2014 | 2013 | 2012 | 2011 | 2010 | 2009 | 2008 | 2007 | 2006 | 2005 | 2004 | 2003 | 1995 |
No
2.442
18 octobre 1995
Economie de la santé
Les Soins médicaux : Bien privé ou bien public ?
(The
Amercan Journal of Economics and Biology)
Economie de la santé)
Coût d'une maladie : Peut-on l'évaluer ?
(Risques)
La Consommation médicale totale en France
(Comptes nationaux de la santé)
L'Accès aux soins en France : Evolution des inégalités depuis 1980
(Economie et statistique)
Le Système français de financement hospitalier
(Analyse financière)
La Mise en place d'un système d'assurance-dépendance : L'Exemple de l'Allemagne
(Regards sur l'économie allemande)
L'Echec de la réforme fédérale de l'assurance médicale aux Etats-Unis
(Chronique internationale de l'IRES)
No
2.443
25 octobre 1995
France
Les Bouleversements du marché de la micro-informatique
(INSEE Première)
Le Recrutement social de l'élite universitaire depuis 40 ans
(Education et formation)
Economies étrangères
Les Evolutions récentes de la politique sociale aux Etats-Unis : Réforme ou démantèlement ?
(WSI-Mitteilungen)
La Reconstruction de l'économie dans les nouveaux Länder allemands
(Deutschland Archiv)
Les Réformes structurelles de l'économie néo-zélandaise depuis 1984
(Bulletin mensuel de la Kredietbank)
No
2.444-2.445
1 novembre 1995
La Science économique est-elle en crise ? Principes, instruments, pouvoirs
No
2.446
15 novembre 1995
Pays en développement
Théories du développement : Le Caractère réducteur du modèle néolibéral
(Third World Quarterly)
Le Rôle des femmes da,ns le développement urbain
(OCDE)
Les ressources de l'agriculture urbaine
(Choix)
Multilatéralisme et organisation économique régionale en Afrique francophone
(Economie rurale)
La Dévaluation du franc CFA : Un Bilan
(Finances et développement)
Le Développement du secteur privé en Côte d'Ivoire
(Marchés tropicaux et méditerranéens)
No
2.447
22 novembre 1995
Entreprise
La Gestion : Science ou technique ?
(Sciences humaines)
Les Nouvelles tendances du contrôle de gestion
(Echanges)
La Gestion des relations technologiques dans les PME
(Sociologie du travail)
L'Ere de la productique : Crise ou dépassement du modèle classique d'organisation ?
(Sociologie du travail)
Le Marketing des odeurs
(L'Entreprise)
Bilan de compétences : Le Regard du praticien
(Humanisme et entreprise)
No
2.448
29 novembre 1995
Monnaie et finance
L'Evolution des banques françaises depuis le début des années quatre-vingt
(CDC)
La Lente adaptation des banques françaises
(Option finance)
La Classification des banques centrales selon leur degré d'indépendance : Un Panorama critique de la littérature
(Information commerciale espanola)
France : L'Etat peut-il s'endetter autrement ?
(Chroniques économiques de la SEDEIS)
Combien coûte un redressement budgétaire ? Une Comparaison internationale
(CEPII)
Réforme fiscale : Quelques enseignements des expériences étrangères
(OFCE)
Niveau, répartition et déterminants de l'épargne mondiale
(Bulletin du FMI)
La Relation entre le déficit budgétaire américain et la faiblesse du dollar : Le Mythe de l'"immaculé transfert"
(Financial Times)
No
2.447
6 décembre 1995
Les Indicateurs économiques
Croissance potentielle et diagnostic conjoncturel
(Note de conjoncture de l'INSEE)
Recherche sur la nature et l'évaluation de la richesse des nations
(Financial Times)
Evolution des inégalités de revenus en France depuis 1975 : Quel instrument de mesure pour quel constat ?
(Synthèses)
Comparaison internationales des prélèvements fiscaux et sociaux : Quelques mises en garde
(CNIS)
Comment mesurer l'inégalité sociologique entre les sexes
(Rapport mondial sur le développement humain)
Quel indicateur pour le chômage ?
(Monthly Labor Review)
Comment évaluer l'orientation de la politique budgétaire ?
