donnent les moyens de le prévenir.
No 2.956
15 octobre 2008

DOSSIER :
Le bilan de l'économie française 2007/2008

En 2007, un enfant sur deux est né de parents non mariés
Population et sociétés
Gilles Pison
La population de la France métropolitaine a augmenté de 0,5 % en 2007, pour s'établir à 61,9 millions au 1er janvier 2008. La croissance s'explique pour l'essentiel par l'excédent des naissances sur les décès. La fécondité, en se situant très près du seuil de renouvellement des générations, reste une des plus élevées d'Europe. L'espérance de vie continue de progresser et dépasse, tous sexes confondus, 81 ans. En 2007, on compte quatre pacs pour dix mariages, tandis qu'un enfant sur deux naît désormais hors mariage.

La hausse de l'emploi s'accélère
Point statis - Unedic
Didier Dubaud et Sophie Garcia
En 2007, 360 900 emplois salariés ont été créés, soit une progression de 2,2 % par rapport à l'année précédente. Compte tenu du niveau de la croissance (+ 2,1 %), le nombre des créations d'emplois est particulièrement important et l'économie française enregistre sur ce plan sa meilleure performance depuis 2000. Comme ce fut le cas en 2006, la hausse des effectifs dans le secteur tertiaire (+ 3,0 %) et la construction (+ 4,2 %) a plus que compensé le recul enregistré dans l'industrie (- 1,1 %). On observe également, comme en 2006, une augmentation plus rapide de l'emploi féminin.

La progression de l'activité se maintient
INSEE Première
Franck Arnaud, Guillaume Houriez et Ronan Mahieu
En 2007, comme en 2006 (données brutes), le produit intérieur brut (PIB) augmente en moyenne annuelle de + 2,2 %. La consommation des ménages et l'investissement continuent de tirer la croissance. En revanche, le ralentissement des exportations a un impact négatif sur cette dernière. Quant aux importations, elles sont relativement dynamiques. Le pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages a gagné en vigueur et leur taux d'épargne a augmenté. Les sociétés non financières ont vu leur taux de marge progresser légèrement tandis que l'activité des sociétés financières a été, elle, en repli. Le taux de prélèvements obligatoires s'est inscrit sensiblement à la baisse et le déficit public s'est creusé.

Ralentissement du pouvoir d'achat des ménages
Note de conjoncture
INSEE
En 2008, le pouvoir d'achat du revenu de l'ensemble des ménages a, contrairement à l'année précédente, nettement ralenti en raison de la hausse de l'inflation et de la décélération du revenu disponible brut. Cette dernière serait due à la progression des loyers et à l'accélération des impôts versés. La consommation des ménages s'est ainsi infléchie et leur investissement a stagné du fait de l'augmentation régulière des taux d'intérêt bancaires depuis deux ans.

Le déficit de la balance des paiements se creuse
Balance des paiements et position extérieure de la France
Banque de France
En 2007, le solde des biens de la balance des paiements continue de se dégrader (- 10,3 milliards par rapport à 2006), reflétant ainsi l'évolution, à la baisse, dans le compte des transactions courantes, des soldes des véhicules automobiles et des biens intermédiaires. D'un point de vue géographique, la dégradation est imputable au creusement des déficits vis-à-vis de la zone euro et de la Chine. Du côté des services, le solde positif se redresse davantage grâce, notamment, à l'accroissement de l'excédent des voyages. En ce qui concerne le compte financier, les opérations d'investissement direct font apparaître, en 2007, des sorties nettes de 48,7 milliards d'euros (+ 14,3 milliards d'euros par rapport à 2006), les relations transfrontalières entre firmes affiliées s'étant accrues de façon significative tant pour les investissements français à l'étranger que pour les investissements étrangers en France.

Progression plus modérée des échanges
Rapport sur le commerce extérieur
DGDDI
Par rapport aux années précédentes, la progression des échanges a été plus modérée en 2007. Après la forte croissance de 2005 et 2006, les exportations n'ont augmenté que de 3 % et les importations de 5,4 % (contre respectivement 9 et 9,9 % en 2006). Concernant les échanges par branche, l'industrie civile a enregistré un ralentissement de ses ventes et une forte croissance de ses importations. Cette évolution a été particulièrement marquée pour l'industrie automobile. Les échanges de biens agroalimentaires, quant à eux, se sont montrés très dynamiques, tandis que la forte progression de ceux des produits énergétiques observée en 2006 s'est transformée en baisse, contribuant ainsi à une réduction de la facture énergétique en 2007. En termes géographiques, les échanges vers l'Asie ont connu une croissance vigoureuse. Ils ont permis de compenser le ralentissement du commerce avec les autres pays membres de l'Union européenne. Au total, le solde des échanges a été déficitaire de 39,2 milliards d'euros en 2007.

Dégradation des finances publiques
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Cour des comptes
L'amélioration progressive de la situation des finances publiques, engagée à partir de 2004, s'est interrompue, voire inversée, en 2007. Le déficit public français - après 2,4 % du produit intérieur brut (PIB) en 2006 - s'est creusé pour atteindre 2,7 %, mais reste tout de même en dessous de son niveau de 2005 (2,9 %). La dette publique est également repartie à la hausse (63,9 % contre 63,6 % en 2006). Cette dégradation résulte notamment d'une augmentation du déficit public structurel à 2,9 % du PIB, soit plus d'un demi-point de pourcentage par rapport à celui de l'année précédente. Au cas où la conjoncture se détériorerait, il pourrait ainsi franchir le seuil de 3 %. Les comparaisons internationales montrent que la situation de la France a évolué à contre-courant de celle de la plupart de ses partenaires européens, et notamment de l'Allemagne.

Également dans ce numéro

MARCHES FINANCIERS
Les traders, maîtres du front office ?
Prospective stratégique
Thami Kabbaj
En dépit des scandales retentissants qui éclatent à intervalles réguliers dans le monde de la finance - de la banqueroute de la Barings en 1995 à l'affaire de la Société Générale en 2008 -, les traders continuent d'exercer une très forte fascination. Ces professionnels qui occupent une place de choix au sein de la salle des marchés (SDM) sont en effet l'objet de nombreux fantasmes que le cinéma hollywoodien a notamment contribué à renforcer, fantasmes qui sont le plus souvent bien éloignés de la réalité. L'affaire Jérôme Kerviel a une nouvelle fois attiré l'attention sur le métier de trader et sur les dysfonctionnements organisationnels au sein des salles de marchés. L'auteur revient sur les particularités de cette fonction et préconise, pour un meilleur contrôle des activités de marché, une profonde réforme de l'organisation des SDM, ainsi que la prise en compte chez les traders de la dimension psychologique.

ENTREPRISES
Danone, une entreprise " unique "
Le Journal de l'Ecole de Paris du management
Pierre Deheunynck
L'entreprise Danone, qui suscite régulièrement l'intérêt d'une série de firmes concurrentes ou d'investisseurs, a fait l'objet au cours de l'été 2005 de rumeurs à propos d'une opération de rachat inamicale lancée par Pepsi. Danone a finalement préservé son indépendance, mais l'épisode a montré que la seule valeur économique de l'entreprise - exprimée à travers le cours de l'action - n'était pas un moyen suffisant pour conserver l'indépendance de la société. C'est dans ce contexte qu'est né le concept de uniqueness. Il s'agit d'un modèle économique (business model) singulier, basé sur une mission et un modèle de management spécifiques, intégrant un projet sociétal. Fort de ce modèle, le PDG de Danone, Frank Riboud, prévient ceux qui seraient tentés de lancer une OPA sur son entreprise : ils risquent de perdre tout ce qui la rend singulière et lui confère une valeur unique.
No 2.957
29 octobre 2008


DOSSIER :
Le capitalisme saisi par la philanthropie


La mondialisation accroît le nombre de philanthropes
Rapport moral de l'argent dans le monde
Benoît Chervalier
Il semble que la mondialisation économique soit à l'origine de l'expansion du nombre de fondations philanthropiques dans la mesure où elle a en effet parmis au cours des dernières décennies, à de nombreux individus de s'enrichir rapidement. A tel point que la croissance mondiale du nombre de milliardaires dépasse celui des millionnaires ! Et les économies émergentes ne sont pas en reste : les milliardaires brésiliens sont ainsi plus nombreux que les français. L'accroissement des richesses a, depuis le milieu des années 1990, non seulement favorisé l'essor des fondations philanthropiques dans le monde, mais également entraîné l'internationalisation de leurs activités.

L'avènement du philanthrocapitalisme
Management Today
Ian Wylie
La philanthropie se porte bien : les initiatives caritatives et les dons ne cessent de se multiplier et de nouvelles fondations voient le jour chaque année. Compte tenu des sommes astronomiques désormais investies dans certaines fondations philanthropiques, les méthodes traditionnelles de gestion des fondations apparaissent, aux yeux des nouveaux philanthropes, comme désuètes. Ceux-ci souhaitent désormais recourir à des stratégies qui leur assurent un retour sur investissement. L'essence de la philanthropie serait-elle menacée par l'avènement du philanthrocapitalisme ?

La philanthropie au secours du développement durable
How to spend it ? - Financial Times
Lucia van der Post
Nombreuses sont les fondations philanthropiques qui consacrent leurs activités aux plus démunis. Les philanthropes qui se préoccupent du sort de la faune et de la flore sauvages sont en revanche plus rares. Beaucoup de ces philanthropes à la fibre écologique sont d'anciens brokers qui ont fait fortune dans la finance, et ont soudainement souhaité changer radicalement de vie. Les investissements les plus importants sont principalement effectués dans le secteur de l'écotourisme, en particulier en Afrique orientale. Si ces activités ne sont pas nécessairement rentables, elles permettent toutefois de créer de nombreux emplois et de préserver des régions parmi les plus belles et les plus sauvages de la planète.

Bill Gates : portrait d'un philanthrope du XXIe siècle
Fortune
Brent Schlender
Microsoft tourne, en cette année 2008, la page des années Gates. Le fondateur de la célèbre entreprise informatique, Bill Gates a en effet annoncé en juin qu'il mettait fin à ses activités au sein du numéro un mondial du logiciel pour se consacrer entièrement à sa fondation caritative. L'auteur dresse le portrait de l'homme le plus riche des Etats-Unis, dont la curiosité débordante le conduit désormais à entreprendre des études de biologie afin de mieux comprendre certaines maladies qui sévissent dans le tiers-monde et dont il s'est fixé ni plus ni moins comme objectif de les éradiquer. Le philanthrope y est également paradoxalement décrit comme quelqu'un de finalement peu idéaliste et profondément imprégné de la culture du résultat.

Les investissements bien peu philanthropiques de la Fondation Bill Gates
Los Angeles Times / Courrier International
Charles Piller, Edmund Sanders et Robin Dixon
La Fondation Bill et Melinda Gates dispose d'un capital de 66 milliards de dollars, une somme considérable puisque deux tiers des pays du monde ont un produit intérieur brut (PIB) inférieur. L'enquête effectuée par les auteurs sur les activités de la Fondation révèle que les investissements obéissent à une stratégie très précise permettant de valoriser son capital. Au moins 5 % des avoirs sont consacrés à des donations permettant de bénéficier d'exonérations fiscales tandis que les 95 % restants sont investis dans des activités lucratives ou non qui composent un portefeuille d'activités très diversifié. Curieusement, parmi ces activités, certaines vont à l'encontre des objectifs mêmes de la Fondation. Celle-ci finance par exemple au Nigeria un hôpital qui ne propose pas le nouveau Kaletra (antirétroviral utilisé chez les malades du sida), alors que ce médicament est fabriqué par Abbott, laboratoire pharmaceutique américain dans le capital duquel la Fondation Gates détient pourtant une forte participation.

Egalement dans ce numéro

MARCHE DU TRAVAIL
Performances nordiques et flexicurité : quelles relations ?
Travail et emploi
Alain Lefebvre et Dominique Méda
Les pays du nord de l'Europe, notamment la Finlande, la Suède et le Danemark, se distinguent en matière d'emploi : non seulement leurs taux de chômage sont nettement en dessous de la moyenne européenne, mais surtout leur pourcentage de chômeurs de longue durée se situe très bas. Ces performances sont souvent attribuées au modèle de flexicurité tel qu'il est pratiqué dans ces pays. Certains le décrivent comme un " triangle d'or " : une flexibilité élevée des contrats de travail, des indemnisations généreuses du chômage et des politiques d'emploi actives. Les auteurs se demandent toutefois s'il ne faudrait pas prendre en compte d'autres éléments. Ils formulent ainsi l'hypothèse selon laquelle l'investissement social des pays nordiques dans le capital humain, mais également dans la recherche, le développement et l'innovation pourrait représenter un quatrième facteur explicatif des performances en matière d'emploi.

ECONOMIE ET ENVIRONNEMENT
Pour une ville plus durable : le péage urbain
La note de veille - Centre d'analyse stratégique
De nombreuses villes dans le monde ont recours au péage urbain, certaines, comme Singapour, depuis plusieurs décennies. L'objectif poursuivi par ces différentes métropoles est de favoriser l'organisation des déplacements dans le centre-ville, de réduire la pollution, d'améliorer le cadre de vie, etc. En France, l'institution d'un péage urbain par une agglomération n'est possible que si la loi lý autorise. A l'occasion du Grenelle de l'environnement, le président de la République, Nicolas Sarkozy, a souligné sa volonté, afin de favoriser un développement durable des transports, de permettre aux collectivités territoriales la mise en œuvre de ce mode de régulation.

MIGRATIONS
Amérique latine : les transferts d'argent sont-ils un réel facteur de développement ?
Hommes et migrations
Alejandro I. Canales
Depuis le sommet du G8 de Sea Island (Etats-Unis) en 2004, les transferts d'argent des migrants (remesas, en espagnol) sont considérés comme un rouage essentiel des stratégies de développement. Les remesas sont en effet susceptibles de favoriser la création des petites et moyennes entreprises (PME) et de contribuer à la réduction des inégalités. Les programmes de développement sont d'ailleurs élaborés en Amérique latine, continent où les remesas représentent 30 % du total mondial des transferts, à partir de ces hypothèses. Mais si ces dernières contribuent incontestablement à améliorer le niveau de vie des foyers auxquels elles sont destinées, les remesas, d'un faible montant, ne semblent pas pouvoir constituer une stratégie de long terme pour résoudre les problèmes socio-économiques structurels qui caractérisent les pays latino-américains.

No 2.958
12 novembre 2008


Numéro spécial :
Réguler l'économie mondiale au XXIe siècle

Le choc des crises

La crise financière
Crise financière : un parallèle avec la crise asiatique
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Barry Eichengreen
Quel précédent historique pourrait éclairer la profonde crise financière que traversent la finance américaine et le système financier international ? Pour l'auteur, il ný a pas de doute, il ne peut s'agir que de la crise asiatique de 1997-1998. S'il peut paraître étonnant de comparer les Etats-Unis à un ensemble de pays émergents, les traits communs entre les deux crises sont néanmoins nombreux : l'opacité de la sphère financière, des règles bancaires trop laxistes permettant l'instauration de ratios de levier excessifs, l'aléa moral suite aux garanties implicites accordées par l'Etat aux banques et, enfin, une politique monétaire beaucoup trop complaisante. Comme pour les pays asiatiques, le rétablissement du système bancaire pèsera lourdement sur le contribuable. En ce qui concerne les réformes réglementaires, l'auteur croit davantage à une transformation progressive qu'à un bouleversement radical du système financier, ce dernier étant trop profondément enraciné et ses éléments trop imbriqués pour qu'on puisse en changer dans l'immédiat.

Instituer de nouvelles règles de gouvernance des institutions financières
Revue d'économie financière
Bertrand Jacquillat
Les facteurs ayant contribué directement ou indirectement au déclenchement de la crise financière en juillet 2007 aux Etats-Unis sont nombreux : la titrisation, la transformation profonde du modèle bancaire et de la gestion des risques, le rôle ambigu des agences de notation, la structure et le niveau des rémunérations dans le secteur financier, les objectifs des banques centrales... Sur chacun de ces éléments, l'auteur propose des pistes de réflexion. En premier lieu, il souligne qu'il faut éviter de réformer le système financier par l'introduction prématurée de nouvelles règles car la crise n'est pas encore achevée. Ensuite, il admet que des excès ont été commis par les différents acteurs financiers et qu'il faut en assumer les conséquences, c'est-à-dire des pertes de volumes colossales. Enfin, il propose des modifications réglementaires, tout en mettant l'accent sur les incitations à l'égard des acteurs et sur l'extension des mécanismes de marché à des domaines où ils sont insuffisants ou inexistants.

Pour une réforme globale de la théorie et de la régulation financières
Revue d'économie financière
Dominique Plihon
La crise financière est d'une ampleur sans commune mesure avec les crises des vingt dernières années. Si la plupart des économistes s'accordent sur ce point, les avis divergent sur les causes et les mécanismes à l'origine de ce désordre financier mondial. L'auteur réfute la thèse de nombreux experts pour lesquels le facteur déterminant est le développement non maîtrisé de la titrisation des crédits immobiliers à risque aux Etats-Unis. Certes, il admet que la titrisation représente une innovation majeure qui a bouleversé le fonctionnement des banques et des marchés. Mais il insiste avant tout sur le fait que nous sommes face à une crise systémique qui s'inscrit dans un processus d'instabilité financière chronique : pour lui, elle prend ses racines au cœur même du capitalisme financier et ne peut que se résoudre par une remise en cause de la théorie financière standard et de la doctrine des banques centrales et des autorités de supervision prudentielle.

La crise alimentaire
Alimentation mondiale : les racines de la crise
Le Journal du CNRS
Philippe Testard-Vaillant
La hausse brutale, jusqu'à l'été 2008, des prix des biens de première nécessité, qui contraste avec la longue période de baisse régulière des prix de la plupart des produits de base au cours des années 1980 et 1990, a accru les inégalités de répartition de l'offre alimentaire mondiale et débouché sur une véritable crise dans de nombreux pays en développement. De la libéralisation des marchés agricoles à l'augmentation de la consommation de viande dans certains pays émergents comme la Chine et l'Inde, en passant par la spéculation, l'auteur examine les différents facteurs à l'origine de la crise.

La crise démo-environnementale
La régulation démo-environnementale : l'enjeu d'une planète viable
Mondes en développement
Hervé Domenach
Les mutations démographiques, environnementales et climatiques que va connaître l'humanité dans le demi-siècle à venir sont aujourd'hui considérées avec la plus grande attention. Le modèle occidental de développement a des conséquences particulièrement préoccupantes conduisant notamment, selon l'auteur, à un accroissement des inégalités et à des dégradations qui mettent chaque jour davantage en péril la planète. Si, concernant ces questions globales, de réels progrès ont été accomplis ces dernières années en matière de régulation internationale, ils restent encore largement insuffisants au regard des enjeux. La mise en œuvre d'une gestion durable des espaces, des espèces et des ressources est désormais urgente.

Gouvernance et régulation

Pourquoi transformer le modèle de gouvernance du XXe siècle ?
Finances et développement
James M. Boughton et Colin I. Bradford Jr.
En 1919, la Société des nations, née à Paris au lendemain de la Première Guerre mondiale au terme de six mois de négociations, pose les fondements d'une gouvernance mondiale dont les principaux artisans seront la France, l'Italie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Tout au long du XXe siècle, de nombreuses institutions multilatérales ont été créées et ont offert un cadre de négociation pour l'établissement de relations économiques et politiques internationales constructives. Mais l'apparition ou l'aggravation de certains problèmes mondiaux, comme le changement climatique, l'accroissement des besoins énergétiques, sanitaires, d'alimentation et de logements, ont remis en question, en ce début de XXIe siècle, les progrès induits par la mondialisation et ont révélé avec acuité les faiblesses et les insuffisances du modèle de gouvernance mondiale hérité du siècle passé.

La gouvernance mondiale est-elle au service de l'intérêt général global ?
L'E-book de campagne de l'OFCE
Joseph Stiglitz
La stabilité économique mondiale a des vertus car elle génère des externalités positives. Elle mérite donc, selon Joseph Stiglitz - lauréat en 2001 du Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en l'honneur d'Alfred Nobel - d'être considérée comme un bien public mondial dont l'offre devrait absolument être préservée dans le cadre de l'action collective. Mais, comme le rappelle le célèbre économiste américain, si un certain nombre d'institutions internationales ont été créées dans ce but, l'instauration d'un véritable " gouvernement global " n'est toujours pas à l'ordre du jour. Selon Joseph Stiglitz, il est urgent, si l'on veut " sauver " la mondialisation, de réformer rapidement les institutions internationales qui sont en charge de la gouvernance mondiale.

Réformer la gouvernance de l'économie mondiale

L'avenir du FMI et de la Banque mondiale
American Economic Review
Raghuram G. Rajan
Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale sont sans doute les deux organisations internationales ayant le mieux incarné, en matière de gouvernance mondiale, l'ordre économique né après 1945. Mais au cours des dernières années du XXe siècle, les deux institutions de Bretton Woods ont vu, au fur et à mesure de l'échec de certaines des politiques économiques imposées aux pays en développement et de la montée en puissance des économies émergentes, leur crédibilité fortement ébranlée. La remise en cause de la légitimité du FMI et de la Banque mondiale ne signifie pas pour autant que ces institutions financières internationales n'aient plus, aujourd'hui, aucun rôle à jouer. Celui-ci reste très important, mais il a profondément changé. Ces institutions sont désormais tenues de se transformer pour devenir de véritables partenaires des Etats auxquels elles doivent continuer de prodiguer avis et conseils, ainsi que de leur fournir des fonds lorsque cela est nécessaire. S'ils veulent retrouver un rôle à leur dimension dans la régulation de l'économie mondiale, le FMI et la Banque mondiale sont donc contraints d'engager, au plus vite, une réforme de leurs structures et de leur mode de gouvernance.



Le G8 et le nouvel ordre économique mondial
International Affairs
Anthony Payne
Le G7, devenu G8 avec l'intégration de la Russie, a vu le jour de façon informelle au début des années 1970. D'une certaine manière, ce groupe rassemblant au départ les sept plus grands pays industrialisés, peut être considéré comme le club des vainqueurs de l'histoire à la fin du XXe siècle, l'élargissement à la Russie ayant une portée très symbolique, marquant le triomphe définitif de la démocratie libérale et de l'économie capitaliste. Cette dimension symbolique du G8 n'a pas échappé au mouvement altermondialiste. A partir de la fin des années 1990, les sommets organisés par le club des " pays riches " sont devenus l'occasion d'une dénonciation systématique, parfois violente, de l'ordre économique mondial issu de l'Après-Seconde Guerre mondiale. Dans le même temps, la montée en puissance des économies émergentes a été l'occasion d'une contestation de la légitimité du G8 à définir seul les grandes orientations concernant la gestion des affaires économiques du monde. Aussi, ces Etats, que l'on peut qualifier de gagnants du début du XXIe siècle, ont-ils été - à travers un processus d'élargissement progressif du G8 - invités à prendre part, de façon de plus en plus formelle, à la gouvernance mondiale.

OMC : le possible et le souhaitable
L'Economie politique
Jean-Marc Siroën
L'impasse dans laquelle sont engagées les négociations commerciales internationales du cycle de Doha est pour de nombreux spécialistes révélatrice d'une crise très profonde que traverse aujourd'hui l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Certains observateurs vont jusqu'à penser que l'absence d'accord et les échecs répétés mettent aujourd'hui en péril l'existence même de l'organisation dirigée par le Français Pascal Lamy. Aucun des acteurs politiques qui comptent le plus dans la définition de la gouvernance commerciale mondiale ne souhaite toutefois voir disparaître l'OMC. L'auteur, après avoir analysé les principes d'action de celle-ci, propose l'adoption de différentes mesures qui permettraient de renforcer cette gouvernance du commerce mondial.

No 2.959
26 novembre 2008


DOSSIER :
Le bilan de l'économie mondiale 2007/2008

Une croissance affaiblie dans la plupart des pays de l'OCDE
Perspectives économiques de l'OCDE
OCDE
Les perspectives de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour la fin de l'année 2008 et le début de 2009 ne sont pas très optimistes. La tourmente que vivent les marchés financiers augure, pour 2009, une faible performance dans la plupart des pays de l'OCDE. Le taux de croissance économique de la zone a déjà atteint, au second semestre 2008, son niveau le plus bas (0,5 %) depuis la récession consécutive à l'éclatement de la bulle technologique. La politique monétaire expansionniste que mènent les banques centrales pour lutter contre le fléchissement de la demande globale - la Réserve fédérale (Fed) a, aux Etats-Unis, d'ores et déjà abaissé son taux directeur à 1 % - facilite le crédit mais risque de raviver la crise. Si la croissance reste vive dans les grandes économies émergentes, les pays du Sud n'ont pas été épargnés par la crise financière. La consolidation bancaire et le retour de la stabilité de la croissance constituent désormais les objectifs pour 2009 de presque tous les pays de l'OCDE.
La croissance de l'emploi a perdu de la vigueur en 2007
Perspectives de l'emploi de l'OCDE
OCDE
En 2007, la croissance de l'emploi a sensiblement décéléré dans l'ensemble des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le ralentissement de l'économie outre-Atlantique a eu une forte incidence sur le marché du travail. Plus que dans tout autre pays, la croissance américaine de l'emploi a en effet perdu de la vigueur. Dans plus de la moitié des pays de l'Union européenne, le taux de chômage a, en revanche, diminué. Mais les effets de la crise financière mondiale ne devraient pas tarder à se faire sentir sur l'emploi. Une hausse brutale du chômage est en effet attendue, en 2009, dans la plupart des pays de l'OCDE. Les pressions sur la rémunération du travail, faibles jusqu'à maintenant, devraient dès lors rapidement augmenter.

Marchés financiers : la crise des subprimes
Rapport annuel
Banque des règlements internationaux
Toute l'année 2007, ainsi que le début de 2008, ont été marquées par les préoccupations suscitées par les pertes sur les prêts hypothécaires à risque (subprimes) aux Etats-Unis. Les craintes pour la stabilité des banques et autres acteurs financiers se sont rapidement propagées aux différents segments du crédit et aux marchés en général. Le déroulement des événements a suivi le scénario suivant : à partir de la mi-juin, on a enregistré une augmentation spectaculaire des primes des prêts hypothécaires à risque ; le repli s'est ensuite étendu au marché de la dette et des produits structurés ; fin juillet : les perturbations ont gagné le marché interbancaire ; vers la mi-octobre les problèmes du secteur financier se sont aggravés ; fin 2007 les dysfonctionnements se sont accentués dans le contexte d'une forte dégradation des perspectives macroéconomiques aux Etats-Unis ; début 2008 une première banque d'investissement américaine en difficulté doit être redressée.

Hausse des taux directeurs et tensions sur le marché interbancaire
Rapport annuel de la Banque de France
Christian Noyer
En 2007, la Banque centrale européenne (BCE) a poursuivi son cycle de relèvements successifs de ses taux directeurs. Ainsi, le principal taux de la zone euro a été porté à 4 % en juin 2007, un niveau maintenu jusqu'en 2008. Cette politique a tenu compte des risques pesant sur la stabilité des prix. Face à la progression soutenue de l'activité économique, le rythme de croissance annuel de la masse monétaire s'est de nouveau renforcé en 2007 et le taux d'inflation s'est établi largement au-delà des 2 % fixés par la BCE. La deuxième moitié de l'année a surtout été marquée par les conséquences des turbulences financières provoquées par la crise des subprimes. La défiance croissante entre les établissements bancaires a conduit à un net assèchement du marché interbancaire : le taux Euribor à 3 mois s'est tendu de près de 100 points sur l'ensemble de l'année.

Un contexte moins favorable à la croissance du commerce mondial
Rapport sur le commerce mondial en 2007
OMC
En 2007, la contraction de la demande dans les pays développés a créé un contexte moins favorable qu'au cours des dernières années à l'expansion du commerce international. Les exportations mondiales de marchandises n'ont augmenté que de 5,5 % en valeur réelle contre 8,5 % en 2006. La croissance des importations a été plus faible que l'année précédente dans les pays du Nord et dans les pays asiatiques en développement importateurs nets de pétrole. Une amélioration notable des termes de l'échange a été observée dans les pays et régions exportant principalement des combustibles, des minéraux et des denrées alimentaires, en raison de la forte hausse de ces produits. En 2007, les exportations de services ont enregistré une nette accélération dans toutes les grandes régions du monde. Celle-ci est due essentiellement à l'évolution des taux de change, notamment en raison de l'appréciation des monnaies européennes, et dans certains cas, à la hausse des coûts des carburants (transport).

Montant record des flux d'IDE
Rapport sur l'investissement dans le monde 2008
CNUCED
Les entrées mondiales d'investissement direct étranger (IDE), avec un montant total de 1 833 milliards de dollars, ont largement dépassé, en 2007, le record historique atteint sept ans auparavant (1 411 milliards de dollars en 2000). Les États-Unis restent le premier pays destinataire, suivis du Royaume-Uni et de la France. L'Union européenne (UE) est la première région d'accueil, attirant près des deux tiers du total des entrées d'IDE dans les pays développés. Les opérations de fusions-acquisitions ont favorisé de façon très importante l'essor mondial de l'IDE. Les sociétés transnationales les plus importantes ont continué leur expansion à l'étranger, tandis que les fonds souverains voient leur rôle se renforcer. Quant à l'impact de la crise financière mondiale sur les flux d'IDE, il est resté limité en 2007 mais devrait commencer à se faire sentir en 2008.

Egalement dans ce numéro

AGRICULTURE
Pour une politique agricole internationale
Paysans
Jacques Carles
La volatilité des prix sur les marchés agricoles a atteint des sommets en 2008. Elle est le reflet de plusieurs phénomènes. Le premier d'entre eux : les anticipations des agriculteurs qui se traduisent par une offre fluctuante menant à une production qui n'est que rarement en phase avec les besoins réels. Ensuite, sur le plan structurel, la diminution progressive des stocks nationaux a réduit leur rôle d'amortisseur. Enfin, la mondialisation de l'économie s'est accompagnée d'une financiarisation et d'une interconnexion croissante des marchés, conduisant à une augmentation considérable des prises de positions purement spéculatives. Par ailleurs, l'augmentation de la production de biocarburants intensifie les tensions entre l'offre et la demande. La future politique agricole doit prendre en compte la spécificité de ce secteur qui, selon l'auteur, milite pour la mise en œuvre d'une politique agricole internationale.

PROTECTION SOCIALE
Comment prendre en charge les personnes dépendantes ?
Etudes
Bernadette Moreau
La question de la prise en charge des personnes âgées est devenue cruciale, avec le vieillissement de la population dans les pays industrialisés - l'espérance de vie en France continue de progresser et dépasse, tous sexes confondus, 81 ans. La dépendance des personnes âgées devrait, selon l'auteur, faire l'objet d'un traitement à part qui nécessiterait la création d'une cinquième " branche " de la protection sociale, venant en sus des quatre déjà existantes : l'assurance-maladie, les accidents du travail, l'assurance-vieillesse et les prestations familiales. L'insertion dans la société des personnes âgées non autonomes est d'autant plus importante qu'elles sont, en France, nombreuses : 6,4 millions actuellement et près de 8 millions en 2020. L'auteur revient également sur la loi du 11 février 2005 qui a constitué une avancée considérable en la matière. Celle-ci a en effet permis de définir le handicap, de multiplier les sources de financement des prestations et de créer des maisons départementales de personnes handicapées.

No 2.960
10 décembre 2008


DOSSIER :
Quelle banque après la crise ?

Les banques : un secteur frappé par la crise
Conjoncture BNP-Paribas
Laurent Quignon
Le secteur bancaire traverse une crise profonde. Les difficultés qui avaient, dans un premier temps, touché essentiellement les banques américaines, se sont progressivement étendues à l'ensemble du secteur et du monde. Le scénario est partout le même : exposées aux produits structurés à risque, les établissements bancaires sont pris en étau entre l'accroissement des pertes et les fortes tensions sur le marché interbancaire, entraînant partout des problèmes de liquidité. Depuis la faillite de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, la résolution de la crise est guidée par le principe " too big to fail ". Le sauvetage des établissements à court de liquidité a nécessité l'intervention des banques centrales, ainsi que des gouvernements qui ont élaboré des plans nationaux reposant sur des garanties publiques et la nationalisation (totale ou partielle) de certains établissements.

Où en sont les banques françaises ?
La Vie financière
Marie-Jeanne Pasquette
Sur fond de crise de liquidité, le secteur des banques et des assurances a amorcé un vaste mouvement de consolidation. Moins touchés que leurs homologues anglo-saxons, certains établissements financiers français ont néanmoins rencontré d'importantes difficultés, tandis que d'autres ont pu profiter de la crise. Pour l'instant, trois restructurations bancaires ont eu lieu en France avec l'aide des pouvoirs publics : BNP-Paribas-Fortis, Dexia et Natixis-Caisse d'Épargne. En rachetant une partie des activités de Fortis, BNP-Paribas est devenue la première banque de dépôts de la zone euro. Quant à Dexia, elle est renationalisée à hauteur de 52 %, avec les Etats français et belge désormais à parité dans son capital. Enfin, compte tenu des problèmes de la Caisse d'Epargne et de Natixis, les Banques Populaires et les Caisses d'Epargne ont annoncé le rapprochement de leurs organes centraux.

La note des subprimes se règle au guichet
L'Expansion
Marc Michaud
Malmenées sur les marchés, les banques sont obligées de revoir leur business model. Elles redécouvrent les bienfaits de la banque universelle et notamment ceux de la banque de détail. Ainsi, pour se refaire une santé, les banques développent leurs forces commerciales et se focalisent sur des activités à marges élevées, comme les ventes d'assurance. En parallèle, elles élargissent leur offre à des produits et services non financiers, en particulier les services à la personne ou les activités immobilières. L'autre stratégie adoptée pour restaurer les marges consiste pour les banques à limiter certaines activités jugées non rentables (retraits et versements d'espèces au guichet) et à réduire leur exposition au risque (en diminuant notamment les montants autorisés de découvert). Enfin, la concurrence pour attirer la clientèle aisée va s'intensifier à l'avenir avec le risque de voir se développer une banque à deux vitesses (une pour les clients patrimoniaux et l'autre pour la clientèle de masse).




A quoi vont servir les banques d'investissement ?
La Tribune
Patrick Artus
Les banques d'investissement ont été durement touchées par la crise financière de 2007-2008. Jusque-là, leur business model reposait essentiellement sur deux activités : la première consiste à détenir des actifs financés par la dette ou à constituer ce type d'actifs et à les vendre à d'autres investisseurs - ces deux activités utilisant le levier d'endettement -, la deuxième activité est celle du conseil en fusions-acquisitions. Si celle-ci reste fleurissante, la première en revanche est fortement compromise car le recours au levier de l'endettement va être de plus en plus difficile. Dans ce contexte, l'avenir de la banque d'investissement sera davantage dans la transformation de l'épargne et des actifs financiers. Ainsi, un des rôles essentiels de la banque d'investissement sera à l'avenir de rendre possible l'utilisation d'une épargne sans risque pour financer les entreprises, l'autre sera la transformation de l'épargne des grands pays industrialisés en épargne en actions, ainsi que le transfert des revenus des pays d'Asie et des pays producteurs de pétrole vers l'Occident.

Comment encadrer les risques bancaires ?
Conseil d'analyse économique
Jézabel Couppey-Soubeyran
L'évolution de la réglementation bancaire représente un processus discontinu dans lequel alternent les phases d'innovation financière et de contournement des règles. Ainsi, face aux inquiétudes concernant des risques de crédit et les engagements hors bilan, le régulateur a introduit en 1989 une norme de solvabilité, le ratio Cooke, appelé aussi Bâle I. Cependant, celui-ci s'est rapidement révélé insuffisant, notamment face aux mutations de la finance dans les années 1990 (comme l'investissement en titres à compte propre et la création et la revente de produits structurés, en particulier la titrisation). Le régulateur a cherché à améliorer le dispositif en place en proposant un nouvel accord : Bâle II. Ce dernier prévoit une modulation des exigences de fonds propres en fonction de la notation attribuée, des exigences de fonds propres pour certains engagements hors bilan et davantage de transparence dans les opérations de titrisation. Entré en vigueur au Japon en 2007, en Europe au début de 2008 - les Etats-Unis appliqueront l'accord à partir de 2009 -, Bâle II fait aussi l'objet de critiques, car il s'agit seulement d'une recommandation qui ne s'applique qu'aux banques, bien que des risques financiers soient également supportés par d'autres institutions financières.

Les enjeux d'avenir des banques
Option finance
Michel Pébereau
Les banques sont de gigantesques centrales de risques (risque de crédit, de liquidité, risques opérationnels...) qui exigent non seulement une régulation et une surveillance, mais aussi de la discipline et une éthique. La crise actuelle est la conséquence d'une série de dysfonctionnements du système. Les actions d'urgence des banques centrales et des pouvoirs publics ont visé à rétablir la confiance. Mais afin que celle-ci s'installe durablement, d'autres mesures seront nécessaires. Outre le problème de la rémunération de certaines opérations bancaires, les banques devraient s'interroger sur leur portefeuille d'activité et leur politique de risque. Afin de rendre la régulation plus efficace, les pouvoirs de ceux qui en sont chargés devraient être renforcés. Enfin, l'auteur souligne le danger des normes comptables internationales qui, selon lui, ont un effet procyclique.





Egalement dans ce numéro

GOUVERNANCE
Réformer l'ONU : mission impossible ?
Revue française d'administration publique
Jean-Marc Châtaigner
La question de la réforme de l'Organisation des Nations unies (ONU) est rarement évoquée dans les débats nationaux. La marginalisation depuis quelques années de l'institution internationale dans les domaines économiques et sociaux est de plus en plus évidente. Deux rapports, présentés en 2006, ont proposé une révision de la structure de l'ONU qui est inchangée depuis la signature de la Charte régissant l'Organisation, à San Francisco, en juin 1945. Si les intérêts contradictoires entre le Nord et le Sud constituent notamment de sérieux obstacles à la réforme, il n'en reste pas moins qu'en l'absence d'une profonde refonte de la coordination entre les 17 agences spécialisées et les 14 fonds et programmes, le rôle de l'ONU dans la régulation de l'économie mondiale est voué à disparaître.

HISTOIRE ECONOMIQUE
Soixante ans d'économie française : des mutations structurelles profondes
INSEE Première
Gérard Bouvier et Charles Pilarski
Au cours des trente glorieuses, la croissance de l'économie française reposait de façon équilibrée sur la valeur ajoutée dégagée par l'industrie et la construction d'une part, les services d'autre part. Au fil des décennies, la part des services n'a cessé d'augmenter. Au cours des soixante dernières années, l'emploi est devenu majoritairement tertiaire et salarié. Concernant la croissance, le premier choc pétrolier de 1974 marque une véritable cassure. Jusqu'à cette date, celle-ci était plus forte et s'appuyait sur des gains de productivité beaucoup plus soutenus. Dans la période qui suit le premier choc pétrolier, le ralentissement de la productivité s'est transmis aux gains salariaux. Quant au taux de marge des entreprises, il a, sous l'impact des deux chocs pétroliers des années 1970, reculé plus rapidement dans l'industrie que dans les services. Il a ensuite, au cours de la décennie 1980, amorcé progressivement son redressement.

INNOVATION
Brevets : quelles nouvelles stratégies ?
Reflets et perspectives de la vie économique
Nicolas Van Zeebroeck
Le nombre de brevets a, depuis une vingtaine d'années fortement augmenté en Europe. Le volume des éléments nécessaires à la constitution d'un dossier de dépôt a également été fortement accru. Cette évolution reflète-t-elle pour autant le dynamisme de l'innovation ? Il semble qu'elle tende au contraire à provoquer une augmentation du délai moyen de dépôt des brevets. Ce phénomène entraîne, selon l'auteur, une augmentation, de l'incertitude et de l'insécurité juridique pour les entreprises. A terme, on peut redouter que cette évolution ne se traduise par un sous-investissement dans les activités de recherche et développement (R&D) ainsi que dans la commercialisation des brevets.

No 2.961
24 décembre 2008


DOSSIER :
Minima sociaux, le temps de la réforme

Le revenu de solidarité active, plus que jamais
La Vie des idées
Martin Hirsch
La Vie des idées a, en avril 2008, lancé un débat sur le revenu de solidarité active (RSA) à partir de contributions de chercheurs comme Dominique Méda ou Jean-Luc Outin. Martin Hirsch, haut commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté, et initiateur de ce nouveau dispositif, a souhaité apporter une réponse aux six des principales critiques qui ont été formulées sur le RSA. Celui-ci, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2009, est, selon lui, le seul moyen à la fois d'élargir le public des bénéficiaires de minima sociaux (et ainsi de diminuer le nombre d'exclus) et de les inciter à reprendre un travail. Martin Hirsch reconnaît toutefois, dans le but d'améliorer l'efficacité du dispositif, la nécessité de développer les politiques d'accompagnement de l'emploi, comme l'amélioration de l'accès aux différents modes de garde d'enfant. Il souhaiterait également, afin de ne pas favoriser la multiplication des emplois à temps partiel, recourir à des allègements de charges sociales pour les employeurs, de sorte qu'ils ne perçoivent pas une aide identique dans le cas des emplois à temps partiel et à temps plein.

Un RSA modérément solidaire
Alternatives économiques
Denis Clerc
L'idée du revenu de solidarité active (RSA) est née d'un constat : la pauvreté ne frappe pas uniquement les individus sans emploi. Il y aurait en effet, en France, 2,5 millions d'actifs pauvres (pour la plupart à temps partiel ou en périodes de chômage alternées avec du travail). Le RSA devrait éviter aux individus acceptant un emploi de tomber dans cette " trappe à pauvreté active " en leur garantissant un complément de revenu qui diminue à mesure que le salaire augmente. Si 5 millions de ménages devraient être concernés par la mesure applicable dès le 1er juillet 2009, le RSA serait, pour des raisons de coûts, moins ambitieux que nécessaire. Selon l'auteur, le dispositif risque de ce fait de ne pas avoir les effets escomptés sur la pauvreté et les inégalités.

Le système français de minima sociaux
Recherches et Prévisions
Emmanuelle Nauze-Fichet
Les minima sociaux sont des prestations sociales accordées aux individus qui perçoivent de très faibles revenus afin de leur permettre d'atteindre ainsi un revenu minimum. Ce sont des compléments " non contributifs " qui reposent sur une logique de solidarité, contrairement à l'assurance maladie ou l'assurance chômage pour lesquelles il faut au préalable avoir cotisé. La France détient l'un des plus grands nombres de minima sociaux (neuf en tout) au profit de 3,5 millions d'allocataires (c'est-à-dire 7,4 % de la population âgée de plus de 20 ans). Cela en fait un des systèmes les plus complexes, dont l'inefficacité a souvent été critiquée car elle est, selon l'auteur, source d'iniquités. Le revenu minimum d'insertion (RMI), dont on fête le vingtième anniversaire en 2008, est le minimum social le plus important puisqu'il bénéficie à 1,17 millions d'individus.

Un panorama des minima sociaux en Europe
Etudes et Résultats
Patrick Horusitzky, Katia Julienne et Michèle Lelièvre
Les systèmes de minima sociaux des pays de l'Union européenne (UE) présentent des caractéristiques divergentes. Ainsi, le nombre de minima sociaux varie d'un pays à l'autre (9 dispositifs en France contre un seul en Finlande, par exemple). Trois minima sont toutefois fréquents : le revenu minimum garanti, le minimum vieillesse et la garantie de revenu aux personnes handicapées. Il y a en revanche moins de bénéficiaires du revenu minimum garanti en Italie (0,15 % de la population totale) qu'en Finlande (6 %). Le rôle important que joue la famille en Italie comme amortisseur social peut en partie expliquer ce constat. Les réformes mises en place ces dernières années présentent néanmoins des caractéristiques communes comme le renforcement des politiques favorisant le retour à l'emploi et la décentralisation des prestations.

Les travailleurs pauvres en France
Futuribles
Julien Damon
Si la France connaissait déjà, dans les années 1970, le phénomène des travailleurs pauvres - 40 % des personnes pauvres appartenaient, à cette époque, à un ménage d'actifs -, les économistes en ont fait un objet d'étude seulement depuis le début des années 2000. La pauvreté " active " a augmenté, imposant l'idée que l'emploi ne constitue pas un rempart absolu contre elle. L'auteur cherche d'abord à définir la notion de pauvreté " active " ou " laborieuse " en distinguant les individus, dont les revenus se situent en deçà du seuil de pauvreté, mais qui ont un emploi (1,6 million) de ceux qui n'en ont pas (2,5 millions). Il propose ensuite une comparaison de ces résultats avec ceux d'autres pays industrialisés et conclut que la France, avec 8 % de travailleurs pauvres, se situe (en 2001) au-dessus de la moyenne européenne.

Egalement dans ce numéro

EDUCATION
Vers un marché international de l'enseignement supérieur ?
Critique internationale
Christine Musselin
Les réformes de l'enseignement supérieur se sont succédé, ces dernières années, en France, comme dans la plupart des pays européens. La thématique en vogue de l'économie de la connaissance a placé les universités au cœur des préoccupations gouvernementales. La quête de meilleures performances dans les domaines de l'éducation, de la recherche et de l'innovation a abouti à une remise en cause du rôle de l'Etat et à une transformation des organisations. Les logiques de privatisation se sont affirmées et l'idée de transférer vers les universités des modes de gouvernance et de management issus du privé s'est progressivement imposée. Enfin, au cours des dernières décennies, la mobilité internationale des étudiants et des universitaires s'est développée et est même devenue une source de revenus. L'intensification de ces échanges, dans le cadre de la mondialisation, annonce peut-être l'avènement prochain d'un marché international de l'enseignement supérieur.

CHANGEMENT CLIMATIQUE
Le coût d'opportunité du protocole de Kyoto
Financial Times
Bjørn Lomborg
Ne niant ni la réalité du changement climatique, ni le fait qu'il résulte de l'activité humaine, l'auteur estime toutefois trop élevé le coût des politiques préconisées dans le cadre du protocole de Kyoto pour des résultats sans doute très modestes. Rappelant que l'on meurt globalement plus de froid que de chaud sur Terre, il suggère notamment que le réchauffement climatique est susceptible de sauver davantage de vies que d'en détruire. Il considère également qu'il est plus efficace et beaucoup moins coûteux de lutter contre les effets du réchauffement climatique que de tenter de réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO2). Ainsi peut-on, par exemple, espérer lutter efficacement contre les vagues de chaleur, qui seront de plus en plus fréquentes au cours du siècle qui commence, en transformant l'urbanisme des villes les plus exposées afin dý réduire la quantité d'asphalte et de béton, qui retiennent la chaleur, et dý rendre la végétation plus abondante. De même, si le réchauffement climatique devrait sensiblement augmenter les ravages du paludisme, il est plus aisé et plus efficace de lutter contre ce fléau non pas en réduisant les émissions de CO2 mais en luttant contre la pauvreté, afin de permettre aux populations touchées de recourir aux sprays, moustiquaires et traitements appropriés. Il s'agit en somme, dans un monde où les ressources sont limitées, de hiérarchiser les priorités en effectuant, pour chaque mesure envisagée, un bilan coût/avantage afin de déterminer celles qui sont les plus susceptibles d'améliorer le bien-être mondial au moindre coût.

ENTREPRISES
La stratégie à l'heure de l'hyper-concurrence
Economie et management
Serge Edouard
La recherche en management stratégique distingue deux approches - complémentaires mais partielles - de la concurrence. Un premier courant de pensée envisage l'intensité de la concurrence comme un facteur exogène à l'entreprise. Le jeu concurrentiel devient ainsi un processus de sélection et la stratégie ne sert qu'à s'adapter à cet environnement. Selon l'autre approche, on considère, à l'inverse, que la concurrence est le produit des manœuvres stratégiques des entreprises. Elle n'est plus une donnée, mais peut être influencée par l'entreprise qui est susceptible de la retourner à son avantage à travers des stratégies d'attaques, de dissuasion ou de défense. A l'heure de l'hyper-concurrence, les entreprises sont de plus en plus souvent contraintes de modifier le jeu concurrentiel en déployant des stratégies proactives qui peuvent être agressives ou coopératives.

 

2009

No 2.978
16 septembre 2009

Comment vit-on la crise au Sud ?

La crise n'a pas le même impact pour tous les pays émergents
The Economist
Le premier sommet du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) qui s'est tenu à Iekaterinbourg (Russie), en juin 2009, constitue un véritable symbole de la place qu'occupent désormais les grands pays émergents dans l'économie mondiale. Les performances réalisées par ces économies, qui se sont rapprochées de la trajectoire de développement des pays riches, ont donné du crédit à la théorie du " rattrapage ". Mais la crise économique mondiale a montré qu'en réalité le Brésil, l'Inde et la Chine, des pays-continents, suivent au contraire, une voie bien différente de celle empruntée naguère par les pays occidentaux, laquelle leur permet de renouer plus rapidement avec la croissance.

Asie du Sud-Est : de la crise économique à la crise du développement ?
Sophie Boisseau du Rocher
Accomex
Si l'Inde et la Chine semblent en pleine phase de reprise, les pays du Sud-Est asiatique, notamment les anciens " tigres " (la Malaisie, la Thaïlande, l'Indonésie et les Philippines) ne résistent pas aussi bien à la crise. Avec des taux d'ouverture parmi les plus élevés du monde, ces économies sont particulièrement exposées au ralentissement du commerce mondial. Le choc est d'une telle ampleur, que certains économistes remettent en cause le modèle de croissance fondé sur les exportations qui avait, jusque-là, contribué à leur réussite économique mais dont la crise a révélé les limites.

La rente pétrolière au secours du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord ?
Entretien avec Auguste Kouamé
Document de travail de la Banque mondiale
Peu exposés aux soubresauts de l'économie financière en raison de leur intégration limitée au sein des marchés financiers internationaux, les pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient (MENA) ont été moins touchés par la crise que les autres économies en développement, notamment d'Asie et d'Amérique latine. Les effets de la récession mondiale se font néanmoins sentir : le taux de croissance moyen de la région est en net recul et le taux de chômage atteint des niveaux élevés dans certains pays. Les Etats exportateurs de pétrole s'en sortent mieux, même si l'annulation d'importants projets de construction, comme à Dubaï (Emirats arabes unis), ont des répercussions économiques non négligeables. Quant aux autres pays de la région (la Jordanie, le Liban, le Yémen et Djibouti), particulièrement dépendants des investissements étrangers, ils devront faire face à une recrudescence de la pauvreté.

L'Afrique, première victime de la crise ?
Tony Elumelu
The World Today
Le Fonds monétaire international (FMI) a récemment revu à la baisse le taux de croissance moyen de l'Afrique pour l'année 2009. Celui-ci reste néanmoins positif (3 %) et le continent semble en mesure, selon le directeur général de United Bank for Africa, de résister durablement à la crise économique mondiale. Les économies africaines, souvent présentées comme des économies rentières sont plus diversifiées qu'il ný paraît, comme c'est le cas du Nigéria où le secteur non pétrolier a crû davantage que celui des ressources naturelles. L'Afrique doit cependant faire face à un défi majeur : la baisse progressive de l'aide fournie par les institutions financières internationales. Mais ce désinvestissement est l'occasion pour le continent de s'appuyer sur ses propres ressources, notamment grâce à un renforcement de la coopération entre les différentes banques centrales africaines.

La chute des transferts des migrants menace le développement
Didier Doucet
La note de veille du CAS
Les transferts financiers envoyés (par voies officielles) de l'étranger par les travailleurs migrants à leur famille s'élevaient, avant la crise, à environ 300 milliards de dollars - ce qui représente trois fois le montant de l'aide au développement. Mais ces flux de devises devraient, selon la Banque mondiale, diminuer de 5 à 8 % en 2009. La chute brutale de cette manne financière pourrait avoir des conséquences dramatiques dans les pays qui en dépendent le plus, comme le Mali où les transferts représentent 12,5 % du produit intérieur brut (PIB), ou le Maroc où ils atteignent 10 %.

L'aide au développement, une solution efficace à la crise ?
Entretien avec Esther Duflo
Enjeux Les Echos
En raison de la volatilité des prix agricoles, de la baisse brutale des transferts financiers et de l'effondrement du commerce mondial, la plupart des pays en développement ont vu leurs finances diminuer de façon drastique. Dans certains cas, ces phénomènes menacent gravement le processus de développement, si bien que la question cruciale de l'aide se trouve à nouveau posée. Jusqu'à présent, celle-ci n'était envisagée que sous deux aspects généralement opposés : l'aide massive et celle prenant la forme de microprojets soutenus par la microfinance. La première s'est avérée, selon Esther Duflo, moins efficace que prévu, tandis que la seconde nourrit des activités de survie non viables à long terme. Dans ces conditions, il devient urgent d'imaginer d'autres modalités plus pragmatiques d'aide au développement.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

ECONOMIE DE L'INTERNET
A quoi ressemblera le monde numérique en 2030 ?
Réalités industrielles - Annales des Mines
Michel Gensollen
En quelques années, la " révolution numérique " a été à l'origine de transformations sociales et économiques majeures qui ont entraîné un bouleversement des rapports de force. Compte tenu du progrès technique, le " monde numérique " sera dans vingt ans bien différent de celui que nous connaissons aujourd'hui. Nous assisterons sans doute grâce au web interactif à l'avènement d'une société de contributeurs anonymes organisée autour de communautés en ligne. Dans un monde où les innovations se succéderont très rapidement les unes aux autres, la socialisation des goûts, la décentralisation des savoirs et la virtualisation pourraient remettre en question non seulement les coordinations traditionnelles imposées jusque-là par le marché mais également une certaine forme d'individualisme hédonique.

NIVEAU DE VIE
Employés et ouvriers non qualifiés : un niveau de vie bien inférieur à la moyenne des salariés
INSEE Première
Yves Jauneau
En 2007, la France comptait 5,5 millions d'employés et d'ouvriers non qualifiés. Si l'éventail des métiers exercés par cette catégorie de salariés est large, ils partagent quand même un certain nombre de caractéristiques. Ils ont ainsi, plus fréquemment que les autres salariés, un contrat de courte durée, à temps partiel ou sont en situation de sous-emploi. Ces conditions d'emploi moins favorables expliquent en partie l'écart de revenu salarial annuel avec la moyenne des salariés (- 44 %). La prise en compte de l'ensemble des ressources réduit cet écart mais les employés et ouvriers non qualifiés ont au final en moyenne un niveau de vie inférieur d'environ un quart à celui de l'ensemble des salariés, tandis que 13 % d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté, soit deux fois plus que la moyenne des salariés.

STATISTIQUES
Des outils statistiques pour prévoir les crises
Adelheid Burgi-Schmelz
Finances et Développement
La complexité des nouveaux instruments financiers n'a pas permis de prévoir le déclenchement de la crise actuelle. La nécessité de suivre de plus près notamment les opérations hors bilan des entreprises et des banques est devenue plus urgente que jamais. Depuis les crises mexicaine et asiatique des années 1990, des progrès considérables en matière de surveillance financière, comme l'harmonisation internationale des données économiques et financières, ont été réalisés. Mais la crise des subprimes a montré que cela n'était pas suffisant. Seuls l'engagement à long terme des acteurs de la finance mondiale et leur coopération permettraient, selon le Fonds monétaire international (FMI), d'obtenir des données suffisantes pour évaluer les risques financiers.

No 2.979
30 septembre 2009

Partager les fruits de la croissance


Partage de la valeur ajoutée : un état des lieux
Rapport au Président de la République
Jean-Philippe Cotis
En février 2009, le président de la République, Nicolas Sarkozy, a commandé auprès du directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), Jean-Philippe Cotis, un rapport visant à établir un diagnostic sur le partage de la valeur ajoutée en France. Il ressort de ce dernier que l'ensemble de la rémunération du travail représente 67 % de la valeur ajoutée des sociétés non financières. Depuis vingt ans, ce niveau est plutôt stable. Au sein de la masse salariale, l'intéressement et la participation occupent une place réduite mais croissante. La stabilité du partage global s'accompagne néanmoins d'une faible dynamique des salaires nets, principalement due à la modestie de la croissance et à la hausse des prélèvements sociaux. Par ailleurs, le rapport confirme la montée des inégalités salariales. En ce qui concerne le profit des entreprises, il se répartit de la façon suivante : 57 % sont consacrés à l'investissement, 7 % reviennent aux salariés et 36 % au capital.

Les entreprises ne sont pas coupables
Société Civile
Guillaume Varnier
Quelle est la responsabilité des entreprises dans l'évolution du partage de la valeur ajoutée ? Selon la théorie économique, ce partage repose sur l'évolution de la structure économique. De ce point de vue, la stagnation du niveau de vie et des salaires réels est attribuable avant tout aux faiblesses structurelles de l'économie française. Ainsi, l'essentiel des créations d'emplois se fait, en France, dans des secteurs qui génèrent peu de richesses et qui sont relativement mal rémunérés. Par ailleurs, le poids relatif des dividendes s'est certes accru dans la valeur ajoutée, comme l'a démontré le rapport Cotis, mais si l'on compare la rémunération de l'actionnaire au montant des capitaux propres apportés, il en ressort une baisse continue de la rentabilité pour ce dernier depuis vingt-cinq ans. Quant au taux de profit des entreprises, il a fortement varié dans le passé, mais reste, aujourd'hui, inférieur à sa moyenne dans la zone euro.

Les bonus sur la sellette
Le Monde
Entretien avec Thomas Philippon
Si l'on en croit les sondages, une majorité de Français jugent excessifs les bonus versés à certains professionnels de la finance. En ces temps de crise économique mondiale, et compte tenu de la part de responsabilité de certaines banques dans le déclenchement de cette dernière, cette opinion n'est guère étonnante. Le débat autour des bonus rejoint celui plus ancien sur les indemnités de départ, les stock-options, etc. perçues par plusieurs dirigeants d'entreprises et jugées, elles aussi, particulièrement choquantes par l'opinion publique. Un certain consensus commence à se dégager au niveau politique en faveur d'un encadrement plus strict de ce mode de rémunération. Néanmoins, lutter contre cette pratique est difficile, tant que la solution envisagée reste nationale. Par ailleurs, le lien entre bonus et performance de l'entreprise est difficile à mesurer. Thomas Philippon, propose, pour sa part, de taxer les activités bancaires en fonction de leur risque.

Trente ans de déclassement : un débat français
Document de travail du CAS
Marine Boisson et al.
Le débat autour du partage des fruits de la croissance peut être enrichi par les travaux, de plus en plus nombreux, sur le déclassement social. Ce dernier qui relève d'un effet de comparaison sociale où se conjuguent les inégalités inter- et intra-générationnelles semble en effet avoir pris ces dernières années une certaine ampleur. Ce phénomène complexe qui touche la génération des " Trente Piteuses " - période allant du milieu des années 1970 aux années 2000 et qui aurait succédé aux Trente Glorieuses - se produit à une époque marquée par le ralentissement de la croissance économique et la déformation de la distribution des revenus. Cela contribue notamment à expliquer le sentiment qu'ont les " déclassés " d'une détérioration, par rapport à la génération précédente, du niveau de vie, qui serait due à un partage moins favorable de la richesse.

Le partage de la valeur ajoutée : vers un capitalisme plus juste
Rapport du Conseil d'analyse économique
Gilbert Cette, Jacques Delpla et Arnaud Sylvain
Si l'année 2009 doit se solder par une nette baisse du taux de marge des entreprises, l'évolution du partage de la valeur ajoutée, en France, se caractérise par une grande stabilité depuis près de quarante ans. Malgré cette stabilité, la dispersion et la nature des rémunérations ont fortement changé, notamment sur la dernière décennie. Ces tendances contribuent à l'impression qu'ont de nombreux salariés de ne pas bénéficier équitablement des fruits de la croissance. Les auteurs du rapport du Conseil d'analyse économique formulent un certain nombre de préconisations visant à mieux concilier justice sociale et efficacité économique. Ils vantent ainsi les bienfaits de la redistribution via l'impôt, mais également des dispositifs, comme le revenu de solidarité active (RSA), qui représentent, selon eux, les outils les plus appropriés pour un meilleur partage des fruits de la croissance. Les auteurs rappellent aussi les limites du dispositif de l'épargne salariale et invitent à davantage de transparence concernant les rémunérations des dirigeants d'entreprises et les cadres de haut niveau.

Une autre lecture de la crise : produire et distribuer
Les Echos
Jean-Marc Vittori
La crise économique actuelle présente un certain nombre de similitudes avec celle de 1929 : à chaque fois, la crise a été précédée d'une révolution (production de masse dans les années 1920, essor des nouvelles technologies de l'information et de la communication soixante-dix ans plus tard) et s'est accompagnée d'une forte montée des inégalités. L'auteur analyse ces différents phénomènes et conclut que la principale ressemblance entre les deux crises est, en fin de compte, le désajustement entre l'offre et la demande : la production a augmenté plus rapidement que la consommation. Afin de rééquilibrer l'offre et la demande, les Etats peuvent injecter de l'argent, ce qu'ils ont fait à chaque fois. Une autre solution est l'augmentation du niveau des salaires telle qu'elle a été réalisée dans les années de l'Après-guerre.


EGALEMENT DANS CE NUMERO

ECONOMIES ETRANGERES
L'économie espagnole à l'épreuve de la crise mondiale
Note de conjoncture de l'INSEE
Mathilde Clément, Mathilde Pak et Laure Turner
L'intégration réussie de l'Espagne à la zone euro masque les nombreux déséquilibres accumulés depuis par l'économie ibérique. Si l'entrée de l'Espagne dans l'Union économique et monétaire (UEM) a permis la baisse des taux d'intérêt, celle-ci a également contribué à accroître la consommation et l'investissement par l'endettement privé et a ainsi provoqué le creusement du déficit de la balance courante. Elle a en outre occasionné une forte augmentation des coûts salariaux unitaires. Ces déséquilibres ont rendu l'économie espagnole particulièrement vulnérable à la crise actuelle. Avec le retournement des marchés immobilier et du crédit, les anciens moteurs de la croissance se sont enrayés. Le chômage s'est accru et le déficit de productivité s'est creusé avec les autres grands pays de la zone euro (Allemagne, France et Italie).

ENTREPRISES
Délocalisations : nouvelles tendances
L'Expansion Management Review
Jean-Louis Muchielli
Avec la crise économique mondiale, le spectre des délocalisations d'activités industrielles et de services vers les pays émergents ou les pays d'Europe centrale et orientale (PECO) a ressurgi brutalement. De nombreux dirigeants s'en sont inquiétés et n'ont pas hésité à mettre en garde les entreprises contre un recours éventuel à ces stratégies. Au cours des deux dernières décennies, les grandes entreprises ont déployé des stratégies de multinationalisation de plus en plus complexes dans le sens d'une externalisation et d'une fragmentation internationales de la production. Dans le même temps, les investissements directs étrangers (IDE) ont connu une croissance très rapide. La crise, par son ampleur et sa gravité, pourrait quelque peu changer la donne. Les firmes multinationales peuvent en effet être tentées de réduire leurs coûts en se lançant dans de nouvelles délocalisations ou de limiter leurs risques en opérant un recentrage sur leur territoire national.

ORGANISATION DU TRAVAIL
Les mutations de l'organisation du travail et de la relation salariale
Ecoflash
Jean-Pierre Durand
Au cours des dernières décennies, le travail s'est considérablement transformé. La diffusion des technologies de l'information et de la communication (TIC), l'évolution du salariat et l'expansion considérable du secteur des services ont entraîné au fil du temps d'importants changements de l'appareil productif. Au début des années 1990, les transformations induites par les nouvelles exigences de profits nets et par la concurrence globalisée ont transfiguré l'entreprise ainsi que la relation salariale. Aujourd'hui, il semble que le modèle d'organisation de l'entreprise " après-fordien " soit à son tour entré en crise, mais nul n'est réellement en mesure de prévoir ce que sera le modèle productif de demain.

No 2.980
14 octobre 2009

Le bilan de l'économie française 2009


Pourquoi le nombre de naissances continue-t-il d'augmenter ?
Population et sociétés
Gilles Pison
Les dernières statistiques de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) sur la natalité montrent une nouvelle progression du nombre des naissances, avec une hausse de 1,2 % en 2008 par rapport à 2007. Avec plus de deux enfants par femme, la France affiche l'indice de fécondité le plus élevé d'Europe, derrière l'Irlande. Cette hausse des naissances et de l'indicateur de fécondité ne signifie pas pour autant que les couples ont de plus en plus d'enfants. Paradoxalement, ils ont le même nombre d'enfants que ceux d'il y a trente ans, mais ils les ont plus tardivement. Ce report des maternités a fait baisser, un temps, le nombre des naissances ainsi que l'indicateur de fécondité. La fin de ce mouvement se traduit aujourd'hui par leur remontée.

Le chômage repart à la hausse
Premières informations et Premières synthèses
DARES et INSEE
En 2008, le recul de l'activité économique s'est traduit par une baisse de l'emploi. Tous les secteurs marchands ont été touchés, y compris ceux qui étaient fortement créateurs d'emplois depuis des années, comme la construction ou le tertiaire. A la fin de l'année, le recours au chômage partiel a augmenté alors que, dès le printemps, le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT), qui avait baissé en 2006 et 2007, est reparti à la hausse, pour atteindre, à la fin de l'année 2008, 7,6 % pour la France métropolitaine, soit 2,1 millions de personnes. Les jeunes ont été les principales victimes de ce retournement de tendance sur le marché du travail.

Fort ralentissement de l'activité
INSEE Première
Antonin Aviat, Guillaume Houriez et Ronan Mahieu
En 2008, le produit intérieur brut (PIB) progresse en moyenne annuelle de 0,4 % après 2,3 % en 2007. L'activité recule depuis la fin du premier trimestre 2009 en raison de la forte décélération de la demande intérieure. Les échanges sont également affectés : les exportations ont cessé de croître et le ralentissement des importations est plus prononcé encore. Quant au taux de marge des sociétés non financières (SNF), il baisse tandis que l'activité des sociétés financières stagne.

Faible augmentation des dépenses de consommation des ménages
Note de conjoncture
INSEE
En 2009, le revenu disponible brut (RDB) des ménages devrait ralentir fortement en raison du repli des revenus d'activité en période de récession. Le plan de relance du gouvernement pourrait en revanche redynamiser les prestations sociales et ainsi garantir un certain niveau de pouvoir d'achat. Mais celui-ci serait insuffisant pour augmenter la consommation des ménages, ralentie par la hausse du chômage. L'accroissement de l'épargne de précaution retarderait en outre les investissements des ménages, notamment en matière de logements.

Le déficit de la balance des paiements se creuse davantage
Balance des paiements et position extérieure de la France
Banque de France
En 2008, le solde des transactions courantes de la France enregistre un déficit de 44 milliards d'euros, soit 2,3 % du produit intérieur brut (PIB) ; en 2007, le déficit représentait 1 % du PIB. La dégradation du solde des transactions courantes de - 19 à - 44 milliards est attribuable au déficit des échanges de biens ; hors énergie, celui-ci est légèrement excédentaire. L'excédent des échanges extérieurs de services est lui aussi stable, à 14 milliards, avec une diminution de l'excédent touristique, compensée par la progression du solde des autres services. En matière d'investissements directs, les investissements des entreprises françaises sont plus soutenus que ceux des entreprises étrangères dans l'Hexagone. Quant aux sorties de capitaux, elles se rapprochent des sommets enregistrés il y a dix ans.

Le déficit s'amplifie
Le Chiffre du commerce extérieur
DGDDI
Après un premier trimestre 2008 dynamique, les échanges ont marqué le pas, avant de chuter en fin d'année. La forte baisse des ventes de l'industrie automobile et des biens intermédiaires explique cette évolution. Si les exportations ont mieux résisté dans les secteurs des biens de consommation et des biens d'équipement, elles n'ont pas pour autant échappé au ralentissement. La hausse des prix du pétrole et du gaz jusqu'à l'été 2008 a également entraîné un alourdissement de la facture énergétique. Sur l'ensemble de l'année, le déficit s'est amplifié pour atteindre au final 55,7 milliards d'euros.

Une situation inquiétante des finances publiques
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Cour des comptes
Le diagnostic sur la situation des finances publiques met en évidence une dégradation inquiétante. Par rapport à 2007, le déficit se creuse de 0,7 point à 3,4 % du produit intérieur brut (PIB) et la dette, également mesurée en pourcentage du PIB, passe de 63,8 % à 68,1 %. L'impact de la crise économique demeure donc encore relativement limité, mais les finances publiques françaises souffrent d'importantes difficultés structurelles. Globalement, la situation de la France est plus préoccupante que celle des autres pays européens. Concernant les perspectives au-delà de 2009, le rapport montre que le déficit public pourrait être encore très élevé en 2012 et que la dette publique pourrait très fortement augmenter. Dans ces conditions, un risque de dérive de cette dernière, qui sera lourd de conséquences, ne peut pas être écarté. Pour l'éviter, un effort d'ajustement est inévitable.


EGALEMENT DANS CE NUMERO

ECONOMIE NUMERIQUE
L'information en ligne peut-elle devenir payante ?
ENA hors les murs
Eric Scherer
Le modèle de la gratuité de l'information en ligne semble être arrivé à un tournant. Quelques grands éditeurs pensent en effet désormais à rendre payant l'accès à leurs journaux en ligne. Si ce changement de stratégie suscite l'enthousiasme du secteur de la presse d'information, de sérieux doutes persistent encore sur la viabilité d'un tel modèle. Depuis plusieurs années, le modèle dominant est celui de la gratuité. Pour certains experts, " appliquer un système de micro-paiements sur des sites d'information équivaut à mettre une gare de péage sur l'océan ". Mais tout le monde ne partage pas ce point de vue, comme le souligne l'auteur, qui propose de remplacer les contenus gratuits par des services payants, comme l'accès à des informations exclusives ou en " preview ". Quoi qu'il en soit, aucun modèle
de remplacement du gratuit n'est parvenu jusqu'à présent à faire l'unanimité.

ENTREPRISES
Du bazar aux grands magasins
Responsabilité et environnement
Luc Marco
Au début du XIXe siècle, l'entrepreneur français André-Martin Labbé, décida de créer à Paris des lieux destinés à faire connaître les produits des nouvelles entreprises florissantes. Ces magasins de " nouveautés " allaient devenir ce qu'on appelait communément à l'époque les bazars et qui deviendraient les grands magasins actuels. Le Bazar Bonne-Nouvelle fut le premier d'entre eux. Lieu d'exposition couvert, préservé des saletés de la rue, abritant de nombreux magasins en location reliés par des galeries, celui-ci bénéficia d'une excellente situation géographique puisqu'il fut créé au cœur des grands boulevards, le quartier des affaires de l'époque, à proximité de la gare de l'Est. La stratégie commerciale qui contribua à la naissance des grands magasins s'avéra révolutionnaire.

No 2.981
28 octobre 2009

Sortie de crise à la chinoise


Les effets pervers du plan de relance chinois
Alternatives internationales
Zhang Hong
Avec la crise économique mondiale, les deux principaux " moteurs " de la croissance chinoise se sont mis à tourner au ralenti. Les exportations vers les marchés occidentaux et les investissements directs étrangers (IDE) en Chine ont en effet tous deux chuté de plus de 20 % au premier semestre 2009. Pour inverser la tendance, le gouvernement a investi quelque 600 milliards de dollars (13 % de son produit intérieur brut - PIB) destinés à la relance de l'économie. Mais ce plan de relance n'est pas sans danger. L'accroissement des dépenses publiques devrait, en effet, selon l'auteur, conduire à un excès d'offre que l'économie chinoise risque de ne pas résorber à court terme. La politique très agressive d'expansion du crédit pourrait en outre, au final, se solder par un important gâchis de ressources.

Crise économique et stabilité sociale en Chine
Lettre du Centre Asie
Hélène Le Bail
Depuis 2008, le climat social en Chine s'est dégradé. Le nombre total de chômeurs a fortement augmenté, surtout dans les villes où il a atteint 11 % au printemps 2009. Les diplômés de l'université de 2008 (12 % sont actuellement sans emploi) et les travailleurs migrants, que l'on estime à environ 130 millions d'individus (16 % d'entre eux sont au chômage) sont les populations les plus touchées. Plusieurs provinces ont rapidement mis en place un certain nombre de mesures pour prévenir d'éventuels mouvements sociaux. La hausse des revenus agricoles a stimulé le retour à la campagne d'un grand nombre de travailleurs migrants au chômage et permis de désengorger les villes. Les bourses à l'emploi locales ont également facilité le retour à l'emploi de plus d'un million d'entre eux.

Heureux comme un consommateur chinois
Topic - HEC Eurasia Institute
Jacques Gravereau et Héloïse Brière
Si les exportations chinoises ont été affectées par la crise économique mondiale qui a réduit les débouchés vers les pays occidentaux, la consommation intérieure, elle, semble pour le moment mieux résister. Les biens de consommation durable (automobile, produits électroniques et de luxe) bénéficient toujours d'une demande soutenue. Mais ils ne sont pas les seuls. Le secteur des services poursuit également son expansion. Les mesures mises en place, dans le cadre du plan de relance, par le gouvernement chinois, comme l'incitation au crédit à la consommation, la distribution à grande échelle de coupons de réduction et les subventions incitant à renouveler les voitures et les appareils électroménagers semblent avoir porté leurs fruits.

Quel rôle pour la Chine dans la quête de la stabilité économique mondiale ?
L'Economie politique
André Grjebine
Jusqu'à ce que la crise survienne, l'économie mondiale reposait sur la dépendance mutuelle entre les Etats-Unis et la Chine. Les consommateurs américains consommaient à crédit grâce à l'épargne chinoise placée dans les bons du Trésor émis par les Etats-Unis. Si cet équilibre s'est avéré instable, il semble cependant qu'il soit appelé à perdurer. Si la Chine se mettait en effet en tête de renoncer à cette dépendance, elle devrait changer son modèle de croissance jusque-là fondé sur les exportations, pour se recentrer sur son marché domestique. Or, l'absence de subventions versées aux chômeurs, aux malades et aux plus démunis constitue un frein au décollage de la demande domestique chinoise. Il semble de surcroît difficile de stopper dans son élan le développement des industries exportatrices, qui sont par ailleurs encore pourvoyeuses d'emplois.

La Chine face aux enjeux du réchauffement climatique
La note de veille
Centre d'analyse stratégique
Les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la Chine, qui représentent désormais un quart de celles de la planète, pourraient doubler d'ici à 2030 et ainsi dépasser les quantités maximales fixées à l'échelle mondiale comme objectifs à atteindre d'ici à 2050. La Chine a néanmoins entrepris de réels efforts en matière d'environnement et entend prendre une part active aux négociations lors de la Conférence de Copenhague de décembre 2009 qui devrait constituer une étape importante dans la préparation de l'après-Kyoto. Si l'empire du Milieu, soucieux de préserver sa croissance économique, refuse pour le moment tout objectif contraignant de réduction de ses émissions, il pourrait toutefois accepter de participer au marché mondial de permis négociables d'émissions susceptible d'être mis en place par les pays développés et en transition.

Voiture électrique : le pari " branché " de la Chine
Time Magazine
Bryan Walsh
L'entreprise BYD, premier producteur mondial de batteries électriques et tout nouveau constructeur automobile chinois, dont l'homme d'affaires philanthrope et américain Warren Buffet détient, depuis septembre 2008, 10 % des parts, fait figure aujourd'hui de fer de lance de la Chine en matière de technologies vertes et de transports propres. Les voitures électriques devraient compter pour plus de la moitié du marché automobile en 2020 en Chine. La course à l'automobile électrique a déjà commencé notamment avec les constructeurs américains soutenus par des subventions budgétaires conséquentes.

La Chine sera-t-elle l'hyperpuissance du XXIe siècle ?
Géopolitique
François Lafargue
Le poids gigantesque de la Chine dans l'économie mondiale, en termes démographique, commercial et financier, n'est plus à démontrer. Le centre de gravité de l'économie mondiale se déplace-t-il pour autant vers l'Asie ? Selon l'auteur, la réponse est négative. La Chine n'est tout simplement pas encore prête à rivaliser avec les Etats-Unis. L'empire du Milieu ne devrait pas intégrer, d'ici à 2025, le club des pays riches, selon certains économistes comme Françoise Lemoine, si l'on retient comme critère le produit intérieur brut (PIB) par habitant. Le revenu moyen actuel d'un Chinois n'équivaut en effet aujourd'hui qu'à 18 % de celui d'un Américain. La hausse du coût de la vie et la montée du chômage risquent, en outre, d'aggraver la situation sociale en Chine. Pour des raisons davantage structurelles, le pays devrait également mettre du temps à devenir un foyer d'innovations technologiques, en raison notamment d'un environnement peu propice à l'entrepreneuriat.


EGALEMENT DANS CE NUMERO

MONNAIE ET FINANCE
La crainte du retour de l'inflation
L'Observateur immobilier du Crédit foncier
Eric Buffandeau
Alors que la crise économique mondiale a un temps fait ressurgir le spectre de la déflation, c'est désormais un retour de l'inflation qui est anticipé à moyen terme. Cette dernière pourrait en effet représenter une solution face au niveau très élevé de l'endettement public. Cette anticipation d'un retour de l'inflation se nourrit de la contraction de l'activité qui est finalement un peu plus faible qu'attendu, de la hausse des prix du pétrole et des stratégies de " reflation " adoptées par différents gouvernements, qui vont jusqu'à la monétisation des dettes publiques. Néanmoins, compte tenu de l'ampleur de la récession, la crainte d'un retour de l'inflation reste paradoxale, comme le souligne l'auteur, car la pression à la baisse des prix persiste. Globalement, le risque paraît très exagéré, et cela même à un horizon de cinq ans.

DEVELOPPEMENT
Les investissements étrangers et l'attractivité structurelle des pays du sud de la Méditerranée
Accomex
Marc Lautier
Les performances économiques décevantes des pays du sud de la Méditerranée (PM) depuis une vingtaine d'années sont mises sur le compte de leur insuffisante participation à la dynamique de la mondialisation. Cette marginalisation se traduit par un manque d'attractivité que semble illustrer le niveau relativement limité des investissements directs étrangers (IDE) qui entrent dans ces économies. En réalité, la lenteur de la croissance des PM est, selon l'auteur, surtout due aux faiblesses structurelles de leurs systèmes productifs. La faiblesse des flux d'IDE en serait le symptôme plus que la cause.

ECONOMIES ETRANGERES
Dubaï dans la tourmente
Variances
Elies Chitour
La mise en œuvre du plan stratégique de Dubaï, cité-Etat des Emirats arabes unis, entre 2000 et 2008, a permis à l'économie dubaiote de croître à un rythme de 16 % en moyenne par an, l'un des taux de croissance les plus élevés au monde. En outre, la formation de nombreux clusters, principalement des zones franches, a, en attirant les investissements directs étrangers (IDE), considérablement réduit la dépendance de l'économie vis-à-vis des hydrocarbures dont la part dans le produit intérieur brut (PIB) est passée de 10 à 3 %. Mais ce qui peut apparaître comme un processus de diversification s'avère être en réalité une nouvelle dépendance vis-à-vis, cette fois, de l'immobilier. Certains projets d'investissements atteignent des montants colossaux, jusqu'à 160 milliards de dollars, soit trois fois le PIB de la cité-Etat. Si les succès de Dubaï dans l'immobilier sont incontestables, ils ont fortement contribué à la formation d'une bulle immobilière dont les conséquences risquent d'être, à terme, douloureuses pour l'économie

Numéro spécial 2.982
11 novembre 2009


DOSSIER :
L'économie européenne...vingt ans après


En guise d'introduction

Les formes inattendues de la puissance européenne
Les essais de Telos
Zaiki Laïdi
Pour décrire l'Europe, on se sert souvent de l'image selon laquelle les pays européens seraient à la fois un géant économique et un nain politique. Zaki Laïdi réfute cette conception trop simpliste de l'Europe. Pour lui, celle-ci est un empire, plus précisément un empire normatif : en tirant avantage de la force de son marché intérieur, riche, attractif et organisé, l'Europe dispose d'un extraordinaire pouvoir pour imposer ses normes au reste du monde. L'auteur rappelle ainsi que ce sont les Européens qui sont à l'origine de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ou du Protocole de Kyoto. Le pouvoir normatif de l'Europe s'étend également à la régulation de la concurrence, ainsi qu'à la gouvernance mondiale. Cette préférence pour la norme s'explique par l'essence même du projet européen. Le seul moyen de lier durablement des pays qui entendent rester souverains est en effet de les faire adhérer à une norme commune d'autant plus contraignante qu'elle aura été négociée.

Des réussites

Europe centrale : la transition économique
Politique étrangère
Sandor Richter
La transition d'une économie planifiée vers une économie de marché est un processus long et difficile. Confrontés d'abord à l'effondrement de leurs économies avec une chute très importante du produit intérieur brut (PIB), les pays d'Europe centrale ont dû traverser une première période difficile marquée par plusieurs crises financières. Mais au fil du temps, la libéralisation des marchés, les privatisations et les politiques de stabilisation macroéconomique ont porté leurs fruits. La perspective de l'adhésion à l'Union européenne a joué un rôle considérable dans ce processus. Aujourd'hui, vingt ans après le début de la transition, les niveaux de développement à l'ouest et au centre du continent se sont rapprochés de façon significative. Cependant, les inégalités se sont creusées et le chômage se maintient, dans un certain nombre de pays de la région, à des niveaux élevés. En 2013, le passage à l'économie de marché sera enfin achevé avec la levée des restrictions sur l'égalité de traitement entre anciens et nouveaux membres de l'Union.

L'euro, monnaie des peuples
Politique internationale
Christian Noyer
Il y a un an, l'euro célébrait ses dix ans d'existence. Première monnaie sans Etat de l'histoire, l'euro par l'origine de sa création et les fondements de son fonctionnement est sans doute l'expression la plus emblématique du projet européen des pères fondateurs de l'Union. La monnaie unique se veut et se révèle, en effet, selon l'auteur, être un instrument de stabilité, de prospérité et de paix en Europe, voire dans le monde. L'euro peut contribuer à la cohésion interne de ses Etats membres et jouer un rôle protecteur non négligeable en situation de crise économique, comme semblent l'avoir montré les évènements récents. Le rôle international de la devise européenne comme monnaie de réserve, de facturation et de paiement, se développe graduellement. Le renforcement de l'Europe, grâce au succès de l'euro, est de nature à accroître la concertation internationale pour la résorption des déséquilibres économiques et monétaires mondiaux.


Le modèle social européen résiste
La note de veille du CAS
Yves Chassard et Jean-Louis Dayan
Dans le domaine social, il existe bel et bien un modèle européen. Il se caractérise par son haut niveau de protection des individus contre les aléas de la vie. Si on veut juger l'influence de la mondialisation sur les principales sécurités qu'il procure, il faut différencier deux pans du modèle social. En ce qui concerne le secteur de la protection sociale, il s'avère que l'idée selon laquelle la mondialisation engendrerait une course vers le bas et ébranlerait les bases du modèle social européen (MSE) n'est pas toujours vérifiée dans les faits. Les systèmes sociaux en Europe doivent plutôt gérer des défis internes comme le vieillissement démographique ou les inégalités sociales. Quant à la protection de l'emploi, celle-ci a subi les profonds changements qu'ont connus les modèles productifs en Europe. Tous les pays européens ont ainsi assoupli leur législation dans ce domaine et le modèle de la " flexicurité " semble devenir pour les Européens le nouvel horizon en matière de modèle social.

Les leçons de la crise

La zone euro face à la crise : premières leçons
Bulletin de l'Observatoire des politiques économiques en Europe
Michel Dévoluy
L'Union européenne (UE) disposait-elle de tous les instruments économiques nécessaires pour gérer la crise ? L'histoire a montré qu'une combinaison pertinente des principaux moyens d'action à la disposition des pouvoirs publics, à savoir les politiques monétaire et budgétaire (policy mix), permettait de faire face à une conjoncture difficile, comme celle que toutes les grandes économies du monde vivent actuellement. Or, dans le cas de l'UE, contrairement aux Etats-Unis, ces politiques sont élaborées distinctement et n'obéissent pas aux mêmes objectifs : la politique monétaire relève de la Banque centrale européenne (BCE) qui veille à la stabilité des prix, tandis que chacun des Etats membres mène de façon autonome la politique budgétaire dans le respect du Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Dans ces conditions, mettre en œuvre, au niveau européen, un policy mix est difficile, voire impossible. A l'avenir, il serait souhaitable, selon l'auteur, que la BCE élargisse ses objectifs prioritaires au-delà de la seule stabilité des prix. En outre, un véritable budget européen, financé par un impôt, devrait être institué.

La gouvernance européenne face à la crise
La note de veille du CAS
Marie-Cécile Milliat
La crise économique actuelle agit comme un révélateur des forces et faiblesses de la gouvernance européenne. Cette dernière renvoie à l'ensemble des règles, processus et comportements qui influent sur l'exercice des pouvoirs au niveau européen. Elle est représentée par le triptyque Commission/Parlement/Conseil : la Commission européenne formule des propositions législatives, le Conseil des ministres les adopte à la majorité qualifiée ou en codécision avec le Parlement et la Cour de justice garantit le respect de l'Etat de droit. Ce mode de gouvernance permet une gestion sur la durée et en " temps calme ", mais rencontre des difficultés dans les périodes de crise, car l'Union européenne n'est pas une structure fédérale. Elle ne dispose pas, en vertu des traités, de tous les moyens que peuvent mobiliser les Etats. La présidence française de l'Union qui s'est déroulée pendant la crise actuelle, a redonné une place centrale au Conseil européen, et a ainsi donné l'impression aux opinions publiques nationales qu'il " existait un gouvernement européen ". En matière de gouvernance, le traité de Lisbonne apporte plusieurs suppléments, mais il reste à savoir si ces apports seront en mesure de rendre le système de gouvernance européen plus efficace.


Des politiques européennes en question

Les inégalités de niveau de vie menacent l'avenir de la construction européenne
Alternatives économiques
Guillaume Duval
Si le passage d'une Communauté à une Union et d'un marché commun à un marché unique a permis à la construction européenne de progresser, l'élargissement, depuis 2004 et 2007, à de petits pays aux niveaux de vie très inférieurs à ceux des pays riches de l'Union européenne (UE) a engendré un fractionnement croissant de l'espace politique. Le creusement des inégalités au sein de l'UE a conduit les pays d'Europe centrale et orientale (PECO) à mener des stratégies de rattrapage fondées sur le dumping fiscal et social ravivant ainsi les tensions entre les Etats membres. Forts de leur avantage structurel qui leur permet de compenser, avec une hausse de leurs exportations, le recul de leur demande intérieure - ou d'attirer suffisamment de capitaux étrangers, en abaissant les taux d'imposition, pour qu'au final les rentrées fiscales augmentent -, les petits pays sont les principaux gagnants de l'élargissement. Dans un tel contexte, ceux-ci n'ont aucun intérêt à défendre un projet d'intégration européenne. Mais en réalité, tout le monde y perd car le résultat de cette concurrence interne grandissante est que la croissance économique ne cesse de ralentir au sein de l'UE. Seule la crise que l'Europe traverse aujourd'hui pourrait amener les pays membres à sortir de ce jeu non coopératif.

Pour une PAC refondée en politique alimentaire commune
Paysans
Lucien Bourgeois
La crise alimentaire des années 2007-2008 a montré la fragilité de l'équilibre alimentaire dans le monde. La spécialisation internationale de la production agricole et l'ouverture des frontières ne permettent en définitive ni de régulariser les cours, ni d'assurer la sécurité alimentaire mondiale. A travers la Politique agricole commune (PAC), les Européens se sont donné dans le passé, malgré l'exigüité de leur territoire, les moyens d'assurer leur sécurité alimentaire. La PAC a permis de réduire la volatilité des prix des produits agricoles et de stabiliser les revenus des agriculteurs. Cette politique a entraîné une croissance sans précédent de la productivité des exploitations agricoles qui a bénéficié aux industries agroalimentaires et aux consommateurs. Mais la PAC présente aussi de graves faiblesses. La spécialisation à outrance des exploitations agricoles s'est faite au détriment de l'emploi et de la préservation de la biodiversité. Malgré de nombreuses réformes, les aides publiques versées aux agriculteurs restent en grande partie illisibles. Refonder la PAC passe, aujourd'hui, selon l'auteur, par un retour aux fondamentaux de toute politique agricole. Assurer la sécurité alimentaire du monde permettrait à l'Union de retrouver de la cohésion et une ambition pour le XXIe siècle.

L'Europe dans l'économie de la connaissance : l'histoire et les enjeux
Prospective stratégique
Janez Potocnik
En mars 2000, au Conseil européen de Lisbonne, l'Europe en quête d'un nouveau souffle s'est fixé l'objectif de devenir, d'ici à 2010, " l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique au monde ". A quelques mois de l'échéance, force est de constater que l'objectif ne sera pas atteint. La stratégie de Lisbonne en perd-elle pour autant sa pertinence ? Assurément non ! Dans un monde globalisé, où " la connaissance " joue un rôle central dans l'économie, la stratégie de Lisbonne doit plus que jamais rester un objectif politique global de l'Union. Son échec relatif tient pour partie à sa méthode non contraignante qui ne permet d'obtenir que des résultats limités et de surcroît assez lentement. L'objectif de Lisbonne reste atteignable à plus longue échéance. Mais il sera nécessaire pour cela de repenser la méthode de mise en œuvre de la stratégie, d'accélérer le processus de création d'un espace européen de la recherche, d'augmenter de façon significative la part de la recherche et développement (R&D) dans le produit intérieur brut (PIB) de l'Union européenne (UE) et d'engager à l'échelle européenne une véritable politique technologique et industrielle.

L'Europe doit se préparer au vieillissement de la population
Horizons bancaires
Giuseppe Carone et Declan Costello
Quatre phénomènes concourent actuellement au vieillissement de la population européenne : un taux de fécondité inférieur au seuil de remplacement des générations, la diminution des flux migratoires annuels nets entrants, le départ à la retraire des baby boomers qui accroît le taux de dépendance des personnes âgées et enfin, la progression de l'espérance de vie à la naissance, de 8 ans depuis 1960. Les répercussions sur l'emploi et la croissance du vieillissement de la population qui a gagné les vingt-sept Etats membres de l'Union européenne (UE) devraient être significatives. Si, selon les auteurs, l'augmentation du taux d'emploi contrebalancera la diminution prévue de la taille de la population d'âge actif - résultant du départ en retraite de la génération des baby boomers -, le nombre d'actifs devrait, en revanche, sur la fin de la période, reculer de près de 30 millions. Le taux de croissance potentiel annuel moyen du produit intérieur brut (PIB) devrait, en outre, chuter à 1,2 % entre 2031 et 2050. Mais dans la mesure où l'impact du vieillissement sur les finances publiques est un processus lent et prévisible, il revient aux Européens de sý préparer.