(Revue de l'OFCE)
Agrégats et objectifs monétaires dans les principaux pays développés
(Bulletin de la Banque de France)
No
2.450
13 décembre 1995
Travail, formation, emploi
L'Evolution de la sociologie française du travail
(Le Mouvement social)
L'Insertion professionnelle des jeunes en France depuis 20 ans
(Economie et statistique)
Coût du travail et chômage : Une Relation complexe
(Futuribles)
Les Travailleurs découragés
(Perspectives de l'emploi de l'OCDE)
Les Déterminants du travail des enfants dans les pays en développement
(Revue internationale du travail)
No
2.451
20 décembre 1995
Economie internationale
Les Conséquences socio-économiques de la SIDA
(Futuribles)
La Prise en compte des externalités environnementales
(Revue de l'énergie)
Le Cycle global de l'immobilier
(L'Observateur de l'immobilier)
Le Marché des assurances dans les pays développés
(Risques)
Les Revenus des ménages agricoles : Une Comparaison internationale
(L'Observateur de l'OCDE)
Analyse comparée de neuf quotidiens économiques européens
(Réseaux)
No
2.452
27 décembre 1995
Economies étrangères
La Pauvreté en Allemagne
(Allemagne aujourd'hui)
Panorama de l'économie italienne
(Review of economic conditions in Italy)
L'Economie portugaise à la croisée des chemin
(L'Expansion)
La Situation du secteur agricole dans les pays d'Europe centrale et orientale
(CCET/OCDE)
La Délocalisation de l'industrie japonaise
(Japon, économie et société)
L'Ouverture du marché des biens de consommation en Chine
(China Aktuell)
La Nouvelle loi bancaire chinoise
(Banque)
No
2.833
26 novembre 2003
Travail, formation, emploi
PAUVRETE ET MARCHE DU TRAVAIL
Les politiques anti-pauvreté ont-elles réussi ?
Sociétal
Pierre Concialdi
Les trappes d’inactivité revisitées
Travail et Emploi
Yolande Benarrosh
Les working poor version française
Droit social
Margaret Maruani
Les sans-domicile ne sont pas coupés de l’emploi
INSEE Première
Bernadette de la Rochère
PROTECTION SOCIALE ET MARCHE DU TRAVAIL
Les procédures de licenciement en question
Conseil d’analyse économique
Olivier Blanchard et Jean Tirole
No
2.834
3 décembre 2003
Union européenne
INTEGRATION EUROPEENNE
Pourquoi l’Europe ne ressemble-t-elle pas à ce que voudraient les économistes
?
Revue économique
Jürgen von Hagen et Jean Pisani-Ferry
Répartition des compétences en Europe : l’éclairage de l’économie
Cepremap
Robert Boyer et Mario Dehove
L’Union européenne permet-elle la diversification des risques ?
Economie internationale
Pierre-Guillaume Méon et Laurent Weill
ELARGISSEMENT
les dangers du manque de flexibilité
Revue d’économie financière
Charles Wyplosz
INFLATION
Dispersion de l’inflation : une comparaison Europe – Etats-Unis
Bulletin mensuel de la BCE
BCE
No
2.835
10 décembre 2003
Monnaie et finance
CRISES FINANCIERES INTERNATIONALES
Vers une prévention macro – prudentielle des crises
Revue d’économie financière
André Cartapanis
INNOVATION ET SPECULATION FINANCIERES
Bulles et paniques financières : une perspective socioéconomique
The American Journal of Economics and Sociology
Brenda Spotton Visano
TAUX DE CHANGE
Quel régime monétaire pour l’Amérique Latine ?
Finances et Développement
Andrew Berg, Eduardo Borensztein et Paolo Mauro
FISCALITE DE L’EPARGNE
Le nouvel accord de la taxation de l’épargne transfrontalière en Europe
Bulletin financier - ING
Jerry van Waterschoot
INDICATEURS ECONOMIQUES
L’indice des prix : un objet de controverses
La Recherche
Michel Armatte
ECONOMIE SOLIDAIRE
Où en est le secteur de la finance solidaire ?