L'avenir de l'Europe

L'Europe en 2025 : du soft power au smart power ?
Géoéconomie
Pascale Joannin
L'Union européenne (UE), forte aujourd'hui de vingt-sept Etats membres, dispose de nombreux atouts. Première zone de production (22,6 % du produit intérieur brut - PIB mondial), première puissance commerciale (16,5 % des échanges mondiaux) et premier investisseur (420 milliards d'euros), l'UE est en outre une puissance démocratique sans cesse renouvelée grâce au principe de l'élargissement. L'Europe a également réussi à imposer ses normes en matière de commerce et elle s'est dotée d'un soft power, opposé au hard power qui a longtemps caractérisé les Etats-Unis. Mais, face à la concurrence de plus en plus vive des pays émergents, l'UE devra prendre modèle sur les Etats-Unis et se saisir du smart power (le pouvoir de l'intelligence) que ces derniers maîtrisent, à l'heure actuelle, à la perfection. Les Européens devront pour cela investir massivement dans la recherche et développement (R&D) et dans leur système éducatif.
No 2.983
25 novembre 2009

Relever le défi climatique

Le débat sur la taxe carbone en France
Futuribles
Christian de Perthuis
Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, la France s'est engagée à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre (GES) entre 1990 et 2050. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement a décidé, suivant en partie les préconisations de la commission sur la contribution " climat et énergie " présidée par Michel Rocard, d'instaurer à partir de 2010 une taxe carbone de 17 euros par tonne de CO2 (dioxyde de carbone). Ce nouvel impôt vert fait, depuis, l'objet d'un vif débat. S'il doit permettre, à terme, de modifier les comportements des agents économiques, son introduction pose un certain nombre de difficultés comme le niveau du taux d'imposition optimal, le problème de la compensation pour les ménages les plus pauvres et les salariés résidant loin de leur lieu de travail ou celui de la taxation de certaines activités professionnelles fortement émettrices de CO2.

Réduire les gaz à effet de serre : la boîte à outils des économistes
Etude de la mission Climat
Caisse des dépôts et consignations
A l'heure où la France s'interroge sur la nécessité d'instaurer une taxe carbone, les économistes réfléchissent aux possibilités dont disposent les Etats en général pour lutter contre le réchauffement climatique. L'étude de la mission Climat de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) passe en revue les différents instruments de réduction des gaz à effet de serre (GES) et en montre les avantages et les inconvénients. Si l'instauration d'une taxe semble avoir fait ses preuves en Suède ou en Norvège, elle serait difficile à mettre en œuvre au niveau international. Le marché d'émissions de GES, lui, permet de jouer sur les volumes et présente l'avantage d'octroyer plus de liberté aux Etats. Mais ce système a aussi des imperfections. Il est notamment susceptible d'encourager les comportements spéculatifs...

J-12 avant le sommet de Copenhague !
Lettre de l'OFCE
Eloi Laurent et Jacques Le Cacheux
A la veille du sommet de Copenhague qui se tiendra du 7 au 18 décembre 2009, les Etats-Unis et l'Union européenne (UE) doivent, afin de convaincre, notamment la Chine de participer à un accord global, donner l'exemple en se mettant d'accord sur des engagements ambitieux en matière de lutte contre le réchauffement climatique. La clé du succès du sommet de Copenhague tient ainsi à la détermination et à la crédibilité des Etats-Unis et de l'UE. Or, si les Européens font figure de leaders en matière de lutte contre le réchauffement climatique, le paquet énergie-climat, adopté en décembre 2008, ne fait pas l'unanimité parmi les Etats membres. Les Américains, de leur côté, peineront à faire accepter par le Sénat un programme contre lequel les opposants, même parmi les Démocrates, sont légion.

Et si Copenhague échouait ?
Rapport du Conseil d'analyse économique
Jean Tirole
Les négociations ayant abouti, il y a une dizaine d'années, à la mise en œuvre du Protocole de Kyoto ont été considérées comme un demi-échec en raison de la non-ratification par les Etats-Unis de ce dernier et de l'absence de contraintes pour les grands pays émergents. Le sommet de Copenhague, en décembre 2009, constituera une étape cruciale pour l'après-Kyoto. Jean Tirole fixe, dans un rapport récent du Conseil d'analyse économique (CAE), le cadre de ce que serait un accord global optimal. Selon lui, une approche globale fondée sur un système unique de droits d'émissions négociables, avec un prix unique du carbone fixé au niveau international et une allocation mondiale des droits à polluer, serait préférable à toutes les autres solutions. Mais les dispositifs actuels de lutte contre le réchauffement climatique, dont il évalue également l'efficacité, ne vont pas dans le sens d'une coopération internationale efficace. Tel est le cas du mécanisme de développement propre (MDP) qui, bien que largement utilisé, présente en effet un certain nombre d'effets pervers.

L'adaptation au changement climatique : une nécessité pour les pays en développement
Responsabilité et environnement - Annales des mines
Marc Gillet
Le réchauffement climatique est un phénomène cumulatif : le CO2 (dioxyde de carbone) relâché dans l'atmosphère y demeure plusieurs dizaines d'années (de cinquante à deux cents ans). Ainsi, même si les Etats s'avéraient capables à l'avenir de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre (GES), celles lâchées dans l'atmosphère, il y a plusieurs années, ont d'ores et déjà entraîné un changement profond du climat. C'est pourquoi, mettre en œuvre rapidement des mécanismes d'adaptation au changement climatique est devenu impératif. Ce principe consiste, selon la définition qu'en donnent les spécialistes, à " s'interroger sur les actions à entreprendre afin de vivre, dans les meilleures conditions possibles, les climats du futur en réduisant notre vulnérabilité face au changement climatique qui se produira malgré tout ". Mais l'adaptation coûte très cher (déplacer les populations, reboiser, modifier les modes de construction, etc.) et les régions qui en ont le plus besoin sont aussi les plus pauvres. Longtemps sous-estimé, l'enjeu de l'adaptation figure désormais à l'agenda de la plupart des programmes d'aide au développement.



EGALEMENT DANS CE NUMERO

DEVELOPPEMENT
Développement, croissance et pauvreté
Ecoflash
Akiko Suwa-Eisenmann
L'écart de développement entre les pays riches et les pays pauvres se maintient, écart souvent observé en termes monétaires. La pauvreté relative est en effet généralement exprimée en fonction du revenu et s'élève avec le niveau de vie de la population. De même, la pauvreté absolue est fondée sur la valeur du panier de consommation nécessaire pour survivre. Mais les besoins fondamentaux concernent aussi les capacités à tenir sa place dans la société (pouvoir s'éduquer, se soigner, voter). Ces mises au point sont essentielles pour mieux distinguer la croissance du développement et considérer celui-ci comme un phénomène structurel impliquant une réelle transformation de la société et des individus. Si, il y a quelques années, le débat sur les relations entre croissance, développement et pauvreté se focalisait sur les aspects monétaires, il semble qu'il tienne désormais davantage compte des avancées de la recherche en économie. Les économistes disposent, il est vrai, aujourd'hui d'enquêtes détaillées sur les conditions de vie dans les pays en développement (PED) qui leur permettent de prendre en compte les dimensions extra-monétaires du développement.

COMMERCE INTERNATIONAL
Le commerce victime de la mondialisation ?
La Lettre du CEPII
Agnès Bénassy-Quéré et alii
La crise économique mondiale a été marquée par un effondrement du commerce mondial. Ce recul brutal sensiblement plus prononcé que celui de la production a été interprété par certains comme le revers de la médaille de la mondialisation. Après avoir favorisé l'accélération des échanges commerciaux, la nouvelle division internationale du travail aurait créé les conditions du recul observé à l'occasion de la crise. Les auteurs montrent au contraire que l'intensité des échanges de biens intermédiaires n'est pas en cause dans la sur-réaction du commerce au choc subi par l'activité. Ce phénomène s'explique plutôt par des facteurs de court terme, propres à une crise dont l'origine est financière comme les contraintes de crédit, le retournement brutal des anticipations ou le déstockage.

ECONOMIE DU TRAVAIL
Le salarié sous tension
Cadres
Francis Karolewicz
Au moment où les médias attirent l'attention sur le cas de plusieurs salariés de grandes entreprises qui se sont récemment suicidés sur leur lieu de travail, expliquant ce geste par la dégradation de leurs conditions de travail, la montée du risque psychosocial s'inscrit pour la première fois en tête des consultations pour pathologies professionnelles en France. Tel est en effet le résultat d'une récente publication de l'Agence française de sécurité sanitaire, de l'environnement et du travail (AFSSET). Mais ce constat n'est pas nouveau : depuis longtemps, la France a l'un des taux d'absentéisme et de consommation d'antidépresseurs les plus élevés d'Europe. La souffrance au travail s'observe davantage dans les grandes entreprises où une partie importante des salariés ne se sent pas reconnue par le management tant sur le plan de la rémunération que de l'évolution de carrière. La pression du résultat et l'augmentation croissante de la charge de travail entraînent, de surcroît, des troubles de plus en plus nombreux chez les salariés. Les TPE (très petites entreprises) sont, elles, certes confrontées aux mêmes contraintes, mais offrent un cadre qui peut plus facilement conjuguer motivation, responsabilisation et satisfaction.
No 2.984
09 décembre 2009

Pandémies et économie


La pandémie de grippe A/H1N1 : quelle menace pour la reprise ?
ECO Flash - BNP Paribas
Raymond Van der Putten
Le coût économique de la pandémie de grippe A/H1N1 est, pour l'heure, marginal. L'ampleur qu'elle pourrait prendre est difficilement prévisible car nous manquons à son sujet de repères historiques. La grippe espagnole de 1918/1919 s'est déroulée dans les conditions très particulières de l'Après-guerre et le cas du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) n'a concerné que deux pays (Hong Kong et le Canada). Plusieurs scénarios sont envisagés pour la grippe A. Dans le pire des cas, un an après le déclenchement de la pandémie, le produit intérieur brut (PIB) pourrait chuter de plus de quatre points, les effets étant concentrés sur les premiers mois. Dans l'hypothèse d'une propagation plus modérée, l'impact sur l'activité économique pourrait se limiter à -1 %. Le gouvernement français s'est préparé au pire : il a acheté près de 100 millions de doses de vaccin pour un coût d'environ 800 millions d'euros.

Economie et grippe A/H1N1 : voir plus loin que l'épidémie actuelle
Le Figaro
Nicolas Bouzou
Si l'épidémie de grippe A/H1N1 s'avérait plus grave que prévu, elle pourrait constituer un obstacle à la reprise. Mais elle peut également avoir du bon. D'abord, elle rappelle le lien fondamental qu'entretiennent l'économie et la santé : la bonne santé des individus est une condition indispensable pour le développement économique, notamment des pays pauvres. Ensuite, l'auteur rappelle que la pandémie actuelle peut aussi être l'occasion de revoir certains aspects de l'organisation du travail, comme la place du télétravail ou celle du temps choisi. Mais plus encore, la grippe a la vertu de ressembler à un essai grandeur nature face aux deux risques majeurs auxquels sont confrontées nos économies : le risque terroriste et le risque de pandémie. La lutte contre ces deux risques représente un bien public global.

Laboratoires pharmaceutiques : les vaccins anticrise
Le nouvel Economiste
Aurélien Clerc
Le modèle économique des grands laboratoires pharmaceutiques est en train de changer. Il a longtemps reposé sur l'exploitation de rentes créées par certains médicaments phares, les " blockbusters ". Cependant, la concurrence des médicaments génériques remet en cause ce modèle. La fabrication des vaccins, traditionnellement la " vache à lait " des laboratoires, secteur d'activité peu dynamique mais sûr, joue un rôle central dans la réorientation de leur stratégie. Plusieurs raisons expliquent ce revirement. D'abord, le progrès technologique a permis de passer du vaccin préventif au vaccin thérapeutique, ce dernier offrant beaucoup plus d'applications. Ensuite, la nature des vaccins joue en faveur des laboratoires : ce sont des produits biologiques, c'est-à-dire vivants. Le risque de concurrence par des génériques est donc minime. Le secteur des vaccins a dès lors toutes les chances de représenter un nouveau relais de croissance pour les grands laboratoires. Les pouvoirs publics ont pris conscience de l'importance stratégique de ce secteur et lui apportent un soutien, financier ou institutionnel, sans faille.


Vaccins : les producteurs du Sud s'organisent
Médecine Tropicale
Jean-Jacques Bertrand
Les producteurs de vaccins dans les pays du Sud ne sont plus absents des marchés internationaux : en valeur, ils représentent plus de 10 % de la production mondiale, en volume, leur contribution est plus importante encore en raison des prix peu élevés pratiqués dans la plupart de ces pays. La situation a donc beaucoup évolué depuis les années 1980 où le secteur était éclaté en une myriade de sociétés de petite taille. Aujourd'hui, il y a des producteurs locaux plus ou moins puissants (en Chine, en Inde, au Brésil, en Indonésie et dans les pays d'Europe centrale et orientale - PECO) et des groupes ayant une présence internationale et investissant fortement dans la recherche et développement (c'est le cas notamment en Inde). Les organisations internationales comme l'Organisation mondiale de la santé (OMS) encouragent ce processus en stimulant des alliances et des réseaux impliquant les producteurs du Sud. Leur importance est ainsi appelée à croître.

Comment produire des vaccins contre des maladies oubliées ?
Economists' Voice
Owen Barder, Michael Kremer et Heidi Williams
Il existe des maladies qui ne trouvent pas de traitement parce que les grands laboratoires ne sý intéressent pas. Souvent, ces maladies " oubliées " ne sont pas rares, mais concernent des milliers de personnes, comme le paludisme ou les formes de VIH présentes sur le continent africain. On attribue cette défaillance du marché au faible pouvoir d'achat des populations concernées, mais les véritables raisons ont un caractère plus technique. La première est l'inconsistance temporelle à laquelle sont confrontés les laboratoires : le coût de développement du vaccin est élevé, mais une fois le produit disponible, les gouvernements veulent l'offrir à un prix trop bas pour intéresser les laboratoires. L'autre facteur est le caractère de bien public du vaccin : tout le monde en profite, mais personne ne veut faire l'effort du développement. Pourtant des solutions existent pour sortir de cette impasse.

Les vaccins, l'Etat moderne et les sociétés
Médecine Sciences
Anne-Marie Moulin
Les vaccins ont permis un essor démographique sans précédent dans le monde. Un tournant décisif se situe dans les années 1950. Le début de la production de vaccins sur cultures cellulaires et les essais cliniques touchant des millions de personnes marquent le début de la diversification des vaccins et de leur production à une échelle industrielle. Les Etats se sont profondément impliqués et les vaccins ont ainsi contribué au développement des Etats-nations. Le sort des vaccins, qui sont aujourd'hui au cœur de l'actualité en raison de l'émergence d'une nouvelle souche du virus de la grippe, se règle désormais sur une scène de plus en plus globale où se déploie notamment l'activité des organisations internationales.


EGALEMENT DANS CE NUMERO

MARCHE DU TRAVAIL
L'impact de la crise sur l'emploi en France : quels ajustements ?
La note de veille du CAS
Maxime Liégey
Les crises et les mutations de l'économie contraignent le marché du travail à procéder à des ajustements. En France, le marché du travail actuel est caractérisé par une flexibilité à la marge, c'est-à-dire qu'il ne s'ajuste pas en profondeur mais qu'il utilise des amortisseurs de choc ponctuels. Il s'exerce alors comme une rétention de la main-d'œuvre dans les industries vieillissantes et le transfert de l'emploi des industries matures aux industries émergentes, comme l'industrie verte, est quasi inexistant. Lors de la dernière crise économique, c'est l'emploi intérimaire et les contrats à durée déterminée (CDD) qui ont joué les rôles d'amortisseurs de choc dans les secteurs industriel et des services respectivement. L'emploi permanent ne sert généralement pas de variable d'ajustement. Ainsi, les salariés en contrats stables ont été relativement épargnés par les destructions d'emplois au deuxième trimestre 2009. Ce phénomène de rétention de la main-d'œuvre n'est pas propre à la France. En effet, il ne dépend pas des facteurs institutionnels français mais est davantage dû aux recompositions structurelles du tissu productif qui ont eu lieu au cours de la seconde moitié des années 1990, dans la plupart des pays industrialisés. Le recentrage des entreprises sur leur activité principale et le recours à la sous-traitance ont, il est vrai, contribué à la multiplication du nombre d'emplois " à la marge ", comme l'intérim, qui servent désormais de variables d'ajustement au marché du travail.


ECONOMIES ETRANGERES
Allemagne : le bilan de la grande coalition et les défis de la nouvelle majorité
Lettre de l'OFCE
Paola Monperrus-Veroni
Lors des élections législatives allemandes de septembre 2009, les conservateurs (CDU) et leurs alliés libéraux (FDP) ont remporté une majorité confortable de sièges. Une nouvelle coalition constituée par les démocrates chrétiens d'Angela Merkel et les libéraux de Guido Westerwelle gouvernera l'Allemagne au cours des quatre prochaines années. Le volontarisme réformateur de la coalition sortante était absent des programmes électoraux des deux partis vainqueurs. Il faut dire que les marges de manœuvre en matière budgétaire ont été quelque peu entamées par la crise économique et financière, la plus grave qu'ait subie le pays depuis l'Après-guerre, ainsi que par les plans de relance. Le retour à l'orthodoxie budgétaire semble se profiler. Le débat sur le rééquilibrage des sources de la croissance et sur l'érosion du système de solidarité collective devrait également être, dans les prochains mois, particulièrement intense.

COMMERCE INTERNATIONAL
Les pays émergents dans le commerce international de l'UE
Isabelle Bensidoun, Guillaume Gaulier, Françoise Lemoine et Deniz Unal
La Lettre du CEPII
Au cours de la dernière décennie, les pays émergents, exportateurs de produits manufacturés, et les pays rentiers, exportateurs de produits primaires, ont accru leurs parts dans les exportations mondiales au détriment des pays avancés. Les pays émergents ont également constitué pour ces derniers de nouveaux débouchés et des partenaires dans la division internationale du travail. Bien positionnée sur ces marchés dynamiques, l'Union européenne (UE) a mieux résisté que les États-Unis ou le Japon à l'offensive des économies émergentes sur le marché mondial, n'enregistrant qu'un repli modéré de sa part dans les exportations mondiales.
No 2.985
23 décembre 2009

Bilan de l'économie mondiale 2009


La reprise risque d'être atone dans la plupart des pays de l'OCDE
Perspectives économiques de l'OCDE
OCDE
De la fin de l'année 2008 jusqu'à l'été 2009, la plupart des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont connu une baisse ininterrompue de leur produit intérieur brut (PIB). Le PIB de l'ensemble de la zone a ainsi diminué de 4,25 %. Mais certains signes indiquent toutefois que le pire de la récession est désormais derrière nous. L'ajustement des stocks, plus rapide que prévu, la reprise des économies émergents, le regain de confiance des entreprises et les effets stimulants des mesures de relance ont en effet contribué à atténuer la contraction de la production. Les conditions financières restent, en revanche, restrictives. L'année 2010 devrait être marquée par un taux de chômage particulièrement élevé - on prévoit 10 % aux Etats-Unis et 12 % dans la zone euro - et le volant de ressources inemployées devrait être d'une ampleur exceptionnelle.

Le taux de chômage tutoiera les 10 % dans les pays de l'OCDE en 2010
Perspectives de l'emploi de l'OCDE
OCDE
En décembre 2007, le taux de chômage de la zone de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a atteint son point le plus bas depuis le début des années 1980. Il est ensuite remonté et s'est élevé à 8,3 % en juin 2009. La crise économique mondiale a en effet entraîné la mise au chômage de 15 millions de travailleurs dans la zone. Selon l'OCDE, une nouvelle dégradation est à venir en 2010. Pour réagir à la crise, la plupart des pays ont mis en place des dispositifs de relance budgétaire dont la ponction cumulée sur le budget représente près de 4 % du produit intérieur brut (PIB) de la zone pour la période 2008-2010. Toutefois, ces dispositifs présentent, comme le montre l'étude de l'OCDE, d'importantes disparités.

Crise financière mondiale : acte II
Rapport annuel
Banque des règlements internationaux
L'année 2008, ainsi que le début de 2009, ont été marqués par les suites de la crise financière mondiale, la plus grave depuis cinquante ans. Tout au long de la période, les établissements financiers ont été au centre des préoccupations, car leurs problèmes de solvabilité et de liquidité ont fait courir le risque de produire une réaction en chaîne. La faillite de la banque d'investissement américaine Lehman Brothers à l'automne 2008 a constitué le point culminant de la crise. Ce n'est que depuis mars 2009 que la confiance revient progressivement sur les marchés financiers internationaux. La gestion de la crise a nécessité une riposte sans précédent des autorités monétaires, notamment des banques centrales. Ces dernières ont procédé à des baisses très importantes de leurs taux d'intérêt et ont mené une politique de bilan particulièrement active.






Fortes turbulences sur les marchés, normalisation relative en zone euro
Rapport annuel de la Banque de France
Christian Noyer
L'année 2008 et les premiers mois de 2009 ont été marqués par les incidences de la crise financière qui s'est, au fur et à mesure, transformée en une crise mondiale, touchant l'ensemble des marchés. Les marchés d'actions ont fortement chuté et les changes ont opéré un mouvement de repli sur le dollar qui a bénéficié de son statut de valeur refuge. Par ailleurs, les cours de toutes les matières premières ont connu une très forte volatilité, leur tendance globale, depuis les plus hauts atteints mi-2008, étant à la baisse. A l'inverse, la situation monétaire de la zone euro s'est révélée beaucoup plus stable. Suite au ralentissement des crédits accordés au secteur privé et malgré un contexte de baisse des taux de marché à court terme, la progression de l'agrégat M3 a ralenti, entamant ainsi une normalisation progressive du rythme de sa croissance.

Forte contraction des échanges commerciaux
Rapport sur le commerce mondial en 2009
OMC
Les signes d'une forte dégradation de l'économie mondiale sont devenus manifestes à la fin de 2008 et au cours des premiers mois de 2009. La crise économique mondiale a provoqué la contraction des flux commerciaux et la chute de la production. Une des caractéristiques de ce ralentissement des échanges en 2008/2009 est notamment que le fléchissement de la demande a été plus général que par le passé, toutes les régions étant touchées en même temps. On a en effet assisté, à partir de septembre 2008, à une baisse synchronisée des exportations et des importations des grands pays développés et en développement. La croissance du commerce des marchandises en termes réels a été de 2 % en 2008 contre 6 % en 2007. Avec la diminution de la croissance de la production mondiale en 2009, la chute du commerce s'est accentuée.

Le flux d'IDE victimes de la crise
Rapport sur l'investissement dans le monde 2009
CNUCED
Les flux mondiaux d'investissement direct étranger (IDE) ont été gravement affectés par la crise économique et financière. Le mouvement de baisse engagé entre 2007 et 2008 s'est ainsi encore accentué en 2009, avec un recul de 44 % des entrées d'IDE au premier trimestre 2009, selon les premières estimations de la CNUCED. La crise mondiale a également redistribué les cartes. La chute des flux d'IDE en 2008 vers les pays développés (29 %) s'est en effet accompagnée d'une forte hausse de la part des pays en développement et des pays en transition dans les flux mondiaux (43 %). En Afrique, les IDE ont atteint un niveau historique, l'Afrique de l'Ouest enregistrant une hausse de 63 % par rapport à 2007. En Asie du Sud-Est, du Sud et de l'Est un niveau record a également été atteint, avec une progression de 17 %. Ces bons résultats ne devraient toutefois pas se confirmer en 2009, car les flux d'IDE devraient reculer dans toutes les régions du monde.


EGALEMENT DANS CE NUMERO

ECONOMIES ETRANGERES
Les évolutions récentes du marché du travail dans les métropoles brésiliennes
Revue d'Economie Régionale et Urbaine
Amir Coelho Barros, Jean-Louis Girard, Lucia Silva Kubrusly et João Saboia
Le marché du travail brésilien a toujours présenté d'importants contrastes régionaux. La mise en place du plan Real, sous la présidence de Fernando Henrique Cardoso en 1994, semble toutefois avoir provoqué, au cours de la décennie 1995-2005 qui a suivi, une profonde mutation de l'emploi au Brésil. Les différentes évolutions de ce dernier dans les régions métropolitaines brésiliennes dépassent en effet le clivage habituel entre nord (Nordeste) et sud (Sudeste). Certaines régions réputées moins développées présentent une amélioration sensible de nombreux indicateurs (le nombre d'années de scolarisation, le pourcentage de personnes occupées, le revenu moyen, etc.). C'est le cas de Recife et de Fortaleza, au nord du pays. Au contraire, l'ensemble des régions les plus riches situées au sud (comme São Paulo et Brasília) connaissent, à l'exception de Porto Alegre, la tendance inverse. Cette situation préfigurerait donc une relative atténuation des disparités régionales.


DEVELOPPEMENT
Les transferts financiers des migrants sont-ils bénéfiques pour le développement ?
Techniques financières et Développement
Lucas Patriat
Les transferts financiers des migrants représentent une manne importante pour les pays d'origine. S'ils ont fortement diminué au cours de 2009, en raison de la crise économique mondiale - on parle même désormais de flux négatifs -, les transferts financiers ont, en dix ans, été multipliés par trois. Ils représentent actuellement le double de l'aide publique au développement (APD). Mais les effets de ces derniers sur le développement semblent contradictoires. Leur impact sur la balance des paiements est, certes, incontestable et cet argent permet en outre aux plus pauvres d'accéder aux biens de première nécessité. Certaines études montrent toutefois que la volatilité des sommes envoyées peut remettre en cause la validité de certaines études macroéconomiques qui insistent sur les effets positifs des transferts. Au niveau microéconomique, ceux-ci pourraient de surcroît avoir un effet contreproductif sur le comportement des bénéficiaires. Ces derniers pourraient avoir tendance pour vivre à ne compter que sur cette ressource financière et être ainsi moins enclins à chercher à travailler.

 

2010

No 2.986
06 janvier 2010

Japon : un modèle à réinventer


Le gouvernement Hatoyama confronté à des défis majeurs
Ecoweek - BNP Paribas
Raymond Van der Putten
La victoire électorale, l'été 2009, du Parti démocrate du Japon (PDJ) de Yukio Hatoyama constitue un tournant historique dans la vie politique du Japon. Elle met en effet un terme à plus de cinquante années de domination sans partage du Parti libéral démocrate (PLD). Le nouveau gouvernement qui a été porté au pouvoir sur le thème du changement s'est fixé un programme particulièrement ambitieux. Le Japon a été touché de plein fouet par la crise économique mondiale et s'il semble être sorti de la récession, la situation n'en demeure pas moins fragile. Alors que le gouvernement a commencé à mettre en œuvre ses premières mesures de politique économique, des doutes persistent sur sa capacité à mener à bien l'ensemble des réformes annoncées dans un contexte où la dette publique devrait bientôt atteindre 200 % du produit intérieur brut (PIB).

Le PDJ peut-il changer le Japon ?
Foreign Affairs
Yoichi Funabashi
L'alternance politique de l'été 2009 au Japon constitue un événement majeur. La victoire du Parti démocrate du Japon (PDJ) de Yukio Hatoyama a soulevé une vague d'espoir sans précédent dans un pays qui a subi de plein fouet la crise économique mondiale, mais qui surtout semble ne s'être jamais véritablement remis des conséquences de l'éclatement de la bulle financière des années 1980. Les difficultés économiques de l'Archipel, sur fond de réformes d'inspiration libérale, ont fini par fragiliser des pans entiers de la société japonaise. Aujourd'hui, le pays est en quête d'un nouveau modèle qui lui permettrait de renouer avec le dynamisme économique et de remédier à des déséquilibres sociaux de plus en plus prononcés. Le Japon - qui est en passe de perdre son rang de deuxième économie mondiale - souhaite également redéfinir les liens qui l'unissent à ses deux principaux partenaires : la Chine et les Etats-Unis. Le défi que doit relever le PDJ est donc à la mesure de sa victoire : historique !

Le déclin de l'Archipel révèle la faillite du néolibéralisme
Le Monde
Sébastien Lechevalier
Le Japon a vécu une année 2009 qui restera à n'en pas douter dans les annales. L'Archipel a été non seulement un des pays les plus durement touchés par la crise, mais il est également désormais sur le point de céder sa place chèrement acquise depuis 1968 de deuxième puissance économique mondiale, à la Chine ! Pour les uns, la crise s'explique avant tout par un choc extérieur puisque les fondamentaux - à l'exception de la dette publique - étaient plutôt bons avant 2008. Pour les autres, cette thèse n'est pas convaincante : la crise est plutôt pour eux la manifestation d'un déclin structurel du Japon engagé depuis plusieurs années. Une troisième piste doit, selon l'auteur, être explorée. La crise ne serait pas tant celle du modèle théorique de l'économie japonaise que la faillite de la politique d'inspiration néolibérale menée dans l'Archipel depuis le début des années 1980.




Le Japon renonce à l'emploi à vie
Alternatives économiques
Camille Dorival
Au cours des deux dernières décennies, le marché du travail japonais a subi des transformations profondes. Le modèle dominant de l'emploi à vie, qui imprègne encore fortement les esprits quand on pense à l'économie nipponne, appartient désormais au passé. Le ralentissement économique qui a suivi l'éclatement de la bulle financière a d'abord entraîné une augmentation du chômage à partir du début des années 1990. Les entreprises ont ensuite cherché, pour rester compétitives, à flexibiliser leur main-d'œuvre. Ces évolutions concomitantes ont conduit à ce qu'aujourd'hui, seule une partie des salariés bénéficie encore de l'emploi à vie : les hommes et les travailleurs qualifiés. Les autres, les femmes, les jeunes et les moins qualifiés, sont devenus la variable d'ajustement d'un marché du travail où les précaires sont de plus en plus nombreux.

Le déclin annoncé de la population japonaise
Population et sociétés
Jacques Véron
Selon les projections démographiques de l'Institut national de recherche japonais sur la population et la sécurité sociale, l'Archipel devrait compter moins de 100 millions d'habitants d'ici à 2050 contre 128 millions aujourd'hui. Parmi les pays développés, le Japon est sans doute celui dans lequel le processus de vieillissement et de dépopulation est le plus avancé. L'Archipel a en effet l'une des plus basses fécondités du monde - 1,3 enfant en moyenne par femme - et l'espérance de vie la plus élevée de la planète. Dans les prochaines années, en raison de l'augmentation du nombre des 65 ans et plus, la population active devrait continuer de diminuer et le taux de dépendance s'accroître fortement.


EGALEMENT DANS CE NUMERO

SECTEURS
Peut-on vraiment réformer les professions réglementées ?
La Gazette de la société et des techniques
Jean-François Jamet et Xavier Piccino
En 2008, la commission Attali, à l'occasion des travaux qui ont abouti à la rédaction du Rapport pour la libération de la croissance française, s'est intéressée à la situation de nombreuses professions réglementées. Les mécanismes de protection mis en place, parfois depuis plusieurs siècles, pour assurer la qualité de services aux consommateurs, sont en effet devenus dans quelques cas de véritables rentes de situation. L'ouverture de certaines de ces professions, souvent en position de monopole - comme les métiers judiciaires (notaires, avoués, huissiers...) et de santé (pharmaciens, vétérinaires...), ainsi que certains services (taxis, cafés, coiffeurs...) - offrirait des opportunités d'emploi et de croissance. Cependant, la réforme de ces professions, esquissée à plusieurs reprises par les gouvernements successifs, n'a jamais abouti. Outre la mobilisation efficace des corporations en question, cette inertie pourrait aussi s'expliquer par le fait que le cadre de référence de la réforme devient de plus en plus européen.


CONSOMMATION
Vente à distance : l'activité augmente mais l'emploi reste stable
Consommation et modes de vie
Martial Ranvier et Raphaël Wintrebert
Dynamisée par le e-commerce dont le chiffres d'affaires a atteint 20 milliards d'euros en 2008 -10 milliards supplémentaires sont attendus pour 2010 -, l'activité de la vente à distance (VAD) connaît une croissance exceptionnelle qui devrait se renforcer dans les années à venir. Celle-ci est essentiellement due à l'arrivée des pure players (les entreprises qui ne vendent que sur l'Internet), opposés aux click and mortar dont la distribution est également physique (magasins). Mais l'expansion de la vente à distance ne semble pas bénéficier à toutes les entreprises du secteur. Si l'effectif salarié devrait rester stable dans l'ensemble (26 000 personnes environ), celui des grandes entreprises vendant par correspondance (VPC) se réduira sensiblement au profit de l'effectif des petites structures et des pure players qui recruteront bien davantage.

MARCHE DU TRAVAIL
Des entreprises satisfaites de leurs recrutements ?
Le 4 pages du CEE
Guillemette de Larquier
Le débat concernant le marché du travail se focalise souvent sur les moyens que mettent en œuvre les chômeurs pour trouver un emploi et les difficultés de certaines entreprises à recruter. En revanche, les efforts de recherche et de recrutement fournis par ces dernières et la satisfaction qu'elles en retirent sont rarement étudiés. L'enquête Offre d'emploi et recrutement (Ofer) révèle que les entreprises sont globalement satisfaites de leurs embauches. En même temps, elles ný consacrent qu'un effort relativement modéré. Il apparaît en effet que les entreprises sont d'autant plus satisfaites qu'elles ont eu peu de candidats à départager. Pourtant, un effort plus soutenu dans l'évaluation des candidats semble améliorer l'appréciation que les établissements portent sur les candidats et les mettrait à l'abri d'un turnover imprévu.

REVENUS ET SALAIRES
Le salaire : première source d'insatisfaction vis-à-vis de l'emploi en 2007
INSEE Première
Pauline Charnoz et Michel Gollac
En 2007, le salaire apparaissait comme la première source d'insatisfaction vis-à-vis de leur emploi pour une majorité de salariés. Cette insatisfaction concernant la rémunération était exprimée par 55 % des travailleurs des entreprises de plus de dix salariés du secteur marchand et devançait celle concernant les conditions de travail, la stabilité de l'emploi et le temps de travail. L'écart entre salaire perçu et salaire jugé " normal " est relativement important : la moitié des salariés l'évalue à plus de 330 euros mensuels. Les salariés jugent leur niveau de rémunération par comparaison avec celui d'autres salariés aux caractéristiques proches. Le sentiment d'appartenir à une entreprise qui paie bien ou mal influence également leur opinion.
No 2.987
20 janvier 2010

Fin de règne pour le dollar ?

Le dollar face à la crise : un refuge pas très sûr
La Lettre du Cepii
Agnès Bénassy-Quéré
Depuis le début de la crise financière en 2007, le dollar a connu une évolution erratique. Deux phases de dépréciation/appréciation se sont succédé, mais à la fin de 2009, le niveau du taux de change du dollar n'était pas très éloigné de celui du début de la crise. Cette évolution du billet vert a surpris, car la crise qui a débuté aux Etats-Unis, jette un doute sérieux sur la stabilité du système financier et le dynamisme de l'économie américaine. L'observation des composantes de l'offre et de la demande d'actifs en dollar permet de mieux comprendre la situation. Ainsi, si les titres du Trésor américain ont joué leur rôle traditionnel de valeur refuge surtout au début de la crise, les investisseurs internationaux ont nettement réduit leurs placements dans des titres privés américains. En revanche, les Américains ont massivement rapatrié des capitaux. L'évolution future du dollar reste l'une des grandes incertitudes de l'après-crise, même si, compte tenu de la persistance des équilibres de balances de paiement dans le monde, l'hypothèse d'un dollar faible paraît la plus probable.

La versatilité du modèle américain et le dollar
Revue d'économie financière
Jacques Mistral
Dans le passé, on a pu constater une certaine corrélation entre les fluctuations du dollar et le succès du modèle économique américain. Ainsi, on peut formuler l'hypothèse selon laquelle les variations du taux de change du dollar sont le reflet de la versatilité du succès de l'économie américaine et constater que la tendance longue du modèle américain est baissière en raison de l'affaiblissement des paramètres fondamentaux de son insertion internationale. En même temps, les Etats-Unis sont dotés d'une capacité de rebond sans égale qui conduit, en fin de compte, les investisseurs internationaux à miser à chaque fois sur la supériorité du modèle américain. La crise actuelle suggère que nous sommes arrivés à la fin d'un tel cycle et qu'à court et moyen termes, le billet vert restera faible.

Le dollar : pivot du système monétaire international
Géopolitique
Michel Aglietta
Depuis plus d'un demi-siècle, le dollar est le pivot du système monétaire international (SMI). Le fait que le SMI repose sur une devise clé s'explique par les avantages qu'elle procure en termes d'externalités de réseau et de liquidité. Par contre, l'hégémonie du billet vert est contestée par des facteurs qui lui sont propres, mais également par des éléments liés à la construction du SMI. Ainsi, les Etats-Unis ont tendance à créer de la monnaie en fonction de leurs propres besoins qui n'ont aucune raison de coïncider avec ceux du reste du monde. Par ailleurs, le SMI est hétérogène : il est composé de monnaies évoluant dans des systèmes de change fixe ou de change flexible. Cette dernière caractéristique, combinée à la polarisation des déséquilibres financiers (Chine/Etats-Unis), conduit à l'instabilité de l'ensemble du système. La crise actuelle peut avoir une influence positive, car elle a attiré l'attention sur la nécessité de repenser la gouvernance du SMI.

Vers la double guerre des taux de changes
Les Echos
Patrick Artus
La crise économique mondiale semble toucher à sa fin et on discute maintenant des scénarios de sortie de crise. Compte tenu du mouvement de désendettement du secteur privé dans les pays industrialisés, le retour à la croissance ne peut venir ni de leur demande intérieure, ni des exportations vers les autres pays de l'Organisation de développement et de coopération économiques (OCDE), mais plutôt des pays émergents. Cependant, la plupart des pays occidentaux partent avec un handicap en termes de compétitivité dans cette relance des marchés. Cette situation conduit, selon l'auteur, à une double guerre des changes : entre les pays de l'OCDE, d'une part, et entre les Etats-Unis et la Chine ainsi que les pays exportateurs de pétrole, de l'autre.

La fin du dollar n'est pas pour demain
Le Monde
Pierre-Antoine Delhommais
Le dollar est aujourd'hui affaibli par la crise économique et plusieurs pays, dont la Chine, ont exprimé le souhait de le voir remplacé par une nouvelle monnaie internationale. Cependant, il semble qu'il ne s'agisse pas de signes, au moins directs, annonçant la fin du dollar. Aucun signal concret ne laisse présager un tel scénario. Par ailleurs, les nombreux avantages liés à la devise américaine maintiennent le statu quo. Cette inertie du système monétaire international (SMI) est aussi liée à l'absence d'alternatives réalistes : les Droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international (FMI) sont loin d'être prêts à devenir une véritable monnaie, le yuan chinois n'est pas convertible, l'euro n'est pas porté par de solides ambitions politiques et un retour vers l'or, personne ne l'envisage.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

FINANCE
Comment fonctionne un hedge fund ?
Le Débat
Donald Mac Kenzie
La crise financière de l'automne 2008 a provoqué un regain d'intérêt concernant les pratiques des principaux acteurs intervenant sur les marchés. Parmi ces derniers figurent les hedge funds qui, bien que très souvent décriés dans les médias, n'en restent pas moins relativement méconnus. En 1998 déjà, la faillite du fonds LTCM avait mis en péril le système financier international. La dernière crise en date a provoqué la chute de nombreux hedge funds, mais ceux qui ont survécu à la tourmente vont pouvoir saisir les opportunités offertes par la décision de certaines banques de se désengager du marché des instruments financiers risqués.

MONDIALISATION
La montée du Sud ravive les tensions économiques entre les pays
Accomex
Nicolas Meunier
Si les économies qui répondent au terme générique " Sud " sont très diverses, elles semblent, dans leur ensemble, peser plus lourd dans l'économie mondiale depuis quelques années. Ainsi, le produit intérieur brut (PIB) du Sud représente désormais 30 % du PIB mondial. Le nombre de capitalisations boursières émanant du Sud a, en outre, doublé en dix ans et la part des investissements directs à l'étranger (IDE) réalisés par les pays émergents sur le territoire de leurs semblables représentait, en 2005, 40 % du total des IDE (contre 20 % en 1995). Le poids politique des pays émergents et en développement s'est également accru : le G7 a cédé sa place au G20 et les organisations internationales, comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, ont accepté de revoir la répartition entre leurs membres des quotas de décision. Cette nouvelle configuration géopolitico-économique tend à raviver les tensions entre les pays, notamment entre ceux du Nord et du Sud, ainsi qu'autour des ressources naturelles.

PROTECTION SOCIALE
Agences régionales de santé : vers une meilleure gouvernance du système de santé ?
Droit social
Pierre-Louis Bras
Depuis plus d'une décennie, les réformes mises en œuvre dans le domaine de la santé ont toutes eu pour objectif de modifier la gouvernance du système de soins et d'assurance-maladie. La loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (loi HPST) s'inscrit dans ce processus à travers la création des agences régionales de santé (ARS). Ces dernières visent à rassembler dans un organisme unique, à l'échelon régional, les administrations en charge d'assurer la régulation et la supervision des différentes composantes du système de santé. Pour comprendre les raisons qui ont présidé à la mise en place de cette nouvelle organisation et en saisir les limites, l'auteur resitue la genèse des ARS dans la globalité de l'histoire de la Sécurité sociale.
 

No 2.988
3 février 2010

A quand la prochaine crise alimentaire ?

Les initiatives internationales pour lutter contre la faim sont peu nombreuses
The Economist
Si aucun chef d'Etat du G8 n'a assisté - à l'exception de Silvio Berlusconi - au sommet des Nations unies pour l'alimentation, le premier depuis 2002, qui s'est tenu à Rome du 16 au 22 novembre 2009, cette réunion a toutefois permis de relancer le débat sur la question alimentaire. La hausse des prix alimentaires mondiaux, en 2007-2008, la plus forte depuis trente ans, a certes pris fin, mais les déséquilibres structurels mondiaux n'ont, eux, pas disparu. Des initiatives internationales ont récemment vu le jour - le G8 a, notamment, promis d'augmenter les dépenses consacrées au développement agricole - mais les initiatives les plus importantes demeurent nationales. Pourtant, selon le magazine britannique The Economist, il est urgent, pour prévenir une nouvelle crise alimentaire, de trouver une solution internationale afin d'améliorer le fonctionnement du marché agricole mondial.

L'autosuffisance alimentaire n'est pas un rempart contre la crise
La vie des Idées
Antoine Bouet et David Laborde-Debucquet
Le protectionnisme en matière agricole est aujourd'hui une pratique bien établie : le taux moyen de protection du secteur agricole mondial est quatre fois plus élevé que celui du secteur industriel (16,4 % contre 3,9 %). Le commerce international des produits agricoles progresse moins vite que l'échange de produits industriels. Les ajustements aux chocs de demande sont donc particulièrement lents. Pourtant, le protectionnisme agricole ne serait pas responsable, selon les auteurs, du déclenchement des crises alimentaires. Les politiques protectionnistes tendraient au contraire à faire baisser les prix des biens agricoles à long terme : la demande serait découragée par les droits de douane et les contingents tandis que la production aurait tendance à croître. A trop se focaliser sur la question du protectionnisme agricole, on aurait, selon les auteurs, tendance à laisser de côté d'autres facteurs susceptibles, eux, de favoriser l'apparition d'une nouvelle crise alimentaire...

Quand le Sud vend sa terre
Alternatives économiques
Pascal Canfin
Si l'achat de terres agricoles dans les pays en développement (PED) par certains pays riches n'est pas un phénomène nouveau, celui-ci s'est amplifié ces dernières années lorsque la hausse des prix des biens agricoles a fait prendre conscience à certains Etats de leur dépendance en matière alimentaire. Depuis deux ans, de nouveaux acheteurs, des Etats ou des entreprises privées totalement étrangères au secteur de l'agroalimentaire, se portent acquéreurs de terres arables dans certains PED comme à Madagascar ou en Afrique. Les vendeurs en tirent une rente non négligeable ou échangent leurs terres contre des matières premières comme le pétrole. Les acheteurs y voient un moyen de se prémunir contre la volatilité des prix des marchés agricoles devenus de plus en plus spéculatifs. Mais l'auteur nous rappelle que ces opérations ne sont pas sans risques.

Ces réfugiés de la faim
Manière de voir
Jean Ziegler
Si le sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique fut l'occasion d'attirer l'attention des médias et des chefs d'Etat et de gouvernement sur le sort des réfugiés climatiques, l'auteur revient, ici, sur un phénomène moins récent mais qui n'a pas pour autant disparu, bien au contraire : les réfugiés de la faim. Ces derniers sont particulièrement nombreux sur le continent africain où le nombre de personnes sous-alimentées est passé de 81 à 203 millions entre 1972 et 2002. Les populations côtières sont les plus touchées par ce phénomène. Cette situation s'expliquerait par la disparition, ces dernières années, de communautés entières de pêcheurs qui n'ont pas pu résister à l'intensification de la concurrence. Les réfugiés alimentaires sont de plus en plus nombreux à venir frapper aux portes de l'Union européenne (UE). Mais la plupart d'entre eux, refoulés aux frontières, sont renvoyés à leur sort et contraints de survivre dans des conditions de plus en plus précaires.
La faim dans le monde : vraies et fausses solutions
L'Economie politique
Stéphane Madaule
Les terribles émeutes de la faim de l'été 2008 ont brutalement ramené au premier plan la question de l'équilibre alimentaire de la planète. Les mouvements erratiques des marchés internationaux ont montré que ces derniers pouvaient être un facteur de diffusion de la faim. Pour que la lutte contre la faim soit réellement efficace, l'investissement dans l'agriculture et l'alimentation dans les pays en développement doit redevenir une priorité. Cet investissement ne sera néanmoins suivi d'effets, selon l'auteur, que s'il s'accompagne d'une régulation des marchés, seule susceptible de permettre à l'économie libérale de produire tous ses bienfaits.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

TRAVAIL
Le nouveau monde de la production
Sciences Humaines
Pierre Veltz
Si la question de l'emploi est aujourd'hui celle qui domine le débat sur l'évolution du travail, notamment concernant ses formes juridiques, les préoccupations à l'égard du travail lui-même, son contenu, son contexte organisationnel et relationnel sont tout aussi importantes. Les catégories auxquelles on recourt habituellement pour définir et décrire le travail semblent désormais avoir perdu de leur pertinence. Ce constat vaut pour les catégories générales de classement des activités (primaire, secondaire et tertiaire), la mesure de la productivité dans l'entreprise ou le lien entre travail individuel et travail organisé. L'auteur propose une nouvelle grille de lecture, plus opérante, qui permet de prendre en compte les évolutions qu'ont connues, au cours des dernières années, les organisations du travail, ainsi que les modes de production.


COMMERCE INTERNATIONAL
Crise et commerce : les déboires du haut de gamme
La Lettre du CEPII
Antoine Berthou et Charlotte Emlinger
Le commerce mondial a fortement chuté entre la fin de 2008 et le début de 2009. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit un recul de près de 12 % en volume et de 25 % en valeur (dollars) des échanges pour l'ensemble de 2009 par rapport à l'année précédente. La chute du commerce a particulièrement touché les produits haut de gamme. Les études montrent que sur une décennie, l'élasticité-revenu des importations de ces produits se révèle environ 60 % supérieure à celle des importations de produits bas de gamme. Dans un contexte de crise économique mondiale, cette plus grande sensibilité au revenu a davantage pénalisé les exportateurs de produits haut de gamme.

EUROPE
La politique européenne de développement : une réponse à la crise de la mondialisation ?
Fondation pour l'innovation politique
Jean-Michel Debrat
A l'heure des crises internationales - qu'elles soient alimentaire, climatique, financière ou énergétique - le monde en développement a plus que jamais besoin d'un partenariat solide avec l'Europe. Certes, l'Union européenne (UE) fournit déjà 60 % de l'aide publique au développement, soit l'équivalent de 93 euros par citoyen européen en 2007, mais la politique de développement de l'UE demeure confrontée à des défis stratégiques majeurs, comme notamment les écarts de développement économique et humain à l'intérieur des différents espaces proches de l'Europe. Construire une capacité d'intervention politique et opérationnelle à la mesure de son ambition régionale et globale est dans l'intérêt stratégique de l'Europe, tout comme le besoin de voir ses voisins se développer et prospérer. Mais pour atteindre ces objectifs, une nouvelle architecture de l'aide européenne reste encore à trouver.

No 2.989
17 février 2010

Comment sortir de la crise ?

Les dilemmes de la sortie de crise
Alternatives économiques
Sandra Moatti
Depuis quelques mois, les signes de reprise des économies des pays développés deviennent de plus en plus tangibles. Celle-ci reste toutefois fragile et de nombreuses menaces obscurcissent l'horizon. Parmi ces dernières, l'augmentation du chômage est sans doute la plus inquiétante. Des arbitrages délicats en matière de politiques budgétaire et monétaire attendent les gouvernements et les banques centrales. Les multiples facteurs qui ont donné naissance à la crise n'ont pas disparu et le monde n'est plus, après ce choc, tout à fait le même. La crise a redistribué les cartes entre pays riches et pays émergents. La Chine, en particulier, va jouer un rôle de plus en plus déterminant. Ce nouveau contexte géoéconomique sera, à plus long terme, un facteur essentiel dans la manière dont les économies convalescentes parviendront à sortir de la crise.

Quelles stratégies adopter ?
Lettre de l'OFCE
Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak
Les finances publiques des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sont-elles soutenables ? La crise a en effet provoqué de fortes hausses des déficits et des dettes publics. Faut-il rapidement réduire les dépenses de l'Etat et augmenter les impôts pour rétablir les comptes publics au risque de freiner la reprise ? Faut-il compter sur la reprise pour réduire les déficits publics ? Les organisations internationales comme le Fonds monétaire international (FMI) ou l'OCDE ont commencé à engager une réflexion sur la stratégie budgétaire de sortie de crise mais sans vraiment tirer les leçons des événements des deux dernières années. Dans la mesure où le niveau d'activité reste nettement inférieur à la production potentielle et que la croissance prévue pour 2010 se situe également en dessous de la croissance potentielle, les politiques budgétaires ainsi que la politique monétaire doivent, selon les auteurs, rester expansionnistes, comme l'engagement en a d'ailleurs été pris au G20 de septembre 2009 et au Conseil européen d'octobre 2009.

Etats-Unis : la reprise en butte à de formidables obstacles
Crédit Agricole - Perspectives Trimestriel
Hélène Baudchon et Michael Carey
La récession la plus grave qu'aient connue les Etats-Unis depuis la Grande Dépression des années 1930 a pris fin l'été dernier. Si la récession est donc techniquement terminée, la reprise s'annonce délicate car de nombreux facteurs pourraient en freiner le rythme. Parmi ces derniers figurent la hausse de l'épargne des ménages qui souhaitent reconstituer leur patrimoine détruit durant la crise, la faiblesse du marché de l'emploi, les incertitudes des entreprises et l'assouplissement plutôt lent des conditions d'octroi de crédit. Les auteurs estiment toutefois, qu'à moins d'une erreur de politique économique, la probabilité d'une rechute en récession de l'économie américaine n'est aujourd'hui que de 20 %.





L'Asie à la rescousse ?
Finances et Développement
Olivier Blanchard
La récession que le monde vient de traverser sort de l'ordinaire. Il ne sera donc pas aisé pour l'économie mondiale de retrouver rapidement le chemin d'une croissance vigoureuse. La crise a sans doute entraîné une baisse de la production potentielle. Dans ces conditions, la reprise ne s'accompagnera pas de taux de croissance très élevés. Pour qu'elle soit durable, il va falloir, selon l'auteur, procéder à de délicats rééquilibrages, tant à l'intérieur des différentes économies qu'au plan international. Aux Etats-Unis comme ailleurs, un rééquilibrage entre dépense publique et dépense privée sera à terme indispensable. Il sera enfin probablement nécessaire pour consolider la reprise de parvenir à une augmentation des exportations nettes des Etats-Unis et à une diminution équivalente dans le reste du monde, essentiellement en Asie.

A la recherche d'un modèle de croissance
Esprit
Entretien avec Michel Aglietta et Alain Lipietz
Si la plupart des pays avancés semblent désormais sortis de la récession, les facteurs à l'origine de la crise demeurent. De même, les questions de fond qui ont été soulevées à l'occasion de ce choc économique majeur sont pour la plupart d'entre elles restées, jusqu'à présent, sans véritable réponse. La seule question qui, depuis quelques mois, hante les esprits est de savoir si la reprise sera durable. Pourtant, selon les auteurs, nous sommes face à une remise en cause systémique. Notre modèle de croissance ne peut donc être relancé à l'identique. L'enjeu fondamental est de parvenir à inventer d'autres modèles. A cet égard, la croissance verte figure aujourd'hui parmi les alternatives les plus prometteuses.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

MARCHE DU TRAVAIL
Soixante ans de réduction du temps de travail dans le monde
Insee Première
Gérard Bouvier et Fatoumata Diallo
Depuis 1950, la durée annuelle du travail a baissé dans tous les pays développés. Cette évolution s'explique tout d'abord par l'effet de la salarisation de l'emploi - ce facteur s'observe surtout jusqu'au milieu des années 1960 -, puis par la réduction de la durée annuelle de travail des salariés à temps complet, qui commence à se mettre progressivement en place à partir de la fin de cette décennie. Plus récemment, elle résulte également du développement du temps partiel. Cet effet est un peu moins fort en France depuis la mise en place des 35 heures. Bien que générale, la baisse a nettement accentué les différences entre les pays : aujourd'hui, la durée annuelle varie de 1 413 heures aux Pays-Bas à plus de 2 150 heures en République de Corée.

INDICATEURS
Mesurer le bien-être : retour sur le rapport Stiglitz
Commentaire
André Babeau
Si le produit intérieur brut (PIB) reste l'indicateur privilégié de l'évolution du bien-être d'une population, il est, de l'avis de tous, insuffisant car il ne fait référence qu'à des mesures de flux (production, revenu, consommation) et non à la notion de patrimoine (stocks). La version définitive du rapport de la Commission Stiglitz, remis au président de la République, Nicolas Sarkozy, en septembre 2009, ne réserve, selon l'auteur, qu'une place modeste au patrimoine. Mais, quoi qu'il en soit, la référence aux stocks plutôt qu'aux flux, ne suffit pas à établir une mesure convenable du bien-être. Seule la pluralité des approches - qui prêtent notamment attention au ressenti des individus - le permettrait. Des outils existent déjà : depuis trente-cinq ans, l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) publie ses Données sociales. De même, les travaux du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC) sont riches d'enseignement. La difficulté tient essentiellement au rapprochement cohérent de ces données macroéconomiques, au niveau national comme au niveau international.

CONSOMMATION
Quand consommer, c'est travailler
Idées
Marie-Anne Dujarier
La consommation est souvent opposée au travail. On associe aussi généralement la première à la pure jouissance et le second à la pénibilité. Or, les consommateurs sont de plus en plus impliqués, sans qu'ils en prennent véritablement conscience, dans la production des biens et services qu'ils consomment. Leur contribution (l'installation d'un kit d'abonnement à l'Internet, la customisation d'un produit, etc.) étant gratuite, les entreprises auraient tort de se priver de cette main-d'œuvre qui par ailleurs est disponible, motivée et fidèle. Les spécialistes de la sociologie du travail et de la consommation voient dans cette " coproduction " un véritable travail puisque le consommateur s'engage dans des " tâches productives prescrites, socialement organisées dans le but de créer de la valeur économique ".
No 2.990
03 mars 2010

La presse : le dilemme gratuit-payant

Chronique d'une automutilation
NZZ Folio
Kurt W. Zimmermann
2009 fut pour la presse une année noire. Si la crise économique n'a pas épargné ce secteur, les difficultés auxquelles font face les journaux sont bien plus profondes. Le principal problème tient à ce que la presse a, en un peu plus d'une décennie, assisté à la destruction de son modèle économique vieux de 400 ans. Celui-ci reposait sur un financement plus ou moins équilibré entre les recettes tirées de la publicité et des annonces et celles obtenues grâce à la vente. Vers 1995, le modèle a commencé à vaciller avec l'offre de journaux gratuits et le développement de l'Internet, qui va aboutir à la mise en ligne gratuite des articles de presse. Cependant, ni l'offre gratuite sur le Web, ni les journaux imprimés proposés gratuitement n'ont réussi à atteindre l'équilibre financier, car désormais la plupart des annonces publicitaires ne se font plus dans la presse papier, mais sur l'Internet, notamment par l'intermédiaire de Google.

La presse écrite à l'épreuve d'Internet
Etudes
Antoine de Tarlé
L'histoire de l'Internet et de la presse ressemble à un malentendu. Les éditeurs de presse ont d'abord cru qu'ils pourraient attirer des lecteurs vers des offres payantes après leur avoir offert des " amuse-bouches " copieux d'articles gratuits. Ensuite, la migration de la publicité du support papier vers le Web a été sous-estimée. Plus grave encore, l'Internet a modifié les habitudes de nombreux lecteurs pour qui s'informer se résume de plus en plus souvent à une rapide revue de presse. En France, la situation du secteur de la presse est aggravée par plusieurs maux spécifiques, notamment les coûts de fabrication plus élevés, les carences dans le système de distribution et la faiblesse de l'offre rédactionnelle.

Presse française : réveiller la " belle endormie "
Le Monde
Bernard Pecquerie
Les quotidiens nationaux généralistes français sont à bien des égards parmi les plus mal en point en Europe : nombre restreint de titres, tirages faibles, offre rédactionnelle insuffisante.... Comment réveiller la " belle endormie " et trouver de nouvelles recettes ? A l'étranger où la presse subit aussi les contraintes liées à l'Internet, les journaux ont su développer des formules qui résistent à la crise et qui pourraient être des sources d'inspiration pour les éditeurs de presse français comme le développement de suppléments du week-end, très rémunérateurs à l'étranger, la segmentation du marché (une rédaction qui produit plusieurs journaux pour des publics distincts), ou la vente du journal à moitié prix. Il serait également possible de développer des partenariats entre journaux en vendant, via un site payant commun avec les concurrents, une partie des contenus, comme les pages Opinions/Débats.

Contenus éditoriaux sur l'Internet : bientôt la fin de la gratuité ?
Wirtschaftsdienst
Ralf Dewenter
L'analyse théorique du marché de la presse et des médias en général montre que le prix de vente dépend davantage des particularités de ce marché que du consentement à payer des acheteurs. Si les articles de journaux sont relativement similaires, l'effet de la concurrence fait que le prix de vente tend vers le coût marginal d'un article. Sur l'Internet, le coût de la mise à disposition d'un article est en effet proche de zéro et le modèle de la gratuité s'impose ainsi naturellement. La situation est différente si on part du coût de production : celui-ci est positif compte tenu de la rareté des capacités journalistiques. Par ailleurs, les marchés des médias ont la spécificité d'être à double face : il y a deux types d'utilisateurs (les lecteurs et les annonceurs) dont l'utilité est liée par un effet de réseau : plus le journal est gratuit, plus il y a de lecteurs et plus il est intéressant dý placer une publicité.

L'industrie de la presse n'en est pas à son premier bouleversement
The Economist
En 1845, l'invention et le développement du télégraphe ont été une source de grande inquiétude pour les journaux. Pour la plupart des observateurs, cet événement signifiait la mort de la presse généraliste au profit d'une presse spécialisée. Mais l'avenir a montré le contraire : le télégraphe a permis un enrichissement et une actualisation plus rapide des journaux. La course à l'actualité est devenue le nerf de la guerre, suscitant de nouvelles craintes, cette fois-ci à propos du journalisme qui risquait de ne plus offrir que des informations superficielles. En fin de compte, les journaux ont survécu, car ils ont préservé un atout : concentrer et apporter les nouvelles rapidement aux lecteurs. Aujourd'hui, l'Internet représente un défi comparable à celui du télégraphe. L'enjeu porte davantage sur le médium à travers lequel les actualités parviennent jusqu'aux utilisateurs (papier, numérique), que sur le modèle économique lui-même.

Microsoft plus " gentil " que Google avec la presse ?
Les Echos
Jean-Christophe Féraud
L'entreprise américaine Google bénéficie d'un quasi-monopole : aux Etats-Unis, elle s'arroge près de 65 % des recherches sur l'Internet, en France, ce taux atteint même 90 %. Vis-à-vis de la presse, l'entreprise californienne est peu généreuse : elle exploite ses articles sans verser le moindre centime aux éditeurs. Dans le contexte de la crise de l'édition, le géant américain News Corp (Rupert Murdoch) tente de profiter de la rivalité entre Google et Microsoft. Ce dernier cherche, en effet, un moyen pour diffuser plus largement son moteur de recherche Bing. News Corp a donc proposé à Microsoft de passer un accord qui lui permettrait d'indexer le contenu des journaux du groupe de presse sur son moteur de recherche Bing moyennant rémunération. Cet accord pourrait constituer les prémices d'un nouveau modèle économique pour la presse : la production des informations serait indirectement financée par les moteurs de recherche indexant les articles.


EGALEMENT DANS CE NUMERO


ECONOMIES ETRANGERES
Etats-Unis : l'assurance maladie verra-t-elle le jour ?
Chronique internationale de l'IRES
Catherine Sauviat et Estelle Sommeiller
Le Président des Etats-Unis, Barack Obama, qui vient de célébrer son premier anniversaire à la Maison-Blanche, avait fait de la réforme du système de santé, le fer de lance de sa campagne pour l'élection présidentielle de 2008. La réforme a été, tout au long de 2009, la priorité de l'agenda législatif américain. Un premier projet de loi a déjà été adopté par le Congrès. Pour qu'une assurance maladie nationale voie le jour, il faut désormais que les deux textes votés par la Chambre des représentants et le Sénat soient unifiés et fassent l'objet d'un ultime vote. Or, la perte par les Démocrates de leur majorité qualifiée de soixante sièges au Sénat avec l'élection, en janvier 2010, du sénateur républicain Scott Brown dans l'Etat du Massachussetts, met désormais en péril l'avenir de la réforme. Les Républicains ont en effet la possibilité de bloquer le débat par des manœuvres d'obstruction systématique et de menacer ainsi l'adoption de la réforme.

UNION EUROPEENNE
Les territoires au cœur de la nouvelle stratégie économique européenne
Bulletin de l'Observatoire des politiques économiques en Europe
René Kahn
Depuis 2006, les institutions régionales et locales de l'Union européenne (UE) sont chargées de mettre en œuvre la stratégie de Lisbonne-Göteborg, qui assignait, en 2000, comme objectif à l'UE de devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010. Lors du Conseil européen de Göteborg en juin 2001, les Etats membres avaient ajouté la dimension environnementale à la stratégie arrêtée à Lisbonne. Sous l'impulsion de la Commission européenne, qui s'inspire elle-même des récentes recherches issues de l'économie géographique, émerge une nouvelle conception du développement et de l'aménagement du territoire basée sur la spécialisation territoriale. A partir de l'analyse de l'évolution du statut des régions en Europe, au cours des dernières années, l'auteur décrit le processus qui a conduit dans le contexte de la mondialisation et de la domination des idées libérales, à faire des territoires le fer de lance de la politique économique européenne.

MANAGEMENT DU RISQUE
Le concept de risque et son évolution
Responsabilité et environnement - Annales des Mines
Gilles Motet
Le sens donné au concept de risque a évolué au fil du temps. Une bonne compréhension de cette évolution est fondamentale pour pouvoir aborder de façon pertinente les problèmes de sécurité et leur gestion. Aujourd'hui, de nombreuses divergences d'opinions sur les questions, les démarches et les techniques liées au management du risque résultent des différences d'interprétation de cette notion. L'auteur revient sur les interrogations soulevées par l'évolution du concept et la façon de gérer les risques dans différents champs de l'activité humaine. Il analyse ensuite le problème de l'incertitude et ses conséquences pour le management du risque.
No 2.991
17 mars 2010

Royaume-Uni : l'héritage travailliste


L'économie britannique sort très affaiblie de la crise
Conjoncture BNP-Paribas
Caroline Newhouse-Cohen
Le Royaume-Uni connaît actuellement la récession la plus longue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Celle-ci a entraîné la plus forte chute du produit intérieur brut (PIB) depuis 1955 (- 5,8 % par rapport au premier trimestre 2008). L'inertie de la demande intérieure semble être l'obstacle majeur à la reprise. Les ménages, face au ralentissement de la progression des revenus salariaux, ont augmenté leur épargne au détriment de la consommation. Si la contraction de l'emploi a été moindre qu'au cours des récessions de 1980 et 1990, le taux de chômage des 15-24 ans (15 % environ, soit un taux supérieur à celui de la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques - OCDE) est en outre préoccupant.

Le modèle britannique dans tous ses états
Chronique internationale de l'IRES
Florence Lefresne
En dépit du plan de sauvetage de 2008 qui s'élevait à 3 % du produit intérieur brut (PIB) et des mesures gouvernementales visant à lutter contre la progression du taux de chômage, celui-ci a, à la fin de 2009, retrouvé son niveau de 1996 (8 %, 40 % des chômeurs ayant moins de 25 ans). Si la situation de l'emploi au Royaume-Uni est alarmante, le pire semble toutefois avoir été évité, notamment grâce au rôle joué par les syndicats (Trade Unions) qui sont parvenus à limiter le nombre des licenciements. Mais leur action a un coût économique : elle se traduit le plus souvent par le gel ou la diminution des salaires et une flexibilité accrue du temps de travail. En guise d'exemple, le principal syndicat à British Airways a, en juillet 2009, accepté une diminution de 2,6 % des salaires des pilotes. Des initiatives du même type se sont multipliées tout au long de 2009. Au total, 55 % des employeurs auraient décidé de geler les salaires.

Une société en miettes ?
The Economist
Crime, délitement familial, alcool, drogues : les conservateurs et près de deux Britanniques sur trois, selon les intentions de votes, pensent que la société est en miettes. Le thème de l'insécurité est en effet au cœur de la campagne des élections législatives de 2010. La désagrégation de la famille est souvent pointée du doigt. Le nombre de familles monoparentales, trois fois supérieur à celui enregistré en 1970, ainsi que le taux de grossesse chez les jeunes filles âgées de 13 à 19 ans, qui demeurent parmi les plus élevés d'Europe, sont autant de faits alarmants que les conservateurs mettent en avant à l'occasion de la campagne électorale. Mais ces derniers oublient de préciser que la monoparentalité résulte le plus souvent, contrairement aux décennies passées, d'un choix librement consenti. De même, si les grossesses chez les jeunes filles restent fréquentes, celles-ci sont en nette baisse par rapport aux années 1990. La criminalité dans son ensemble a, selon le British Crime Survey, également diminué : elle a chuté de 45 % depuis son pic de 1995.

Le taux de pauvreté le plus élevé de l'Europe occidentale
The Guardian
Amelia Gentleman et Hélène Mulholland
Il y a quelques années, Harriet Harman, ministre britannique de la Condition féminine et de l'Égalité, avait commandé au Comité national pour l'égalité, un groupe indépendant d'universitaires, un rapport sur les inégalités au Royaume-Uni. Celui-ci a finalement été publié à la fin du mois de janvier 2010. Les résultats font apparaître que les 10 % des Britanniques les plus riches sont cent fois plus fortunés que les 10 % les plus pauvres, ce qui fait du Royaume-Uni le pays le plus inégalitaire d'Europe occidentale. Les enfants sont particulièrement touchés puisque 13 % d'entre eux vivraient dans une pauvreté extrême. A l'origine, les travaillistes attendaient de l'étude qu'elle prouve, à la veille des élections du printemps 2010, que les conservateurs avaient, pendant des années, privilégié les plus riches. Au final, au vu des conclusions du rapport Harman, les travaillistes sont accusés de s'être montrés incapables d'inverser la tendance en dépit de la forte croissance qu'a connue le Royaume-Uni au cours de la décennie 2000.

La Banque d'Angleterre peut-elle sauver le Royaume-Uni ?
Alternatives économiques
Jacques Adda
La récession qu'affronte l'économie britannique depuis plusieurs mois a contribué à la dégradation de la dette publique. Quel que soit le vainqueur des prochaines élections, la rigueur sera donc de mise. Le Trésor britannique a d'ailleurs déjà envisagé des coupes budgétaires qui devraient s'élever à 8 % du produit intérieur brut (PIB) sur les sept prochaines années. Afin de calmer les tensions sur la dette publique, la Banque d'Angleterre a également décidé de mener une politique monétaire accommodante. Il semble toutefois que cette " détente quantitative " qui visait à faciliter le financement des agents privés n'ait pas eu les effets escomptés puisque la pénurie de crédit persiste. Il arrive en effet qu'en situation de crise, l'augmentation du volume de liquidités en circulation - au Royaume-Uni, l'écart entre les ressources disponibles dans l'économie et les besoins de financement s'élève à 15 % du PIB, soit le plus important des pays développés - ne suffise pas à relancer l'économie si ces liquidités ne parviennent pas à dépasser la sphère financière et à irriguer la sphère réelle.

Le nouveau conservatisme britannique
La vie des Idées
Antoine Colombani
A l'approche des élections législatives qui se dérouleront au printemps 2010, David Cameron, le leader du Parti conservateur (Tories) est, selon la plupart des sondages, donné vainqueur. S'il se réalise, ce scénario serait-il pour autant le prélude à un retour du thatchérisme ? Il semble que la réponse soit négative. Le jeune leader Tory veille, en effet, à se présenter comme un candidat modéré, dépourvu de dogmatisme. Il se garde bien d'ailleurs de se référer, dans ses discours, à Margaret Thatcher ou aux théories économiques de l'Ecole de Chicago, chères à la Dame de Fer. Mais cette rupture assumée avec le néolibéralisme ne conduit pas pour autant à plus d'interventionnisme en économie. L'Etat n'est pas, selon le candidat des Tories, au-dessus du marché. David Cameron entend incarner un nouveau conservatisme, moderne, compassionnel et promouvoir un " capitalisme à visage humain ".


EGALEMENT DANS CE NUMERO


FINANCE
Pourquoi réglementer les hedge funds ?
La Lettre du CEPII
Michel Aglietta, Sandra Khanniche et Sabrina Rigot
La récente crise financière est une nouvelle occasion de réfléchir à la place des hedge funds (fonds spéculatifs) au sein du monde de la finance. Les risques encourus par ces fonds sont en effet à la mesure des paris qu'ils prennent dans leur quête de rendements élevés. Leur mode de fonctionnement qui repose sur la combinaison des leviers de dette et de la dépendance à la liquidité des marchés les rend particulièrement vulnérables aux crises financières, tandis que leurs réactions propagent le risque systémique. Les événements récents ont suscité l'inquiétude des régulateurs qui jusque-là se sont montrés plutôt indulgents vis-à-vis de ces fonds. Une révision de la régulation appliquée aux hedge funds est en train d'évoluer mais les nouvelles propositions réglementaires font débat.

BIODIVERSITE
Estimer la valeur de la nature
Le journal du CNRS
Entretien avec Jean-Michel Salles
2010 a été décrétée par l'Organisation des Nations unies (ONU), année internationale de la biodiversité. Il y a huit ans, les gouvernements de la planète prenaient l'engagement de mettre un terme à l'appauvrissement de la biodiversité d'ici à 2010. Force est de constater aujourd'hui que l'objectif est loin d'être atteint. Au printemps 2009, un rapport commandé par le Conseil d'analyse stratégique (CAS) sur l'approche économique de la biodiversité a été rendu public. Ce travail avait deux objectifs principaux : réaliser une présentation et une analyse critique des méthodes utilisables pour estimer des valeurs économiques de la biodiversité et des services écosystémiques et appliquer ces méthodes aux écosystèmes présents sur le territoire national afin de fournir des " valeurs de référence " pouvant être utilisées, en particulier, dans l'évaluation socioéconomique des investissements publics. Jean-Michel Salles, vice-président du groupe de travail auteur du rapport, en détaille dans cet entretien les différentes propositions.

CLIMAT
Le GIEC dans la tourmente
Projet
Jean-Charles Hourcade
Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), mis en place en 1988 par le G7, a pour mission d'évaluer de façon objective les informations scientifiques et économiques nécessaires pour comprendre les risques liés au changement climatique d'origine humaine. L'institution - qui n'a pas de production propre mais réunit des articles ayant déjà fait l'objet d'une première publication - est, depuis quelques semaines, la cible de vives critiques abondamment relayées dans les médias, en particulier au Royaume-Uni, de la part des climato-sceptiques qui remettent en cause les conclusions de ses différents rapports. Pour mieux nous permettre de comprendre les enjeux de cette polémique, l'auteur rappelle ici les règles scientifiques très strictes qui entourent la publication des rapports du GIEC. La collaboration de diverses communautés de sciences sociales constitue également, selon lui, un obstacle de taille à l'élaboration de résultats scientifiques ainsi qu'à leur compréhension par le plus grand nombre.

No 2.992
31 mars 2010

Faut-il s'inquiéter de la dette publique ?

Jusqu'où peut aller l'endettement public?
Special report - Natixis
Patrick Artus
Avec la crise économique, les dettes publiques ont atteint des niveaux records. Jusqu'où un Etat peut-il s'endetter ? La question est devenue brûlante depuis quelques mois. Le mouvement à la hausse peut en effet continuer tant que les déficits sont monétisés par les banques centrales dans un environnement de taux d'intérêt bas. C'est actuellement le cas partout, y compris dans la zone euro, par le biais du refinancement des banques commerciales par la Banque centrale européenne (BCE). Mais l'endettement ne pourra se poursuivre dès lors que les banques centrales augmenteront les taux d'intérêt ou que les agents économiques privés refuseront de détenir davantage de monnaie non rémunérée.

La dette publique, cet objet obscur
Eclairage - Crédit agricole
Jean-Paul Betbèze
La dette est un objet complexe et il n'est guère étonnant que les économistes soient divisés s'agissant de ses effets. L'explication principale est qu'on peut difficilement parler de " la " dette. Celle-ci est en effet une addition de dettes spécifiques. Chacune d'elles a des origines différentes et dépend de la conjoncture, des politiques suivies, des consensus nationaux pour les résorber et, bien sûr, de l'état des économies nationales. On peut ainsi opérer des distinctions entre une dette " fatale ", sociale ou permanente, mais également entre une dette de crise et une dette stratégique. Sortir de la spirale de l'endettement réclame la mise en œuvre d'une stratégie crédible et mesurée pour que les agents économiques soient convaincus du retour de la croissance et renoncent ainsi à épargner de manière préventive (effet Ricardo).

Le niveau d'endettement de la France est-il alarmant ?
Le nouvel Economiste
Philippe Plassart
Dans la plupart des pays industrialisés, la crise a conduit à une explosion de la dette publique. En France elle approche désormais les 1 500 milliards d'euros, ce qui correspond à environ 80 % du produit intérieur brut (PIB), un niveau jamais atteint depuis 1945. Si personne ne reproche aux responsables politiques d'avoir fait le choix de la relance, financée par des déficits massifs, les économistes sont néanmoins unanimes à penser que cette politique ne peut être menée indéfiniment. Concernant le niveau global de la dette - est-il soutenable ou non - et le choix du moment opportun pour engager une stratégie de réduction, il ný a, en revanche, en dépit des recommandations du Fonds monétaire international (FMI) ou de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), aucun consensus parmi les spécialistes de ces questions.


Un plan d'économies pour la France de 50 milliards d'euros
Sociétal
François Ecalle
La dette publique de la France s'envole, non seulement sous l'effet de la crise, mais, plus grave encore, sous celui d'un déficit structurel qui, à lui seul, dépasse déjà le critère des 3 % fixé par le traité de Maastricht. Le niveau d'endettement exige désormais un assainissement rapide des finances publiques. Si la liste des réformes à entreprendre est longue, toutes n'ont cependant pas le même degré d'efficacité. Un premier train de mesures indispensables mais dont l'effet risque d'être limité, comprend notamment la réforme de l'Etat, des retraites, du système de santé et des collectivités locales. D'autres réformes plus simples à mettre en œuvre, mais qui devraient s'avérer décisives pourraient également être lancées comme celle de la valeur du point de la fonction publique, ainsi que de l'indexation des prestations sociales, la réduction des dépenses fiscales (qui, en tout, s'élèvent à environ 70 milliards d'euros) ou la révision du taux de remboursement des dépenses de santé.

Réduire la dette grâce à la Constitution
Document de travail - Fondapol
Jacques Delpla
Afin de garder sous contrôle l'endettement public, certains pays inscrivent dans leur Constitution une règle contraignante, visant l'équilibre budgétaire à moyen terme. En 2009, l'Allemagne a choisi cette voie et la France pourrait s'en inspirer. Le choix allemand ne peut guère laisser indifférente la France, car les deux pays sont étroitement liés à travers l'Union économique et monétaire qui impose une certaine harmonisation des politiques économiques en Europe. Cependant, la justification d'une telle règle va bien au-delà de ces considérations de coopération économique. Elle part de l'idée qu'en l'absence de règle contraignante, il sera très difficile pour la France d'assainir ses comptes publics et de maintenir sa crédibilité financière. En outre, l'adoption d'une telle règle pourrait contribuer à instaurer davantage d'équité intergénérationnelle.

Il ný a pas que la dette publique
The Economist
La dette globale d'un pays se compose de la dette publique (Etat et collectivités locales), de la dette des ménages, de celle des entreprises non financières et, enfin, de la dette des établissements financiers. Ces quatre catégories, mises en regard du produit intérieur brut (PIB), fournissent une information sur le niveau d'endettement global. De nombreux Etats ont vu ce dernier augmenter de 50 % et plus au cours de la décennie écoulée. C'est notamment le cas du Royaume-Uni et de l'Espagne dont le taux global est respectivement de 465 et 365 %. Les Etats-Unis, avec environ 300 %, ont un niveau d'endettement inférieur à celui de nombreux pays industrialisés. Dans le passé, les phases de hausse ont toujours été suivies de longues périodes de réduction du niveau de la dette (deleveraging). Aujourd'hui, le nombre de pays concernés et le niveau sont plus élevés, ce qui rend la tâche plus difficile.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

INEGALITES SALARIALES
Les femmes commencent à tirer profit de leur réussite scolaire
INSEE Première
Alice Mainguené et Daniel Martinelli
Les taux de chômage des hommes et des femmes en début de carrière se sont progressivement rapprochés au cours des vingt-cinq dernières années. Si les jeunes femmes ont désormais, grâce à leur niveau de formation, un léger avantage en matière de chômage, celui-ci reste, à diplôme identique, souvent plus élevé que pour les hommes, les spécialités choisies par celles-ci ne correspondant en effet pas toujours aux besoins du marché du travail. A niveau de qualification identique, les salaires des débutantes sont également, en début de vie active, moins élevés que pour les débutants. Toutefois, en 2008, la crise a, à diplôme et spécialité équivalents, davantage affecté les jeunes hommes que les jeunes femmes.

UNION EUROPEENNE
Etats baltes et Irlande: de l'euphorie à la dépression salariale
La Lettre de l'OFCE
Sandrine Levasseur
Parmi les pays européens les plus touchés par la crise financière figurent l'Irlande et les trois Etats baltes. Le point commun de ces quatre pays est qu'ils ont accumulé des pertes importantes de compétitivité ces dernières années, notamment à cause d'une croissance des salaires supérieure à celle de la productivité du travail. La modération salariale reste pourtant le seul choix pour restaurer la compétitivité, car les autres solutions - sortir de la zone euro (pour l'Irlande) ou dévaluer la monnaie (pour les trois Etats baltes) - ne constituent pas des scénarios souhaitables. C'est donc, malgré les résistances de la population, dans la voie des réductions salariales que ces quatre pays commencent à s'engager depuis quelques mois.

ENVIRONNEMENT
La crise écologique : une question de justice
Défense nationale
Hervé Kempf
La crise écologique a pris depuis quelques années une ampleur considérable. Le nombre de chefs d'Etat et de gouvernement présents lors de la conférence de Copenhague en décembre 2009 témoigne de la place centrale qu'occupe désormais cette question dans l'agenda des relations internationales. Cette crise environnementale planétaire est aggravée par la formidable expansion économique des grands pays émergents comme la Chine et, dans une moindre mesure, l'Inde dont les émissions de dioxyde de carbone (CO2) viennent s'ajouter à celles déjà considérables des Etats-Unis et de l'Europe. A la crise écologique se superpose de surcroît le problème de la limitation des ressources dont la principale reste aujourd'hui le pétrole. Cette crise devrait également affecter plus durement les pays les plus pauvres alors même que leur responsabilité dans les émissions de gaz à effet de serre depuis deux siècles est très faible. La crise écologique pose donc de façon cruciale la question de l'équité dans un monde uni par un péril commun.

No 2.993
14 avril 2010

Pays émergents : vers un nouvel équilibre mondial ?

Les pays émergents sortent renforcés de la crise
The Economist
Au cours de l'automne 2008-2009, d'aucuns pensaient que les pays en développement (PED) seraient entraînés dans la spirale dépressive des économies occidentales. Pourtant les sombres pronostics qui leur étaient réservés ne se sont pas réalisés. Mieux encore, les pays émergents ont pour la plupart rapidement renoué avec une croissance vigoureuse. Forts des enseignements de la crise de 1997-1998, ils ont su mettre en œuvre les mesures adéquates pour résister à ce nouveau choc économique. D'ailleurs, ces derniers ont fait davantage avec leurs dépenses de relance pour combattre la récession mondiale que les pays riches. En accélérant le processus de rééquilibrage de la puissance économique entre le Nord et le Sud, la crise a renforcé des économies émergentes qui semblent désormais s'émanciper toujours davantage de l'Occident.

Le G20 n'est pas un G7 à vingt
La Lettre du CEPII
Agnès Bénassy-Quéré, Olena Havrylchyk, Rajiv Kumar et Jean Pisani-Ferry
La crise économique mondiale a accéléré le processus de légitimation du G20 comme principale instance de coopération économique internationale. Cependant on a pu constater à l'occasion des différents sommets qui se sont tenus depuis 2008 que les pays participant à ce forum n'avaient pas exactement les mêmes priorités. Alors que les pays développés sont principalement soucieux du renforcement de la régulation financière, les pays émergents cherchent avant tout à éviter un nouveau protectionnisme et se préoccupent de la répartition des pouvoirs au sein des institutions internationales comme le Fonds monétaire international (FMI). L'agenda du G20 a surtout été dominé jusque-là par la gestion immédiate de la crise et des questions qui relèvent par excellence de sa compétence, comme celle des déséquilibres mondiaux, n'ont pas été abordées. Il est pourtant impératif, compte tenu des nouveaux équilibres mondiaux, que le G20 prenne toute sa dimension et ne se cantonne pas à n'être qu'un G7 à vingt.

Au loin, les multinationales du Sud s'activent
Accomex
Héloise Brière
Depuis quelques années, les rachats de certains fleurons occidentaux par des multinationales originaires des pays émergents ont particulièrement attiré l'attention des médias parce ces opérations bousculent l'ordre établi. Ces dernières aussi spectaculaires soient-elles ne sont pourtant que la partie la plus visible d'un processus qui va en s'accélérant et en vertu duquel les relations entre pays du Sud progressent chaque année, même si le phénomène reste à ce jour difficilement mesurable. La part des pays en développement (PED) dans les investissements directs à l'étranger (IDE), les opérations de fusion-acquisition conduites par des firmes issues des pays émergents ou encore les échanges commerciaux Sud-Sud sont en forte augmentation. Tirant certains enseignements de la crise mondiale, qui a plus durement frappé les pays développés, les grandes firmes des pays émergents ont modifié leurs priorités et tendent désormais à se recentrer sur les marchés du Sud.




Le principal défi pour l'Asie en développement : rééquilibrer sa croissance
Finances et Développement
Eswar Prasad
La stratégie de croissance des pays émergents d'Asie, très orientée vers les exportations, est considérée comme un facteur de déséquilibre de l'économie internationale. De nombreux économistes considèrent même que celle-ci a contribué, à des degrés divers, au déclenchement de la crise économique mondiale. Compte tenu du rôle moteur que joue désormais cette région du monde, rôle, qui de surcroît est appelé à prendre encore davantage d'importance dans les années à venir, il est désormais crucial d'adopter des mesures susceptibles de modifier la stratégie de croissance des pays qui la composent.

BRIC : le nouveau visage du pouvoir mondial ?
Financial Times
Alan Beattie
Les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) sont devenus emblématiques de la montée en puissance des marchés émergents dans l'économie mondiale. Leur croissance a été spectaculaire au cours des dernières années et ils sont sortis de la récession plus rapidement et à un rythme bien plus soutenu que leurs homologues des pays riches. S'agit-il pour autant d'un tournant décisif dans l'équilibre du pouvoir économique mondial ? Ces pays sont-ils réellement en passe de supplanter les économies avancées ? La réponse à cette dernière question est : probablement pas encore. Les BRIC constituent tout d'abord un groupe tellement disparate que toute généralisation les concernant s'avère abusive, mais, en outre, la Chine, le poids lourd du quartet, reste tributaire d'un modèle économique tourné vers la demande extérieure qui ne peut pas lui permettre dans l'immédiat de jouer les tout premiers rôles.

Pays émergents : après la Chine, l'Inde et le Brésil, à qui le tour ?
Le Monde Economie
Antoine Reverchon et Adrien de Tricornot
La dynamique de développement des grands pays émergents s'est manifestée sous des formes identiques dans plusieurs autres pays mais de façon moins visible car il s'agissait d'économies de taille plus réduite. Après les trois principales économies du BRIC que sont le Brésil, la Chine et l'Inde, d'autres pays vont probablement, d'ici quelques années, faire à leur tour leur entrée dans la cour des grandes nations émergentes. On peut, d'ores et déjà, prévoir que le Mexique, l'Indonésie, la Turquie ou l'Egypte y figureront. La pauvreté et les inégalités sont toutefois des handicaps majeurs pour la croissance des pays émergents car elles sont autant d'obstacles au développement d'une classe moyenne qui permet d'offrir un niveau de consommation domestique suffisant

EGALEMENT DANS CE NUMERO

MARCHE DU TRAVAIL
La sécurisation des trajectoires professionnelles
Informations sociales
Bernard Gazier
La réforme du marché du travail dans les pays développés est un débat ancien. Jusqu'à la crise qui a débuté en 2008, la logique de la flexibilisation a constitué l'agenda dominant. Au cours des dernières années, l'idée d'associer à la flexibilité du marché du travail une certaine sécurité en termes de trajectoires professionnelles, ce que l'on nomme la " flexicurité " déjà pratiquée dans certains Etats du nord de l'Europe comme le Danemark, a néanmoins ouvert de nouvelles pistes de réflexion. Elle conduit en effet à un changement de paradigme reposant sur une vision dynamique des carrières professionnelles et familiales.


INEGALITES
La société française : les mots et les chiffres
La vie des Idées
Lise Bernard
Si les analyses sur la société française ne manquent pas, certaines semblent en décalage avec la réalité sociale du pays. Le dernier ouvrage de Louis Maurin, Déchiffrer la société française, dont l'article rend ici compte, contribue, à partir de diverses sources statistiques, à offrir une connaissance approfondie de la société française. De l'immigration au chômage en passant par la famille, le portrait de la France sociale des années 2000 dressé par l'auteur est riche. La question des inégalités (sociales, de revenus, d'accès à la culture, de genre, etc.) y est centrale.

IMMIGRATION
Marché international des migrants qualifiés : quelle est la place de la France ?
Rapport du Conseil d'analyse économique
Frédéric Docquier et Hillel Rapoport
Les enjeux de la migration des " cerveaux " demeurent plus que jamais essentiels dans un environnement économique où la connaissance joue un rôle fondamental. La performance relative de la France sur le marché international des migrants qualifiés est plutôt décevante. Si elle souffre d'un déficit net avec les pays d'immigration traditionnels comme les Etats-Unis, le Canada ou l'Australie, l'exode des " cerveaux " français apparaît moins marqué que celui constaté pour des pays européens comparables, tels l'Allemagne ou le Royaume-Uni. Par rapport aux pays en développement (PED), par contre, l'attractivité de la France est moindre. L'Hexagone accueille deux fois moins d'immigrés qualifiés que l'Allemagne et trois fois moins que le Royaume-Uni.

No 2.994
28 avril 2010

No spécial : Le capitalisme en questions

Qu'est-ce que le capitalisme ?

Le nouvel esprit du capitalisme
Sciences Humaines
Xavier Molénat
Entre 1904 et 1905, Max Weber a publié une analyse restée célèbre sur le système capitaliste dans laquelle il développe l'idée selon laquelle l'essor de ce dernier, à partir du milieu du XVIIIe siècle, est profondément lié à l'éthique protestante. Près d'un siècle plus tard, Luc Boltanski et Eve Chiapello publient Le nouvel esprit du capitalisme. Les deux sociologues expliquent dans cet ouvrage comment le capitalisme a su, pour se légitimer, s'approprier les critiques qui lui étaient adressées, notamment le problème des inégalités, de l'injustice ou de l'aliénation. Au fur et à mesure, les conditions de travail se sont améliorées et la valorisation de l'autonomie au travail a atténué le sentiment d'aliénation. Cependant, un nouveau paysage des injustices émerge, car, si les salariés ont aujourd'hui des marges d'action plus importantes, ils doivent également supporter plus de risques et assumer seuls la responsabilité des échecs, des retards ou des ordres contradictoires qu'ils peuvent recevoir.

Faut-il des cycles en économie ?
Die Zeit
Edmund S. Phelps
Le capitalisme est par nature cyclique et marqué par des crises. Compte tenu de l'aversion au risque et à la perte qui caractérise la plupart des individus, ces phénomènes sont généralement perçus négativement. Au contraire, pour J. A. Schumpeter, la crise est un phénomène foncièrement positif car elle porte en elle, à travers un processus de destruction créatrice, le germe du retour de la croissance. Edmund S. Phelps partage ce point de vue. L'homme serait finalement plus pauvre sans l'existence des cycles, car l'alternance entre accélération et repos est également une caractéristique de la nature humaine. Cependant, toute expansion ou boom n'est pas bénéfique. Phelps distingue par exemple le boom lié à la nouvelle économie de l'Internet qu'il juge positivement et celui lié aux subprimes et au secteur de l'immobilier qui n'a pas engendré de véritables plus-values.

Eviter le va-et-vient entre boom et dépression
Die Zeit
Hans-Christoph Binswanger
La cyclicité du capitalisme serait liée à l'obligation de croissance. Telle est l'analyse faite par l'économiste suisse Hans-Christoph Binswanger pour qui la croissance est surtout entretenue par une création monétaire et de crédit inconsidérée. Il serait préférable, selon lui, que les banques centrales contrôlent plus strictement la masse monétaire afin d'éviter l'apparition de bulles spéculatives. Certes, l'investissement réel utile serait ainsi également réduit, mais il faudrait s'en accommoder, car le danger est que les phases de boom nuisent trop à l'environnement. Le but serait d'atteindre un chemin de croissance durable et soutenable qui mettrait fin à la surconsommation des ressources. L'auteur estime que, dans les conditions actuelles, une moyenne de croissance de 1,8 % au maximum satisferait à cette condition tout en répondant aux besoins de la planète.

La guerre des capitalismes aura-t-elle vraiment lieu ?
La vie des Idées
Sébastien Lechevalier
Depuis les premiers travaux de Michel Albert, il y a environ vingt ans, la thèse selon laquelle il existerait des formes diverses de capitalisme ne fait aujourd'hui plus débat. Michel Albert avait en effet établi une distinction entre le capitalisme néo-américain et sa forme rhénane ou continentale. Depuis, la mondialisation et le succès du modèle libéral ont eu tendance à laisser penser qu'on assistait désormais à un phénomène de convergence : les spécificités nationales et régionales s'estomperaient sous l'effet de la concurrence et le modèle anglo-saxon du capitalisme financier deviendrait progressivement la seule et unique voie. La crise économique que nous traversons depuis 2007 a quelque peu ébranlé cette certitude. Il se pourrait même que le capitalisme financiarisé soit profondément remis en cause et que le monde soit en définitive conduit à un affrontement des modèles. C'est la thèse que développe le Cercle des économistes dans La guerre des capitalismes aura lieu, publié en 2008.

Le capitalisme est-il moral ?
Le nouvel Economiste
Caroline Castets
La question du lien entre capitalisme et morale agite les économistes depuis plusieurs siècles. Pour Adam Smith la morale et la vertu ne sont pas nécessaires au fonctionnement harmonieux de la société, car, comme l'écrivait le penseur écossais, un des pères fondateurs de l'économie politique, les mécanismes de marché garantissent que des actions individuelles indépendantes les unes des autres, guidées par " une main invisible ", conduisent spontanément à l'ordre plutôt qu'au chaos. Selon une interprétation plus critique, le capitalisme se caractériserait surtout par une attitude pragmatique et ne se convertirait pas spontanément à la responsabilité sociale. Le système serait cependant " moralisable " sous la contrainte extérieure du politique et du législateur. La question fondamentale serait ainsi la recherche du niveau approprié de régulation et de la bonne gouvernance.

Google, parfait modèle du capitalisme cognitif
Multitudes
Bernard Girard
S'il y a bien une entreprise qui incarne, depuis plus d'une décennie, l'avènement de l'économie du savoir en même temps qu'un nouveau type de capitalisme, reléguant la version fordiste de ce dernier au passé, c'est Google. Les méthodes de management de l'entreprise californienne, particulièrement originales - comme celle qui invite les ingénieurs à consacrer 20 % de leur temps libre à des projets personnels -, font sa réussite et participent de son excellente réputation de par le monde. Le modèle présente néanmoins des failles comme celle relative à la protection des données. L'entreprise de Mountain View, symbole du capitalisme cognitif, doit également désormais relever de nombreux défis si elle ne veut pas voir, dans les prochaines années, son leadership contesté par de nouveaux concurrents.

Le capitalisme est-il en crise ?

Les crises, moteur du capitalisme
Esprit
Robert Boyer
Si la crise actuelle trouve son origine dans la crise des subprimes, celle-ci s'inscrit, selon Robert Boyer, éminent représentant de l'Ecole de la régulation, dans l'histoire des transformations sociales, institutionnelles et politiques. Le régime fordiste de l'Après-guerre, caractérisé par un accroissement de la productivité et une hausse des salaires, a fait place à un régime intermédiaire. Ce régime post-fordiste, qui émerge d'abord aux Etats-Unis et est animé par le capitalisme financier ou patrimonial, a misé sur l'internationalisation pour réduire les coûts, mettant ainsi en concurrence les salaires et provoquant un accroissement des inégalités que les politiques d'endettement, notamment Outre-Atlantique, ont cherché à atténuer. Selon l'auteur, il est temps de prendre des mesures permettant de libérer les économies des contraintes de la finance. Mais, le capitalisme financier anglo-saxon s'étant solidement imposé au cours des deux dernières décennies, un changement de paradigme est particulièrement difficile à opérer et suppose une mutation en profondeur des esprits.


La crise remet-elle en cause le capitalisme ?
Financial Times
Martin Wolf
L'économie mondiale semble se trouver, selon les termes mêmes de Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque centrale européenne (BCE), à un " point d'inflexion ". Le monde a affronté, il est vrai, la crise la plus grave depuis celle de 1929. Celle-ci s'est produite, en outre, dans un monde qui n'a jamais été aussi globalisé qu'aujourd'hui. Si, selon Martin Wolf, l'avenir du capitalisme n'est pas remis en cause, celui-ci s'en trouve profondément bouleversé. L'économie de marché a perdu de sa superbe, de nouvelles formes de capitalisme devraient se faire jour, l'Etat est de retour et les Etats-Unis voient leur prestige entamé tandis que les économies émergentes s'émancipent de plus en plus de l'Occident.
La crise du capitalisme américain
National Affairs
Luigi Zingales
Pour la première fois dans l'histoire des Etats-Unis, une crise économique a provoqué dans l'opinion publique américaine des réactions très hostiles au capitalisme. Ce phénomène s'explique, selon l'auteur, par la défiance que nourrit désormais le peuple américain à l'égard d'un système économique qui aurait perdu au cours des dernières décennies ce qui faisait sa singularité par rapport aux autres pays, notamment d'Europe. Cette transformation de la nature du capitalisme démocratique américain s'explique en particulier par les transformations profondes du secteur de la finance. Renouer avec l'essence du modèle originel est, selon l'auteur, une condition nécessaire pour véritablement sortir de la crise et retrouver les voies de la prospérité.
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Comment la crise du capitalisme financier s'est propagée au monde émergent
Revue Tiers Monde
Philippe Hugon
Née aux Etats-Unis, la crise s'est - mondialisation du capitalisme financier aidant - propagée au reste du monde. Mais, selon l'auteur, les canaux de contagion diffèrent en fonction des modes de développement. La nature du régime d'accumulation (introverti ou extraverti) ainsi que le solde de la balance commerciale (déficitaire ou excédentaire) conduisent à des degrés de résilience différenciés. Ainsi, les grands pays à régime d'accumulation introvertie et à excédents extérieurs comme la Chine et les économies rentières - même si celles-ci connaissent une chute de leurs réserves de change - s'en sortent mieux. La reprise dans les pays déficitaires à régime d'accumulation mixte comme l'Argentine ou l'Afrique du Sud risque en revanche d'être beaucoup plus lente. A plus long terme, il faudra également gérer les risques sociopolitiques dus à l'absence de systèmes sociaux et fiscaux qui servent généralement d'amortisseurs en temps de crise.

Le capitalisme est-il réformable ?

Le capitalisme d'Etat revient en force
Foreign Affairs
Ian Bremmer
La crise a redonné à l'Etat un rôle prépondérant et a relégué le marché au second plan. Ce " capitalisme d'Etat " n'est pas un phénomène nouveau. Mais la doctrine libérale qui s'est imposée au cours des deux dernières décennies l'avait mis aux oubliettes. Certains voient dans ce revirement l'amorce du déclin des Etats-Unis ainsi qu'une réelle avancée des économies du Sud dans lesquelles l'Etat a toujours eu un rôle privilégié. Le retour du capitalisme d'Etat entraîne, selon l'auteur, avec lui d'autres bouleversements, notamment le renforcement des liens entre entreprises et Etat et la montée en puissance des hedge funds.

Les neuf maux du capitalisme
Alternatives économiques
Jean Gadrey
Le capitalisme traverse périodiquement des phases de crise, mais la plus récente dont la gravité est exceptionnelle nous pose une question fondamentale : ce système peut-il vraiment être réformé ? Pour l'auteur, la crise actuelle, la montée des périls écologiques, ainsi que la nature même du système amènent à douter de la possibilité d'éviter ce cycle de chocs économiques à répétition, et plus inquiétant encore, de parvenir à adapter le capitalisme aux défis majeurs du XXIe siècle, c'est-à-dire réussir à concilier le capitalisme avec la construction d'une société solidaire et soutenable et un développement humain durable.

De quoi avons-nous (vraiment) besoin ? Bonheur, consommation, capitalisme
Mouvements
La question du désir humain pour des objets ou des services et de la satisfaction de ce besoin a retrouvé à l'occasion de la récente crise toute son actualité, notamment dans le cadre du débat sur la décroissance. La contrainte écologique permet de réfléchir de nouveau à des stratégies de limitation et/ou de réorientation de la croissance industrielle et de la consommation des biens manufacturés. Alors que depuis deux décennies, rien ne semblait plus en mesure de ralentir ou d'interrompre l'extension de la dynamique capitaliste, on a assisté, en l'espace de quelques mois, à la renaissance d'une critique radicale des modes de production capitaliste.

Peut-on réformer le capitalisme ?
Etudes
Gaël Giraud et Cécile Renouard
Alors que la plupart des pays industrialisés du Nord entrent en convalescence, l'économie mondiale semble, en dépit des engagements et des discours martelés depuis l'éclatement de la crise à l'automne 2008, sur le point de renouer avec le business as usual. Les tentatives initiées par les principaux dirigeants de la planète en matière de régulation de l'économie mondiale, notamment à l'occasion des sommets du G20, restent largement insuffisantes. Selon les auteurs, il est possible d'envisager une autre figure du capitalisme que celle d'inspiration anglo-saxonne qui s'est imposée dans les sociétés occidentales depuis les années 1980. Cette réforme du capitalisme passe notamment par la mise en place de nouvelles modalités de régulation du secteur financier, une refonte des systèmes fiscaux, un changement de modèle de croissance face au défi écologique ou encore une réaffirmation de la fonction sociale de l'entreprise.
 

No 2.995
12 mai 2010

Le retour du chômage de masse

Crise économique et emploi : des ajustements nationaux variables
Revue de l'OFCE
Marion Cochard et al.
La récession mondiale a laissé des traces durables : entre le premier trimestre 2008 et le deuxième trimestre 2009, le produit intérieur brut (PIB) des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a chuté de 4,7 %. Ce recul de l'activité s'est accompagné de destructions massives d'emplois. Elles ont été très rapides et marquées aux Etats-Unis et en Espagne, un peu moins au Japon et au Royaume-Uni, et relativement limitées en France, en Italie et surtout en Allemagne. Ces observations ne sont pas surprenantes et s'expliquent par la nature différente des marchés du travail de ces pays, notamment leur degré de flexibilité. Face à la hausse du chômage, les réponses des gouvernements sont restées timides, car, pour l'instant et à l'exception de l'Allemagne, seule une faible part des plans de relance a été affectée aux mesures de soutien de l'emploi et aux dispositifs financiers en faveur des chômeurs.

Un million de chômeurs en fin de droits en 2010
Alternatives économiques
Camille Dorival
A la suite de la plus forte récession de l'Après-guerre, ainsi que de l'entrée en vigueur de nouvelles règles d'indemnisation, le nombre de chômeurs en fin de droits atteint en France, en 2010, la barre d'un million de personnes, ce qui correspond à une hausse d'environ 40 % par rapport à 2008. La plupart de ces personnes (environ 600 000) pourront bénéficier d'un des dispositifs existants. Près de 220 000 d'entre elles intégreront ainsi le revenu de solidarité active (RSA) et 170 000 percevront l'allocation de solidarité spécifique (ASS). Selon Pôle emploi, le sort de 400 000 personnes en fin de droits ne serait pas encore réglé pour le moment. Il s'agit souvent de jeunes, âgés de moins de 25 ans et qui ne sont donc pas éligibles au RSA, ou de personnes vivant dans un ménage dont les revenus sont trop élevés pour qu'elles aient droit aux dispositifs existants.

Quel taux de croissance pour réduire le chômage ?
Eco France - Crédit agricole
Olivier Bizimana et Axelle lacan
Le taux de chômage, qui a atteint 9,6 % en France métropolitaine au quatrième trimestre 2009, est attendu en hausse jusqu'au troisième trimestre 2010. Il pourrait ainsi franchir la barre des 10 %. Dans le même temps, la France affiche, et cela pour le troisième trimestre consécutif, un taux de croissance positif. Dans ce contexte, une question mérite une attention particulière : quel taux de croissance permettra de réduire le chômage et quand celui-ci baissera-t-il ? Les analyses des auteurs suggèrent que l'économie française doit afficher un taux de croissance d'au moins 1,7 % pour stabiliser son taux de chômage. C'est plus que ce qui est anticipé pour 2010 et pour 2011, mais des effets démographiques aideront, entre autres, à contenir la hausse du chômage, voire à faire baisser son niveau en 2011.

Existe-il des institutions favorables à un chômage faible ?
Idées
Christine Erhel
L'équilibre sur le marché du travail est influencé par de nombreuses institutions. A partir de celles qui entravent directement la fixation du salaire d'équilibre, comme le salaire minimum, l'analyse économique s'est penchée progressivement sur d'autres facteurs, tels les règles de licenciement et le droit du travail, puis sur la protection sociale, les politiques d'emploi, le système fiscal ou le degré de concurrence sur les autres marchés. Dans le cadre des politiques de l'emploi, la thématique des réformes institutionnelles comme solution au chômage a ainsi gagné du terrain, que ce soit en référence au modèle libéral incarné par les pays anglo-saxons ou au modèle danois avec sa flexicurité. Néanmoins, la question fondamentale, celle du lien effectif entre institutions et performances du marché du travail, n'est toujours pas tranchée.

Choc démographique, politique d'emploi et sortie de crise
L'Option - Confrontations Europe
François Michaud
La démographie et, plus précisément, le choc démographique, est un facteur essentiel de l'évolution du marché du travail. Ce choc mondial ne concerne pas seulement les pays développés. En Europe, où l'essentiel du vieillissement de la population sera acquis dès 2020-2025, il y a une grande hétérogénéité de situations. Les pays d'Europe centrale et orientale (PECO), l'Allemagne et l'Europe du Sud seront davantage touchés par le vieillissement que la France ou les pays du Nord. Une des conséquences de ces disparités pourrait résider dans des différentiels de croissance économique, rendant moins attractifs les pays où la démographie est moins dynamique. La France et l'Allemagne pourraient ainsi suivre des sentiers de croissance très différents.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

MONNAIES
Créer des monnaies régionales pour traiter la crise globale
Le Journal de l´École de Paris du management
Bernard Lietaer
Au début de la crise économique, la plupart des Etats ont craint d´être entraînés dans une débâcle bancaire et financière. Aujourd'hui, au moment où les gouvernements sont en train de gérer la sortie de crise, de plus en plus nombreux sont ceux qui s´interrogent sur la possibilité de transformer celle-ci en opportunité. Ainsi, ce choc économique majeur pourrait être l´occasion de créer de nouvelles monnaies régionales et de renforcer leur rôle. Cela offrirait un moyen efficace d'empêcher le déclenchement de crises systémiques et permettrait de stabiliser le système monétaire international (SMI).

NOUVELLES TECHNOLOGIES
La vraie révolution numérique
La Gazette de la société et des techniques
Michel Berry et Christophe Deshayes
Le monde vit en ce début de siècle la révolution numérique qu'on nous avait prédite depuis des décennies. Le plus souvent, celle-ci nous est présentée dans les médias à travers les innovations et les prouesses technologiques accomplies par les Nokia, Google, Apple, Facebook et autre Twitter. Cette révolution numérique ne doit cependant pas être réduite à sa seule dimension technique car ce qui se joue depuis quelques années est d'une toute autre nature : il s'agit ni plus ni moins de l'avènement d'un monde nouveau dont les conséquences se font sentir dans des pans entiers de l'industrie et dans les organisations, avec " la révolution du collaboratif ". Elle est en outre à l'origine de transformations sociales profondes.

INNOVATION
Entreprises, entrepreneurs et milieux innovateurs
La Revue des Sciences de Gestion
Dimitri Uzunidis
L´innovation dépend de la nature systémique des relations qui caractérisent un milieu économique. Il ne s'agit pas uniquement des interactions économiques mais également des structures sociales qui sont à l´origine des comportements innovateurs. Or, les institutions (Etat, collectivités locales) jouent un rôle significatif dans l´organisation et l´évolution des structures économiques. En retour, le milieu innovateur contribue à la performance innovante des entreprises par l´offre des ressources scientifiques et techniques qu´il peut organiser. Ainsi, l´innovation résulte d'un phénomène bien plus complexe que la simple organisation spécifique des relations économiques.
No 2.996
26 mai 2010

Bataille autour des ressources énergétiques

Le pétrole ne disparaîtra pas comme ça !
Foreign Policy
Daniel Yergin
Le 11 juillet 2008, le West-Texas-Intermediate (WTI), la référence américaine pour les cours du pétrole, atteignait 147,27 dollars le baril. Un an plus tard exactement, le prix de l'or noir était tombé à 59,87 dollars, avec un plus bas de 32 dollars en décembre 2008. Ces fortes fluctuations rendent la planification des investissements futurs très difficile. Mais cela ne doit pas faire illusion. Selon l'auteur, la fin du pétrole n'est pas pour demain. Certes, le rythme de la consommation d'énergies s'accélère et, chaque jour, des milliards de barils de pétrole sont négociés à New York dans des volumes toujours plus importants, menaçant ainsi le niveau des réserves. Mais les études effectuées sur les 800 plus grands gisements mondiaux indiquent que les ressources actuelles sont suffisantes pour répondre à la demande dans les décennies à venir.

Le pétrole et la Chine-Afrique : plus qu'une relation commerciale
Afrique contemporaine
Michal Meidan
L'accroissement du volume des importations chinoises de pétrole provenant des pays africains a permis à l'empire du Milieu d'assurer l'indépendance de son approvisionnement en ressources énergétiques nécessaires à son essor économique. Si la politique chinoise de going out est ancienne, les investissements directs de la Chine en Afrique dans le secteur du pétrole ont nettement augmenté depuis 2003. Ses entreprises exportent leurs capitaux et leur savoir-faire, prennent une participation financière et acquièrent très souvent des gisements. Certains pays africains sont en concurrence pour attirer les investissements : l'Angola, par exemple, est en passe de devenir le premier fournisseur de la Chine, volant la vedette à l'Arabie saoudite. Mais cette relation Chine-Afrique, souvent présentée comme gagnante-gagnante, n'est pas exempte de critiques comme celle dénonçant la faible contribution de l'activité chinoise à l'emploi local.

La sécurité gazière de l'Europe : de la dépendance à l'interdépendance
La note de veille du CAS
Christian Stoffaës, Dominique Auverlot et Hervé Pouliquen
La sécurité gazière de l'Union européenne (UE) a atteint un niveau critique. L'UE importe en effet 60 % de sa consommation actuelle de gaz et cette proportion pourrait atteindre 80 % en 2025. Le poids de la Russie dans l'approvisionnement inquiète. Une rupture prolongée dans les importations entraînerait, en effet, d'importantes difficultés économiques et sociales. C'est pourquoi l'UE s'efforce de trouver des moyens de réduire le recours à l'importation en développant, par exemple, l'extraction de ressources gazières non conventionnelles. Mais il est plus urgent, à court terme, pour la Commission européenne de rechercher un consensus entre les 27 Etats membres en conciliant les attentes des pays de l'Est et de l'Ouest du continent. Ceci permettrait de passer d'une dépendance à l'égard des fournisseurs à une interdépendance mutuellement bénéfique. La création d'une centrale européenne d'achats de gaz autorisant la construction de nouvelles voies d'accès peut constituer un premier pas dans ce sens.

Gérer les incertitudes du nouvel ordre énergétique mondial
Foreign Affairs
David G. Victor et Linda Yueh
Les incertitudes liées aux demandes croissantes d'énergie émanant des économies émergentes comme celles de la Chine, de l'Inde et du Brésil, au défi climatique et à la sécurité de l'approvisionnement sont de plus en plus nombreuses et viennent bousculer l'ordre énergétique mondial. Les accords bilatéraux se sont multipliés mais une gestion de ces incertitudes, au niveau international, devra, selon les auteurs, passer par le marché. Pour cela, les institutions seront amenées à jouer leur rôle de garants des conditions d'échange. Mais les initiatives en ce sens sont actuellement peu nombreuses. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) semble avoir fait peu d'efforts en faveur de l'intégration des nouveaux consommateurs d'énergie. Le G20, de son côté, n'a aucun plan concret pour mettre en œuvre la politique qu'il a proposée en 2009 à Pittsburgh, à savoir une réduction des subventions à l'énergie. Il est pourtant urgent, rappellent les auteurs, de coordonner les initiatives menées localement.


EGALEMENT DANS CE NUMERO

UNION EUROPEENNE
L'Europe en 2040 : trois scénarios
OFCE - Document de travail
Jean-Paul Fitoussi et Eloi Laurent
Au cours des trente dernières années, l'Europe a connu de profonds changements, à commencer par la réunification du continent avec l'effondrement des régimes communistes à l'Est, l'arrivée massive des femmes sur le marché du travail ou encore la révolution technologique de l'Internet et du téléphone mobile. Qu'en sera-t-il dans trente ans ? Quel visage offrira-t-elle ? Ce que l'on sait d'ores et déjà, c'est que l'Union européenne va devoir relever le défi du vieillissement de sa population et affronter sans doute les conséquences du changement climatique. Pour le reste, tout est affaire de prospective. Les auteurs ont donc élaboré trois scénarios possibles pour l'Europe de 2040 : le premier renvoie à l'Antiquité (" l'empire du vide "), le second au Moyen-Âge (" le retour des villes-Etats ") et le dernier à la Renaissance (" l'Europe de la renaissance ").

SECTEUR
Les transports en France : dynamisme pour les voyageurs, repli pour les marchandises
INSEE première
Christophe Bordet, Alain Nolin et Frédéric Boccara
En 2008, l'activité de la branche transports en France a ralenti : la production en volume a continué d'augmenter (+ 0,6 %) mais moins vite qu'en 2007 (+ 3,8 %). Si le ralentissement était général, il a été, dans ce secteur, largement dû à la contraction du transport de marchandises. C'est le transport de voyageurs qui a soutenu la croissance de la branche (+ 5 % contre 3,5 % en 2007). Dans ce domaine, tous les modes de transport ont progressé, transports ferroviaire et urbain en tête. L'investissement en infrastructures, essentiellement public, s'est maintenu à un niveau élevé (19,2 milliards d'euros) dans l'ensemble de la branche, et les émissions de dioxyde de carbone (CO2) liées au transport ont continué de baisser (- 3,6 %).

SCIENCE ECONOMIQUE
Les économistes face à la débâcle financière
Commentaire
Francis Fukuyama et Seth Colby
La crise mondiale que nous sommes encore en train de vivre a été la plus grave depuis celle de 1929. On pourrait penser que, depuis les années 1930, la science économique s'est développée et que les outils méthodologiques à disposition des spécialistes se sont diversifiés. Pourtant, peu nombreux sont ceux qui ont su prévoir la crise actuelle. Il semble donc que, pour les économistes, le temps d'une remise en cause soit venu. Afin de diminuer les chances de se laisser surprendre à nouveau, il faudrait, selon les auteurs, revoir la manière dont la science économique est généralement appréhendée mais également celle dont les économistes sont recrutés.

No 2.997
09 juin 2010

La Chine à l'heure des choix

La crise accélérateur des transformations économiques chinoises
Revue d'économie financière
Thierry Apoteker
La Chine est sortie relativement indemne de la crise globale de 2008-2009. Ce choc exogène est cependant un facteur d'accélération des transformations économiques. La crise va en effet favoriser des changements structurels profonds concernant la stratégie de développement du pays. La nouvelle étape à franchir passe dorénavant par une réorientation de la production vers la consommation domestique finale et les régions intérieures, une diversification des relations commerciales et un développement rapide des entreprises multinationales chinoises au travers d'acquisitions à l'étranger, notamment dans les secteurs énergétique et minier. La Chine devra également, pour rendre pérenne son développement dans le cadre d'un nouveau régime de croissance, affronter, au cours de la prochaine décennie, d'autres défis, en particulier ceux liés à la détérioration du climat social, à la dégradation environnementale ainsi qu'à la dépendance à l'égard de l'énergie et des matières premières.

La fin du modèle de croissance extravertie
La Lettre du CEPII
Françoise Lemoine et al
Depuis trente ans, la Chine s'est dotée d'un mode de croissance qui a connu des succès remarquables. L'économie chinoise est ainsi en passe de devenir la deuxième puissance économique mondiale. Toutefois, ce modèle se trouve désormais à un tournant. Si le choc, qu'a constitué la crise économique de 2008-2009, a révélé les fragilités d'un modèle de croissance s'appuyant sur le secteur exportateur, celui-ci engendre depuis plusieurs années déjà des tendances qui, si elles se poursuivent, risquent de conduire le pays dans une impasse : dégradation des termes de l'échange, faiblesse de la consommation privée, dégâts environnementaux, etc. L'heure est donc venue pour la Chine de faire progressivement basculer le centre de gravité de son économie vers le marché intérieur. Seul ce changement de stratégie est à même d'assurer le développement à long terme de l'empire du Milieu.

La Chine peut-elle sortir du piège du dollar ?
La Revue des Deux Mondes
Annick Steta
Depuis 2008, la Chine est accusée par ses partenaires de maintenir un taux de change du yuan artificiellement bas afin d'améliorer la compétitivité de ses produits à l'exportation. Le régime de change chinois relève en effet officiellement du flottement contrôlé mais l'importance des interventions de la Banque centrale l'apparente davantage à un régime de changes fixes. Avec la crise, la question de la réévaluation de la monnaie chinoise est devenue encore plus brûlante. Les Etats-Unis ont ainsi, depuis le début de 2010, redoublé d'efforts auprès de Pékin pour obtenir satisfaction. Pour les autorités chinoises, la situation est complexe car le pays est en réalité pris au piège de la devise américaine. Ce que ces dernières redoutent plus que tout, c'est une chute du billet vert. Le volume d'avoirs libellés en dollars que détient la Chine est en effet tel que toute baisse de la monnaie américaine provoquerait mécaniquement une diminution de la valeur de ses actifs. Pour se sortir progressivement de cette nasse, Pékin a décidé de mettre en œuvre une double stratégie.

Chinoiseries monétaires
Le Monde Economie
Martin Wolf
Les autorités chinoises manipulent-elles la monnaie ? Pour l'auteur, la réponse est : oui. Pékin est intervenu à une échelle gigantesque pour maintenir son taux de change à un niveau faible. La Chine, selon lui, contrôle à la fois l'appréciation du taux nominal et du taux réel de change. Les mesures prises par les autorités chinoises s'apparentent également à du protectionnisme puisqu'elles équivalent à l'instauration d'un droit de douane uniforme et à une subvention aux exportations. Les économistes qui tendent à minimiser les effets négatifs de la sous-évaluation du yuan sont donc, pour l'auteur, dans l'erreur. Ce qu'il s'attache ici à démontrer.

La Chine, centre du monde
Etudes
Claude Meyer
Le XXIe siècle naissant marque incontestablement le retour de la Chine au centre du monde. En l'espace de trente ans, cet immense pays de 1,3 milliard d'habitants est sorti du sous-développement pour devenir la deuxième économie mondiale. Cette croissance spectaculaire de la Chine suscite dans les pays développés davantage de crainte que d'admiration. Mais en fin de compte, l'empire du Milieu n'a fait, au cours des décennies passées, que retrouver la place qui fut la sienne jusqu'au début du XIXe siècle. Pour l'avenir, Pékin se fixe clairement pour ambition d'asseoir son leadership en Asie au détriment de son rival japonais. Cette volonté chinoise de suprématie régionale s'intègre plus largement dans une logique de puissance globale. La Chine poursuit ainsi un double objectif : le développement des échanges économiques et la stabilité du système mondial sur la base du multilatéralisme et de la multipolarité. La Chine redevenue une grande puissance se sent également investie d'une mission : porter la voix des pays en développement face à un ordre mondial régi par les pays occidentaux. C'est cette démarche qu'elle suit désormais dans le cadre du G20.


EGALEMENT DANS CE NUMERO

UNION EUROPEENNE
Pourquoi il faut aider la Grèce
Projet
Gaël Giraud
Il y a exactement un an, Problèmes économiques, dans son numéro du 1er avril 2009 (no 2.968), se demandait si un Etat riche pouvait faire faillite. Le prêt accordé, le 5 mai 2010, par l'Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI) à la Grèce, d'un montant de 110 milliards d'euros, sauvant in extremis l'économie hellénique de la faillite, n'aura pas laissé le temps de répondre à la question. En raison de l'ampleur de son déficit et de sa dette publics (respectivement 13 % et 115 % du produit intérieur brut - PIB -, les critères de Maastricht étant respectivement de 3 % et de 60 %), la Grèce n'ayant plus accès aux marchés pour se refinancer était bel et bien en passe de faire faillite. La crédibilité de la zone euro étant en jeu et la monnaie européenne violemment attaquée sur les marchés, les Etats membres ont, après moult hésitations, décidé de venir en aide à la Grèce. La création d'un fonds inédit d'assistance financière d'un montant de 750 milliards d'euros a, en outre, rassuré le reste du monde sur la volonté de l'UE de défendre sa devise. L'aide à la Grèce pourrait également constituer une étape importante de l'histoire de la zone puisqu'elle est susceptible d'ouvrir la voie à des politiques monétaire et budgétaire communes.

SECTEURS
Sociétés de télévision et opérateurs téléphoniques : une nouvelle forme de
concurrence
Réalités industrielles - Annales des Mines
Charles Bébert
Les émissions de télévision demeurent une distraction appréciée : au niveau mondial, cette dernière représente - avec trois heures et sept minutes par jour - la principale activité de loisir. Le secteur traverse une phase de mutations importantes dont les origines remontent aux années 1980. Outre les évolutions techniques, des nouveaux canaux de diffusion (satellite, puis l'Internet et encore plus récemment la HD - haute définition) sont apparus et le nombre de chaînes s'est accru sensiblement. Parallèlement, l'évolution des goûts du public s'est traduite par une fragmentation de l'audience. Aujourd'hui, les sociétés de télévision doivent faire face à des concurrents nouveaux : les opérateurs téléphoniques qui menacent le modèle économique traditionnel des chaînes.

PROTECTION SOCIALE
Les fondements des Etats-providence européens
Ecoflash
Alexis Trémoulinas
L'Europe se distingue par rapport au reste du monde par la qualité de son modèle social qui reste jusqu'à présent tout à fait singulier. Néanmoins, les tentatives d'instaurer une certaine harmonisation européenne se heurtent à de nombreuses difficultés. Ces dernières s'expliquent par la diversité des modèles sociaux en Europe - issus de particularismes culturels, de constructions historiques et compromis politiques nationaux qui ont conduit à ce qu'on appelle aujourd'hui l'Etat-providence. En partant d'une lecture polanyienne de la division du lien social en don, la redistribution étatique et l'échange marchand, Esping Andersen a proposé une typologie qui fait aujourd'hui autorité. Il distingue quatre régimes : l'Etat-providence corporatiste-continental, le régime social-démocrate scandinave, le régime libéral anglo-saxon, ainsi que le régime méditerranéen et familialiste.
No 2.998
23 juin 2010

Les paradis fiscaux sur la sellette

2010, année cruciale pour les paradis fiscaux
Alternatives internationales
Christian Chavagneux
Il aura fallu qu'éclate la plus grave crise financière depuis les années 1930 pour que les Etats se préoccupent sérieusement des problèmes posés par les paradis fiscaux. Selon le Government Accountability Office, équivalent américain de la Cour des comptes, une partie significative des circuits financiers empruntés par les banques américaines, notamment pour la gestion de certains produits complexes, passait en effet par les îles Caïmans. Les décisions prises lors de la réunion du G20 à Londres, en avril 2009, constituent une première historique en matière de lutte contre les paradis fiscaux. Il faut dire que, ceux-ci représentant au moins en moyenne l'équivalent de 2,5 à 3 % de produit intérieur brut (PIB), les Etats ont trouvé là un moyen aisé de récupérer des fonds pour combler des déficits publics qui ont très fortement augmenté avec la crise.

A la recherche des paradis fiscaux
Etudes
Thierry Cretin
La récente mise à jour des listes des paradis fiscaux établies par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en 2009, a montré que ces derniers ne correspondaient pas toujours à l'idée que l'on s'en fait habituellement. Parmi les caractéristiques qui permettent de définir une place offshore figurent l'absence ou le faible niveau d'imposition, la liberté des échanges et la complexité du système juridique et des secteurs financier et bancaire. Mais il en est une autre, de taille, à laquelle se heurte immanquablement la coopération financière dans sa lutte contre les paradis fiscaux : le secret bancaire.

Paradis fiscaux et places offshore : opérations et régulation
Ecoflash
Jean-Marc Figuet et Bernard Sionneau
Lors des réunions du G20 à Londres et à Pittsburgh en avril et novembre 2009, la question des paradis fiscaux a focalisé l'attention des principaux dirigeants de la planète. Leur disparition permettrait de mettre à jour entre 10 000 et 13 000 milliards de dollars, jusque-là rendus invisibles par l'opacité propre aux circuits financiers des places offshore. L'appel lancé par les Etats pour renforcer la coopération financière semble avoir porté ses fruits puisque l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a fait savoir, le 20 novembre 2009, que sa liste noire (qui regroupe les Etats ne souhaitant pas s'engager à appliquer les standards de la finance internationale) ne comportait désormais plus aucun nom. Si l'ensemble des places offshore n'ont pas encore appliqué ces standards, toutes se sont engagées à le faire. Mais des incertitudes demeurent. La multiplicité des acteurs (firmes multinationales, particuliers, banques, cabinets de conseil et d'audit, etc.) et la sophistication des opérations financières tendent à limiter la portée des accords de coopération internationale dans la lutte contre les paradis fiscaux.

La lente agonie du secret bancaire suisse
L'Economie politique
Bruno Gurtner
En inscrivant, dès les années 1930, le secret au cœur de son système bancaire - celui-ci fait l'objet de l'article 47 de la loi bancaire helvète qui a été votée en 1934 -, la Suisse s'est placée très tôt en tête de la liste des paradis fiscaux. C'est la raison pour laquelle les pressions émanant du G20 pour lutter contre les places offshore s'exercent d'abord sur ce pays. Si la Confédération helvétique persiste à rejeter systématiquement l'échange automatique d'informations, elle a, cependant, commencé à reconsidérer ses positions en la matière, devant le risque de figurer sur la liste noire de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) des pays non coopératifs, et face aux pressions exercées en particulier par les Etats-Unis. La Suisse a en effet signé, entre 2009 et 2010, les douze conventions prévoyant l'assistance administrative en cas d'évasion fiscale et a négocié vingt-trois accords bilatéraux, y compris avec la France et les Etats-Unis.


EGALEMENT DANS CE NUMERO

SPORT ET ECONOMIE
La Coupe du monde 2010 ou l'Afrique du Sud dans un miroir
Géoéconomie
Thierry Vircoulon
A la fin du mois de juin 2010, débutera la Coupe du monde de football, l'événement sportif le plus médiatisé au niveau planétaire avec les Jeux olympiques. Pour la première fois de l'histoire, c'est le continent africain qui accueille ce championnat, et plus précisément l'Afrique du Sud. Cette dernière a déjà, depuis la fin de l'apartheid, organisé avec succès deux autres grands championnats sportifs : les Coupes du monde de rugby (en 1995) et de cricket (en 2003). Pour la " nation arc-en-ciel " qui n'est pas parvenue à régler les deux grands défis qui se posaient à elle, en 1994 - en finir avec la pauvreté et le racisme - cette Coupe revêt des enjeux considérables, sur le plan tant politique qu'économique. Aussi, les responsables sud-africains comptent-ils bien, en organisant cette compétition, démontrer que leur pays, qui revendique le statut de puissance émergente - au même titre que l'Inde et le Brésil - est à la hauteur de ses ambitions continentales et mondiales.

RISQUE PAYS
Le nouveau paysage du risque pays
Conjoncture - BNP Paribas
Guy Longueville
Le risque pays, une notion composite qui englobe l'ensemble des aléas pouvant affecter un investisseur financier dans ses relations avec un pays donné, a été profondément affecté par la crise économique mondiale. Les changements qui se sont produits concernent les composantes mais également le périmètre du risque pays. D'abord, la crise a mis fin à une période d'amélioration du risque, notamment dans les pays en développement (PED). Ensuite, elle a modifié la prise en compte du risque dans les pays développés, considérés jusqu'en 2006-2007 comme non risqués. Dans ce groupe de pays, il devient de plus en plus malaisé de traiter isolément le risque bancaire et de crédit ou bien encore le risque souverain, car l'intensité croissante des composantes du risque pays a pour corollaire un renforcement de leurs interactions.

ECONOMIES ETRANGERES
Le rôle accru des entreprises dans la politique familiale
Chronique internationale de l'IRES
Mechthild Veil
Pendant très longtemps, la politique familiale allemande n'a pas été considérée comme une priorité en Allemagne, se conformant en cela à une tradition qui remonte à l'Après-guerre et considère la famille non seulement comme une valeur, mais aussi comme une institution sociale fondamentale, ayant une fonction de médiation entre l'Etat et l'individu. Mais le très faible niveau de la fécondité (longtemps compensé par un solde migratoire très favorable) annonce, pour les années à venir, un choc démographique d'une ampleur considérable. Les pouvoirs publics ont commencé à prendre très au sérieux ce problème et plusieurs dispositions ont été adoptées : augmentation du niveau des allocations familiales, amélioration du statut fiscal des familles, instauration d'un congé parental très généreux et investissements massifs dans les dispositifs d'accueil des jeunes enfants. Plus récemment, les entreprises, confrontées à une prochaine pénurie de main-d'œuvre, se sont mises à leur tour à s'intéresser à cette problématique et font désormais figure de véritables laboratoires d'innovation et d'expérimentation.
 

No 2.999
07 juillet 2010

Comment réformer les retraites

Pour un big bang des retraites
Futuribles
Jacques Bichot
L'année 2010 représente pour la France une nouvelle étape du processus de réforme des systèmes de retraite. Celle-ci se déroule dans un contexte particulièrement difficile puisqu'avec la crise économique des déficits qui n'étaient attendus qu'en 2020 surviennent dix ans plus tôt. Comme lors des phases précédentes, les mesures qui seront adoptées devraient consister en quelques ajustements paramétriques. Pourtant, nombreuses sont les voix qui, comme celle de Jacques Bichot, s'élèvent pour appeler à une refonte radicale du système. Le big bang des retraites jugé nécessaire par l'auteur ne peut toutefois être mis en œuvre du jour au lendemain. En Suède, une telle opération s'est révélée longue et difficile, alors que les conditions y étaient beaucoup plus favorables. Selon lui, ce que la France peut dorénavant décider, c'est au moins de s'engager dans la voie qui préparerait une grande réforme systémique.

Faut-il reculer l'âge légal du départ à la retraite ?
Revue de l'OFCE
Samia Benallah, Cindy Duc et François Legendre
En 2009, environ 75 % des prestataires du régime général d'assurance vieillesse sont partis à la retraite à (ou avant) soixante ans, l'âge minimum légal d'ouverture de leurs droits. Les auteurs examinent les arguments qui plaident en faveur d'un relèvement de cet âge. Ils montrent notamment que les effets des réformes de 1993 et de 2003, combinées avec certaines tendances socio-économiques comme une entrée dans la vie active plus tardive que dans le cas des générations précédentes ou encore la multiplication de carrières davantage heurtées, devraient conduire dans les quinze prochaines années à un relèvement sensible de l'âge moyen de départ en retraite.

Le système par répartition ressoude le pacte entre générations
Projet
Nicolas Postel
Le système de retraite par répartition a été conçu pour que la question de la prise en charge du vieillissement échappe à la sphère privée. Selon l'auteur, les choix opérés en matière de réforme depuis quinze ans ont peu à peu conduit à un affaiblissement de la logique du système par répartition, générateur d'un potentiel conflit intergénérationnel. Il défend l'idée que la question des retraites est avant toute chose une question sociopolitique, sans contrainte économique majeure. Il conteste, entre autres, l'idée selon laquelle il serait naturel de travailler plus longtemps, puisque l'espérance de vie augmente, en montrant que ce choix ne permettrait pas, dans un contexte de chômage de masse, de régler la question du financement des retraites. Préserver le système par répartition est essentiel, si l'on souhaite échapper à un conflit entre générations qui demeure pour le moment fantasmatique.

La réforme suédoise : des choix novateurs ?
Rapport du Conseil d'orientation des retraites
Antoine Math
En 2001, après un processus politique de plusieurs années, un nouveau régime de retraite a été adopté en Suède. Ce système, fondé sur la méthode des comptes notionnels à cotisations définies exerce, en France, une certaine fascination sur nombre de responsables politiques ou sur des économistes spécialisés dans l'étude de la question des retraites. Les uns et les autres attribuent, en effet, à ce système de nombreux avantages comme un meilleur pilotage à long terme, une plus grande équité, un partage plus équilibré des risques entre salariés, une lisibilité améliorée sur l'acquisition des droits ou une plus grande transparence. L'auteur se propose, afin de vérifier ces prétendus avantages, de comparer le système de retraite français avec son pendant scandinave. Si la technique utilisée dans le système suédois est originale, les contraintes auxquelles il doit faire face sont assez similaires à celles affrontées par d'autres et les choix effectués en France présentent bien des ressemblances avec ceux de la Suède.

" Pas de bonne réforme des retraites sans économie de l'avenir "
touteleurope.fr
Entretien avec Bruno Palier
En raison de la crise économique mondiale, de nombreux gouvernements en Europe vont être contraints de repenser leurs systèmes de retraite. La France ne fait donc pas exception. Bruno Palier, spécialiste de la protection sociale en Europe, revient sur les enjeux de la réforme en France, puis sur la situation actuelle des systèmes de retraite chez nos voisins. Il montre que la façon dont se posent au nord et au sud du continent les termes du débat est déterminante pour l'issue des réformes engagées. Il insiste également sur le fait que réussir de telles réformes passe par une transformation de l'économie européenne afin que cette dernière retrouve une véritable compétitivité dans le contexte de la mondialisation. Il déplore à ce propos l'échec de la stratégie de Lisbonne.


EGALEMENT DANS CE NUMERO

FINANCE
La banque change d'univers
Revue d'économie financière
Olivier Pastré
Depuis 1990, l'industrie bancaire a profondément changé, à tel point que certains jugent aujourd'hui que la banque, au sens traditionnel du terme, n'existe plus. Cette mutation s'explique par un triple choc : technologique, réglementaire et économique. Celui-ci a conduit à une diversification étonnante des métiers bancaires - de la gestion des moyens de paiement à l'assurance-dommage en passant par la domotique - qui, souvent, n'ont strictement aucun lien entre eux. Cette évolution complique à la fois leur gestion et leur contrôle. Ainsi, au gré des évolutions et malgré des avancées concernant la régulation du secteur bancaire, de nouveaux problèmes émergent, comme l'a montré la crise des subprimes. La réflexion engagée autour de la réglementation ne doit pas porter que sur le seul secteur bancaire, mais englober également les hedge funds, les paradis fiscaux ou les agences de notation.

SALAIRES ET REVENUS
Les très hauts salaires du secteur privé
INSEE PREMIERE
Michel Amar
Les très hauts salaires du secteur privé, soit le 1 % des salariés à temps complet les mieux rémunérés, ont perçu en 2007 un salaire annuel moyen de 215 600 euros. Ce niveau de rémunération est sept fois plus élevé que celui de la moyenne des salariés à temps complet. Figurent principalement dans la catégorie des très hauts salaires, des dirigeants d'entreprise, des professionnels de la finance ou des commerciaux. Ces salariés sont très majoritairement des hommes, même si la part des femmes (13 %) dans cette catégorie s'accroît. Au cours de la période qui s'étend de 2002 à 2007, les très hauts salaires ont bénéficié d'augmentations substantielles : entre 5,8 % par an et 14,5 %, selon les cas, en moyenne et en euros constants, contre 2,3 % en moyenne pour l'ensemble des salariés ayant travaillé continûment au cours de ces cinq années.

ECONOMIES ETRANGERES
Le Mexique est-il toujours latino-américain ?
Accomex
Florence Pinot de Villechenon
Le 1er janvier 1994, le Mexique créait avec ses voisins d'Amérique du Nord, le Canada et les Etats-Unis, l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Près de cinq cents ans séparent la conquête du Mexique par les Espagnols et l'entrée en vigueur de l'ALENA. Si le Mexique partage avec ses voisins latino-américains plusieurs siècles d'histoire, la stratégie commerciale extravertie sur laquelle il a misé ces dernières années l'a quelque peu éloigné du sud du continent. Premier exportateur d'Amérique latine, en particulier pour les biens " transformés ", le Mexique tend toutefois à être éclipsé par la récente montée en puissance du Brésil sur les scènes régionale et internationale.

No 3000 (numéro anniversaire)
21 juillet 2010

Vous pensiez tout savoir de l'économie ?
Freakonomics ou l'économie insolite

Quand l'économie renouvelle ses méthodes

" Au départ, mes travaux n'ont pas été très bien reçus par les sociologues "
Problèmes économiques
Entretien avec Gary Becker
Lauréat, en 1992, du prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel, Gary Becker, 79 ans, a accepté d'accorder une interview à la rédaction de Problèmes économiques. S'il a été l'un des premiers économistes à s'intéresser à des questions sociétales comme la famille ou la criminalité, il rappelle, dans cet entretien, combien il a été, au début, difficile de faire accepter ses travaux auprès de la plupart de ses collègues sociologues. Interrogé sur la freakonomics, Gary Becker vante le sérieux et la qualité des études menées par son collègue du département d'économie de l'université de Chicago, Steven Levitt. Selon Gary Becker, celles-ci contribuent au renouvellement des approches et des outils des sciences économiques qui peuvent être appliqués à de nombreux domaines. C'est une des raisons pour lesquelles il prédit un avenir radieux à la science économique.

Comment éduquer vos enfants pour qu'ils prennent soin de vos vieux jours
Journal of Political Economy
Gary Becker
Avant la publication, en 1981, de Traité sur la famille, un des ouvrages phares de Gary Becker, les questions portant sur les relations entre les membres de la famille, comme le divorce, le mariage, la place de l'homme et de la femme dans le couple, la parentalité, les enfants, etc. avaient été largement négligées par les économistes. Selon Gary Becker, le modèle malthusien a échoué parce qu'il ne prend pas en compte l'appréciation de la valeur du temps qui augmente le coût de la prise en charge des enfants et dissuade donc de procréer. Les parents sont en outre, selon sa thèse, encouragés à investir dans l'éducation de leurs enfants pour augmenter les chances de bénéficier, plus tard, d'un " retour sur investissement ", c'est-à-dire d'une aide lorsqu'ils seront âgés. Mais n'étant jamais certains d'obtenir un tel retour, les parents inculquent en sus à leurs enfants les sentiments de culpabilité, de l'amour filial et de l'obligation envers leurs aïeuls.

Etes-vous vraiment libre de vos décisions au quotidien ?
La vie des Idées
Emilie Frenkiel
Selon la science économique " classique ", l'individu n'aurait qu'un seul mode de pensée, réfléchi et rationnel qui le conduirait à maximiser son bien-être et, plus largement grâce à l'intervention de la " main invisible ", celui de la société. Mais l'économie comportementale a montré que l'individu pouvait au contraire se montrer intuitif et automatique. Une nouvelle doctrine du paternalisme libertarien a, avec le concept anglo-saxon de nudge (" coup de coude " en français), trouvé un moyen permettant d'inciter les individus à prendre les " bonnes " décisions sans les priver de leur liberté d'action. L'impact des nudges aux Etats-Unis a été tel que le président, Barack Obama, en est devenu un fervent adepte. Ces " coups de coude ", émanant d'institutions ou d'entreprises, imperceptibles pour les individus, représentent en effet une troisième voie permettant d'expliquer les décisions individuelles et en mesure de mettre d'accord sur ce point keynésiens et libertariens.

Quand la biologie vient au secours de l'économie
Le Monde Economie
Antoine Reverchon
Déjà au XIXe siècle, les théoriciens britanniques de la décision rationnelle, comme Jevons et Edgeworth, s'inspiraient de l'Ecole psychophysiologique allemande pour laquelle la pensée était le résultat d'une fonction physiologique. Aujourd'hui, la neuroéconomie, produit du rapprochement entre la science du cerveau et la science économique, tente d'élaborer des modèles prédictifs de la prise de décision. Désireux d'être considérés comme de véritables scientifiques, bon nombre d'économistes ont multiplié les expériences neurologiques et ont, de ce fait, popularisé une nouvelle discipline au sein de la science économique : la neuroéconomie. Certains chercheurs nous mettent toutefois en garde contre le danger qu'il y aurait à confondre l'homme social et l'homme biologique.

Dealers, avortement, altruisme...la freakonomics à la conquête de nouveaux objets d'étude

L'homo-œconomicus est mort. Vive l'homo-altruisticus !
Super freakonomics (Éditions Denoël)
Steven Levitt et Stephen Dubner
Dans les années 1970, un meurtre a été commis dans la banlieue de Chicago. Ce crime s'est déroulé une demi-heure durant devant plusieurs témoins. Mais aucun d'entre eux n'est intervenu ni n'a cherché à alerter la police. Pourquoi ? Cette question ne relève a priori pas de la science économique. La réponse la plus évidente est que, face au danger, des individus rationnels ont tout intérêt à rester passifs ou à s'enfuir. Pourtant, l'homme est capable, dans bon nombre de situations, de faire preuve d'altruisme. C'est ce qu'a montré une expérience menée, il y a quelques années, aux Etats-Unis, par des professeurs d'université, laquelle consiste à mettre en scène dans le cadre d'un jeu deux personnes devant se partager vingt dollars.

Comment faire baisser la criminalité ? Légalisez l'avortement !
Quarterly Journal of Economics
Steven Levitt et John Donohue
Aux Etats-Unis, la criminalité a, depuis la légalisation de l'avortement en 1973 - lorsque la Cour suprême a rendu son arrêt dit " Roe versus Wade " -, nettement régressé. Dans les cinq Etats qui l'ont autorisée trois ans avant, en 1970, la diminution du nombre de crimes a commencé plus tôt que partout ailleurs. Les Etats affichant des taux d'avortement élevés dans les années 1970 et 1980 ont connu une importante baisse de la criminalité au cours des années 1990. Il existerait ainsi une causalité entre la légalisation de l'avortement et la diminution du nombre de crimes. La première aurait en effet contribué à expliquer 50 % de la seconde. Au-delà des faits, les auteurs mettent en évidence le rôle de l'instruction de la mère ainsi que son âge et ses origines ethniques dans la relation entre les deux variables. Chez les femmes noires concernées par les réformes de la législation sur l'avortement, de moins de 20 ans, mariées ou célibataires, on constate en effet une forte diminution de la fécondité.

Pourquoi les dealers vivent-ils encore chez leur maman ?
Freakonomics (Éditions Denoël)
Steven Levitt et Stephen Dubner
Les dealers pratiquent un commerce illicite censé les enrichir. Alors pourquoi vivent-ils toujours chez leur mère ? Travail sociologique à l'appui - en particulier celui que Sudhir Venkatesh, professeur de sociologie à l'université Columbia (New York), a effectué pendant six ans au sein d'un gang d'un ghetto de Chicago, lorsqu'il était doctorant en sociologie -, Steven Levitt répond à la question. Certes, les revenus de la vente de drogue sont considérables (jusqu'à 68 400 dollars par an au moment de l'étude), mais ce commerce requiert une main-d'œuvre nombreuse, jusqu'à deux cents individus environ qui sont considérés comme de véritables salariés. Or, les dealers n'interviennent qu'en bout de chaîne, c'est-à-dire après les décisions du chef de bureau, des directeurs, des chefs locaux et des lieutenants. Un dealer empoche alors 3,30 euros de l'heure nets en moyenne, soit moins que le salaire minimum fédéral...


La freakonomics ne va-t-elle pas trop loin ?

Avortement et criminalité : les erreurs des " freakonomistes "
The Wall Street Journal
Jon E. Hilsenrath
La thèse, développée par Steven Levitt et John Donohue, selon laquelle la baisse de la criminalité aux Etats-Unis dans les années 1990 s'explique par la légalisation de l'avortement vingt-cinq ans plus tôt a fait l'objet d'un vif débat lors de sa publication dans le Quarterly Journal of Economics, en 2001. Tant du côté des milieux conservateurs - qui considèrent l'avortement comme un crime - que chez les démocrates qui y voient une stigmatisation des mères afro-américaines. Certains économistes ont en outre critiqué le choix des statistiques utilisées pour l'étude.

Freakonomics, des réponses parfois trop simples à des questions complexes
Sociétal
Baptiste Marsollat
Peut-on s'appeler Loser et réussir dans la vie ? Pourquoi souscrire une assurance décès quand on s'apprête à commettre un attentat suicide ? Vaut-il mieux conduire ou marcher en état d'ivresse ? Si ces questions traitées dans Freakonomics et Super freakonomics sont insolites, les réponses ne le sont pas moins ! Ainsi, au regard du nombre de décès par kilomètre parcouru, un piéton ivre a huit fois plus de chances de mourir d'un accident de la circulation qu'un automobiliste saoul. On peut toutefois contester l'unité retenue : le décès à l'heure ne modifierait-il pas la donne ? A propos d'un autre problème, celui du réchauffement climatique, les auteurs de ces deux ouvrages ont également fait l'objet de critiques en ne proposant que des solutions de nature presque exclusivement économique. Certains climatologues les ont en effet jugés dangereusement irresponsables et profondément ignorants du sujet.

Freakonomics ou " trouver les bons chiffres pour expliquer la face cachée de tout "
Problèmes économiques
Entretien avec Philippe Steiner
Sur le blog tenu par Steven Levitt et Stephen Dubner hébergé par le quotidien américain The New York Times, il est indiqué que la freakonomics explore la face cachée de tout. Il est vrai que les ouvrages, Freakonomics et Super freakonomics, co-écrits par les deux bloggeurs traitent de tous les sujets dans un style accessible à tous. Mais, comme le rappelle Philippe Steiner, spécialiste de la sociologie économique, qui a accepté de répondre aux questions de la rédaction de Problèmes économiques, l'analyse de faits sociaux par des économistes reste périlleuse, car leur démarche aboutit à forger une socio-économie capable d'endogénéiser les facteurs sociaux. C'est que l'on appelle, depuis les années 1960, l'" impérialisme économique ", contre lequel les fondateurs de la sociologie économique moderne n'ont eu de cesse de s'élever.


No 3001
1er septembre 2010

L'Europe après la crise grecque

Après la crise grecque : où en est-on ?
L'Expansion
La crise grecque, qui s'est muée en une " crise de l'euro ", a fortement ébranlé, au printemps 2010, l'Union européenne (UE) et les marchés financiers internationaux. La crise qui a éclaté à la suite de l'endettement excessif de l'Etat grec, s'est ensuite rapidement étendue à d'autres pays, comme l'Espagne, le Portugal ou l'Irlande. Afin d'endiguer cette " crise de la dette européenne ", les chefs d'Etat et de gouvernement ont annoncé, le 9 mai 2010, la mise en place du Fonds de stabilisation financière, constitué à partir de garanties émises par les Etats, ainsi qu'une contribution du Fonds monétaire international (FMI). Ce Fonds européen représente un pas de plus vers une gouvernance commune de la zone euro. Néanmoins, la création de cet instrument financier n'a pas pour autant mis un terme à la crise et de nombreuses questions demeurent...

La crise révèle l'incohérence de la zone euro
Le Monde
Michel Aglietta
L'histoire montre que, le plus souvent, les crises bancaires internationales dégénèrent en crises de dettes souveraines. La crise de la dette européenne ne fait pas exception. Son déclenchement n'est cependant pas vraiment une surprise, car les difficultés de la Grèce et d'autres pays, ainsi que les turbulences autour de la monnaie unique sont le résultat du manque de cohérence de la zone euro qui se traduit par un problème de crédibilité. Les investisseurs internationaux, craignant une crise systémique, se sont rués vers les titres publics allemands, selon un scénario classique de fuite vers la qualité. Seul le déploiement de moyens d'intervention d'urgence et de garanties gouvernementales associées a pu mettre fin à cette spirale négative. Cependant, ces moyens restent insuffisants. L'Union européenne ne pourra pas sortir de l'impasse sans un changement radical de politique et de gouvernance économiques.

Le Fonds de stabilisation financière, une fausse bonne idée ?
Ifo-Schnelldienst
Hans-Werner Sinn
La création du Fonds de stabilisation financière, annoncée le 9 mai 2010, a calmé les marchés et mis fin à une grave crise de la zone euro. Hans-Werner Sinn, directeur de l'institut IFO à Munich et un des économistes allemands les plus réputés, s'interroge sur les bien-fondés de cette décision. Tout d'abord, parce qu'il réfute l'idée même de l'existence d'une crise systémique qui aurait menacé l'euro, sa baisse demeurant relativement modérée. La crise concernait plutôt les détenteurs des titres des pays fragilisés par la crise - surtout des établissements bancaires. Le problème était, selon lui, que certains pays craignaient de ne plus pouvoir se financer aussi bon marché que durant les premières années de la monnaie commune. Hans-Werner Sinn estime, ensuite, que l'union monétaire a besoin de mécanismes d'ajustement afin de réduire les déséquilibres dans la zone euro. Or, le Fonds de stabilisation qui s'assimile à une assurance tout risque, rend ces ajustements plus difficiles, ce qui peut s'avérer dangereux à terme.

Quelle solution autre que des politiques économiques très restrictives ?
Flash Economie - Natixis
Patrick Artus
Afin de réduire rapidement leurs déficits, les gouvernements de la zone euro ont décidé de mettre en place un ensemble de politiques restrictives. Cette décision a recueilli l'aval de la Banque centrale européenne (BCE), de la Commission européenne et de l'Allemagne, qui préconisent de regagner de la compétitivité, en pratiquant notamment une plus grande modération dans les politiques salariales. Cependant, si le niveau des salaires dans certains pays a augmenté plus vite qu'en Allemagne, cette évolution est aussi due à un effet de convergence et à une spécialisation induite par l'euro. Ainsi, les pays du sud de l'Europe ont exploité leurs avantages comparatifs dans les domaines de l'agriculture et du tourisme. Une baisse des salaires n'aurait ainsi que peu d'effet sur leur compétitivité industrielle. La mise en œuvre d'une politique économique alternative nécessite de s'interroger sur les mécanismes de spécialisation productive existant dans la zone euro, ainsi que sur l'absence de solidarité financière directe entre Etats membres.

Repenser la gouvernance économique de la zone euro
Bruegel Policy Contribution
Jean Pisani-Ferry
La crise grecque est riche d'enseignement : outre les insuffisances de l'appareil statistique dont s'est dotée la Commission européenne pour suivre les politiques économiques des Etats membres, elle a démontré la rigidité des règles de gouvernance en vigueur et le besoin de compléter le système de prévention des crises par un meilleur management des périodes marquées par des turbulences économiques. Afin de repenser la gouvernance économique de la zone euro, la Commission européenne a déjà manifesté son intention de renforcer les règles existantes. Selon Jean Pisani-Ferry, ceci reste insuffisant. Il faudrait d'abord, au-delà du suivi de la discipline budgétaire, étendre la surveillance à d'autres aspects de la politique économique des Etats membres. Il faudrait ensuite décider quel degré de décentralisation on souhaite adopter à l'avenir. Enfin, il serait souhaitable de compléter le système de règles aujourd'hui en vigueur, notamment dans le domaine de la résolution de crises, en particulier par un mécanisme de restructuration de la dette des pays surendettés.

Egalement dans ce numéro

Commerce international
Après la crise : éviter le protectionnisme
Finances et Développement
Christian Henn et Brad Mac Donald
Le protectionnisme n'a guère joué de rôle dans la contraction brutale du commerce de biens et de services en 2008 et 2009. Selon l'Organisation mondiale du commerce (OMC), peu de pays ont en effet mis en œuvre de nouvelles mesures allant dans ce sens. A cet égard, le spectre de la crise des années 1930 a sans aucun doute joué un rôle positif en dissuadant les décideurs politiques de renforcer les obstacles au commerce. Cependant, dans la mesure où les taux de chômage sont, dans les pays avancés, à leurs niveaux les plus élevés depuis plusieurs années, les pressions protectionnistes vont continuer de s'exercer de façon durable. La plus grande vigilance restera donc, au cours des prochains mois, de rigueur.

Economie et Société
Pour en finir avec l'hégémonie du lien économique
Réalités industrielles - Annales des Mines
Michel Berry
Il est devenu naturel, en particulier dans les pays avancés, de considérer que ce qui fonde la relation sociale est avant tout d'essence économique. En période de crise, ce constat aboutit logiquement à ne mobiliser, pour renouer avec la croissance, que des mesures d'ordre économique. Or, la part de l'économie dans les activités humaines a considérablement diminué dans les pays riches. Les biens échangés ne sont qu'un moyen parmi d'autres d'établir des relations entre les individus. Aujourd'hui, remédier au mal-être dans lequel la société est plongée nécessite donc de prendre en compte d'autres sources de richesses que les seuls échanges économiques.


Secteurs
L'activité de transport aérien est-elle un modèle rentable ?
Prospective stratégique
Vincent Bamberger
Les compagnies aériennes sont désormais confrontées à deux types de difficultés : la faiblesse des barrières à l'entrée sur le marché du transport aérien et l'absence de " ressources rares " qui garantissaient, jusque-là, la rentabilité des transporteurs. L'autorisation d'employer une route aérienne s'obtient maintenant plus facilement ; les compagnies ont augmenté, en investissant davantage dans les infrastructures, leur capacité physique à emprunter une route - le créneau horaire ou slot - ; l'offre de vols bon marché s'est accrue, etc. La disparition progressive de ces ressources rares a ainsi provoqué la hausse des droits de trafics, le renchérissement des créneaux horaires et la multiplication du nombre d'appareils. Si les business models de transport aérien sont nombreux (traditionnel, low cost, charter, jet privé, etc.), aucun ne peut miser aujourd'hui sur la durabilité de la rentabilité.

No 3002
15 septembre 2010

Le Brésil de Lula

Le Brésil de Lula : de l'espoir... à la désillusion ?
Alternatives Sud
Laurent Delcourt
Le second mandat du Président brésilien, Ignacio Lula da Silva, s'achèvera dans quelques semaines. L'heure du bilan a donc sonné. Lors de sa première investiture, en janvier 2003, le risque pays du Brésil atteignait 2 436 points, contre 216 en 1996. En s'attelant en priorité à résoudre les graves problèmes financiers du pays, Lula a réussi à redonner confiance aux investisseurs et à stopper l'hémorragie de capitaux qui favorisait l'inflation. Si, depuis, les institutions internationales, le Trésor américain, les grandes banques d'affaires et les agences de notation n'ont de cesse de louer le travail accompli par Lula, les choix opérés par ce dernier ont suscité une véritable déception chez bon nombre de Brésiliens qui ont considéré que sa politique économique, lors de son premier mandat, constituait un renoncement au regard du projet populaire dont le Parti des travailleurs (PT) était porteur. Mais une fois le spectre de l'inflation éloigné, les enjeux sociaux sont devenus, à la fin du premier mandat et au cours du second, la priorité du gouvernement.

Quand le Brésil tire la leçon des crises financières
The Economist
Si les pertes du Brésil imputables à la récente crise financière s'élèvent, selon la Banque des règlements internationaux (BRI), à 25 milliards de dollars, aucune grande banque brésilienne n'a fait faillite. Il faut dire que le pays a beaucoup appris des crises récurrentes qui se sont succédé au cours des dernières décennies. Les taux d'intérêt, maintenus volontairement par les autorités locales à un niveau très élevé, ont permis d'augmenter la part des dépôts brésiliens dans les banques du pays (deux tiers du total des dépôts, soit le ratio le plus élevé d'Amérique latine) et ont attiré les capitaux étrangers, consolidant ainsi les systèmes bancaire et financier. Mais la médaille a cependant son revers. Le niveau des taux d'intérêt tend en effet à décourager l'endettement des ménages et à entraver la consommation de la classe moyenne.

Une classe moyenne en plein essor
The Economist
Selon l'Institut brésilien de géographie et de statistiques (IBGE), la part de la population se situant dans la classe moyenne - qui regroupe les ménages ayant un revenu compris entre 603 et 2 603 dollars - est passée de 42 %, en 2004, à 52 %, en 2008 et est restée stable après la crise. Les emplois relevant de l'économie officielle qu'occupent ces ménages leur permettent d'avoir accès au crédit. Le crédit à la consommation a ainsi augmenté de 28 % par an au cours des trois dernières années. Seuls les taux d'intérêt, particulièrement élevés au Brésil, pourraient, à terme, constituer un obstacle au développement de la classe moyenne.

Lula a-t-il vraiment fait reculer la pauvreté ?
Alternatives internationales
Pierre Salama
Le Brésil compte divers programmes de lutte contre la pauvreté, comme la " Bolsa Família " qui concerne 12 millions de foyers. Si ce programme existait déjà avant l'arrivée au pouvoir de Lula, ce dernier en a étendu l'application et simplifié les procédures. Parallèlement à la forte croissance économique que connaît le pays ces dernières années - celle-ci, moins volatile que par le passé, a permis à 19 millions de Brésiliens d'accéder à la classe moyenne - et à une conjoncture favorable, ces programmes sociaux ont contribué au recul de la pauvreté. Le Brésil enregistre toutefois, chaque année, le niveau d'inégalités le plus élevé de tous les pays émergents. La redistribution très inégalitaire des fruits de la croissance a en effet exacerbé les écarts de revenus entre les riches et les pauvres.

Brésil, puissance régionale, puissance mondiale
Atlas de la mondialisation
Marie-Françoise Durand, Philippe Copinschi, Benoît Martin et Delphine Placidi
Depuis la conférence de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à Cancún (Mexique), en août 2003, au cours de laquelle Lula a pris la tête du G20 qui rassemble les principaux pays émergents, le Brésil est, aux côtés de l'Inde et de la Chine, une des nations leader des pays du Sud. Son influence au niveau mondial tant sur le plan économique que diplomatique n'a cessé de s'affirmer. Les contributions humanitaires du Brésil, comme celles offertes à Haïti au lendemain du tremblement de terre de janvier 2010, ont, notamment, été multipliées par vingt en trois ans. Lula a, en outre, depuis 2003, doublé le nombre de personnels envoyés pour des opérations de paix dans le cadre de l'Organisation des Nations unies (ONU). De même, le géant sud-américain compte désormais 11 entreprises (dont Petrobras au douzième rang, 5 banques et 4 entreprises sidérurgiques) parmi les 500 plus grandes firmes mondiales, contre 7 en 2007. Aujourd'hui dixième puissance mondiale, le Brésil pourrait, s'il parvient à maintenir un niveau de croissance annuelle autour de 5 à 6 %, se hisser, selon la Banque mondiale, au cinquième rang en 2014.

Egalement dans ce numéro

ECONOMIE INTERNATIONALE
Lendemains de crise
La Lettre du CEPII
Agnès Bénassy-Quéré, Benjamin Carton, Fan He, Masahiro Kawai, Yung Chul et Jean Pisani-Ferry
La reprise, dont les prémices ont eu lieu en 2009, a connu des rythmes différents selon les pays en raison notamment du découplage, plus important que prévu, entre les économies avancées et celles des pays émergents. Le système monétaire international reste dominé par le dollar, l'euro n'étant pas considéré comme un concurrent de taille. Si le renminbi (yuan) repose sur une économie forte, il ne peut cependant pas obtenir un statut international sans une convertibilité complète. La stabilité du système monétaire international ne dépendra toutefois plus uniquement du dollar. En ce qui concerne le G20, le projet de faire du groupe des économies les plus importantes la principale instance de coordination internationale ne semble pas avoir survécu aux premiers signes de la reprise. Celui-ci reste toutefois en mesure de jouer les premiers rôles dans le rééquilibrage de la croissance mondiale.

CULTURES ET ENTREPRISES
Penser la diversité des cultures
Sciences Humaines
Entretien avec Philippe d'Iribarne
Dans le monde de l'entreprise et du management, les logiques culturelles jouent un rôle fondamental. A l'heure de la mondialisation, la diversité des cultures nationales n'a pas perdu de sa force. Au sein des firmes multinationales, un travail permanent d'adaptation des valeurs portées par l'entreprise est nécessaire lorsque ces dernières s'implantent à l'étranger et y recrutent du personnel local et cela en dépit même d'une certaine homogénéisation des pratiques managériales inspirées des méthodes anglo-saxonnes. L'organisation du travail et les rapports au sein de l'entreprise doivent ainsi, pour bien fonctionner, être repensés. Philippe d'Iribarne, directeur de recherche au CNRS, a fait de l'analyse des cultures nationales dans la mondialisation son terrain d'investigation, développant, depuis de nombreuses années, une approche singulière au sein des sciences sociales.


ECONOMIES ETRANGERES
La Suisse et l'Union européenne : une énigme
Idées
Guillaume Vallet
Le succès de l'intégration économique et monétaire opérée en Europe depuis la signature du traité de Rome en 1957 est indéniable. Les projets d'intégration " concurrents ", comme l'Association européenne de libre-échange (AELE), créée en 1960, n'ont pas eu de succès sur le long terme, car la plupart de ses membres ont rejoint l'UE, à l'exception de la Norvège (qui a néanmoins adhéré à l'Espace économique européen, EEE, en 1994) et de la Suisse. Cette dernière entretient avec l'UE des relations particulières : tout en se tenant à l'écart du processus d'intégration économique, elle a progressivement cherché à y participer, mais sans y adhérer. Cette " intégration non adhésive " si elle sert les intérêts du pays, est néanmoins très précaire, notamment à cause de la problématique liée au taux de change. Le pays sera-t-il un jour condamné à l'adhésion à l'UE ?
No 3003
29 septembre 2010

La réindustrialisation en marche

La politique industrielle est de retour
Alternatives économiques
Marc Chevallier
Les menaces qui pèsent sur l'avenir de l'industrie française ne datent pas de la crise récente. Ce secteur est malmené depuis une dizaine d'années déjà. Les autorités publiques s'inquiètent des conséquences d'une telle évolution, car au-delà même des emplois directement concernés, un affaiblissement durable de l'industrie serait source de graves problèmes pour l'ensemble de la société et de l'économie. L'intervention de l'Etat s'est donc avérée nécessaire et des politiques pour stabiliser, voire relancer l'industrie française se sont succédé ces dernières années, sans toujours être très efficaces. Cet article fait un tour d'horizon des principaux moyens d'action utilisés, de leurs contenus et de leurs résultats : les grands programmes, les pôles de compétitivité, le Fonds stratégique d'investissement, etc.

Diagnostic de l'industrie française
Rapport public du ministère en charge de l'Industrie
Jean-François Dehecq
Au cours de la dernière décennie, l'industrie française a enregistré un double repli : l'emploi industriel a diminué (de 16 à 13 % depuis 2000) et la position de l'industrie française, rapportée aux performances des principaux partenaires économiques, s'est dégradée. La baisse de l'emploi industriel affecte tous les secteurs - et ce bien que certains d'entre eux éprouvent des difficultés de recrutement. En termes comparatifs, le secteur manufacturier français pèse moins dans la valeur ajoutée que ce n'est le cas dans la plupart des pays européens. La balance commerciale de l'industrie française se dégrade. Ces tendances contrastent notamment avec celles observées en Allemagne. Par ailleurs, si, dans les branches les plus intensives en recherche et développement (R&D), l'effort à ce titre est comparativement plus important en France qu'en Allemagne, l'Hexagone accuse un retard notable en termes de dépenses totales de R&D rapportées au produit intérieur brut (PIB). La faiblesse du nombre de grandes PME en est une explication.

Les trois déterminants de la désindustrialisation
Les Cahiers de la DG Trésor
Lilas Demmou
Le phénomène de recul de l'industrie dans l'économie, parallèlement à une forte croissance du secteur des services, est qualifié de " désindustrialisation ". Celle-ci est, à des degrés variables, commune à l'ensemble des pays développés et s'explique par trois facteurs : le transfert de certaines tâches (et d'emplois) au secteur des services afin d'améliorer l'efficacité de l'action entrepreneuriale, la déformation de la structure de la demande au cours du temps (en raison notamment des gains de productivité dans les différents secteurs de l'économie) et, enfin, l'essor du commerce mondial et l'effet de la concurrence étrangère sur les performances du secteur industriel. Le rôle de ces trois facteurs évolue de manière contrastée : ainsi, l'effet " externalisation " a joué davantage avant 2000, tandis que l'effet " déformation " a davantage pesé ces dernières années.

Quand les délocalisations deviennent des erreurs stratégiques
Futuribles
André-Yves Portnoff
La pratique des délocalisations, très fréquente en Europe et aux Etats-Unis, peut s'avérer une stratégie risquée, notamment quand il s'agit d'activités de production. Telle est l'hypothèse avancée par l'auteur qui dénonce l'illusion selon laquelle les pays industrialisés croient pouvoir conserver les tâches les plus " nobles " de recherche et d'innovation et se décharger des fonctions plus frustes de fabrication. Cette politique représenterait donc un danger réel pour l'Occident, car celui qui se sépare à moyen ou long terme de son appareil productif risque de perdre sa capacité d'innovation. Pour que cette dernière se développe pleinement, elle doit rester physiquement proche de la production. Après cette vigoureuse mise en garde, l'auteur se penche sur les conditions susceptibles de donner un nouvel élan à l'industrie.

Désindustrialisation et choix politiques
Sociétal
André Gauron
La désindustrialisation est un phénomène complexe qui n'a pas seulement comme facteur d'explication les délocalisations ou la concurrence internationale, mais touche également l'environnement social, fiscal et éducatif. Une telle approche va à l'encontre du discours fondé sur des slogans du type " l'entreprise sans usine " et " le développement d'une économie tournée vers l'essor de services autour des biens manufacturiers ". Dès lors, l'auteur critique notamment la politique d'exonérations de cotisations sociales sur les activités peu qualifiées qui aurait accéléré le déclin de l'emploi dans l'industrie en faveur notamment du tourisme, des transports et de la distribution. Cette politique aurait également réduit les incitations à la formation et ainsi renforcé la déformation de la structure salariale au profit des peu ou des non-qualifiés. Il faudrait donc réaffirmer le leadership de l'industrie par rapport aux services, comme cela se fait avec succès en Allemagne.

Egalement dans ce numéro

ECONOMIES ETRANGERES
La locomotive asiatique grince
Topic
HEC Eurasia Institute
Les économies asiatiques figurent parmi celles qui sont sorties le plus rapidement de la crise économique. Un certain nombre d'incertitudes persistent toutefois dans la région. Le Japon tente de contenir une dette publique considérable, la croissance du secteur agricole, en Inde, stagne désespérément. Mais c'est la Chine - affichant 11,9 % de croissance au premier trimestre 2010 - qui attire toutes les attentions. Si la reprise des exportations a permis à la balance commerciale d'être de nouveau excédentaire, l'optimisme des entreprises étrangères installées dans ce pays se dégrade. Le plan de relance a en outre provoqué, via un desserrement du carcan bancaire, une explosion du nombre des créances douteuses. A cela s'ajoute une crise sociale. En effet, après trente années de forte croissance économique, les Chinois réclament désormais leur part du gâteau.

EUROPE
La zone euro en crise
La Lettre du CEPII
Agnès Bénassy-Quéré et Laurence Boone
Si la crise mondiale a provoqué un gonflement des dettes publiques, celles-ci ont révélé des problèmes structurels auxquels la zone euro doit désormais faire face : une union monétaire dépourvue de fédéralisme budgétaire et où la coordination gouvernementale est faible. L'ajustement budgétaire entre les Etats membres est ainsi devenu une priorité mais il ne doit pas entraver la reprise économique. La marge de manœuvre est toutefois étroite : les taux d'intérêt sont à un niveau particulièrement bas et la dévaluation de l'euro, impossible.

ECONOMIES ETRANGERES
Le véhicule électrique se fait toujours attendre
Le Journal de l´Ecole de Paris
Patrick Pélata et al.
Le véhicule électrique est encore loin de détrôner le moteur à explosion. Pour l'instant, seul le Japon a réellement réussi à mettre au point cette technologie, mais le prix des voitures hybrides ou électriques reste élevé. Celui-ci représente ainsi un des facteurs freinant la croissance du secteur. Aujourd'hui, en raison notamment du coût de l'énergie et de la limitation des émissions de CO2, le véhicule électrique revient incontestablement à la mode. Pourtant, et malgré des années de recherches, des obstacles à son développement demeurent. Au-delà des aspects techniques - comme notamment la faible densité énergétique des batteries et la durée de chargement de celles-ci -, d'autres aspects doivent également évoluer : les usages de la voiture, les modèles d'affaires, les relations entre les différents acteurs de l'automobile....
 

No 3005
27 octobre 2010

Etats-Unis, une sortie de crise incertaine

Le surendettement retarde la reprise
The Economist
Les Américains ont le moral en berne. L'économie américaine n'est plus en récession depuis quinze mois, mais la reprise reste très fragile. Désormais conscients des conséquences d'un endettement excessif, les ménages sont réticents à emprunter pour consommer. Or, la reprise économique dépend notamment du niveau des dépenses privées. Les économistes les plus optimistes misent sur la baisse du taux d'intérêt pour décourager l'épargne. Mais on sait aussi que la durée moyenne nécessaire pour que l'économie retrouve toute sa vigueur après une grave crise financière est environ de sept années...

Comment un taux de chômage record va changer l'Amérique
The Atlantic Monthly
Don Peck
Le taux de chômage aux Etats-Unis a atteint 10 % en octobre 2009, un niveau record depuis les années 1930, et se situe désormais autour de 9,6 %. L'économie américaine a, depuis le début de la crise, perdu dix millions d'emplois qu'il sera très difficile de retrouver rapidement - il faudrait en effet créer 1,5 million d'emplois par an pour renouer avec le niveau de chômage de 2007 (5 %). Non seulement le taux de chômage actuel entrave la croissance mais il risque de décourager les jeunes diplômés issus de la génération Y (nés entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1990). Le fossé entre le salaire de début de carrière d'un diplômé (de la génération X des personnes nées entre 1959 et 1981) entré sur le marché du travail dans une période favorable et celui d'un jeune diplômé qui l'intègre aujourd'hui se creusera en effet, exacerbant les inégalités de revenus. Réputés notamment pour leur optimisme, les jeunes de la génération Y risquent de voir celui-ci sérieusement entamé. Cela pourrait avoir pour conséquence un affaiblissement de l'esprit d'entreprise.

Les Etats-Unis et le défi chinois
E-note de l'IFRI
Jacques Mistral
L'interdépendance commerciale et financière entre les Etats-Unis et la Chine, qui est à l'origine de l'expression " Chinamérique ", n'a cessé de s'intensifier au cours des dernières années. Cette relation particulière qui lie les deux pays, à la fois concurrents et rivaux, détermine désormais en grande partie le sort de l'économie mondiale. La Chine s'est, jusqu'à maintenant, satisfaite d'un statu quo qui est la meilleure chance de lui garantir un progrès économique régulier dont elle entend tirer le plus de bénéfices possible. Si, selon l'auteur, l'interdépendance entre les deux économies semble malgré tout durable, celle-ci a récemment, en raison du déséquilibre commercial sino-américain, été remise en question par les Américains. Pékin pourrait, sous la pression de Washington qui souhaite une appréciation de la monnaie chinoise, être amené dans les prochains mois à introduire des modifications dans le mécanisme de formation du taux de change du yuan et ainsi renoncer à l'indexation de celui-ci sur le dollar.

La réforme de Wall Street, une " avancée considérable pour piloter les risques globaux "
Le Monde.fr
Entretien avec Michel Aglietta
La réforme de Wall Street, votée par le Congrès des Etats-Unis et signée par le président Barack Obama en juillet 2010, est la plus importante, en matière de régulation financière, depuis le New Deal. A titre d'illustration, la règle Volcker - inspirée par celui qui fut directeur de la Réserve fédérale (Fed) de 1979 à 1987 - sépare désormais les activités des banques de dépôts et des banques d'affaires de celles de trading sur fonds propres dont les excès ont été révélés à l'occasion de la dernière crise financière. La réforme octroie également une responsabilité nouvelle à la Fed : celle de garantir la stabilité du système dans son ensemble. Mais l'auteur rappelle que les premiers effets de la réforme ne seront pas immédiatement visibles. En 1933, il avait fallu deux ans avant que les réformes engagées ne deviennent opérationnelles...

Améliorer l'accès à l'assurance santé : une réforme historique mais limitée
Lettre de l'OFCE
Christine Rifflart et Vincent Touzé
Si la qualité des soins aux Etats-Unis est l'une des meilleures au monde, les dépenses de santé y représentent 16 % du produit intérieur brut (PIB) contre 11 % en France (et 8,9 % en moyenne dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques - OCDE), l'espérance de vie y est également plus faible et la mortalité infantile plus importante. Les Etats-Unis sont en outre le seul pays de l'OCDE, avec le Mexique et la Turquie, à ne pas offrir de couverture universelle ou quasi universelle à sa population. En raison d'une offre de couverture particulièrement concentrée et des prix élevés qui en découlent, 46,3 millions de résidents n'avaient, en 2008, aucune assurance santé. La réforme voulue par Barack Obama et adoptée au printemps 2010 devrait mettre fin à ces inégalités d'accès car elle simplifie le processus d'adhésion aux programmes publics et incite à s'assurer. Mais elle n'oblige toutefois pas à le faire et ne traite pas véritablement la question de la maîtrise des dépenses de santé.

Egalement dans ce numéro

ALIMENTATION
Le modèle alimentaire français contribue à diminuer le risque d'obésité
Consommation et modes de vie
Gabriel Tavoularis et Thierry Mathé
En dépit des nouvelles contraintes liées au monde du travail, à la crise du modèle familial traditionnel et à la simplification des repas, le modèle alimentaire français évolue très lentement. Les repas structurés, pris à heures régulières et comportant plusieurs plats, en restent les principales caractéristiques. Ce modèle s'oppose à celui des Etats-Unis où l'alimentation hors repas est privilégiée et où la proportion des personnes obèses est plus élevée : 26,9 % de la population adulte contre 14,5 % en France. Si le manque d'activité physique est régulièrement mis en cause dans l'augmentation du risque d'obésité, les études comparatives du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CRÉDOC) semblent montrer que le modèle alimentaire est également déterminant.

ENERGIE
Le marché de l'électricité, vers une nouvelle organisation
Revue de l'énergie
Dominique Finon
La loi sur la nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME) constitue une ultime étape dans le processus de libéralisation du marché de cette énergie. Le texte qui a été voté au cours de l'été 2010 par l'Assemblée nationale, vise deux objectifs : d'une part, une augmentation des parts de marché des concurrents du fournisseur historique et, d'autre part, le développement d'une concurrence de détail débouchant sur des prix en cohérence avec le coût du kWh nucléaire. La loi NOME doit, par ailleurs, mettre un terme au TaRTAM (tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché). Depuis l'ouverture du marché de l'électricité, aucun concurrent d'EDF n'a pu s'imposer, car grâce à son parc nucléaire, le fournisseur historique bénéficie de faibles coûts de production. La loi NOME l'oblige à céder une partie de sa production nucléaire à ses concurrents à un prix inférieur à celui du marché. Il est à noter que ce prix a une nature fort particulière : défini sur injonction politique, il a des fondements économiques faibles.

MONDIALISATION
Les grandes métropoles au cœur de la globalisation
Rapport au Président de la République
Christian Saint-Eienne
La concentration des activités est le ferment du développement économique. C'est la raison pour laquelle les grandes métropoles qui agglomèrent un ensemble très vaste d'activités jouent un rôle clé dans le processus de croissance. Ainsi en Chine, ce sont avant tout Shanghai, Canton et Pékin qui se développent. De la même manière, dans l'Union européenne, les trente-huit grandes métropoles qui s'étendaient sur moins de 1 % du territoire réalisaient, il y a dix ans, près du tiers du produit intérieur brut (PIB) de la zone. En France, seul le Grand Paris a véritablement la capacité de devenir un attracteur global en compétition avec Tokyo, Shanghai, Londres, New York, etc.

 

No 3010
05 janvier 2011

L'Afrique décolle

L'Afrique à l'heure de la croissance
L'Economie politique
Entretien avec Jean-Michel Severino
Dans son dernier livre Le Temps de l'Afrique coécrit avec Olivier Ray, Jean-Michel Severino, ancien directeur de l'Agence française de développement (AFD), dresse le portrait d'un continent africain qui semble sur le point de décoller. L'Afrique dispose en effet de facteurs endogènes de croissance : un gigantesque potentiel démographique, des réserves en matières premières considérables, des finances publiques assainies après des années de politiques d'ajustement structurel, le premier réservoir de terres arables du monde, etc. Ces phénomènes sont bien sûr fragiles et réversibles. Le décollage économique s'opère également de façon inégale, l'Afrique subsaharienne accusant ainsi un retard évident par rapport aux pays situés aux extrémités nord et sud du continent. Mais la croissance semble désormais assez solidement installée, avec un taux moyen de 5 à 6 % depuis une décennie, permettant d'espérer que cette fois l'Afrique s'en sorte...

Quand l'Afrique se met à faire rêver les investisseurs
Financial Times
Fiona Rintoul
En juin 2010, peu avant le début de la Coupe du monde de football organisée en Afrique du Sud, le Boston Consulting Group (BCG) a consacré, pour la première fois, un rapport aux pays africains et à quarante entreprises aux ambitions mondiales originaires du continent. Au même moment, McKinsey, a publié une étude de 80 pages intitulée " Les Lions africains " qui dresse le portrait des pays apparaissant aujourd'hui comme les moteurs de la croissance de l'Afrique. Cet intérêt pour " le continent oublié ", reflète le nouveau regard que portent sur lui les investisseurs internationaux. Ces derniers sont de retour - et en dépit des nombreux obstacles qui demeurent -, ils fondent désormais de grands espoirs dans le décollage économique du continent le plus pauvre de la planète.

La Chinafrique, mythes et réalité
Etudes
Agnès Andrésy, Jean-François Marteau et Gaël Raballand.
L'intérêt grandissant, depuis une décennie, de la Chine pour l'Afrique suscite la plus grande méfiance en Occident. Le gouvernement de Pékin y est la plupart du temps accusé de se livrer à une nouvelle forme de colonialisme. En réalité, les choses sont plus complexes. La présence chinoise, si elle croît, n'en reste pas moins encore assez faible. Les investissements directs de l'Empire du Milieu en Afrique représentaient ainsi, semble-t-il, en 2009, seulement 10 % de l'ensemble des investissements chinois dans le monde. Quant à leur montant moyen sur le continent noir, il restait bien moins important que ceux du Japon ou des Etats-Unis. Certes, les grandes opérations dans le secteur des matières premières confortent l'image d'une Chine prédatrice, mais la majorité des investissements chinois sont le fait de petits entrepreneurs qui ne bénéficient pas tous du soutien des autorités de Pékin.

Un continent riche de ses nouveaux consommateurs
L'Expansion
Benjamin Neumann
Si le continent noir reste le plus pauvre de la planète, avec deux Africains sur trois vivant avec 2 dollars par jour, l'émergence d'une classe moyenne qui commence à atteindre une taille critique pourrait jouer dans la prochaine décennie un rôle social stabilisateur susceptible favoriser le décollage économique. A côté d'une classe moyenne " supérieure " dont les effectifs tournent autour d'une vingtaine de millions de personnes, majoritairement présentes en Afrique du Sud, au Nigeria et au Ghana, apparaît en effet un groupe de consommateurs, numériquement bien plus important, qui était, selon la Banque mondiale, de 200 millions en 2005 et pourrait être de 400 en 2020. Dans un contexte d'urbanisation accélérée, ces Africains sont parvenus à régler leurs problèmes de survie et songent dorénavant à améliorer leurs conditions d'existence. Bon nombre de grandes multinationales comme Bel, L'Oréal, Orange ou Lafarge, ont pris conscience de ce potentiel et ont fait de l'Afrique un axe stratégique de leur développement.


Afrique : le dernier continent fertile
Foreign Affairs
Roger Thurow
Au cours des prochaines années, la demande en denrées alimentaires des grands pays émergents comme la Chine et l'Inde ne va cesser de croître. En outre, dans ces pays, selon certains scénarios, la raréfaction de l'eau, pourrait y faire chuter la production de riz et de blé, d'ici à 2050, de 30 à 50 %. C'est la raison pour laquelle, les regards se tournent de plus en plus vers l'Afrique, une région du monde qui a été largement tenue en dehors de la révolution verte de l'Après-guerre. Le continent dispose en effet d'un potentiel considérable : les ressources en terre et en eau y sont largement sous-employées et on y trouve plus de la moitié des terres arables inutilisées dans le monde. Mais, faute de politiques agricoles appropriées, la productivité de l'agriculture africaine est restée jusqu'ici très insuffisante. Il est donc urgent, afin que l'Afrique soit demain en mesure de se nourrir et de satisfaire les besoins alimentaires de la planète, dý mettre en place les conditions d'une véritable révolution agricole !


Egalement dans ce numéro

MONDIALISATION
La marque France
La Gazette de la société et des techniques
Pierre-Louis Dubourdeau et Maxime Leclère
La valeur créée par le contenu immatériel des produits (recherche et développement, innovation, design, marketing, etc.) ne cesse depuis des décennies de prendre de l'importance. Pour les entreprises comme pour les Etats qui se livrent une compétition acharnée, la marque joue ainsi un rôle croissant. La France forte d'une longue histoire et d'une culture très riche, tire-t-elle suffisamment parti de sa notoriété et de ses spécificités ? Les auteurs cherchent à travers une approche quantitative à mettre en évidence les forces et les faiblesses de la France en termes d'image, à identifier ce qui contribue à créer de la valeur afin d'esquisser une stratégie qui permettrait de construire et de développer une stratégie de marque efficace.


POLITIQUES PUBLIQUES
L'intervention publique dans le domaine économique : quelles limites ?
L'ENA hors les murs
Thomas Chalumeau
L'intervention publique dans le domaine économique a été, à l'occasion de la crise mondiale, largement réhabilitée. L'Etat régulateur fait ainsi son retour à côté de l'Etat actionnaire et de l'Etat investisseur. Cependant, cette réhabilitation de l'intervention publique est également la conséquence des mutations de l'économie mondiale qui replacent, face à la compétition mondiale, la stratégie industrielle des Etats et des collectivités locales au cœur de la réussite collective. Le capitalisme du XXIe siècle sera-t-il ainsi beaucoup plus marqué par le rôle des Etats que nous ne le pensions il y a encore peu ?



ECONOMIES ETRANGERES
Les politiques de l'eau en Amérique latine : le retour du secteur public
Accomex
Daniel Solano
Si l'Amérique latine est richement dotée en eau - la Banque mondiale estime la consommation moyenne à 24 400 mètres cubes par personne -, l'accès à l'eau et la qualité des réseaux demeurent très inégaux. La participation privée au développement des infrastructures, dans les années 1980, a finalement été considérée comme un échec. Le modèle de gestion de l'eau a en effet montré ses limites et les investisseurs étrangers se sont retirés. Dans la plupart des pays latino-américains, la gestion de l'eau incombe, depuis le début des années 2000, au secteur public. L'appui financier des institutions financières multilatérales, comme la Banque mondiale, s'est également intensifié au cours des dernières années.
No 3011
19 janvier 2011

La guerre des monnaies

De la crise à la guerre des devises
Les Echos
Christian de Boissieu
Le redémarrage des économies occidentales après la plus grave crise de l'Après-guerre est particulièrement difficile. Afin de doper leur compétitivité et leurs exportations, certains pays sont tentés de laisser leur devise se déprécier. Cette tentation est d'autant plus forte que le retour de la croissance peut davantage provenir de la demande des pays émergents que de la consommation des pays avancés. Cette " guerre " monétaire qui risque de s'installer cache néanmoins d'autres débats, plus anciens, comme ceux portant sur les déséquilibres internationaux (déficits américains, excédents chinois, japonais...) ou sur la coordination internationale des politiques macroéconomiques. Dans ce contexte, l'Europe doit aussi s'interroger sur les moyens qu'elle souhaite se donner afin de disposer d'une vraie politique de change pour l'euro.

Le dollar, la crise et les déséquilibres mondiaux
Reflets et Perspectives de la vie économique
Christophe Blot
L'hypothèse d'un lien entre les déséquilibres internationaux et la crise financière mondiale est régulièrement avancée. Elle se fonde sur l'observation selon laquelle une partie de l'abondance d'épargne des pays enregistrant un excédent de leur solde courant aurait contribué au maintien de conditions financières particulièrement favorables aux Etats-Unis. Cet argument ne permet cependant pas d'expliquer la totalité du boom immobilier ni l'euphorie spéculative sur les produits structurés. Par ailleurs, la crise n'a pas permis d'atténuer les déséquilibres internationaux et la crainte persiste d'un ajustement du dollar, malgré son étonnante stabilité durant la crise. Une meilleure coordination des politiques macroéconomiques semble plus nécessaire que jamais afin d'éviter une nouvelle crise.

La " fuite devant le dollar " : jusqu'à quand et quelles conséquences ?
Flash marchés - Natixis
Patrick Artus
Depuis la réduction des taux directeurs jusqu'à un niveau historiquement bas, la Réserve fédérale (Fed) s'est engagée dans la création monétaire ou l'assouplissement monétaire (Quantitative easing, QE), seul moyen, selon elle, de stimuler l'économie dans un contexte où les taux d'intérêt sont proches de zéro. La Fed espère ainsi stimuler non seulement la demande intérieure, mais également la valeur des actifs réels, comme l'immobilier, et les actifs financiers. Néanmoins, la politique de QE est très controversée : elle peut également entraîner un déplacement des flux vers les pays émergents et conduire à l'appréciation des cours des matières premières. A cela s'ajoute l'expansion budgétaire américaine également très vigoureuse, qui inquiète beaucoup les intervenants des marchés financiers : ils craignent l'indifférence de l'administration américaine vis-à-vis du reste du monde, ainsi que la perte de qualité du dollar.

Peut-on éviter un affrontement des monnaies ?
Télos
Barry Eichengreen
Les banques centrales sont de plus en plus impliquées dans ce qui ressemble chaque jour davantage à une guerre des monnaies. Aux Etats-Unis, au Japon, en Chine et en Europe, les autorités monétaires multiplient les opérations qui affaiblissent leurs monnaies. La volatilité qui s'ensuit avive les tensions commerciales, notamment entre la Chine et les Etats-Unis, et fait courir le risque d'un retour du protectionnisme. Cependant, cette guerre n'est pas inévitable. L'action des banques centrales peut même être bénéfique (notamment en relançant le commerce entre les pays industrialisés), à condition que les banquiers centraux se coordonnent et expliquent précisément leurs décisions d'achat d'actifs. Ceci ne résoudra pourtant pas les problèmes des pays émergents, menacés par l'inflation, la formation de bulles et la tentation d'adopter des mesures de rétorsion. Une solution pour eux serait de favoriser une augmentation de la demande intérieure de produits manufacturés.

La responsabilité de la monnaie de réserve
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Gerald Braunberger
Le monde connaît une instabilité monétaire croissante, reflet des difficultés qu'éprouvent les Etats à trouver une organisation satisfaisante du système monétaire international (SMI). Cette situation n'est pas nouvelle. L'histoire monétaire montre que tous les efforts visant à installer un système pérenne ont, jusqu'ici, échoué. Elle enseigne également que chaque système est profondément influencé par sa devise de réserve. Si l'ancien étalon-or a si bien fonctionné, c'est parce que le Royaume-Uni, qui jouait à l'époque le rôle du pays angulaire, avait parfaitement fait siennes les règles informelles du système. Les Etats-Unis n'ont jamais voulu jouer ce rôle, ni dans le cadre du système de Bretton Woods, ni après l'abandon de ce dernier. Depuis, le monde vit sans système monétaire intégré, avec le dollar comme monnaie de réserve non officielle. Avec la crise économique mondiale, les tensions monétaires réapparaissent et il y a peu d'espoir que cette situation change rapidement.

Par quoi remplacer le dollar ?
Finances et Développement
Benjamin J. Cohen
Pendant des décennies, le dollar a régné en maître incontesté sur le système monétaire international (SMI). Récemment, deux facteurs ont néanmoins contribué à ébranler sa toute-puissance : la dette extérieure croissante des Etats-Unis et, surtout, la récente crise économique qui a démarré outre-Atlantique. La question du déclin de la devise américaine comme monnaie de réserve est devenue récurrente. Les avis divergent, par contre, lorsqu'il s'agit de se mettre d'accord sur le choix de la devise qui pourrait remplacer le billet vert. L'euro, le yen, le renmimbi (yuan) ou les DTS (droit de tirage spécial) sont susceptibles de jouer le rôle de monnaie de réserve. Mais aucune de ces monnaies ne satisfait pour le moment à l'ensemble des critères nécessaires à mettre en place. Il ný a donc pas aujourd'hui d'alternative évidente au dollar. L'avenir sera ainsi probablement marqué par la coexistence de plusieurs devises, sans qu'aucune ne devienne hégémonique. Les conséquences politiques et économiques d'un SMI ainsi fragmenté pourraient être considérables.


Egalement dans ce numéro

CONSOMMATION
Les internautes, premiers clients des industries culturelles
Consommation et modes de vie
Bruno Maresca, Romain Picard et Thomas Pilorin
La forte baisse des ventes de certains produits culturels - celles-ci ont été pour la musique et la vidéo divisées par deux depuis 2000 - est de plus en plus souvent expliquée par les pratiques croissantes de piratage sur l'internet. Une étude récente, réalisée par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC) à la demande du ministère de la Culture, montre au contraire que les ménages équipés d'une connexion à l'internet sont ceux qui dépensent le plus en biens et services culturels. Pour ces derniers, la fréquentation régulière de l'internet a pour conséquence l'augmentation de leur niveau de dépenses en sorties, en achats de livres, mais également de CD audio et vidéos.

RESSOURCES NATURELLES
Quel avenir pour le gaz non conventionnel ?
Revue de l'énergie
Gilbert Hamaide, Florence Verzelen, Claude Bontemps et Amélie Faivre
Le gaz non conventionnel occupe aujourd'hui une place centrale dans les débats concernant les perspectives de développement du gaz naturel. Le concept est apparu aux Etats-Unis dans les années 1980 après que les autorités américaines eurent décidé de promouvoir l'exploitation de ressources gazières nationales particulièrement difficiles à produire. A l'heure actuelle, le gaz non conventionnel, qui nécessite généralement pour être produit, en raison des faibles perméabilités des réservoirs où il se trouve piégé, des fracturations et des forages horizontaux, n'est exploité de façon significative qu'en Amérique du Nord et vient de s'engager dans la même voie en Australie. Les estimations des réserves mondiales de ce type de gaz restent à ce jour incertaines, mais leur contribution devrait permettre au moins de doubler les réserves mondiales de gaz naturel.

DEVELOPPEMENT
Après la crise, un nouveau paradigme du développement ?
Mondes en Développement
Philippe Hugon
La crise semble, d'une certaine manière, avoir montré les limites de la mondialisation. C'est en cela que celle-ci représenterait, selon l'auteur, une rupture dans l'histoire de l'économie mondiale, mais également dans la pensée économique. Parmi les changements produits par la crise : la tendance, notamment dans les grandes économies émergentes, à la reconquête des marchés intérieurs ; la réintégration par les pays en développement (PED) de la contrainte environnementale dans leur modèle de croissance, puis la multiplication, au Sud, des plans de relance légitimant à nouveau le rôle de l'Etat. Un nouveau paradigme du développement - s'éloignant de celui qui était, jusque-là, largement défini par le consensus de Washington - semble désormais en passe de s'imposer.

No 3012
2 février 2011

La fin de l'État providence ?

La Grande-Bretagne préfère la Big Society au Big Government
Document du CERI
Anne Daguerre
Les élections britanniques qui se sont déroulées en mai 2010 ont mis fin à treize années de pouvoir travailliste. Afin de rompre avec le Big Government - supposé avoir été mis en place au cours des mandats de Tony Blair et de Gordon Brown -, un Etat qualifié par les conservateurs de centralisateur et démesuré, le nouveau Premier ministre, David Cameron, leader des Tories (conservateurs), a annoncé peu de temps après son entrée au 10 Downing Street qu'il suivrait, lui, une tout autre voie en favorisant l'avènement de la Big Society. Celle-ci tend à substituer au Big Government une démocratie locale auto-administrée par les citoyens et cofinancée par le secteur privé et le mouvement associatif. L'application des principes de la Big Society a déjà entraîné des coupes budgétaires importantes, notamment en ce qui concerne les collectivités locales.

La politique du care, soin mutuel ou Etat maternant ?
Esprit
Marc-Olivier Padis
Si la notion de care (soin) figure déjà dans les travaux d'Adam Smith et de David Hume, elle est véritablement développée dans les années 1980 aux Etats-Unis. Remis récemment au goût du jour par Martine Aubry, le social care désigne un projet de société qui créerait du lien entre les individus sans opposer les dispositifs publics au soutien familial ou aux solidarités de voisinage. Si le social care est en effet un moyen de régler certaines difficultés auxquelles doit aujourd'hui faire face l'Etat providence, l'auteur se propose d'en identifier le public cible et de voir comment peuvent s'articuler les deux niveaux que constituent les institutions et les individus.

Peut-on parler d'une Europe sociale ?
Revue de l'OFCE
Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak
Si le modèle social européen (MSE) fait aujourd'hui l'objet d'un certain consensus, ce que ce dernier recouvre précisément reste néanmoins particulièrement ambigu. Incarné de façon différente dans chaque pays de l'Union européenne (UE), le MSE est en outre désormais confronté à de nouveaux défis économiques (comme la croissance des dépenses publiques, la mondialisation, etc.) et sociaux, notamment la montée de l'individualisme. L'analyse du mode d'intervention des institutions européennes (Commission européenne, Parlement, etc.) dans le domaine social, ainsi que des processus de coordination entre Etats membres - en particulier sur la Méthode ouverte de coordination (MOC) -, conduit les auteurs à s'interroger sur l'avenir incertain de l'Europe sociale.

Menaces sur la protection sociale
Alternatives économiques
Camille Dorival
Mise à mal dans tous les pays occidentaux, notamment par les effets conjugués du chômage de masse, d'une croissance en berne et du vieillissement démographique, la protection sociale a, au cours des dernières années, fait l'objet, en particulier en France, de diverses réformes concernant les retraites, les assurances maladie et chômage, les minima sociaux, la dépendance, le handicap et la famille. L'auteur en fait le bilan et met en évidence leurs principales caractéristiques.



De l'Etat infirmier à l'Etat investisseur
Document de La République des Idées
Bruno Palier
Si les dépenses sociales représentent un coût toujours croissant, celles-ci peuvent également être considérées comme un investissement. C'est à cette nouvelle façon de penser l'Etat providence que nous invite l'auteur, dans cette présentation qu'il fait de l'ouvrage Trois leçons sur l'Etat providence (La République des Idées/Seuil, 2008) qu'il a coécrit avec Gøsta Esping-Andersen, spécialiste danois reconnu de la protection sociale. Cette approche implique de substituer à la conception traditionnelle des politiques sociales une perspective renouvelée, plus dynamique, qui tiendrait compte de la trajectoire de vie des individus, des aléas de l'économie de la connaissance et de l'émergence de nouvelles inégalités entre les genres, les générations et les groupes sociaux propres aux sociétés post-industrielles.


Egalement dans ce numéro

AGRICULTURE
Agriculture biologique : vers une bulle économique ?
Paysans
Gil Kressmann
La consommation de produits " bio " est à la mode et la part de l'agriculture biologique dans la production agricole totale est en augmentation. Cette tendance pourrait se poursuivre, le Grenelle de l'environnement ayant en effet fixé à cette filière l'objectif de couvrir 6 % des surfaces agricoles en 2012 et même 20 % en 2018, contre seulement 2 % aujourd'hui. Néanmoins, cet objectif pourrait être trop ambitieux et même déstabiliser l'agriculture biologique. D'abord, les produits " bio " restent relativement onéreux. Ensuite, si le nombre d'agriculteurs cherchant à reconvertir leur exploitation en vue de produire avec le label " agriculture bio " est en hausse, le phénomène inverse est également une réalité : faute d'atteindre une rentabilité nécessaire pour dégager un revenu suffisant, un certain nombre d'exploitants abandonne chaque année cette filière. Par ailleurs, les marges de progrès de l'agriculture conventionnelle demeurent très importantes.

ECONOMIES ETRANGERES
La puissance en trompe-l'œil de l'économie russe
La Revue des Deux Mondes
Annick Steta
Comme les autres grands pays émergents, la Russie a été frappée de plein fouet par la crise économique mondiale. Cette dernière y a surtout révélé certaines défaillances de la politique du Kremlin qui, au cours des dernières années, n'est pas parvenu à diversifier l'économie, ni à bâtir des institutions solides. Le pays doit de plus faire face à un déclin démographique, entamé aux lendemains de la chute de l'Union soviétique, qui ne favorise guère le dynamisme économique. Par ailleurs, si elle confère à la Russie le premier rang parmi les producteurs et exportateurs mondiaux de gaz et le deuxième parmi les producteurs de pétrole, la rente énergétique - outre le fait que des investissements massifs doivent être réalisés pour assurer la pérennisation de cette filière - constitue à terme un véritable piège empêchant l'indispensable modernisation de l'économie.

IMMIGRATION
L'impact économique de l'immigration
Ecoflash
Alexis Trémoulinas
L'immigration est devenue un phénomène mondial : d'après l'Organisation internationale des migrations (OIM), le nombre de migrants s'élève aujourd'hui à 3 % de la population mondiale, soit 200 millions de personnes. L'impact économique de ces mouvements de population est lié à leur taux d'activité : si celui-ci est élevé, l'immigration, surtout si elle est qualifiée et jeune, contribue à élever le potentiel productif d'un pays. Elle peut ainsi représenter une solution aux problèmes liés au vieillissement des pays du Nord. Mais il y a également des effets négatifs, surtout dans le cas d'une immigration non qualifiée massive. Elle peut entraîner le taux de chômage des non qualifiés à la hausse et creuser les inégalités sociales. Ce double effet explique les difficultés que connaissent les politiques publiques à apporter des réponses appropriées au phénomène de l'immigration.
No 3013
16 février 2011

L'Allemagne, un modèle pour la France ?

Des excédents pour longtemps
Conjoncture
Catherine Stephan
Une des forces principales du modèle allemand est sa capacité à dégager des excédents commerciaux très importants. L'actuel rebond de la croissance que connaît l'Allemagne, après la forte chute du produit intérieur brut (PIB) en 2009, s'explique, en effet, par les performances à l'exportation de ses entreprises. Cette dynamique est favorisée par un ensemble de facteurs : la spécialisation sectorielle de l'économie, l'amélioration de la position concurrentielle, les réformes du marché du travail et la restructuration du processus de production. Les entreprises allemandes se trouvent ainsi aujourd'hui dans une situation confortable avec un taux d'autofinancement élevé, tandis que les comptes publics s'améliorent plus rapidement que prévu.

Les Allemands ne sont pas dupes des limites du " tout export "
Enjeux Les Échos
Karl de Meyer
De nombreux dirigeants en Europe, en particulier en France, s'interrogent aujourd'hui sur les raisons des performances de l'économie allemande. Certains se demandent même si l'Allemagne n'est pas le modèle à suivre. La fascination exercée par le modèle allemand ne doit pas cependant nous en faire oublier les inconvénients et les limites, ce dont ont parfaitement conscience les élites politiques et économiques outre-Rhin : une forte dépendance aux fluctuations du commerce mondial (ainsi que, à un degré moindre, des variations des taux de change) et la crainte diffuse que les pays émergents puissent à l'avenir assurer eux-mêmes la production des biens d'équipement. L'économie allemande a également des faiblesses structurelles, comme la pénurie de main-d'œuvre due au vieillissement démographique et la relative faiblesse de la consommation intérieure. A ces phénomènes s'est ajouté récemment le creusement des inégalités sociales.

Les raisons de la faiblesse de la consommation intérieure
Ifo-Schnelldienst
Projektgruppe Gemeinschaftsdiagnose
Les importations allemandes ont atteint en novembre 2010 un record absolu depuis 1950, date à partir de laquelle ces dernières sont comptabilisées par le service des statistiques fédérales. Néanmoins, pour un certain nombre d'observateurs, la demande intérieure demeure trop modeste. L'étude approfondie de la consommation allemande montre qu'il s'agit surtout d'une faiblesse relative. Au cours de la dernière décennie, la consommation publique et privée en Allemagne n'a été que très légèrement en retrait par rapport à celles enregistrées en Italie ou en France, une véritable " faiblesse " ne s'observant qu'en comparaison avec des pays comme l'Irlande, le Portugal ou la Grèce. Cependant, la dynamique de la demande intérieure allemande a été moins vigoureuse que dans de nombreux pays européens. Les raisons en sont, outre la modération salariale, une insuffisance de l'investissement des entreprises, liée à d'importants effets structurels et conjoncturels.

Quelles politiques mener si la France veut ressembler à l'Allemagne ?
Flash économie - Natixis
Patrick Artus
Malgré de nombreuses similitudes, la France et l'Allemagne ont des économies très différentes. Si la France désirait se rapprocher du modèle allemand, elle devrait engager des changements politiques et économiques de long terme. Il lui faudrait en priorité mettre en place une politique budgétaire plus rigoureuse, modifier le partage des revenus au détriment des salariés, réaliser des réformes fiscales et institutionnelles permettant l'émergence de petites et moyennes entreprises (PME) de plus grande dimension et davantage tournées vers l'exportation, entamer une politique de réindustrialisation et réformer le système éducatif afin d'accroître l'employabilité des jeunes. Le succès incertain d'une partie de ces réformes rend in fine fort improbable le rapprochement des deux modèles économiques.

Comment rééquilibrer les moteurs de la croissance allemande ?
La note de veille du CAS
Rémi Lallement
Le succès du modèle allemand doit être replacé dans un contexte plus large, celui de la divergence croissante entre les pays du nord et du sud de l'Europe. Concernant les performances de l'Allemagne, les facteurs hors prix (comme les aspects qualitatifs ou l'innovation), dans lesquels l'Allemagne excelle depuis longtemps, ne sont pas suffisamment pris en compte par les analyses. Espérer une modification à brève échéance du modèle allemand semble donc illusoire. Cependant, le souci constant des Allemands d'améliorer la compétitivité-prix des biens produits n'est pas sans danger et peut conduire à freiner la croissance du produit intérieur brut (PIB). Le vrai débat ne porte donc pas tant sur la question de savoir si l'Allemagne doit réaménager son modèle, mais plutôt sur la manière dý parvenir. Compte tenu des réalités politiques, institutionnelles et démographiques, les marges de manœuvre sont étroites. Et une reprise substantielle de la croissance dans ce pays dépendra de la conjugaison réussie de plusieurs leviers.


Egalement dans ce numéro

MONDIALISATION
Equité et justice dans la mondialisation
Etudes
Pascal Lamy
La recherche de l'équité et de la justice présuppose, selon Pascal Lamy, directeur de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), un sentiment d'appartenance à une communauté. Mais si, à l'échelle nationale, celle-ci prend tout sens, cela est moins évident aux niveaux mondial et européen, les dispositifs de gouvernance y étant bien moins puissants. Le rôle de l'OMC est précisément, en accroissant les échanges, de favoriser la diffusion du progrès économique et social grâce à l'adoption d'un traitement différencié des économies.

DEVELOPPEMENT DURABLE
La prospérité sans croissance est-elle possible ?
Terraeco
Entretien avec Tim Jackson
A l'occasion de la récente crise économique mondiale, la question des limites de la croissance a fait l'objet de nombreux débats. Comment peut-on en effet œuvrer au bien-être des hommes sans mettre en péril une planète aux ressources limitées ? Existe-t-il des alternatives crédibles au système de croissance perpétuelle sur lequel est fondé le développement de nos économies ? Tim Jackson, professeur au Centre for Environmental Strategy de l'université du Surrey (Royaume-Uni) a, quant à lui, cherché, dès 2006, à apporter une réponse à ces questions complexes dans un rapport intitulé Prosperity Without Growth remis à la Commission britannique pour le développement durable et dont il a depuis tiré un ouvrage, paru en France en 2010 sous le titre Prospérité sans croissance. La transition vers une économie durable.

COMPETITIVITE
Redevenir compétitif grâce au design
Accomex
Jean-Gilles Cahn
La compétitivité des entreprises se fonde sur des facteurs prix et hors prix. Tandis que la première composante dépend de la structure des coûts de production dont certains se situent hors du périmètre d'influence de l'entreprise, la deuxième - à l'heure surtout où l'on s'interroge sur l'érosion de la compétitivité française - suscite de plus en plus d'intérêt. L'enjeu est de réussir à changer l'image des produits made in France de sorte que ces derniers soient perçus comme différents et désirés pour eux-mêmes. Aussi, à côté de la technicité, de la qualité de fabrication et des services associés aux produits, le design a-t-il un rôle important à jouer. La notoriété dont profite Paris en tant que capitale de la mode et des industries de création constitue donc à ce titre un atout considérable.
No 3014
2 mars 2011

Les multinationales dans la mondialisation

Les champions du Sud à la conquête du monde
The Economist
Les économies émergentes connaissent, depuis quelques années, des taux de croissance spectaculaires. Affectées, elles aussi, par la crise de l'économie mondiale, elles en sont, contrairement aux pays développés, sorties très rapidement. Grâce à ces progrès économiques fulgurants, de nombreuses firmes originaires des pays en développement (PED) rivalisent désormais avec leurs homologues du Nord. Au cours des dix dernières années, ces entreprises multinationales en plein essor ont vu leur chiffre d'affaires et leur rentabilité progresser bien plus vite que ceux de leurs concurrentes des pays avancés. Ces firmes ont également adopté de nouvelles méthodes de gestion des ressources humaines afin de se doter du capital humain indispensable pour être concurrentielles au niveau international.

Rester ou délocaliser ?
Alternatives économiques
Guillaume Duval
Quelles sont les raisons qui président pour une entreprise à la décision de s'implanter sur un territoire plutôt que sur un autre ? La recherche du moindre coût n'est pas, contrairement aux idées reçues, la seule motivation. Une entreprise peut en effet privilégier une localisation à proximité immédiate de ses marchés ou l'accès à des ressources rares. Le dumping social exercé par les multinationales qui localisent leurs activités dans des pays émergents ou en développement reste cependant bien réel. Il tend même depuis quelques années à accroître les déséquilibres entre ces derniers et les pays développés dans la mesure où désormais des usines délocalisées peuvent atteindre une productivité équivalente ou supérieure à leurs homologues des pays avancés, malgré un coût du travail cinq à dix fois plus faible.

Délocalisation et nouveau modèle économique : le cas du secteur textile-habillement
La revue de l'IRES
Gilbert Ammar et Nathalie Roux
Le secteur du textile-habillement a été marqué dans les années 2000 par d'importantes mutations. La mondialisation a abouti à un redéploiement international des firmes à la recherche de nouvelles sources de compétitivité. Le secteur a ainsi été confronté à de nombreuses vagues de délocalisations qui ont conduit à un effondrement de l'emploi. Face à ces nouveaux défis, les producteurs se sont recentrés sur leur cœur de métier. En réorganisant la production en réseaux et en recourant à l'innovation, ils ont adopté une nouvelle stratégie industrielle et marketing qui repose sur la rapidité des flux d'approvisionnement et sur la flexibilité permettant ainsi d'éviter une délocalisation de la production dans les pays d'Asie à bas coût de main-d'œuvre.

Les multinationales définissent-elles les règles de la mondialisation ?
Politique étrangère
Christian Chavagneux
Si les Etats conservent un rôle essentiel dans la définition des normes politiques de la mondialisation, ils ne sont pas les seuls acteurs producteurs de ces normes. Ils doivent composer avec la montée en force des acteurs privés, notamment les multinationales, dans le domaine-clé de la fixation des règles en particulier. Les grands cabinets d'audit anglo-saxons, les associations professionnelles, les cartels internationaux œuvrent constamment à ce que les principes régissant la mondialisation respectent et valorisent leurs intérêts particuliers. Il devient ainsi de moins en moins pertinent de raisonner, concernant la production des normes internationales, à partir d'une distinction entre espace public et espace privé, les deux s'entremêlant de façon toujours plus complexe.

Les multinationales favorisent-elles les salaires et les conditions de travail ?
L'Observateur de l'OCDE
Alexander Hijzen et Paul Swaim
S'il y a bien une question qui est particulièrement débattue à propos des multinationales, c'est celle portant sur les conséquences en matière de salaires et de conditions de travail de leur implantation dans les pays en développement (PED). Les adversaires de la mondialisation qui considèrent de manière générale que ces effets sont négatifs ont fait de cette question un de leurs chevaux de bataille favoris. Les études récentes de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui comparent les pratiques des entreprises locales et celles des sociétés étrangères apportent, de leur côté, un éclairage relativement précis et nuancé sur les impacts de l'investissement direct étranger (IDE) à l'égard de l'emploi, des salaires et des conditions de travail dans les pays d'accueil.


Egalement dans ce numéro

Union européenne
L'Estonie fait son entrée dans l'euro
Lettre de l'OFCE
Céline Antonin et Sandrine Levasseur
L'Estonie est devenue, le 1er janvier 2011, le 17e membre de la zone euro. L'entrée de ce pays balte dans l'Union économique et monétaire (UEM) est la consécration de vingt années d'ancrage à l'Europe, en matière monétaire - à travers le currency board -, en matière commerciale - les deux tiers des exportations estoniennes sont destinées à l'Union européenne (UE) - ainsi qu'en matière budgétaire. Si le respect des critères de Maastricht, indispensable pour pouvoir adhérer à la zone euro, est indiscutable, le niveau de pauvreté de la population, l'ampleur de la récession économique (- 13,9 % en 2009) et la faible compétitivité de l'économie rendent cependant cette intégration particulièrement périlleuse.

Temps de travail
Vie professionnelle versus vie privée : pour un nouveau modèle de société
Cadres
Dominique Méda
De nombreuses études consacrées, en France, au temps de travail montrent qu'une majorité d'hommes et de femmes aspire à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie familiale. Le modèle actuel d'organisation sociale fonctionne toujours selon des principes reposant sur une spécialisation traditionnelle des rôles qui s'effectue bien souvent, concernant les femmes, au détriment de leur carrière. Repenser notre modèle d'organisation sociale est la condition d'une véritable égalité professionnelle entre hommes et femmes et permettrait d'accorder à tous la possibilité d'exercer pleinement l'ensemble des rôles qui leur échoient.

Démographie
La population des régions françaises en 2040
INSEE Première
Olivier Léon
D'ici 2040, si les tendances démographiques actuelles se poursuivent, la France métropolitaine comptera 71 millions d'habitants (73 millions pour la France entière) - une augmentation de 15 % par rapport à aujourd'hui. En métropole, l'exode vers les villes du sud et de l'ouest devrait continuer, mais le solde migratoire des régions méditerranéennes pourrait évoluer moins rapidement qu'au cours des vingt dernières années. En revanche, si le centre (Limousin, Auvergne) voit une légère amélioration de sa situation, la croissance démographique au nord et à l'est restera atone. Avec l'arrivée aux grands âges des générations du baby-boom, le nombre de décès augmentera ; ainsi, les migrations interrégionales façonneront les dynamiques régionales davantage que le solde naturel.
No 3015
16 mars 2011

Sud : le grand chantier de la protection sociale

La protection sociale, moteur de la croissance
Note d'orientation sur la protection sociale
OCDE
La possibilité que survienne un choc (catastrophe naturelle, maladie grave, conflit armé, etc.) constitue pour un individu un risque qui représente un facteur de pauvreté et de recul de la croissance. En l'absence d'un système de protection sociale efficace, les plus déshérités adoptent ainsi, dans bien des cas, des stratégies de survie " négatives " qui perpétuent leur état. La vulnérabilité est par conséquent, dans les pays en développement (PED), à la fois une cause, un symptôme et une conséquence de la pauvreté chronique, véritable obstacle à la croissance. Seul un système de protection sociale suffisamment développé peut permettre de rompre ce cercle vicieux. Celui-ci peut même, en renforçant l'équité, favoriser la croissance.

Un citoyen du monde sur quatre bénéficie d'une couverture sociale
Rapport mondial sur la sécurité sociale
Organisation internationale du travail
La protection sociale revêt deux dimensions : la sécurité des revenus et l'accès aux soins médicaux. La mesure de l'étendue de la protection sociale se fait sur chacune des trois branches principales (soins médicaux, retraite et chômage) définies par la norme minimum de la convention sur la sécurité sociale de 1952. Le dernier rapport mondial sur la sécurité sociale dans le monde de l'Organisation internationale du travail (OIT), montre que seul un tiers des pays dans le monde - soit 28 % de la population mondiale - est doté de systèmes de protection sociale comportant l'ensemble des branches telles que définies dans la convention. Si, dans les pays du Sud, la couverture sociale s'étend peu à peu, celle-ci concerne néanmoins essentiellement les employés du secteur formel, et en particulier ceux du secteur public et des grandes entreprises.

Les balbutiements de la sécurité sociale en Chine
Finances et Développement
Steve Barnett et Nigel Chalk
La crise économique mondiale a, en réduisant considérablement le pouvoir d'achat dans les pays avancés, tari la demande extérieure de produits chinois. Si la relance de l'économie par la demande interne est rapidement apparue aux autorités chinoises comme une solution sérieuse pour résoudre la crise, celle-ci ne pouvait être mise en œuvre qu'en augmentant le pouvoir d'achat des Chinois. Le gouvernement a ainsi décidé d'accorder une place particulièrement importante à l'amélioration du système de sécurité sociale notamment en développant les systèmes de retraite et de santé - le gouvernement a fixé pour objectif que 90 % de la population soient couverts d'ici à la fin 2011 -, ce qui permettrait de garantir un revenu minimum au plus grand nombre.

Le Brésil, laboratoire de la protection sociale au Sud
VIe conférence de l'Association internationale de sécurité sociale
Stephen Kay et Milko Matijascic
L'Amérique latine fait souvent figure, avec la mise en place, dans les années 2000, de transferts monétaires conditionnels (TMC), de véritable laboratoire en matière de politiques sociales. Le programme brésilien bolsa família (bourse famille) est à ce titre emblématique. Si celui-ci a contribué à réduire de manière considérable la pauvreté au Brésil, l'étude réalisée par l'Association internationale de sécurité sociale (ISSA) montre que son impact a été bien moindre sur les inégalités - le pays se maintient parmi les dix Etats les plus inégalitaires au monde. L'étude montre en effet que si les TMC sont essentiels pour garantir un certain pouvoir d'achat, ils ne sont efficaces sur la réduction des inégalités qu'à condition d'être accompagnés d'une augmentation des dépenses d'éducation et de santé qui sont seules en mesure de favoriser réellement la redistribution des revenus.

L'assurance maladie en Afrique : le Rwanda, un cas exemplaire
The New York Times / Courrier international
Donald G. McNeil Jr.
L'Afrique est la région du monde où l'assurance maladie est la moins développée. Un pays fait toutefois figure d'exception sur le continent : le Rwanda, qui affiche un taux de couverture de la population de 92 %. Pour 2 dollars par an et par habitant, l'assurance maladie permet de bénéficier des soins de base pour traiter les principales causes de maladies mortelles et d'avoir accès aux médicaments essentiels recommandés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais si les dépenses de santé au Rwanda s'élèvent désormais à 307 millions de dollars par an, 53 % sont financées par l'aide étrangère, en particulier celle des Etats-Unis.

Egalement dans ce numéro

ENVIRONNEMENT
De Stockholm à Copenhague : la lutte des ONG pour la protection de l'environnement
Revue Tiers Monde
Sylvie Ollitrault
Les organisations non gouvernementales (ONG) ont toujours joué un rôle fondamental dans la protection de l'environnement. Soutenues par les institutions internationales, elles ont progressivement déployé un savoir-faire en matière de lobbying. Déçues par les résultats obtenus à l'issue des sommets de Stockholm en 1972 et de Rio en 1992, les ONG ont profité de la mobilisation médiatique à l'occasion du sommet de Copenhague, en décembre 2009, pour alerter l'opinion publique sur la situation des " réfugiés climatiques ", glissant ainsi d'une thématique purement environnementale à une thématique humanitaire. Si, selon les prévisions de l'Organisation des Nations unies (ONU), ces derniers devraient être au moins 250 millions dans le monde, en 2050, l'auteur s'interroge toutefois sur la pertinence de ce choix stratégique dans le cadre de la lutte pour la protection de l'environnement.

MARKETING
Qu'est-ce qu'une marque de vin ?
La revue des sciences de gestion
François Bobrie
Pour le consommateur, la perception de la valeur d'un vin est un élément essentiel de sa décision d'achat. Deux écoles de marketing s'affrontent concernant la stratégie à adopter pour réussir cette opération de valorisation du vin auprès des clients : l'une cherche à mettre en avant le terroir et privilégie une forme collective d'information, l'autre opte pour une approche par les marques en s'appuyant sur les méthodes éprouvées du " branding ". En appliquant la sémiotique à l'analyse du développement des vins européens, australiens, sud-africains, américains et chinois, l'auteur propose de dépasser cet affrontement. Il en ressort que la communication autour de la valeur du vin repose essentiellement sur la façon de mettre en histoire de nombreux signes de qualité universels (origine, millésime, cépage, classement) et plus spécifiques aux lieux de production.

HISTOIRE DE LA PENSEE ECONOMIQUE
Entretien imaginaire avec John Maynard Keynes
Economie appliquée
Rolande Borrelly et Ramón Tortajada
A la faveur de la crise économique mondiale, John Maynard Keynes a fait son grand retour ! Pour relancer l'économie, les Etats ont, en effet, eu abondamment recours aux principes du célèbre économiste britannique. Dans cet entretien imaginaire, les réponses apportées aux questions qui sont posées au maître de Cambridge permettent d'éclairer quelques aspects de la crise actuelle, notamment sur la détermination du prix des actifs ou le problème monétaire international. Les réponses inspirées de ses principaux ouvrages, de ses articles, de ses rapports et de sa correspondance viennent nous rappeler en particulier tout l'intérêt pour les économistes de ne pas être sourds aux leçons de l'histoire.
No 3016
30 mars 2011

La finance mondiale après la crise

Les Etats otages des banques
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Philippe Plickert
La crise des subprimes a rappelé, une fois encore, combien l'activité bancaire pouvait être risquée. Tout d'abord, parce qu'à partir d'une certaine taille, les banques représentent un risque systémique qui leur permet de bénéficier d'une garantie implicite de la part des autorités publiques, le fameux " too big to fail ". Ensuite, parce que le sauvetage d'établissements financiers très lourdement endettés, compte tenu du montant des capitaux mobilisés, peut constituer à terme une menace pour la stabilité des finances publiques des pays concernés. Les Anglo-Saxons emploient l'expression " too big to save. " pour décrire cette situation. Malgré l'assainissement en cours du secteur bancaire, la menace potentielle que représentent les banques systémiques demeure, faute de solution satisfaisante concernant la gestion et la prise en charge de ce risque. Parmi les réformes envisageables, celle qui consisterait à travers l'instauration d'une taxe bancaire à obliger les banques à partager les coûts engendrés par leur sauvetage, séduit de plus en plus économistes et gouvernements.

Re-réglementation financière : un défi transatlantique
Revue d'économie financière
Jacques Mistral
La crise financière de 2007-2009 aura un impact durable sur la réglementation bancaire et financière. Tel était le vœu formulé par les chefs d'Etat et de gouvernement lors du premier sommet du G20, organisé en pleine tourmente, le 15 novembre 2008, à l'initiative du président de la République, Nicolas Sarkozy, et de l'ancien Premier ministre britannique, Gordon Brown. Mais au fil des réunions et conférences internationales, les Etats ont semblé de moins en moins enclins à se mettre d'accord sur l'ampleur des réformes à mener. La convergence internationale des réglementations est difficile à réaliser pour plusieurs raisons : l'absence de leadership au niveau mondial, la divergence des situations économiques, etc... Le principal défi est de mettre en œuvre des réformes praticables, car en l'absence d'institutions supranationales pouvant légitimement instaurer de nouvelles règles juridiques internationales, tout accord doit être ratifié par les Parlements nationaux. Le modèle à suivre est, selon l'auteur, celui de la nouvelle supervision bancaire (Bâle III), adoptée récemment, qui constitue à ses yeux une tentative réussie de convergence des réglementations bancaires nationales.

Bâle III : quels effets pour les banques ?
Finances et Développement
Inci Ötker-Robe et Ceyla Pazarbasioglu
Bâle III est la principale réforme mise en œuvre depuis la crise de 2007-2009. Cette nouvelle réglementation bancaire, adoptée au sommet de Séoul en novembre 2010, renforce les règles internationales en matière de fonds propres et de liquidités. Les banques doivent également composer avec Solvancy II, ainsi qu'avec d'autres réglementations nationales. Les établissements qui sont les plus concernés sont les banques d'investissement, et, au niveau régional, les banques européennes et nord-américaines. Quels seront les coûts de cette nouvelle réglementation pour les investisseurs ? Quel en sera l'impact sur le système financier ? Ces questions restent aujourd'hui sans réponse. Une évolution probable est que les banques cherchent à transférer certaines de leurs activités à risque vers le " système bancaire parallèle ", moins réglementé.


Le " central banking " après la crise
Analyses économiques - CAE
Jean-Paul Betbèze, Christian Bordes, Jézabel Couppey-Soubeyran et Dominique Plihon
En réaction à la crise économique et financière de 2007-2009, les banques centrales, partout dans le monde, ont pris des mesures d'une ampleur inédite depuis la crise des années 1930. Cet élargissement de leurs activités s'accompagne d'un certain nombre d'interrogations. Si les économistes et les banquiers centraux sont tous d'accord sur le fait que les banques centrales n'ont pas été suffisamment attentives à la stabilité financière, ils divergent quant à la meilleure manière d'articuler la politique monétaire et les mesures de stabilité financière. L'analyse d'une enquête concernant ces questions menée auprès d'économistes et de responsables de politique monétaire fait ainsi apparaître des clivages importants. Les désaccords portent sur le principe de la séparation entre les deux politiques et sur les modalités de leur gouvernance.

La stabilité financière peut-elle devenir un bien public mondial ?
Economie et management
Dominique Plihon
Aborder la stabilité financière à travers la notion de bien public mondial présente un double intérêt. D'abord, celle-ci permet d'expliquer l'absence de stabilité financière par l'échec des marchés (l'instabilité financière est à l'origine d'externalités négatives qui ne sont pas prises en compte par les agents économiques), ensuite, elle offre un cadre très précis pour réfléchir aux réformes qui amélioreront la stabilité des marchés financiers. C'est donc l'architecture internationale du système monétaire et financier qui doit être réformée dans son ensemble. L'objectif serait de mettre en place une organisation fédérale supranationale qui parvienne à combler les trois déficits actuels du système : juridictionnel, de participation et d'incitation.


EGALEMENT DANS CE NUMERO

ECONOMIES ETRANGERES
Espagne, de la grande expansion à la crise
Accomex
Julian Pérez
Considérée, au cours des années 2000, comme l'une des économies les plus dynamiques de l'Union européenne (UE) en raison de sa forte croissance (3,2 % par an en moyenne de 1992 à 2007), l'Espagne - qui a subi de plein fouet la crise économique et financière de 2007-2009 - se retrouve aujourd'hui en grande difficulté. Nombreux sont ceux qui voient même le pays faire défaut sur sa dette ou sortir de la zone euro. La crise qui a frappé l'économie espagnole s'est produite en trois temps : d'abord une hausse des taux d'intérêt, puis l'effondrement du marché des capitaux et enfin l'augmentation de la dette souveraine mettant un terme au " miracle espagnol ". Si l'on se projette toutefois à plus long terme, l'économie espagnole devrait, en investissant dans les secteurs porteurs comme l'énergie verte, la santé et le tourisme, renouer avec la croissance.

CULTURE
Le cinéma est-il un bien de luxe ?
Revue d'économie politique
Sophie Ragot
Si le cinéma était encore, au cours de la période d'Après-guerre, un loisir populaire, l'évolution du prix des places et des revenus à laquelle s'ajoute l'apparition de produits culturels concurrentiels, comme la télévision et la vidéo, ont petit à petit fait du cinéma un produit de luxe. Les élasticités-prix et revenu - qui mesurent l'impact de l'évolution de ces variables sur la demande - calculées par l'auteur dans son étude économétrique consacrée à la France, confirment en effet cette évolution. Ainsi, en 2005 (date de la fin de l'étude), le public des salles de cinéma est plutôt jeune - 47,5 % des personnes concernées ont moins de 24 ans -, instruit, urbain et issu des catégories socioprofessionnelles (CSP) supérieures.

DEVELOPPEMENT
Microfinance : le temps de la maturité ?
Mondes en Développement
Marc Labie, Michel Lelart et Thierry Montalieu
Alors que la Banque centrale du Bangladesh vient récemment - semble-t-il, pour des motifs politiques - de démettre Muhammad Yunus, l'inventeur du microcrédit, de ses fonctions à la Grameen Bank et que le secteur de la microfinance est touché par un certain nombre de scandales, notamment en Inde, les chercheurs en économie du développement ont désormais suffisamment de recul pour évaluer l'impact en termes de développement de plusieurs décennies de pratique de la microfinance. Celle-ci n'est plus, en effet, considérée comme un objet de curiosité et a intégré, depuis longtemps, la palette des instruments économiques mobilisés dans le cadre des programmes de la lutte contre la pauvreté. De l'analyse de son fonctionnement et des résultats obtenus, tant au niveau microéconomique que macroéconomique, il ressort une image plutôt contrastée et, force est de reconnaître, qu'à ce stade de son développement, les questions demeurent toujours plus nombreuses que les réponses.
No 3017
13 avril 2011

Compétitivité : la France décroche-t-elle ?

Les 35 heures ont-elles nui à la compétitivité de la France ?
LExpansion.com
Emilie Lévêque
En France, le débat sur la perte de compétitivité du pays, en particulier vis-à-vis de l'Allemagne, a été, au début de l'année 2011, relancé par la publication d'une étude de l'Institut COE-Rexecode qui estime que la baisse de la durée légale du travail, instituée il y a une douzaine d'années, serait l'une des principales causes du décrochage compétitif français. Si la durée annuelle du travail ou la productivité des Français ne semblent pas réellement en cause, le coût du travail est considéré comme le facteur clé qui expliquerait l'écart de compétitivité franco-allemand. Faut-il pour autant en rendre uniquement responsables les 35 heures ? Dans les faits, la hausse du Smic horaire induite par l'application des lois Aubry a été compensée par des allègements de charges sur les bas salaires et une modération salariale pendant plusieurs années pour les autres salariés, mais celle-ci a été moins forte qu'outre-Rhin.
Compétitivité : pourquoi la France a un problème
Télos
Elie Cohen
Depuis trente d'ans, la France voit s'éroder progressivement ses parts de marché à l'export, de 6 % en 1980 à 3,8 % en 2010. Ce décrochage compétitif porte sur tous les secteurs et concerne toutes les régions du monde. Il ne s'explique pas uniquement par la montée en puissance des pays émergents puisque la France perd également du terrain au sein de la zone euro et que la perte de compétitivité est particulièrement marquée vis-à-vis de l'Allemagne, qui, elle, maintient sa position traditionnelle au sein du commerce mondial. L'effondrement du commerce extérieur français s'est accompagné d'une importante désindustrialisation : l'industrie ne représente plus en effet que 13 % de la valeur ajoutée en France contre 29 % outre-Rhin. L'accent mis sur les coûts salariaux apparaît excessif puisque les raisons du décrochage de la France sont multiples. Un regain de dynamisme du commerce extérieur français passe, aujourd'hui, par une amélioration tant des éléments de compétitivité hors coûts comme l'innovation, la créativité, la montée en gamme des produits exportés que des éléments de compétitivité coûts.

Quelles sont les clés de la productivité ?
Alternatives économiques Poche
Arnaud Parienty
La hausse de la productivité du travail est la meilleure manière d'augmenter le niveau de vie d'une population. Or, les gains de productivité n'ont cessé depuis quelques années de ralentir dans la zone euro, notamment en France. Dans le débat sur la perte de compétitivité de l'économie française, les statistiques de productivité sont donc particulièrement utiles. L'auteur revient, ici, sur les différentes notions de productivité, les problèmes posés par sa mesure, ainsi que sur la difficulté d'établir des comparaisons internationales pertinentes.

L'écart de productivité entre les Etats-Unis et la zone euro continue de se creuser
La Lettre du CEPII
Michel Fouqin
Entre 1950 et 1970, les niveaux de productivité du travail ont convergé entre les Etats-Unis et les pays d'Europe de l'Ouest et le Japon. Ce processus s'est ensuite peu à peu atténué pour s'interrompre complètement à partir du milieu des années 1990. Le développement à cette date outre-Atlantique des technologies de l'information et de la communication (TIC) explique en partie l'accélération de la croissance de la productivité du travail, tandis que celle-ci ralentit en Europe et au Japon. Une autre raison essentielle de la divergence tient au changement de l'intensité du contenu en emplois de la croissance. Alors que ce dernier diminue nettement aux Etats-Unis, il augmente de façon sensible en Europe permettant de réduire, avant la récente crise, le chômage de masse. En France, par rapport à la décennie 1980, la croissance du taux d'emploi s'accélère ainsi de 0,36 point après 1995.

Comment améliorer la productivité de la France ?
Economie et statistique
Philippe Aghion et al.
Les gains de croissance de la productivité et donc de croissance potentielle sont un enjeu majeur pour certains pays industrialisés, principalement européens, parmi lesquels la France. Une étude menée sur un échantillon de dix-sept pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la période 1985-2003 montre que la mise en œuvre de politiques publiques visant à élever le niveau de formation de la population en âge de travailler et à réduire simultanément les rigidités sur les marchés des biens et du travail rendrait cet objectif atteignable. Pour ce qui est de la France, le rattrapage des performances des Etats-Unis concernant la formation supérieure de la population et le niveau des rigidités croisées sur les marchés des biens et du travail permettrait un gain de croissance annuelle de la productivité globale des facteurs (PGF) respectivement de 1 point et de 0,4 point.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

PHILANTHROPIE
Des Brésiliens bien peu philanthropes !
Veja
Luís Guilherme Barrucho
La mondialisation, en favorisant, au cours des dernières décennies, l'augmentation rapide du nombre de grandes fortunes, a entraîné la transformation de la philanthropie traditionnelle : le philanthro-capitalisme est aujourd'hui la forme dominante notamment aux Etats-Unis où celle-ci est devenue monnaie courante - Bill Gates et Warren Buffet en sont les représentants les plus médiatiques. En revanche, celle-ci reste, dans nombre de pays, peu développée. C'est le cas en particulier au Brésil où la part consacrée aux donations dans le produit intérieur brut (PIB), 0,3 %, se situe bien en-deçà de la moyenne de l'Amérique latine. La fiscalité, particulièrement peu incitative, serait, selon l'auteur, la principale cause de la faible inclination des Brésiliens pour le don. En outre, et contrairement aux Etats-Unis, les philanthropes brésiliens négligent particulièrement le financement de l'enseignement supérieur laissant les universités dépendre totalement des subventions publiques.

TRANSPORTS
Transport maritime : entre globalisation et développement durable
Etudes
Cyrille P. Coutansais
Le transport maritime qui assure 90 % du transit commercial mondial joue un rôle central dans la globalisation. Il a connu un essor considérable depuis les années 1950 : le tonnage mondial a été multiplié par cinq, la productivité par dix tandis que le coût réel du transport a été divisé par trois ou quatre. Quant au tonnage transporté, il est passé en quarante ans en volume de 2 566 millions de tonnes à 6 170. Au cours des dernières décennies, le déplacement du centre de gravité de l'économie mondiale vers l'Asie a bouleversé le système océanique mondial, ainsi que la hiérarchie des ports : la première voie d'échange est, depuis 1983, l'axe transpacifique et parmi les quatre premiers ports figurent Singapour, Shanghai, Hong Kong et Shenzhen. La dimension environnementale est, aujourd'hui, en raison des problèmes liés au réchauffement climatique à l'origine des changements les plus importants dans ce secteur.

MARCHE DU TRAVAIL
Les secteurs créateurs d'emplois à court-moyen terme après la crise
La note d'analyse du CAS
Maxime Liégey et Cécile Jolly
Compte tenu de l'ampleur du choc conjoncturel de 2008-2010, la relative bonne tenue de l'emploi pendant la crise, notamment par rapport aux prévisions initiales, a surpris. Il est cependant à craindre que la reprise ne soit que faiblement créatrice d'emplois. Toutefois, les résultats d'un travail de prévision, réalisé par le Centre d'analyse stratégique (CAS), mettent en évidence - outre le rebond mécanique des secteurs exposés au commerce international comme notamment celui du manufacturier - de forts potentiels de création d'emplois dans le secteur du commerce ou de l'hôtellerie, les services à la personne, ainsi que dans certaines filières vertes.
No 3018
13 avril 2011

Numéro spécial : Douze dilemmes de l'économie d'après-crise

Finance mondiale

Banques : utiles ou nocives à l'économie ?
Revue d'économie financière
Georges Pauget et Dhafer Saïdane
La crise financière de 2007-2009 s'ajoute à une longue liste de crises dont le coût est chaque fois plus élevé. Celle des subprimes aurait ainsi coûté près de 1 000 milliards de dollars. Cette crise dont les banques portent une part importante de responsabilité a conduit à s'interroger sur le rôle et les pratiques de l'industrie bancaire. Depuis, les affaires ont repris et les banques renouent avec les bénéfices, sans pourtant mettre fin à la perte de confiance entre elles, les usagers et les autorités réglementaires. Afin d'appréhender la complexité de l'activité bancaire, les auteurs proposent de revenir sur les origines du métier de banquier et sur ses diverses mutations. Ce détour permet de rappeler le besoin d'établir un nouveau contrat de confiance entre le public et la banque, basé sur l'utilité sociale de cette dernière et son rôle structurant dans nos sociétés. Le nouveau paradigme bancaire devra ainsi être centré sur la croissance, la maîtrise des risques et la gouvernance.

Vers un régime monétaire multipolaire : le meilleur ou le pire des scénarios ?
La Lettre du CEPII
Agnès Bénassy-Quéré et Jean Pisani-Ferry
La réforme du système monétaire international (SMI) figure en bonne place à l'agenda du G20, dont la France assure la présidence pour un an. L'hégémonie du dollar est remise en cause depuis de nombreuses années et la crise de 2007-2009 a encore renforcé la défiance à l'égard du billet vert. Les mutations de l'économie mondiale actuellement à l'œuvre plaident pour l'avènement d'un système monétaire multipolaire reposant sur le dollar, le renminbi et l'euro. Ce nouveau régime pourrait gommer certaines imperfections du (non-) système monétaire international actuel, mais il est également susceptible d'en exacerber d'autres comme la volatilité des taux de change ou le risque de " guerre des monnaies ". Avec un tel système, certaines questions resteraient de plus sans réponse, comme celle concernant la fourniture de liquidité mondiale. Selon les conditions de sa mise en œuvre, un régime monétaire multipolaire pourrait ainsi s'avérer le meilleur comme le pire des scénarios.

Politique monétaire

De la peur de la déflation au risque d'inflation
L'Expansion Management Review
Ulrich Pidun, Daniel Stelter et Katrin van Dyken
La crainte d'une récession à double creux (double dip) de l'économie américaine a longtemps alimenté les rumeurs d'une possible déflation qui frapperait de nombreux pays développés. Mais le spectre d'un scénario à la japonaise semble désormais s'éloigner. A l'inverse, l'environnement économique actuel constitue pour certains un parfait terreau pour un retour de l'inflation : une politique monétaire laxiste de certaines banques centrales qui a gonflé la base monétaire et un niveau élevé d'endettement des Etats que ces derniers pourraient être tentés de réduire par l'inflation. Le dernier épisode inflationniste traversé par un grand pays avancé a été la " grande inflation " américaine entre 1965 et 1985. Si, aujourd'hui, la menace semble moins immédiate qu'en cas de déflation, les auteurs suggèrent néanmoins de sý préparer car le phénomène aurait sans doute un impact fort sur la compétitivité économique à long terme.

Banques centrales entre stimulation monétaire et stabilité financière
Commentaire
Jacques De Larosière
Les banques centrales ont pour rôle de réglementer et de superviser les opérations des différentes banques. Elles veillent à la solvabilité à l'égard des déposants et surveillent la production de monnaie. Pour assurer ces missions, elles s'appuient sur la réglementation et la politique monétaires. La théorie économique considère également qu'elles ont un rôle à jouer en matière de régulation du taux de croissance et de l'inflation. Ces deux axes de l'action des banques centrales peuvent les conduire à un dilemme : si leur soutien à la croissance dure trop longtemps, le risque est de voir se former des bulles ; si, à l'inverse, elles se fixent comme seul objectif de prévenir l'inflation, le risque encouru cette fois est d'étouffer l'activité. La crise de 2007-2009 a illustré ce dilemme, d'abord en ce qui concerne les origines de la crise, puis dans la phase de sortie. Le défi posé aux banques centrales sera, semble-t-il, de parvenir à mieux concilier à l'avenir la politique monétaire et les mesures visant à garantir la stabilité financière.

Dette

Endettement : atout ou fardeau ?
The Economist
Il est particulièrement difficile pour la science économique de déterminer si un phénomène aura à terme un effet positif ou négatif sur la croissance. Ainsi, bon nombre de comportements économiques peuvent être, à certains moments, considérés comme des atouts pour la croissance et à d'autres comme des fardeaux. C'est le cas notamment de l'endettement privé. Considéré comme un facteur de croissance, il a été fortement encouragé jusqu'au milieu des années 2000. Puis, le modèle de croissance financé par la dette ayant atteint, avec la crise, ses limites, il est finalement devenu un fardeau.

Réduire la dette sans freiner l'activité économique
Finances et Développement
Emanuele Baldacci, Sanjeev Gupta et Carlos Mulas-Granados
La crise économique mondiale a entraîné, dans de nombreux pays, une augmentation très importante de la dette publique, ce phénomène étant plus marqué dans les économies avancées. Dans ces dernières, elle pourrait atteindre en moyenne 108 % du produit intérieur brut (PIB) en 2015, soit 35 points de plus qu'à la fin de 2007. Les seuils de 60 % du PIB pour les pays avancés et de 40 % pour les pays émergents, sont en général retenus comme le degré d'endettement souhaitable pour assurer la viabilité budgétaire. L'expérience montre qu'après une crise bancaire, l'allègement de la dette prend du temps. Cette fois, il sera particulièrement difficile de la réduire car le redressement doit s'effectuer dans un contexte d'accentuation généralisée du risque, d'instabilité accrue des marchés financiers et d'affaiblissement de la demande. Les gouvernements vont devoir se livrer à un dosage délicat entre diminution des dépenses non prioritaires et augmentation des recettes fiscales. Il leur faut concevoir des stratégies de réduction de la dette publique qui soient crédibles et ne mettent pas en péril la croissance.


Croissance

Relance ou rigueur ?
The Economist
Selon de récentes études menées par les universités Harvard et de Singapour, le taux de croissance moyen des pays membres du G7 devrait, en tenant compte des tendances démographiques et de productivité actuelles, être de 1,45 % par an au cours de la prochaine décennie, soit un taux inférieur à celui de la période qui a suivi l'Après-guerre. Comment, dans ces conditions, relancer la croissance ? Les Etats-Unis et l'Union européenne (UE) ont choisi deux options très différentes. Conscients que l'austérité budgétaire risque de menacer à court terme une reprise encore très fragile, les Américains ont adopté une solution keynésienne en choisissant de stimuler l'activité. Les Européens, davantage préoccupés par la réduction des déficits et des dettes publics, ont engagé, eux, des politiques d'austérité en espérant qu'avec le retour de la confiance et des finances publiques assainies, la croissance sera au rendez-vous.

Montée des émergents ou déclin de l'Occident ?
Perspectives du développement mondial 2010
OCDE
La résilience du monde en développement face à la pire crise financière de l'Après-guerre a révélé la vigueur de l'activité économique en dehors des principaux pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Depuis plus de dix ans, le taux de croissance des pays en développement dépasse celui des économies avancées. Une nouvelle géographie de la croissance se dessine, faisant progressivement basculer le centre de gravité de l'économie mondiale vers l'Asie émergente. Le clivage traditionnel entre Nord et Sud devient également de moins en moins pertinent dans un monde qui se multipolarise et dans lequel le Sud est de plus en plus hétérogène. Pour de nombreux observateurs, ce basculement de la richesse est perçu comme le signe avant-coureur du déclin de l'Occident mais pour d'autres, une prospérité accrue du monde en développement peut à terme bénéficier autant aux pays riches qu'aux pays pauvres.

Economique et social

Chômage : agir ou se résigner ?
Finances et Développement
Mai Chi Dao et Praksah Loungani
La crise financière a débouché sur une crise de l'emploi : au niveau mondial, le nombre total de chômeurs est estimé à 210 millions, soit 30 millions de plus qu'avant la crise. Certes, la reprise est là, mais elle est dans la plupart des pays faiblement créatrice d'emplois. Dans un premier temps, l'action des autorités publiques a consisté à soutenir la demande globale, à favoriser le chômage partiel et à subventionner l'embauche. Mais plus la crise s'éloigne, plus l'endettement public devient un souci majeur, tandis que les marges de manœuvre pour lutter contre le fléau du chômage diminuent. Son coût social se fait ainsi de plus en plus sentir. Il comprend non seulement la perte du revenu, mais entraîne aussi des coûts secondaires comme le déclassement scolaire et économique des enfants des familles concernées. Doit-on aujourd'hui se résigner à vivre avec un certain volant de chômage ou existe-t-il encore des moyens de lutter contre " la tragédie du chômage ", notamment le chômage de longue durée ?

Les Etats providence dans les pays riches : converger ou disparaître
Sciences Humaines
Entretien avec Gøsta Esping-Andersen
Gøsta Esping-Andersen a, dans son ouvrage Les trois mondes de l'Etat providence publié en 1990, établi une typologie de l'Etat providence selon laquelle il existe trois modèles de protection sociale dans les pays riches : anglo-saxon, nordique et d'Europe continentale. Si le marché est central dans le premier modèle, le secteur public universaliste constitue la caractéristique principale du deuxième. Le troisième est davantage hybride : l'Etat y est en effet dominant mais la famille y détient un rôle très important. Vingt ans après l'établissement de cette typologie, il s'avère qu'en dépit de réformes incessantes, les différents types d'Etat providence se sont révélés très stables. Ces derniers n'ayant, en outre, que très peu convergé. L'Etat providence est-il ainsi amené à disparaître ou un modèle peut-il au contraire s'imposer dans les pays riches ?

Gouvernance

Zone euro : solidarité ou éclatement ?
Sociétal
Christian de Boissieu
En 2010, la crise financière a débouché sur une crise de la dette souveraine, notamment dans la zone euro. Celle-ci qui trouve son origine dans d'importants déséquilibres économiques et financiers, pourrait conduire in fine à l'éclatement de la zone. C'est pour cette raison que les chefs d'Etat et de gouvernement des pays membres ont fait le choix de renforcer la solidarité financière, mais également la gouvernance européenne, se conformant ainsi à la tradition qui veut que la gouvernance de l'Union européenne (UE) ne se renforce qu'à l'occasion de crises graves. Néanmoins, cet effort de solidarité ne va pas résoudre certains problèmes comme celui de l'hétérogénéité de la zone euro. Au sein de celle-ci, des intérêts antagonistes coexistent : certains pays aspirent à davantage d'harmonisation et de convergence, quand d'autres souhaitent plus de concurrence et de spécialisation. L'histoire récente témoigne de la difficulté qui en découle : à deux reprises - d'abord lors de l'inauguration du Marché unique, ensuite, lors de l'introduction de l'euro -, on a surestimé la force de convergence des nouvelles institutions au risque de mettre en péril le projet européen.

G20 ou G0 ?
Foreign Affairs
Ian Bremmer et Nouriel Roubini
La crise économique et financière de 2007-2009 est venue rappeler combien il était important d'ériger des règles communes de gouvernance mondiale. Il existe déjà un certain nombre d'organisations internationales qui permettent de définir des systèmes de régulation, communs à l'ensemble des Etats. Mais ces instances éprouvent souvent beaucoup de difficultés à mettre tous les participants d'accord. Le G20, forum international qui rassemble les vingt pays les plus riches de la planète, cherche depuis la crise à assurer le leadership en matière de gouvernance mondiale. Mais, notamment en raison de la multiplication des objets de litiges (monétaires, budgétaires, commerciaux, etc.) ainsi que de l'hétérogénéité des pays membres, il semble dans l'incapacité de véritablement jouer ce rôle.
No 3019
11 mai 2011

Matières premières : un défi pour la croissance

L'indispensable partage face à la menace de pénurie
Le Monde Economie
Martin Wolf
La croissance des pays émergents, notamment en Asie, engendre des besoins énergétiques qui représentent une rupture de tendance par rapport à la fin du XXe siècle : d'ici à 2035, la demande primaire globale d'énergie pourrait augmenter de 50 %. Jusqu'ici, l'essor des pays émergents était bénéfique à tous : aux importateurs de produits à haute valeur ajoutée comme aux exportateurs de ressources naturelles. Celui-ci a engendré une certaine prospérité et offert de nouvelles opportunités. Mais à l'avenir, si l'humanité ne parvient pas à maîtriser la pression que ces mutations exerceront sur les ressources naturelles, la croissance des puissances émergentes risque de se traduire par un jeu à somme nulle, voire négative. Au-delà du progrès technologique qui pourrait permettre de surmonter cette nouvelle rareté des ressources naturelles, il faudrait également atteindre un niveau de coopération politique infiniment plus élevé que celui qui ayant cours aujourd'hui.

Volatilité des prix de matières premières : à qui la faute ?
La Note d'analyse du CAS
Johanne Buba et Maxime Liegey
Les volumes traités sur les marchés des matières premières ont considérablement augmenté depuis les années 2000, en particulier sur les marchés de gré à gré. En parallèle, on a assisté à une financiarisation accrue du secteur avec une explosion du nombre de contrats futures et d'options sur les matières premières. Compte tenu du fait que les matières premières représentent des inputs incontournables pour l'économie réelle, l'évolution des prix sur ces marchés fait l'objet d'une attention toute particulière. Ainsi, savoir si la spéculation joue un rôle important sur les marchés des matières premières est devenu une priorité pour les pouvoirs publics. Les auteurs analysent le cas de la hausse des prix de la période 2007-2008 et concluent que celle-ci s'explique par l'évolution des fondamentaux du marché. Les données disponibles à ce sujet sont malheureusement loin d'être exhaustives. Afin d'instaurer davantage de transparence et de permettre un meilleur fonctionnement de ces marchés, il faudrait mettre en place un système de régulation qui soit mieux à même de prévenir l'emballement des cours.

La gestion stratégique des ressources minérales : vers le développement des oligopoles ?
Responsabilité et environnement - Annales des Mines
Patrice Christmann et Bruno Martel-Jantin
Pendant longtemps, la majorité des acteurs politiques et économiques n'ont prêté que peu d'attention à l'industrie minérale et à la sécurité des approvisionnements en métaux. En Europe, certains pays ont même manifesté un large désintérêt pour ces questions. Cependant, sous l'effet de l'accroissement démographique mondial et de l'essor rapide des pays émergents, la question de la rareté est de retour et les ressources minérales redeviennent une priorité. D'ici à 2050, l'accès à ces dernières constituera même un défi stratégique majeur. L'industrie minérale mondiale doit, elle, faire face à un nombre croissant d'enjeux et de risques, liés à des coûts d'investissement et d'exploitation en augmentation, qui peuvent augurer un renforcement du niveau de la concentration dans ce secteur.

Terres rares : l'inquiétant monopole chinois
Ifo-Schnelldienst
Jutta Albrecht et al.
Les terres rares sont un groupe de métaux aux propriétés chimiques particulières. On les trouve généralement sous forme d'oxyde dans des minerais peu courants. Paradoxalement, elles ne sont pas si rares - en termes absolus, l'or est par exemple beaucoup plus rare - mais elles ne sont présentes qu'en de très faibles concentrations, de sorte que leur exploitation nécessite l'extraction de quantité très importantes de terres. Face à des coûts d'exploitation élevés, l'Occident a progressivement cessé d'exploiter les terres rares, au profit de la Chine qui assure aujourd'hui plus de 95 % de la production mondiale. Ceci confère à l'Empire du Milieu une position stratégique très importante, car ces matières premières sont indispensables à la fabrication de nombreux produits technologiques, comme les alliages des moteurs électriques, les générateurs d'éoliennes offshore, les disques durs des ordinateurs, les panneaux photovoltaïques, etc. La Chine a déjà commencé à restreindre l'exportation de terres rares - elle en est également le plus grand consommateur et en a besoin pour son propre développement -, obligeant les pays occidentaux à relancer dans l'urgence l'exploration.

Est-il possible de découpler le lien croissance/matières premières ?
Futuribles
Françoise Grosse
Au rythme actuel de leur exploitation, les ressources naturelles risquent d'être rapidement épuisées. Rendre le développement soutenable nécessite donc de dissocier la croissance économique de la consommation effrénée de ces dernières. Une solution avantageuse serait de développer le recyclage. Mais il faut cependant bien distinguer le taux de recyclage apparent du taux réel. L'auteur montre que ce procédé ne fait finalement que retarder les échéances. L'économie circulaire ne saurait donc à elle seule constituer une solution miracle. Il faudrait aller beaucoup plus loin et réduire très fortement la quantité de matériau utilisée par unité produite. Outre l'innovation et le progrès technologique, l'économie de la fonctionnalité qui permet d'optimiser les usages des produits représente une alternative prometteuse.

EGALEMENT DANS CE NUMERO

ENTREPRISES
Le patron de PME, ou le syndrome de Peter Pan
La Gazette de la société et des techniques
Benjamin Bertrand, Philippe Bodénez et Étienne Hans
Les petites et moyennes entreprises (PME) sont souvent considérées comme les réserves de croissance les plus substantielles, notamment en raison de leur potentiel de réactivité et d'innovation. Cette image repose sur une représentation du dirigeant de PME ayant pour objectif principal d'œuvrer à cette croissance. La Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) définit le patron de PME comme celui qui engage dans son entreprise tout son avoir financier pour y exercer des fonctions réelles et uniques de responsabilité et de gestion, mettant en jeu son savoir et son honneur. Une étude réalisée à l'Ecole nationale des Mines de Paris, montre cependant une tout autre réalité : celle de dirigeants atteints du syndrome de Peter Pan, un complexe les empêchant de se considérer comme contribuant à la croissance économique.

HISTOIRE DE LA PENSEE ECONOMIQUE
John Rawls ou le libéralisme équitable
Sciences Humaines
Julien Damon
Grand théoricien du contrat social, John Rawls a connu un succès considérable avec la publication, en 1971, de son ouvrage principal Théorie de la justice. Libéral et égalitariste, il a sans cesse cherché une coexistence harmonieuse entre efficacité économique et justice sociale. Une société devrait, selon lui, assurer l'égale liberté des uns et des autres et répartir de manière équitable les " biens premiers " comme le droit de vote. Ainsi, si les inégalités pouvaient profiter aux plus désavantagés, celles-ci devraient être considérées comme légitimes. Cette conception libérale et égalitaire, typiquement rawlsienne, a, par la suite, permis de légitimer l'instauration, dans les pays avancés, de minima sociaux comme le revenu minimum d'insertion (RMI), créé en France en 1988.

EMPLOI
Pourquoi un chômage plus long à Paris ?
Connaissance de l'emploi
Yannick L'Horty et Florent Sari
Longtemps Paris s'est distinguée par son marché du travail très dynamique. La capitale attire pour cette raison de nombreux provinciaux à la recherche d'un emploi. Toutefois, une étude ciblée sur le sort des chômeurs de longue durée montre que cette ville présente aujourd'hui un risque particulier pour les sans-emploi : le chômage de longue durée y est supérieur à celui que connaissent les autres Franciliens. Géographiquement, le phénomène concerne surtout Paris-intra-muros et la petite couronne. Au-delà d'un effet de composition, l'inadéquation entre les emplois offerts à Paris et les qualifications des chômeurs qui y résident serait un des facteurs explicatifs de ce phénomène.
 

n° 3040 Le déclin industriel

La désindustrialisation française : un état des lieux
Flash économie - Natixis
Patrick Artus
La France, comme beaucoup d’autres pays, connaît une désindustrialisation continue. Ce processus s’est accentué ces dernières années : le secteur industriel ne représente plus que 12 % de l’emploi total en 2011, contre 16 %  en 1999, ce recul s’accompagne, en outre, d’une diminution des parts de marché dela France dans le commerce mondial. Les causes de la désindustrialisation sont multiples : faiblesse de la demande intérieure orientée vers les produits industriels, délocalisations, positionnement en milieu de gamme (d’où une plus forte sensibilité aux coûts de production), fiscalité défavorable, difficultés à recruter des salariés (surtout jeunes) ayant des formations scientifiques, etc. La plupart de ces facteurs représentant des tendances lourdes et difficiles à inverser à court terme.

L’industrie française vue d’Allemagne
Handelsblatt
Florian Brückner
Les facteurs à même d’expliquer le déclin de l’industrie française sont nombreux. Vus d’Allemagne, ils se résument néanmoins à un  principal handicap : le faible nombre d’entreprises de taille moyenne, le Mittelstand comme on les qualifie outre-Rhin. Si la France et l’Allemagne disposent d’un effectif total d’entreprises à peu prêt égal, leurs profils sont très différents : la France compte nettement plus d’entreprises d’une personne et surtout moins de firmes de taille intermédiaire (entre 50 et 500 employés), réputées être très dynamiques et créatrices d’emplois. Par ailleurs, si de nombreux Mittelständler allemands relèvent du secteur manufacturier, les Français sont plus présents dans les services, l’artisanat, le commerce et la gastronomie.

La construction automobile : une comparaison France-Allemagne
Rapport d’information du Sénat
Alain Chatillon
L’automobile, qui occupe une place de premier plan parmi les secteurs industriels, est révélateur des différences profondes qui séparent la Franceet l’Allemagne. Globalement, l’industrie automobile allemande se caractérise par un poids plus important, une spécialisation plus intense et des performances supérieures à ceux enregistrés dans ce secteur en France. Au total, l’Allemagne produisait, en 2007,  5,7 millions de véhicules, contre 2,5 millions en France. La récente crise financière et économique a encore accentué ce décalage : tandis que la production allemande dépasse celle de l’avant-crise, l’industrie automobile française s’essouffle. La modération salariale en vigueur en Allemagne est souvent citée pour expliquer le dynamisme industriel dans ce pays. Cependant, ce qui joue beaucoup plus en faveur des constructeurs allemands est l’intensité des délocalisations réalisées et le positionnement dans le haut de gamme.

Industrie ou services : un dilemme européen ?
La Lettredu CEPII
Colette Herzog et Denis Ünal
L’échange des biens industriels représente les deux tiers du commerce mondial, le reste étant composé de services et de biens primaires (20 et 13 % respectivement). Par ailleurs, l’Europe, les États-Unis et le Japon prennent chacun un positionnement différent en matière de spécialisation sectorielle. Le Japon est surtout spécialisé dans l’industrie, tandis que les États-Unis ont de solides avantages comparatifs dans le secteur tertiaire. L’Europe occupe une situation intermédiaire : elle est fortement spécialisée dans les services, sans pour autant s’être désengagée du secteur industriel. Au sein de l’Union européenne, l’examen des avantages comparatifs révèle une grande diversité. Si la plupart des pays parviennent à les maintenir dans l’industrie ou à les conforter dans les nouveaux services, d’autres restent focalisés sur des prestations plus traditionnelles dont le potentiel de croissance est plus faible.

Réformer la politique industrielle
Le Monde
Pierre-André Buigues
Tous les pays pratiquent - à des degrés divers - une politique industrielle. Partout, elle concerne quatre grands champs : la recherche et développement (R&D), les petites et moyennes entreprises (PME), le développement régional, l’environnement et les économies d’énergie. Les modèles d’intervention diffèrent pourtant nettement d’un pays à l'autre. L’auteur présente quatre leviers d’action susceptibles de renforcer l’efficacité de la politique industrielle : décentraliser le soutien aux entreprises, recentrer les aides sur les PME, renforcer la politique de la concurrence et, enfin, imposer des évaluations microéconomiques indépendantes devant aboutir à la suppression automatique des mesures n’ayant pas fait la preuve de leur efficacité.

Faut-il craindre la désindustrialisation ?
Esprit
Philippe Askenazy
Si l’on s’en tient aux statistiques sectorielles, la désindustrialisation ne fait guère de doute et concerne de nombreux pays. Cette tendance a un impact symbolique fort sur l’image qu’une nation se fait de sa propre richesse dans la mesure où l’industrie est intimement liée au fait de produire des biens matériels. Cependant, la véritable question est de savoir s’il s’agit d’une évolution incontrôlable ou si la désindustrialisation renvoie à une réalité instrumentalisée par les uns ou les autres. De même, le débat sur le déclin industriel ne devrait pas se focaliser sur un modèle industriel ancien, mais adopter une perspective plus large, afin d’identifier les domaines dans lesquels la France est en mesure d’innover et d’exporter, comme la recherche et la santé.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Internationalisation des élites économiques
Actes de la recherche en sciences sociales
Michael Hartmann
Dans le sillage de la mondialisation revient régulièrement le thème de l’émergence d’une « élite mondiale » ou d’une « classe internationale des affaires ». L’analyse de ce phénomène présentée ici qui s’appuie sur une enquête empirique auprès des dirigeants des 100 plus grandes entreprises dans huit pays, ne parvient pas à confirmer ce constat. Selon cette dernière, l’internationalisation des élites économiques reste très limitée, malgré quelques différences d’un pays à l’autre. Même dans le contexte de la mondialisation, le cadre national et étatique reste donc prédominant,  en France tout particulièrement. Ainsi, l’Hexagone se caractérise par le maintien d’une élite nationale traditionnelle et par la diminution de son internationalisation d’une cohorte à l’autre.

Danone et le social business : quel bilan ?
Le Journal de l’École de Paris du management
Emmanuel Marchant
Née, en 2005, d’une rencontre entre Franck Riboud, président directeur général de Danone, et Muhammad Yunus, fondateur de la première banque de microcrédit (Grameen Bank), la Grameen Danone Food constitue la première expérience de social business : une activité – la production de yaourts fortifiés destinés aux enfants bangladais – dont l’objectif n’est pas la maximisation du profit mais de résoudre des problèmes de santé publique ou d’environnement. Le géant agroalimentaire français a ensuite souhaité renforcer son activité de social business en créant, en 2007, la société d’investissement à capital variable (SICAV), Danone Communities, dans le but de soutenir de nouveaux  projets dans différents pays. L’auteur dresse un bilan des activités menées récemment par celle-ci et examine leurs conséquences tant pour les populations concernées que pour le groupe.

La nouvelle gouvernance de l’État social
Informations sociales
François-Xavier Merrien
Depuis environ trente ans, partout dans le monde des réformes de l’État social et des politiques sociales ont été entreprises. Ces dernières sont inspirées par le modèle néolibéral dans lequel l’État acteur laisse peu à peu la place à un État régulateur et incitateur. En France, l’État-providence a également connu de profondes mutations. Mais l’évolution française ne résulte pas d’une révolution idéologique comme dans les pays anglo-saxons ou dans les pays nordiques. Les réformes ont été décidées dans le cadre d’une crise majeure du système social. Les modes de gestion des politiques sociales comme leur contenu ont été transformés par la nouvelle gouvernance, la décentralisation ainsi que par la réduction et l’individualisation des prestations.

n° 3041 Russie, le tournant ?

Les défis de l’économie russe
International Affairs
Sergey  Aleksashenko
Vingt ans après la fin de l’Union soviétique, la Russie conserve une place à part dans l’économie mondiale. En dépit d’une décennie de croissance soutenue, après la difficile transition des années 1990 et la crise de 1998, elle reste une économie rentière qui peine à se moderniser. La Russie n’est compétitive ni à l’égard du monde en développement, ni à l’égard des pays avancés. Le risque qui menace aujourd’hui le pays est, qu’en l’absence de réformes structurelles, il reste en marge des économies les plus dynamiques du XXIe siècle.

La longue vie de l’Homo sovieticus
The Economist
Les fraudes aux récentes élections législatives et présidentielle en Russie ont donné lieu aux plus grandes manifestations de ces dernières années. La confiscation de la démocratie dans un pays où le logiciel mental de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) s’est avéré plus pérenne que l’était son idéologie a fini par exaspérer une partie de la population, essentiellement la classe moyenne éduquée et urbanisée. Vladimir Poutine a su asseoir dans les années 2000 sa popularité grâce à la croissance économique et la poursuite de la guerre en Tchétchénie. Mais le retour de l’État qu’a parfaitement incarné le dirigeant russe ne s’est pas accompagné des réformes nécessaires pour permettre au pays de se débarrasser de son héritage soviétique. La mainmise des élites bureaucratiques, en particulier des services de sécurité, sur les affaires du pays s’exerce sur fond de corruption et de violence d’État. Après une décennie de « stabilité »,la Russie de 2012 semble bien aussi fragile que l’était vers la fin de ses jours l’Union soviétique.

La croissance au secours de la démographie
IRIS
Alexandre Latsa
Après l’éclatement de l’Union soviétique en 1991, la jeune Fédération de Russie ne compte plus que 148,3 millions d’habitants et connaît à partir de 1996 un effondrement démographique important. La brutale dégradation de l’environnement économique et social, au cours de la décennie 1990, a eu des répercussions considérables sur les conditions d’existence. Il faut attendre 2009 pour observer une inversion de tendance avec une légère remontée de la courbe. En 2010, la population était évaluée à 142,9 millions d’individus. Si la Russie voit peu à peu s’éloigner les perspectives démographiques catastrophiques que certains instituts envisageaient au début des années 2000, la question démographique reste néanmoins une priorité de l’agenda politique, en raison notamment de ses conséquences économiques. Pour faire face à ses besoins de main-d’œuvre, la Russie cherche, pour les années à venir, à favoriser les flux d’immigration.

Un BRIC pas comme les autres
Revue des Deux Mondes
Thomas Gomart
En 2001, Jim O’Neil, chef économiste de la banque d’affaires américaine Goldman Sachs, lance l’acronyme BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) pour orienter régionalement des stratégies d’investissements. Après le déclassement géopolitique qui a suivi la fin de l’Union soviétique, au cours des années 1990, la « marque » BRIC va permettre à la Russie de rebondir en tirant avantage de cette nouvelle représentation du monde basée sur l’idée de puissances émergentes. Une décennie plus tard, si la Russie est parvenue à retrouver un positionnement international plus proche de son poids économique et géographique, elle n’a pas vraiment atteint son objectif qui est de devenir une puissance régionale à prétention globale, au même titre que les géants chinois ou brésilien.  Son assimilation au groupe des BIC continue d’ailleurs d’être contestée, dans la mesure où, restant une économie rentière incapable de moderniser son tissu économique, elle ne présente pas le même profil que les autres membres du groupe.

L’économie russe et l’Asie
Monde chinois
Julien Vercueil
Au moment où l’Union européenne, partenaire historique, est empêtrée dans des difficultés financières, économiques et institutionnelles, la Russie, dont l’immense territoire est en grande partie situé en Asie, est tentée de réorienter ses échanges vers l’Orient. Les principales puissances asiatiques constituent en effet les pôles les plus dynamiques de l’économie mondiale et disposent d’atouts et de besoins complémentaires de ceux de leur voisin russe. Au cours des années 2000, les échanges commerciaux se sont considérablement développés entre les deux aires géographiques mais ils s’inscrivent dans un mouvement de croissance rapide de la valeur globale du commerce extérieur russe qui ne s’est pas limitée à l’Asie. Si le potentiel dont pourrait tirer profit la Russie de ses relations avec l’Asie  reste donc immense,  ces dernières n’ont jusqu’à présent pas tenu toutes leurs promesses.

 ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Guerre financière et finance criminelle
Revue Défense Nationale
Hervé Juvin
Les scandales qu’a constitué l’affaire des subprimes aux États-Unis ou celle de la falsification des comptes publics grecs impliquant de grands établissements bancaires américains renommés comme Citigroup ou Goldman Sachs ont jeté un  profond discrédit sur certaines pratiques du monde de la finance. Cette perte de confiance a même fini par atteindre, par ricochet,  les banques commerciales dont les activités quotidiennes sont pourtant éloignées de celles des établissements de la haute finance. Les développements récents de la crise de la dette souveraine en Europe conduisent désormais une partie de l’opinion publique à considérer que les États-nations ont perdu tout pouvoir face à une planète financière qui ne serait plus guidée que par l’appât du gain.

La crise du logement
Esprit
Bernard Coloos
Le problème de la « crise du logement » revient de manière récurrente dans le débat public. Cette question s’accompagne d’analyses contradictoires concernant les raisons de l’échec des politiques mises en œuvre. Dans le même temps, il existe un large consensus pour condamner les aides fiscales aux investisseurs privés, l’important retard des programmes de construction, la nécessité de poursuivre la mixité sociale, le nombre insuffisant de terrains à bâtir et, enfin, les difficultés rencontrées par de plus en plus de ménages pour accéder à la propriété. La plupart de ces points relève davantage du ressenti qu’il ne résiste à l’indispensable analyse des faits. La « crise du logement » dissimule une réalité plus complexe, car pour la majorité des Français, les conditions de logement ne cessent de s’améliorer.

Où en est l’économie espagnole ?
La Caixa
Durement frappée par la crise économique mondiale, l’Espagne pourrait, selon les perspectives de La Caixa– un grand établissement bancaire espagnol – ne pas connaître de reprise immédiate. Le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) devrait continuer d’être négatif. Les indicateurs de l’offre, comme de la demande, n’incitent pas non plus à l’optimisme : l’indice de production, en baisse à la fin de 2011, fragilise le redémarrage  de l’investissement. En outre, le taux de chômage touchait, à la fin de l'année dernière, 21,5 % de la population active. La confirmation de ce scénario, particulièrement pessimiste dépendra en partie des solutions apportées à la crise de la dette souveraine et de l’ampleur des mesures que prendra le gouvernement espagnol. Une nouvelle récession est toutefois très probable.

n° 3042 25 avril 2012

Les start-up favorisent-elles l’emploi ?
Kauffman Foundation
Dane Stangler et Robert E. Litan
Aux États-Unis, la crise de 2008 est la plus grave en termes d'emplois détruits (plus de huit millions). Si, en janvier 2012, l’emploi non agricole a augmenté de 243 000 postes, la situation demeure inquiétante : selon certains analystes, en effet, le pays devrait créer plus de 263 000 emplois chaque mois pour sortir de l'impasse. Les chercheurs de la Fondation Kauffman se sont intéressés à la nature des entreprises qui embauchent le plus. Jusqu'en 2005, pratiquement toutes les créations nettes d'emplois aux États-Unis provenaient d'entreprises créées il y a moins de cinq ans. Ceci montre qu’au cours de cette période, sans les start-up, les destructions d’emplois auraient été, chaque année, supérieures aux créations. L’étude de la Fondation Kauffman révèle qu’aujourd’hui les jeunes entreprises comptent encore pour environ les deux tiers dans la création d'emplois.

Informatique : délocaliser n’est pas une fatalité
Bloomberg Businessweek
Andy Grove
Selon Andy Grove, ancien président directeur général (PDG) et co-fondateur de l’entreprise américaine Intel, il existe un mythe selon lequel les entreprises innovantes du secteur de l’informatique, considérées comme l’avenir de l’économie moderne, pourraient, à elles seules, régler définitivement le problème du chômage. Or, au cœur de la crise économique, le taux de chômage dans la région de San Francisco, berceau de la Silicon Valley, était plus important que la moyenne nationale. On évalue, en outre, le nombre d’emplois manufacturiers dans l’industrie informatique aux États-Unis à 166 000, soit un niveau inférieur à ce qu’il était avant l’invention du premier PC (personal computer) en 1975. Pourquoi le secteur informatique ne crée-t-il pas plus d’emplois ? L’auteur apporte une partie de la réponse en analysant le rôle négatif joué par la délocalisation des emplois.

L’impact de l’internet sur l’économie française
McKinsey & Company
Si des études, menées notamment par l’Institut national des études économiques (INSEE) et par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), ont déjà cherché à mesurer l’impact de l’internet sur l’économie française, aucune d’entre elles n’était parvenue à apporter une vision globale intégrant les effets directs et indirects de l’internet sur les dynamiques de croissance et de développement économiques. C’est chose faite avec le travail mené par McKinsey & Company. L’étude du cabinet de conseil américain montre que l’internet a, en 2010, contribué pour un quart de la progression du produit intérieur brut (PIB) français. En outre, le web a, depuis le début des années 2000, permis la création nette de 700 000 emplois, soit un quart du total. À cela s’ajoutent les emplois indirects et induits. Si, en matière de développement numérique, la France se situe dans la moyenne des pays de l’Organisation de développement et de coopération économiques (OCDE) – au 17e rang –, des progrès sont encore possibles : notre voisin britannique, par exemple, occupe la quatrième place.

Pourquoi Apple ne fabrique pas l’iphone aux États-Unis
The New York Times
Charles Duhigg et Keith Bradsher
« Que faire pour que l’iPhone soit fabriqué aux États-Unis ? », c’est la question qu’avait posée au patron d’Apple, Steve Jobs, début 2011 lors d’une rencontre dans la Silicon Valley, le président américain, Barack Obama. Si le géant informatique américain ne compte « que » 20 000 salariés à l’étranger contre 43 000 aux États-Unis, les Américains se souviennent qu’ils étaient 400 000 à travailler pour le constructeur automobile General Motors dans les années 1950. Sans oublier le nombre d’employés sous-traitants d’Apple qui s’élève à 700 000. L’enquête – ayant fait l’objet d’un article polémique – qu’a menée le New York Times pour comprendre pourquoi l’iPhone n’est pas fabriqué aux États-Unis conduit à penser que le choix de la délocalisation des activités d’assemblage en Chine s’explique avant tout par une recherche de flexibilité plutôt que par un souci de réduction des coûts.

Numérique : la fin des emplois de masse ?
Technology Review
David Talbot
L’automatisation, les nouvelles technologies et l’insertion du numérique dans les processus de production semblent être les principaux facteurs explicatifs du processus de délocalisation. Ce n’est pas la première fois que l’on assiste, dans l’histoire économique, à la destruction de certaines tâches et en contrepartie à la création de nouveaux types d’emplois. Mais cette dynamique de destruction/création n’a, selon une série d’études menées par le Massachussetts Institute of Technology (MIT) dont la Technology Review fait état, jamais été aussi rapide et intense qu’aujourd’hui. La révolution technologique a cela de nouveau qu’elle concerne autant les emplois des classes moyennes que ceux des salariés à bas revenus. Les recherches du MIT montrent également que l’adaptation à ces nouveaux modes de production sera plus longue encore et plus difficile que celle qu’ont nécessitée les précédentes révolutions. Et que les générations à venir n’y sont pas encore préparées…

 ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Carburant cher, un mal nécessaire ?
Lettre de l’OFCE
Céline Antonin
Les prix de l’essence affichent à nouveau des records. Ils ont atteint - et dépassent même - leur pic de 2008. Deux facteurs expliquent l’essentiel de cette hausse : la dépréciation de l’euro par rapport au dollar et l’augmentation des cours du pétrole, accentuée par l’instabilité politique au Moyen-Orient. Mais même en l’absence de ce deuxième facteur géopolitique, les experts estiment que les prix du pétrole devraient rester durablement élevés car ils  sont structurellement orientés à la hausse. Celle-ci aura des conséquences importantes sur le pouvoir d’achat des ménages. Cependant, une baisse des prix des carburants via une diminution des taxes risquerait d’être coûteuse économiquement et écologiquement. La mise en place de mesures transitoires et ciblées comme  les « chèques transports » semble être une meilleure solution.

Marché unique : peut-on aller encore plus loin ?
Lettre du CEPII
Vincent Aussilloux, Charlotte Emlinger et Lionel Fontagné
La crise des dettes souveraines a fragilisé le projet d’intégration européen. Au cours des dernières décennies, grâce au Marché unique, des progrès substantiels ont pourtant été réalisés dans l’intégration des marchés des États membres. Ce processus lancé dans les années 1980 est loin d’être achevé puisque demeurent de nombreuses barrières non tarifaires ainsi que des barrières aux échanges dans le secteur des services. Le modèle de simulation économique utilisé par les auteurs montre que l’élimination de toutes les barrières au commerce subsistant au sein de l’Union européenne (UE) apporterait des gains deux à trois fois supérieurs à ceux déjà obtenus. Si cet objectif reste une hypothèse quasiment irréaliste, il n’en demeure pas moins que la poursuite de l’intégration européenne constitue pour l’UE l’un des principaux leviers de croissance.

Hayek, l’euro ou la concurrence des monnaies
Sociétal
Gérard Dréan
En 1976, le célèbre économiste autrichien Friedrich Hayek s’opposa au projet d’une monnaie européenne unique. Il rédigea en trois semaines un ouvrage intitulé Denationalisation of Money, the Argument Refined,  proposant comme alternative au projet européen la libre concurrence entre monnaies. Hayek imagine un système de monnaies fiduciaires concurrentes, plus souple qu’un système d’étalon-or, mais où la discipline monétaire est garantie par la libre concurrence mieux que par un monopole étatique. À l’heure où d’aucuns se demandent si « la création de l’euro était une bonne idée ? », le livre de Hayek, plus de trois décennies après sa rédaction, retrouve une belle actualité.

n° 3043 09 mai 2012

Le marché de l’art : état des lieux
(Art Market Trends 2011 – Thierry Ehrmann)
Évaluer l’art : le rôle des intermédiaires
(L’artiste et ses intermédiaires – Nathalie Moreau et Dominique Sagot-Duvauroux)
Les imperfections du marché de l’art
(Frankfurter Allgemeine Zeitung – Julia Voss et Niklas Maak)
Les galeries d’art à la peine
(Le nouvel Économiste – Ariane Warlin)
Les musées, une analyse économique
(CESifo Dice report – Bruno S. Frey)
Les musées américains doivent se réinventer
(The Art Newspaper – Andras Szanto)
L’éclairage de Problèmes économiques
La place de Paris sur le marché mondial de l’art
- Marché de l’art : aspects réglementaires et fiscaux
- La « Collection Jägers » : Beltracchi, faussaire de génie
- Le marché de l’art en chiffres
- La commande publique et la politique culturelle
- L’art : un marché des singularités
Pour en savoir plus
L’élaboration des plans de sauvegarde de l’emploi
(Gérer et comprendre – Annales des Mines – Philippe Chapellier et Claude Fabre)
De Doha à Dubaï : les marchés du Golfe
Accomex – Gérard- François Dumont)
Baisse des inégalités au Brésil : faut-il remercier Lula ?
(Mondes en développement – Mylène Gaulard)

n° 3044 20 ans de développement durable

« Rio+20 » : l’heure du réalisme écologique ?
La note d’analyse du CAS
Blandine Barreau
Du 20 au 22 juin 2012 se tiendra à Rio de Janeiro (Brésil) la Conférence des Nations unies sur le développement durable. Cette réunion internationale marquera l’anniversaire du Sommet de la Terre organisé, il y a vingt ans,  dans cette même ville et  qui avait consacré la notion de développement durable. La Conférence« Rio+20 » se déroulera dans un contexte particulier où,  face à l’urgence des défis à relever, le début d’un certain réalisme écologique est de rigueur : l’heure est désormais aux approches pragmatiques et à la définition des priorités. Les principaux objectifs inscrits à l’agenda de cette conférence sont, dans le cadre du développement durable et de l’éradication de la pauvreté, l’adoption d’une vision de l’économie verte qui puisse servir de guide à l’ensemble des acteurs, la relance de la dynamique impulsée par le Sommet de 1992 et relancée en 2000 avec les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et enfin, l’amélioration de la gouvernance mondiale.

La mesure du développement durable
Responsabilité et environnement
Didier Blanchet
En 2009, le rapport de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi a passé en revue les principales approches disponibles en matière d’indicateurs de développement durable. La conception d’un indice phare qui permettrait une évaluation pertinente de la durabilité globale a été considérée comme un objectif hors d’atteinte. Il ne suffit pas en effet de « verdir » le produit intérieur brut (PIB) pour obtenir des informations claires sur le caractère soutenable de notre modèle de croissance.  L’approche qui a été retenue par la commission est plutôt une approche dite par les « stocks », qui s’efforce, quelle que soit leur nature économique, sociale ou environnementale, de suivre les niveaux des différents facteurs ou freins à la croissance.

La croissance verte, une illusion ?
Futuribles
Benjamin Dessus
En dépit des multiples avertissements régulièrement lancés à l’occasion des conférences internationales sur les risques liés au changement climatique, peu de programmes d’envergure ont été mis en œuvre dans le monde pour permettre une baisse significative des émissions de gaz à effet de serre. Le défi énergétique reste donc entier pour une planète en croissance démographique qui compte déjà 7 milliards d’habitants dont la majorité aspire à atteindre le niveau de prospérité des pays les plus riches. Face aux ambiguïtés de la croissance « verte » et aux solutions misant principalement sur la technologie et la poursuite d’une croissance soutenue, l’auteur suggère d’emprunter d’autres voies, en particulier celles d’une sobriété énergétique à la fois individuelle et collective et d’un fort ralentissement, voire un arrêt total de la croissance économique dans les pays les plus développés.

La transition écologique
Études
Alain Grandjean
Si la  transition écologique vers un nouveau modèle socio-économique est de plus en plus ressentie comme une nécessité, la crise économique a abouti à en différer la mise en œuvre. Le découplage relatif observé au cours des dernières  années entre produit intérieur brut (PIB) et consommation de ressources a amené à une meilleure efficacité énergétique du PIB et à une légère « décarbonation » de nos énergies. Mais il  reste insuffisant. L’objectif à atteindre est un découplage absolu seul à même de faire baisser les émissions de gaz à effet de serre et de réduire les prélèvements physiques sur la biosphère. Pour ce faire,  les moyens de politique publique à mobiliser doivent être à la hauteur des défis à relever. Cela passe en particulier par le lancement d’un plan massif d’investissement dans la transition vers un modèle économique durable. Ce programme pourrait être financé par une politique monétaire « non conventionnelle » menée sous l’égide de la Banque centrale européenne (BCE).

Environnement : des bonnes intentions aux bonnes pratiques
Consommation et modes de vie
Régis Bigot et Sandra Hoibian
Au cours des deux dernières décennies, la sensibilité environnementale s’est largement diffusée dans la société française. Une étude récente  du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CRÉDOC) met en évidence les changements de comportements adoptés par les ménages qui traduisent un réel désir de mieux protéger la planète. Si dans certains domaines comme le logement ou le chauffage, les Français n’ont pas accompli de réels progrès, dans d’autres, en revanche, comme la préservation de l’eau, la place de l’automobile, le tri et le recyclage, l’achat et la vente de produits d’occasion, le boycott de certains biens ou la consommation de produits bio, nos concitoyens n’en sont pas restés qu’aux bonnes intentions et les changements observés sont significatifs.


Également dans ce numéro


Mettre l’Afrique sur les rails
Finances et développement
Paul Collier
La prochaine décennie pourrait être celle du décollage de l’Afrique.  Les ressources privées prêtes à être investies sur le continent abondent dans un contexte où les perspectives de croissance des pays avancés paraissent sombres et où l’avenir des grandes économies émergentes est devenu plus incertain. La découverte probable de nouvelles ressources naturelles et l’exploitation de vastes terres agricoles aujourd’hui sous-utilisées ouvrent à l’Afrique des perspectives de croissance considérable. Pour tirer pleinement partie de ce potentiel, la construction de nouvelles infrastructures de transport est cependant indispensable, en particulier le développement de réseaux de chemins de fer.


Les économistes déroutés par nos comportements
La Vie des idées
Cyril Hédoin
Selon la science économique « classique », l’individu n’aurait qu’un seul mode de pensée rationnel qui le conduirait à maximiser son bien-être : il ne serait rien d’autre qu’un homo oeconomicus. Mais l’économie comportementale a montré au cours de ces dernières années qu’il existait des personnalités multiples, parfois incohérentes. Gilles Saint-Paul s’efforce, dans son ouvrage The Tiranny of Utility. Behavioral Social Science and the Rise of Paternalism, de mettre en perspective les développements récents de l’économie comportementale avec les mesures, plus ou moins coercitives, que les pouvoirs publics ont mises en place aux États-Unis et en Europe pour inciter les individus à prendre les « bonnes » décisions sans que ceux-ci aient l’impression de perdre leur liberté d’action.


« Rien ne peut remplacer l’industrie »
Les Échos
Entretien avec Jean-Louis Beffa
L’industrie représente un important vecteur de création de richesses. Il est ainsi dans l’intérêt national de préserver des sites industriels  sur le territoire national. Les évolutions et les politiques micro et macroéconomiques des dernières années ont cependant affaibli le socle industriel français. Ainsi, le déploiement du modèle libéral-financier a accordé beaucoup d’importance à l’actionnariat et à la rentabilité immédiate au détriment de la production. Pourtant, un modèle alternatif existe, comme le montre l’exemple de l’Allemagne où l’État s’implique totalement dans la défense des intérêts de l’industrie. Il apporte ainsi un soutien déterminant à ses capacités exportatrices et au secteur de la recherche et développement (R&D) qui lui est liée.

n° 3045 Crise de l'euro, regards extérieurs

La rançon du succès
Finances et développement
Florence Jaumotte
Au cours des années qui ont suivi son lancement, l’euro a semblé très bien fonctionner. Les réformes lancées avant son entrée en vigueur, puis la suppression du risque de change et la baisse du coût du crédit une fois la monnaie européenne en circulation, ont accéléré l’intégration économique et financière des États membres de la zone euro. Les perspectives de forte croissance dans les pays périphériques ont drainé d’abondants flux de capitaux. Cumulées à la faiblesse des taux d’intérêt, elles ont donné l’impression que certaines économies européennes avaient enregistré des progrès sur le plan structurel. Mais en réalité, les crédits ont essentiellement alimenté des investissements immobiliers et la consommation, stimulant ainsi la demande intérieure et la hausse des salaires. D’importants déséquilibres se sont ainsi créés au sein de l’Union, montrant que la zone euro ne sera pas une union monétaire optimale tant qu’une meilleure surveillance et coordination des politiques économiques ne seront pas réalisées.

Rigueur financière et réformes structurelles
Études économiques de l’OCDE
OCDE
Pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’origine de la crise de la zone euro se trouve dans l’accumulation de déséquilibres économiques, budgétaires et financiers excessifs et dans le retournement du cycle mondial du crédit. Des mesures décisives ont dû être prises pour stabiliser les marchés de la dette souveraine européenne. L’OCDE salue dans ce contexte la mise en place du Mécanisme européen de stabilité (MSE). Pour les experts du château dela Muette, l’assainissement budgétaire est indispensable et doit s’accompagner d’une politique monétaire accommodante, mais qui continue à préserver la stabilité des prix. Outre la réforme des finances publiques et de la gouvernance économique et financière au sein de l’Union européenne, les chefs d’État et de gouvernement doivent surtout mener d’ambitieuses réformes structurelles. Elles permettront de pallier les nombreuses insuffisances des marchés des biens et services, du travail et des systèmes fiscaux et relanceront ainsi la croissance.

Stiglitz : mettre fin aux politiques d’austérité
Les Échos
Gabriel Grésillon
Pour l’économiste américain Joseph Stiglitz, les réponses apportées par les responsables européens à la crise de la zone euro ne sont pas à la hauteur des problèmes et aggravent la situation plutôt qu’elles ne l’améliorent. La cure d’austérité imposée à la Grèce par l’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire européen (FMI) n’a fait ainsi qu’augmenter le poids de la dette et accélérer la récession. À l’échelle de l’UE, l’accent mis sur les politiques de rigueur est en train d’étouffer la croissance. Le "prix Nobel" d’économie préconise plutôt de relever les impôts pour permettre aux États d’augmenter les dépenses afin que s’enclenche un effet multiplicateur. Au-delà de la politique d’austérité, J. Stiglitz voit dans les dérégulations des années 1980 la véritable cause de la crise de la dette souveraine. Repenser l’architecture financière mondiale serait ainsi une condition sine qua non pour résoudre la crise à long terme.

Le grand défi des déficits extérieurs
Financial Times
Martin Wolf
Martin Wolf, éditorialiste au Financial Times, estime que si la première partie de la crise est derrière nous, le pessimisme reste néanmoins de mise concernant l’avenir de l’euro. Il fonde son scepticisme sur l’analyse suivante : quand bien même la zone euro ferait à l’avenir le choix du fédéralisme financier, les déséquilibres structurels au sein de l’Union ne disparaîtront pas pour autant. Cette évolution était pourtant prévisible – les déficits extérieurs enregistrés avant la crise (et non pas les déficits budgétaires comme le veulent les traités en vigueur) étaient de parfaits indicateurs des perturbations. Plus ces déficits perdurent, plus ils façonnent la structure et la compétitivité de l’économie et pèsent ainsi sur l’avenir du continent. Dans ce contexte, l’ajustement par les taux de change étant devenu impossible depuis la création de l’euro, les corrections s’opèrent désormais par le biais des crises économiques et de la faillite des États.

Le problème est autant financier que démographique
The Atlantic
Megan McArdle
Pour sortir l’Europe de la crise, les politiques d’austérité sont insuffisantes si la rigueur n’est pas relayée par la croissance. L’Union européenne est cependant confrontée à un problème particulier : où trouver des moteurs de croissance sur un continent confronté au déclin démographique ? Le magazine américain The Atlantic attire ainsi l’attention sur un problème structurel, celui du vieillissement. Dans tous les pays, les systèmes sociaux sont sous pression. Le dividende démographique des baby boomers étant largement entamé sur le Vieux Continent, l’âge de plus en plus avancé de la plupart des salariés rend difficiles des progrès substantiels de productivité. Il est certes en théorie envisageable qu’un pays enregistre en même temps une diminution de son produit intérieur brut (PIB) global  et une augmentation de son PIB par tête – le bien-être individuel augmenterait ainsi. Le poids considérable de la dette rend cependant cette option très peu probable.

La Chine se tourne vers l’Europe
Real Instituto Elcano
Alicia Sorroza
La Chine entretient depuis longtemps une relation privilégiée avec les États-Unis. L’Europe, quant à elle, ne se trouvait pas vraiment jusqu’à présent au centre des préoccupations des dirigeants chinois. La situation a évolué très rapidement depuis le déclenchement de la crise économique et financière. Les difficultés de la zone euro permettent désormais à l’Empire du Milieu de réduire son exposition à l’économie américaine et  d’accroître son influence en Europe. Outre l’achat d’obligations européennes, la Chine mise surtout sur l’investissement. Pékin qui autrefois s’intéressait principalement aux grands États se tourne aujourd’hui vers les petits pays en difficulté  de la périphérie européenne. De ces nouvelles relations avec l’Europe, la Chine espère obtenir rapidement le statut d’économie de marché et la levée de l’embargo sur les ventes d’armes. En revanche, du côté européen, l’élaboration d’une politique commune vis-à-vis de Pékin devient dans ce contexte de plus en plus difficile.

 ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Augmenter l’impôt sur les hauts revenus ?
Projet
Gaël Giraud et Cécile Renouard
La fiscalité sur les hauts revenus a été l’un des thèmes importants de la dernière campagne présidentielle. Notamment de celle du candidat du Parti socialiste, qui a proposé de créer deux nouvelles tranches d’impôt sur le revenu. L’une concernerait les revenus supérieurs à 150 000 euros annuels et serait associée à un taux d’imposition de 45 %, l’autre les revenus au-delà d’un million d’euros, avec un taux d’imposition de 75 %. Cette réforme ne génère pas énormément de recettes (500 millions au total), mais elle a le mérite, selon les auteurs, d’aller dans le sens d’une réduction des inégalités de revenu. Les deux économistes saisissent l’occasion pour combattre quelques idées reçues, comme celles qui assimilent un taux d’imposition élevé à une spoliation ou qui pointent le risque d’exil fiscal des contribuables les plus fortunés.

Le devenir incertain des théories économiques
Le Débat
Robert Boyer
La revue Le Débat a publié dans son numéro de mars-avril 2012 un dossier intitulé : « La science économique sur la sellette ». Dans ce dernier, plusieurs économistes français  de renom exposent leur vision de l’évolution et de l’avenir des théories économiques. Ainsi, pour Christian de Boissieu, la science économique a besoin d’un véritable aggiornamento, c’est-à-dire d’une mise à jour de son corpus théorique. Jacques Mistral revient, lui,  sur la place prise ces dernières années par la théorie de la finance. Christian Sautter fait, quant à lui, l’éloge des économistes marginaux. Robert Boyer qui avait ouvert le dossier en pointant l’urgence d’une réforme de la discipline répond aux points de vue exposés par ses commentateurs. Pour lui, l’avenir des théories économique et financière est plus que jamais incertain.

Quel coût du travail en France ?
INSEE Première
Dominique Demailly, Diane Marlat et Laurence Rioux
Dans les entreprises de dix salariés et plus de l’industrie et des services marchands, le coût horaire du travail – qui comprend le traitement, les cotisations sociales ainsi que les frais de formation – est, en 2008,  inférieur à 32 euros. C’est dans les activités financières et d’assurance, où la proportion de cadres est forte, qu’il est le plus élevé. En revanche, la main-d’œuvre étant peu qualifiée dans les secteurs de l’hébergement et de la restauration, le coût horaire du travail y est le plus bas. Les écarts entre, d’un côté, l’industrie manufacturière et, de l’autre, les services marchands et la construction, tendent en outre à s’accroître en raison, ces dernières années, d’une augmentation annuelle plus importante du coût horaire du travail dans l’industrie manufacturière.

n° 3046 7 milliards d'hommes

Sept milliards d’êtres humains, et après ?
Population & sociétés
Gilles Pison
Selon l’Organisation des Nations unies (ONU), la population mondiale a franchi, le 31 octobre 2011, le seuil des 7 milliards d’habitants. En réalité, la qualité des informations dont dispose l’ONU différant d’un pays à l’autre, le seuil aurait pu être franchi deux ans plus tôt ou pourrait l’être dans quelques mois. Dans les années à venir, la croissance démographique mondiale devrait se poursuivre, mais en décélérant. La fécondité est en baisse en Asie et en Amérique latine tandis qu’en Afrique, l’essor démographique continue en dépit des ravages causés par l’épidémie du sida. D’ici un demi-siècle, l’humanité n’échappera pas à un surcroît de 1 à 3 milliards d’habitants. La vraie question, dont dépend la survie de l’espèce humaine à terme, en raison des ressources limitées de la planète, est moins celle du nombre des humains que celle de leur mode de vie.

Vieillissement : il est possible d’anticiper
L’Expansion Management Review
Richard Shediac, Chadi N. Moujaes et Mazen Ramsay Najjar
Les approches démographiques traditionnelles sont marquées par une forme de fatalisme qui veut notamment qu’aucun pays ne puisse échapper à son destin démographique et aux conséquences que celui-ci fait peser sur sa trajectoire socio-économique. C’est une tout autre approche que proposent, ici, les auteurs qui défendent une démarche proactive de la démographie. Les gouvernements et les entreprises auraient une responsabilité particulière dans l’anticipation de phénomènes comme le vieillissement. Si les mesures adaptées étaient ainsi mises en œuvre, la contrainte démographique pourrait aisément, en fonction du degré de développement et de l’ampleur du vieillissement dans chaque pays, se transformer en opportunité économique et sociale.

Un humain sur deux habite en ville
Sciences Humaines
Julien Damon
Depuis 2008, un habitant de la planète sur deux vit en ville. En 2050, les urbains représenteront 70 % de la population mondiale et, d’ici-là, 95 % de la croissance urbaine serait absorbée par les villes des pays en développement (PED). Pourtant, et contrairement aux idées reçues, l’urbanisation accrue ne se traduira pas par l’explosion du nombre de mégalopoles. Aujourd’hui, celles-ci n’absorbent que 4 % de la population – ce taux devrait atteindre 10 % tout au plus en 2025. L’urbanisation devrait donc se faire au profit des villes moyennes. Quoi qu’il en soit, les régions urbaines constitueront une réelle menace pour l’environnement : celles-ci concentrent en effet les deux tiers de la consommation mondiale d’énergie et les trois quarts des émissions des gaz à effet de serre (GES). 

Le monde se masculinise
The Wall Street Journal
Jonathan Last
Il naît naturellement entre 104 et 106 garçons pour 100 filles. Au cours des trois dernières décennies, l’introduction progressive de l’échographie en Asie aurait considérablement modifié ce rapport. Celui-ci est en effet passé à 112 garçons pour 100 filles en Inde et à 121 pour 100 en Chine. Le recours accru à l’avortement sélectif aurait ainsi, toute considération morale mise à part, « privé » la population mondiale de plus de 160 millions de femmes. Dans un ouvrage paru en 2011, sous le titre Unnatural Selection, la journaliste Mara Hvistendahl, correspondante en Chine du magazine américain Science, décrit les conséquences socio-économiques d’une masculinisation du monde.

Immigration : quels effets dans les pays riches ?
Regards croisés sur l’économie
El Mouhoub Mouhoud
Selon une enquête de l’Organisation des Nations unies (ONU) menée auprès de 74 pays (dont la France) entre 1980 et 2005, une augmentation de la population active de 1 % due à l’immigration accroît le produit intérieur brut (PIB) de 1 % et laisse donc inchangé le PIB par habitant. Contrairement aux idées reçues, l’immigration ne tire les salaires vers le bas qu’en cas de substituabilité de la main-d’œuvre peu qualifiée. Dans le cas d’une complémentarité entre les emplois des natifs et ceux des  immigrés, les salaires des premiers tendent à augmenter. En outre, les immigrants débourseraient à long terme, selon l’auteur, plus d’impôts qu’ils ne percevraient de prestations sociales. Si l’immigration peut permettre de réduire le ratio de dépendance, celle-ci ne peut en revanche résoudre à elle seule le problème du financement des systèmes de retraite.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

L’individualisation des relations d’emploi
Cadres
Bernard Gomel
Les pouvoirs publics cherchent depuis plusieurs années à flexibiliser le marché du travail. Pour beaucoup d’économistes, une trop grande protection de l’emploi constitue un frein à la création d’emplois et un obstacle à l’adaptation aux mutations de l’environnement économique et social des entreprises. Cet objectif reste une priorité, même si deux mesures directes pour flexibiliser le contrat à durée indéterminée (CDI) – le contrat nouvelles embauches (CNE) et le contrat premier embauche (CPE) – ont été abandonnées. Alléger l’encadrement du licenciement des salariés en CDI, créer un contrat unique qui se substituerait au système de protection dual actuel (CDI et contrat à durée déterminée, CDD) ou allonger la période d’essai sont des propositions qui continuent à être discutées. La finalité de ces réformes est de transférer une partie des risques de l’employeur vers le salarié ; les relations d’emploi sont ainsi de plus en plus individualisées.

À quoi servent les paradis fiscaux ?
Le Journal de l’École de Paris du management
Christian Chavagneux
Apparus au XIXe siècle aux États-Unis, dans le New-Jersey et le Delaware, les paradis fiscaux se sont depuis multipliés. Les Iles anglo-normandes, le Liechtenstein, le Luxembourg ou la Suisse figurent parmi les principaux en Europe. Les entreprises multinationales y ont recours  pour s’adonner à l’optimisation fiscale. Plus de la moitié des flux financiers transitent aujourd’hui par des paradis fiscaux et 85 % des hedge funds y sont domiciliés. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’Union européenne, les États-Unis et le G20 ont décidé, depuis 2009, de renforcer la régulation de la finance internationale et de faire de la lutte contre les centres financiers offshore une priorité.

L’Asie converge-t-elle vers un capitalisme anglo-saxon ?
La Vie des idées
Bernard Thomann
Le spectaculaire développement économique de l’Asie orientale, survenu dans le contexte de la mondialisation débutée dans les années 1980, a fait dire à de nombreux commentateurs que le monde était en train de s’uniformiser autour d’un capitalisme libéral. L’auteur démontre, en s’appuyant sur la théorie de la régulation, que cet « état final » est en fait loin d’exister. Le capitalisme asiatique se fonde sur des modèles de croissance très différents selon les pays (fordiste pour la Corée du Sud, industriel et commercial pour la Thaïlande…). Certes, depuis la crise asiatique du début des années 1990, ces économies ont eu pour point commun de renforcer le poids des marchés – notamment financiers –, se rapprochant ainsi du modèle anglo-saxon. Mais, selon l’auteur, elles convergent moins vers une occidentalisation de l’Asie que vers une nouvelle forme de capitalisme, dans une intégration régionale propre.

Hors série n° 1 Comprendre l'économie française

Portrait de l’économie française
- les caractéristiques de l’économie française : évolution depuis un demi-siècle (Jean-Charles Asselain)
- l’économie française à l’heure de la mondialisation et de la crise : atouts et handicaps (Jean-Hervé Lorenzi)
- désindustrialisation et « tertialisation » : risques et opportunités (Sarah Guillou)
- les échanges extérieurs français : des excédents aux déficits (Guillaume Gaulier)
- le sous-emploi : un mal persistant ? (Christine Erhel)
- les inégalités : quelle dynamique depuis les années 1980 ? (Clément Schaff)
- État et finances publiques depuis la fin des années 1970 (Michel Bouvier)
Ressources productives et choix institutionnels
- le tissu productif français : une faiblesse ? (Nathalie Avallone)
- la démographie, un atout majeur pour l’économie française (Mathieu Plane)
- les performances économiques du système éducatif français (Jean-Richard Cytermann)
- temps de travail et productivité : une spécificité nationale (Jean-Louis Dayan)
- le système financier français dans la globalisation financière (Yves Jégourel)
- le modèle social : richesse ou frein économique ? (Julien Damon)
- le système fiscal est-il efficace ? (Jean-Marie Monnier)

n° 3047 La Turquie, le nouveau tigre

La Turquie a su résister à la crise
(Éclairages émergents du Crédit agricole – Tania Sollogoub)
Une croissance insolente, mais à quels coûts ? (The Economist)
Turquie, puissance régionale (L’Expansion – Yves-Michel Riols)
Une émergence sur fond de compromis libéral (Mondes en développement – Levent Unsaldi)
La Turquie n’est pas membre des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) mais des MIST (Mexique, Indonésie, Corée du Sud, Turquie) – (Asia Times Online – Spreeram Chaulia)
L’éclairage de Problèmes économiques
- le chômage par régions
- l’économie turque en chiffres
- l’UE et la Turquie
- un modèle turc ?
- un pays très inégalitaire
- Erdogan, dix ans de pouvoir
Pour en savoir plus
Également dans ce numéro :

Quel avenir pour Sony ? (Bloomberg Businessweek – Bryan Gruley et Cliff Edwards)
Propriétaires, locataires : une nouvelle fracture sociale
(Consommation et modes de vie  Mélanie Babès, Régis Bigot et Sandra Hoibian)
L’apport de la nouvelle économie géographique
(Idées – Jacques-François Thisse)

n° 3049 Les services, une révolution ?

L’économie tertiaire est-elle vraiment révolutionnaire ? (Les Cercle Les Échos – Hubert Bonin)
Démystifier le secteur des services (MCKinsey Global Institute – Charles Roxburgh, James Manyika, Richard Dobbs et Jan Mischke)
Tertiarisation et productivité : le cas français (L’économie française – INSEE – Amandine Schreiber et Augustin Vicard)
Le club « ultra-select » des firmes exportatrices de services (La Lettre du CEPII – Matthieu Crozet, Daniel Mirza et Emmanuel Milet)
Services : vers un nouveau modèle économique (Ernst & Young)
L’éclairage de Problèmes économiques

- L’essor des services en chiffres
- le succès des entreprises hybrides
- typologie des services
- les politiques publiques de développement du secteur des services
- les services créateurs d’emploi à moyen terme
Pour en savoir plus
Également dans ce numéro :
Les sept points faibles des PME françaises à l’export (L’Expansion Management Review – Stéphan Bourcieu)
Les enjeux du financement de la protection sociale (Droit social – Gilles Saint-Paul)
Matières premières et gouvernance (Études – Thierry Vircoulon)

n° 3050 Quel avenir pour l'Amérique ?

Les sept plaies de l’Amérique dObama (Politique internationale – Jean-Michel Quatrepoint)
Les États-Unis face au défi de la compétitivité (Harvard Business Review – Michael E. Porter et Jan W. Rivkin)
Relance ou gestion de la dette ? (Chronique internationale de l’IRES – Estelle Sommeiller)
L’impuissance de la Réserve Fédérale (Project Syndicate – Martin Feldstein)
Après la réforme du système de santé (Flash Economie-Natixis – Inna Mufteeva)
Lueurs d’espoir pour l’économie américaine (The Economist)
Les éclairages de
Problèmes économiques :
- L’économie américaine en chiffres
- Des plans de sauvetage aux réformes
- Le poids de l’État en recul sous la présidence démocrate
- Élection présidentielle 2012 : le Parti républicain, à la conquête de la Maison-Blanche
- Élection présidentielle 2012 : financement de la campagne et intentions de vote
Pour en savoir en plus
Également dans ce numéro :
- Entrepreneurs et capitalistes chinois : qui sont-ils ? (Le Journal de l’École de Paris du management – Yves Chevrier)
- L’OMC et les normes internationales (Responsabilité et environnement – Pascal Lamy)
 

n° 3051 Le bilan de l'économie française 2012

France-Allemagne : histoire d’un chassé-croisé démographique
Population et sociétés
Gilles Pison
Avec un indice de fécondité de 2 enfants par femme  et une  croissance de sa population de 5,6 pour mille en 2011, la France s’illustre par son dynamisme démographique. En Allemagne, en revanche, la même année, la population a baissé de 0,6 pour mille. Ces évolutions contrastées, si elles se poursuivent, laissent entrevoir un dépassement de la population allemande par celle dela France dès 2055. Pourtant, l’Allemagne a longtemps eu  une démographie plus dynamique, et ce n’est qu’à partir dela Seconde Guerre mondiale que le rapport avec la France s’est inversé. 

La situation du marché du travail s’est dégradée
DARES-Analyses
Claude Minni et al
Avec le ralentissement de l’activité économique, la situation du marché du travail s’est dégradée en France, au cours de l’année 2011.  Les créations d’emploi y ont été deux fois moins nombreuses qu’en 2010, se situant à environ 60 000 contre 124 000 l’année précédente. Cette baisse s’explique, pour partie, par le repli  du secteur de l’intérim notamment  dans l’industrie. Dans un contexte de poursuite de l’augmentation de la population active, le taux de chômage est reparti à la hausse en 2011 pour s’établir à 9,8 % pour l’ensemble de la France. Les hommes qui avaient profité de la reprise de 2010, mais très présents dans l’intérim, ont vu leur taux de chômage augmenter  tandis que celui des femmes a légèrement reculé. 

La croissance du PIB s’est maintenue
INSEE Première
Anne-Juliette Bessone, Vladimir Passeron et Aurélien Poissonnier
Après une récession en 2009 sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale, la France a connu  en 2011, et pour la deuxième année consécutive, une croissance positive. Le produit intérieur brut a progressé  de 1,7 % en moyenne annuelle. La demande des entreprises s’est accélérée, elles ont davantage investi  et ont reconstitué leurs stocks. La consommation des ménages, en revanche, s’est ralenti. Leur revenu disponible n’a crû que  très faiblement, l’augmentation des prix, notamment celui de l’énergie,  ayant été plus rapide que celle des revenus d’activité. Quant aux sociétés non financières, elles ont vu leurs taux de marge et leur épargne reculer.

Un léger recul du pouvoir d’achat
Note de conjoncture de l’INSEE
Le revenu disponible brut (RDB) des ménages a, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), quelque peu ralenti en 2012 en raison notamment d’un moindre dynamisme de leurs revenus d’activité et d’une accélération des prélèvements obligatoires. Un léger recul du pouvoir d’achat est ainsi attendu, le faible ralentissement des prix à la consommation ne suffisant pas à en maintenir le niveau.  En ce qui concerne la consommation des ménages, celle-ci a légèrement accéléré en 2012. Quant à leur taux d’épargne, il marque un net recul.

Le solde des transactions courantes se creuse
Balance des paiements et position extérieure de la France
Banque de France
Le solde des transactions courantes de la France, qui résulte des flux économiques de biens, de services et de revenus entre résidents et non-résidents, est déficitaire de 38,9 milliards d’euros pour l’année 2011, soit 1,9 % du produit intérieur brut (PIB). La détérioration de ce solde se confirme : douze mois auparavant, il s’élevait à - 30 milliards d’euros contre - 25 milliards en 2009. Le principal facteur qui explique cette évolution est l’augmentation du déficit des échanges de biens – en hausse de 20 milliards en 2011 ; les échanges de services et de revenus, quant à eux, se redressent mais sans compenser le solde négatif des biens. Enfin, les flux d’investissements directs aboutissent en 2011 à des sorties nettes de 35 milliards, équivalentes à celles de l’année 2010, mais inférieures de quelque 25 milliards à celles de 2008 et 2009.

Le déficit commercial s’amplifie
Le Chiffre du commerce extérieur
DGDDI
Si, en 2011, les échanges ont, après la vigoureuse reprise de 2010, ralenti, ils ont néanmoins dépassé leur niveau d’avant la crise. Les ventes du secteur agroalimentaire et de l’industrie du luxe ont tiré les exportations tandis que le renchérissement du cours des matières premières – alourdissant la facture énergétique –  a contribué au gonflement du montant des importations. Au final, le déficit commercial  continue de se creuser : - 69,6 milliards d’euros en 2011 (contre – 51,5 milliards en 2010).

Des finances publiques en cours de redressement
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Cour des comptes
Le redressement des finances publiques s’est poursuivi en 2011. Le déficit public a fortement reculé (de 1,9 point de produit intérieur brut - PIB) pour revenir à 5,2 % du PIB. Cette baisse tient toutefois pour moitié à la fin des mesures temporaires, comme notamment le plan de relance, qui avaient aggravé le déficit en 2010 et qui n’ont pas été reconduites en 2011. Ce déficit est, en majeure partie, structurel -  4 % du PIB en 2011 contre 3,2 % en moyenne dans la zone euro - et concentré sur l’État. Les administrations locales sont à l’équilibre et le régime général de la Sécurité sociale continue à accuser un déficit structurel de 0,6 point du PIB. La dette publique, quant à elle, a encore augmenté en 2011 ; elle s’élève à 86 % du PIB (après 82,3 % en 2010)  et reste très proche de la moyenne de la zone euro.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

L’industrie britannique de la finance : un régime létal ?
The Economist
Première place financière mondiale, la City  serait menacée. Séparation des activités de dépôt et d’investissement, augmentation des fonds propres, taxation des transactions financières, sont autant de réglementations susceptibles, dans un contexte de ralentissement de l’activité économique, d’encourager les délocalisations et la rétractation du  volume des transactions. Sauf que l’activité de la place de Londres  provient pour l’essentiel de banques internationales, certes installées dans la capitale anglaise mais qui ne sont pas concernées par ces nouvelles obligations. Quant à la menace que constituerait le déplacement du centre de gravité de  l’économie internationale vers l’Asie,la City ne manquerait  pas d’atouts pour y faire face.

L’économie iranienne dans la tourmente
Esprit
Fereydoun A. Khavand
L’économie iranienne traverse une période difficile. Certes, elle bénéficie toujours  de la rente pétrolière lui assurant de très importantes  rentrées de devises, mais ces revenus arrivent de moins en moins à dissimuler les fragilités structurelles dont souffre le système économique : une économie étatisée et rentière, des politiques économiques peu lisibles et des rivalités entre les différents pôles du pouvoir, qui empêchent la mise en œuvre des réformes. Ces dysfonctionnements pèsent fortement sur la conjoncture : les indicateurs macroéconomiques du pays affichent l’un des taux de croissance les plus faibles et l’un  des taux d’inflation les plus élevés de la région.

n° 3052 Les classes moyennes dans les pays émergents

Une classe moyenne émergente
L’Observateur OCDE
Mario Pezzini
Traditionnellement,  les classes moyennes jouent  un rôle économique et social déterminant, de par leur consommation et leur attachement aux valeurs démocratiques. Elles se sont d’ailleurs imposées comme le moteur du développement dans de nombreux pays de l’OCDE. Dans les pays émergents, les nouvelles classes moyennes, en plein essor, sont aussi appelées à jouer un rôle central. À condition, toutefois, que les pouvoirs publics  prennent en compte leur vulnérabilité notamment face à l’emploi et la protection sociale et mettent en place un service public de qualité. Il en va de la capacité de cette catégorie de population à  jouer pleinement son rôle de moteur de la croissance et du développement ; au moment même où, dans les pays développés, les classes moyennes se sentent menacées.

Qu’est-ce que la classe moyenne dans les pays du Sud ?
The Journal of Economic Perspectives
Abhijit V. Banerjee et Esther Duflo
À partir de données sur les habitudes et les modes de consommation et d’investissement de la classe moyenne, les auteurs ont cherché à établir les traits caractéristiques de ce groupe social dans les pays en développement. Ils s’efforcent, en particulier, de déterminer ce qui distingue la classe moyenne de la masse des pauvres, entendu comme les personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour (en parité de pouvoir d’achat). Toute la difficulté méthodologique de l’entreprise a été de rassembler des informations comparables, selon les pays, à partir d’enquêtes ou de sondages, afin de pouvoir en tirer des enseignements pertinents pour l’ensemble des pays en développement.

Le nouveau moteur de l’Afrique
Finances & Développement
Calestous Juma
Longtemps grand oublié de la croissance, le continent africain connaît, depuis quelques années, une renaissance économique dans un contexte de récession mondiale. Ce dynamisme est concomitant à l’émergence d’une jeune classe moyenne dont la forte propension à consommer vient alimenter, à son tour, la croissance. Les sources de cette vitalité africaine sont nombreuses. À commencer par les changements politiques et économiques à l’œuvre depuis une dizaine d’années, changements  qui ont largement contribué à l’amélioration  du climat des affaires. À cela, il faut ajouter l’émergence d’une catégorie de  jeunes entrepreneurs très présents dans les nouvelles technologies, la multiplication d’initiatives allant dans le sens d’une plus grande  intégration régionale et le développement d’une nouvelle génération d’universités.  Si tous ces éléments participent à l’émergence d’une classe moyenne, moteur de croissance et de développement, il n’en demeure pas moins que les chantiers auxquels les autorités doivent s’atteler restent nombreux.

Les contours de la classe moyenne chinoise
La Vie des idées
Jean-Louis Rocca
Depuis quelques années, la croissance des revenus a été particulièrement forte en Chine. De plus en plus de gens  acquièrent un logement, voyagent ou envoient leurs enfants étudier à l’étranger, notamment aux États-Unis. Dans le même temps, le niveau d’éducation de la population n’a cessé d’augmenter et  le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur est désormais considérable. Autant de signes qui attestent de l’apparition d’une classe moyenne à l’image de ce qu’ont connu les économies avancées, il y a quelques décennies. La classe moyenne chinoise reste néanmoins très hétérogène en termes de profil sociologique des individus qui la constituent. À l’avenir, les dirigeants chinois attendent beaucoup du renforcement d’un groupe social qui permettrait en  développant le marché domestique de changer le modèle de croissance du pays.

Chine : le mythe de la classe moyenne
Foreign Policy in Focus
Nan Chen
La formidable croissance économique que la Chine a connue, au cours des dernières décennies, s’est accompagnée de l’émergence dans ce pays d’une classe moyenne dont les caractéristiques seraient proches  de celle des pays riches. L’apparition de ce nouveau groupe social en Chine se serait faite, en raison de la mondialisation et du déséquilibre commercial entre cette dernière et les États-Unis,  aux dépens de la classe moyenne américaine qui est victime, elle, depuis quelques années, d’un certain déclin. L’auteur considère qu’en réalité, cette thèse aussi répandue soit elle, ne se vérifie pas dans les faits. En Chine, on a plutôt assisté à  la naissance d’une élite et à l’explosion des inégalités. Loin des idées reçues qui ont cours, notamment outre-Atlantique, la classe moyenne chinoise serait tout au plus embryonnaire.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Nouveau rôle pour les banques centrales ?
Sociétal
Denise Flouzat-Osmont D’Amilly
Depuis la crise financière, qui a débuté en 2007, l’évolution des politiques monétaires a conduit à des changements importants dans le rôle des banques centrales. Elles ont été amenées, ces cinq dernières années à intervenir bien au-delà de la politique conventionnelle « classique ». Les banques centrales semblent être entrées dans un « nouvel âge » qui les conduit à élargir les objectifs qui leur sont traditionnellement assignés.  Un retour sur l’histoire de ces institutions depuis 1960 permet de remettre en perspective le nouveau rôle qui leur est aujourd’hui dévolu.

Le défi de l’anglicisation pour les entreprises
La Gazette de la société et des techniques
Jérôme Saulière
L’utilisation de l’anglais, la langue des affaires internationales pose des défis considérables aux entreprises françaises. Son usage est un facteur de valorisation, mais il peut également être un facteur de stress pour les salariés qui en ont une maîtrise insuffisante. Si cette question intéresse désormais les organisations syndicales, le manque général  de réflexion économique et stratégique sur le sujet est manifeste : comment gérer la transition sans brusquer les équipes ? Jusqu’où faire pénétrer l’anglais avant qu’il ne devienne envahissant ? Comment empêcher que les rapports de pouvoir ne deviennent subordonnés à la maîtrise de la langue … ?

Ambitions et contradictions du « modèle » singapourien
Monde chinois, nouvelle Asie
Caroline Figoni
Singapour est à l’Asie ce que Suez est à l’Afrique : un centre névralgique de l’économie mondiale. Mais la cité-État est plus que cela – dynamique et ultramoderne, elle est la quatrième place financière au monde et ses indicateurs économiques font pâlir d’envie les plus grandes puissances occidentales. Par le choix du multilinguisme et du mélange des cultures, Singapour représente aussi  un laboratoire avancé de la mondialisation. Mais sur quoi repose son succès ? S’il est avant tout le fruit des investissements intensifs du gouvernement dans les deux facteurs de production que sont le travail et le capital, la trop forte dépendance du modèle singapourien des performances de son économie est aussi source d’inquiétude. À l’heure où la crise financière pèse sur les taux de croissance, la question de la pérennité et la viabilité de ce modèle commence à se poser de façon pressante.

n° 3053 La dette dans tous ses états

Réduire l’endettement est difficile
Finances et développement
Stijn Claessens
La plupart des crises financières sont provoquées par un endettement excessif. Les responsables de ces déséquilibres ne sont cependant pas toujours les mêmes : il peut s’agir des États, des ménages, des entreprises ou bien des institutions financières. Pour des raisons de nature microéconomique, mais également macroéconomique, l’ensemble de ces acteurs ne parvient pas facilement à retrouver un niveau de dette plus soutenable. Le désendettement est ainsi un processus qui s’inscrit dans la durée et est souvent accompagné d’une faible croissance, voire d’une récession. Parfois, l’État peut se substituer comme moteur de croissance à la consommation privée et ainsi éviter la dépression, mais à l’occasion de la crise actuelle, cette voie n’est pas aussi facile à suivre qu’auparavant, car les niveaux de dette souveraine sont déjà élevés. Néanmoins, l’action des pouvoirs publics dans les phases d’assainissement financier demeure importante, surtout au niveau de la coopération internationale.

Pour une politique de relance
Le Monde – supplément « Culture et idées »
Entretien avec Paul Krugman par Claire Gatinois
La thèse défendue par le « prix Nobel d’économie » Paul Krugman va à l’encontre de  la politique menée aujourd’hui par la  plupart des pays confrontés à la crise : plutôt que de mettre en œuvre des politiques d’austérité, le célèbre économiste américain préconise au contraire d’augmenter les  dépenses publiques. Selon lui, une telle politique de relance, conforme à ce que Keynes proposait dans les années 1930 pour le Royaume-Uni, ne dégraderait pas les finances publiques. À long terme, elle pourrait même les améliorer : les dépenses publiques, financées par des prêts à des taux très bas comme ils le sont actuellement, permettraient à terme d’engranger plus de recettes fiscales et les dégâts provoqués par la récession seraient ainsi évités.

Plaidoyer en faveur d’une politique d’offre
Flash économie – Natixis
Patrick Artus
La crise aux États-Unis et en Europe est due, selon Patrick Artus, à un excès d’endettement. Pour sortir durablement du marasme, il est indispensable de mettre un terme à ce phénomène, même si au moment où la crise a débuté, la politique de relance s’est avérée efficace. Toutefois l’auteur reconnaît qu’un désendettement simultané des secteurs privé et public n’est pas sans danger pour la croissance. Aussi préconise-t-il, afin d’éradiquer la crise, deux solutions : que l’État choisisse de réduire les dépenses non productives et maintienne les dépenses d’investissement et, dans l’hypothèse où la rentabilité des entreprises serait trop faible, qu’il pratique une politique de déformation du partage des revenus au détriment des salariés.

Comment restructurer les dettes souveraines ?
L’Économie politique
Jérôme Sgard
La crise des dettes souveraines que traverse la zone euro, particulièrement prononcée dans le cas de la Grèce,  a ramené au premier plan la question récurrente de l’insolvabilité d’un État souverain. Depuis la crise mexicaine de 1982, le Fonds monétaire international (FMI) a joué un rôle central dans la restructuration des États en situation de faillite, notamment des pays en développement. En matière de dette souveraine, contrairement à ce qui prévaut dans le domaine des faillites privées, il n’existe  pas de règles juridiques fixées par une juridiction supranationale qui puissent s’appliquer de facto aux créanciers. Au cours des trente dernières années, le FMI a donc dû inventer une méthode et des principes pour parvenir à restructurer ou rééchelonner de manière efficace la dette des États faillis.

Risque de défaut et union monétaire : le cas de la zone euro
Revue de la stabilité financière de la Banque de France
Julien Matheron, Benoît Mojon et Jean-Guillaume Sahuc
Au sein d’une union monétaire, le risque de défaut doit impérativement être pris en compte dans le cadre de la coordination des politiques budgétaire et monétaire. Outre la question du lien entre politique monétaire et solvabilité budgétaire, l’union monétaire – comme le démontre le cas de la zone euro – exige une coordination efficace des politiques budgétaires, afin de limiter le risque qu’un État laisse  « filer » ses déficits. Par ailleurs, la zone euro a souffert, jusqu’en 2008, de l’incapacité des marchés à apprécier de façon juste la qualité des obligations souveraines émises par les différents États. Pour résoudre la crise, la politique monétaire pratiquée par la Banque centrale européenne (BCE) a néanmoins démontré une relative efficacité : d’abord en ce qui concerne le taux d’intérêt à court terme, puis – grâce aux mesures non conventionnelles mises en œuvre - pour faire baisser également les taux à plus long terme.

Le retour de la répression financière »
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Philippe Plickert
La voie la plus probable pour sortir de la crise de la dette sera de combiner une inflation moyennement élevée et une forme de « répression financière », débouchant sur des taux d’intérêt réel négatifs. Cette « répression » prend aujourd’hui plusieurs formes : une orientation de l’épargne privée par les pouvoirs publics - notamment pour accorder des prêts directs aux États -, un plafond implicite ou explicite sur les taux d’intérêt, une limitation des mouvements de capitaux - dans le cadre de la lutte contre l’évasion et les paradis fiscaux -, des ratios prudentiels qui privilégient des titres publics ou  la nationalisation des banques. On pourra considérer ce processus  comme étant l’opposé du mouvement de libéralisation financière des trente dernières années. Pour certains économistes, il s’agit même d’une dé-mondialisation, voire d’un retour au système de Bretton Woods.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Quel avenir pour le Royaume-Uni dans l’Union européenne ?
Questions d’Europe
Pauline Schnapper
Le Royaume-Uni occupe une place à part en Europe. En refusant de signer le pacte de stabilité budgétaire sur lequel vingt-cinq États-membres s’étaient mis d’accord en décembre 2011, le Premier ministre britannique, David Cameron,  a satisfait les plus eurosceptiques de son parti - certains allant jusqu’à souhaiter un retrait de l’Union européenne (UE) – au risque d’isoler encore un peu plus son pays en Europe. À l’heure où l’UE  semble se diriger vers une plus grande intégration économique, voire vers davantage de fédéralisme, se pose  ainsi la question de l’avenir du Royaume-Uni en son sein.

L’avenir du travail et de l’emploi
Futuribles
Hugues de Balathier Lantage
En juillet 2011, le Centre d’analyse stratégique (CAS) publiait un travail prospectif sur l’évolution du marché du travail et de l’emploi dans les vingt ans à venir. Après un rappel des mutations récentes du marché du travail, il répond à quelques questions apparemment simples telles que : "Pourquoi nous travaillons ?" "Avec qui ? Où ? Et comment ? ». Il en ressort que nous ne travaillerons pas en 2030 comme nous le faisons aujourd’hui. Deux scénarios d’évolution sont retenus. Le premier repose sur un modèle de croissance fondé sur l’économie de la connaissance numérique et verte. On y observe un développement important des nouvelles formes de travail, de formation et un renforcement du rôle de la société civile. Le second retient  l’avènement de nouveaux équilibres favorables à une moindre pression sur le travail et l’emploi en France. La réalisation de l’un ou l’autre de ces scénarios dépendra avant tout des choix des acteurs politiques et économiques en termes de compétitivité et de cohésion sociale

Auto-entrepreneurs : quel bilan ?
INSEE première
Jérôme Domens et Justine Pignier
Le statut de l’auto-entrepreneur – un régime destiné à faciliter l'exercice d'une activité entrepreneuriale – a été introduit par la loi de modernisation de l’économie en date du 4 août 2008. En 2009, 328 000 personnes se sont déclarées auto-entrepreneurs, mais seulement la moitié ont exercé une activité économique effective. En moyenne, ils ont tiré un revenu annualisé de 4 300 euros. Deux ans plus tard, fin 2011, un tiers est toujours actif, mais seuls 79 000 ont pu dégager un revenu de façon continue depuis la création de leur entreprise. Si le revenu provenant de leur activité a, en moyenne, progressé, dans 90 % des cas, il reste inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Peu nombreux sont d’ailleurs ceux à avoir quitté l’auto-entrepreneuriat pour rejoindre le régime non salarié classique.

Hors série n° 2 Comprendre les crises économiques (Hors-série)

La diversité des crises économiques
Une histoire des crises (Vincent Duchaussoy)
Comment les théories économiques expliquent-elles les crises ? (Robert Boyer)
Les pouvoirs publics face aux crises : prévenir et/ou guérir ? (Sophie Brana)
Crises et systèmes financiers (Dominique Plihon)
Les grandes crises du XXe siècle
Les controverses autour de la Grande Dépression (Pierre Bezbakh)
La crise des années 1970 : une crise atypique ? (Michel-Pierre Chélini)
Une brève histoire des crises financières dans les pays émergents  (Christophe Destais)
Le Japon des années 1990, laboratoire des crises (Evelyne Dourille-Feer)
La bulle Internet (Yves Jégourel)
La Grande Récession
Les mécanismes de la Grande Récession (Nicolas Couderc, Olivia Montel-Dumont)
Le monde face à la crise : comparaisons internationales (Xavier Timbeau)
Les gouvernements et les banques centrales face à la Grande Récession (Jérôme Creel)
L’Europe face à la crise des dettes souveraines (Franck Lirzin)
Quelle économie mondiale après la crise ? (Cécile Bastidon Gilles)

n° 3055 Le pouvoir des États en question

Les États face à la dictature des marchés
Pouvoirs
Denis Kessler
Les marchés financiers sont devenus l’objet de toutes les critiques, notamment depuis l’éclatement de la crise financière en 2007/2008. Les reproches adressés aux marchés sont en effet nombreux : ils auraient pour seul objectif la spéculation, ils seraient exagérément court-termistes, ils fonderaient leurs décisions sur la base de notations émises par des agences irresponsables et sans contrôle démocratique et exerceraient ainsi une pression inadmissible sur les pays emprunteurs. L’auteur soutient que la plupart de ces critiques ne résistent pas à l’analyse. Ces dernières répondent, selon lui, au besoin qu’ont les gouvernements de désigner des boucs émissaires afin de mieux faire accepter aux citoyens des efforts, comme notamment le remboursement de dettes publiques dont les citoyens ne se sentent pas individuellement responsables.

L’essor du capitalisme d’État
The Economist
Au moment où les pays riches de l’Occident,   affaiblis par la crise économique et financière, affrontent une crise de leur système  capitaliste, une forme alternative au capitalisme occidental se développe dans certains pays émergents : le capitalisme d’État. Ce système cherche à allier le pouvoir étatique à la force du système capitaliste. L’essor économique de la Chine et du Brésil témoigne de l’efficacité de ce concept. Un des vecteurs du succès est la formation d’entreprises très puissantes, notamment dans le secteur de l’énergie, des télécommunications et dans le domaine bancaire et financier. Le développement rapide de cette forme de capitalisme est toutefois marqué par de nombreux fléaux comme  la corruption et le copinage. Enfin, certaines  pratiques liées au capitalisme d’État portent clairement atteintes aux règles du commerce mondial et pourraient conduire à une organisation plus autoritaire des marchés et des sociétés.

La coordination des politiques économiques : une nécessité
Revue d’économie financière
Laurence Boone
La crise financière de 2008 suivie de la crise de la dette souveraine ont montré les limites du mode de gouvernance de la zone euro. Longtemps écartée, la coordination des politiques économiques apparaît aujourd’hui indispensable à la sortie de crise. Pour l’heure, le choix semble être celui d’une gouvernance décentralisée, administrée essentiellement dans un cadre intergouvernemental. Après avoir analysé les forces et faiblesses de la réforme à l’œuvre, l’auteur insiste sur la nécessité d’aller plus loin dans la coordination des politiques économiques nationales, préalable à une union monétaire solide.

Biens publics mondiaux et coopération internationale
Économie et management
Philippe Lacoste
La réflexion sur la notion de biens publics mondiaux, entendue comme la transposition au niveau mondial de celle de bien public, ne va pas sans soulever un certain nombre de questions. Le caractère mondial du bien public  renvoie, en effet, à l’idée d’une communauté internationale qui a des biens communs à promouvoir. Se pose alors la question d’une possible souveraineté internationale.  L’auteur s’attache à montrer comment la notion même de bien public international,  implique le développement de nouvelles formes de coopération des États dans le but de réguler  la mondialisation, à l’image des initiatives qui ont d’ores et déjà été prises dans le domaine de la santé. Il en va du bien être de l’humanité.

Un État promoteur
Le cercle des économistes – rencontres économiques d’Aix-en-Provence
Antoine Gosset-Grainville
La crise financière a modifié les champs d’intervention de l’État : d’abord, en portant un coup d’arrêt à l’idéologie des marchés autorégulateurs, ensuite - via la crise des dettes souveraines - en restreignant les marges de manœuvre étatiques dans la poursuite des politiques économiques. Ainsi, une période s’ouvre durant laquelle un nouvel équilibre est à chercher entre État et marché. Celui-ci doit conjuguer la baisse des moyens de l’État avec le renouvellement de ses missions. Le résultat pourrait être l’avènement d’un « État promoteur » qui facilite le financement de l’économie et accompagne la transition vers une économie plus durable et plus respectueuse de la cohésion sociale. Les États qui sauront se doter de telles institutions pourraient ainsi obtenir un avantage concurrentiel considérable.

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Crise de la zone euro : quelles conséquences pour l’Afrique ?
La Lettre du CEPII
Maëlan Le Goff
L’Europe joue un rôle clef dans le développement économique de l’Afrique. Beaucoup de pays ont en effet conservé des liens étroits avec les anciennes puissances coloniales ce qui se manifeste à travers leurs échanges de biens et services et les investissements qu’ils reçoivent. Les difficultés que traverse la zone euro pourraient ainsi avoir des conséquences négatives pour le continent : pour les pays d’Afrique du Nord, très dépendants des échanges avec l’Europe, pour les petits pays insulaires qui bénéficient d’un tourisme important, pour les pays d’Afrique sub-saharienne qui dépendent beaucoup de l’aide publique au développement. La crise européenne met donc en lumière la fragilité du développement africain et pourrait pousser le continent à se tourner davantage vers les pays émergents.

La bataille de l’eau
Revue des deux mondes
Annick Steta
L’eau douce est un bien rare. Pour preuve, à l’horizon 2050, environ 45 % de la population mondiale vivra dans des zones où l’eau manque de façon chronique. La faute à une consommation mondiale qui augmente beaucoup plus vite que la population et la production. La répartition inéquitable de cette ressource est à l’origine de nombreuses  tensions.  Pour autant, des solutions existent qui permettraient un meilleur ajustement entre l’offre et la demande. Trente cinq ans après la première conférence internationale sur l’eau organisée sous l’égide des Nations unies à Mar del Plata, l’ensemble de la population n’a pas encore accès à une eau douce de qualité, il en va, pourtant,  du développement économique comme de la stabilité internationale.

L’euro et le système monétaire international
Journal of Policy Modeling
Barry Eichengreen
Lorsqu'il a assumé la présidence du G20, le gouvernement français avait mis au centre de son programme la réforme du système monétaire international (SMI). Toutefois, en 2011, comme en 2012, la réforme n’a pas beaucoup avancé. Cet échec est largement attribué à l'approfondissement de la crise dans la zone euro. Ne constituant pas une zone monétaire optimale, l’union monétaire européenne souffre notamment de deux lacunes : l’absence d’un mécanisme d’ajustement adéquate pour corriger les déséquilibres entre États membres et celle d’une régulation bancaire commune. À l'instar des responsables européens qui peinent à résoudre ces problèmes, la réforme du SMI n’avance pas non plus. La raison est simple : ce dernier souffre de problèmes qui sont tout à fait  comparables à ceux de la zone euro. Finalement, les deux sont confrontés au même enjeu : avancer ou pas sur la voie de l’intégration.

n° 3056 Le bilan de l'économie mondiale 2012

L’année 2012 a été marquée par une reprise atone et inégale dans les économies avancées. Cette situation est liée à la fois aux effets persistants de la crise de 2008 et aux difficultés budgétaires des pays de la zone euro soumis aux pressions des marchés. Cette plus ou moins grande vigueur de la reprise affecte également les États-Unis et le Japon. Dans ces pays, le chômage devrait néanmoins continuer à refluer modérément tandis qu’il continuera d’augmenter dans la zone euro en 2012 et probablement en 2013. La principale menace pour l’économie mondiale demeure la crise de la zone euro. Les incertitudes entourant l’évolution économique des pays européens pèsent en effet sur la croissance des grands pays émergents.

 

3057 L'Espagne en crise

L’Espagne a encore les cartes en main
Conjoncture BNP Paribas
Thibault Mercier
Après avoir longtemps fait figure de bon élève de la zone euro, l’Espagne traverse aujourd’hui une crise profonde : taux de chômage abyssal - un actif sur quatre est sans emploi -,  croissance négative, déficit public et taux d’endettement records. La crise financière de 2008-2009, en précipitant l’éclatement de la bulle immobilière, a agi comme un révélateur des importants déséquilibres de l’économie espagnole largement assise sur le crédit et l’investissement dans la construction résidentielle. L’absence de réformes structurelles, l’insuffisance des investissements productifs et la forte augmentation de la dette extérieure ont exacerbé la vulnérabilité de l’économie espagnole  aux chocs externes. Pour autant, Madrid possède les atouts devant lui permettre de sortir de la crise tout en préservant son autonomie financière, à condition toutefois de mener à leur terme  les réformes en cours.

La gestion de la crise espagnole
Notes – Les Economistes atterrés
Philippe Légé
La crise qui frappe l’Espagne depuis plusieurs années n’est toujours pas réglée. Sous l’impulsion de l’Union européenne, le pays s’est imposé une cure d’austérité. Le nouveau traité européen de stabilité budgétaire  - le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) – renforce cette orientation. Pourtant, avant 2008, la dette publique représentait moins de 40 % du produit intérieur brut (PIB) et le solde budgétaire était positif. En revanche, la balance commerciale accumulait des déficits et l’endettement privé avait fortement augmenté. Le TSCG aurait-il pu empêcher les divergences productives et les déséquilibres commerciaux ? L’auteur répond par la négative et illustre son propos par un exposé de la crise du secteur  bancaire espagnol.

L’Europe se devait de sauver les banques espagnoles !
ABC
Entretien avec Xavier Sala i Martin par Javier Tahiri
À la fin du printemps 2012, la situation de l’Espagne est véritablement devenue alarmante. La défiance des marchés ayant atteint un seuil critique, le pays s’est trouvé au bord de la banqueroute et le recours au Fonds européen de stabilité financière (FESF) pour sauver le système bancaire espagnol est apparu inévitable. Xavier Sala i Martin, célèbre professeur à l’université Columbia (New York) et conseiller en chef pour le Réseau de la compétitivité mondiale du Forum de Davos dresse, dans un cet entretien accordé en juin 2012 au journal électronique espagnol ABC, un bilan très sombre des conséquences de la crise que traverse l’Espagne. Il estime en particulier que l’état désastreux dans lequel se trouve aujourd’hui le secteur bancaire est le résultat de multiples décisions erronées prises au fil des ans par les pouvoirs publics. Selon lui, sans une intervention de l’Europe, l’Espagne aurait fait faillite.

Marché du travail : une réforme de plus
Chronique internationale de l’IRES
Catherine Clément
La réforme du marché du travail décidée par le gouvernement conservateur de Mariano  Rajoy dès son arrivée au pouvoir en novembre 2011, est la dernière d’une longue série de mesures visant à assouplir des règles contraignantes héritées du franquisme. Entrée en vigueur en février 2012, cette réforme témoigne de la volonté du nouveau gouvernement d’aller encore plus loin dans la  flexibilisation du marché du travail. Si, sans surprise, le nouveau régime donne satisfaction au patronat, il est  jugé très sévèrement par les syndicats qui dénoncent  son inefficacité à relancer l’économie et son caractère injuste. Pour autant, l’ensemble des acteurs sociaux partagent  le diagnostic de la nécessité de lutter contre le chômage et d’augmenter la productivité du travail, allant jusqu’à s’accorder sur les remèdes.

Une reprise remarquable de la compétitivité
Real Instituto Elcano
William Chislett
Le déficit du compte courant espagnol atteignait 10 % du produit intérieur brut (PIB) en 2008, soit le plus élevé de tous les pays de la zone euro. Lorsque l’Espagne disposait de sa propre devise, la peseta, la compétitivité pouvait être améliorée par la dévaluation. Aujourd'hui, dans la mesure où elle est  membre de la zone euro, une hausse de la compétitivité ne peut provenir que des gains de productivité et d’un meilleur rapport qualité/prix. Dans ce contexte plus contraignant et en dépit de la crise, l’Espagne a réussi à inverser la tendance. En effet, la croissance récente des exportations a contribué, plus que la baisse des importations, à réduire le déficit commercial, évitant ainsi une récession encore plus grave. La question qui se pose désormais est de savoir si ce succès perdurera lorsque la croissance sera de retour.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Économie de la robotique : les nouveaux enjeux
Réalités industrielles
Françoise Roure et Grégoire Postel-Vinay
L’économie industrielle de la machine-outil, à travers l’automatisation et la normalisation de la qualité, se fixait pour objectif d’augmenter la productivité globale des facteurs de production par une réduction drastique du coût du facteur travail. À l’ère de l’économie de la robotique, un facteur supplémentaire est venu s’ajouter au travail et au capital : la « connaissance », qui combine l’information à sa traduction utile dans l’action. La robotique s’avère désormais être un facteur déterminant de compétitivité et de création d’emplois. Le sous-investissement de la France dans le secteur des robots a, au cours des dernières années, constitué  un véritable handicap. Au-delà des frontières de l’industrie, le recours aux robots est appelé à croître notamment, en raison du vieillissement de la population, dans le secteur des services à la personne.

Finance éthique, finance islamique : quelle place en France ?
La revue des Sciences de gestion – Direction et gestion
Michel Roux
La crise financière et bancaire a remis en cause de nombreux paradigmes macro et microéconomiques. L’équilibre de la finance mondiale s’est déplacé au bénéfice des pays émergents. Du côté des banques, on s’efforce de rendre la finance plus responsable et plus proche de l’économie réelle. Ainsi, les business model bancaires sont réévalués en faveur d’un recentrage sur le cœur du métier de la banque de détail. Dans ce contexte, la finance éthique et la finance islamique constituent des opportunités de développement dans le secteur de la banque de détail. La finance islamique représente en effet un marché estimé entre 700 et 1000 milliards de dollars. Dans un monde plus instable que jamais, la France cherche aujourd’hui à prendre sa part dans le recyclage de ce considérable gisement d’épargne.

De l’(in)utilité des agences de notation
Regards économiques
Mikael Petitjean
Les agences de notation, qui sont des organismes chargés d'évaluer financièrement des acteurs économiques et les valeurs ou engagements financiers qui leurs sont associés, ont beaucoup fait parler d’elles depuis la crise des subprimes. Cette dernière a également été l’occasion de poser un certain nombre de questions relatives au fonctionnement de ces organismes : pourquoi les agences ont-elles été créées ? Comment expliquer le rôle crucial qu’elles jouent aujourd’hui ? Faut-il les réformer ? L’auteur considère que si les agences n’usurpent pas leur pouvoir, elles ne sont pas non plus un facteur indispensable de transparence. Il insiste également sur l’importance d’introduire des réformes qui conduisent à une plus grande diversité et à un plus grand conservatisme dans l’attribution des notations.

2013

3058 Energie, l'heure des choix

Les vents incertains de la transition énergétique
Politique internationale
Pierre Geoffron
La crise énergétique de  ce début de XXIe siècle  pose des défis immenses à l’humanité, d’une part parce qu’elle résulte de l’impasse du modèle de croissance économique et d’autre part parce qu’elle oblige à imaginer dans un laps de temps très court - de vingt ou trente ans -  en raison des contraintes du changement climatique,  des sociétés à faible émission de carbone. Cette révolution qui n’appelle rien de moins qu’un changement de paradigme énergétique est qualifiée de transition énergétique. Celle-ci suppose une rupture des fondements de nos économies et de nos modes de vie. La mise en œuvre de ce processus risque toutefois de se heurter à de multiples incertitudes macroéconomiques et géopolitiques.

La transition énergétique allemande est-elle soutenable ?
La note d’analyse du CAS
Étienne Beeker et Clélia Godot
En 2011, après l’accident de Fukushima (Japon), l’Allemagne a entamé une transition énergétique radicale ou Energiewende, dont l’objectif est l’abandon complet du  nucléaire avant 2022, puis la réduction des émissions de gaz à effet de serre du pays de 80-95 % avant 2050. D’ici là, le pays se verra donc contraint de produire son électricité en se passant presque complètement du gaz, du pétrole et du charbon pour les remplacer à 80 % par des énergies renouvelables. La transition énergétique décidée par le gouvernement recueille jusqu’à présent une forte adhésion de la population malgré des augmentations prévisibles du prix de l’électricité. De nombreux obstacles devront toutefois être surmontés afin de réussir cette transition énergétique comme le développement du réseau électrique national ou le coût et le financement des investissements nécessaires. La décision de l’Allemagne n’est enfin pas sans conséquence sur ses voisins européens.

L’Europe et l’énergie : économie et sécurité
Commentaire
Philippe Esper et Claude Mandil
Les ressources naturelles et énergétiques sont des biens indispensables au bon fonctionnement des économies et des sociétés. La sécurité de leur approvisionnement est, en ce début de XXIe siècle qui se montre particulièrement instable, une des questions stratégiques majeures. L’Europe, à défaut de se doter d’une politique énergétique commune, - qui n’est pas réaliste si l’on entend par là l’harmonisation des bouquets énergétiques à l’échelle du continent - doit néanmoins apporter à cette question une attention particulière. Certains pays européens ont, selon les auteurs, la capacité en réunissant leurs efforts d’assumer dans ce domaine une forme de  leadership qui permettrait à l’Europe de se prémunir contre les aléas économique et géopolitique qui pourraient menacer sa sécurité énergétique.

Le nouvel âge d’or du gaz naturel
The Economist
Les nouveaux gisements de gaz non conventionnel semblent être en mesure de transformer le marché mondial de l’énergie. Si le XXe siècle a été le siècle du pétrole, le XXIe siècle pourrait être  celui du gaz. Il y a cinq ans seulement, en effet, les réserves mondiales estimées de gaz naturel  n’allaient guère au-delà d’une cinquantaine d’années. Aujourd’hui, les gaz de schiste et les autres gaz non conventionnels, mais aussi la découverte de nouveaux gisements  conventionnels ont étendu les perspectives à deux cents ans ou plus. En raison  de nombreuses  contraintes technique, économique ou environnementale, l’avènement de cet âge d’or du gaz ne devrait toutefois pas être aussi rapide et facile qu’escompté.

Nucléaire : vers un monde bipolaire ?
La Revue de l’énergie
Pierre Buisson et Yasmine Arsalane
L’accident de Fukushima (Japon), en2011, a brisé dans son élan la relance du développement de l’industrie  nucléaire mondiale qui commençait à s’esquisser un quart de siècle après l’accident de Tchernobyl. Les réactions à cet évènement ont néanmoins été diverses. L’Allemagne a ainsi décidé de sortir de cette énergie, tandis que la France s’est engagée à réduire sa part dans le mix énergétique et à en renforcer la sécurité. Si la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) devraient, dans les années à venir, sortir du nucléaire, en Russie et dans les pays émergents d’Asie  les perspectives de croissance de cette source d’énergie demeurent a contrario élevées.

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Le RSA est-il plus incitatif que la RMI ?
Connaissance de l’emploi
Véronique Simonnet
Plus de vingt ans après la mise en  place du revenu minimum d’insertion (RMI) et quatre ans après la création du revenu de solidarité active (RSA), on peut tirer un premier bilan comparatif de la capacité des deux dispositifs à favoriser le retour vers l’emploi des personnes exclues du marché du travail. Une étude de cas types fait apparaître qu’à long terme le RSA est financièrement plus avantageux que le dispositif RMI pour les allocataires retrouvant un emploi au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), mais qu’en revanche il l’est moins à court terme. L’exploitation des données compilées par la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) conduit en effet à observer une augmentation relative des taux de retour à l’emploi après la réforme de 2009.

La voie chilienne
Études
Roberto Fernandez
Au cours des vingt dernières années, le Chili a connu une forte croissance économique – de l’ordre de 8 % en moyenne par an - qui a permis une amélioration sensible du niveau de vie de la population. En témoigne le recul de la pauvreté et  l’émergence d’une vaste classe moyenne. Pour autant, la population reste pessimiste. De plus en plus méfiante vis à vis du politique, elle craint de perdre ses acquis récents en matière de consommation et d’accès à l’éducation. Le mouvement des étudiants (la révolution des pingouins) est le symbole du souhait des Chiliens d’une plus grande intervention de l’État, qui mettrait  ainsi fin au dogme du modèle économique libéral qui a prévalu jusqu’alors. Le gouvernement ne pourra retrouver la confiance de la population qu’à la condition qu’il engage des réformes structurelles et fiscales susceptibles de réduire les inégalités.

La politique industrielle en Europe
Reflets et perspectives de la vie économique
Pierre-André Buigues
La politique industrielle connaît un regain d’intérêt. Malgré les débats dont elle fait l’objet depuis l’origine, force est de constater qu’elle n’a jamais vraiment été abandonnée : elle constitue même, dans de nombreux pays, une réalité économique incontestable. Si les objectifs de la politique industrielle sont souvent convergents – recherche et développement (R&D), soutien aux petites et moyennes entreprises (PME), protection de l’environnement, économie d’énergie – les approches diffèrent selon les pays. Plusieurs modèles de politiques industrielles coexistent en effet en Europe : en France, la voie suivie est celle d’une approche centralisée avec un soutien important aux champions nationaux alors que l’Allemagne privilégie une méthode décentralisée plus favorable aux PME.

n° 3059 Commerce extérieur et compétitivité

D’où vient le déficit extérieur de la France ?
(Sociétal - Laurent Gasnier)
La France enregistre depuis plus de dix ans un déficit extérieur qui s’explique essentiellement  par deux facteurs : l’alourdissement de la facture énergétique et le creusement du solde manufacturier. Si on observe néanmoins des évolutions encourageantes – dans l’aéronautique, les produits agricoles et les parfums et cosmétiques – la tendance globale est négative dans l’ensemble des secteurs. Cette situation tient à la fois à la spécialisation du commerce extérieur français dans la haute et moyenne technologie et à son orientation géographique, très centrée sur l’Europe. Enfin, l’économie française est handicapée par un appareil exportateur dual et trop peu diversifié, composé d’un côté de quelques grands champions nationaux et de l’autre de petites entreprises dont la taille est souvent trop insuffisante pour qu’elles puissent se maintenir à moyen terme sur les marchés étrangers.
Une compétitivité extérieure menacée
(Les Notes de l’Institut de l’entreprise)

n° 3060 L'Inde en quête d'un nouveau souffle

L'Inde, express ou omnibus ?

The Economist
En Inde, au troisième trimestre 2012, le produit intérieur brut (PIB) a crû de 5,3 %, soit la plus faible performance depuis dix ans. Sur l’ensemble de 2012-2013, les économistes estiment que la croissance ne pourra pas dépasser les 6 %, certains la voient même s’inscrire entre 5,4 et 5,8 %. Les performances de l’économie indienne sont, avec de tels taux, très inférieures aux 9,5 % que connaissait le pays au milieu des années 2000. Si la conjoncture  internationale morose est pour partie responsable du ralentissement économique de l’Inde, les problèmes du pays sont surtout d’ordre domestique : taux d’intérêt élevés en raison de l’inflation, lourdeurs bureaucratiques, paralysie politique, etc. En septembre 2012, le gouvernement a annoncé un nouveau train de réformes économiques majeures destiné à lever certains des obstacles à la reprise d’une croissance forte mais sa concrétisation demeure incertaine en raison notamment de la virulence de l’opposition au Parlement, le Parti du Congrès n’y disposant plus depuis septembre d’une véritable majorité.

Croissance indienne : les enjeux macroéconomiques
Revue d’économie financière
Christophe Cottet
Au cours de la dernière décennie, le régime de croissance indien a été en mesure d’atteindre des taux parmi les plus élevés au monde, tout en conservant une relative stabilité. Les facteurs qui ont permis d’atteindre des taux de croissance élevés sont-ils pérennes ? La situation des finances publiques constitue à n’en pas douter – avec l’enjeu démographique et les questions portant sur l’investissement, les infrastructures et les réformes économiques – l’un des principaux facteurs de vulnérabilité.  L’ampleur du déficit budgétaire, qui devrait se situait aux alentours de 5,8 % du produit intérieur brut (PIB) pour l’année fiscale 2012-2013 à fin mars, est en effet une source de préoccupation majeure pour les économistes et les agences de notation. De même, l’Inde est-il le plus endetté des grands pays émergents : la dette publique s’élevait à 71 % du PIB en 2010-2011 alors que dans la plupart des pays émergents celle-ci se situait à des niveaux inférieurs à 50 % de leur PIB.

Inde-Chine : le défi post-mondialisation libérale
L’Économie politique
Jean-Joseph Boillot
La comparaison entre les deux géants asiatiques que sont l’Inde et la Chine est ancienne. Alors que, dans les années 1980, ces pays avaient un niveau de produit intérieur brut (PIB) par habitant équivalent, l’écart des taux de croissance entre les deux nations a été tel depuis – que ce niveau se situe désormais dans un rapport de 1 à 4 en faveur de l’Empire du Milieu. Même si la Chine affichait un taux de croissance de 5 %, il faudrait plus de trois décennies à l’Inde pour rattraper le PIB chinois. Alors que les interrogations sur la capacité de l’Inde à retrouver le rythme de croissance qui a été le sien au cours des années 2000 n’ont cessé au cours des derniers mois, il est acquis que les deux rivales ne jouent plus dans la même catégorie. La Chine est devenue la deuxième économie mondiale, tandis que l’Inde doit se contenter pour l’heure du statut de petite économie moyenne, de la taille de la France. Son principal défi sera, d’ici à 2030, sa capacité à poursuivre son développement vers un  statut de pays intermédiaire.

Infosys à la recherche d’un nouveau business model
Time
Bobby Ghosh
Infosys est à l’Inde  ce que, toutes proportions gardées, Apple est aux États—Unis, une entreprise pionnière de ce secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) qui a fait au cours des dernières décennies la fierté du pays. Aujourd’hui, à l’image de l’Inde, la firme de Bangalore qui emploie 150 000 salariés et forme des bataillons d’ingénieurs, est à un tournant. Les résultats commerciaux des derniers trimestres ont été décevants. L’entreprise est en quête d’un nouveau modèle économique qui la rapprocherait de celui des sociétés informatiques comme Microsoft. Plutôt que de mobiliser des centaines d’ingénieurs à la conception de solution non renouvelable adaptée à un seul client, l’ambition est désormais de développer des produits logiciels et des plateformes originales et personnalisables à l’infini.

La classe moyenne : nouveau moteur de la croissance
Deustche Bank Research
Rachna Saxena
Il n’existe pas en Inde de définition officielle de la classe moyenne. Les estimations varient entre environ 30 et 300 millions de personnes. Mais même en recourant aux estimations les plus larges, le poids de celle-ci ne dépasse pas 30 % de la population totale. L’importance de cette catégorie sociale tient à sa croissance, qui a été ces dernières années plus rapide que celle du reste de la population. Selon certaines études, le montant de la consommation de la classe moyenne indienne serait comparable au total de la consommation des ménages irlandais, et sa part est appelée à tripler dans les quinze prochaines années. Ce groupe social qui se montre, selon les enquêtes d’opinion, particulièrement optimiste quant à l’avenir économique de l’Inde, constitue donc pour le pays, comme dans la plupart des pays émergents, un véritable moteur de la croissance.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

La nouvelle ruée vers l’or
Revue des deux mondes
Annick Steta
Avec l’aggravation de la crise économique, l’engouement pour l’or – une valeur refuge – ne se dément pas.  Au cours des cinq dernières années, le prix de l’once est ainsi passé de moins de 700 dollars  à 1 800 dollars. Entre 2003 et 2007, lorsque certains investisseurs commençaient à émettre des doutes sur la pérennité d’une croissance fondée sur l’expansion de l’immobilier,  son prix avait déjà plus que doublé. En 2009, au plus fort de la crise, les banques centrales sont redevenues acheteuses nettes d’or pour la première fois depuis vingt ans. La frénésie actuelle pour le métal jaune a également ravivé le débat autour d’un éventuel retour au système de l’étalon-or.

Les expérimentations sociales en économie
Informations sociales
François Legendre
« Expérimenter, évaluer puis généraliser », telle est la méthode qui, dans les pays anglo-saxons, a la faveur des politiques sociales. Le premier terme à en anglais un sens très particulier, on parle de « randomized social experimentations », c’est-à-dire « expérimentations sociales avec assignation aléatoire des participants ». Ce programme de recherche qui a ses détracteurs et ses promoteurs, fait l’objet d’une reconnaissance académique aux États-Unis avec l’attribution, en 2010, à l’économiste française du Massachusetts Institute of Technology (MIT), Esther Duflo– qui a expérimenté cette approche dans les pays en développement dans le cadre de la lutte contre la pauvreté – d’une des plus prestigieuses distinctions décernée par l’American Economic Association pour récompenser un économiste de moins de quarante ans. En France, cette méthode commence à être introduite dans les sciences économiques. Ses dernières applications montrent qu’elle peut apporter d’utiles contributions au débat public.

Une Union monétaire en trompe-l’œil ?
La vie des idées
Jacky Fayolle
Le système complexe de paiement qui existe au sein du Système de banques centrales de la zone euro, appelé Target, est le réseau par lequel transitent tous les transferts de capitaux entre les banques européennes. Au cours des premières années du fonctionnement de la zone euro, ce système était équilibré. Le déclenchement de la crise dans les pays périphériques a perturbé ce mécanisme. De plus en plus, ce dernier aboutit à une accumulation de dettes entre les États membres, dégradant la qualité de la monnaie unique. Si pour certains, cette évolution est potentiellement explosive et ouvre la voie à un chantage possible des pays du Sud vis-à-vis du Nord, pour d’autres, elle représente – faute de mécanismes plus explicites - une solidarité implicite avec les pays qui connaissent des déséquilibres de la balance des paiements courants.

 

La France est victime de la dégradation progressive de sa compétitivité comme en témoigne l’évolution du solde commercial. La productivité n’est pourtant pas en cause, elle a évolué au même rythme que celle de ses principaux partenaires, notamment européens. Comme la plupart de ces derniers, l’Hexagone doit s’accommoder des spécificités de l’Union économique et monétaire (UEM). Quand l’euro s’apprécie, les pays dont l’avantage compétitif repose sur le facteur coût connaissent une position inconfortable : s’ils exportent des produits relativement chers et facilement substituables, ils perdent des marchés. La Franceest exactement dans ce cas de figure et cela pour plusieurs raisons : la charge fiscale et celle des prélèvements sociaux pesant sur le entreprises, le coût du travail, le niveau du salaire minimum, etc.

La compétitivité prix est-elle vraiment coupable ?
(La lettre du CEPII - Antoine Berthou et Charlotte Emlinger)
Le déclin des parts de marché de la France par rapport à l’Allemagne ou au Royaume-Uni ne semble pas s’expliquer par une dégradation de la compétitivité prix. La raison en est plutôt dans le fait que ces pays profitent d’une marge extensive (nombre de marchés d’exportations) plus étendue. Ainsi, l’Allemagne présente un avantage structurel en termes de couverture par ses exportations des marchés - le nombre de pays et de marchés destinataires des exportations allemandes est donc plus important outre-Rhin. Une grande partie des différentiels de compétitivité entre les pays européens s’explique par les facteurs hors prix, c’est-à-dire la qualité des produits, l’image de marque, le service après-vente, etc. Dans ce contexte, la faiblesse de l’effort de recherche et développement (R&D) en France constitue en réel handicap.

Le dilemme de la compétitivité en France
(OFCE le blog - Jean-Luc Gaffard)
La compétitivité d’une nation n’est pas assimilable à celle d’une simple entreprise. Une firme gagne des parts de marché au détriment d’une autre. Dans le contexte du commerce mondial cependant, les bénéfices d’un pays deviennent la condition des bénéfices de l’autre, c’est-à-dire qu’ils peuvent alimenter une demande s’adressant au second. La France qui accumule des déficits commerciaux depuis plusieurs années, est confrontée à ce défi. La meilleure solution serait d’agir à la fois sur la compétitivité prix à court terme et la compétitivité hors prix à moyen terme. Cependant, la priorité donnée au rétablissement des comptes publics rend la tâche difficile, car un alourdissement de la ponction fiscale effectuée sur les ménages lié à un transfert de charges visant à améliorer les marges des entreprises risque de peser sur la demande ; ce dilemme rend ainsi toute amélioration de la compétitivité particulièrement difficile.

À quoi sert l’excédent commercial ? Le cas allemand
(Frankfurter Allgemeine Zeitung - Philippe Plickert)
L’Allemagne enregistre des excédents commerciaux records. En 2012, les exportations pourraient dépasser pour la première fois les 1 100 milliards d’euros et les importations 900 milliards. L’excédent qui en résulte doit cependant être minoré du déficit des échanges de services et des transferts financiers, de sorte que le solde final de la balance des paiements courants devrait se situer à 160 milliards d’euros. Si ce chiffre constitue également un niveau record, il se situe avec 6 % du produit intérieur brut (PIB) toujours dans la limite haute de la fourchette définie par la Commission européenne en matière de solde commercial. Néanmoins, on peut s’interroger sur le niveau de cet excédent. In fine, tout excédent commercial permet de réaliser des dépenses de consommation. La population allemande, vieillissante, accumule ainsi une épargne pour l’avenir – lorsque le nombre d’actifs commencera à baisser, ce qui fera disparaître mécaniquement l’excédent commercial.

Les États doivent-ils avoir peur de la mondialisation ?
Les échanges internationaux se sont profondément transformés ces dernières décennies entraînant (Commentaire - Pascal Lamy)
dans leur sillage une mutation en profondeur des économies et des sociétés. Au point qu’aujourd’hui, la mondialisation fait débat. Ces évolutions rendent plus que jamais nécessaire l’élaboration de nouveaux concepts et outils statistiques afin de mieux les appréhender. À la lumière de ces changements conceptuels il s’avère que, contrairement à une idée largement répandue,  l’Europe et la France ne sont pas dépourvues d’atouts dans la course au commerce mondial. Pour autant, l’exacerbation de la concurrence implique des politiques publiques volontaristes, notamment dans les domaines de la formation et de la recherche. Il en va de la productivité des économies européennes, et donc de la croissance et de l’emploi.

 Également dans ce numéro :

Les circuits courts alimentaires : quel bilan ?
(Paysans - Jean Magimel)
La vente de produits alimentaires en circuit court de proximité connaît depuis une dizaine d’années un nouvel essor. Les consommateurs sont en effet en demande d’une production plus locale et profitent des formes diverses qui se développent : vente directe à la ferme et sur les marchés, points de vente collectifs, paniers et AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne). L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) estime que 6 à 7 % des achats alimentaires en France se font par des circuits courts. Ils ne représentent cependant pas que des avantages. Ce genre d’activité demande du temps et une grande disponibilité. En plus, ramené au kilo vendu, leur bilan environnemental n’est pas systématiquement meilleur que celui des circuits longs.

La fiscalité de la biodiversité existe-t-elle ?
(Responsabilité et environnement - Guillaume Sainteny)
Si, depuis plusieurs années, la fiscalité s’est développée dans nombre de domaines liés à l’environnement (énergie, transports, climat, déchets, etc.), elle n’est encore  que balbutiante en matière de biodiversité. Ce constat est valable, quel que soit le niveau de compétence, de l’échelon local à l’international. En réalité, la biodiversité n’a historiquement pas été véritablement prise en compte dans l’édification du système fiscal français. Globalement,  ce dernier est défavorable à sa préservation. Il en va ainsi de la fiscalité locale, sur le patrimoine, l’urbanisme ou l’eau.  Le principe de l’intégration de l’environnement dans les politiques publiques devrait désormais conduire dans ce domaine à un changement de philosophie.

L’inflation telle qu’elle est perçue par les ménages
(INSEE Analyses - Jérôme Accardo, Claire Célérier, Nicolas Herpin et Delphine Irac)
Depuis quelques années, on mesure un écart durable entre le taux d’inflation officiellement enregistré et la perception de ce phénomène par les ménages. Afin de l’analyser, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) calcule non seulement l’indice des prix à la consommation (IPC), mais également les opinions personnelles sur l’inflation (OPI). Au début, l’écart entre les deux mesures semblait s’expliquer par l’introduction de l’euro qui aurait perturbé la perception des prix. Aujourd’hui, d’autres explications sont envisagées. Ainsi, la perception des prix élémentaires n’aurait pas de biais systémique mais, contrairement à l’IPC fondé sur les parts budgétaires du consommateur moyen, les personnes enquêtées donneraient un poids plus important aux biens à forte fréquence d’achat.

n° 3061Politique monétaire : le tournant

Portée et limites de la détente monétaire
(Rapport annuel - Banque des règlements internationaux)
Zone euro : pourquoi n'y a-t-il pas plus d'inflation ?
(Le Cercle Les Échos - Jean-Pierre Dumas)
Une monnaie en or, une idée réaliste ?
(Deutsche Bank Global Market Research - Daniel Brebner et Xiao Fu)
La monétisation ne peut pas fonctionner
(Note de synthèse – Institut Turgot - Frank Shostak)
Quel avenir pour les banques centrales ?
(VoxEU.org - Stefano Ugolini)

Également dans le numéro :
Les tendances de l'art contemporain
(Terraeco - Alice Bomboy)
La crise dans les pays arabes
(Techniques Financières et Développement - Entretien avec Amine Benbernou)
Les tendances de l'art contemporain
(Rapport annuel Artprice - Thierry Ehrmann)

Hors-série PE n° 3 Comprendre le marché du travail

Un marché pas comme les autres?
- Les spécificités du marché du travail et leurs conséquences (Jean Vercherand)
- Le travail marchandise: une fiction (François Vatin)
- Recrutement et détermination du salaire: l'importance des conventions (Guillemette de Larquier)
- Un marché fortement réglementé: les grandes lignes du droit du travail en France (Jean-Michel Lattès)
- Négociation collective et conflits du travail: comparaison internationales (Michel Lallement)
 "un" ou "des" marchés du travail?
- La segmentation des marchés du travail dans les pays avancés: état des lieux, évolutions récentes (Aline Valette)
- Inégalités et discriminations sur le marché du travail (Dominique Meurs)
- Les marchés du travail en Europe: diversité, convergence et enjeux (Christine Erhel, Mathilde Guergoat-Larivière)
- Marchés du travail et migrations internationales (Manon Dos Santos)
Chômage et politiques de l'emploi
- La mesure du chômage: un enjeu de société (Jacques Freyssinet)
- Comment les économistes expliquent-ils la persistance du chômage? (Arnaud Chéron)
- Lutter contre le chômage dans un contexte de crise: comparaisons internationales (Dominique Redor)
- Les emplois aidés: bilan et perspectives (Yannick L'Horty)
- L'indemnisation du chômage est-elle désincitative? (François Fontaine)
- La formation professionnelle: quelle place dans les politiques de l'emploi? (Eric Verdier)

n° 3062 La face sombre de l'économie numérique

Quand les firmes du Net échappent à l’impôt
The New York Times
Charles Duhigg et David Kocieniewski
Les grandes entreprises américaines du Web, grâce à des techniques d’optimisation fiscale  reposant sur des montages financiers complexes, ne paient que très peu d’impôt. Les cas emblématiques d’Apple, de Google ou d’Amazon ont révélé l’inadaptation des systèmes fiscaux aux États-Unis comme en Europe. L’essence même de l’économie numérique qui réside dans la dématérialisation du service est en fait la clé du problème.  L’accroissement des débits dans les télécommunications, permettant de rendre à distance un service de façon connectée, et l’explosion du logiciel, qui concentre l’essentiel de la valeur ajoutée, permet aux géants du Web d’échapper de plus en plus facilement à la TVA, en localisant la facturation du service dans un paradis fiscal, mais aussi de se soustraire à l’impôt sur les sociétés en localisant l’activité hors du pays où a réellement lieu l’activité économique. La régulation de l’économie numérique est désormais urgente. Celle-ci passe notamment par une refondation de la fiscalité de ce secteur d’activité qui génère aujourd’hui une richesse considérable.

Apple vs Samsung : bataille autour des brevets
L’Usine nouvelle
Christian Nguyen Van Yen
Depuis plusieurs années, l’américain Apple et le coréen Samsung se livrent une guerre sans merci devant les tribunaux de nombreux pays sur la question des brevets exploités pour le bon fonctionnement de leurs appareils de téléphonie mobile. En septembre 2012, Samsung a été condamné par un tribunal californien à verser la somme de 1 milliard de dollars à son concurrent pour la contrefaçon d’un certain nombre de brevets américains. Le contentieux juridique entre les deux mastodontes sur fond de guerre commerciale n’est pas encore terminé mais il  restera à coup sûr comme un des affrontements les plus spectaculaires de l’histoire. L’un des enjeux fondamentaux de cette bataille est de parvenir à trouver un juste équilibre entre concurrence et protection des intérêts des innovateurs.

Le livre connaîtra-t-il le même sort que la musique ?
Réalités industrielles
Laurence Franceschini
L’industrie musicale a été au cours de la dernière décennie frappée de plein fouet par la révolution numérique. La forte diminution en quelques années  des petits disquaires indépendants et l’incertitude pesant sur l’avenir des grandes chaînes de distribution, en raison de l’effondrement de la vente des supports physiques de musique enregistrée, ou les pratiques de la « piraterie » sur l’Internet en sont sans doute l’illustration la plus spectaculaire. L’édition littéraire dont les caractéristiques sont très différentes de celle de la filière musicale fait néanmoins face aujourd’hui aux mêmes défis que la musique. Est-elle pour autant appeler à connaître les mêmes bouleversements ? Rien n’est moins sûr. Fort d’une politique publique du livre, qui au nom de la préservation de la diversité culturelle, n’a pas tardé à apporter les premières réponses à la mutation numérique en cours, le secteur de l’édition devrait être en mesure de s’adapter rapidement aux bouleversements économiques radicaux auquel il est aujourd’hui confronté.

Amazon : le désenchantement des « employés du futur »
Financial Times
Sarah O’Connor
Alors que le géant du commerce en ligne crée des milliers d’emplois en Europe, il ne fait pas toujours le bonheur de ses salariés. Les révélations sur les conditions d’emploi et de travail des « associés des centres de traitement Amazon » selon la terminologie en usage dans l’entreprise américaine commencent à soulever l’indignation des consommateurs et sont à l’origine d’un scandale en Allemagne. Pour les pouvoirs publics, l’arrivée dans des régions durement frappées par le chômage des gigantesques entrepôts du leader mondial du commerce électronique soulève naturellement un espoir immense. Mais la précarité des « emplois du futur » du système Amazon  semble loin d’être à la hauteur des promesses soulevées par l’espoir d’une renaissance économique.

« Big Data » : nouvel eldorado ou menace ?
The Washington Post
Ariana Eunjung Cha
Avec la démocratisation de l’Internet haut débit, des milliards de données sont déversés par les particuliers, les entreprises ou l’État sur le Net. Ce phénomène a été baptisé « Big Data » (« données massives »). Celui-ci a pris une telle ampleur que les auteurs d’un rapport publié en 2012 par le Forum économique mondial de Davos estiment  que ces données constituent désormais une nouvelle ressource dont la valeur est économiquement comparable au pétrole. Grâce aux progrès réalisés dans le traitement informatique des grandes masses de données, des analystes du secteur de la finance ou du marketing peuvent aujourd’hui exploiter le déluge d’informations qui circulent surla Toile, en particulier à travers les réseaux sociaux.  Mais la manipulation à grande échelle de ces données pose désormais la question épineuse  de la protection de la vie privée.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

 
Le patrimoine national au plus haut
INSEE Première
Léa Mauro et Adeline Bachellerie
Le patrimoine ou valeur nette est défini comme la différence entre la valeur des actifs (financiers d’un côté et non financiers dont essentiellement les bâtiments et les terrains de l’autre) et celle des passifs (par nature financiers). En 2011, le patrimoine  économique national s’est élevé à 13 620 milliards d’euros, soit près de huit fois le produit intérieur brut (PIB). Plus des trois quarts ou 10 411 milliards d’euros de ce patrimoine sont détenus par les ménages, le reste se partage entre les entreprises – 2 702 milliards d’euros – et les administrations publiques (507 milliards d’euros, soit 30 % du PIB). Du côté des entreprises, la valeur nette des sociétés non financières a cru fortement en 2011, celle de leurs homologues financiers a décéléré. Enfin, le passif des administrations publiques continue de croître.

Les noces d’or du couple franco-allemand
Question d’Europe
Gérard Saint-Paul
Le 22 janvier 1963, le général de Gaulle et le chancelier Adenauer signent à Paris le traité d’amitié et de coopération entre la France et l’Allemagne. Cet accord unique en son genre unit depuis cinquante ans maintenant de façon quasi « institutionnelle »la France et l’Allemagne. De la création du système monétaire européen au lancement de l’euro, de la chute du mur de Berlin à la réunification de l’Allemagne, etc. le couple franco-allemand a su – avec des hauts et des bas – constituer, au cours du denier demi-siècle, la clé de voûte de la construction européenne. En un temps où l’Union européenne a traversé une des crises les plus graves de son histoire, l’avenir de l’Europe dépend plus que jamais de la capacité de la Franceet de l’Allemagne d’unir leurs efforts pour œuvrer ensemble à un meilleur avenir.

Quand le citoyen se réapproprie sa santé...
La Gazette de la société et des techniques
Robert Picard et Antoine Vial
Depuis les années 1940, la médecine a accompli des progrès spectaculaires. Dans le même temps, elle est devenue de plus en plus spécialisée, d’un haut degré technique et concentrée dans  l’hôpital et ses plateaux technologiques médicalement efficaces mais déshumanisés et coûteux. La révolution numérique offre aujourd’hui des alternatives efficaces au plan thérapeutique à ce système. De nombreuses PME innovantes développent des applications paramétrables à distance et téléchargeables sur un mobile ou une tablette, des plateformes pour accéder de façon conviviale aux prestations requises pour être soigné chez soi, etc. Les solutions basées sur des technologies numériques ouvrent peut-être, selon les auteurs, la voie à une réappropriation par le citoyen de sa santé ainsi qu’une piste pour résorber le déficit de la sécurité sociale.

n° 3063 Renouveau du dialogue social

Les va-et-vient du dialogue social
Organisation internationale du Travail - Working paper
Lucio Baccaro et Stefan Heeb
La crise économique et financière de 2008 marque un tournant dans l’histoire du dialogue social. Jusqu’à cette date, celui-ci semblait condamné à un  certain déclin : la mondialisation, le changement technique, l’intégration européenne, ainsi que l’application de politiques plus ou moins néolibérales dans de nombreux pays ont affaibli la pratique des négociations collectives et des politiques bi ou tripartites. La crise économique a modifié la donne. Depuis, les gouvernements cherchent à réconcilier des objectifs apparemment opposés : minimiser les conséquences sociales de la crise et dans le même temps assainir le secteur financier et les finances publiques. Face à ces défis, le dialogue social est ainsi plus que jamais nécessaire.

Le dialogue social français : une urgence, mais laquelle ?
Idées économiques et sociales
Igor Martinache
Faible taux de syndicalisation, manque de dialogue entre les syndicats et les organisations patronales…le dialogue social en France semble en panne. Pour autant, et ce n’est pas le moindre des paradoxes,  le taux de participation aux élections professionnelles et l’ancrage des syndicats dans les entreprises dénotent un certain dynamisme de la vie syndicale. En outre,  l’évolution récente des règles régissant les syndicats – comme celles concernant la représentativité et la transparence financière – a conduit à une réelle modernisation. D’autres évolutions comme la juridicisation des relations professionnelles ont, à l’inverse, des effets plus ambigus. Enfin, une certaine cacophonie est toujours de mise concernant les mesures qui devraient être adoptées pour améliorer le dialogue social.

Quel compromis social à propos des restructurations ?
La Revue de l’IRES
Rachel Beaujolin-Bellet, Frédéric Lerais et Dominique Paucard
Les modes de gestion des restructurations d’entreprises qui s’accompagnent de pertes d’emplois ont beaucoup évolué depuis une quinzaine d’années. Trois orientations majeures sont observables : l’individualisation de la relation d’emploi, l’indemnisation par rapport à l’employabilité des salariés et, enfin, la place et le rôle pris par les acteurs publics dans l’accompagnement de ces mutations. Sur le terrain, on note une diversification des pratiques de suppression d’emplois basées largement sur une individualisation croissante de la relation à l’emploi (rupture conventionnelle et d’autres formes de départ volontaires), qui rendent les contours de l’entreprise de plus en plus flous. Dans le même temps, la logique d’accompagnement des salariés, c’est-à-dire l’objectif d’un reclassement,  recule face à l’indemnisation.

La juridicisation des relations de travail
Sociologie du Travail
Jérôme Pélisse
Au cours des deux dernières décennies, les conflits et les  négociations sociales ont beaucoup évolué. Ces changements portent à la fois sur la forme, les enjeux et les acteurs. Le droit joue un rôle important dans ces mutations. Deux phénomènes doivent être distingués : la juridicisation et la judiciarisation des conflits sociaux. Si la première notion renvoie à l’extension de la référence qu’est le droit dans les interactions de travail, la deuxième concerne la saisie plus fréquente des institutions judiciaires (prud’homme, tribunaux de grande instance, cours d’appel, etc.). Contrairement à ce que certains médias laissent parfois entendre, on ne peut pas vraiment parler de judiciarisation croissante. A contrario, un processus de juridicisation semble bien se développer, par l’entremise d’une attention et d’une médiation plus forte des décisions judiciaires et d’une extension de la négociation.

Responsabilité sociale des entreprises et activité syndicale
La Revuedes Sciences de gestion
Marc Morin
Selon la définition de la Commission européenne de la responsabilité sociétale des entreprises : « être socialement responsable signifie non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables, mais aussi aller au-delà et investir davantage dans le capital humain, dans l’environnement et les relations avec les parties prenantes ». La compréhension et la modélisation des processus et des décisions obéissant à une véritable démarche de responsabilité sociétale demeurent néanmoins insuffisantes. De nombreuses études font en effet l’économie d’une réelle réflexion sur l’institutionnalisation de cette démarche et le caractère conflictuel des questions de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Ces conflits évoluent – ils ne portent plus désormais uniquement sur les salaires et les conditions de travail, mais s’étendent à des aspects éthiques et à de véritables projets sociétaux.La RSE pourrait trouver auprès du monde syndical un relais susceptible de favoriser son développement.

 ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

L’Agenda 2010, un modèle pour la France ?
Regards sur l’économie allemande
Bert Rürup
L’Allemagne est aujourd’hui la locomotive économique de l’Europe. Il y a dix ans, la situation était toute autre : l’Allemagne était considérée comme « l’homme malade » du continent. La perte de compétitivité de son économie était en effet particulièrement inquiétante. Le diagnostic fait à l’époque notamment par le Conseil des Sages était sans équivoque : les dysfonctionnements du marché du travail et d’une protection sociale très généreuse n’incitant pas au retour à l’emploi avaient affaibli l’économie. Le discours de politique générale du chancelier Schröder  devant  le Bundestag, le 14 mars 2003, marquait le début d’une vaste politique de réforme structurelle, baptisée Agenda 2010. Quels sont les enseignements que la France peut tirer de cette politique et quels sont les autres facteurs du nouveau dynamisme outre-Rhin ?

Peut-on dévaluer sans dévaluer ?
La lettre du CEPII
Yves-Emmanuel Bara et Sophie Piton
Pour sortir plus vite de la crise, certains pays sont tentés de recourir à des mesures de dévaluation compétitive. Tous les grands pays développés ont déjà – via le déversement de flux de capitaux inédits par l’intermédiaire des politiques monétaires non conventionnelles – contribué à réévaluer leurs monnaies et celles des pays émergents. Quant à certains pays, comme le Japon, ils jouent ouvertement la carte de la dévaluation. En la matière, deux stratégies sont possibles : la dévaluation externe ou la dévaluation interne. Réputée plus rapide et plus efficace, la dévaluation externe ne semble pourtant pas à la portée des pays de la zone euro : pour cela, il faudrait d’abord sortir de la monnaie unique, mais les coûts de sortie sont considérables.

Le bilan économique de Mario Monti
Télos
Jacques Fayette
Mario Monti, ancien commissaire européen au Marché intérieur, a été nommé, en novembre 2011, au poste de président du Conseil des ministres par le Président de la république italienne, Giorgio Napolitano succédant ainsi à Silvio Berlusconi. Fonction qu’il a occupée jusqu’à sa démission le 21 décembre 2012, provoquant la dissolution du Parlement et l’organisation d’élections générales anticipées en février 2013. Élections qui se sont soldées par l’échec de la candidature du « professore » : il n’a obtenu que 10 % des suffrages. En cause, un bilan en demi-teinte. En effet, sous la houlette de Mario Monti, l’Italie a retrouvé une certaine crédibilité sur le plan économique – en témoigne, le resserrement des écarts de taux des bons du Trésor italien et du Bund allemand -, mais sur le plan social, la politique de rigueur couplée à un taux de chômage de plus de 11 % en octobre 2012, s’est vite révélée impopulaire

3064 Économie illégale et mondialisation

Mafias et globalisation
Informations et commentaires
Yves Achille
Un rapport récent de l’Office des Nations unies contre la drogue et la criminalité (ONUDC) indique que les bénéfices de la criminalité organisée – à l’exception de l’évasion fiscale - s’élèveraient à environ 3,6 % du produit intérieur brut mondial en 2009. Le blanchiment d’argent représenterait des centaines de milliards de dollars supplémentaires. Quant aux bénéfices de la seule criminalité transnationale organisée, ils seraient équivalents à 1,5 % du PIB mondial. Depuis les années 1980, l’essor des activités illicites a été favorisé par plusieurs évolutions majeures : la globalisation économique et financière, l’effondrement de l’URSS et le 11 Septembre 2001 - qui a conduit à une réorientation des moyens des services de sécurité occidentaux vers la lutte contre le terrorisme, donnant ainsi une liberté d’action plus importante aux mafias. La mondialisation a également entraîné des changements profonds au niveau de la structure et des stratégies des organisations criminelles.

 
Criminalisation financière : une autre mondialisation
Rapport moral sur l’argent dans le monde
Alain Bauer
Depuis une trentaine d’années, on assiste à une imprégnation de la finance par le crime organisé. Aux États-Unis, l’attorney  général, Michael Mukasey, dénoncera, dès avril 2008, six mois avant la chute de la banque Lehman Brothers, la criminalisation des marchés économiques et financiers. De nombreuses crises financières à dimension criminelle qui ont éclaté, au cours des dernières décennies, illustrent clairement cette dérive. Aux États-Unis, de la crise des savings and loans (caisses d’épargne) américaines dans les années 1980 à la crise des subprimes, les malversations et les fraudes auxquelles se sont livrés certains dirigeants ou courtiers ont fait l’objet d’enquêtes et de poursuites judiciaires.

Leçons de management des barons mexicains de la drogue
The Economist
Au Mexique, les cartels de la drogue ont fait entrer dans le pays, au cours des dernières années, des revenus estimés à plusieurs dizaines de milliards de dollars. Joaquin Guzman, surnommé El Chapo, est un de ces barons mexicains du trafic de drogue. Patron du cartel de Sinaloa, il aurait amassé grâce à ses activités illégales 1 milliard de dollars et figurait dans le dernier palmarès Forbes des hommes les plus riches du Mexique. Une telle prospérité s’explique par les méthodes de management appliquées par les organisations criminelles mexicaines qui gèrent leurs activités comme de véritables entreprises multinationales de l’économie légale.

La contrefaçon de produits à risques sur l’Internet
Futuribles
Franck Guarnieri et Éric Przyswa
En 2011, plus de 9  millions de produits contrefaits  ont été saisis par les douanes françaises, parmi lesquels 1,5 million issus de commandes particulières sur l’Internet. Ce montant considérable témoigne d’un phénomène en pleine expansion mais qui reste encore difficilement mesurable : l’essor de la diffusion de contrefaçons de produits à risque sur la Toile. Ces pratiques pourraient à l’avenir avoir des conséquences très importantes pour les consommateurs et certains secteurs économiques. La difficulté à réguler les échanges sur l’Internet constitue néanmoins un obstacle majeur pour les entreprises victimes de contrefaçon comme pour les institutions en charge de lutter contre ce fléau.

Cybercriminalité : quels moyens de répression
La Nouvelle RevueGéopolitique
Ardavan Amir-Aslani
Les cyberattaques et la cybercriminalité représentent une nouvelle menace qui pèse sur les États, les entreprises et les citoyens. La globalisation des réseaux informatiques et l’instantanéité des connexions rendent particulièrement complexes la mise en œuvre de moyens de prévention et de protection physiques et légaux contre ces dangers. La lutte contre les cybercrimes passe par une veille constante des évolutions technologiques et par une coordination et une harmonisation de la protection juridique au niveau international.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Les tendances économiques de l’agriculture
Paysans
Lucien Bourgeois
Dans un demi-siècle, le secteur agricole restera stratégique.  La crise mondiale sur les produits alimentaires a rappelé la nécessité pour les pays développés de rester vigilants sur l’approvisionnement alimentaire. La production agricole, surtout celle de céréales, progresse plus vite que la population depuis la Seconde Guerre mondiale mais les projections démographiques, qui tablent sur une nouvelle progression de deux milliards d’habitants d’ici à 2050, montrent que le défi démographique constituera, compte tenu de la quantité  limitée de terres arables et d’eau, un enjeu de taille pour l’alimentation. Dans ce contexte, chaque État devra être attentif à garantir sa souveraineté alimentaire. L’agriculture française, quant à elle, est aujourd’hui une des plus compétitives au monde. Depuis le début des années 1970, la France dégage un excédent de sa balance des échanges agroalimentaires. En 2011, celui-ci a dépassé 11 milliards d’euros.

L’Allemagne profite-elle de l’euro ?
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Matthias Kullas
L’idée selon laquelle l’Allemagne tirerait profit de l’euro s’est largement imposée au cours des dernières années.  La disparition du risque de change aurait dopé ses échanges avec ses partenaires européens. Par ailleurs, si le deutschemark avait toujours eu cours, il  se serait fortement apprécié durant la période récente, de sorte que les exportations allemandes auraient baissé. En réalité, depuis la création de l’Union économique et monétaire (UEM), l’Allemagne a eu le deuxième taux de croissance le plus bas de la zone euro. En outre, la part relative des exportations allemandes dans la zone euro a baissé au cours des dernières années.  Ce sont les exportations vers le reste du monde qui ont été les plus dynamiques. Enfin, les craintes quant à une appréciation de la monnaie seraient largement surestimées. Du fait de sa très forte imbrication dans l’économie mondiale, l’Allemagne profiterait de biens importés moins chers, augmentant ainsi le bien-être des entreprises et des consommateurs.

Transport ferroviaire de voyageurs et concurrence
La note d’analyse du CAS
Thomas Revial, Christine Raynard et François Vielliard
Sous l’impulsion dela Commission européenne, les compagnies nationales de chemins de fer s’ouvrent progressivement à la concurrence. L’objectif est d’améliorer la productivité et la qualité du transport et de réduire son coût pour la collectivité. Le transport de marchandises est ainsi ouvert au jeu de la concurrence depuis 2007 et les liaisons internationales de passagers le sont  depuis 2010. Certains pays ont plus que d’autres anticipé cette ouverture. Ces exemples, en particulier le cas allemand, montrent que la concurrence peut, si elle est bien organisée, avoir des effets bénéfiques pour l’usager, le contribuable et l’opérateur. En France, une ouverture plus progressive est envisagée, de manière à donner à chacun – clients, opérateur, personnel – le temps de s’adapter à cette nouvelle donne.

3065 La bataille pour la concurrence

Les cartels en Europe 
Revue française d’économie
Emmanuel Combe et Constance Monnier
La lutte contre les cartels est un objectif central de la politique de la concurrence. La majorité d’entre eux ont une dimension européenne, le niveau pertinent de décision pour les entreprises se situe en effet  aujourd’hui à l’échelle continentale. Certains secteurs, comme la chimie et les services sont plus propices à des ententes et des collusions. Une majorité des cartels se révèlent être durables et affectent des marchés de taille importante avec une augmentation des prix souvent de 30 %. Les dommages infligés à l’économie ne font ainsi pas de doute, ce qui explique la sévérité de la politique antitrust de la Commission européenne.

Dans les coulisses du contrôle de la concurrence
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Justus Haucap et Luis Manuel Schultz
Le contrôle et la surveillance de la concurrence sont particulièrement complexes : apporter en effet la preuve qu’une entreprise viole les règles de la concurrence est généralement très difficile. L’apport de la science économique constitue une aide précieuse pour les administrations en charge de la lutte contre les cartels. L’existence de ces derniers est très difficile à démontrer, notamment dans le cas des cartels informels, c’est-à-dire lorsqu’il y a entente entre les entreprises sans qu’un accord explicite ait été conclu. Pour prouver l’existence d’un cartel, les administrations de contrôle ont recours à des méthodes empruntées à la science forensique (l’ensemble des principes scientifiques et des techniques appliqués à l’investigation criminelle) : elles étudient les indices laissés par les entreprises (notamment la fréquence, l’amplitude et le sens de la variation des prix, les chiffres de vente, etc.) - l’économiste se transforme alors en véritable détective.

Concurrence et innovation : une relation complexe
VoxEU.org
Noboru Kawahama
La concurrence, lorsqu’elle est forte, fait baisser les prix et par conséquent les profits. C’est la raison pour laquelle certains économistes considèrent qu’elle freine également l’innovation. La relation entre concurrence et innovation est en effet particulièrement complexe. Joseph Schumpeter, économiste autrichien et spécialiste des questions liées à l’innovation, a lui-même éprouvé la difficulté d’établir les liens entre ces deux facteurs. Dans ces derniers écrits, il semble penser que, pour créer les meilleures incitations à innover pour les entreprises, un certain degré de monopole peut être préférable à la concurrence. Ce point de vue est néanmoins infirmé par l’économiste américain Kenneth Arrow pour qui seule la concurrence conduit à l’innovation, l’objectif étant de rester compétitif. Pour le régulateur, l’objectif est de parvenir à trouver le bon équilibre entre concurrence et innovation. Une politique de concurrence qui ne prendrait pas en compte l’innovation ferait en effet courir de grands risques à l’économie.

Concurrence et compétitivité
La Tribune
Bruno Lasserre
La concurrence peut être un facteur important de compétitivité. La récente crise a montré l’importance de cette relation : les pays qui sont parvenus le plus rapidement à relancer leur économie sont ceux qui privilégient la concurrence et non pas les monopoles. Une des conditions pour créer cet environnement favorable est d’assurer une saine régulation de l’économie. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, souligne particulièrement cette dimension de son travail. En France, la politique de la concurrence a profité d’un effort important de modernisation. Outre le contrôle des marchés privés, les autorités de contrôle conservent des missions de surveillance des monopoles publics et prêtent une attention particulière aux nouvelles formes monopolistiques, notamment dans le domaine des technologies de l’information et de la communication.

Les enjeux des procédures de concurrence
Concurrences
Jean-Paul Tran Thiet
La Commissioneuropéenne est un acteur central dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles. Au cours des quinze dernières années, celle-ci s’est montrée de plus en plus active dans ce domaine : les amendes infligées sont aujourd’hui vingt fois plus élevées. Cette inflation n’est pas sans poser de problèmes. On constate en effet une disproportion croissante entre les amendes infligées pour pratiques anticoncurrentielles et les pénalités financières encourues pour d’autres infractions. Par ailleurs, les juristes spécialisés en droit de la concurrence s’interrogent également sur les moyens de parvenir à une meilleure application des principes du procès équitable dans le contrôle de la concurrence au niveau européen.

Le conseil en stratégie concurrentielle
Revue Lamy de la concurrence
Philippe Rincazaux et Gildas Muizon
Les entreprises sont souvent conduites à prendre des décisions qui peuvent avoir des conséquences sur l’équilibre concurrentiel : pénétrer un nouveau marché, modifier la grille des prix, racheter un concurrent, préparer une opération de fusion, etc. Or, les règles en vigueur du droit de la concurrence sont très contraignantes pour les stratégies mises en œuvre. La coexistence de règles nationales et européennes auxquelles peuvent, lors d’opérations transatlantiques, s’ajouter celles d’un pays tiers, complique davantage encore la démarche des entreprises. Dans ce contexte, le conseil apporté par les juristes et les  économistes spécialisés s’avère particulièrement précieux.

 ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Réformer le système monétaire international
Analyses économiques - CAE
Agnès Bénassy-Quéré et al.
La réforme du système monétaire international (SMI) conserve aujourd’hui toute son actualité.  Cette réforme est rendue nécessaire au moins pour deux raisons essentielles. La première tient aux liens étroits qu’entretiennent les déséquilibres monétaires (instabilité des taux de change, déséquilibres des balances courantes, etc.) et les déséquilibres financiers (bulles spéculatives, crises bancaires ou de liquidité, etc.). Toute réforme de la régulation financière doit donc s’accompagner d’une réorganisation du système monétaire international. La seconde raison est liée aux mutations de l’économie mondiale dont le centre de gravité s’est déplacé vers l’Asie. Ainsi, avec la montée en puissance des grands pays émergents, un système monétaire centré sur le dollar n’est plus véritablement adapté à la multipolarité croissante.

L’industrie du jeu vidéo
Géoéconomie
Philippe Chantepie
C’est au  début des années 1960 qu’a été créé, par un programmeur du Massachusetts Institute of Technology (MIT), l’un des tout premiers jeux vidéo de l’histoire sur un ordinateur offert par la firme DEC au MIT. Au cours des   quarante dernières années, l’industrie du jeu vidéo a été marquée par de multiples développements. Souvent comparé au cinéma en salle par son chiffre d’affaires, ce secteur connaît actuellement encore des transformations majeures. Mais la benjamine des industries culturelles et de communication, est aujourd’hui, -  en passe de devenir la première industrie culturelle.

La croissance face au vieillissement
Sociétal
Mathilde Lemoine
Les conséquences globales du vieillissement sur la croissance demeurent pour la science économique difficiles à déterminer. L’allongement de la durée de la vie tendrait à limiter la capacité collective d’une nation à innover et ralentirait la diffusion des innovations dans l’ensemble de l’économie. Le vieillissement serait également un facteur de détérioration de l’offre de travail qui conduirait à un sous-emploi des seniors extrêmement pénalisant pour la croissance effective. En revanche, le ralentissement de la croissance démographique impliquerait un niveau plus élevé de capital par habitant et donc de la production par habitant. Enfin une durée de vie active plus longue favoriserait une meilleure accumulation du capital humain  qui est une source de croissance.

3066 La Chine, le grand tournant

- Le dernier aterrissage en douceur ? (Project Syndicate)
- A quoi ressemblera la Chine en 2030  (La Tribune - François Roche)
- Menaces sur la prospérité ? (Esprit)
-
Recherche et innovation : "le vrai Grand Bond en avant" (Le Débat)
- Le développemetn durable à la chinoise (Futuribles)
L'éclairage de Problèmes économqiues
Un développement inégal
- Chine : les chiffres clés
- La lente marche vers l'internationalisation du yuan
- Une Chine vieilleavant d'être riche
- Portraits des nouvzeaux dirigeants
- Les relations sino-américaines
Pour en savoir plus...
- Hommes-femmes : les inégalités salariales persitent
- Mieux connaître la société
- La gouvernance des projets d'infrastructure de transport

3067 Compétitivité 2.0

La compétitivité est au cœur est au cœur du débat économique en France. Cet automne, les décisions prises par le gouvernement à la suite de la publication du  rapport Gallois ont constitué une première étape historique qui pourrait permettre au pays de renouer avec la compétitivité.
 

3068 Management et entreprise

Un siècle de management
Alternatives économiques – Hors série
Marc Mousli
Si la pratique managériale est ancienne, sa formalisation n’a en revanche guère plus d’un siècle. C’est en effet au début du XXe siècle que sont publiés aux États-Unis et en France les premiers ouvrages sur le management moderne. Si les premières réflexions portent principalement sur l’organisation du travail au sein de l’entreprise, les problématiques abordées par les spécialistes du management vont, au fil du temps,  se complexifier. Le facteur humain devient progressivement un thème de recherche majeur : la psychologie inspirant alors de nombreux travaux. Par la suite, l’analyse du pouvoir et de la stratégie de l’entreprise deviendront des questions centrales des études sur le management. Aujourd’hui, les nouvelles approches managériales placent davantage  au cœur de la réflexion les questions liées à la motivation, à l’adhésion et à l’intégration des individus au sein de l’entreprise.

Qu'est-ce qu'une entreprise ?
Idées économiques et sociales
Olivier Weinstein
Depuis la fin du XIXe siècle, la firme est avec le marché une des institutions majeures du capitalisme. L’historien américain, Alfred Chandler, affirmait même que la grande entreprise moderne a joué  « le rôle le plus fondamental dans la transformation des économies occidentales ». Mais qu’est-ce véritablement qu’une entreprise ? La définition de cette institution reste particulièrement ardue. C’est à partir de l’article de l’économiste Ronald Coase, publié en 1937 et redécouvert dans les années 1960, sur « la nature de la firme » (« The Nature of the Firm ») que s’est construite la vision aujourd’hui dominante : la conception contractuelle. La firme a connu des transformations profondes tout au long de l’histoire du capitalisme. Celle-ci est aujourd’hui un système sophistiqué reposant sur des configurations organisationnelles complexes, et des réseaux de relations et de pouvoirs multiformes.

L’art du leadership
Financial Times Business Education
Simon Caulkin
Selon Peter Drucker, l’un des penseurs majeurs du management au XXe siècle, l’art de manager est un élément fondamental de toute activité humaine. Dans l’esprit de ce grand théoricien, le management n’est donc pas qu’une fonction inhérente à l’entreprise mais une fonction sociale. La vision de P. Drucker du management comme un « art libéral » puisant abondamment son inspiration des humanités semble pourtant aujourd’hui quelque peu désuète. Le pouvoir et la richesse des entreprises capitalistes se sont tellement accrus que le style de gestion qui leur est propre a essaimé dans la plupart des autres organisations : ONG, services publics, universités, etc. La leçon de Steve Jobs qui expliquait le succès de l’entreprise Apple par l’alliance réussie de la technologie, des arts libéraux et des humanités semble pourtant montrer encore aujourd’hui la fertilité de la conception du management développée jadis par P. Drucker.

Refonder le management : un projet de société
Cadres
Xavier Leflaive
La pratique managériale trouve en partie sa source dans les cadres juridiques et formels de l’entreprise. Elle est également liée à l’image que la collectivité se fait de cette dernière. Les nombreux maux dont souffrent aujourd’hui les salariés révèlent que le fossé qui s’est creusé entre l’entreprise telle qu’elle fonctionne et les attentes des citoyens est de plus en plus grand. Pourtant des méthodes alternatives de management existent et un nombre croissant de cadres souhaiterait s’en saisir. Mais cette refondation de la gestion des entreprises passe au préalable par un débat collectif sur la place et le rôle de l’entreprise au sein de la société.

Former ou éduquer à la gestion ?
L’Expansion Management Review
Éric-Jean Garcia
Toutes les grandes écoles de commerce françaises se fixent aujourd’hui comme objectif de former une nouvelle génération de dirigeants capables d’affronter les défis qui se posent en ce début de XXIe siècle  aux entreprises et à la société. La manière dont ce principe louable se traduit concrètement dans le projet éducatif de ces écoles pose toutefois bien des questions. Prises dans une logique de marché où priment le classement et l’employabilité de leurs diplômés, les business schools hexagonales manquent cruellement de marge de manœuvre. Leur volonté et leur capacité d’intégrer aux programmes qu’elles délivrent une véritable éducation au management apparaissent ainsi limitées.    

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Un siècle d’évasion fiscale
La vie des idées
Arnaud Bourgain et Skerdilajda
L’évasion fiscale ainsi que les transferts illicites de fonds issus de la corruption et du crime organisé sont au cœur du système économique et financier mondial. Après un long travail d’investigation, Nicholas Shaxson, journaliste financier britannique, montre dans un ouvrage paru en 2011, Treasure Islands. Tax Havens and the Men Who Stole the World, (publié en français, en 2012, sous le titre Les paradis fiscaux. Enquête sur les ravages de la finance néolibérale), comment la finance offshore est parvenue à infiltrer l’ensemble des relations économiques internationales.  Nicholas Shaxson replace dans une perspective historique le développement et le fonctionnement des centres offshore dont l’activité contribue notamment à la persistance de la corruption et de la pauvreté des pays en développement.

La taxe Tobin n’a pas d’incidence sur la volatilité
La lettre du CEPII
Gunther Capelle-Blancard et Olena Havrylchyk
Onze pays européens ont décidé d’appliquer – vraisemblablement à partir de 2014 - une taxe de 0,1 % sur les échanges d’actions et d’obligations et de 0,01 % sur les échanges de produits dérivés. C’est la première fois qu’une telle taxation au niveau supranational voit le jour. L’idée est pourtant ancienne, elle remonte à John Maynard Keynes dans les années 1930. Les opposants à la taxe sur les transactions financières avancent qu’elle rend non seulement les transactions plus coûteuses – un coût que l’utilisateur final risque de supporter -, mais qu’elle pourrait également augmenter la volatilité des marchés en diminuant la liquidité. Les études empiriques qui ont été menées jusque-là sur ce sujet ne décèlent cependant, malgré la baisse des volumes des transactions, aucun effet sur la volatilité.

Investissement à long terme et capitalisme familial
Revue d’économie financière
Christine Blondel
Les fonds disposés à financer des investissements à long terme et qui assument les risques associés sont une ressource rare au sein des circuits économiques. Dans ce contexte, le capitalisme familial et la place qu’il attribue au long terme fait figure d’exception. Cette particularité s’explique par la volonté de ces entreprises d’assurer leur pérennité et la transmission intergénérationnelle des entreprises. Les entreprises familiales accordent ainsi une importance primordiale à l’investissement à long terme que ce soit pour leur propre financement ou en tant qu’investisseurs dans d’autres entreprises. La forte implication dans la philanthropie et l’investissement social des propriétaires d’entreprises familiales apparaît comme une attitude conforme à cet intérêt particulier.

3069 Regards insolites sur la crise

Crise de l'innovation ou crise financière ? (Project Syndicate -Kenneth Rogoff)
Inégalités = endettement ? (Finances et développement - Michael Kumhof et Romain Ranciere)
En route vers "l'économie des zombies ?" (Frankfurter Allgemeine Zeitung - Philippe Plickert)
Un autre regard sur la répartition des richesses en Europe (Statistics Paper Series - BCE - Eurosystem Household Finance and Consumption Network)
Le succès du Bitcoin (monnaie électronique) ne se dément pas (L'Expansion - Raphaële Krayan)
Le "made in world" ne connaît pas la crise (Les Échos - Richard Hiault)
L'éclairage de Problèmes économiques
De la société post-industrielle à l'industrie 2.0
- un autre déséquilibre : l'engouement pour les actifs sûrs
- chiffres et faits insolites sur la crise
- qui sont les Européens les plus riches ?
- quel avenir pour la cybermonnaie ?
- rigueur ou relance : le débat n'en finit pas
Pour en savoir plus
Adam Smith, le père tranquille de l'analyse économique (La Revue des deux mondes - Annick Steta)
Réconcilier les Français avec la mondialisation (Commentaire - Mathilde Lemoine)
Quand les demandeurs d'emploi travaillent (Dares Analyses - Benoît Ourliac et Julie Rochut)

3070 Pauvreté et inégalités

Crise : en Europe, le pire est à venir
Revue Internationale du Travail
Paul de Beer
Contrairement a ce qui a pu être observé lors des précédentes crises, dans la plupart des pays européens les salaires horaires réels n’ont été que faiblement affectés par la récession. Cela s’explique notamment par les mesures de réduction de la durée du travail (chômage partiel), qui ont permis aux entreprises de baisser leurs coûts de main-d’œuvre sans toucher au salaire horaire. La rémunération hebdomadaire moyenne, en revanche, a diminué. Étonnamment, les inégalités se sont globalement atténuées en Europe, tandis que le taux de pauvreté s’est accru. Mais ces tendances masquent une grande disparité selon les pays. Une comparaison des effets de la crise sur cinq pays européens montre que  l’impact sur le montant des  revenus et leur répartition est très variable, selon les régimes de protection sociale, les forces institutionnelles en présence et les politiques publiques nationales. Toutefois, les mesures d’austérité prises en Europe n’ont pas à ce jour fait sentir tous  leurs effets, qui s’annoncent particulièrement néfastes, sur la pauvreté et les inégalités.  

L’Allemagne : triple « A » et pauvreté 
Le courrier
Thomas Schnee
Si l’Allemagne est aujourd’hui l’une des économies les plus compétitives de la zone euro, elle le paye par une pauvreté et une précarité importantes. Les « lois Hartz » menées à partir de 2003 par le gouvernement Schröder ont flexibilisé un marché du travail jusque-là très rigide, en durcissant les conditions d’obtention de l’allocation chômage et en facilitant le développement des « mini-jobs ». Depuis 2005, l’Allemagne a divisé par deux son taux de chômage. Mais 70 % des chômeurs allemands vivent en-dessous du seuil de pauvreté contre une moyenne de 45 % au sein de l’Union européenne (UE), et le pays compte 7,5 millions de travailleurs à temps partiel, rémunérés un maximum de 400 euros par mois. Les minis jobbers,  parfois en quête d’un simple revenu d’appoint, ne sont pas nécessairement en situation de pauvreté monétaire. Toujours est-il qu’en Allemagne,  le phénomène de la pauvreté ne se cantonne plus aux länder de l’est.

Un monde moins pauvre, mais plus inégalitaire
Finances & Développement
Branko Milanovic
Ces vingt dernières années, les inégalités entre riches et pauvres se sont creusées à l’intérieur des pays mais aussi entre les pays, alors même que le revenu moyen a augmenté. Les effets combinés du progrès technologique, des changements institutionnels, de l’évolution des normes et de la mondialisation  sont les principales causes du creusement des écarts de revenu dans les pays riches. Dans la plupart des  pays émergents, en l’absence de véritables politiques redistributives l’essor économique profite principalement aux catégories les plus riches de la population. L’inégalité globale, c’est-à-dire  entre les habitants du monde, est quant à elle beaucoup plus forte qu’il y a cinquante ans. Cependant, le « découplage économique » entre les pays en développement et les pays riches, accentué avec la crise, contrebalance l’accroissement des inégalités à l’intérieur des pays. La tendance de l’inégalité mondiale s’inscrit ainsi plus nettement à la baisse depuis 2008.

Logique d’assistance et stigmatisation des pauvres
Idées économiques et sociales
Nicolas Duvoux
Alors qu’elle s’est historiquement construite sur une logique d’assurance, la protection sociale française s’est peu à peu tournée vers une logique d’assistance. Pour combler les failles du système d’assurance sociale face au développement du chômage de masse, les pouvoirs publics ont en effet  privilégié des formes d’aides sociales « actives », envisagées de manière individualisée comme la contrepartie d’une démarche responsable. L’auteur montre que l’émergence de la logique d’assistance est venue bouleverser les représentations sociales de la pauvreté. Le ciblage des prestations sur les plus vulnérables participe d’une stigmatisation des pauvres, en les enfermant dans des dispositifs spécifiques. Des mécanismes objectifs tels que l’effet de seuil d’une part, et subjectifs tels qu’une partie du discours politique d’autre part,  nourrissent également un ressentiment plus général au sein de la population, qui tend à opposer les travailleurs précaires aux « assistés »,  deux catégories sociales pourtant très proches.

Comment réduire la pauvreté et les inégalités ?
L’Économie Politique
Denis Clerc
Les politiques sociales ont d’une manière générale tendance à se concentrer sur la lutte contre la pauvreté. Pourtant, dans l’optique d’une amélioration de la satisfaction et de la santé des citoyens, cette lutte n’est pas nécessairement la plus efficace, ni la plus facile à mener. Le sentiment de pauvreté individuelle au sein d’une société vient, pour une bonne part, de l’écart entre les conditions de vie personnelles et la condition de vie moyenne dans cette société.  La réduction de la pauvreté doit donc  aller de pair avec une baisse des inégalités. Celle-ci est possible, notamment grâce à des politiques fiscales limitant les niches fiscales, facteur principal de la dégressivité de l’impôt. La pauvreté, sous toutes ses formes, peut quant à elle être combattue de la façon la plus efficace par la création d’emplois, de qualité. Les deux objectifs – baisse de la pauvreté et baisse des inégalités – ne doivent pas être confondus, mais recherchés conjointement.

 ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Trading à haute fréquence, une innovation de trop
Esprit
Gabrielle Durana
La Bourse a davantage changé au cours des années récentes qu’au cours des deux derniers siècles. Au cœur du nouveau système, le trading à haute fréquence occupe désormais une place centrale. Dotés d’ordinateurs surpuissants et d’algorithmes complexes, des traders d’un nouveau genre opèrent un million de fois en une microseconde. Le plus important est d’être plus rapide que les autres. Cette pratique représente aujourd’hui 30 à 50 % du volume des transactions journalières en Europe et jusqu’à 75 % à Wall Street. Depuis 2010, plusieurs « krachs éclairs » sont venus montrer que le trading à haute fréquence avait rendu le système financier particulièrement instable. Les autorités des marchés financiers ont désormais pris conscience des risques liés à cette pratique.

Les jeunes issus de l’immigration face à l’emploi
Connaissance de l’emploi - CEE
Yaël Brinbaum et Géraldine Rieucau
La question des difficultés d’insertion professionnelle des jeunes issus de l’immigration a longtemps tardé à être inscrite à l’agenda politique. Entreprises, syndicats et responsables politiques s’attellent désormais à trouver des solutions pour lever les réticences à l’embauche, car il n’y a guère de doute que ces jeunes en particulier rencontrent plus de difficultés sur le marché du travail que les autres (taux de chômage et d’emploi précaire plus élevés). La façon dont les jeunes issus de l’immigration cherchent et trouvent un travail permet de mieux comprendre ces différences. Certains d’entre eux se distinguent en effet par leur propension à activer plus ou moins certains canaux (missions locales, candidatures spontanées…) ou à rechercher davantage certains types d’emploi (comme le travail indépendant), mais à caractéristiques individuelles similaires, les démarches de recherche dépendent davantage du niveau de diplôme, de l’origine sociale ou de l’expérience acquise que du pays d’origine des parents.

L’Asie à l’horizon 2020
Lettre Trésor-Éco
Stéphane Colliac
Région de loin la plus dynamique du monde au cours de la dernière décennie, l’Asie contribue aujourd’hui à plus des deux tiers de la croissance mondiale. La zone est engagée dans un processus de convergence progressive de son niveau de revenu vers celui des économies avancées. Les besoins essentiels restant néanmoins considérables, cette situation devrait favoriser la poursuite d’une dynamique de croissance d’ici à 2020. L’intégration régionale commerciale et financière des pays asiatiques est à l’œuvre depuis plusieurs années et est appelée à se renforcer. Le maintien du potentiel de croissance passe désormais dans la plupart des pays par une augmentation du taux d’investissement. En Chine et au Vietnam en revanche, si l’investissement a augmenté, il est devenu moins productif. Un rééquilibrage du modèle de croissance chinois vers la consommation devrait avoir lieu à terme.

n° 3071 Le Slow Made : une révolution

Du Slow Made à la Slow Économie
Les métiers d’art à mots découverts
Christophe Rioux
Depuis trente ans, ont émergé dans le sillage du mouvement Slow Food, en Italie, qui rejetait le modèle de la Fast Food, de nombreux autres mouvements se réclamant de la philosophie Slow. Parmi eux, le Slow Made, fondé récemment en France, en réaction à la crise de 2007-2008, se démarque des autres mouvements Slow en particulier parce que ses promoteurs se fixent comme objectif de refonder en profondeur notre modèle de croissance en posant les bases d’une autre économie : la Slow Économie. Le principe fondamental du Slow Made étant de repenser les modes de production et de consommation actuels, notamment les rapports qu’ils entretiennent au temps et à l’espace.

Slow Made, rompre avec notre modèle de croissance
Problèmes économiques - La Documentation française
Entretien avec Marc Bayard et Misha Pinkhasov
Près de cinq ans après le déclenchement de la crise économique la plus grave depuis celle des années 1930, bien des questions qu’elle a suscitées sur la pérennité de notre modèle de croissance demeurent ouvertes. Le Slow Made, un mouvement lancé très récemment et qui touche notamment les métiers de l’art et de la création, a justement pour ambition d’apporter quelques réponses qui représentent une remise en cause profonde de notre façon de produire et de consommer. Les promoteurs du Slow Made proposent ainsi de prendre de nouveau le temps nécessaire pour fabriquer des produits de qualité en rupture avec le système de la production de masse dans lequel l’obsolescence des objets est programmée. Ils aspirent également à éveiller la conscience du consommateur afin que l’acte d’achat s’inscrive dans une véritable démarche de responsabilité sociale et environnementale.

Quand les consommateurs prennent le pouvoir
La révolte des moutons - Éditions Autrement
Pascale Hébel
Selon le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CRÉDOC), 2013 est en termes de consommation la pire année depuis 1980. Cette tendance à la frugalité semble s’accompagner d’un changement dans les habitudes de consommation et dans notre relation aux objets. Ainsi, par contrainte ou par souci de préserver la planète, l’acte de consommation fait l’objet d’une véritable réflexion : le consommateur est désormais prêt à renoncer au statut de propriétaire unique d’un bien, il est également disposé à privilégier la sobriété proposée par certains produits low cost, ou à offrir une seconde vie aux objets en les revendant ou en les échangeant. Adoptés principalement par les jeunes, ces nouveaux modes de consommation pourraient être appelés à durer.

Réapprendre à maîtriser le temps
Alternatives économiques
Igor Martinache
Le temps, convention sociale, constitue dans notre société un enjeu central de pouvoir. Si nous disposons de davantage de temps, aujourd’hui, que dans les années de l’Après-guerre, ce temps libre est parfois contraint, c’est le cas pour ceux qui travaillent à temps partiel. Avec la flexibilisation des horaires, le temps s’est également désynchronisé : le temps du repos et des loisirs pour certains devient le temps du travail pour d’autres. Le temps libre devient rare, on croît qu’il s’accélère et nous ressentons le besoin de le rationaliser. Dans ces conditions, l’auteur nous explique que les activités hors-travail doivent être rentables : le temps libre sert à se cultiver, les loisirs des enfants doivent avoir une dimension éducative, etc. Retrouver la maîtrise du temps semble ainsi devenu pour chacun, en ce début de XXIe siècle, un défi majeur.

Slow Made, Slow Food, Slow City… De quoi parle-t-on ?
Sciences Humaines
Christophe Rymarski
Le Slow Made semble raisonner comme un lointain écho à d’autres mouvements baptisés Slow, nés il y a une trentaine d’années. En réalité, le Slow Made s’est inspiré des premiers mouvements Slow apparus en Italie, comme le Slow Food et la Slow City, il s’en est depuis considérablement éloigné puisque, contrairement à ceux-ci - et contrairement à ce que pourrait laisser penser son nom – il ne prône pas la lenteur. L’ensemble des mouvements Slow (Slow Food, Slow City, Slow Management, Slow Education, etc.) constituent un immense réseau touchant plus de vingt millions de personnes dans le monde. Ces derniers partagent tous l’idée selon laquelle aujourd’hui, tous les actes de la vie quotidienne s’effectuent dans la précipitation et que la technologie, censée nous faire gagner du temps, nous en fait, en réalité, perdre car elle permet d’accomplir toujours plus de choses dans une journée. Les mouvements Slow se différencient également du Slow Made en cela qu’ils se situent tous du côté de la demande alors que le Slow Made s’intéressera d’abord à l’offre.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Cinéma : l’enjeu asiatique
Télos
Monique Dagnaud
Le cinéma asiatique est en plein essor. Il s’appuie sur une demande locale dynamique - dont la préférence pour les films nationaux se précise -  ainsi que sur une production en pleine expansion, notamment en Inde, en Chine et au Japon. Ainsi, l’industrie cinématographique américaine, qui domine pourtant largement le marché mondial, peine à toucher les cinéphiles asiatiques. Ces derniers sont en effet davantage sensibles à une offre singulière se référant à la culture locale et reconnaissable à l’utilisation de problématiques et styles narratifs qui leur  sont propres. Cette particularité asiatique, une « richesse » pour certains, pourrait néanmoins expliquer la difficulté des  pays de ce continent à atteindre une audience mondiale.

La bioéconomie, un secteur d’avenir
Réalités industrielles
Frédéric Sgard et Yuko Harayama
Les biotechnologies ont pris leur essor à la suite des découvertes spectaculaires de ces cinquante dernières années  sur le vivant. Les avancées scientifiques majeures des décennies 1990 et 2000 ont été particulièrement déterminantes dans l’influence de ces technologies sur l’économie. La bioéconomie regroupe les applications des biotechnologies dans trois grands secteurs : l’agriculture, la santé et l’industrie. La transition de notre modèle économique vers plus de durabilité, un souci croissant pour l’environnement et une moindre dépendance vis-à-vis des ressources naturelles offrent aux biotechnologies un avenir prometteur. Ce potentiel demandera toutefois pour s’exprimer pleinement la mise en œuvre de politiques volontaristes afin d’aplanir les obstacles qui en limite aujourd’hui le développement.

La ré-industrialisation : nouveau défi des États-Unis ?
Géoéconomie
Laurence Daziano
Depuis les années 1970, plusieurs pays (États-Unis, Royaume-Uni, France, Espagne, Portugal, etc.) voient la part de leur industrie dans le produit intérieur brut (PIB) reculer. Ce phénomène se traduit par des délocalisations vers les pays émergents, des pertes d’emploi massives et un déficit de la balance commerciale. Les États-Unis semblent pourtant s’être engagés dans la voie de la ré-industrialisation, profitant de la conjugaison de plusieurs facteurs : augmentation des coûts de production dans les pays émergents, coût salarial américain relativement bas, baisse des prix énergétiques due à l’exploitation des gaz de schiste et politique publique volontariste. Le succès de General Motors, pourtant au bord de la faillite en 2008, illustre bien ce nouveau souffle dans le secteur industriel américain.

Hors-série PE n° 4 Comprendre les politiques économiques

Les politiques économiques, pourquoi et comment ?
Le cadre théorique de la politique économique : quelles évolutions ? (Hubert Kempf)
Les échelons multiples de l’intervention publique (Christophe Demazière)
Les politiques économiques dans une économie mondialisée : contraintes et enjeux (Sophie Brana)
Les politiques économiques dans l’Union européenne : interdépendances et choix institutionnels (Franck Lirzin)
Pour ou contre les règles de politique budgétaire ? (Jérôme Creel)
Les dépenses publiques sont-elles trop élevées en France ? (Adrien Matray)
Comment évaluer les politiques publiques ? (Antoine Bozio)
Instruments et objectifs des politiques économiques
Les politiques budgétaires à l’heure de la consolidation des finances publiques (Gilbert Koenig)
La politique monétaire, quel renouvellement avec la crise ? (Christian Bordes)
Les politiques fiscales dans les pays de l’OCDE : comparaisons, évolutions (Jacques Le Cacheux)
Les politiques sociales : quel avenir ? (Philippe Batifoulier)
Les politiques de l’emploi : des objectifs multiples (Christine Erhel)
La politique industrielle au cœur des enjeux français et européens (Pierre-Noël Giraud)
La politique commerciale à l’heure de la mondialisation (Michel Rainelli)
Les modèles de développement après le consensus de Washington (Philippe Hugon)

n° 3072 Salaires et justice

Les inégalités de salaires dans les pays de l’OCDE
Revue de l’IRES
Estelle Sommeiller
La fin des Trente Glorieuses a mis un terme à la forte hausse des salaires et du niveau de vie dans les pays industrialisés. Depuis le début des années 1980, les inégalités salariales n’ont eu de cesse de se creuser avec néanmoins des différences notables entre les pays. Ainsi, dans le monde anglo-saxon et dans la plupart des pays d’Europe du Nord, ces inégalités se sont accrues de manière significative. En revanche, les inégalités de salaire demeurent particulièrement faibles en Italie et en Norvège. Au-delà des différences, on observe plusieurs traits communs, notamment le développement des bas salaires et l’envolée des hautes rémunérations. La crise semble renforcer ces phénomènes : depuis 2008, les hauts salaires augmentent de nouveau et le salaire moyen stagne.

Rémunération des dirigeants : Qui doit réguler ? Et comment ?
Rapport Moral sur l’Argent dans la Monde 2013
Daniel Lebègue et Alain Martel
La rémunération des dirigeants d’entreprise est un défi de taille posé à la bonne gouvernance des firmes. Malgré d’incontestables progrès en matière de gouvernance d’entreprise depuis le début des années 2000, des excès de certaines hautes rémunérations persistent, portant notamment sur le niveau de leur progression et parfois même, sur  leur décorrélation avec la performance réelle de l’entreprise. Certes, les conseils d’administrations s’accordent sur certains principes – transparence, modération, responsabilité – mais de nombreuses questions restent en suspens : est-ce à l’État d’intervenir ? Comment renforcer la responsabilité des conseils d’administration ? L’autorégulation peut-elle être une solution? En Europe et en Amérique du Nord, le débat s’est focalisé sur le principe du say on  pay, c’est-à-dire du droit reconnu des assemblées générales des actionnaires de se prononcer par un vote sur la rémunération fixe et variable des mandataires. Ce principe est-il suffisant ?

À quel niveau fixer les salaires minima ?
Journal international de recherche syndical
Patrick Belser et Kristen Sobeck
La question du salaire minimum est débattue depuis des décennies. De nombreuses études ont ainsi été consacrées aux conséquences des modifications marginales du niveau des salaires minima. Par ailleurs, si les économistes ne parviennent toujours pas à se mettre d’accord sur le bien fondé de la fixation de salaires minima, dans plus de 90 % des pays, ce type de dispositif est appliqué. Les questions complexes auxquelles les gouvernements sont confrontés restent cependant nombreuses : à quel niveau fixer et comment ajuster le salaire minimum. Afin d’aider les gouvernements et les partenaires sociaux à résoudre ces questions, l’Organisation internationale du travail (OIT) propose un cadre d’évaluation. Celui-ci prend en compte les besoins des travailleurs eu égard au niveau général des salaires, du coût de la vie et des prestations sociales, ainsi que des facteurs économiques comme la productivité et le niveau de l’emploi.

Sexe, rémunération et inégalités
La Pensée
Rachel Silvera
L’écart de rémunération entre les sexes est une réalité persistante : le salaire des hommes est en moyenne plus d’un quart supérieur à celui des femmes. Pour définir cet écart, on raisonne en moyenne mêlant toutes les formes d’inégalités : en termes d’accès à un emploi qualifié ou d’accès aux secteurs les plus rémunérateurs face au temps de travail. Pour les économistes, ce qui n’est pas expliqué par de telles variables – le résidu -  serait en fait le vrai cœur de la discrimination salariale. Pour d’autres qui réfutent cette approche, les discriminations de sexe existent dès l’entrée sur le marché du travail et perdurent tout au long de la carrière. De ce point de vue, la discrimination n’est pas une donnée exogène au marché du travail, mais le fruit de stéréotypes de genre. Des décisions de justice récentes semblent donner plus de crédit à cette forme de discrimination entre les sexes.

Qu’est-ce qu’un salaire juste ?
Forum Wirtschaftsethik
Michael Assländer
Depuis les temps les plus anciens, les hommes se sont posé la question du juste salaire – sans parvenir à y apporter une réponse satisfaisante. Pour les philosophes antiques, toute « chose », y compris le travail, a son juste prix. Aristote posait en principe d’équité que chacun ne soit pas payé seulement en fonction de sa performance mais aussi de ses mérites. Les philosophes du moyen-âge ont  ajouté à la réflexion la dimension d’un salaire de subsistance.  La conception moderne de ce qu’est un salaire juste revient à Adam Smith. Le philosophe et économiste écossais définit une série de critères. Ainsi, la rémunération varie en fonction de l’agrément de celle-ci, de l’effort déployé, de la dangerosité du travail, mais également de la durée effective d’occupation du travailleur, ainsi que des perspectives d’avenir. Aujourd’hui, le débat se poursuit autour des questions relatives au salaire minimum, à l’encadrement des hauts revenus, etc. Le sentiment de l’injustice sociale demeure néanmoins et, avec lui, l’impression que gain et mérite ne vont pas toujours de pair.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

La Croatie : nouvel État membre de l’UE
Financial Times
Neil Buckley
Le 1er juillet 2013, la Croatie est devenue le vingt-huitième État membre de l’Union européenne (UE). Deuxième pays de l’ancienne Yougoslavie, après la Slovénie, à intégrer l’UE, cette adhésion, en faisant de la Croatie un pays européen comme les autres, met un terme définitif à l’épisode sanglant qu’a été la guerre d’indépendance au début des années 1990. S’il n’y a eu aucun État post-communiste, dont le processus d’adhésion n’ait été suivi avec autant de soins par la commission de Bruxelles, de nombreux doutes persistent néanmoins sur  la capacité du pays à réussir son intégration. Cette économie du sud-est de l’Europe est en effet particulièrement fragile. En outre, l’État souffre de nombreux maux, notamment d’une corruption, qui en dépit d’une lutte déterminée des autorités croates, continue de prospérer. 

Diversité des canaux de redistribution
Sociétal
François Écalle
La fiscalité n’est ni l’unique canal de redistribution des revenus, ni le plus puissant : les prestations sociales, hors retraites, ont un impact deux fois plus important. Ces canaux relativement transparents ont des effets redistributifs assez proches en France et dans les autres pays européens.  Toutefois, la politique de redistribution passe également par des circuits plus flous, voire totalement opaques : fourniture de biens et services non marchands, taxation du capital des entreprises, tarification des services publics marchands, réglementation. En France, l’État recourt plus qu’ailleurs à ce type de canaux redistributifs. La politique de redistribution relevant d’un choix politique, le travail de l’économiste est de se prononcer sur l’efficacité de cette politique et sur ses effets sur l’emploi et le pouvoir d’achat.

L’Afrique est-elle vraiment bien partie ?
L’Économie politique
Henri-Bernard Solignac-Lecomte
L’afro-optimisme est-il une illusion de plus projetée sur l’Afrique ? La croissance observée ces dernières années constitue-t-elle un véritable décollage économique analogue à celui des pays asiatiques ? L’analyse économique et sociale incite à plus de réserve. Les ressources naturelles encore peu exploitées et la jeunesse de la population offrent un beau potentiel, mais le sous-développement des infrastructures, l’inadéquation de l’éducation et de la formation à l’emploi, le poids de l’économie informelle et de l’agriculture familiale, constituent un frein majeur. Les réformes structurelles sont indispensables et dépendent largement de la formation d’élites locales compétentes et dégagées de la corruption. Alors l’Afrique sera « vraiment partie »…

N° 3073 Nourrir la planète

Résoudre la crise alimentaire
L’Annuel de l'OCDE 2013
Ken Ash
En ce début de XXIe siècle, garantir la sécurité alimentaire mondiale reste parmi les défis majeurs auxquels a à faire face l’humanité. À moins de deux ans de l’échéance, fixée en 2015, il est désormais difficilement envisageable d’atteindre le premier objectif du Millénaire pour le développement (OMD), à savoir diviser par deux la part de la population souffrant de la faim au cours de la période 1990-2015. Si sur le front de la malnutrition des progrès ont été réalisés cette évolution s’est ralentie récemment. Avec plus de 850 millions de personnes souffrant de la faim, ce phénomène reste très préoccupant. Enfin, dans certaines régions les plus touchées par ce fléau, principalement situées en Afrique ou en Asie de l’Est, on n’a observé aucune amélioration au cours des dernières années.

Prix interntaionaux des produits alimentaires : volatilité ou hausse durable ?
Revue Tiers Monde
Benoît Daviron
Depuis 2006, les marchés internationaux de produits alimentaires ont connu à deux reprises une flambée des prix. De nombreux débats et études ont été consacrés à cette question. Le rapport du Panel d’experts de haut niveau du Comité de la sécurité alimentaire (HPLE) a cherché à synthétiser l’ensemble de ces travaux. Trois grandes interprétations complémentaires  expliquant le comportement récent des prix des produits alimentaires peuvent être retenues : la première considère que le phénomène relève de la volatilité des prix agricoles, la deuxième met l’accent sur l’existence de crises alimentaires périodiques en lien avec la dynamique de l’investissement public tant dans la production que dans l’utilisation des produits agricoles, enfin la troisième voit dans les flambées des prix le signe avant-coureur d’une pénurie persistante sur les marchés agricoles.

Fonds d’investissement et sécurité alimentaire
Techniques Financières et Développement
Marie Garcin et Gilles Peltier
Depuis les émeutes de la faim de 2008, qui ont touchés de nombreux pays africains, garantir la sécurité alimentaire est devenue un objectif majeur pour la communauté internationale. Les investisseurs publics et privés sont invités à unir leurs efforts dans le but d’améliorer la productivité agricole en Afrique subsaharienne. En l’absence de stratégies efficaces et durables, les résultats restent toutefois jusqu’à présent très décevants. Premier fonds d’investissement consacré à la sécurité alimentaire en Afrique, African Agriculture Fund est un partenariat public-privé innovant qui associe des institutions de développement, soucieuses de l’orientation stratégique des projets, et des investisseurs privés qui apportent une impulsion entrepreneuriale. Il devrait contribuer à une structuration des filières agricoles et ouvrir des perspectives prometteuses pour les paysans du continent.

La ruée mondiale vers l’or vert
Finances & Développement
Rabah Arezki, Klaus Deininger et Harris Selod
L’envolée des prix internationaux des produits alimentaires en 2007-2008 a entraîné une importante vague d’acquisitions de terres agricoles par des étrangers. Trendeo, une société spécialisée dans la veille et la collecte d’informations s’inspirant d’une méthode employée par l’Organisation non gouvernementale (ONG) GRAIN, validée par la Banque mondiale, a relevé un pic pour ce type d’investissement au cours de l’année 2009 avec 33 millions d’hectares échangés. Dans un rapport publié en 2010, la Banque mondiale mettait en garde contre le danger potentiel que représente pour les pays en développement la cession de grandes surfaces agricoles. Les petits paysans qui alimentent les marchés locaux pourraient  d’être évincés au bénéfice d’exploitations intensives entièrement consacrées à l’exportation vers les pays riches, sans parler du risque que les terres soient bradées au mépris des droits locaux. D’autres en revanche voient dans ces acquisitions transnationales une opportunité de rattraper des décennies de sous-investissement dans le secteur agricole.

L’avenir du système alimentaire mondial
Futuribles
Jean-Louis Rastoin et Gérard Ghersi
Selon l’Organisation des Nations unies (ONU), la terre pourrait compter deux milliards d’habitants supplémentaires d’ici 2050, soit neuf milliards de personnes.  Cette perspective soulève un immense défi en termes d’alimentation, quand on sait qu’environ 15 % de la population mondiale est encore sous-alimentée. Le système alimentaire agro-industriel tertiarisé tend aujourd’hui à se généraliser sous l’effet d’une consommation de masse de produits de plus en plus identiques. À l’horizon 2050, deux scénarios prospectifs sont envisagés celui de la continuité qui verrait le renforcement du système agro-industriel à grande échelle, et celui de la rupture qui proposerait un modèle alternatif basé sur un système alimentaire de proximité. Ces scénarios sont examinés au regard de quatre critères de développement durable : la performance économique, la préservation écologique, l’équité sociale et la gouvernance participative.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Reconstruire la Grande Europe
Notre Europe
Entretien de Jacques Delors avec Teresa de Sousa
À l’occasion d’une visite au Portugal, effectué en juin 2013, Jacques Delors, président de la Commissioneuropéenne de 1985 à 1994 et fondateur du think tank « Notre Europe » a accordé un entretien à Teresa de Sousa du quotidien portugais Público dans lequel il analyse  les racines de la crise européenne et donne son point de vue  sur les mesures prises pour y faire face. Au cours de cet échange, il revient sur le rôle des institutions européennes durant la crise et notamment de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne (BCE). L’ancien président dela Commission formule enfin un certain nombre de recommandations susceptibles de redonner aux peuples européens confiance dans l’avenir.

EAU : LA BATAILLE DU NIL
Financial Times
Katrina Manson et Borzou Daragahi
« L’Égypte est un don du Nil » écrit Hérodote en 450 avant Jésus-Christ. Et pourquoi pas les pays en amont ? Pendant plus de quatre millénaires, l’Égypte fut le seul bénéficiaire des eaux du Nil. Le pays le plus en aval estime ainsi avoir des droits historiques sur son exploitation, prolongés par la signature de deux traités : le premier en 1929 avec la puissance coloniale britannique et le second avec le Soudan en 1959. L’Égypte, en plus d’un droit de veto sur tout projet de construction sur le Nil décidé en amont, dispose depuis cette date de 66 % du débit annuel du fleuve, le Soudan 22 %. Après s’être longtemps accommodés de ces accords, les pays en amont créent en 1999 l’Initiative du bassin du Nil pour promouvoir une répartition plus équitable des eaux du fleuve. Les accords d’Entebbe de 2010, signés par six pays en aval (Éthiopie, Kenya, Tanzanie, Rwanda, Burundi, Ouganda,) remettent plus clairement en cause l’hégémonie égyptienne et soudanaise. Par ailleurs, la construction éthiopienne du Grand barrage de la Renaissance renforce les désaccords régionaux sur l’exploitation du Nil.

Iran : les sanctions ont un fort impact sur l’économie
Alternatives internationales
Entretien avec Nader Habibi par Yann Mens
Depuis sa naissance en 1979,la République islamique d’Iran n’est jamais parvenue à établir des relations « normales » avec la communauté économique internationale. Les révélations relatives aux ambitions nucléaires iraniennes au début des années 2000 ont marqué un tournant dans les relations internationales du pays. Après l’échec des négociations diplomatiques sur ce dossier, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une série de résolutions qui ont ouvert la voie à des sanctions économiques de plus en plus sévères contre l’Iran. Des mesures additionnelles à celles des Nations unies ont été de surcroît prises de manière unilatérale par les Occidentaux. Si les sanctions internationales n’ont pas empêché le pays de poursuivre son programme nucléaire, elles ont néanmoins infligé à son économie des dégâts considérables.

n° 3074 Bilan de l'économie française 2013

La crise n’a pas fait chuter la fécondité
Population et sociétés
Gilles Pison
Au 1er janvier 2013, la France métropolitaine compte 63,7 millions d’habitants auxquels s’ajoutent 2,1 millions d’habitants des départements d’outre-mer, soit un total de 65,8 millions. Alors que dans la plupart des pays développés, l’incertitude suscitée par la crise économique et la montée du chômage a fait chuter la fécondité, c’est le cas notamment aux États-Unis, la France a échappé jusqu’à présent à ce mouvement général. Passant de 2,02 en 2010 à 2,00 en 2011, la baisse de la fécondité est en effet restée très limitée. Cette évolution s’explique d’une part, par le fait que dans notre pays, la récession a été moins forte qu’ailleurs, l’économie française ayant relativement mieux résisté à la crise que certains de ses voisins. D’autre part, parce que les politiques sociale et familiale ont servi d’amortisseur au choc de la récession.

La dégradation du marché du travail se poursuit
DARES-Analyses
Claude Minni et al
Avec la contraction de l’activité économique, la dégradation du marché du travail  entamée au deuxième semestre 2011 s’est poursuivie en 2012. Plus de 50 000 emplois ont été détruits au cours de l’année en France métropolitaine. Le taux d’emploi des 15-64 ans a cependant augmenté de 0,2 point, s’inscrivant en baisse entre 15 et 54 ans et en forte hausse entre 55 et 64 ans. Le recul de l’emploi en 2012 s’explique d’abord par la perte de 61 000 postes d’intérimaires. Le taux de chômage en augmentation de 0,8 point en un an s’établit à 10,5 % pour l’ensemble dela France (10,1 % pour la Francemétropolitaine).  Avec respectivement, plus de 10 % et 25 %, les taux de chômage des hommes et des jeunes atteignent des pics historiques.

Le PIB stagne, le pouvoir d’achat recule
INSEE Première
Anne-Juliette Bessone, Vladimir Passeron et Hélène Soual
Alors que la croissance économique a été positive en 2011, celle-ci a été nulle en 2012 : en euros constants le produit intérieur brut (PIB) a en effet stagné. L’investissement des entreprises ainsi que leurs stocks ont diminué. Il en a été de même pour la consommation des ménages et cela pour la première fois depuis vingt ans. La demande intérieure étant atone, les importations ont décru tandis que les exportations ont continué de progresser. Le ralentissement des revenus d’activité et du patrimoine a provoqué un recul du pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages. Quant aux sociétés non financières, leurs taux de marge et d’autofinancement baissent de nouveau.

Le revenu disponible brut des ménages reste stable
Note de conjoncture de l’INSEE
Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), après avoir légèrement diminué (- 0,9 %) en 2012, le revenu disponible brut des ménages s’est en 2013 stabilisé, en partie grâce au ralentissement des prix à la consommation. Les revenus d’activité (+ 0,9 % en 2013 contre + 1 % l’année précédente) et les prestations sociales (+ 3,5 % en 2012 contre + 4 % en 2011) ralentissent. C’est le cas également des prélèvements obligatoires (+ 4, 6 % après + 7,4 % en 2011) permettant une légère progression du revenu disponible brut en termes nominaux.

Nouvelle dégradation des transactions courantes
Balance des paiements et position extérieure de la France
Banque de France
Le solde des transactions courantes dela France, qui résulte des flux économiques de biens, de services et de revenus entre résidents et non-résidents enregistre un déficit de 44,4 milliards d’euros soit 2,2 % du produit intérieur brut (PIB) contre 35 milliards (1,8 %) en 2011. Cette situation déficitaire perdure depuis 2005. Contrairement aux années précédentes, la détérioration du solde des transactions courantes en 2012 s’explique notamment par le repli du solde (excédentaire) des revenus. Les échanges de biens ont été plus dynamiques et l’excédent des services a même augmenté. Quant aux flux d’investissement directs, ils se soldent en 2012 par des sorties nettes de 28 milliards et des entrées de 18,6 milliards d’euros, soit une sortie nette de 9,4 milliards d’euros. Ce qui constitue une baisse significative par rapport à 2011.

Réduction du déficit commercial
Le Chiffre du commerce extérieur 2012
DGDDI
L’année 2012 a été marquée par l’essoufflement des échanges. La réduction du déficit manufacturier a permis de ramener le déficit commercial de la France à – 67,2 milliards contre – 74 milliards en 2011. Les contre-performances de l’industrie automobile et des produits agricoles ont affecté les exportations françaises. A contrario, l’industrie aéronautique et spatiale a réalisé des livraisons record, + 18,3 % contre + 0,6 % en 2011. De même, les ventes de produits liés à la santé, en particulier du secteur pharmaceutique ont repris vigoureusement, après un fléchissement l’année précédente. De leur côté, les exportations de produits de l’industrie du luxe sont restées bien orientées. Quant aux importations, elles ne progressent plus que faiblement, en raison du recul des achats automobiles, des produits métallurgiques et de machines et équipements.

Lente poursuite du redressement des finances publiques
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Cour des comptes
Le redressement des finances publiques s’est poursuivi en 2012. Malgré un important effort pour le réduire, le déficit public n’a cependant baissé que de 0,5 point pour s’établir à 4,8 % du produit intérieur brut (PIB). Cette faible amélioration tient surtout à la faiblesse de l’activité économique – la croissance a été nulle en volume – et à l’accroissement de la composante conjoncturelle du déficit. Par conséquent, la dette publique n’a pas pu être stabilisée : elle a même cru de plus de 4 points pour s’établir à 90,2 % du PIB. Cette tendance à la hausse de l’endettement public risque de se reproduire en 2013. En ce qui concerne la ventilation du déficit, ce sont - comme les années précédentes - les administrations publiques centrales qui concentrent l’essentiel du déficit.

 ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Quand la voiture devient contrainte
Revue Projet
Jean-Pierre Orfeuil
La diffusion massive de l’automobile individuelle à partir des années 1930 a structuré l’espace urbain : construction d’hypermarchés en périphérie des villes, de voies à grande vitesse, de parking y compris à proximité des lieux historiques, multiplication des « banlieues-dortoirs », etc. La hausse importante de certaines charges (loyers, transports ou remboursement de prêts immobiliers), l’augmentation des prix pétroliers et la baisse concomitante des revenus ces dernières années constituent un goulot d’étranglement pour un nombre croissant de ménages. Autrefois symbole de liberté, l’utilisation de la voiture devient une dépendance qui rogne le budget des plus modestes. Les considérations écologiques récentes soulignent elles aussi la nécessité d’atténuer les méfaits voire d’imaginer un modèle alternatif au « tout voiture ».

Suisse : un franc succès
Conjoncture BNP Paribas
Catherine Stephan
Au cours de l’année 2011, le franc suisse a connu des variations inhabituelles à la hausse. Malgré les interventions massives de la Banque nationale suisse (BNS), l’appréciation de la monnaie s’est fortement accélérée durant l’été, notamment contre l’euro, pénalisant ainsi fortement les exportations. En septembre 2011, lorsque le franc a frôlé la parité contre l’euro, la BNS a décidé de fixer un taux plancher de 1,20 pour un euro. Dans l’immédiat, la menace de déflation qui planait sur la Suisse s’est éloignée. Mais cette stratégie n’est pas sans risque. Elle entraîne une expansion importante du bilan de la Banque nationale suisse qui expose le pays sur les marchés des changes et des taux. Par ailleurs, la Confédération helvétique s’est davantage liée à la zone euro : fin 2012, elle détenait près de 15 % des réserves de change en euro.

3074 Bilan de l'économie française 2013


La crise n’a pas fait chuter la fécondité
Population et sociétés
Gilles Pison
Au 1er janvier 2013, la France métropolitaine compte 63,7 millions d’habitants auxquels s’ajoutent 2,1 millions d’habitants des départements d’outre-mer, soit un total de 65,8 millions. Alors que dans la plupart des pays développés, l’incertitude suscitée par la crise économique et la montée du chômage a fait chuter la fécondité, c’est le cas notamment aux États-Unis, la France a échappé jusqu’à présent à ce mouvement général. Passant de 2,02 en 2010 à 2,00 en 2011, la baisse de la fécondité est en effet restée très limitée. Cette évolution s’explique d’une part, par le fait que dans notre pays, la récession a été moins forte qu’ailleurs, l’économie française ayant relativement mieux résisté à la crise que certains de ses voisins. D’autre part, parce que les politiques sociale et familiale ont servi d’amortisseur au choc de la récession.

La dégradation du marché du travail se poursuit
DARES-Analyses
Claude Minni et al
Avec la contraction de l’activité économique, la dégradation du marché du travail  entamée au deuxième semestre 2011 s’est poursuivie en 2012. Plus de 50 000 emplois ont été détruits au cours de l’année en France métropolitaine. Le taux d’emploi des 15-64 ans a cependant augmenté de 0,2 point, s’inscrivant en baisse entre 15 et 54 ans et en forte hausse entre 55 et 64 ans. Le recul de l’emploi en 2012 s’explique d’abord par la perte de 61 000 postes d’intérimaires. Le taux de chômage en augmentation de 0,8 point en un an s’établit à 10,5 % pour l’ensemble dela France (10,1 % pour la Francemétropolitaine).  Avec respectivement, plus de 10 % et 25 %, les taux de chômage des hommes et des jeunes atteignent des pics historiques.

Le PIB stagne, le pouvoir d’achat recule
INSEE Première
Anne-Juliette Bessone, Vladimir Passeron et Hélène Soual
Alors que la croissance économique a été positive en 2011, celle-ci a été nulle en 2012 : en euros constants le produit intérieur brut (PIB) a en effet stagné. L’investissement des entreprises ainsi que leurs stocks ont diminué. Il en a été de même pour la consommation des ménages et cela pour la première fois depuis vingt ans. La demande intérieure étant atone, les importations ont décru tandis que les exportations ont continué de progresser. Le ralentissement des revenus d’activité et du patrimoine a provoqué un recul du pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages. Quant aux sociétés non financières, leurs taux de marge et d’autofinancement baissent de nouveau.

Le revenu disponible brut des ménages reste stable
Note de conjoncture de l’INSEE 
Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), après avoir légèrement diminué (- 0,9 %) en 2012, le revenu disponible brut des ménages s’est en 2013 stabilisé, en partie grâce au ralentissement des prix à la consommation. Les revenus d’activité (+ 0,9 % en 2013 contre + 1 % l’année précédente) et les prestations sociales (+ 3,5 % en 2012 contre + 4 % en 2011) ralentissent. C’est le cas également des prélèvements obligatoires (+ 4, 6 % après + 7,4 % en 2011) permettant une légère progression du revenu disponible brut en termes nominaux.

Nouvelle dégradation des transactions courantes 
Balance des paiements et position extérieure de la France 
Banque de France
Le solde des transactions courantes dela France, qui résulte des flux économiques de biens, de services et de revenus entre résidents et non-résidents enregistre un déficit de 44,4 milliards d’euros soit 2,2 % du produit intérieur brut (PIB) contre 35 milliards (1,8 %) en 2011. Cette situation déficitaire perdure depuis 2005. Contrairement aux années précédentes, la détérioration du solde des transactions courantes en 2012 s’explique notamment par le repli du solde (excédentaire) des revenus. Les échanges de biens ont été plus dynamiques et l’excédent des services a même augmenté. Quant aux flux d’investissement directs, ils se soldent en 2012 par des sorties nettes de 28 milliards et des entrées de 18,6 milliards d’euros, soit une sortie nette de 9,4 milliards d’euros. Ce qui constitue une baisse significative par rapport à 2011.

Réduction du déficit commercial
Le Chiffre du commerce extérieur 2012
DGDDI
L’année 2012 a été marquée par l’essoufflement des échanges. La réduction du déficit manufacturier a permis de ramener le déficit commercial de la France à – 67,2 milliards contre – 74 milliards en 2011. Les contre-performances de l’industrie automobile et des produits agricoles ont affecté les exportations françaises. A contrario, l’industrie aéronautique et spatiale a réalisé des livraisons record, + 18,3 % contre + 0,6 % en 2011. De même, les ventes de produits liés à la santé, en particulier du secteur pharmaceutique ont repris vigoureusement, après un fléchissement l’année précédente. De leur côté, les exportations de produits de l’industrie du luxe sont restées bien orientées. Quant aux importations, elles ne progressent plus que faiblement, en raison du recul des achats automobiles, des produits métallurgiques et de machines et équipements.

Lente poursuite du redressement des finances publiques
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Cour des comptes
Le redressement des finances publiques s’est poursuivi en 2012. Malgré un important effort pour le réduire, le déficit public n’a cependant baissé que de 0,5 point pour s’établir à 4,8 % du produit intérieur brut (PIB). Cette faible amélioration tient surtout à la faiblesse de l’activité économique – la croissance a été nulle en volume – et à l’accroissement de la composante conjoncturelle du déficit. Par conséquent, la dette publique n’a pas pu être stabilisée : elle a même cru de plus de 4 points pour s’établir à 90,2 % du PIB. Cette tendance à la hausse de l’endettement public risque de se reproduire en 2013. En ce qui concerne la ventilation du déficit, ce sont - comme les années précédentes - les administrations publiques centrales qui concentrent l’essentiel du déficit.

 ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Quand la voiture devient contrainte
Revue Projet
Jean-Pierre Orfeuil
La diffusion massive de l’automobile individuelle à partir des années 1930 a structuré l’espace urbain : construction d’hypermarchés en périphérie des villes, de voies à grande vitesse, de parking y compris à proximité des lieux historiques, multiplication des « banlieues-dortoirs », etc. La hausse importante de certaines charges (loyers, transports ou remboursement de prêts immobiliers), l’augmentation des prix pétroliers et la baisse concomitante des revenus ces dernières années constituent un goulot d’étranglement pour un nombre croissant de ménages. Autrefois symbole de liberté, l’utilisation de la voiture devient une dépendance qui rogne le budget des plus modestes. Les considérations écologiques récentes soulignent elles aussi la nécessité d’atténuer les méfaits voire d’imaginer un modèle alternatif au « tout voiture ».

Suisse : un franc succès
Conjoncture BNP Paribas
Catherine Stephan
Au cours de l’année 2011, le franc suisse a connu des variations inhabituelles à la hausse. Malgré les interventions massives de la Banque nationale suisse (BNS), l’appréciation de la monnaie s’est fortement accélérée durant l’été, notamment contre l’euro, pénalisant ainsi fortement les exportations. En septembre 2011, lorsque le franc a frôlé la parité contre l’euro, la BNS a décidé de fixer un taux plancher de 1,20 pour un euro. Dans l’immédiat, la menace de déflation qui planait sur la Suisse s’est éloignée. Mais cette stratégie n’est pas sans risque. Elle entraîne une expansion importante du bilan de la Banque nationale suisse qui expose le pays sur les marchés des changes et des taux. Par ailleurs, la Confédération helvétique s’est davantage liée à la zone euro : fin 2012, elle détenait près de 15 % des réserves de change en euro.

3075 Faut-il en finir avec l'austérité ?

Erreurs de prévision : quand le FMI fait son mea culpa
FMI – Working Paper
Olivier Blanchard et Daniel Leigh
Avec la crise, le niveau de l’endettement public a fortement augmenté dans les économies avancées depuis 2008. Afin de maintenir la confiance des marchés, notamment financiers, le Fonds monétaire international (FMI) a appelé à une réduction de ces dettes à moyen terme. Mais les effets des coupes budgétaires et fiscales observés à court terme sur l’activité économique – que le FMI avait tenté d’évaluer grâce à l’estimation des « multiplicateurs budgétaires » dans la livraison d’octobre 2012 des Perspectives de l’économie mondiale – suscitent un vif débat. Le FMI a dû, dans un rapport rendu public au cours de l’été 2013, tester la robustesse de ses premiers résultats et a admis avoir sous-estimé l’impact du redressement budgétaire – qu’il s’agisse d’une réduction des dépenses ou d’une hausse des recettes fiscales – sur l’activité économique, le chômage, la consommation privée et l’investissement.

La débâcle de l’austérité
Revue de l’OFCE
Xavier Timbeau
Si la crise économique de 2008 a touché quasiment tous les pays, certains ont davantage été affectés, en partie parce que les mesures d’assainissement des finances publiques décidées en 2011 y ont été plus drastiques. C’est le cas de la zone euro dont la croissance économique n’a pas retrouvé son niveau d’avant la crise. Le recul du produit intérieur brut (PIB) par habitant y a été, en outre, plus important (- 5 % par rapport à 2008) qu’aux États-Unis (- 1,6 %). Quant au taux d’utilisation des capacités de production, celui-ci est dans la zone euro à son niveau le plus bas depuis 1993, tandis que son évolution est favorable aux États-Unis et au Japon, en raison d’une impulsion budgétaire moins négative, voire positive dans le cas du Japon. La zone euro pâtit également de l’absence de coordination des ajustements budgétaires renforçant le jeu destructeur des « multiplicateurs ».      

L’austérité n’est pas une solution en période de crise
Regards croisés sur l’économie
Michel Aglietta
Les politiques d’austérité ne sont ni bonnes ni mauvaises en soi. Selon l’auteur, c’est la nature et l’origine de l’endettement de l’État qui devraient déterminer le bien-fondé d’une politique de redressement budgétaire. Celle-ci est nécessaire si l’accroissement de la dette publique s’explique par une gestion budgétaire trop laxiste. Les politiques d’austérité sont en revanche contre-productives si le niveau d’endettement du secteur privé est à l’origine de la récession. Dans ce cas, des mesures de désendettement via une mutualisation des dettes doivent être adoptées. En menant une politique d’austérité, le risque est de créer un cercle vicieux : déprime de la demande (consommation et investissement), baisse de la production et aggravation du déficit. C’est ce scénario qui s’est récemment déroulé en Grèce ainsi qu’au Portugal et qui menace actuellement l’Espagne.

Austérité : les leçons de l’histoire
Télos
Urs Luterbacher
La montée de groupes politiques radicaux dans certains pays européens depuis quelques années est un phénomène qui préoccupe de plus en plus les pouvoirs publics. Certains avancent l’idée que l’accroissement des niveaux de l’endettement des États dans la zone euro favoriserait l’expansion des mouvements politiques extrémistes. En comparant la période actuelle avec les années 1920-1930 qui ont vu la montée du fascisme en Italie et du nazisme en Allemagne, l’auteur montre les limites de cette approche. Selon lui, c’est bien davantage la gravité de la récession et sa durée qui favoriseraient la montée de l’extrémisme politique.

Il y avait d’autres solutions
The New York Review of Books
Martin Wolf
En imposant aux économies de la zone euro une récession importante depuis la fin de l’année 2010, l’austérité a sapé la reprise. Le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) de la zone ne s’est élevé qu’à + 2 % entre 2009 et 2010 et ne devrait être que de + 0,4 % entre 2010 et 2013. L’étendue des effets de la récession à tous les États membres constitue un facteur aggravant. Dans ce contexte, l’austérité est, selon l’auteur, une grave erreur que l’on aurait pu éviter. Ce dernier s’est intéressé tout particulièrement au cas du Royaume-Uni où le gouvernement aurait pu, selon lui, en bénéficiant des taux d’intérêt réels nuls à long terme, augmenter l’investissement public plutôt que de le diviser par deux ; baisser les impôts ; et diminuer le rythme de la réduction des dépenses courantes. 

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

La pauvreté n’est pas une fatalité
The Economist
En l’espace de vingt ans, la pauvreté a été réduite de moitié. En 1990, 43 % de la population des pays en développement (PED) disposaient de moins d’un dollar par jour pour leur subsistance. Deux décennies plus tard, ils ne sont plus que 21 % dans ce cas, le seuil de pauvreté ayant été entre-temps relevé à 1,25 dollar par jour. Désormais, les Nations unies se sont fixées comme objectif d’éradiquer l’extrême pauvreté en 2030. Mais est-il réaliste d’imaginer que le monde puisse en finir avec ce fléau dans un laps de temps aussi court ? Pour ce faire, il faudrait, selon les économistes spécialistes de cette question, que le rythme annuel de réduction de la pauvreté se maintienne à environ 1 %, comme ce fut le cas entre 1990 et 2010. Conserver un tel rythme ne sera pas facile mais l’objectif reste atteignable. Au cours des dernières années, les organisations internationales et les gouvernements n’ont pas seulement réussi à réduire de façon très importante la pauvreté, ils ont également mieux appris à la combattre.

Le casse-tête économique des dépenses militaires
Innovations
Geneviève Schméder
La théorie économique propose deux grandes approches pour répondre à la question de l’utilité des dépenses militaires. Selon la première, plutôt libérale ou « smithienne », ces dépenses sont considérées comme paupérisantes mais indispensables pour assurer la sécurité nationale. Cette analyse tranche avec le second discours, plutôt « keynésien », selon lequel les dépenses militaires peuvent conduire à des résultats économiques positifs, notamment via leurs effets multiplicateurs et la capacité que celles-ci offrent aux gouvernements de réguler l’activité nationale. L’apparente unanimité sur le bienfait ou non des dépenses militaires sur l’économie n’existe pas : la complexité des relations entre défense et croissance interdit en effet d’apporter une réponse univoque.

La France dans dix ans
Note du CGSP
Commissariat général à la stratégie et à la prospective
Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) dresse le portrait de la France dans dix ans. Le vieillissement de sa population et la baisse de son poids relatif dans l’économie internationale sont des tendances qui s’avéreront difficile à inverser. En revanche, les orientations stratégiques des futurs gouvernements (réforme du marché du travail, politiques d’emploi, amélioration de l’efficacité du système de santé, etc.) pourraient atténuer certaines difficultés structurelles de l’économie. Mieux formée et très bien équipée, la France de 2025 pourrait s’avérer d’autant plus attractive et dynamique qu’elle saura jouer de ses atouts.

3076 Europe : richesse, inégalités et solidarité

L’Europe demeure le continent le plus riche
Global Wealth Report 2012
Credit suisse
L’Europe est une des régions les plus riches au monde, si l’on prend comme référence la richesse privée. Selon le Global Wealth Report, publié annuellement par la banque Credit suisse, la valeur totale du patrimoine des ménages européens a même dépassé en 2012 – et pour la huitième fois consécutive - celle des autres régions du monde. Cependant, l’écart avec l’Amérique du Nord s’est réduit et atteint le niveau le plus faible depuis 2006. L’Europe continue de devancer l’Amérique du Nord seulement parce qu’elle est plus peuplée. L’ensemble États-Unis et Canada reste en effet la région où la richesse moyenne est la plus élevée au monde. D’autres données confirment la position insolite de l’Europe : non seulement on y trouve le pays comptant le patrimoine moyen le plus important (la Suisse),  mais également les pays ayant connu les plus grandes pertes absolues de patrimoine privé par rapport à 2011 : la France, l’Italie et l’Allemagne.

Répartition de la richesse en Europe
VoxEU.org
Paul de Grauwe et Yuemei Ji
Une étude de la Banque centrale européenne (BCE) publiée en avril 2013 montre des niveaux de patrimoines des ménages très différents selon les États membres de la zone euro. Les ménages les plus riches possèdent en effet jusqu’à huit fois plus que les ménages les plus pauvres. Il apparaît également qu’au sud de l’Europe, parmi les pays qui sont confrontés à de graves difficultés économiques, certains présentent des niveaux de richesses privés souvent élevés, voire supérieurs à la moyenne européenne et plus importants que ceux de l'Allemagne, de la France, de l’Autriche ou des Pays-Bas. En utilisant une définition plus large de la richesse qui englobe également celle des entreprises et de l’État, les auteurs relativisent nettement les données de la BCE et montrent que les pays du centre et du nord de l’Europe sont les plus riches en termes de capitaux par tête.

La solidarité financière face à la crise de l’euro
Notre Europe
Sofia Fernandes et Eulalia Rubio
La question de la solidarité au sein de l’Union européenne (UE) est revenue en force avec la crise de la dette souveraine. Outre les prêts bilatéraux, les pays de l’UE et de l’Union économique et monétaire (UEM) ont mis sur pied trois instruments de solidarité, afin d’aider les pays en difficulté et de garantir une meilleure stabilité financière : le Fonds européen de stabilité financière (FESF), le Mécanisme européen de stabilité financière (MESF) et le Mécanisme européen de stabilité (MES) dont le dernier représente l’instrument permanent de nature intergouvernementale en vigueur depuis 2012. Tous ces dispositifs entraînent des coûts budgétaires auxquelles s’ajoutent les implications potentielles des déséquilibres dans les soldes TARGET2 (le système de paiement et de compensation entre les banques centrales de la zone euro), ainsi que les actions exceptionnelles dela Banque centrale européenne (BCE).

Convergence ou divergence des économiques européennes ?
La note d’analyse du CAS
Mouhamadou Sy
La convergence économique des pays européens est un des objectifs principaux à l’origine de l’Union européenne (UE). Le traité de Maastricht a réaffirmé cette ambition, mais vingt ans après son adoption, la convergence réelle entre les États membres de la zone euro ne s’est pas réalisée selon le scénario initial. Au-delà des effets de la crise des dettes souveraines, on constate une polarisation des activités productives du fait des rendements d’échelle croissants et d’externalités liés à la constitution même du marché unique, ainsi qu’à l’euro. Les fonds structurels, prévus quant à eux pour atténuer les divergences, ont paradoxalement pu accroître l’hétérogénéité en facilitant les échanges des pays du centre avec la périphérie.

Quelle solidarité financière ?
Project Syndicate
Jean Pisani-Ferry
Quatre ans après le début de la crise des dettes souveraines, l’Union européenne ne ressemble plus à celle d’avant la crise. Le principe de la solidarité financière a été adopté et l’union bancaire est en bonne voie. L’Europe s’est ainsi dotée de puissants mécanismes de stabilité. Malgré ces réussites, une question fondamentale n’a pas encore trouvé de réponse: sur quel principe l’Europe va-t-elle baser sa solidarité financière : la mutualisation des dettes et des risques ou la responsabilisation individuelle. Dans ce dernier cas, les États cesseraient de secourir les banques en difficulté pour que cette dette privée ne soit  plus à la charge du contribuable. Tant que l’Europe hésitera entre ces deux approches, l’avenir de l’euro restera incertain.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Rémunération du haut management
Le nouvel Économiste
Jacques Secondi
La rémunération des dirigeants d’entreprise est une question particulièrement sensible à laquelle les entreprises  n’ont pas encore apporté de réponses satisfaisantes. Alors que les dirigeants n’engagent pas leur patrimoine dans l’entreprise et ne prennent guère de risque, ils se voient gratifiés d’une rémunération et d’avantages jugés excessifs par l’opinion publique. L’étroite communauté de destin qui lie hauts cadres dirigeants et actionnariat dans les grandes entreprises cotées explique ces dernières années l’évolution du niveau de rétribution des premiers. Donner plus de poids à l’actionnariat en matière de rémunération du haut management selon le principe du « say on pay » qui permet aux actionnaires de se prononcer sur le montant des émoluments du PDG de l’entreprise pourrait faire des émules en France. Ce système est en effet obligatoire dans toutes les grandes entreprises anglo-saxonnes et déjà mis en place dans une quinzaine de pays de l’Union européenne.

Le bien-être progresse-t-il moins vite que le PIB ?
Consommation et modes de vie
Régis Bigot et al
L'indicateur standard utilisé pour la mesure de l'évolution du bien-être a longtemps été le produit intérieur brut (PIB). Devant la montée des critiques contre la tentation de réduire à un simple indicateur économique les multiples dimensions que recouvre cette notion, la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi a, en 2009, invité les chercheurs à renouveler leurs approches. Le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CRÉDOC) s'appuyant sur les données de l'enquête « Conditions de vie et aspirations », qui examine chaque année depuis le début des années 1980 l'évolution des conditions de vie et des opinions des Français, montre, qu'au cours du dernier quart siècle, le bien-être de nos concitoyens aurait finalement augmenté moins vite que le PIB

Les nouveaux défis du trade finance
Accomex
Corinne Vadcar
En dépit des efforts des banques privées, des banques multilatérales de développement et des agences de garanties des exportations, la crise économique et financière de 2007 a fortement affecté le financement du commerce mondial (trade finance) qui a diminué de 22 % entre 2012 et 2013, provoquant par effet de ricochet une forte baisse du volume des échanges commerciaux internationaux (- 69 % sur la même période). Selon l’auteur, le financement du commerce mondial devra également relever certains défis notamment liés à l’application de la nouvelle réglementation bancaire induite par les Accords de Bâle III, à l’insertion des économies émergentes dans le commerce mondial, et à la fragmentation toujours plus accrue des chaînes de valeur mondiales.

3077 Bilan de l'économie mondiale 2013

Une reprise atone et inégale
Perspectives économiques de l’OCDE
En 2013, si la reprise de la croissance mondiale s’est affermie, elle reste particulièrement inégale. Les grandes économies émergentes – ou encore les États-Unis grâce à un assouplissement de la politique monétaire – ont bénéficié d’une forte expansion tandis que certains pays de la zone euro, notamment ceux qui étaient caractérisés par d’amples déséquilibres avant la crise, ne parviennent pas à sortir de la récession. La demande des ménages américains et japonais s’accroit mais elle reste faible dans la zone euro, sauf en Allemagne. En outre, la croissance vigoureuse du commerce en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient n’a pas compensé l’atonie des échanges de marchandises entre les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Un chômage toujours élevé
Perspectives de l’emploi de l’OCDE
Alexander Hijzen et Pascal Marianna
En raison de la faiblesse du niveau de la demande globale et du manque de vigueur de la reprise de l’économie mondiale, le taux de chômage des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s’établissait, au printemps 2013, à 8 %, soit 2,4 points de plus qu’au mois de décembre 2007. Depuis le début de la crise, 16 millions de personnes se sont ainsi ajoutées au nombre des chômeurs de la zone qui a atteint, cette année, 48 millions. Si, selon les prévisions de l’OCDE, le taux de chômage doit rester stable jusqu’à la fin de 2014, certains pays sont toutefois plus touchés que d’autres. Ce dernier est inférieur à 5 % en Autriche, en Corée du Sud, au Japon, en Norvège et en Suisse, mais il est supérieur à 25 % en Espagne et en Grèce.  Un ralentissement de la progression des salaires réels ainsi qu’une accélération des inégalités de revenu sont également à prévoir pour les mois à venir.

La crise de la zone euro pèse sur les marchés
Rapport annuel de la BRI
Banque des règlements internationaux
Grâce aux politiques de soutien de grande ampleur adoptées notamment au second semestre 2012, les marchés ont connu une véritable embellie. Les initiatives sont venues principalement des banques centrales qui ont abaissé leur taux d’intérêt ou, comme la Réserve fédérale américaine (Fed), qui ont multiplié les innovations financières afin de poursuivre leur politique d’assouplissement monétaire. La Banque centrale européenne (BCE) a, quant à elle, autorisé les opérations monétaires sur titres (OMT). Si ces politiques de soutien ont réduit le risque de dégradation de la situation économique et suscité un regain d’optimisme, le niveau d’endettement du secteur privé non financier reste toujours élevé. Dans certains pays, il se maintient même à des sommets historiques.

L’inflation s’est maintenue dans la zone euro
Rapport annuel de la Banque de France
Christian Noyer
Les politiques de soutien mises en œuvre par les autorités monétaires, ainsi que l’accalmie sur le front de la crise des dettes souveraines en Europe ont permis aux marchés de se redresser progressivement. Toutefois, les craintes relatives à l’évolution de la situation dans la zone euro restent élevées. Sur le marché des changes, le dollar a retrouvé son rôle de valeur refuge. Le yen, quant à lui, s’est fortement déprécié suite au programme d’achat de titres de la Banqued u Japon. Du côté des marchés de matières premières, les prix du pétrole, mais également ceux des métaux et des matières agricoles, sont restés à des niveaux historiquement élevés. L’inflation dans la zone euro s’est maintenue - avec une progression moyenne de 2,5 % en 2012 - à un niveau voisin de celui de 2011 (2,7 %). La masse monétaire a poursuivi sa croissance à un taux plus élevé qu’en 2011.

Brusque décélération du commerce mondial
Rapport sur le commerce mondial 2013
OMC
En 2012, la croissance du commerce mondial est tombée à 2 % contre 5,2 % l’année précédente. Le ralentissement économique en Europe qui a pesé sur la demande mondiale d’importations explique cette évolution. La brusque décélération  des échanges commerciaux a été due principalement à la faible croissance des économies développées et aux incertitudes concernant l’avenir de l’euro. La situation plus favorable de l’économie américaine a été insuffisante pour contrebalancer la faiblesse persistante des économies de l’Union européenne. La croissance de la Chine, même si celle-ci a été moins bonne que prévue, a permis en partie d’amortir la baisse de la demande des pays développés. Globalement, la croissance mondiale du commerce  et de la production a été inférieure à son taux moyen à long terme.

Les IDE retrouvent leur niveau d’avant la crise
Rapport sur l’investissement dans le monde 2013
CNUCED
Si les indicateurs économiques fondamentaux ont enregistré une croissance positive au niveau mondial, l’investissement direct à l’étranger (IDE) a chuté de 18 % en 2012 pour s’établir à 1 350 milliards de dollars. L’incertitude concernant les politiques économiques de la plupart des pays riches aura sans doute incité les investisseurs à la prudence. Le niveau des liquidités des sociétés transnationales (STN) a pourtant atteint un niveau record, ce qui pourrait donner lieu à de nouveaux investissements en 2014. La Commission des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) prévoit ainsi une augmentation des flux d’IDE qui devraient atteindre 1 600 milliards de dollars en 2014 puis 1 800 milliards de dollars en 2015. Les économies en développement continuent de représenter une part importante de ces flux. Les pays du Sud attirent en effet 52 % des destinations des IDE. Les flux en provenance des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) sont en outre passés de 7 milliards de dollars en 2000 à 145 milliards en 2012 (soit 10 % du total mondial). L’Union européenne est, en revanche, à elle seule responsable de 70 % de la baisse des flux d’IDE dans le monde. 

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Comprendre le consommateur arabe
Harvard Business Review
Vijay Mahajan
Une série de voyages entrepris dans différents pays arabes, entre 2008 et 2011, ont convaincu Vijay Mahajan, professeur à l’université du Texas à Austin, que nombre d’idées qui ont cours aujourd’hui sur les consommateurs et les marchés de cette région étaient sans fondement. Le produit intérieur brut (PIB) des vingt-deux pays de la Ligue arabe équivalait en 2011 à 2 300 milliards de dollars. Ce qui en ferait si cet ensemble était un pays la huitième économie de la planète,  devant l’Inde ou la Russie. Comme dans d’autres pays émergents, la classe moyenne y est en pleine expansion. La population est, en outre, particulièrement jeune, la moitié des habitants est en effet âgée de moins de vingt-cinq ans. Le potentiel de croissance de ces marchés est donc considérable. Pour toucher les consommateurs du monde arabe, les entreprises occidentales se doivent toutefois de ne pas ignorer l’interdépendance très étroite de la culture et de la religion.

Les services à la personne soutiennent les ruraux
INSEE Première
Yohan Baillieul, Gaëlle Chaillot et Isabelle Benoteau
Le secteur des services à la personne compte près de 2 millions de salariés : en 2010, 1,8 million d’employés, hors assistantes maternelles, ont en effet travaillé au domicile de particuliers pour ce type d’activité. Au niveau national, ils représentent 5 % des salariés, mais dans certaines régions, ce taux est plus élevé, notamment dans le Sud-Ouest où il dépasse les 6 % de l’emploi salarié. Globalement, ce genre d’emploi est davantage sollicité dans les zones rurales, âgées et dans celles où la proportion de cadres est élevée. Il s’agit d’une main-d’œuvre essentiellement féminine (90 %) et relativement âgée (24 % ont plus de 55 ans). Dans la plupart des cas, il s’agit d’un travail de proximité : pour près de la moitié des salariés de particuliers-employeurs le trajet emploi-maison est de moins de cinq kilomètres.

3078 Pays arabes : l'urgence des réformes

Monde            arabe : quelle voie de développement ?
Finances & Développement
Masood Ahmed
Deux ans et demi après le « printemps arabe », la situation politique et économique des pays arabes en transition reste particulièrement difficile et les nombreuses questions soulevées par la vague de changement qui a déferlé sur le monde arabe, depuis 2011, n'ont toujours pour la plupart pas trouvé de réponses. À tel point que beaucoup se demande aujourd'hui quel est le sens de cette transition. Pourtant la mutation actuellement en cours dans la région offre une occasion historique aux pays arabes de repenser en profondeur leurs systèmes politiques mais également économiques. Si à court terme la stabilisation de l'économie est un enjeu majeur pour de nombreux États arabes, des défis fondamentaux devront être relevés à plus long terme qui permettront, grâce à la mise en œuvre de réformes structurelles, de moderniser et diversifier les économies régionales.

L’Égypte victime du marasme économique
Macroéconomie et Développement
Sophie Chauvin
La transition politique que traverse l’Égypte est longue et douloureuse. Si à court terme le pays doit éviter un effondrement de l’économie, il doit aussi faire face à moyen terme à des défis considérables. Les bonnes performances qu’a connues par le passé l’économie égyptienne ont été rendues possibles par un contexte extérieur favorable et les recettes tirées de diverses rentes (pétrole, Canal de Suez, transferts des migrants, aide étrangère). La révolution de 2011 a été un révélateur de la dégradation de la situation économique notamment de la question de l’inégale distribution des richesses, de la hausse de la pauvreté et du chômage. Le ralentissement de la croissance auquel est confronté l’Égypte depuis le début de la révolution montre à quel point la mise en œuvre de stratégies de croissance est plus urgente que jamais. La relance de l’économie ne sera toutefois possible sans une amélioration préalable de la situation politique et une restauration de la confiance des investisseurs privés.                                                                                     

Qatar : une stratégie globale de diversification
Moyen-Orient
Mark Farha
Le Qatar micro-État du Golfe persique  a l'une des croissances économiques les plus élevées du monde. L'émirat détient les troisièmes réserves mondiales de gaz naturel après la Russie et l'Iran. Grâce à cette manne gigantesque, le pays est capable d'assurer le bien-être de ses deux millions d'habitants – dont 85 à 90 % d'étrangers – pendant des décennies.  Toutefois, les autorités qatariennes conscientes de leur dépendance aux hydrocarbures ont   cherché  à mettre en œuvre une stratégie de développement fondée sur la diversification de l'économie. Les efforts déployés, au cours des dernières années, par Doha pour tirer profit de sa richesse à travers des investissements ambitieux dans de multiples domaines ont ainsi attiré l'attention du monde entier.

L’Arabie saoudite, puissance prodigue
Financial Times
Michael Peel
L'Arabie saoudite, premier exportateur mondial de pétrole, s'est lancé grâce à l'augmentation des revenus tirés du brut dans une ambitieuse politique d'investissement visant à développer les infrastructures. Le pays le plus peuplé du Conseil de coopération du Golfe offre dorénavant selon le gouvernement britannique une destination de choix pour les investissements directs à l'étranger (IDE). Les autorités saoudiennes ont pris conscience du rôle crucial joué par la dégradation de la situation économique dans le déclenchement des révolutions arabes en 2011.  Le pays n'a pas été épargné par les manifestations de masse et les Saoudiens sont intervenus militairement chez leur voisin du Bahreïn pour y mettre un terme au soulèvement d'une partie de la population. En dépit d'un programme de dépenses publiques de relance considérable, le processus de réformes économiques et sociales avance toutefois lentement et risque sans changements culturels majeurs d'être difficile à mener à son terme.

Les ressources naturelles : enjeu clef de l’intégration régionale
La lettre du CEPII
Céline Carrère, Julien Gourdon et Marcelo Olarreaga
L’intégration régionale redessine les frontières du commerce mondial. Au cours des quinze dernières années les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord ont eux aussi emprunté cette voie et accéléré leur intégration. Le commerce intra-régional semble toutefois ne pas avoir significativement profité de l’Accord de la zone arabe de libre-échange (ZALE) effectif depuis 1998. Cet ensemble régional compte des États très hétérogènes sur le plan de la dotation en ressources naturelles. Or, lorsque une région comprend à la fois des pays riches et des pays pauvres en ressources naturelles, les mieux dotés risquent de connaître un détournement de commerce par substitution des importations des pays riches en ressources naturelles par des importations en provenance des pays partenaires pauvres.

 ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Le Prix Nobel 2013
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Philip Plickert
Le prix dela Banque royale de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel, usuellement appelé « prix Nobel d'économie », a été attribué cette année à trois économistes américains Eugene Fama, Lars Peter Hansen et Robert Shiller pour leurs travaux sur les marchés financiers. Le comité Nobel souligne notamment l’importance de leur recherches empiriques sur le prix des actifs financiers. Les trois chercheurs qui depuis plusieurs années figuraient parmi les favoris, n'ont pourtant pas cosigné leurs travaux, ce qui tient notamment à la différence de leurs approches. Eugen Fama et Lars Peter Hansen défendent la thèse de l’efficience des marchés, tandis que Robert Schiller est un des pionniers de la finance comportementale qui suppose que la rationalité des individus n’est pas systématique.

Une deuxième Grande Dépression
Foreign Affairs
James Bradford Delong
Alan Stuart Blinder, professeur d’économie à l’université de Princeton, a publié, en 2013,  aux États-Unis  After the Music Stopped : the Financial Crisis, the Response and the Work Ahead (Quand le bal est fini : la crise financière, les réactions et ce qui reste à faire, Penguin Press). Dans ce livre, ce dernier  analyse la crise de 2008 et ses conséquences pour l’économie américaine. Selon J. Bradford DeLong qui rend compte dans Foreign Affairs de cet ouvrage, il s’agit du meilleur opus paru à ce jour sur le sujet. Si A. S. Blinder, ancien directeur assistant du Congressional Budget Office et vice-président du Bureau des gouverneurs du Système de réserve fédéral à l’époque du Président Clinton, dépeint une Amérique qui cinq ans après la chute de Lehman Brothers reste convalescente, il n’en demeure pas moins optimiste quant à l’avenir du pays. Pour J. Bradford DeLong, en revanche, qui compare la récente crise avec celle des années1930, A. S. Blinder est exagérément optimiste. La situation est en effet selon lui bien pire que ce l’on pouvait craindre.          

Photographie du marché du travail en France
INSEE Première
Fabien Guggemos et Joëlle Vidalenc
En 2012, le taux de chômage en France a atteint 9,8 % – le taux le plus élevé depuis 1999 – ce qui représente 2,8 millions de personnes. Si la dégradation de l’emploi affectait davantage les ouvriers et les employés, les professions intermédiaires, jusque-là épargnées, sont désormais concernées. Parmi les 25,8 millions de Français qui ont un emploi, 5,3 % sont en situation de sous-emploi. C’est plus souvent le cas chez les jeunes, les femmes et les employés. En outre, sur dix personnes qui travaillent, une sur dix est non salariée, cinq sont ouvriers ou employés et quatre sont des cadres ou professions intermédiaires.

3079 Economie et littérature

Les multiples liens entre économie et littérature
Épistémocritique
Christine Baron
Le dialogue entre des disciplines aussi distinctes que la littérature et l’économie est a priori difficile. La pensée économique s’exprime dans un langage souvent codifié et stéréotypé auquel s’oppose justement la littérature. Les économistes ont par ailleurs adopté un modèle de scientificité plus proche des sciences de la nature que des sciences humaines. Malgré ces différences, les liens entre les deux champs disciplinaires sont multiples. Quelques-uns des grands penseurs économiques comme Adam Smith ont été des philosophes moraux s’exprimant exclusivement via le genre littéraire. Certains économistes, notamment dans le domaine de l’économie politique, recourent également fréquemment à un mode d’expression littéraire pour remettre en question leur propre discipline. Enfin, de nombreuses œuvres littéraires, en particulier des romans, ont pour arrière-plan l’histoire économique.

Les Buddenbrook, une œuvre économique « totale »
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Stephan Finsterbusch
Avec Les Buddenbrook, Thomas Mann a réalisé une œuvre monumentale devenue un classique de la littérature moderne. L’histoire retrace le lent déclin au XIXe siècle d’une grande famille marchande de la Hanse. Au cours du travail préparatoire, Thomas Mann a accumulé une importante documentation sur l’économie et la comptabilité. In fine, le livre décrit l’essor de la société moderne qui devient une société de marché. Le choix de chacun y est de s’adapter ou de disparaître. En 1929, en pleine crise économique, Thomas Mann a reçu le prix Nobel de littérature, notamment grâce au Buddenbrook. Quatre-vingts ans plus tard, dans leur quête de comprendre la Grande récession, certains économistes ont évoqué le syndrome « Buddenbrook ».

La littérature, un marché des singularités
Contextes
Anthony Glinoer
Les principes de la théorie économique néoclassique – la variation du prix en fonction de l'offre et de la demande, la concurrence par les prix, l’action individuelle selon son intérêt personnel – prennent une place prépondérante dans les interactions humaines. Néanmoins, certaines pratiques ordinaires leur sont partiellement ou totalement étrangères comme par exemple choisir un « bon » restaurant, un tableau ou un médecin. Ce type de biens et services s’assimile en effet davantage à une économie des singularités où la concurrence par les qualités l’emporte sur la concurrence par les prix. Les œuvres littéraires appartiennent à ce type de biens. Des formes de jugement alternatives se sont développées pour évaluer leur valeur : réseaux, labels, guides et classements.

Une rentrée littéraire de plus en plus capitale
Institut GfK
Raphaël Couderc
Dans le secteur de l’édition, la fin de l’été et l’automne constituent avec la rentrée littéraire, puis l’attribution des principaux prix – souvent annonciatrice de succès commercial – une période cruciale pour le chiffre d’affaires. En 2013, le cru s’annonce sous les meilleurs auspices : entre la mi-août et la mi-octobre, 1,15 million d’exemplaires estampillés « rentrée littéraire 2013 » se sont en effet déjà vendus, un volume néanmoins en baisse par rapport à 2012. Quant aux romans récompensés par un prix, les coefficients multiplicateurs de leurs ventes peuvent aller de 2 à 10 selon les ouvrages.

La difficile situation des libraires indépendants
Xerfi-France, Ministère de la Culture et de la Communication et SFL
Le livre représente en France la moitié du marché des biens culturels. Malgré cette position exceptionnelle, la filière du livre est à son tour touchée par les évolutions de l’environnement économique. Hormis le e-commerce, les spécialistes du livre accusent des ventes en baisse de 2 à 3 %. Les plus touchés sont les petits libraires indépendants. Sur la seule année 2012, leurs ventes se sont effondrées de 8 %. En 2011, leur rentabilité a même affiché un taux de résultat moyen de - 0,6 %. Si le métier de libraire demeure souvent une affaire de passionnés, la survie de cet acteur essentiel de la chaîne du livre semble aujourd’hui presque tenir de l’anomalie économique. Sauvegarder le réseau des libraires en France reste toutefois possible. Les libraires peuvent en effet compter sur trois leviers : le soutien des pouvoirs publics et des éditeurs, l’augmentation du taux de marge commerciale et, enfin, l’amélioration de l’attractivité des points de vente.  

Le livre numérique : où en sommes-nous ?
Le Cercle-Les Échos
Hugo Zylberberg
À l’image d’autres industries culturelles comme la musique, la presse ou l’audiovisuel, la chaîne de valeur du secteur de l’édition se recompose avec l’arrivée du livre numérique. Certains acteurs, notamment les libraires, sont particulièrement affectés par cette mutation majeure. L’essor du livre numérique s’accompagne également d’une pratique dommageable pour l’utilisateur : l’intégration verticale qui segmente l’offre afin de conserver les parts de marché. Cette démarche présente de nombreux inconvénients. Des modèles ouverts ont été développés qui permettent de les éviter grâce notamment au principe d’interopérabilité. En France, cette voie est défendue par le projet MO3T (modèle ouvert 3 tiers) qui est porté par un large consortium d’éditeurs français, de libraires et de prestataires techniques et académiques. Il permettrait de passer d’une logique de vente de contenus à une logique de vente de droits. Soutenu par la Commission européenne, ce projet pourrait être un des piliers d’une politique culturelle européenne visant à réussir la transition numérique.

 ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

L’argent du FMI
Lettre du CEPII
Christophe Destais
Lors de la crise des dettes souveraines, plusieurs pays ont bénéficié de crédits accordés par le Fonds monétaire international (FMI), certains de ces prêts ont également été assortis de programmes d’ajustement. Les ressources allouées par le FMI proviennent des États-membres qui s’engagent à financer l’institution internationale de façon permanente dans la limite d’un certain montant, la quote-part, et de crédits que les membres les plus riches d’entre-eux acceptent de lui accorder. Ainsi, la structure financière du FMI fait de ce dernier un intermédiaire financier de nature coopérative, un fonds d’investissement mutuel à effet de levier. Par ailleurs, le FMI dispose également d’un stock d’or qu’il ne peut cependant mobiliser que dans des circonstances exceptionnelles. Actuellement, des débats aux enjeux importants portent sur la question de la gouvernance du Fonds, notamment sur la place des pays émergents, et sur la taille que ce dernier doit avoir et sur son rôle vis-à-vis de la zone euro.

États-Unis : pourquoi le prix de l’essence ne baisse pas
Bloomberg Businessweek
Asjylyn Loder, Mario Parker et Matthew Philips
Pour la première fois en dix-huit ans les États-Unis produisent plus de pétrole qu’ils n’en importent.  Le pays est même devenu le premier exportateur mondial d’hydrocarbures. Ce sont des États de l’Ouest américain comme le Nord Dakota, le Wyoming, le Colorado ou l’Oklahoma qui ont contribué à la forte augmentation de la production nationale de pétrole. Or, ces zones d’extraction sont éloignées des principaux centres de raffinage et des grandes agglomérations urbaines. Les infrastructures de transport du brut étant insuffisantes, les producteurs se sont livrés à une concurrence acharnée qui a conduit à une hausse du prix du pétrole domestique et du prix à la pompe.

Mieux lutter contre les discriminations
Idées économiques et sociales
Adélaïde Ploux-Chillès
Le 9 novembre 2012, s’est tenue à Lyon, dans le cadre des Journées de l’économie (JECO), la conférence « Mieux lutter contre les discriminations » dont l’objectif était  de montrer la nécessaire complémentarité entre les lectures juridique et économique des discriminations. En partant d’exemples concrets comme le programme de Sciences Po, la création de quotas de femmes dans la fonction publique ou encore l’égalisation des congés parentaux, l’auteur s’interroge sur la mesure de l’ampleur des discriminations, sur leurs mécanismes ainsi que sur l’efficacité des politiques visant à lutter contre ces dernières.

3080 Les pays émergents

 

Après des années d’euphorie, les grands pays émergents : le Brésil, l’Inde, la Chine sont confrontés désormais à un net ralentissement de leur croissance économique. Qu’est-ce qui explique ce phénomène ? Est-il durable ? Quelles en sont les conséquences pour les BRICs et pour l’économie mondiale ? Désormais les regards se tournent aussi vers les nouveaux pays émergents : Le Bangladesh, l' Éthiopie, le Nigeria, l'Indonésie, le Vietnam et le Mexique.

2014

3081 L'innovation aujourd'hui

La machine à idées est-elle en panne ?
The Economist
En dépit de la frénésie créatrice qui s’est de nouveau emparée dela Silicon Valley depuis trois ans, certains économistes, ingénieurs ou entrepreneurs du secteur de la high tech californienne se montrent depuis quelques temps particulièrement pessimistes quant à l’avenir considérant que l’innovation serait aujourd’hui outre-Atlantique quasiment au point mort. La crise financière n’aurait été qu’un épiphénomène masquant une réalité bien plus grave et préoccupante. Les économies avancées auraient atteint un plateau technologique qui expliquerait la "Grande stagnation" à laquelle elles sont confrontées. Les nouvelles technologies n’auraient pas aujourd’hui le même effet sur la croissance économique que certaines  innovations fondamentales passées. Pourtant, des études récentes offrent des raisons d’espérer. Ces dernières montrent que les chiffres indiquant une baisse de la productivité refléteraient un état de la technologie pré-Google, voire pré-web.

Innover au début du XXIe siècle
Entreprendre & Innover
Entretien avec Frédéric Fréry par Philippe Silberzahn
Aujourd’hui malgré une recherche foisonnante autour des questions liées à l’innovation, deux confusions ont, selon Frédéric Fréry, professeur à l’ESCP Europe,  toujours cours. La première est celle qui continue de régner entre innovation et créativité et la seconde a trait au concept d’innovation disruptive telle que définie par Clayton Christensen, professeur à l’université Harvard, c’est-à-dire une innovation caractérisée par le fait qu’initialement il s’agit d’une technologie inférieure à la technologie dominante. Cette dimension est fondamentale dans la mesure où l’innovation de rupture  est une innovation dont on ne se méfie pas. À travers divers exemples récents comme celui de la voiture électrique, du lecteur MP3 ou de l’iPad d’Apple, Frédéric Fréry décrit les enjeux et les défis auxquels les entreprises sont désormais confrontées pour définir et adopter des stratégies efficaces en matière d’innovation.

Les pouvoirs publics risquent d’étouffer de brillantes idées
Financial Times
Clive Cookson
L’innovation occupe aujourd’hui une place centrale dans les stratégies que les responsables politiques  souhaitent mettre en œuvre dans les pays riches pour renouer avec une croissance forte et pérenne. Pourtant un certain nombre de mesures prises par les pouvoirs publics constituent parfois plutôt des obstacles que des encouragements à l’épanouissement des idées brillantes. C’est le cas notamment de la politique de soutien à la recherche et développement (R&D) qui cible de façon insuffisante les jeunes entreprises ou la réglementation en matière de gestion des risques  qui ne garantit pas nécessairement un juste équilibre entre principe de précaution et innovation.

Les incitations à l’innovation dans les entreprises
Recherches économiques de Louvain
Claire Bonnard
Un rapport publié en 2010 intitulé Science and Engineering Indicators montre une baisse importante du nombre de brevets déposés, au cours des dernières années, par l’Union européenne. Quant à la France, elle dépose désormais en moyenne trois fois moins de brevets triadiques que l’Allemagne. Cette évolution est particulièrement inquiétante à une époque où pour les économies avancées l’innovation est devenue un facteur stratégique de croissance. Aussi, la question des incitations à l’innovation est plus que jamais primordiale. À ce titre, une étude de 2008 réalisée par l’Observatoire de la propriété intellectuelle attire l’attention sur un fait préoccupant : le système français de rémunération des inventeurs semble peu  incitatif à l’innovation pour les ingénieurs.                                              

L’open innovation ouvre à de nouvelles pratiques
L’Expansion Management Review
Delphine Manceau et al.
Les démarches d’innovation ouverte – l’open innovation – est en vogue au sein des entreprises. Nombre d’entre elles ouvrent en effet depuis quelques années leurs dispositifs d’innovation en collaborant avec de multiples partenaires extérieurs dans le but d’améliorer leur capacité dans ce domaine stratégique. Si cette démarche existait bien avant que le terme ne soit inventé, celle-ci est aujourd’hui complètement repensée et génère une approche systématique qui va bien au-delà du simple travail en réseau. L’open innovation entraîne un changement culturel profond et porte ses fruits à condition toutefois que les investissements et le soutien managérial au sein de l’entreprise soient à la hauteur des enjeux.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

L’imposition commune des couples
INSEE Analyses
Alexis Eidelmann
Comme dans de nombreux pays, les couples mariés ou pacsés ne sont en France pas imposés de la même manière qu’un couple vivant en union libre. Ceux qui sont unis légalement tirent majoritairement avantage de l’imposition commune : le mécanisme du quotient conjugal favorise les couples au sein desquels les revenus sont suffisamment inégaux pour entrer dans des tranches différentes de l’impôt sur le revenu. L’effet est d’autant plus grand que le revenu global est élevé. Ainsi, 60 % des couples mariés ou pacsés acquittent un impôt inférieur à celui qu’ils auraient payé en déclarant séparément leurs revenus. Mais le quotient conjugal n’est pas le seul facteur qui modifie l’imposition des couples. Certains dispositifs fiscaux jouent plutôt en défaveur des déclarations communes.

Le poids économique de la culture en France
Culture chiffres
Yves Jauneau
En 2011, la production en valeur du secteur de la culture en France, parties marchande et non marchande confondues, a atteint 85 milliards d’euros. En raison notamment du repli de l’activité de l’édition, de la presse et de la musique, le poids de la culture dans l’économie française (2,2 %) est en recul depuis 2004, après avoir été en hausse constante jusqu’à cette date. L’audiovisuel, le spectacle vivant et le patrimoine représentent respectivement 25 %, 18 % et 11 % de la valeur ajoutée culturelle (VAC). L’augmentation des prix dans le domaine du spectacle vivant explique sa nette progression depuis quinze ans. En revanche, le livre et la presse ne concentrent plus que 15 % de la VAC, contre 26 % en 1995.

L’économie israélienne dans tous ses états
Politique étrangère
Jacques Bendelac
L’économie israélienne, affichant un taux de croissance de 4,6 % en 2011, se porte bien en dépit de l’état de guerre quasi-permanent qui règne dans le pays. Le passage progressif, au cours des soixante-cinq dernières années, du dirigisme militaro-industriel au libéralisme semble lui avoir réussi. Quatre événements marquants peuvent être retenus. D’abord, la mise en place, en 1985, d’un plan d’urgence visant à stopper l’inflation galopante, qui avait atteint 445 % l’année précédente, et à privatiser des entreprises publiques – l’État s’est retiré de 200 sociétés entre 1985 et 2010. Ensuite, l’ouverture en 1995 de l’économie israélienne à la concurrence internationale et l’adhésion, la même année, à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Puis l’adoption, en 2003, d’un régime de taux de change flottant et de transactions en devises libres. Enfin, l’entrée, en 2009, à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), garantissant le respect des règles de démocratie et de l’économie de marché.

3082 L'Allemagne : ses choix, ses défis

Au cœur de la compétitive allemande
Regards sur l’économie allemande
Alain Fabre
Les performances économiques divergentes entre la France et l’Allemagne s’expliquent par des stratégies industrielles différentes. À la fin des années 1990, en réponse aux défis posés par la mondialisation, l’Allemagne a fait le choix de la poursuite d’un développement fondé sur l’activité productive – la France, de son côté a privilégié la consommation et le modèle de l’entreprise sans usine, suivant ainsi davantage l’exemple américain. Le choix allemand s’est avéré particulièrement judicieux, car l’industrie reste en ces premières années du XXIe siècle un des principaux moteurs de l’activité économique. L’Allemagne a également profité de sa forte imbrication dans le commerce mondial et de son tissu dense de petites et moyennes entreprises (PME). Dans un système économique où les grands groupes sont plus facilement tentés de se soustraire au territoire national comme lieu de production, ce sont les PME qui deviennent le moyen de relever les défis.

Disséquer le miracle allemand
The Economist
Selon une étude du cabinet McKinsey, l’essor économique que l’Allemagne a connu au cours de la dernière décennie pourrait se prolonger dans les prochaines années. D’ici 2025, les exportations, traditionnel fer de lance de la réussite Outre-Rhin, augmenterait de 80 %. Si les gouvernements allemands successifs ont souvent fait des choix qui se sont avérés gagnants ces dernières années et si de nombreux paramètres économiques devraient rester au vert, le pays est néanmoins tenu de faire face à des défis de taille. Outre le problème du vieillissement démographique et du coût social du miracle allemand – stagnation du niveau de vie de la plupart des habitants,  qui se traduit par la hausse des inégalités - l’Allemagne a souvent investi de façon peu judicieuse l’épargne nationale, entraînant d’importantes pertes de richesse. De plus en plus d’économistes attirent ainsi l’attention sur la nécessité de rééquilibrer le modèle économique vers davantage d’investissements, notamment publics.

Les dangers de l’excédent commercial allemand
CER Bulletin
John Springfold et Simon Tilford
Plusieurs institutions, dont le Fonds monétaire international (FMI), ont récemment  émis des avis négatifs concernant l’ampleur des excédents commerciaux de l’Allemagne. La Commission européenne a même décidé de mener une « enquête approfondie» sur les excédents commerciaux jugés « excessifs ». Selon Bruxelles, l’excédent des comptes courants qui devrait atteindre 7 % du produit intérieur brut (PIB) en 2013 pèse sur les partenaires européens de l’Allemagne et freine la croissance de l'économie mondiale. Si  l’excédent avec la zone euro a récemment  baissé, cette diminution est surtout due à la faiblesse de l’activité dans les pays en crise. Certains économistes craignent que le niveau de cet excédent, même réduit, rende l’ajustement plus difficile pour ces pays. Depuis la crise, la zone euro est en effet devenue excédentaire, ce qui entraîne une appréciation de la monnaie unique. Le risque ultime pourrait être que s’enclenche un processus déflationniste dans les pays du Sud de l’Europe.

Les excédents allemands ne sont pas le problème
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Patrick Welter
Selon les responsables politiques allemands les critiques récentes dela Commission européenne concernant le niveau jugé excessif des excédents du pays sont infondées. Pour les pouvoirs publics, «  il n’y a ainsi aucun déséquilibre qui nécessiterait une correction de la politique allemande ». Selon ces derniers, la situation actuelle est le résultat des choix opérés par les consommateurs et les entreprises. L’ajustement nécessaire au rééquilibrage risquerait ainsi d’introduire des distorsions nuisibles qui brideraient le libre choix des agents économiques. En outre les excédents commerciaux allemands sont le résultat d’avantages comparatifs, fondés surtout sur un effort d’innovation permanent et non pas sur un dumping salarial ou monétaire. Enfin, ces excédents exerceraient une pression sur les pays en difficulté de la zone euro afin que ces derniers  engagent les réformes structurelles qui leurs permettront de retrouver la compétitivité.

Les nouveaux flux d’immigration vers l’Allemagne
Wirtschaftsdienst
Carsten-Patrick Meier
Depuis 2010, le flux net d’immigration vers l’Allemagne atteint des niveaux de plus en plus élevés. En 2012, le solde net de population était d’environ 400 000 personnes, principalement en provenance d’Europe de l’Est et du Sud. Cette vague migratoire s’explique par  la situation économique favorable que connaît l’Allemagne depuis quelques années et qui tranche avec les difficultés auxquelles sont confrontés la plupart des pays européens.  Cet afflux de migrants augmente le potentiel de production, exerce un effet de modération sur les salaires et les prix et permettra très probablement à terme d’améliorer la situation des comptes sociaux.

Les défis de la politique énergétique allemande
Réalités industrielles – Annales des Mines
Rolf Linkohr
L’Allemagne a décidé d’emprunter la voie d’une politique énergétique qui est très éloignée de celle suivie par la France. Peu de temps après la catastrophe nucléaire survenue au Japon en 2011, le gouvernement allemand a annoncé un important changement de cap de la politique énergétique nationale : une sortie complète du nucléaire d’ici à 2022, compensée par un recours massif aux énergies renouvelables. Cette politique donne lieu à un large consensus dans le pays, mais se heurte à plusieurs problèmes : le transport et le stockage de l’énergie, le coût des investissements, le prix élevé de l’énergie  supporté par le consommateur, etc. Ainsi, si le principe même de la transition énergétique ne fait plus débat, la question du rythme auquel celle-ci doit être menée et celle de son coût ne sont pas encore tranchées.

 ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Comment monter en gamme pour une PMI ou un territoire ?
Le Journal de l’École de Paris du management
Joseph Puzo
L’exemple de l’entreprise Habia, producteur de fils et câbles, situé à Montmirail, montre comment il est possible pour une entreprise de taille moyenne de grandir et d’être compétitive face à la concurrence internationale. En 1980, Habia comptait une centaine de salariés pour un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros. En 2012, après trois phases de montée en gamme et un fort développement à l’international, la société compte 1 700 salariés, dont 850 en France ; son chiffre d’affaires atteint 115 millions d’euros. Entre les deux dates, l’entreprise a vécu un rachat par les salariés (leveraged management buy-out), suivi d’un changement de nom – la société a été rebaptisée Axon - et enfin une gestion habile de la crise de 2008 au cours de laquelle il n’y a eu aucun licenciement, ce qui a permis à l’entreprise de redémarrer son activité plus rapidement que ses concurrentes.

Mesurer le développement
Revue Tiers Monde
Jean-Jacques Gabas
Il existe une multitude d’indicateurs qui permettent de mesurer le développement d’un pays. La mise en perspective historique de ces derniers met en évidence leur grande diversité. Ainsi, jusque dans les années 1960, les notions de croissance et de développement étant confondues, le produit intérieur brut (PIB) était l’indicateur privilégié par les économistes. Les préoccupations sociales ne sont apparues qu’à la fin des années 1960 pour laisser la place, dans la décennie 1980, à des indicateurs macroéconomiques financiers. Par la suite, l’accent mis sur les effets négatifs des politiques d’ajustement structurel prônées par les organisations internationales, a placé la lutte contre la pauvreté en tête des priorités. Désormais, de nouvelles dimensions du développement comme la question de la soutenabilité ou de la sécurité émergent. Quelle que soit leur nature, les indicateurs de mesure du développement s’inscrivent dans des courants de pensée qui dominent à tour de rôle l’histoire économique.

L’insertion professionnelle des docteurs
Bref du Céreq
Julien Calmand
En France, l’accès à l’emploi stable – c'est-à-dire un emploi à durée indéterminée - pour les titulaires d’un doctorat reste difficile. Ce phénomène s’explique en grande partie par la spécificité des modes de recrutement dans la recherche publique. En outre, malgré le rapprochement observé depuis quelques années entre l’université et le monde de l’entreprise, l’accès des docteurs aux emplois du privé est encore aujourd’hui limité.  L’enquêteGénération 2007 du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) montre qu’après cinq ans sur le marché du travail 94 % des détenteurs d’un doctorat  sont en emploi, dont 86 % d’emplois à durée indéterminée.

n°3083 Internet Les nouveaux enjeux

Les industries culturelles à l’heure du numérique
Réalités industrielles
Laurence Franceschini
La révolution numérique a entraîné dans les industries culturelles une dématérialisation de l’offre et un bouleversement de la structure des coûts. Le gratuit ainsi que le paiement « à l’acte » et à l’abonnement sont désormais les modèles de revenu les plus répandus. Si le chiffre d’affaires global du secteur a augmenté entre 2007 et 2011, les évolutions sont plus contrastées d’une activité à l’autre. Ainsi, tandis que les chiffres d’affaires de la presse et de la musique ont fortement diminué, celui des jeux vidéo a progressé de façon spectaculaire. Les rapports de force au sein des industries culturelles ont également été modifiés au profit des grands acteurs de l’internet – comme Amazon, le géant du e-commerce –  qui bénéficient, en France, d’une fiscalité avantageuse.

L’économie numérique, une menace pour la démocratie ?
The New York Times
Jaron Lanier
À l’heure où les réseaux sociaux jouent les premiers rôles dans le déclenchement des révolutions, et où les petites organisations comme WikiLeaks parviennent à déstabiliser une superpuissance comme les États-Unis – autant d’éléments qui semblent montrer qu’internet favorise le renforcement de la démocratie –, on assiste en parallèle à une concentration du pouvoir aux mains de firmes, comme Google ou Facebook. Cette apparente contradiction s’explique selon l’auteur par la nature de ce qui fait aujourd’hui la puissance – qu’elle s’exerce dans le domaine de la finance, de la politique ou encore du commerce, etc. – c’est-à-dire la maîtrise d’algorithmes complexes permettant de rassembler des masses d’informations sur les internautes qui serviront ensuite à modeler leur comportement. Ces « serveurs sirènes » qui hébergent les données privées constituent désormais, selon lui, une véritable menace pour la démocratie.  

Les données personnelles, la nouvelle ruée vers l’or
Enjeux Les Échos
Claude Vincent
Selon l’entreprise américaine IBM, 90 % des données hébergées (« big data ») sur les disques durs et les serveurs ont été collectées au cours des deux dernières années. L’énorme potentiel représenté par le « big data » n’a pas échappé aux GAFA – acronyme désignant les quatre géants de l’internet : Google, Apple, Facebook et Amazon – qui se livrent désormais une bataille sans merci pour en contrôler la plus grande part. En 2011, Facebook a en effet dépensé plus d’1 milliard de dollars en infrastructures, dont une large partie a servi à financer ses « réservoirs à données » (data centers). L’enjeu est de taille puisque le réseau social, deuxième site internet le plus visité après Google, qui compte aujourd’hui 1 milliard d’utilisateurs, retire, par profil, un gain de 5 dollars en moyenne. L’Institut Ponemon qui classe les entreprises protégeant le mieux les données personnelles vient de retirer Apple et Google du classement. Amazon est en troisième position. Et Facebook n’y a jamais figuré.

Plaire à la génération du millénaire
Financial Times
Emily Steel
La révolution numérique a profondément modifié les habitudes de consommation dans le domaine du divertissement. À commencer par celles des jeunes adultes âgés de 18 à 35 ans, qui forment la génération du millénaire. Si ces « Milleniums » disposent, aux États-Unis, d’un pouvoir d’achat de 900 milliards de dollars, ils n’achètent pourtant ni CD, ni DVD, ni livres. Ils regardent désormais les programmes télévisés ou les films en streaming (flux continu) sur leurs smartphones et écoutent de la musique sur des sites comme Spotify. Pour ces jeunes, l’accès aux biens est devenu plus important que leur possession. Ainsi, pour atteindre la génération du millénaire, les médias sont amenés à repenser complètement leurs stratégies.

Un Nouveau souffle pour Facebook
The Wall Street Journal
Evelyn M. Rusli
L’entrée en bourse, le 17 mai 2012,  de l’entreprise Facebook – la plus importante des introductions boursières de l’histoire des valeurs technologiques – fut un échec retentissant. En l’espace de dix jours, le titre a en effet perdu 25 % de sa valeur, obligeant Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, à revoir en profondeur sa stratégie. Jusque-là peu enclin à développer la publicité sur son site, le jeune fondateur du célèbre réseau social, s’est finalement résolu à augmenter les ventes d’annonces publicitaires, notamment sur l’application Facebook des smartphones. Les recettes financières ont alors bondi atteignant 1,8 milliard de dollars début 2013 entrainant la valeur de l’action à la hausse de 105 %. Début février, l’entreprise devrait également annoncer une augmentation de 40 % de son chiffre d’affaires.

Comment la NSA a (presque) tué internet
Wired
Steven Levy
Les révélations d’Edward Snowden, jeune consultant en technologies de l’information et de la communication (TIC), qui - avant sa fuite à Hong Kong puis à Moscou - travaillait pour l’Agence de sécurité nationale américaine (NSA) ont provoqué un véritable séisme pour les géants de l’internet. Les informations diffusées par Snowden par l’intermédiaire du Guardian et du Washington Postmontrent en effet quela NSA et le Federal Bureau of Investigation (FBI) avaient accès aux serveurs de l’ensemble des entreprises opérant sur le Net dans le but de récupérer les données personnelles des utilisateurs. Microsoft, Yahoo!, Google, Facebook et Apple ont d’abord démenti toute implication avant que l’information ne soit confirmée par la Maison-Blanche. Désormais, ces entreprises auront beaucoup de mal à convaincre les internautes que le Net n’est pas un vaste instrument de surveillance.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Inégalités : une crise pour rien ?
La Vie des Idées
Nicolas Frémeaux
Si la grande volatilité des revenus du capital et les moins-values financières provoquées par la crise ont affecté les hauts revenus dans les grandes économies avancées, la reprise, même fragile, a en revanche depuis 2010 profité aux plus aisés. Les inégalités ont ainsi retrouvé, en 2013, leur niveau d’avant la crise. Aux États-Unis, la croissance des revenus du centile supérieur de la distribution des revenus a été de 31,4 % tandis que les 99 % restants de la population ont vu leurs revenus stagner. En France, le niveau de vie (revenus après impôts et transferts) des quatre premiers déciles a diminué pendant la crise alors que celui des couches supérieures a augmenté. En 2010, les 20 % les plus aisés ont un niveau de vie 4,5 fois supérieur aux 20 % les plus modestes. Ce rapport était de 4 au milieu des années 1990 et de 4,3 avant la crise. L’accroissement de la part du patrimoine privé dans le revenu national a également fortement contribué à la montée de ces inégalités.

Corée du Sud : temps de travail et précarité
Chronique internationale de l’IRES
Jean-Marie Pernot
En Corée du Sud, en 2011, la durée du travail annuelle moyenne des salariés dépassait d’environ 400 heures celle des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En dépit d’une période de baisse de la durée effective du travail entre 2001 et 2004,  cette dernière n’est guère différente aujourd’hui de la durée légale de 1953, soit 48 heures hebdomadaires. Depuis 2004, les Coréens bénéficient de deux semaines de congés payés par an mais la plupart d’entre eux ne prennent guère plus d’une semaine ou s’abstiennent complètement de prendre du repos. Les durées excessives de travail ont introduit massivement de la précarité en matière de santé et de sécurité au travail, une ruine démographique et des inégalités de toute nature. Quant à la baisse du temps de travail amorcée timidement dans les années 2000, elle a conduit à amplifier une autre forme de précarité, celle des statuts d’emploi, renforçant ainsi encore le dualisme de la société. La nécessité de renforcer l’État social et d’améliorer les conditions de vie de la population continue d’être dans ce contexte l’objet de débats publics importants lors de la campagne électorale présidentielle de l’automne 2012.

Engager les Français au-delà des écogestes
Consommation et modes de vie
Bruno Maresca
La synthèse issue du débat sur la transition énergétique a établi que l’objectif de réduction des consommations d’énergie ne peut être atteint uniquement par le recours à l’innovation technologique. Non seulement cette dernière n’est pas d’emblée appropriable, mais les gains qu’elle génère ont des effets de rebonds – plus la technique est économe, plus l’usage s’amplifie. Par ailleurs, la progression du confort est une dynamique collective qui fait progresser la demande d’électricité. Dans ce contexte, la montée en puissance des énergies renouvelables et l’amélioration des performances énergétiques ne suffisent pas. Les pouvoirs publics misent ainsi sur une évolution des comportements des consommateurs. Après les écogestes, c’est la sobriété énergétique qui devient le nouvel impératif. L’objectif est un mode de vie global moins consommateur d’énergie.

3084 L'économie bleue

 La mer : vecteur et enjeu du futur
Études
Emmanuel Desclèves
La mer, milieu originel de la vie, en recèle encore  la plus large diversité et la plus forte densité. Formidable réservoir de ressources, l’océan qui occupe 70 % de la surface de la Terre reste pourtant très largement inconnu. On connaît ainsi beaucoup mieux la surface de la lune que les grands fonds marins. De même, depuis l’époque des Grandes Découvertes, qui ont permis aux navigateurs portugais et espagnols d’ouvrir le commerce maritime direct entre l’Europe et l’Extrême- Orient et le Nouveau monde, les réseaux maritimes continuent d’être les vecteurs de la mondialisation. La course croissante aux ressources maritimes n’est toutefois aujourd’hui pas sans risques. Celle-ci suscite en effet des compétitions et des tensions de plus en plus vives, en particulier là où le découpage des zones économiques exclusives (ZEE) fait l’objet de contestations (mer de Chine, Arctique et Méditerranée orientale).

Le flux tendu du fret maritime : conteneur et ports
Esprit
Olivier Mongin
Huit porte-conteneurs de 14 000 boîtes avec un équipage de 200 hommes à bord transportent autant de marchandises entre l’Europe et l’Asie que 140 cargos des années 1960 avec 6500 marins à bord. Le marché des conteneurs concerne aujourd’hui environ 3 000 navires qui transportent 80 % des huit milliards de tonnes de marchandises qui sont échangés par mer chaque année. Le transport maritime est donc au cœur du commerce mondial. La vitesse du navire de transport commercial de haute mer n’est pasde facto aussi rapide que celle de l’avion, elle favorise pourtant une circulation maritime à « flux tendu » un mode de circulation qui s’accompagne d’une capacité de stockage/déstockage sans concurrence grâce au conteneur et à la construction  de ports adaptés et gigantesques comme ceux de Singapour ou de Tanger.            

Pour une gestion durable des pêches
Responsabilité et environnement
Philippe Cury
La pêche, dernière activité de prélèvement d’une ressource sauvage, est aujourd’hui sérieusement menacée. Si les ressources halieutiques ont en effet longtemps été considérées comme inépuisables, la croissance très rapide de la  pêche à partir des années 1950 – l’activité devenant planétaire - et la modernisation des techniques de traque  des bancs de poissons ont conduit au bout de quelques décennies à une dangereuse surexploitation. Certains travaux scientifiques  envisagent désormais, si la pression humaine (surpêche, pollution et destruction des milieux marins) se poursuit au rythme actuel,  la disparition au milieu du siècle des espèces de poissons les plus couramment pêchées. Dans un contexte de sécurité alimentaire de plus en plus tendu, il convient désormais de trouver les moyens de sauvegarder l’une des principales ressources alimentaires de la planète tout en jetant les bases d’une pêche responsable et durable.

Les énergies marines renouvelables
Note de synthèse - ISEMAR
Paul Tourret et Anne Gallais Bouchet
Les ressources énergétiques situées sous la mer comme le gaz ou le pétrole sont depuis longtemps abondamment exploitées par l’homme. Désormais la quête de nouvelles sources d’énergie décarbonée sur ou dans les océans conduit à l’émergence d’une nouvelle industrie promise à un florissant avenir celle des énergies marines renouvelables (EMR). Celles-ci peuvent être tirées du vent (éolienne),  des courants marins (hydrolienne), de la houle (énergie houlomotrice) ou de la différence de température entre les eaux de surface et les eaux profondes des océans (énergie thermique). Ces nouvelles filières industrielles prennent place sur les littoraux tandis que les processus logistiques et de maintenance impliquent les ports. En raison de leurs implantations dans les milieux marins, les EMR participent enfin aux enjeux complexes de l’intégration aux autres activités - le transport, la pêche ou le tourisme - et à l’environnement.

L’Arctique : un trésor caché
The Economist
Une étude du Service américain de prospection géologique (US Geological Survey) de 2008 évalue à 90 millions de barils de pétrole et 1 669 milliards de mètres cubes de gaz naturel les réserves d’hydrocarbures de l’Arctique, soit 13 % et 30 % respectivement des réserves mondiales non encore découvertes. Plus de 84 % de ces ressources seraient conservées sous la mer. Le pétrole n’est pas une nouveauté dans cette région puisque les premiers puits y ont été creusés dans les années 1920 mais l’exploitation pétrolière a toujours été compliquée dans ces lieux inhospitaliers. Le réchauffement climatique qui accélère la fonte de la glace et le progrès technique rendent désormais l’exploration et l’exploitation plus rentables même si celle-ci devrait rester particulièrement difficile compte tenu des conditions climatiques. C’est l’épuisement des champs pétroliers plus accessibles au Moyen-Orient et dans d’autres régions du monde, qui expliquent que les majors voient désormais dans l’Arctique une nouvelle opportunité.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Les enjeux économiques du partenariat transatlantique
Lettre du CEPII
Lionel Fontagné, Julien Gourdon et Sébastien Jean
En 2013, les États-Unis et l’Union européenne se sont engagés dans la négociation d’un accord de libre-échange. Le niveau de protection tarifaire  réciproque étant faible, la libéralisation commerciale que permettra la conclusion du Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (PTCI) consistera avant tout à réduire les barrières non tarifaires. Les simulations effectuées par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) montrent que grâce au PTCI le commerce bilatéral entre les deux zones pourrait augmenter de moitié. Avec le basculement du centre de gravité de l’économie mondiale vers l’Asie, les enjeux de cette négociation commerciale vont toutefois bien au-delà des échanges bilatéraux et concernent la place des deux partenaires dans les nouveaux rapports de force économiques mondiaux.

Six questions à Michel Aglietta
Géographie, Économie, Société
Entretien avec Michel Aglietta
Professeur émérite de l’université Paris Ouest – Nanterre – La Défense et chercheur au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), Michel Aglietta a, étudiant, commencé par s’intéresser à l’étude du capitalisme et aux comparaisons des théories marxiste et keynésienne. Au cours d’un travail de recherche qu’il a effectué avec Robert Boyer, à la fin des années 1970, au ministère de l’Économie et des Finances, il a développé la « théorie de la régulation » qui l’a rendu célèbre jusqu’au Japon et en Amérique latine. Cette théorie analyse le fonctionnement des économies et leurs diverses configurations dans le temps et l’espace, en tenant compte de l’imbrication entre politique, droit, normes sociales et activité économique, ainsi que de l’existence d’organisations et d’institutions desquelles dépendent les marchés. Michel Aglietta revient, dans l’entretien, sur le rôle qu’il a accordé à la monnaie dans ses différents travaux de recherche et aborde également la question de l’avenir de l’euro.

Formation professionnelle initiale : une comparaison France-Allemagne
La Note d’analyse - CGSP
À côté de la formation professionnelle continue qui s’adresse généralement aux personnes ayant déjà une première expérience professionnelle, ainsi qu’aux demandeurs d’emploi et les peu- ou non-qualifiés, les enjeux de la formation professionnelle initiale sont également cruciaux. Présenté comme un élément central de la compétitivité allemande, le système de formation professionnelle des jeunes suscite l’intérêt de nombreux pays. Une lecture comparée des systèmes en vigueur en France et en Allemagne permet de saisir les cheminements qui ont conduit, dans les deux pays, au paysage actuel ainsi que les différences structurelles qui les distinguent.

N°3085-Brésil, le moment de vérité

Comprendre les récentes manifestations de rue
Chronique internationale de l’IRES
Fernando J. Pires de Sousa
Au cours de l’été 2013, le gouvernement brésilien a dû affronter d’importantes manifestations. Un projet d’augmentation des tarifs des transports publics a été à l’origine de la contestation sociale, mais très vite d’autres sujets de mécontentements sont apparus, notamment le coût de la préparation de la Coupe du monde de football, organisé au Brésil en 2014. Depuis, l’agitation sociale est retombée, sans pourtant disparaître complètement. Les raisons de la mobilisation sont en effet plus profondes. La présidence Lula a su réduire la pauvreté et les inégalités grâce notamment au programme phare de Bolsa família, conduisant ainsi à l’émergence d’une large classe moyenne. Dilma Roussef, la nouvelle présidente élue en 2010, s’est davantage concentrée sur la lutte contre la grande pauvreté, oubliant ainsi un peu les attentes de cette nouvelle classe moyenne qui aspire à de meilleures infrastructures, davantage d’investissements dans les services publics, moins de corruption, etc.

Repenser la stratégie de croissance
Financial Times
Samantha Pearson
Après une décennie d’euphorie, le Brésil, comme d’autres pays émergents, doit faire face à un fort ralentissement de sa croissance. Les multiples causes de cette « panne » sont apparues très clairement durant l’année 2013 qui a été marquée par une contestation sociale d’une ampleur inédite. Le pays est en effet confronté à une série de difficultés : la fin du super-cycle du prix des matières premières, le changement de cap monétaire de la banque centrale américaine (la Fed) et, enfin, une balance commerciale dont l’excédent a chuté de 35 % en 2012 pour atteindre son niveau le plus bas depuis treize ans. Ces difficultés conjoncturels viennent s’ajouter à un problème structurel de compétitivité dont souffre le Brésil depuis plusieurs années, ainsi qu’aux faiblesses de son modèle de croissance, très dépendant de la consommation.

Le défi de la compétitivité
VoxEU.org
Otaviano Canuto, Matheus Cavallari et José Guilherme Reis
Le Brésil a brillamment passé l’épreuve de la grande crise de 2009, mais depuis deux ans les indicateurs économiques sont en berne. Le taux de croissance a nettement ralenti se situant à 1 ou 2 % seulement et avec une inflation de plus en plus importante, l’économie brésilienne est aujourd’hui en quasi-stagflation. Le pays est surtout confronté à un problème de compétitivité. Certes, depuis 2000, les exportations ont triplé, mais cette performance s’explique avant tout par des effets géographiques et une composition sectorielle favorable. Malgré ce dynamisme des exportations, le Brésil demeure un pays peu ouvert. Rares sont en effet les nouvelles entreprises qui parviennent à entrer sur les marchés tournés vers l’exportation, car elles sont handicapées par des coûts de production trop élevés. L’augmentation des salaires n’a pas suivie celle de la productivité. Engager des réformes microéconomiques en faveur d’une politique d’offre et  de développement du capital humain apparaît de plus en plus nécessaire.

Brésil : une désindustrialisation précoce
FMSH – Working Paper Series
Pierre Salama
En dépit de la forte croissance des années 2000, le Brésil doit faire face à une désindustrialisation précoce. Si cette situation est semblable à celle rencontrée par d’autres pays latino-américains, elle tranche en revanche avec ce qu’on observe en Chine. Ce pays a réussi à développer son appareil industriel et à monter en gamme sur le plan de la production. Au Brésil, seules quelques rares filières sont parvenues au même résultat. L’intensification des relations commerciales asymétriques entre les deux pays au cours des dernières années n’explique pas cette évolution, car ce n’est pas l’ouverture à l’international qui conduit à la désindustrialisation, mais la manière selon laquelle cette dernière est conduite. Le Brésil a fortement développé ses exportations de ressources naturelles, renforçant ainsi une primarisation de son appareil productif. L’afflux massif de capitaux étrangers mais également la forte appréciation de sa monnaie, le real, sont le résultat de cette stratégie économique.

Retraites, éducation : ne pas hypothéquer l’avenir
The Economist
Les Brésiliens bénéficient d’un système de retraite particulièrement généreux. Les seules pensions de réversions s’élèvent ainsi à 3 % du produit intérieur brut (PIB). L’importance des dépenses de retraites et de pensions s’explique par l’idéalisme de la génération qui a vaincue la junte militaire (1964 – 1985), l’objectif initial était que les privilèges sociaux de quelques-uns deviennent les droits de tous. Quant à l’éducation, si le Brésil a accompli dans ce domaine d’importants progrès, le pays reste,  en termes de résultats éducatifs, dans les profondeurs du classement des enquêtes de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). Le principal problème est que le budget de l’éducation n’est pas utilisé efficacement : si les pays de l’OCDE dépensent en moyenne 30 % de plus par étudiant que par élève, le Brésil en dépense cinq fois plus.

Des élections sous tension ?
Panorama – Les publications économiques de COFACE
Dominique Fruchter
Depuis 1990, le Brésil est parvenu à réduire de manière très importante la pauvreté et à augmenter le niveau de vie des habitants. Les politiques menées sous la présidence Cardoso, poursuivies et intensifiés au cours des mandats de Lula et Dilma Roussef, notamment à travers le programme d’aide conditionnelleBolsa familia, ont été particulièrement efficaces.  Mais le coefficient de Gini, qui permet de mesurer l’inégalité des revenus dans un pays, reste avec 0,5 en 2012 toujours à des niveaux élevés. Les inégalités demeurent et les partis politiques ne parviennent que difficilement à apporter une réponse aux nouvelles aspirations de la classe moyenne. À cela s’ajoutent des tensions également fortes dans les zones rurales et forestières. À l’approche des élections de l’automne 2014, Dilma Roussef, qui dispose d’une popularité importante, fait preuve d’écoute, mais les réponses que le futur président pourra apporter prendront nécessairement du temps à se concrétiser.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO


Banques : la crise a modifié les business models
Revue d’économie financière
Sylvie Matherat
La crise économique mondiale de 2008 aété provoquée par une crise financière déclenchée à l’origine par une crise de liquidité ayant frappé certains établissements spécialisés, puis les banques universelles. À la suite de cette dernière, de nouvelles exigences réglementaires ont été fixées au secteur bancaire par les autorités publiques. Celles-ci ont ensuite été complétées par certaines réformes de structures. Ce nouveau cadre vise à atteindre deux objectifs : limiter le risque de faillite et de contagion et faciliter la résolution de crises touchant des entités bancaires parfois très complexes. Les défis à relever ne s’arrêtent cependant pas là. Les autorités de surveillance doivent aujourd’hui veiller à ce que la mise en œuvre des nouvelles règles n’ait pas de conséquences négatives, comme de favoriser certaines activités risquées à l’origine de la crise ou de rendre plus difficile le financement de l’économie.

Situation financière des entreprises : la France décroche
Futuribles
Gilbert Cette et Arnaud Sylvain
La France est, depuis plusieurs années, confrontée à un problème de compétitivité. À ce titre, la situation financière des entreprises françaises apparaît particulièrement difficile.  Une analyse comparée avec d’autres grands pays européens montre, en effet, qu’au cours des deux dernières décennies, différents indicateurs comme le taux de marge, le taux d’épargne, les revenus nets ou le taux d’endettement des sociétés non financières se sont sensiblement et durablement dégradés. Si ce diagnostic devait se confirmer, il augurerait d’un avenir plutôt sombre sur le plan de l’investissement productif, de l’évolution des revenus des ménages, de la création de richesse et en définitive de la croissance économique.

La crise des subprimes : une crise historique du capitalisme
Idées économiques et sociales
Dominique Plihon
La dérégulation des marchés des échanges et des capitaux a, dans les années 1980, conduit à un développement de la finance d’une telle ampleur que celle-ci a fini par dominer le capitalisme contemporain. Selon les économistes orthodoxes, celle-ci devait théoriquement allouer de façon optimale les ressources financières en assurant leur transfert vers les emplois les plus utiles à la société et favoriser la gestion efficace des risques. Or la réalité est, selon l’auteur, tout autre et la crise des subprimes de 2008 semble avoir mis en échec la finance moderne. Cette crise – systémique par nature, notamment parce qu’elle a d’abord frappé les économies constituant le centre du capitalisme (les États-Unis) – est aussi celle du capitalisme moderne puisqu’elle revêt de multiples dimensions : financière, économique, sociale et environnementale.

 

- Hors-série n° 5 Comprendre le capitalisme

Si les années 1990 et 2000 ont été celles du triomphe planétaire du capitalisme, la crise dans laquelle sont plongées la plupart des économies avancées depuis 2008 montre qu’il ne fonctionne pas sans heurts. Bulles financières, endettement public, menace écologique, inégalités et tensions sociales croissantes… Autant de dysfonctionnements qui nourrissent la question d’un « changement de modèle » pour nos économies. 
Après un détour par les origines du capitalisme, ce numéro hors-série de Problèmes économiques en décrypte les rouages, en insistant plus particulièrement sur les spécificités du capitalisme contemporain. 

Aux origines du capitalisme 

Comment définir le capitalisme ? (Jean-Pierre Biasutti et Laurent Braquet) 
Les facteurs de l’émergence du capitalisme : une question controversée (Philippe Norel) 
Le capitalisme, des origines au XXe siècle (Jean-Charles Asselain) 
Capitalisme et systèmes politiques (Philippe Raynaud) 

Le capitalisme et ses rouages 

L’innovation, au cœur de la dynamique capitaliste (Marie Coris) 
L’entrepreneur face au manager et au trader : figure centrale ou secondaire du capitalisme ? (Jacques Brasseul) 
Le capitalisme, d’une crise à l’autre : résilience, transformations(Robert Boyer) 
Le capitalisme face à ses critiques (Gilles Ravaud) 

Le capitalisme aujourd’hui 

Du capitalisme managérial au capitalisme actionnarial (Antoine Rebérioux) 
La diversité contemporaine du capitalisme (Bruno Amable) 
Un capitalisme sans conflits sociaux ? (Eric Neveu) 
La transition des économies planifiées, vingt ans plus tard (Bernard Chavance) 
Les puissances émergentes, porteuses de nouveaux modèles ?(Michel Aglietta) 
Écologie, croissance, quête de sens… Les défis contemporains du capitalisme (Jean Gadrey) 
Encadré : Le capitalisme « cognitif », nouvelle forme de capitalisme ? (Jean-Marie Monnier, Carlo Vercellone)

3086 Femmes, quelle place dans l'économie ?

Les inégalités professionnelles entre les sexes perdurent
CEPREMAP
Dominique Meurs
La journée internationale de la femme, le 8 mars, est l’occasion chaque année de rappeler la persistance des inégalités entre les femmes et les hommes sur le marché du travail. En dépit de progrès notables et de l’évolution des discours, le même constat est fait tous les ans : l’égalité est, en effet, encore loin d’être acquise. Déjà au XVIIIe siècle, Émilie du Châtelet, mathématicienne et physicienne française traductrice de l’un des travaux les plus importants d’Isaac Newton, regrettait que si peu de place ait été accordée jusque-là aux femmes, notamment dans le monde du travail. Si, désormais les filles accèdent à l’éducation et peuvent exercer des métiers qui étaient, il y a encore peu de temps, réservés aux hommes, l’accès aux emplois stratégiques et/ou les mieux rémunérés reste difficile.

Recrutement : quand les stéréotypes ont la vie dure
Bref du CÉREQ
Lydie Chaintreuil et Dominique Épiphane
En 2013, le Centre d’études et de recherche sur les qualifications (Céreq) a mené, dans le cadre des projets du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse (FEJ), une étude qualitative auprès de recruteurs français, visant à évaluer la discrimination à l’embauche selon le sexe. Si celle-ci est, dans la plupart des cas, punie par la loi, le critère du sexe n’est pas neutre au moment du recrutement. La sélection s’avère biaisée par de nombreux stéréotypes attribués « naturellement » aux postulants et postulantes. Ainsi, selon les conclusions de l’étude, les femmes seraient généralement considérées comme étant « mieux organisées » et les hommes, « plus fonceurs ».

L’emploi des femmes en Europe : des situations très divergentes
La Vie des Idées
Mathilde Guergoat Larivière
L’Union européenne (UE) s’est fixé, dans le cadre de la stratégie Europe 2020, l’objectif d’atteindre un taux d’emploi féminin de 60 %. Si la quasi-totalité des États membres ont engagé des réformes visant à faciliter l’emploi des femmes, les disparités en termes de participation féminine au marché du travail restent très fortes. Parmi les pays enregistrant un taux d’emploi des femmes élevé figurent la Suède (72 %) et le Danemark (70,5 %). Malte (41 %) et la Grèce (45 %) affichent, au contraire, les taux les plus faibles. Dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO), les politiques publiques en direction de l’emploi des femmes sont moins nombreuses que dans les pays d’Europe du Nord où les femmes bénéficient de services de garde d’enfants, de congés accordés à la suite d’une naissance, et du temps partiel choisi.

Les économistes femmes sont-elles plus hétérodoxes que les hommes ?
Finances et développement
Ann Mari May
Selon l’Institut de recherche du Crédit suisse, les entreprises qui comptent des femmes dans leurs conseils d’administration affichent généralement de meilleurs résultats que leurs homologues n’en ayant aucune. La différence de points de vue serait donc enrichissante. Des études menées auprès d’économistes américains des deux sexes ont en outre montré que si ces hommes et ces femmes, qui ont suivi les mêmes formations universitaires, s’accordent sur les principes fondamentaux de l’économie (maximisation de l’utilité, besoins illimités, ressources rares, etc.), les économistes femmes montrent une plus grande propension que leurs collègues masculins à privilégier l’intervention de l’État plutôt que le recours au marché.

La Suède, un modèle d’égalité hommes-femmes
The Economist
La Suède sert généralement  de modèle aux autres États membres de l’Union européenne (UE) en matière de politique familiale. La conception nordique de la famille est très éloignée des valeurs familiales plus traditionnelles ayant cours dans d’autres pays. En effet, en Scandinavie l’individu prime sur la famille. L’État encourage les femmes à prendre part à la vie active. Ainsi, grâce à l’aide que celui-ci procure aux mères de famille en termes de prise en charge des enfants et des personnes âgées, les taux d’emploi féminin et de fertilité sont particulièrement élevés en Suède.

Les femmes sont sources de croissance économique
OCDE
Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’accumulation de capital humain a un effet très bénéfique sur la croissance économique. Les recherches menées par l’OCDE dans trente pays membres entre 1960 et 2008 montrent également qu’une répartition plus équitable de l’éducation entre les hommes et les femmes accentue ce phénomène. L’investissement dans l’éducation aurait un rendement élevé – une année supplémentaire d’enseignement général se traduirait par une hausse annuelle de 10 % de la production par habitant –, et l’augmentation du niveau d’études expliquerait environ 50 % de la croissance économique dont près de la moitié est due à l’élévation de la formation des femmes. L’égalité des chances entre les hommes et les femmes a également des effets positifs sur le marché du travail. Aux États-Unis et en Corée du Sud, le taux d’activité accru des femmes et la meilleure répartition de l’emploi féminin entre les secteurs d’activité ont en effet permis d’augmenter la croissance économique.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

La marque dans les industries culturelles
Communication et management
Hélène Laurichesse
Les spécificités des industries culturelles, et plus particulièrement du secteur audiovisuel, induisent une forme hybride du concept de « marque ». Si, selon l’auteur, celle-ci revêt trois fonctions, l’une d’entre elles est prédominante. La marque donne en effet du sens à l’œuvre et constitue un repère afin de mieux reconnaître celle-ci. Mais elle constitue avant tout un formidable outil permettant d’augmenter les profits de l’entreprise. Cet objectif assumé d’accroissement des revenus est propre aux industries culturelles. Le procédé de licensing, qui permet de protéger le nom d’une marque, a par exemple permis aux créateurs de « Harry Potter » de gagner davantage de la vente des produits dérivés (2,8 milliards de dollars par film, soit 20 milliards en tout environ) que de la diffusion des films (7,7 milliards de dollars). 

L’économie de la mode
Réalités industrielles
Dominique Jacomet et Pascal Morand
L’industrie de la mode qui regroupe l’ensemble des activités ayant en commun la « parure » de la personne, ce qui inclut la fabrication de vêtements, d’articles de maroquinerie, de chaussures, et de bijoux, a un poids considérable dans l’économie française. En termes d’activité globale, le chiffre d’affaires du secteur s’élève à environ 152 milliards d’euros et représente près de 550 000 emplois salariés. Le succès des entreprises françaises du luxe est tel qu’il permet de renouer avec la dimension industrielle. La mode constitue aujourd’hui un élément essentiel du soft poweréconomique et culturel de la France.

Lutte contre la faim : vers la transition agricole et alimentaire
IDDRI – Working Paper
Maria-Luiza Apostolescu et al.
Résoudre le problème de la faim dans le monde ne peut se limiter à une simple augmentation de la production agricole. Il est en effet nécessaire d’engager une transition vers un paradigme agricole et alimentaire cohérent et durable qui implique d’agir dans tous les secteurs liés aux problématiques alimentaires et nutritionnelles. Favoriser cette transition passe également par une accélération de la transition démographique et un rééquilibrage des rapports de force existants au sein des systèmes de lobbying. De même, le passage progressif de l’agriculture conventionnelle vers l’agroécologie est devenu aujourd’hui indispensable. Enfin, la réalisation du droit à l’alimentation ne pourra se faire sans une amélioration de la gouvernance mondiale sur ces questions.

 

3087 L' épargne : vice ou vertu ?

L’épargne : le choc des cultures
Die Politische Meinung
Entretien avec Roland Benedikter
Les traditions et la culture d’un pays jouent un rôle fondamental dans le comportement d’épargne et d’endettement de ses habitants. L’Europe et les États-Unis sont, dans ce domaine, si éloignés qu’on peut parler d’un véritable choc des cultures. Sur le Vieux Continent, l’épargne est une condition préalable à la consommation : on travaille, puis, à partir d’une partie du fruit de son labeur, on constitue une épargne qui permettra ensuite de consommer. L’acte d’achat est donc le résultat, l’expression matérialisée du passé. La conception américaine est diamétralement opposée. Aux États-Unis, l’argent est davantage un pari sur l’avenir, une avance qui se transforme par la suite en obligation, en engagement. Ainsi, dans la culture américaine, qui est une véritable « civilisation de l’avenir », contracter des dettes n’a rien de négatif. L’argent n’est finalement qu’une convention sociale sans valeur en soi, qui sert à insérer l’avenir dans le présent.  De ces différences découle une dynamique sociétale, culturelle et économique complètement distincte.

À chaque pays ses comportements d’épargne
Constructif
Didier Davydoff
Les grandes théories de l’épargne fonctionnent assez bien pour expliquer les différences de comportement entre les individus d’un même pays, mais elles sont peu efficaces pour comprendre les différences qui ont cours d’un pays à l’autre. Ces-dernières sont pourtant importantes et ne s’expliquent pas uniquement par le choix des définitions employées. L’analyse de la composition du patrimoine, ainsi que des pratiques d’endettement, permet de mieux comprendre ces différences. Le comportement d’épargne est également influencé par le modèle de protection sociale en vigueur – en particulier son degré de générosité - et dépend aussi de la place et de l’activité des marchés financiers. Enfin, le taux de propriétaires de logement joue également un rôle non négligeable.

Les marchés d’actifs sûrs : mythe ou réalité ?
Risques
Didier Folus
De nombreux investisseurs rechercbent des titres présentant un faible niveau de risque. Les actifs financiers sûrs sont ainsi au cœur de la finance de marché. Le système financier a en effet besoin d’actifs considérés comme sûrs, non seulement pour protéger la valeur de l’épargne, mais également pour servir de garantie à des prêteurs, pour permettre aux entités souveraines de se financer et aux banques centrales de conduire la politique monétaire. Un actif financier sûr est celui dont le propriétaire ne doute pas. L’idée selon laquelle il existerait des actifs « sans risque » repose donc essentiellement sur la perception que les investisseurs ont du marché. Or cette dernière peut être biaisée comme l’ont montrés la crise des subprimes et des dettes souveraines.

Comprendre les taux d’intérêt négatifs
Le Cercle-Les Échos
Pascal Ordonneau
Les taux d’intérêt peuvent être négatifs. Ce phénomène se produit lorsque l’inflation dépasse le taux d’intérêt nominal (le taux d’intérêt réel est donc négatif) ou s’il faut payer les emprunteurs afin qu’ils acceptent d’être débiteurs. Le premier cas, les taux d’intérêt réels négatifs, est le  plus courant. Cette situation avantage l’emprunteur, car elle constitue une incitation à s’endetter. Le second cas correspond à une situation où le taux d’intérêt monétaire est nul et où il faut payer les demandeurs de monnaie pour qu’ils en acceptent. Les offreurs, pour leur part, en ont trop, ils sont prêts à payer pour qu’on les en débarrasse. L’économie peut alors se retrouver plongée dans la déflation et la récession.

Les grandes tendances de l’épargne des Français
Analyses et Synthèses – ACPR-Banque de France 
Jean-Baptiste Feller
En 2013, les placements des ménages français étaient constitués majoritairement de dépôts bancaires (27 %) et de contrats d’assurance vie (35 %). La part de l’épargne bancaire réglementée est en nette progression (augmentation de 22 % des encours) par rapport à l’année précédente. Cette dernière tendance s’inscrit dans un contexte particulier : hausse du plafond du livret A et du livret de développement durable (LDD) et baisse sensible des taux de rémunération servis depuis 2012. La progression des encours d’épargne réglementée – ils ont atteint un niveau historique -  ne semble pas avoir eu de conséquences négatives sur la collecte en assurance vie. À la suite de la nouvelle baisse du taux du livret A au 1er août 2013, une amorce de décollecte sur les livrets réglementés se dessine, ainsi qu’un possible regain d’intérêt des ménages pour l’épargne logement.

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La machinerie économique du IIIe Reich
La Vie des Idées
Jean-Marc Dreyfus
L’économie allemande sous le IIIe  Reich est perçue comme une gigantesque et incroyable machinerie. Pourtant, elle a constamment failli sombrer dans une crise grave, notamment en raison des difficultés d’approvisionnement en devises. C’est un des enseignements qu’apporte l’ouvrage de référence de l’historien britannique Adam Tooze, professeur à l’université Yale (États-Unis),Le Salaire de la destruction, consacré à une lecture de l’histoire du IIIe Reich à travers le prisme de l’économie. L’auteur montre que l’énorme effort d’armement et le gouffre abyssal qu’ont constitués les dépenses de guerre ont été financés par la fiscalité, l’épargne forcée et l’exploitation des territoires occupés en Europe. Si de nombreuses décisions ont finalement  été influencées par des intérêts économiques, l’auteur met également en relief l’irrationalité idéologique fondamentale du régime.

Les étudiants étrangers : un enjeu de la politique migratoire
La lettre du CEPII
Lionel Ragot
On dénombre aujourd’hui dans le monde 4,3 millions d’étudiants étrangers (dont 53 % sont asiatiques), soit deux fois plus qu’il y a dix ans et cinq fois plus qu’en 1975. Six pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France, attirent à eux seuls plus de la moitié d’entre eux. L’enjeu est considérable tant pour les pays d’accueil que pour les pays d’origine. Les étudiants étrangers sont en effet considérés comme des vecteurs de diffusion de normes culturelles, économiques et politiques. L’enseignement qui leur est dispensé constitue également une forme d’aide au développement. Une fois diplômés et installés dans le pays d’accueil, les étudiants étrangers permettent aussi d’accroitre le niveau de qualification de la main-d’œuvre locale.

Le transport maritime est de retour
Review of Maritime Transport 
CNUCED
Le transport maritime tiré par l’essor de la demande intérieure chinoise et par l’augmentation des échanges intra-asiatiques et Sud-Sud connaît depuis plusieurs mois une embellie qui annonce, après plusieurs années difficiles, un probable retournement de cycle. Les spécialistes du secteur envisagent en effet désormais une forte reprise du fret maritime dans deux ans. Le charbon et le minerai de fer constituent actuellement, en raison de l’appétit asiatique pour ces matières premières, un véritable relais de croissance pour les grands vraquiers. L’amélioration de la situation s’explique toutefois davantage par la réduction de l’excès d’offre de transport que par l’amélioration de la conjoncture mondiale. Il suffit pour s’en convaincre d’observer l’amélioration actuelle de la situation du secteur des porte-conteneurs qui lui ne profite pas de l’embellie. Ces navires emportent d’Asie des marchandises dont ont besoin les consommateurs Américains et Européens. Or, avec la crise, ces derniers ont fortement réduit leurs achats. 

3088 Le Japon peut-il rebondir ?

Abenomics : la réponse du Japon à la crise
Diplomatie
Éric Boulanger
En décembre 2012, Shinzo Abe revient au pouvoir six ans après une première expérience en qualité  de Premier ministre au cours de laquelle il s’était illustré par son inexpérience. Cette fois, il propose à ses compatriotes un plan très ambitieux qui doit, selon lui, permettre de relancer une économie japonaise anémiée, en quasi stagnation depuis deux décennies. Sa politique des trois « flèches », en référence à une célèbre légende nippone – une flèche peut être brisée mais pas  trois attachées ensemble – consiste en un policy-mix, aussi dénommé Abenomics, qui s’appuie sur une politique budgétaire expansionniste, une reprise en main de la politique monétaire – relèvement de la cible d’inflation et dépréciation du taux de change – et des politiques actives de croissance, comprenant entre autres des mesures de réduction des inégalités et d’incitations pour les entreprises à investir et à augmenter les salaires.

Le pays riche le plus endetté au monde
Econote – Société Générale
Audrey Gasteuil-Rougier        
Avec une dette publique qui a atteint 220 % du produit intérieur brut (PIB) fin 2012, le Japon est le pays développé le plus endetté au monde. Mais contrairement aux pays très endettés de la zone euro, les taux d’intérêt de la dette nippone sont parmi les plus bas du monde. Ceci s’explique par le fait que l’épargne intérieure est abondante et que la dette est presque exclusivement détenue par les résidents. Cette situation ne pourra toutefois pas durer indéfiniment. À moyen-long terme, la question de la « soutenabilité » de la dette publique va inévitablement se poser en raison de la progression continue de cette dernière, de la faiblesse structurelle de la croissance et de la baisse tendancielle de l’épargne nationale liée au vieillissement de la population.

L’Archipel nippon conserve de nombreux atouts
Politique étrangère
Claude Meyer
En dépit d’un apparent déclin, face à une Chine dynamique et triomphante, le Japon reste une grande puissance économique qui produit aujourd’hui presque autant que sa grande rivale asiatique. Si le pays fait en effet face à des défis immenses, notamment l’absence de leadership politique, un endettement public considérable et le vieillissement de la population, il conserve aussi de réels atouts, en particulier l’excellence technologique, le dynamisme commercial, la puissance financière ainsi que le leadership économique et commercial en Asie. L’archipel nippon pourrait donc, armé d’une forte volonté politique, renouer rapidement avec la confiance et une croissance modérée mais durable.

Quel avenir pour le système de protection sociale ?
Informations sociales
Thierry Ribault
Après la Seconde Guerre mondiale, le Japon a adopté un système de protection sociale largement inspiré du rapport britannique Beveridge. Dans les années 1960, le dispositif sera complété par la mise en place d’un système de couverture universelle ouvert à tous les citoyens.  Longtemps, le pays a voulu croire qu’il disposait d’un modèle de protection sociale égalitaire en dépit du fait qu’au fil du temps celui-ci s’est montré de moins en moins efficace. S’adressant, en effet, essentiellement à la classe moyenne active et aux personnes âgées, il a pénalisé les femmes et ignoré les pauvres, dont le nombre s’est fortement accru ces dernières années. À partir de 2009, des mesures visant à réformer le système ont été adoptées mais celles-ci restent jusqu’à présent insuffisantes pour assurer la pérennité du système de protection sociale.

Le Japon face au vieillissement 
Financial Times
David Pilling
Le Japon est aujourd’hui, avec un âge médian de quarante-quatre ans et 25 % de personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, le pays développé le plus vieux du monde. Alors que le taux de natalité de l’Archipel a conduit à un triplement de la population japonaise  au XXe siècle, sa faiblesse aujourd’hui fait que le pays pourrait ne plus compter qu’une centaine de millions d’habitants d’ici trente ans et quarante-cinq en 2100 contre 126 millions actuellement. À partir des années 1960, l’État prend conscience de l’imminence d’une crise du vieillissement et favorise très tôt la construction de maisons de repos et la formation de personnels soignants à domicile. Dans les années 1990, le pays a multiplié et renforcé les services de soins à long terme. Mais des problèmes de financement de ce programme ont conduit les gouvernements successifs à réduire les prestations accordées. Fort heureusement pour le Japon, la crise du vieillissement survient lentement, ce qui a permis à l’État de s’y préparer et à la société de s’y adapter.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

L’austérité était-elle inévitable ?
VoxEU.org
Lorenzo Bini Smaghi
Mettre en œuvre des politiques d’austérité lors d’une récession risque de créer un cercle vicieux qui peut conduire à  déprimer la demande, faire baisser la production et aggraver le déficit. Cette situation n’est toutefois pas exactement celle que vit l’Europe depuis que les États ont engagé, à des degrés divers, des plans de rigueur. Les faibles taux de croissance de la zone euro s’expliquent avant tout par les politiques économiques appliquées avant la crise. Ces dernières ont conduit à des taux d’endettement privé et publique peu ou pas soutenables. Mieux vaut ainsi  faire à temps des réformes structurelles en faveur de la croissance pour éviter de tomber dans le piège de l’austérité.

Médicaments : comment les prix sont-ils déterminés ?
La note d’analyse du CGSP
Virginie Gimbert et Daniel Benamouzig
Le montant des dépenses publiques consacrées aux médicaments – qui constituent le premier poste de dépense des Français – s’élevait, en 2012, à 27 milliards d’euros. La détermination du prix du médicament est une question qui répond à des enjeux à la fois économiques, sanitaires et sociaux. Celle-ci renvoie en effet à des intérêts stratégiques multiples, voire divergents. D’un côté, les industriels ont des exigences liées à la profitabilité, à l’emploi et à l’investissement et sont soumis à une concurrence internationale de plus en plus forte. De l’autre, les pouvoirs publics doivent garantir l’accès aux médicaments améliorant la santé et le bien-être, grâce à un prix et à un niveau de remboursement adaptés, tout en respectant l’équilibre des finances publiques. Le processus de détermination des prix qui en découle est ainsi particulièrement complexe. Les règles spécifiques sont en outre nombreuses, ce qui tend à rendre le système relativement opaque.

Quand les fonds investissent l’enseignement supérieur
Éducpros – Groupe l’Étudiant
Isabelle Dautresme
Depuis quelques années, le domaine de l’éducation fait l’objet en France de l’intérêt croissant des investisseurs, en particulier l’enseignement supérieur privé. Le phénomène semble, ces derniers temps, s’accélérer avec la prise de contrôle par des fonds d’investissement d’un  nombre de plus en plus important d’écoles. Secteur en croissance et encore peu structuré, dont le modèle économique est en pleine mutation, besoins de financement qui s’annoncent considérables avec la révolution numérique, frais de scolarité élevés, les écoles supérieures privées ont en effet tout pour attirer les fonds d’investissement en quête de marchés toujours plus lucratifs.

N° 3089 La mondialisation en question

Les nouvelles tendances de la mondialisation
Revue des deux Mondes
Alain Bienaymé
La mondialisation s’est accélérée depuis les années 2000. La multiplication par sept du volume du trafic mondial d’Internet, depuis2005, a considérablement réduit les distances et fortement augmenté la vitesse de réaction des multinationales. Les nombreuses délocalisations qui se sont produites dans les années 1990 ont largement favorisé la montée en puissance des économies émergentes et ont contribué à l’augmentation des salaires dans les pays du Sud, augmentation qui a d’ailleurs contribué à ce que certaines entreprises des économies avancées rapatrient leurs activités. La « mondialisation chaude » des années 2000 est également caractérisée par l’explosion des transactions financières : 350 000 millions de dollars de produits financiers s’échangent chaque jour dans le monde, soit 180 fois le produit mondial brut annuel.

Gouvernance et protectionnisme
Ramsès
Dominique David et Franck Dedieu
Comment gouverner dans un espace mondialisé, en perpétuelle évolution et au sein duquel de multiples échanges (commerciaux, électroniques, etc.) échappent à l’État ? Si celui-ci a vu sa puissance s’éroder au profit notamment des entreprises et de la société civile, il conserve néanmoins des marges de manœuvre utilisant  divers instruments de gouvernance comme le protectionnisme. C’est le cas notamment des États chinois et brésilien qui cherchent à se protéger contre la concurrence des économies en développement, moins riches. Les États-Unis y recourent également en complétant régulièrement le « Buy American Act » par de nouvelles mesures. Quant à l’Union européenne, elle semble en revanche se cantonner à un « protectionnisme de normes » visant avant tout à faire respecter les standards de sécurité.

L’éclatement du système commercial mondial
Finances et Développement
Jagdish Bhagwati
La libéralisation des échanges progressivement mise en œuvre après la SecondeGuerremondiale a contribué de façon importante à la prospérité des nations en favorisant l’augmentation générale des revenus de la population mondiale. Pourtant, avec l’échec du cycle des négociations de Doha, lancé en 2001 – le premier sous les auspices de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) –, et la multiplication des négociations bilatérales et régionales, l’avenir du système commercial multilatéral s’est désormais quelque peu assombri. Parmi les accords commerciaux préférentiels en cours de négociation figurent le Partenariat transpacifique (TPP) entre les États-Unis et les pays de l’Asie du Sud-Est et le Partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement (TTIP) entre les États-Unis et l’Union européenne (UE). Ces accords pourraient, s’ils devaient aboutir, constituer une grave menace pour l’OMC.

La mondialisation est-elle bénéfique à l’emploi ?
OCDE
Jean-Yves Huwart et Loïc Verdier
Les délocalisations et l’internationalisation des actionnaires ont, en réduisant l’ancrage local des entreprises, dégradé le marché du travail dans les pays riches. Les pertes d’emplois dues à l’accroissement de la concurrence des pays émergents sont en effet massives. Ainsi, dans les pays membres du G7, le nombre de salariés du secteur du textile a chuté de plus de 60 % entre 1970 et 2003. En revanche, certaines branches de l’économie, comme la chimie, l’automobile, les médicaments et l’agroalimentaire, sont parvenues, jusqu’à la crise économique et financière de 2008, à maintenir leurs effectifs. Dans le même temps, la mondialisation a également créé de nombreux emplois dans les services. En outre, les délocalisations ne sont pas les seules responsables des suppressions d’emplois : l’amélioration des technologies et des processus de fabrication en expliquent également une bonne partie.   

Favoriser les emplois nomades
Alternatives économiques
Pierre-Noël Giraud
Les emplois nomades – emplois délocalisables et fabriquant des biens et des services exportables  (industrie, agriculture, tourisme, services et finance) – créent davantage de richesse que les emplois sédentaires (bâtiment, travaux publics, etc.) dans la mesure où les biens et les services qu’ils produisent ont une valeur marchande supérieure. Or la France ne compte plus que 16 % d’emplois nomades, contre 21 % en Allemagne. Si le taux est encore plus faible aux États-Unis (12 %), celui-ci tient compte des emplois high tech de la Silicon Valley, particulièrement créateurs de valeur. Ainsi, plutôt que de raisonner en termes de nationalité des entreprises, donc en termes de « made in France », les dirigeants devraient, selon l’auteur, se poser la question du lien entre investissements et création d’emplois nomades.

Les entreprises ont besoin des États
The Economist
Le débat sur l’antagonisme des relations entre les firmes multinationales et l’État n’est pas nouveau. Il s’est même intensifié avec la crise économique et financière de 2008. Ces entreprises sont en effet accusées de ne pas payer suffisamment d’impôt à un moment où les politiques d’austérité mises en œuvre pour rééquilibrer les finances publiques pèsent lourdement sur le pouvoir d’achat des classes moyennes. En réalité, l’État a besoin des firmes multinationales pour assurer la croissance économique et créer des emplois. À l’inverse, ces entreprises dépendent des politiques publiques en matière de recherche scientifique et d’infrastructure. L’État est également un client important pour de nombreuses entreprises.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Comment réinventer l’hôpital ?
La Gazette de la société et des techniques
Édouard Hatton, Sophie Letournel et Arthur Stril
Depuis de nombreuses années, les projets de réforme du milieu hospitalier se succèdent, mais n’aboutissent pas. Pourtant,  la nécessité de faire évoluer l’hôpital fait l’unanimité. Cette réforme prend un caractère d’urgence à un moment où la détérioration des finances publiques oblige l’Etat à faire des économies drastiques, y compris dans le champ de la protection sociale. Il est vrai que le système hospitalier est très complexe, une myriade d’acteurs intervient dans son organisation, sa régulation et son pilotage. De nombreux projets de réforme échouent face à des problèmes de gouvernance et de communication. La véritable difficulté n’est donc pas d’obtenir un consensus théorique, mais de le confronter à la dure réalité du terrain.

L’essor économique de l’Afrique
Revue d’économie du développement
Shantayanan Devarajan et Wolfgang Fengler
Le continent africain connaît depuis 2000 un taux de croissance annuel moyen de 5 %. Avec un taux de croissance de 4 %, les pays non rentiers comme ceux de l’Afrique subsaharienne ont également contribué à cet essor. La pauvreté a en outre diminué en moyenne d’environ un point de pourcentage chaque année depuis 1996. Les progrès en matière d’éducation et de soins de santé ont également été considérables. La démocratisation du processus politique et les réformes macroéconomiques mises en œuvre depuis quelques années ont entraîné le décollage du continent. De même, l’évolution démographique, l’urbanisation et les progrès technologiques ont favorisé ce processus. Pourtant, certains économistes doutent de la pérennité des progrès réalisés. La corruption et les rentes pétrolières retardent en effet le développement de l’Afrique qui reste handicapé par des infrastructures insuffisantes ou obsolètes.

Repenser la fiscalité internationale
L’Observateur de l’OCDE
Gerri Chanel
Nombre de règles de fiscalité internationales, conçues il y a des dizaines d’années, n’ont pas suivi les évolutions liées à la mondialisation. Désormais, les transactions transfrontalières entre entreprises associées (ou filiales) sont considérables. Elles représentent en effet à peu près un tiers du total des transactions internationales. Les bénéfices issus de ces échanges dits « internes » étant imposables, le taux de taxation est fixé en fonction des « prix de transfert » : ce qui s’avère un calcul particulièrement complexe et opaque. Rendre le système de fiscalité internationale pour les firmes multinationales plus juste et plus transparent est l’un des défis posés aux États ainsi qu’aux organisations internationales, comme l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

N° 3090 Le culte des chiffres

Si les chiffres sont un outil d’information indispensable à la qualité du débat public, ils doivent être également utilisés et interprétés avec discernement et pondération

À l’origine du déficit public à 3 % du PIB
La Tribune
Guy Abeille
L’indicateur du déficit public inférieur à 3 % du produit intérieur brut (PIB) est un des ratios économiques les plus fréquemment utilisés. Il figure parmi les critères de convergence (ou « critères de Maastricht ») que doivent respecter les États membres de l’Union européenne candidats à l’entrée dans la zone euro, critères qu’ils doivent continuer à respecter après leur adhésion sous peine de s’exposer à des avertissements puis à des sanctions. En dépit du fait que ce ratio soit devenu une norme publique incontournable, son origine reste largement inconnue, en particulier du grand public. C’est en France, au début des années 1980, que ce dernier a été mis au point au ministère de l’Économie et des Finances afin d’imposer plus facilement la rigueur à l’ensemble des ministères. Par la suite, ce ratio, bien que dépourvu d’une réelle pertinence économique, a fait école dans toute l’Europe.

À quoi servent les chiffres ?
Lafinancepourtous.com
« Statistiques et démocratie : à quoi servent les chiffres ? », c’est la question qui a été posée lors d’une conférence-débat coorganisée par le Conseil national de l’information statistique (CNIS) et le Conseil économique, social et environnemental (CESE) le 30 janvier 2014. L’objectif des organisateurs était de mieux faire connaître la statistique publique et ses méthodes, favoriser une plus large utilisation de ses productions et débattre avec les utilisateurs, décideurs, journalistes mais aussi simples citoyens, des évolutions possibles de cet outil. Le thème de la conférence est en effet d’une grande actualité, car la statistique et les chiffres ont aujourd’hui envahi le débat public. S’ils permettent d’éclairer les grands enjeux contemporains, ils sont également une arme de combat et leur interprétation peut se révéler parfois un authentique art. Faire de la pédagogie grand public sur les chiffres et la statistique est donc plus que jamais une nécessité.

L’économie malade de ses chiffres
Le crépuscule de l’homo oeconomicus
David Orrel et Tomáš Sedlácek
L’essai Le Crépuscule de l’homo oeconomicus de David Orrel et Tomáš Sedlácek, paru en 2012, se propose d’analyser la crise qui a débuté en 2007. Les auteurs partagent le point de vue de ceux qui imputent la responsabilité de cette dernière aux dérives de la conceptualisation mathématique de l’économie et à la sous-estimation de l’interdépendance entre l’économie réelle et le système financier. Plutôt que de remédier à certaines défaillances systémiques qui ont mené à la crise, les auteurs préconisent de modifier notre façon de penser la science économique. Celle-ci est en effet fondée sur l’hypothèse de la rationalité des individus et cherche ainsi à réduire la réalité à une équation ou un modèle mathématique. Cette façon de procéder peut conduire à la surexploitation des données, voire à une dictature des chiffres, dont le véritable pouvoir de prédiction est en fin de compte assez limité.

Croissance : l’idolâtrie du chiffre
Revue politique et  parlementaire
Charles Le Lien
En matière de production nationale, le taux de croissance passe pour l’alpha et l’oméga de l’information économique. En réalité, celui-ci se révèle en définitive un chiffre peu significatif. Sa marge d’erreur est en effet souvent supérieure à sa valeur absolue. Le chiffre définitif de la croissance n’est connu avec exactitude qu’au bout de quatre années. On peut ainsi imaginer l’imprécision qui entoure ce type d’information économique. Cependant, le recours à des chiffres en réalité peu pertinents n’est, selon l’auteur, qu’une partie du problème, l’autre étant l’oubli de chiffres réellement significatifs. Ainsi, une mesure plus juste de l’accroissement de la richesse nationale consisterait à se référer à la variation de la formation brute de capital fixe (FBCF) plutôt qu’au taux de croissance habituellement utilisé.

Quand les statisticiens du travail définissent le travail
Chronique internationale de l’IRES
Pierre Concialdi
Qu’est-ce que le travail ? Comment le définir ? Il existe pléthore de définitions de cette grandeur économique et sociale, mais jusqu’à récemment, nous ne disposions pas, au niveau international, de définition officielle. Le Bureau international du travail (BIT) a depuis longtemps défini les concepts de population active, de chômage ou de sous-emploi, mais ce n’est qu’à l’occasion de la XIXe conférence internationale des statisticiens du travail (CIST), qui a eu lieu à Genève du 2 au 11 octobre 2013, que le BIT s’est penché sur les normes internationales définissant les concepts à partir desquels les instituts statistiques nationaux élaborent les chiffres du marché du travail. Lors de cette réunion, le CIST a adopté une résolution dont la principale conséquence est d’imposer aux instituts nationaux de la statistique l’obligation de publier au moins deux indicateurs phares du travail : le taux de chômage et un taux de chômage élargi prenant en compte le sous-emploi quantitatif.

Les chiffres suspects des grands projets
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Julian Trauthig
Réaliser des grands projets d’infrastructure comme les aéroports, les gares ou les salles de concerts philharmoniques est particulièrement complexe. Ces derniers suscitent parfois l’hostilité citoyenne, lorsque les riverains considèrent que la future infrastructure ou les travaux qu’elle occasionne constitueront une source de nuisance. Les grands travaux font également souvent l’objet de débats en raison de l’inflation des coûts. Les économistes évoquent à propos de ce phénomène une forme de darwinisme inversé : c’est-à-dire la survie des travaux les plus onéreux. Les analyses portant sur les grands projets font apparaître plusieurs biais : une tendance à la surestimation – pour des raisons stratégiques – des bénéfices du projet pour le citoyen et à la sous-estimation des coûts pour la collectivité. Il existe pourtant un certain nombre de règles simples pour réduire ces biais, comme l’attribution d’un bonus aux responsables si leur projet reste jusqu’au bout dans le cadre financier initial.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Les jeux d’argent en France
INSEE Première
Éric Rakedjian et Marina Robin
Le secteur des jeux s’organise en France autour de quatre grands pôles :la Françaisedes jeux (FDJ), le Pari mutuel urbain (PMU), les casinos et, depuis l’autorisation de jouer légalement en ligne en juin 2010, les jeux en ligne. L’arrivée de ce quatrième acteur n’a toutefois pas modifié l’équilibre et la hiérarchie au sein du secteur. Les jeux en ligne ne représentent en effet que 7 % du marché en 2012. Globalement, le secteur des jeux a été est très dynamique au cours des dernières années : entre 2000 et 2012, les paris ont augmenté de 76 % en valeur ; ils atteignent 46,2 milliards d’euros en 2012. Le taux de prélèvements obligatoires, qui varie selon le type de jeux, représente, quant à eux, 12 % des mises. Un joueur parie en moyenne 2 000 euros par an ; nette des gains, la dépense s’élève à 400 euros. Par ailleurs, treize adultes sur 1000 sont des joueurs à risque.

La FEDaprès Bernanke
Conjoncture – BNP - Paribas
Alexandra Estiot
Au cours des deux mandats de Ben Bernanke à la tête de la Réservefédérale des États-Unis (Fed), l’institution aura eu pour principale mission d’apporter une réponse à la crise économique et financière la plus grave depuis les années 1930. Le 31 janvier 2014, Janet Yellen a succédé à Ben Bernanke comme présidente du Conseil des gouverneurs de la Fed. Il est aujourd’hui difficile de prévoir comment la politique monétaire américaine évoluera désormais tant les incertitudes sur la trajectoire que suivra l’économie dans les prochains mois demeurent nombreuses. Le sous-emploi est tel aujourd’hui aux États-Unis que la Fed devra rester accommodante dans la durée pour s’assurer de ne pas étouffer la croissance. Janet Yellen, première femme de l’histoire à la tête dela Fed, ne fait d’ailleurs pas mystère de son tout premier objectif : réduire le chômage et redonner de la vigueur aux salaires réels.

Les nuits parisiennes : le regard de l’économiste
Recherche sociale
Luc Gwiazdzinski
Forte de ses 27 millions de touristes par an,  Paris est célèbre pour son offre patrimoniale mais elle l’est moins en ce qui concerne la vie nocturne. La concurrence entre les capitales européennes s’étant accrue ces dernières années, la municipalité parisienne a été amenée à revoir ses nycthémères – correspondant à la succession d’une nuit et d’un jour – et a élaboré une stratégie touristique mobilisant tous les acteurs économiques du monde de la nuit. Il faut dire que les enjeux sont de taille. Les retombées économiques de l’activité nocturne sont en effet considérables : 1600 entreprises employant plusieurs dizaines de milliers de salariés animent ce secteur dont le chiffre d’affaires s’élève à 1,4 milliard d’euros par an.

3091 France : changer de modèle ?

Quel modèle productif dans dix ans ?
Note du CGSP
Antton Achiary et al. 
Si l'économie française montre qu'elle a du mal à absorber le  choc  massif de la crise, ses performances s'étaient en réalité dégradées dès avant 2008. Les atouts du pays n'ont pas disparu mais les faiblesses ont pris le dessus. Pour redonner de la vigueur à notre modèle productif, il est indispensable dans un premier temps d'identifier précisément ses points faibles : les  déséquilibres macroéconomiques affectant le secteur exposé à la concurrence internationale, les freins à l'innovation et à l'investissement dans les entreprises ou encore les incohérences qui pèsent sur les acteurs du système productif (système de formation, organisation de la recherche et développement,  relations interentreprises). Ce diagnostic permet de poser trois questions essentielles auxquelles des réponses claires devront être apportées. La première porte sur les politiques visant à augmenter la croissance potentielle, la deuxième est relative à l'organisation du système productif,  et enfin la troisième concerne le type d'insertion de la France dans le commerce mondial.

Industrie : des défis majeurs à relever
Lettre Trésor-Éco
Guillaume Ferrero, Alexandre Gazaniol et Guy Lalanne
La désindustrialisation est un phénomène qui touche l'ensemble des économies des pays développés. Toutefois son rythme diffère selon les pays, ce qui traduit en partie des écarts de compétitivité face à la concurrence internationale. Bien que la France se caractérise par une base industrielle diversifiée et la présence de grandes entreprises bien insérées dans la mondialisation, la désindustrialisation y apparaît plus rapide que dans d'autres pays européens. La poursuite de ce phénomène et le ralentissement récent des gains de productivité dans l'industrie font peser un risque sur la croissance de long terme de l'économie française. Face à ces difficultés, l'État a un rôle majeur à jouer en concevant un environnement favorable au développement des entreprises et en mettant en place des politiques efficientes de soutien à certaines industries.

Les ressorts d’une renaissance industrielle 
Le Journal de l’École de Paris du management
Pierre-Noël Giraud
En dépit de la publication, au cours des dernières années, de nombreux rapports préconisant les réformes à mettre en œuvre pour renouer avec la compétitivité, la France peine à trouver des réponses adéquates aux questions posées par les mutations rapides de l’économie mondiale. Il faut dire que certains  mythes, comme celui de l’avènement d’une société postindustrielle, et une compréhension insuffisante  des mécanismes à l’œuvre à l’ère de la globalisation continuent de jouer, selon l’auteur,  un rôle négatif  dans l’évolution de notre modèle productif. Cela conduit en particulier à négliger la gravité de notre déclin industriel et à ne pas favoriser le type d’emploi le plus créateur de valeur dans l’économie contemporaine.  Mais tout ne dépend pas de la France car une bonne part de nos difficultés provient également de l’inégale répartition de l’industrie en Europe et au niveau mondial.

Les singularités du marché français du travail
Commentaire
Françoise Gri
Le mauvais fonctionnement du marché du travail en France s'illustre par l'importance du chômage et l'insuffisance du taux d'activité des Français. Le pays souffre, selon l'auteur, de trois handicaps majeurs : la rigidité du marché de l'emploi, le coût du travail et le manque d'intérêt des responsables politiques pour le développement des services et leur incompréhension de la dynamique mondiale sur ce sujet. Le principal obstacle à toute réforme semble être l'indécision des gouvernants et l'opinion des Français sur le bien-fondé de ces mutations. Des réformes structurelles devraient pourtant être engagées de façon urgente afin de permettre un bon fonctionnement du marché du travail, une condition indispensable à l'amélioration de la compétitivité des entreprises et à un retour de la croissance.

Et si la France gagnait la bataille de la mondialisation…
Géoéconomie
Jean-Claude Beaujour
Pour une majorité de nos concitoyens, la mondialisation, loin d'être considérée comme un processus positif, est perçue comme la principale responsable de la dégradation des performances de l'économie française, en particulier de la montée  et de la persistance du chômage. S'il est indéniable que la France rencontre dans le contexte international et européen actuel des difficultés, elle détient un certain nombre d'atouts : le pays reste le sixième exportateur mondial et le quatrième destinataire des investissements étrangers. Dès lors, plutôt que de subir la mondialisation, l'auteur suggère, à partir d'une analyse lucide de la réalité, d'imaginer des pistes de réflexion afin de donner les moyens aux entreprises françaises de regagner des parts de marché et plus globalement à l'économie nationale de retrouver le chemin de la croissance.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Les hawalas à l’ère des nouvelles technologies
Techniques financières et développement
Ismael Mahamoud
Un hawala est un système traditionnel de paiement informel très répandu en Afrique de l’Est mais également en Asie. Son principe de base est de faire circuler l’argent au sein d’un réseau d’agents de change – les correspondants locaux de la hawala principale peuvent être des individus exerçant une activité commerciale - : un client verse une somme d’argent à un agent, qui contacte un de  ses confrères le plus proche du destinataire final de cet argent et lui demande de lui verser le montant souhaité (généralement contre une commission) en échange de la promesse de le lui rembourser plus tard. Ce système repose entièrement sur la confiance existant entre les acteurs du réseau. Les hawalas suscitent un intérêt accru à la fois des pouvoirs publics désireux de les réglementer et des économistes soucieux de mieux comprendre ce système financier parallèle. Le durcissement de la réglementation bancaire et financière qui s’observe actuellement au niveau international risque toutefois d’affaiblir ce système de paiement alternatif.

Délocalisation, l’hydre fiscale ?
Reflets et perspectives de la vie économique
Philippe Neefs et Antonin Gourgue
Les « délocalisations fiscales »  –  délocalisations de sièges sociaux motivées par des considérations d’ordre fiscal – peuvent s’avérer néfastes pour les États, dans la mesure où les distorsions des échanges et des investissements auxquelles elles aboutissent produisent une diminution des assiettes fiscales nationales. Les auteurs reviennent sur les mesures prises par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et par les ministres européens de l’Économie et des Finances (Conseil ECOFIN) pour instaurer une concurrence fiscale loyale entre les États membres de l’OCDE ou de l’Union européenne. Ils s’interrogent également sur la capacité des traités fiscaux signés entre États à s’adapter au contexte économique actuel, notamment aux activités dématérialisées qui ne sont par définition rattachées à aucun territoire. Dans ces conditions, il semble difficile de considérer « l’évitement de l’impôt » et « la planification fiscale » comme des activités illégales.

Publicité : le choc Internet-mobile
Futuribles
André-Yves Portnoff
Frappés par la crise économique, les investissements publicitaires ont diminué avant de retrouver des couleurs et d’opérer une diversification autour des nouveaux terminaux mobiles, comme les tablettes et les téléphones mobiles. On observe désormais un développement rapide de la publicité sur l’Internet mobile au détriment de l’Internet fixe. Cette tendance devrait s’accélérer au cours des prochaines années. Alors que les États-Unis sont leader du marché de la publicité dans les nouveaux médias, en France, les annonceurs hésitent à prendre des risques et à se positionner sur ce secteur. Il leur faut convaincre un public encore réticent devant une forme de publicité qui devient de plus en plus « intrusive » et « omniprésente ».

3092 Chine, géant aux pieds d'argile ?

Les raisons du ralentissement chinois
Document de travail - FMSH-EHESS
Guilhem Fabre
Après avoir enregistré des taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) à deux chiffres jusqu’en 2010, l’économie chinoise est confrontée à un net ralentissement : le taux de croissance du PIB atteint désormais 7,4 %. La fin du boum des matières premières ainsi que la crise économique et financière de 2008 – qui a réduit les importations des pays occidentaux en provenance de la Chine– en sont les principales raisons. La baisse relative de la consommation des ménages, concomitante à une augmentation du taux d’épargne dans les années 2000, a conduit l’État à lancer un vaste plan de réforme de 575 milliards de dollars destiné à encourager l’investissement, notamment des entreprises publiques au détriment des entreprises privées. L’État a ainsi fait le choix d’un « modèle d’offre » dont la réussite n’est aujourd’hui pas garantie.

Des inégalités de revenu croissantes
Document de travail - Texas A&M University 
Li Gan
Si le taux de croissance annuel moyen, supérieur à 8 %, enregistré par l’économie chinoise au cours des vingt dernières années a considérablement enrichi le pays, l’enquête menée en 2011 auprès de 8 438 ménages, ruraux et citadins, et portant sur l’évolution de leurs revenus, a montré que les inégalités, mesurées par le coefficient de Gini (0,61 en Chine contre 0,44 en moyenne au niveau mondial), comptaient parmi les plus importantes au monde. La montée des inégalités s’est traduite par une atonicité du niveau de consommation intérieure. Il est désormais urgent, selon l’auteur, de passer d’un modèle économique d’exportations, tourné vers l’extérieur, à un modèle favorisant la consommation domestique via notamment la mise en place de politiques de transferts sociaux.

La Chine rattrapée par sa dette
Conjoncture BNP-Paribas
Christine Peltier
La dette publique chinoise a atteint 250 % du produit intérieur brut (PIB) en 2013. Depuis le plan de relance de grande ampleur mis en œuvre en 2009, l’offre de prêts émanant des banques locales, qui représentait à l’époque 32 % du PIB, s’est fortement accrue. Le resserrement de la politique monétaire à partir de 2010 a, dans un premier temps, ralenti la progression des crédits bancaires. Mais les banques ont transféré certaines créances hors de leurs bilans et proposé des produits de financement alternatifs (shadow banking) en contournant les nouvelles règles de la politique monétaire. Ainsi, une part croissante des financements de l’économie a été distribuée via ce processus, les prêts bancaires traditionnels ne représentant plus que 53 % des nouveaux flux de financement. Dans ces conditions, le risque de crédit augmente fortement, exerçant une pression sur des taux d’intérêt déjà élevés, et rendant l’accès au crédit, pour les entreprises et les ménages, plus difficile.

La difficile lutte contre la pollution
Financial Times
Pilita Clark et Lucy Hornby
En 2012, la Chine a émis 10 gigatonnes de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère, soit plus que les États-Unis et l’Union européenne réunis. Un  tel niveau d’émissions constitue un facteur d’aggravation du réchauffement climatique, c’est pourquoi les pays développés demandent aux autorités chinoises, dans le cadre des négociations internationales sur le climat, de prendre les mesures nécessaires pour les réduire. Mais cette diminution apparaît coûteuse en termes de croissance économique et les avis divergent quant à la date à laquelle le pic de ces rejets de CO2 sera atteint.

Urbanisation galopante : pour le meilleur et pour le pire
The Economist
La Chine n’en finit pas de bâtir des méga-cités dont les gratte-ciel sont parmi les plus hauts du monde. En 2020, il est prévu que toutes les villes de 500 000 habitants soient connectées au réseau ferroviaire de trains à grande vitesse. Si le nombre de nouveaux citadins croît, comme l’affirme la Banque mondiale, de 13 millions par an, la population urbaine – qui atteint aujourd’hui 52 % de la population totale – pourrait avoisiner les 70 % en 2030. Mais l’offre de main-d’œuvre excédentaire des campagnes devrait progressivement se tarir, ralentissant ainsi le rythme de l’urbanisation qui, si elle est une véritable source de croissance, est également à l’origine de graves problèmes, comme l’augmentation de la pollution et l’édification de cités fantômes.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Planète Football : l’Europe excelle
Finances et Développement
Stefan Szymanski
La Coupe du monde de football qui a commencé le 12 juin au Brésil, est la compétition footballistique la plus prestigieuse. Pour les joueurs internationaux, c’est un moment souvent crucial de leur carrière, car beaucoup d’entre eux espèrent d’être repérés par un club européen afin de pouvoir intégrer une des grandes ligues du Vieux Continent. Le succès du football européen est en effet incontestable, même si son efficience économique est moins nette. La libéralisation du marché des joueurs, initié par l’arrêt Bosman de 1995, en est en partie responsable. De plus en plus de ligues nationales souffrent d’un certain déséquilibre compétitif, avec un petit nombre de clubs traditionnellement dominants et qui creusent l’écart financier avec les autres clubs. Un nouveau système de réglementation financière, appelé « fair-play financier », cherche à limiter ces effets.

1. Débat autour du Capital au XXIe siècle de Thomas Piketty 
Wall Street Journal
Daniel Schuchman
Véritable best-seller aux États-Unis, où il est sorti en avril 2014, Le Capital au XXIe siècle de l’économiste français Thomas Piketty suscite, de part et d’autre de l’Atlantique, un intense débat. Selon Daniel Shuchman, qui dirige un fonds spéculatif à New York, le livre de Thomas Piketty  peut être considéré comme l’œuvre d’un  « nouveau marxiste ». L’ouvrage qui retrace l’évolution historique de la répartition des revenus et des patrimoines depuis le XVIIIe siècle, est selon lui, moins une analyse économique qu’une « étrange litanie idéologique » : l’économiste français ferait preuve d’une utopie sans borne en menant une guerre sans merci aux riches et aux entrepreneurs.

2. Débat autour du Capital au XXIe siècle de Thomas Piketty 
New York Review of Books
Paul Krugman
Selon Paul Krugman, « Prix Nobel d’économie » en 2008, l’ouvrage de Thomas Piketty est une œuvre admirable proposant une analyse novatrice sur les inégalités qui changera la façon dont on pense la société et dont on fait de l’économie. En comparant le taux de rendement du capital avec celui de la croissance, l’économiste français montre que les revenus du capital croissent plus vite que ceux du travail. Il en découle une accumulation de richesses chez les détenteurs de capital au détriment des travailleurs, favorisant ainsi une hausse constante des inégalités et un retour au capitalisme patrimonial.

N° 3093 Les villes dans la globalisation

Des villes aux « économies métropolitaines »
Keys to the City
Michael Storper
Depuis la fin du XVe siècle, l’urbanisation connaît une très forte expansion, le phénomène s’étant encore accéléré avec la mondialisation. Le lent déclin, au XVIIIe siècle, de cités commerciales historiques, comme Venise, ainsi que l'émergence de "villes-monde", comme Shanghai ou Hong-Kong, exacerbent dès cette époque la concurrence entre les villes. L'urbanisation bouleverse également au sein d’un pays  les équilibres entre ces grandes cités et le reste du territoire et crée de nombreux clivages entre les principales aires métropolitaines riches. Si géographes, sociologues et économistes s'accordent sur ce dernier point, l'explication de la croissance urbaine reste un défi majeur pour les sciences sociales.

Le grand retour des villes
Futuribles
Jean Haëntjens
Les 600 plus grandes villes de la planète devraient, dans les décennies à venir, générer les deux tiers de la richesse mondiale. Véritable puissance économique, la métropole est un moteur essentiel de la croissance. Récemment,la France a créé un nouveau statut pour les villes de plus de 400 000 habitants afin de leur permettre d’exercer pleinement leur rôle en matière de développement économique, d’innovation et de transition énergétique. Le Danemark, la Suède et les Pays-Bas ont également réduit le nombre de leurs communes pour leur donner plus de poids. Aux États-Unis, les maires des grandes métropoles sont considérés comme de véritables chefs d’entreprise. Les États fédérés doivent ainsi coopérer avec les édiles des grandes cités américaines dans des domaines aussi divers que les politiques publiques en matière sociale, environnementale et culturelle.

Grand Paris : projet pour une métropole globale
Revue d’économie régionale et urbaine
Lise Bourdeau-Lepage
Le projet urbain du « Grand Paris » a été imaginé pour transformer l’agglomération parisienne en une grande métropole mondiale du XXIe siècle. La région Île-de-France dispose de nombreux atouts pour que ce projet devienne réalité. En effet, par rapport aux autres régions françaises, le produit intérieur brut (PIB) par habitant et la productivité sont respectivement de 50 % et 30 % plus élevés. Sur le plan démographique, l’Île-de-France a également l’avantage avec un excédent naturel plus important. Les moins de trente ans y représentent 56 % de la population. L’activité économique francilienne se caractérise par une forte concentration des services financiers, qui sont par essence particulièrement lucratifs. Enfin, l’agglomération parisienne attire les actifs les plus qualifiés : 65 % des cadres des aires urbaines de 200 000 emplois et plus travaillent en Île-de-France. Si l’attractivité de cette dernière n’est plus à démontrer concernant les activités culturelles et la recherche et développement (R&D), la région reste toutefois en retard en matière de création d’entreprises.

Urbanisation et classe moyenne
McKinsey Global Institute
Richard Dobbs et al.
L'urbanisation  représente aujourd’hui une formidable opportunité sur le plan économique. Le développement des villes s’accompagne en effet de l’augmentation très importante du nombre de consommateurs. En 2025, le cabinet américain de conseil aux entreprises, McKinsey Global Institute, prévoit qu’ 1,8 milliard de personnes supplémentaires rejoindront les rangs de la "classe moyenne consommatrice". Cette tendance est particulièrement marquée dans les villes émergentes qui compteront, à cette date, plus de 600 millions de nouveaux consommateurs. Grâce à un taux d’emploi et à l'augmentation progressive de leurs revenus, leur accession à des biens ne se limitant pas aux biens de première nécessité est une aubaine pour l’industrie. L'accroissement du nombre de citadins dans les pays du Sud toutefois représente également un défi pour les métropoles qui devront investir dans les infrastructures.

Des villes vertueuses et intelligentes
La Nouvelle Revue Géopolitique
Samuele Furfari
Dans l’Union européenne (UE), 70 % de la demande totale en énergie primaire est consommée dans les zones urbaines. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la consommation énergétique des villes devrait croître à un rythme encore plus soutenu dans les années à venir, et celle du secteur du transport urbain pourrait doubler d’ici à 2050. Désormais, c’est sur les villes que l’on compte pour réduire la consommation d’énergie. Depuis quelques années, un nouveau concept est apparu celui de smart cites (villes intelligentes) , c’est-à-dire des métropoles qui, grâce aux technologies de l’information et de la communication(TIC), parviennent à créer des synergies entre l’aménagement du territoire, la mobilité urbaine et l’efficacité énergétique.

Villes mondiales : le centre de gravité se déplace vers l’Asie
Economist Intelligence Unit
Le poids économique des villes augmente de façon constante depuis plusieurs décennies. Les 120 métropoles qui figurent au classement des principales villes mondiales établi par le magazine britannique The Economist, représentent en effet à elles seules 750 millions de personnes et un produit intérieur brut (PIB) de 20 200 milliards de dollars, soit 29 % du PIB mondial. Avec un taux de croissance de près de 5 % en moyenne, les villes devraient constituer dans les dix années à venir, la principale opportunité de croissance commerciale mondiale.  Les grandes agglomérations planétaires sont ainsi en concurrence pour attirer talents et investissements. Du côté de la demande, les entreprises comparent les avantages compétitifs de chacune : coûts, perspectives de croissance, infrastructures, "maturité financière" et qualité de l’environnement. Une des évolutions majeures des années 2000 est le déplacement progressif du centre de gravité de l’économie mondiale vers les mégapoles asiatiques.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Innovation et croissance : quelles politiques publiques ?
Réalités industrielles
Alain Villemeur
En dépit de la volonté affichée de promouvoir des politiques d’innovation, qui permettraient de stimuler la croissance, la France ne parvient pas à obtenir, dans ce domaine, d’aussi bons résultats que des pays comme la Suède, l’Allemagne ou encore les États-Unis. En analysant les  facteurs clés qui structurent l’écosystème de l’innovation, comme le rapprochement entre les entreprises et les universités, les nouveaux produits et le renouvellement des entreprises, force est de constater que notre pays éprouve de sérieuses difficultés en particulier sur les deux derniers points. Une révolution culturelle et institutionnelle qui passerait par la mise en œuvre de nouvelles politiques publiques en matière d’innovation semble plus nécessaire que jamais.

Zone euro : faut-il rester ou en sortir ?
Paysans
Thierry Pouch
Faut-il ou non sortir de l’euro est une question qui fait débat depuis de nombreuses années. Celle-ci se pose de nouveau en raison du succès remporté par plusieurs partis politiques hostiles à la construction européenne, lors des élections européennes de mai 2014, et des conséquences d’une crise économique qui semble interminable. Quelles seraient les implications pour un État et les entreprises d’un abandon de la monnaie unique ? Seul un examen attentif de différents paramètres comme la possibilité ou non de recourir à la dévaluation, l’impact sur les échanges commerciaux ainsi que les multiples enjeux politiques permet de déterminer les avantages et les inconvénients pour un État membre de rester ou de sortir de la zone euro.

Consommation : vers une frugalité choisie
Consommation et modes de vie
Justine Colin et al.
Depuis la crise économique de 2008, de nouveaux comportements d’achat et de consommation ont émergé en France. Si près d’un Français sur deux a adopté des comportements de frugalité contrainte, une petite partie d’entre eux (14 %) s’est également engagée dans une frugalité choisie. Celle-ci est guidée par des valeurs comme la simplicité et la durabilité qui sont apparues à partir d'une nouvelle conception du bien-être. Le temps libre et la réalisation de soi sont ainsi des valeurs en hausse qui favorisent aujourd'hui le développement de modèles de consommation alternatifs.

- Hors-série n° 6 Comprendre l'économie mondiale

Le nouveau visage de l’économie mondiale
L’émergence des BRIC : le leadership occidental bousculé ?(Christine Rifflart, OFCE)
La géographie du commerce mondial : 1967-2012 (Deniz Ünal, CEPII)
La géographie des investisseurs (Sandra Rigot, Université Paris XIII-Saint-Denis)
Les flux migratoires (Jean-Christophe Dumont, Jean-Pierre Garson, OCDE)
Migrations inernationales et mondialisation des économies (Jean-Christophe Dumont et jean-Pierre Garson)
Le monde énergétique de la décennie 2010 : entre profusion d'hydrocarbures et transition vers les renouvelables (Patrice Geoffron, Université Paris-Dauphine)
La division internationale des processus de production au coeur de la nouvelle géographie des échanges (Michel Rainelli, Université de Nice)
Les interdépendances entre les grandes économies (Michel Dupuy, Université Bordeaux IV)
Tensions et déséquilibres
Endettement et déséquilibres des balances courantes : quels risques pour l’économie mondiale ? (Cécile Bastidon Gilles, Université Toulon-Var)
La finance mondiale : maîtrisée ou porteuse de nouvelles crises ?(Christophe Boucher, Université de Lorraine)
Les grandes monnaies internationales : guerre ou équilibre ? (Jean-Pierre Patat, CEPII)
Les conflits autour du libre-échange (Bernard Guilllochon, Université Paris-Dauphine)
La crise écologique mondiale (Romain Weikmans, Edwin Zaccai, Université libre de Bruxelles)
Les inégalités mondiales : recul ou creusement ? (Florent Bresson, Université d’Auvergne)
L’économie mondiale, un navire sans capitaine ? (Jean-Marc Siroën, Université Paris-Dauphine)

n°3094 1914-2014, d'une économie à l'autre

Trois événements qui ont façonné notre monde
Financial Times
Martin Wolf
L’année 2014 est riche en commémorations : c’est non seulement l’année du centenaire dela Première Guerre mondiale, mais également celle de l’anniversaire du débarquement des Alliés trente ans plus tard, en juin 1944, sur les plages de Normandie pour libérer l’Europe du nazisme et, enfin, celle de la commémoration des vingt-cinq ans du début de l’effondrement de l’Union soviétique en 1989, événement marquant la fin de la guerre froide qui avait divisé le monde pendant plus de quarante ans. Depuis cette date, la planète a connu une nouvelle ère de mondialisation qui dépasse par son ampleur celle qui a précédé le premier conflit mondial. Le siècle écoulé entre 1914 et 2014 peut ainsi paraître comme une parenthèse. Aujourd’hui, plus que jamais, les nations n’ont d’autre choix que de coopérer, même si la tension entre la coopération et le conflit est latente.

De quelques mythes sur la Grande Guerre
VoxEU. org
Mark Harrison
Les leçons de la Première Guerre mondiale de 1914-1918 éclairent assurément le présent. Même si nombre d’entre elles demeurent incomprises. Certains mythes ont ainsi toujours cours comme l’idée selon laquelle le déclenchement de cette guerre fut accidentel, où que celle-ci a été remportée par les Alliés grâce à l’arme alimentaire. L’auteur revient sur plusieurs de ces mythes en mettant en avant notamment le rôle des décisions prises par Berlin dont certaines se révélèrent bien plus néfastes pour les approvisionnements allemands en nourriture que le blocus mis en place par les Alliés. De manière plus générale, un enseignement fondamental peut être tiré des analyses de la Grande Guerre : les régimes autoritaires deviennent dangereux pour les autres nations lorsqu’ils se mettent à redouter l’avenir.

Les conséquences économiques de la paix
Atlantico
Entretien avec Vincent Laniol
Les effets dévastateurs dela Grande Guerre se sont fait sentir de longues années durant en raison, d’une part, des immenses pertes humaines et des destructions matérielles, et d’autre part, des conséquences découlant du traité de Versailles, signé le 28 juin 1919. Les clauses financières et morales de ce dernier ont constitué une pomme de discorde, en particulier entre Paris et Berlin. Au cœur du différend : le montant des réparations allemandes dues à la France et le verdict de culpabilité que les vainqueurs ont fait endosser à l’Allemagne. Dès la signature du traité, le système de réparations fut sévèrement jugé par certains contemporains, parmi eux John Maynard Keynes. En total désaccord avec plusieurs des dispositions du traité, le célèbre économiste de Cambridge préconisait de mettre en œuvre un plan qui aurait permis le redémarrage de l’économie allemande, assurant ainsi le remboursement plus rapide d’une dette allégée…

1914-2014 : et si la France n’avait pas tant changé ?
L’Expansion
Franck Dedieu et Béatrice Mathieu
Au cours du XXe siècle, des mutations économiques, politiques et sociales ont profondément transformé l’économie française. Comparativement, l’environnement économique de la Belle Époque nous apparaît donc très éloigné de celui des années 2010. Une analyse plus attentive de l’économie d’avant 1914 révèle néanmoins de nombreuses similitudes avec l’époque actuelle. Les années qui précèdent le déclenchement de la Première Guerre mondiale sont ainsi marquées par des débats sur le déclin de l’économie française, la politique industrielle de l’Allemagne érigée en modèle, la puissance des lobbys financiers ou encore le bien-fondé de la rigueur budgétaire.

Les enseignements de la première mondialisation
Trésor-Éco
Violaine Faubert
La mondialisation amorcée dans les années 1970 n’est pas sans précédent : la période allant de 1870 à 1914 a été, elle aussi, marquée par une ouverture économique et une expansion rapide du commerce et de l’investissement. Ces années, caractérisées par la croissance des échanges commerciaux, se sont également accompagnées de crises financières auxquelles les crises contemporaines font écho. L’expérience de cette première mondialisation, permet de tirer certains enseignements, comme notamment les avantages liés à l’endettement des pays émergents en monnaie locale et au rééquilibrage des balances courantes qui limitent la vulnérabilité des économies à des arrêts soudains de flux de capitaux.

Le retour des héritiers
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Gerald Braunberger
L’héritage et les grandes fortunes ont joué un rôle très important au XIXsiècle. Le choc des deux guerres mondiales et de la crise économique de l’entre-deux-guerres a changé la donne en provoquant une profonde transformation des structures économiques. Le rapport entre capital immobilier et financier, d’une part, et produit intérieur brut (PIB) d’autre part, d’environ 700 % vers la fin du XIXsiècle, ne se situait plus qu’à environ 400 % en France dans la première moitié du XXsiècle. Depuis les années 1980, en revanche ce rapport s’est remis à augmenter et se rapproche aujourd’hui des niveaux atteints à la Belle époque. Dans la plupart des pays, les inégalités s’accroissent à nouveau. Ce sont les principales conclusions du récent ouvrage de l’économiste français Thomas Piketty, intitulé Le capital aux XXIsiècle. Mais comme le souligne toutefois l’auteur, il n’y a aucun déterminisme à l’accroissement des inégalités et à la concentration du capital, contrairement à ce que soutenait, en son temps, Karl Marx.

 ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Le fonds souverain norvégien et la gestion de la rente pétrolière
Diplomatie
Hélène Raymond
À la fin des années 1960, la Norvège découvrit un important gisement de pétrole dans la mer du Nord. Très rapidement, la question de la gestion de cette manne pétrolière inattendue se posa. Le consensus auquel aboutirent le Parlement et le gouvernement norvégien fut de ne pas exploiter les recettes issues de cette ressource comme des revenus quelconques et de préserver cette richesse pour les générations futures : la création d’un fonds souverain destiné à gérer la rente pétrolière fut dès lors décidée. Considéré comme une référence internationale en termes de gouvernance et de transparence, celui-ci est parvenu à éviter à la Norvège– contrairement à tant d’autres pays - d’être victime de la « malédiction des ressources naturelles ». La qualité des institutions du royaume expliquant en grande partie cette réussite, la transposition de ce modèle norvégien de fonds souverain et de gestion de la rente pétrolière à l’ensemble des États producteurs de pétrole ne paraît pas toutefois évidente.

Peut-on créer un écosystème français du Big Data ?
Le Journal de l’École de Paris du management
François Bourdoncle
Face à l’explosion du volume d’informations, diffusé notamment sur Internet, le Big Data, principe qui repose sur le traitement des données informatiques à grande échelle, vise à proposer une alternative aux solutions traditionnelles de bases de données et d’analyse. Il est présent dans les activités les plus inattendues, et les grandes entreprises américaines, comme Google, IBM, Facebook, etc., y ont recours afin d’acquérir une masse toujours plus importante d’informations de toute nature. Or ces géants du numérique et de l’informatique, en déplaçant la valeur créée dans les entreprises de la technicité pure vers une gestion de la relation client, menacent de transformer les constructeurs en sous-traitants. Outre la connaissance des clients, le Big Data permet d’anticiper les besoins du marché ou d’optimiser la chaîne logistique. Il constitue donc plus un écosystème qu’une filière. En France, un écosystème de ce type n’a jusqu’à présent pas encore vu le jour.

L’approche française de la mondialisation
Économie Appliquée
Jean-Marc Siroën
L’école française de la mondialisation se  définit avant tout par son réalisme, contrairement aux écoles cambridgienne et autrichienne, plus idéologiques. Celle-ci a toutefois évolué avec le temps. De 1950 à 1980, la pensée économique de la mondialisation en France a été marquée par les travaux postmarxistes de François Perroux posant les limites des théories classiques et néo-classiques. À partir de 1970, l’école française, moins radicale, s’intéressa avant tout aux faits, tout en assumant l’héritage des courants hétérodoxes précédents, dont elle partage la méthodologie – qui consiste notamment à solliciter d’autres disciplines comme la sociologie, la gestion et la science politique. À partir des années 1980, l’école française de la mondialisation économique, souffrant de sa difficulté à formaliser ses idées empiriquement, s’est progressivement inspirée des principes de l’école néo-classique de l’économie internationale. Mais si, selon l’auteur, l’approche française de la mondialisation a désormais disparu, la recherche en économie internationale, notamment portée par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), reste, en France, très active.

n°3095 Du papy-boom à la Silver Economie

Une planète « grise »
The Economist
En 2035, plus de 1,1 milliard de personnes seront âgées de plus de 65 ans. Ce vieillissement de la population mondiale s’accompagnera, en raison de la chute de la natalité et du ralentissement de la croissance démographique, d’une augmentation importante du taux de dépendance  des personnes âgées. Seules l’Asie du Sud et l’Afrique, où la fécondité demeure élevée, échapperont à ce phénomène. Mais le dynamisme démographique de ces deux continents ne permettra pas d’inverser la tendance générale au vieillissement, ne faisant tout au plus que  ralentir. Ce phénomène devrait avoir des conséquences considérables sur l’économie. Pour certains économistes, celles-ci pourraient être négatives mais le débat sur ce point n’est pas clairement tranché. Pour se faire une idée plus précise des conséquences probables de cette mutation  sur la croissance un examen des trois canaux principaux par lesquels la démographie  influe sur l’économie s’impose : la variation de la population active, la variation du taux de productivité et l’évolution de la structure de l’épargne.

La Silver Économie, une opportunité de croissance
Rapport du CGSP
Claire Bernard, Sanaa Hallal et Jean-Paul Nicolaï
La génération du baby-boom (née entre 1945 et la fin des années 1960) voit ses premières cohortes arriver à l’âge de la retraite. Le phénomène va s’accélérer au cours des prochaines années. Les baby-boomers sont aussi la première génération à accompagner ses parents dans le grand âge et la perte d’autonomie. Le vieillissement de la population est  à l’origine d’une demande nouvelle en matière d’aménagement du domicile, de produits et de services liés à l’autonomie mais également, concernant les jeunes seniors, dans le secteur des loisirs, de la culture, du tourisme, etc. L’offre doit donc rapidement s’adapter à l’ensemble de cette demande ce qui devrait générer des centaines de milliers d’emplois et constituer des relais de croissance considérables pour l’économie française. L’État en favorisant l’émergence et le développement de ce que l’on appelle désormaisla Silver Économie a un rôle décisif à jouer pour faire du vieillissement une opportunité inédite pour l’économie française.

Des milliers d’emplois en perspective
La Tribune
Florence Pinaud
D’ici à la moitié du XXIe siècle, le nombre de seniors devrait augmenter fortement. En 2035, un Français sur trois sera âgé  de plus de 60 ans contre un sur cinq trente ans plus tôt. Cette mutation démographique majeure constitue une opportunité pour la croissance. Le marché des seniors ouvre en effet des perspectives considérables dans de nombreux domaines comme les services ou les technologies avancées de la robotique ou de la domotique. Des milliers d’emplois et d’entreprise de high-tech pourraient être créés. Les pouvoirs publics s’efforcent aujourd’hui d’aider ce nouveau secteur baptisé Silver Économie  à émerger, après que la commission « Innovation 2030 » l’a inscrit parmi les sept ambitions pour la France.

L’Internet favorise les relations sociales et la consommation
Consommation et mode de vie
Thierry Mathé, Pascale Hébel et Martyne Perrot
Aujourd’hui, les plus de 60 ans représentent 23 % de la population et en constitueront plus d’un tiers en 2060. Les enjeux du vieillissement démographique ont fait l’objet de nombreuses études qui ont, notamment, porté sur les pratiques de consommation des seniors. Le passage à la retraite entraîne souvent une forte baisse de la consommation, en raison de la diminution  des activités et d’occasions de sorties moins fréquentes. Mais une étude récente du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CRÉDOC) montre que l’accès des seniors à l’Internet influe fortement sur leur sociabilité et par conséquent sur leurs pratiques de consommation. En leur permettant de maintenir des relations sociales avec les collègues, les amis ou  la famille, le fait d’être connecté  les encourage en effet à poursuivre leurs activités sportives, culturelles ou associatives, à se déplacer, à recevoir des proches chez eux, etc. et donc à consommer davantage.

Le Japon, pionnier du « silver market »
Le Monde diplomatique
Florian Kohlbacher
Le Japon est aujourd’hui, avec un âge médian de 44 ans, le pays développé le plus vieux du monde. Selon les prévisions démographiques, 30 % des Japonais auront 65 ans ou plus en 2025. Le nombre des seniors continuera de croître, tandis que la population totale chutera en 2050 pour atteindre moins de 95 millions contre près de 127 en 2000. Si l’Archipel nippon est le pays le plus touché par le vieillissement, il est aussi celui qui a le plus rapidement anticipé les conséquences économiques, sociales, individuelles et organisationnelles de cette mutation démographique. Le Japon fait ainsi figure de pionnier du silver market (« marché argenté » ou « marché du vieillissement ») et apparaît parmi les pays développés comme le plus avancé en termes d’innovation et de développement de ce marché prometteur.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

30 ans de globalisation des cycles immobiliers
La lettre du CEPII
Thomas Grjebine
Depuis le début des années 1980, le développement d’un système financier globalisé et déréglementé a entraîné la globalisation des cycles immobiliers. Ces derniers ont été marqués par des booms du crédit, l’apparition de bulles immobilières, une montée des risques et des déséquilibres macroéconomiques et financiers suivis par des crises bancaires. Depuis 1985, deux cycles immobiliers globaux se sont succédé (1985-1995 et 1997-2012). La crise de 2007 apparaît à ce titre comme une reproduction amplifiée de celle qui a touché de nombreux pays de l’OCDE au début des années 1990 à la suite du retournement du premier cycle immobilier global.

Bonnes et mauvaises complexités : le cas des écosystèmes d’innovation
Gérer et comprendre – Annales des Mines
Daniel Fixari et Frédérique Pallez
La simplification administrative figure parmi les pistes de réforme que le gouvernement souhaite mettre en œuvre pour relancer l’économie française. La nécessité de la réduction de cette complexité semble en effet évidente. La réforme consisterait à réduire le nombre de structures, à veiller à une meilleure diffusion de l’information et à améliorer la coordination entre les différents acteurs du système. Dans le cas des écosystèmes d’innovation la logique apparaît toute autre. Loin qu’il faille s’atteler à une simplification qui semble obsolète dans un monde promouvant une « pensée complexe », ces écosystèmes montrent en effet que l’instauration d’un niveau de coordination supplémentaire pourrait s’avérer être une solution plus efficace dans certains cas.

Le marché de la traduction en sciences humaines
La Vie des Idées
Entretien de Lucie Campos avec Gisèle Sapiro
Si la science économique est l’une des disciplines où la propension des chercheurs à recourir à l’anglais est la plus forte, l’adoption d’une langue unique fait, selon Gisèle Sapiro, courir le risque d’un appauvrissement de la réflexion scientifique. Ainsi, la traduction demeure un excellent moyen d’échanges et de circulation des idées. Pourtant, l’étude qu’elle a menée, sur la traduction d’ouvrages en sciences humaines et sociales (SHS) du français vers d’autres langues, dans plusieurs pays dont les États-Unis et le Royaume-Uni notamment, montre que la traduction est en déclin. Les obstacles dus à la globalisation du marché de l’édition ne cessent en effet de croître. Ceux-ci peuvent être d’ordre économique – le coût de la traduction d’un titre en SHS a fortement augmenté –,  culturel – les Anglo-saxons reprochent de plus en plus aux francophones leur style d’écriture peu narratif –, ou encore politique.

n°3096 Bilan de l'économie française 2014

1914-2014 : un siècle d’évolution de la pyramide des âges
Population et sociétés
Gilles Pison
L’histoire d’un pays se lit à travers sa pyramide des âges. Celle de la France n’a cessé d’évoluer au cours du dernier siècle. Au  1er janvier 1914, la pyramide des âges de la France à la forme d’une meule de foin, démontrant une certaine harmonie. La Première Guerre mondiale affecte la régularité de cette pyramide et crée des échancrures, notamment du côté masculin, en raison du nombre élevé d’hommes tombés au front, et du déficit des naissances qui en a résulté.  Le baby-boom, phénomène visible après la Seconde Guerre mondiale, vient élargir la pyramide et lui  redonne une nouvelle dynamique. En 2014, celle-ci semble s’acheminer vers la forme régulière qui la caractérisait il y a cent ans, avant la guerre de 1914-1918.

Le recul de l’emploi se poursuit
DARES-Analyses
Sandra Bernard et al.
Dans un contexte de faible croissance économique et de gains de productivité limités, l’emploi salarié a reculé dans l’industrie, la construction et le tertiaire marchand. À la fin de l’année 2013, le taux de chômage s’est établi à 9,7 % en France métropolitaine et à 10,1 % pour la Franceentière. Si, au cours de cette année-là, le taux de chômage a baissé pour les jeunes âgés de 15 à 24 ans (- 2,6 points), il a peu varié pour les seniors et les personnes d’âges intermédiaires. En raison d’une fin d’année plus dynamique, 55 000 emplois ont été créés en 2013. L’amélioration de la conjoncture envisagée pourrait également permettre d’atténuer les destructions d’emplois marchands hors intérim d’ici à la fin de l’année. En revanche, le taux de chômage des hommes a, pour la première fois depuis 1975, dépassé les 10 %.

Légère croissance du PIB et stabilisation du pouvoir d’achat des ménages
INSEE Première
Anne-Juliette Bessone, Vladimir Passeron, Hélène Soual
En 2013, la croissance de l’économie française est, comme en 2012, assez faible (+0,3 % du produit intérieur brut en euros constants). On observe également un recul de l’investissement émanant à la fois des entreprises et des ménages. En revanche, le pouvoir d’achat de ces derniers se stabilise et leur consommation tend à augmenter (+ 0,2 %) tandis que, l’an passé, celle-ci avait baissé pour la première fois depuis l’après-guerre. Enfin, la baisse du taux de marge et du taux d’autofinancement des sociétés financières se poursuit.

Le revenu disponible brut des ménages accélérerait en 2014
Note de conjoncture
INSEE
Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), après s’être stabilisé en 2013, le pouvoir d’achat du revenu des ménages devrait se redresser en 2014 (+ 0,7 %). En termes nominaux, leur revenu disponible brut (RDB) accélérerait cette année (+ 1,4 % après + 0,6 % en 2013), en raison du moindre dynamisme des prélèvements obligatoires (+ 2,5 % après + 4,2 %) et de la légère accélération des revenus d’activité (+ 1,3 % après + 0,9 %), malgré un ralentissement des prestations sociales (+ 2,4 % après + 2,8 %). Au premier trimestre 2014, la consommation des ménages a diminué (- 0,5 %), en particulier les achats d’automobiles. La baisse des dépenses en énergie s’est encore accentuée en raison d’un hiver doux. La consommation des services n’a, elle, que faiblement progressé (+ 0,2 %).

Amélioration du solde des transactions courantes
Balance des paiements et position extérieure de la France
Banque de France
Le solde des transactions courantes de la France, qui résulte des flux économiques de biens, de services et de revenus entre résidents et non résidents, enregistre un déficit de 30,3 milliards d’euros en 2013, soit 1,4 % du produit intérieur brut (PIB), contre 31,8 milliards (1,5 %) en 2012. Cette évolution est due à deux tendances opposées : la réduction du déficit des biens et la diminution des excédents des services et des revenus primaires. Le premier mouvement résulte de la diminution des importations alors que le second provient de la dégradation des soldes de services de transports, d’informatique, de télécommunication, etc. Quant aux flux d’investissements directs (IDE), ils se soldent en 2013 par des sorties de 7 milliards d’euros et des entrées de 13 milliards. Pour la première fois depuis les années 1990, le solde des investissements directs se caractérise ainsi par des entrées nettes de capitaux.

Repli des échanges commerciaux
Le Chiffre du commerce extérieur 
DGDDI
L’année 2013 aété marquée par un repli des échanges. Celui des importations, dû notamment à la chute des approvisionnements énergétiques, a permis de ramener le déficit commercial de la France à 62,1 milliards d’euros, contre 67,2 milliards en 2012. Les exportations se sont également contractées (- 1,3 %, après + 3,1 %)  surtout dans les secteurs des biens intermédiaires, des machines et des équipements, en lien avec la faiblesse des investissements en Europe. Ce recul des exportations est particulièrement important avec les pays hors Union européenne. En revanche, ces dernières résistent mieux dans des secteurs où la France possède des avantages comparatifs, comme les produits agricoles ou pharmaceutiques, l’aéronautique ou encore l’industrie du luxe.

Lente poursuite du redressement des finances publiques
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Cour des comptes
Le redressement des finances publiques s’est poursuivi en 2013, mais à un rythme plus lent que prévu. Le déficit public n’a ainsi baissé que de 0,6 point pour s’établir à 4,3 % du produit intérieur brut (PIB). Cette faible amélioration s’explique surtout par l’atonie des recettes, hors mesures nouvelles, ainsi qu’à l’anémie de l’activité économique, plus faible que prévu. La croissance des dépenses publiques en valeur a été moins forte qu’escomptée - notamment en raison d’une inflation moins élevée qu’anticipée - mais néanmoins insuffisamment pour compenser la faiblesse des recettes. Toutes les administrations publiques ont été déficitaires en 2013. La dette publique, quant à elle, a augmenté pour atteindre 94,1 % du PIB.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Le mystère de la valeur
Revue des Deux Mondes
Dominique Steta
La valeur est considérée comme l’une des questions fondamentales de l’économie politique. Celle-ci fut posée bien avant la constitution de l’analyse économique comme discipline scientifique. On peut relever deux grandes catégories de facteur « expliquant » la valeur : la rareté relative d’un bien et l’utilité estimée (les scolastiques et les classiques français) ;  la quantité de facteur « travail »  nécessaire à la production d’un bien (les classiques britanniques). Marx fit avancer le débat en affirmant que le travail possède intrinsèquement de la valeur et que la différence entre la valeur de la force de travail et la valeur que celle-ci produit est la plus-value. Plus récemment, André Orléan a nourri la réflexion autour de la valeur en tentant de saisir la valeur marchande des biens sans l’identifier à une grandeur préexistante. Selon lui, c’est le désir de monnaie qui crée la mécanique marchande et non le désir de biens utiles.

Union budgétaire : le champ des possibles
Conjoncture – BNP Paribas
Frédérique Cerisier
Après le choc provoqué par la crise financière de 2008, les pays de la zone euro ont vu leur déficit s’accroître très rapidement, ce qui a contraint les instances européennes à instaurer de nouvelles règles afin d’obliger les États membres à limiter les déséquilibres de leurs finances publiques. Bien que le calme soit revenu sur les marchés, les conséquences de la crise des dettes souveraines sont toujours perceptibles, notamment à travers un taux de chômage qui atteint un niveau record, ainsi qu’une croissance faible. L’union budgétaire, dont le principe consiste à partager les risques, pourrait apporter un supplément de liberté dans un environnement où les politiques économiques sont contraintes ainsi qu’une plus grande solidarité entre les États membres, notamment pour ceux qui sont soumis à de grandes difficultés financières. Celle-ci implique cependant un transfert de souveraineté important, ainsi qu’une intégration plus poussée que celle qu’offre l’union actuelle.

n°3097 Quelle transition énergétique ?

La transition énergétique en France 
Études
Alain Granjean
En France, 70 % de l’énergie finale consommée est issue de sources fossiles, comme le pétrole et le gaz, qui émettent des quantités importantes de gaz à effet de serre (GES). Parallèlement, la facture énergétique ne cesse d’augmenter – en 2012, elle a atteint 70 milliards d’euros. Dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, notre pays s’est ainsi fixé plusieurs objectifs parmi lesquels : diviser par quatre, à l’horizon 2050, les émissions de GES ; diviser par deux la consommation d’énergie d’ici à la moitié du siècle ; diminuer de 30 % la consommation fossile avant 2030. L’auteur revient sur les termes du débat et analyse les orientations de la loi de programmation sur la transition énergétique, qui a été votée par l’Assemblée nationale le 13 octobre 2014.

Maîtriser la demande en énergie
L’Expansion Management Review
Claire Burlat
La réduction de l’intensité énergétique est l’un des objectifs phares de la politique énergétique en France (- 2 % par an d’ici à 2015 puis - 2,5 % par an jusqu’en 2030). La diminution de la consommation de près de 20 % à l’horizon 2020 est un des leviers d’action pour atteindre cet objectif. Comment inciter les ménages à réaliser des économies d’énergie ? La « théorie du comportement planifié » est un outil susceptible d’aider les pouvoirs publics dans la recherche de solutions efficaces à cette question. Cette théorie fournit en effet des informations qui montrent qu’à l’heure actuelle les ménages français ne semblent pas encore disposés à adopter un comportement économique en matière de consommation énergétique. Quatre facteurs peuvent expliquer cette situation. Parmi ces derniers : le caractère vital de l’électricité confère aux consommateurs un sentiment d’impuissance face à la gestion de l’énergie ; et l’absence de normes explicites qui justifieraient un « bon » niveau de consommation minimise la pression sociale sur les clients.

Peut-on (vraiment) réduire la part du nucléaire ?
La Revue de l’Énergie
Dominique Grand, Christian Le Brun et Roland Vidil
Le programme de transition énergétique en France prévoit de ramener la part du nucléaire dans la production totale d’électricité de 75 % à 50 %, à l’horizon 2030. Un tel objectif suppose d’accroître de façon importante la production d’énergies renouvelables. Mais selon les auteurs, étant donné les difficultés de stockage de la production issue de l’éolien et du solaire, la construction de centrales thermiques à combustibles fossiles, fortement émettrices de dioxyde de carbone (CO2), paraît inévitable. Le lancement de nouvelles infrastructures de production d’énergie (éolien, solaire et énergies fossiles) entraîne, en outre, un accroissement considérable de l’occupation des sols et un coût financier supplémentaire dont il faut tenir compte.

Les leçons de la transition énergétique allemande
Commentaire
Rémy Prud’homme
L’électricité peut être produite à partir du charbon, du pétrole, du gaz, du nucléaire, de l’hydraulique, de l’éolien, du solaire, ou de la biomasse. La part relative de chacune de ces sources d’énergie dépend de la dotation en ressources naturelles des pays et de leur politique énergétique. L’Allemagne a choisi de diminuer la part du nucléaire dans la production d’électricité et d’augmenter la part des énergies renouvelables. Si la France peut tirer des leçons de l’expérience allemande, les résultats de celle-ci ne sont pas forcément conformes à ceux qui étaient attendus. En effet, selon l’auteur, la transition énergétique outre-Rhin a généré de nombreuses difficultés, notamment d’ordre économique et financier – le prix de rachat par l’État de l’électricité éolienne, solaire ou biologique est particulièrement élevé et engendre des coûts supplémentaires pour les consommateurs –, et d’ordre écologique – l’utilisation accrue du charbon au lieu du gaz a provoqué une augmentation des rejets de dioxyde de carbone.

Où va l’Europe de l’énergie ?
Géoéconomie
Jean-François Cirelli
Le principal défi à relever pour bâtir une « Europe de l’énergie » est de proposer un mix énergétique optimal, c’est-à-dire une énergie qui soit à la fois compétitive au niveau tarifaire, sécurisée et qui émette peu de dioxyde de carbone (CO2). Mais l’Europe n’est pas encore parvenue à atteindre cet objectif. Les vingt-huit États membres se sont en effet jusque-là montrés incapables d’élaborer sur ce plan une stratégie collective. Si la Grande-Bretagne a privilégié le charbon puis le gaz (comme l’Italie) et relance son programme nucléaire, la France  a, elle, opté pour cette dernière source d’énergie, tandis que les pays scandinaves ont choisi l’hydraulique. L’Allemagne a, de son côté, décidé de fermer ses centrales nucléaires et l’Europe centrale a adopté le charbon. La difficulté à concevoir une politique énergétique commune tient également à son coût financier que l’on évalue à 40 000 milliards de dollars.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Jean Tirole, « prix Nobel d’économie » 2014
Rationalité, psychologie et économie
Revue française d’économie
Jean Tirole
Le 13 octobre 2014, le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, plus communément appelé prix Nobel d’économie, a été décerné au Français Jean Tirole « pour son analyse du pouvoir de marché et de la régulation ». Père fondateur de la « nouvelle économie industrielle », celui-ci a notamment développé des notions théoriques importantes liées aux théories des jeux et de l’information qu’il a ensuite appliquées à divers domaines, comme le fonctionnement des cartels ou le réchauffement climatique. Dans la plupart de ses travaux, la rationalité des agents cherchant à « manipuler à leur profit l’asymétrie d’information dont souffrent les autres agents » est mise en évidence. Dans cet article, Jean Tirole montre l’intérêt de rapprocher des notions issues de l’économie comportementale – dont les analyses prennent leur source dans la psychologie et la neurologie – des concepts de l’économie en général.

Richesse : pourquoi la France décroche-t-elle ?
Lettre Trésor-Éco
Camille Thubin
Entre 1975 et 2012, la Francea vu son produit intérieur brut (PIB) par habitant progresser moins vite que la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques  (OCDE), en particulier par rapport aux États-Unis et à l’Allemagne et au nord de l’Europe. Alors que la France se classait, il y a une quarantaine d’années, au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE, elle se situe désormais en deçà de la plupart des grands pays développés. Ce déficit annuel moyen de croissance du PIB par habitant de 0,4 point par rapport aux pays de l’OCDE s’explique  par plusieurs facteurs : son taux d’emploi (le taux d’activité notamment celui des jeunes et des seniors et le taux de chômage)  - qui pénalise temporairement les performances relatives françaises en termes de PIB, la stagnation relative de la productivité horaire depuis les années 1990 et la poursuite du recul des heures travaillées par tête. Ce diagnostic permet d’identifier  les différents leviers sur lesquels la France peut agir pour relever son PIB par habitant.

Big Data et santé : une comparaison internationale
Accomex
Matthias Fille
Les données publiques de santé offrent de nombreuses perspectives de réutilisations innovantes comme l’amélioration de la prise en charge du patient - en particulier passer d’une logique curative à une logique préventive -, le contrôle des dépenses nationales de santé, notamment dans la perspective du vieillissement de la population, ou l’offre de nouveaux terrains d’analyses et d’expérimentations pour la recherche médicale dans les secteurs de l’épidémiologie, des maladies chroniques, de la pharmacovigilance, etc. De l’Europe à l’Amérique du Nord en passant par l’Asie, de multiples initiatives riches d’enseignement ont aujourd’hui cours dont la France pourrait s’inspirer.

n°3098 Emploi des jeunes et qualification

Le risque d’une génération perdue
IZA Policy Paper
Werner Eichhorst, Holger Hinte et Ulf Rinne
Depuis la crise économique de 2008, le chômage des jeunes qui était déjà élevé dans certains pays européens, a fortement augmenté. En Espagne, un des pays les plus durement touchés, environ un million de personnes âgés de 15 à 24 ans sont privées d’emploi. Si, globalement, le sud du continent est plus touché que le nord, le chômage des jeunes constitue un problème grave pour l’ensemble de l’Europe. Au-delà des pertes économiques, le risque est de voir apparaître une « génération perdue » de jeunes Européens. La Commission européenne, consciente du danger, a d’ores et déjà annoncé une série de mesures, notamment des incitations à la mobilité intra-européenne, et plaide pour des politiques plus actives en faveur des jeunes chômeurs. Ces dernières devraient être accompagnées de réformes structurelles mises en œuvre par les États.

Emploi des jeunes : retour sur les politiques récentes
Policy paper de l’Institut de l’entreprise
Face à l’augmentation très importante du chômage des jeunes, le gouvernement a, en France, à partir de 2012, créé deux nouveaux dispositifs, les Emplois d’avenir et le Contrat de génération, afin de stimuler l’emploi de cette catégorie de la population active. Ces mesures ont permis d’enrayer, puis d’inverser temporairement la courbe du taux de chômage des jeunes qui a décliné tout au long de l’année 2013. En revanche, en 2014, leurs effets semblent moins favorables. Au total, ces mesures phares, qui occupent une place importante dans la politique de l’emploi en faveur des jeunes, peinent à compenser le déclin des autres contrats aidés.

L’école, premier boulet de l’économie française
Les Échos
Jean-Marc Vittori
Dans le dernier classement global sur l’éducation établi par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France n’occupe que le 27e rang (sur 36 pays). En ce qui concerne les capacités des élèves,  selon les chiffres de l’enquête PISA de l’OCDE, les élèves français se classent au 21e rang pour la compréhension de l’écrit et au 25e rang pour les mathématiques. Ces scores médiocres sont confirmés par l’évaluation des adultes : l’enquête PIACC, également réalisée par l’OCDE, place la France à l’avant-dernier rang sur seize pays. Pour Jean-Marc Vittori, éditorialiste au quotidien économique Les Échos, le verdict est clair : l’école française n’est plus adaptée au modèle actuel de société où la majorité des salariés doit être de plus en plus autonomes, participer à des projets collectifs et effectuer des tâches complexes.

L’apprentissage, un atout pour l’Allemagne
Réalités industrielles – Annales des Mines
Isabelle Bourgeois
Contrairement aux Français, les Allemands privilégient le métier plutôt que le diplôme, exprimant une préférence très forte en faveur d’une identité sociale plutôt qu’un statut formel. Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que l’apprentissage et la formation professionnelle constituent la pierre angulaire du système éducatif allemand. Ces dispositifs sont outre-Rhin la voie dominante d’acquisition des savoirs et des qualifications professionnelles. Le système d’apprentissage allemand bénéficie d’une très forte implication des entreprises et permet une excellente adéquation entre l’offre et la demande de qualification. Il en découle un faible taux de chômage chez les moins de vingt-cinq ans. Au sein des entreprises, outre sa contribution à la cohésion sociale, le système est également un puissant levier en faveur de l’innovation.

Les faux pas de la formation professionnelle
Rapport de Terra Nova
Mathilde Lemoine et al.
La qualité des emplois est un des déterminants essentiels de la croissance. Une main-d’œuvre qualifiée est en effet plus productive et mieux préparée à la diffusion des innovations. Le niveau de formation initiale et la formation continue professionnelle constituent ainsi des parties intégrantes de la compétitivité des entreprises et des États. Les performances françaises en la matière restent insuffisantes, comme en témoigne la proportion importante de salariés peu qualifiés dans l’hexagone. La solution consiste à mettre en place un système efficace de formation professionnelle. Aujourd’hui, les personnes les moins qualifiées sur le marché du travail sont aussi celles qui bénéficient le moins de la formation professionnelle. Tel est le constat établi par les auteurs d’un rapport récent de la fondation Terra Nova. Ces derniers proposent de faire de la formation professionnelle un levier essentiel de compétitivité et de réduction des inégalités.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Mesurer l’activité souterraine
Regards croisés sur l’économie
Entretien avec Sébastian Roché
Généralement considérée comme la « somme des revenus générés par la production de biens et services dissimulés aux autorités gouvernementales », l’économie souterraine désigne des marchés dont les objets de l’échange sont illégaux. Mais la définition peut s’étendre à la fraude fiscale, une autre forme d’économie souterraine. Ces activités ont en commun de priver l’État de certaines ressources. Elles permettent, en revanche, la création de richesses dans des domaines où la réglementation ne le prévoit pas, et favorisent la consommation légale. Les études et les enquêtes consacrées à la mesure de la part de l’économie souterraine dans le produit intérieur brut (PIB) sont très utiles. Mais dans la mesure où les collectes de données diffèrent selon les pays, il est difficile de procéder à des comparaisons internationales.

Comment les entreprises comptent utiliser le CICE 
Insee Focus
Yaëlle Gorin et Catherine Renne
Le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) est un avantage fiscal destiné aux entreprises employant des salariés, soumises à un régime réel d’imposition – ce qui exclut les microentreprises et les autoentrepreneurs. L’objectif de ce dispositif est d’améliorer la compétitivité en favorisant l’investissement et l’innovation. L’avantage fiscal équivaut à une baisse de cotisations sociales, sous la forme d’une réduction de l’impôt à acquitter en année n au titre de l’année n-1. L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a interrogé les entreprises sur l’utilisation qu’elles comptent faire de ce crédit d’impôt. Pour plus de la moitié d’entre elles, le CICE servira à investir dans l’appareil de production. Dans l’industrie, environ une entreprise sur trois envisage de recruter de nouveaux collaborateurs.

Géopolitique des paradis fiscaux
Politique étrangère
Vincent Piolet
Un paradis fiscal désigne un territoire qui répond aux quatre critères suivants : une fiscalité faible, une grande opacité, une législation peu contraignante et une absence ou une faible coopération en matière judiciaire. L’expansion des paradis fiscaux s’inscrit aujourd’hui dans la logique de l’internationalisation de l’économie. Les moyens d’action des organisations internationales pour réguler ces entités sont limités, d’une part, par la difficulté de s’entendre au niveau international sur une définition commune de ce qu’est un paradis fiscal, et d’autre part, par le fait que chaque grande puissance économique dispose d’une ou plusieurs de ces places off-shore. La lutte contre le terrorisme, à partir des années 2000 – notamment la volonté des États d’en assécher le financement -, ainsi que la crise économique mondiale de 2008 – les paradis fiscaux ayant joué un rôle important dans son déclenchement -  ont toutefois permis de réaffirmer la nécessité d’un contrôle strict des places off-shore.

n°3099 L'Amérique latine en panne de croissance

L’Amérique latine en quête d’un nouveau souffle
Revue de l’OFCE
Christine Rifflart
Après une décennie d’euphorie économique – au cours de laquelle l’Amérique latine a enregistré un taux de croissance de 4,1 % en moyenne par an entre 2003 et 2013, et cela en dépit de la crise financière de 2008 –, les économies latino-américaines sont entrées, depuis 2012, dans une période de croissance modérée. Et il semble peu probable, dans l’immédiat, que le continent renoue avec des taux de croissance comparables à ceux des années 2000. La région doit désormais faire face à des problèmes structurels, parmi lesquels des taux d’épargne et d’investissement particulièrement bas, notamment au Brésil ; des taux d’inflation qui s’envolent en Argentine et au Venezuela ; et des systèmes fiscaux très vulnérables puisqu’une grande partie des revenus est issue des exportations de matières premières. Les économies latino-américaines ne pourront plus en outre compter sur la demande de l’Europe dont l’économie a été affaiblie par la crise, et qui tirait autrefois la croissance du sous-continent.

Le Brésil confronté à une crise de l’offre
Accomex
Daniel Solano
Lors de son premier mandat présidentiel (2011-2014), Dilma Rousseff – qui a été réélue le 26 octobre 2014 à la tête du Brésil – a donné une nouvelle impulsion aux réformes structurelles, en favorisant notamment l’investissement privé dans les projets d’infrastructures. Mais cette « nouvelle politique industrielle » n’a pas permis d’atteindre les objectifs annoncés. Le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) reste faible – après une forte hausse en 2010 (+ 7,5 %), celui-ci est retombé à 2,7 % en 2011, à 1 % en 2012 et à 2,3 % en 2013 – ; le taux d’investissement est particulièrement bas ; la production manufacturière n’a augmenté que de 1,9 % en 2013, plus particulièrement dans les secteurs de la chimie et des équipements ; et le taux de productivité global stagne. La demande des consommateurs brésiliens continuant d’augmenter, c’est bien à une crise de l’offre que le Brésil doit aujourd’hui faire face.

Argentine, Brésil, Venezuela : entre pénurie et inflation
Diplomatie
Maeva Morin
La croissance économique et l’émergence d’une importante classe moyenne au cours de la dernière décennie au Brésil, au Venezuela et en Argentine ont facilité l’accès aux biens de consommation de masse et favorisé l’amélioration des conditions de vie permettant notamment d’offrir à une partie de la population de meilleurs services d’éducation et de santé publics. Aujourd’hui, le retour d’une forte inflation est vécu comme une véritable injustice ravivant dans la population le souvenir des années d’hyperinflation. En Argentine, des syndicats se sont opposés, en 2012, au gouvernement pour dénoncer l’inflation galopante. En juin 2013, l’augmentation du billet de transport de 7 % en moyenne dans les grandes villes brésiliennes, ainsi que le montant de la facture du Mondial de football, a conduit la classe moyenne dans la rue. Au Venezuela, les mouvements étudiants du début de l’année 2014 ont été suivis par des manifestations citoyennes réclamant une hausse des salaires.

Mexique, le nouveau « tigre aztèque » ?
Foreign Affairs
Shannon K. O’Neil
L’économie mexicaine est forte de nombreux atouts. Les réformes menées ces dernières années par le Président Enrique Peña Nieto ont en effet permis d’améliorer l’environnement économique. La libéralisation du marché du travail a ainsi conduit à une forte diminution de la part du secteur informel dans le produit intérieur brut (PIB). De même, le système éducatif a été modernisé. Une autorité régulatrice a également été créée dans le secteur des télécommunications. Concernant le système de protection sociale, une retraite universelle et une assurance chômage ont été mises en place. L’accroissement de la classe moyenne qui rassemble entre 40 et 60 millions de personnes pour une population totale de 116 millions, ainsi que la position géographique et stratégique du Mexique, membre de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), constituent aussi des atouts auprès des investisseurs étrangers. Certains obstacles demeurent toutefois : la faiblesse de l’investissement dans les infrastructures, une productivité stagnante ou encore le niveau d’insécurité.

Les classes moyennes au secours de la croissance ?
Revue Tiers Monde
Pierre Salama
En 2009, les classes moyennes – c’est-à-dire la part de la population dont le niveau de revenu est compris entre 10 et 100 dollars par jour (à parité de pouvoir d’achat, au taux de change de 2005) – constituent, selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), 29 % de la population mondiale, soit 1,85 milliard de personnes. Leur nombre devrait croître à un rythme soutenu dans les années à venir, surtout dans les pays émergents où la croissance reste élevée. Certains voient dans cet essor une formidable opportunité pour redynamiser la croissance en Amérique latine. Mais, si dans les années 1970, les classes moyennes latino-américaines avaient été un moteur de la croissance – qui reposait alors sur la production de biens de consommation durables –, les choses sont aujourd’hui très différentes. Avec la globalisation des échanges, la croissance dépend, en effet, bien davantage de la demande extérieure que de la demande domestique.

ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Kenneth Arrow, un pionnier de l’économie
Finances et Développement
Janet Stotsky
L’économiste américain Kenneth Arrow est le père de plusieurs concepts fondamentaux des sciences économiques, notamment le modèle Arrow-Debreu et le théorème d’impossibilité d’Arrow. Né en 1921 à New York dans une famille modeste, Kenneth Arrow est surtout connu pour sa démonstration mathématique de l’existence d’un équilibre général en concurrence parfaite, publiée dans un article de 1954 coécrit avec Gérard Debreu. Il est également le premier à avoir cherché à « endogénéiser » le progrès technique dans le modèle de Solow en mettant en avant l’effet d’apprentissage (learning by doing). Kenneth Arrow a aussi réussi à démontrer l’intuition de Condorcet sur l’impossibilité des choix collectifs rationnels. En 1972, il reçoit conjointement avec l’économiste britannique John Hicks le prix dela Banque de Suède en sciences économiques, en mémoire d’Alfred Nobel.

Le crowdfunding à la française
La Gazette de la société et des techniques
Bogdan Filip Popescu et Fantine Lefèvre
Les plateformes de financement participatif sur Internet (crowdfunding) connaissent un véritable engouement. Il en existe principalement trois formes : celles qui proposent aux internautes de faire un don – la plus populaire, notamment dans le secteur culturel (musique, cinéma, etc.) –, d’autres encore qui fonctionnent selon le principe de prêts rémunérés (crowdlending), et enfin les plateformes qui permettent un financement participatif en capital (crowdequity). La France, plutôt bien placée dans le secteur nouveau ducrowdfunding, pourrait l’être davantage encore. Le financement participatif reste en effet peu efficace : de nombreuses campagnes de crowdfunding échouent. C’est pourquoi le gouvernement français, qui a décidé de faire de notre pays un leader européen en la matière, a mis en place une régulation propre aux activités decrowdfunding afin de renforcer la confiance du public vis-à-vis de ce type de financement.

La circulation de l’information dans les entreprises
Entreprises et Histoire
Pierre-Loïc Bolon, Jean-Luc Bouillon et Benjamin Thierry
L’information est une donnée précieuse en économie, surtout dans un environnement concurrentiel. Le besoin de s’informer ou de transmettre des informations est en effet essentiel pour les entreprises, comme pour les organismes publics. En revanche, la nature de la circulation de l’information diffère selon le secteur d’activité. Dans la finance, elle doit nécessairement se faire en temps réel. Dans l’industrie lourde, le temps de fabrication d’un appareil, un avion par exemple, étant de plusieurs décennies, les informations se transmettent entre générations d’ingénieurs. Si les technologies de l’information et de la communication (TIC), comme Internet, ont considérablement favorisé les échanges de données, la capacité à communiquer un savoir-faire dans le temps et dans l’espace reste un véritable défi. Selon les auteurs, qui citent McDonald et Coca-Cola, seules les grandes marques y parviennent.

n°3100 Bilan de l'économie mondiale 2014

La reprise mondiale se confirme
Perspectives économiques de l’OCDE
OCDE
En 2014, la croissance et les échanges mondiaux ont poursuivi leur redressement à un rythme modéré dans l’ensemble des économies de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En 2015, l’activité devrait être stimulée par des politiques monétaires accommodantes et la poursuite de l’assainissement des finances publiques. Le chômage ne reculerait en revanche que légèrement. Dans les économies émergentes, la croissance sera peu soutenue, en raison notamment du durcissement des conditions financières. Aux États-Unis, la reprise devrait continuer à s’accélérer et engendrer une baisse du taux chômage. La politique monétaire resterait flexible dans la zone euro, où une nouvelle baisse des taux d’intérêt est attendue, compte tenu de la faiblesse de l’inflation. Concernant le niveau de la demande des ménages, celui-ci commence à s’élever dans l’ensemble des pays de l’OCDE, tout en restant fragile du fait de la faible croissance des revenus et du fort taux de chômage.

Lente baisse du taux de chômage 
Perspectives de l’emploi de l’OCDE
OCDE
La reprise économique étant fragile dans l’ensemble des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la situation de l’emploi ne s’améliore que lentement. Si dans la zone euro, et au Danemark, le taux d’emploi est à son plus bas niveau, aux États-Unis, le déficit d’emploi – écart entre le taux d’emploi courant et son niveau au début de la crise – se réduit progressivement : il n’est plus que de 4,4 points de pourcentage en deçà de ce niveau contre 4,9 points au point le plus bas. Au Japon, en raison du vieillissement démographique, les progrès sont plus modestes. Le taux d’emploi des jeunes dans les pays de l’OCDE reste bien en deçà du niveau d’avant la crise. Quant au taux de chômage de longue durée, celui-ci a atteint 7,4 % en mai 2014, soit 1,8 point de pourcentage au-dessus du niveau auquel il se situait avant la crise.

Les marchés financiers sous influence
Rapport annuel
Banque des règlements internationaux
L’année écoulée comme la précédente s’est caractérisée par une sensibilité extrême des marchés financiers à la politique monétaire. Les anticipations concernant celle menée par les États-Unis sont l’objet d’une attention particulière : le retour progressif à une pratique plus orthodoxe après une longue période au cours de laquelle la Réserve fédérale (Fed) a mis en œuvre une politique monétaire exceptionnellement accommodante fait en effet régulièrement réagir les marchés. Si cette politique monétaire a largement contribué au raffermissement de la valorisation des actifs en 2013 et en 2014, le faible niveau des taux d’intérêt et la volatilité modérée de la valeur des actifs ont encouragé les acteurs sur les marchés à prendre des positions plus élevées. Ces évolutions montrent que la politique monétaire peut avoir un effet puissant sur les conditions de financement et les primes de risque.

Ralentissement de l’inflation dans la zone euro
Rapport annuel de la Banque de France
Christian Noyer
La politique monétaire menée par les grandes banques centrales en 2013 et 2014 n’a pas seulement influencé les marchés financiers, elle a également pesé sur l’évolution des taux de change. De nombreuses devises ont ainsi enregistré des dépréciations d’une ampleur plus ou moins importante. L’euro, quant à lui, s’est distingué par la poursuite du mouvement d’appréciation entamé en 2012. Sur les marchés de matières premières, les prix du pétrole mais également ceux des métaux et des matières premières agricoles ont baissé alors qu’ils étaient encore à des niveaux historiquement élevés en 2012. L’inflation dans la zone euro s’est ralentie. Sa progression moyenne a été de 1,4 % contre 2,5 % en 2012, notamment en raison de la décélération des prix de l’énergie. Quant au taux de croissance de la masse monétaire, il s’est assez nettement replié, reflétant ainsi le faible dynamisme de la zone euro.

Croissance modérée du commerce mondial
Rapport sur le commerce mondial en 2014
OMC
Alors que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) tablait sur une croissance de 2,5 % du commerce mondial en 2013, celle-ci a été finalement de 2,2 %, soit à peu près le même niveau que l’année précédente (2,3 %). Cette croissance plus faible que  ce qui avait été anticipé s’explique essentiellement par la baisse plus forte que prévu des flux commerciaux des économies en développement au cours de la seconde moitié de l’année. Les hausses modérées des échanges mondiaux de marchandises en 2012 et 2013 sont inférieures à la moyenne des vingt dernières années (5,3 %), et nettement en deçà de la moyenne des deux décennies précédant la crise de 2008-2009. Cette évolution s’est poursuivie en 2014. Le volume du commerce mondial des marchandises a en effet, durant les premiers mois de l’année 2014, continué de croître lentement, avec une augmentation de 2,1 % au premier trimestre par rapport à la même période de 2013.

Les IDE repartent à la hausse
Rapport sur l’investissement dans le monde 2014
CNUCED
Après une baisse en 2012, l’investissement direct à l’étranger (IDE) mondial est reparti à la hausse en 2013, les entrées augmentant de 9 % pour atteindre  1450 milliards de dollars. Selon la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED), cette tendance pourrait se poursuivre dans les prochaines années avec des flux mondiaux qui s’élèveraient à 1600 milliards de dollars en 2014, 1750 milliards en 2015 et 1850 milliards en 2016. Il faut toutefois, compte tenu de la fragilité de certains marchés émergents et de l’instabilité de la situation géopolitique dans plusieurs régions du globe, conserver une certaine prudence vis-à-vis de ces prévisions. En 2013, les pays en développement font toujours la course en tête, avec des entrées d’IDE qui ont atteint un pic, à 778 milliards de dollars, soit 54 % du total mondial contre 39 % pour les pays développés. Dix des vingt premiers destinataires de l’IDE sont aujourd’hui des pays en développement ou des pays en transition.

 ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

L’OMC, une organisation hybride et résiliente
Le Journal de l’École de Paris du management
Créée en 1994, à la suite de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), l’Organisation mondiale du commerce (OMC) doit, selon l’auteur, faire face à un certain nombre de contradictions que connaissent  toutes les organisations internationales. L’OMC dont la mission est de rendre le commerce entre les nations aussi libre que possible et régler les problèmes commerciaux qui opposent ses États membres n’est dotée en effet que d’un budget relativement modeste (130 millions d’euros en 2013). Elle doit également affirmer son autonomie tout en s’inscrivant dans une dynamique de réseau – l’OMC entretient des relations étroites avec un certain nombre d’autres organisations internationales, notamment les organisations non gouvernementales (ONG), l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), et l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).

L’Allemagne introduit un salaire minimum
Chronique internationale de l’IRES
Odile Chagny et Sabine Le Bayon
L’Allemagne introduira à partir du 1er janvier 2015 un salaire minimum légal de 8,5 euros par heure. Contrairement au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) français, sa revalorisation – prévue tous les deux ans – ne sera pas du ressort de l’État, mais d’une commission composée du patronat et des syndicats. L’instauration d’un salaire minimum constitue néanmoins une rupture majeure avec le principe de subsidiarité et d’autonomie des partenaires sociaux tel qu’il est en vigueur en Allemagne. Cette mesure montre que le système existant jusque-là ne permet plus de garantir à certains travailleurs le respect de leurs droits fondamentaux, d’où la nécessité d’une intervention de l’État. Toutefois de nombreuses études tendent à montrer que l’impact du salaire minimum sur l’emploi, la consommation et la compétitivité devrait globalement être assez limité.

n°3101 Le boom du marché de l'art

La flambée des prix sur le marché de l’art
Financial Times
Georgina Adams
Le marché de l’art a connu de profondes mutations ces dernières années. Pour certains spécialistes, il serait même devenu méconnaissable. En effet, il y a trente ans, l’art contemporain qui tire aujourd’hui le marché, n’était guère présent dans les grandes salles de vente, dominées à l’époque par les impressionnistes ou l’art ancien. À partir de 2004, tout a changé : le marché de l’art moderne et contemporain s’est mis à croître très rapidement, à peine ralenti par les crises économiques. Les maisons de vente aux enchères sont devenues des multinationales de l’art, les foires d’art modernes et contemporaines, comme les biennales, se sont multipliées et l’influence de nouveaux acheteurs, originaires des économies émergentes, a bouleversé le marché. De nouveaux métiers ont fait leur apparition, comme celui de « conseiller artistique », un professionnel dont la tâche est d’aider les collectionneurs à aborder le monde de l’art. L’augmentation de la richesse mondiale est un des principaux vecteurs du boom du marché de l’art.

Créatifs et industriels : la ruée vers l’art
La Tribune
Carine Claude
L’intérêt des grandes entreprises industrielles pour l’art ne cesse de croître. Il se matérialise notamment à travers des partenariats technologiques et commerciaux. L’objectif de ce mécénat est d’associer le savoir-faire technologique à la créativité des artistes. Aujourd’hui, les contrats passés ne concernent plus uniquement la vente d’œuvres existantes ou de commande, mais aussi leur réalisation en amont. Les fondations d’entreprises jouent un rôle fondamental dans ces projets qui associent monde industriel et réseaux culturels. En 2013, le Palais de Tokyo et l’entreprise de télécommunication Orange ont ainsi organisé la première édition du concours Push Your Art autour de la vidéo 3D relief. Au-delà de la coproduction artistique, ces initiatives permettent également aux visiteurs des musées de vivre des expériences alternatives.

Pourquoi achète-t-on des œuvres d’art ?
Die Zeit
Entretien avec Michael Hutter
Le marché de l’art est en pleine effervescence, mais sait-on vraiment ce qui pousse un individu à acquérir des œuvres d’art ? L’économiste allemand Michael Hutter apporte dans cet entretien une série de réponses et aborde également la question des risques de la spéculation sur ce type de marché. Tous expliquent le comportement des collectionneurs, on trouve l’accoutumance, voire l’addiction, le besoin d’asseoir un statut social, ainsi que le potentiel spéculatif des œuvres d’art. La spéculation n’est pourtant pas une pratique récente, puisque elle a sur le marché de l’art plus de trois siècles. Contrairement au marché des actions et de l’immobilier, la régulation du marché de l’art est assez difficile à mettre en place, car les biens échangés sont pratiquement toujours des pièces uniques. Ce caractère original fait la valeur de l’œuvre et rend le contexte de vente toujours singulier.

La mutation réussie des musées
The Economist
Aujourd’hui, un peu partout dans le monde, les musées vivent une période florissante. Parmi les plus prospères se retrouvent notamment ceux qui se sont transformés en profondeur. Afin d’élargir leur offre, ces établissements ont cherché à ne plus être seulement des lieux de conservation du patrimoine mais également à devenir des forums d’échange globaux et de véritables creusets culturels. Mais la redécouverte des musées s’explique également par l’évolution de la demande : dans les pays riches, la proportion des personnes qui font des études supérieures augmente de façon spectaculaire. Les soutiens se sont également multipliés : au-delà des édiles locaux, ce sont aujourd’hui les responsables du développement urbain, les médias et les individus fortunées en particulier qui s’intéressent au bon développement des musées. Enfin, les sources de financement se sont beaucoup diversifiées au cours des dernières années.

Profession : coach pour collectionneur
Les Échos
Martine Robert
La transformation du marché de l’art a favorisé l’apparition de nouveaux métiers. Parmi ces nouvelles activités, l’« art adviser » est une des plus originales. Il s’agit de conseillers spécialisés qui assistent les collectionneurs d’art contemporain dans leurs achats. Les acheteurs fortunés cherchent en effet à bénéficier d’une connaissance pointue du marché et des avantages que procure l’accès à un réseau de galeries et d’artistes. Le rôle de l’« art adviser » est d’estimer et d’acquérir pour son client une œuvre, voire d’en négocier le prix. L’activité peut s’étendre jusqu’à la gestion de la collection. Les coachs pour collectionneurs peuvent être salariés, employé directement par le collectionneur ou être payés par les galeries, mais le plus souvent ils touchent un pourcentage sur la vente.

Écoles d’art : de l’illusion à coût prohibitif
L’Expansion
Sébastien Julian
Les écoles d’art sont devenues ces dernières années un véritable marché : on en dénombre environ 400 en France. À côté des fleurons comme les Beaux-Arts de Paris, les Gobelins ou l’Ensci à Limoges, il existe une myriade d’établissements dont la qualité de l’enseignement n’est pas toujours garantie. Certaines écoles réalisent plusieurs millions d’euros de chiffres d’affaires par an, grâce à des tarifs de scolarité parfois très élevés. Les étudiants qui n’ont pas eu la chance d’intégrer une grande école d’art, se voient souvent obligé de se rabattre sur des établissements de moins bonne qualité. L’activité semble néanmoins tellement séduisante que des fonds d’investissement s’y intéressent : ainsi, il y a deux ans, l’Atelier de Sèvres – une école préparatoire aux écoles d’art - a été acheté par Galileo Global Education, une société basée au Luxembourg qui appartient à un fonds d’investissement américain.

Galeries d’art : promoteur de notoriété des artistes
Culture études
François Rouet
Les galeries d’art contemporain sont essentielles pour faire émerger et construire la notoriété des artistes. Conjointement avec les maisons de vente aux enchères, les grands collectionneurs et les musées, les galeries assurent la vitalité de la scène artistique française. Malgré leur importance, la population des galeries d’art est difficile à analyser. Faute de référencement dans la nomenclature d‘activité française, il faut alors croiser les sources et fichiers à la fois accessibles et pertinents. La présente étude a opté pour une acceptation initiale large et l’hétérogénéité structurelle des galeries sur le plan artistique. Près de la moitié des galeries sont regroupées à Paris. L’activité est également assez concentrée : 12 % d’entre elles totalisent 72 % du chiffre d’affaires annuel total. L’ampleur de leur activité s’explique essentiellement par deux facteurs : l’ancienneté et la présence sur le marché international.

 ÉGALEMENT DANS CE NUMERO

Comprendre le déficit de financement des PME
Revue d’économie financière
Michel Dietsch et Xavier Mahieux
Le financement des petites et moyennes entreprises (PME) est l’objet de nombreux débats, en particulier la question de l’insuffisance des ressources financières auxquelles ces dernières peuvent accéder. Ce problème de financement s’explique par les caractéristiques économiques, financières et comportementales des PME, mais également par les particularités des structures du système financier. Les PME doivent en effet souvent faire face à un déficit d’information concernant les possibilités de financement offertes par les banques. Ces entreprises se caractérisent également par une forte aversion au risque. Et leurs difficultés sont renforcées par un système financier qui canalise insuffisamment l’épargne vers les PME. Leur développement devrait ainsi être accéléré par la mise en œuvre d’un environnement légal et réglementaire plus favorable.

L’euro dans la guerre des monnaies 
Les notes du Conseil d’analyse économique
Agnès Bénassy-Quéré, Pierre-Olivier Gourinchas, Philippe Martin et Guillaume Plantin
Dans le système monétaire international, les monnaies sont en concurrence les unes avec les autres. Quand une devise s’apprécie, c’est au détriment d’une autre. Chaque banque centrale se fixe notamment comme objectif de préserver la valeur de sa monnaie. Et chacune poursuit également des objectifs internes, comme la stabilité des prix et le plein-emploi, en suivant une politique monétaire plus (Réserve fédérale – Fed) ou moins (Banque centrale européenne – BCE) expansionniste. Dans un contexte économique marqué par la désinflation, la fragmentation du marché du crédit et la faible croissance, les auteurs plaident pour un assouplissement monétaire dans la zone euro, qui s’accompagnerait d’un affaiblissement de la devise européenne. Une dépréciation temporaire de l’euro constituerait une bouffée d’oxygène pour certains États membres dont la situation économique est particulièrement dégradée.

Londres et Paris à l'heure de la globalisation
Pouvoirs locaux
Jean-Marc Stébé
À l’heure de la globalisation, les grandes villes comme New York, Tokyo, Londres ou Paris se livrent une concurrence acharnée afin de conserver leur place au sein  de l’Archipel mégapolitain mondial. Au niveau européen, Londres et Paris sont engagées dans une compétition  économique, culturelle, universitaire, architecturale, etc. Pour ces deux métropoles, l’enjeu est de taille puisqu’il s’agit d’attirer les entreprises, les emplois, les étudiants, les  touristes, etc. Ces dernières mettent ainsi en œuvre  de multiples stratégies, comme lebranding,  pour préserver leur rang au sein des villes globales. Si en termes de finance, Londres se place devant Paris, la capitale française occupe la première position en matière de capital culturel et patrimonial.