Finance et bien commun
Entretien avec Jean-Paul Vigier
No
2.836
17 décembre 2003
Entreprises et marchés
MARCHE AUTOMOBILE
les stratégies des constructeurs franco-allemands
Regards sur l’économie allemande
Christophe Barmeyer et Sylvie Hertrich
La filière automobile française en Europe de l’Est
Le 4 Pages du SESSI
Pascal Brocard et Corinne Darmaillacq
RESTRUCTURATIONS
Les dispositifs publics d’accompagnement des restructurations
Premières informations, Premières synthèses
Odile Brégier
MANAGEMENT
Public, privé : concilier performance et croissance
L’Expansion Management Review
Dominique Damon
INSTITUTIONS ET STRATEGIES
Le champagne ou la création d’un produit de luxe
Economie Appliquée
Christian Barrère
No
2.837
24 décembre 2003
Economies étrangères
Le déclin du commerce agricole américain
Chambres d’agriculture
Thierry Pouch
Alors que l’excédent du commerce extérieur de produits agricoles et alimentaires
des Etats- Unis avait enregistré une chute importante au milieu des années 1980,
pour se situer à 4,7 milliards de dollars, les négociations du GATT et la
signature des accords de Marrakech avaient permis à la première puissance
agricole mondiale de retrouver des excédents conformes à son rang (27 milliards
de dollars en 1997) au cours de la décennie suivante. L’embellie n’a été
cependant que de courte durée puisque, depuis maintenant cinq ans, l’excédent
agricole ne cesse de se réduire, se rapprochant progressivement de son point bas
de 1986.
Où en est le mouvement syndical aux Etats-Unis ?
Mouvements
Marianne Debouzy
Les informations statistiques sur les taux de syndicalisation aux Etats-Unis
attestent le déclin du mouvement syndical dans ce pays. Ce phénomène de
désyndicalisation n’empêche pas pour autant l’existence, au cours des dernières
années, de grèves et de conflits sociaux durs mais ces derniers sont souvent le
fait de militants de base très déterminés. On observe, en outre, que la
Californie semble être devenue un laboratoire social, tant sont nombreuses les
nouvelles formes d’organisations et de luttes sociales qui s
sont développées depuis les années 1990.
Système de protection sociale brésilien : trop de dépenses ou trop peu de
recettes ?
Revue Tiers Monde
Bruno Lautier
Dans les années 1945-1960, le Brésil a mis en place un système « bismarckien »
de protection sociale, reposant sur un triple pari : le plein emploi, une rapide
progression de la salarisation et l’intégration progressive de la population non
salariée dans le système contributif mutualiste. Cependant, près d’un
demi-siècle après l’instauration de ce système, le pari n’a pas été gagné et
engendre aujourd’hui les difficultés auxquelles se heurte l’Etat-providence
brésilien et qui se manifestent notamment par la faiblesse des recettes des
cotisations.
Contrôle des capitaux : les enseignements de l’expérience malaisienne
Challenge
Rawi Abdelal et Laura Alfaro
Un an après la crise asiatique de 1997, la Malaisie met en place un système de
contrôle des capitaux. Cette recherche d’autonomie par rapport au marché
international n’a pas eu d’effet négatif sur la croissance économique du pays.
Si le succès d’une telle politique est avéré, il n’est cependant pas
reproductible en tout temps et en tout lieu. Le contrôle des capitaux s’est
traduit par un succès en Malaisie car le pays réunissait l’ensemble des facteurs
nécessaires : bon niveau de réserves de change, faible dette externe et un degré
d’institutionnalisation élevé.
Corée du Sud : la crise menace-t-elle à nouveau ?
CA – Perspectives
Sébastien Barbe
La Corée du Sud a surmonté la crise de 1997 en adoptant une stratégie axée sur
le développement de son économie domestique. Celle-ci s’est avérée payante entre
1998 et 2002, la croissance ayant été alimentée par le dynamisme de la
consommation des ménages. Depuis la fin de 2002, le pays fait face à un net
ralentissement économique qui s’est accentué en 2003. S’ajoutent à ces
difficultés les tensions politiques accrues avec la Corée du Nord. Si, sur le
plan économique, tout risque de crise systémique semble écarté, la gestion de la
question nord-coréenne pourrait s’avérer plus délicate à résoudre, surtout si
celle-ci passe à terme par un processus d’unification, comme ce fut le cas pour
l’Allemagne.
No
2.839
14 janvier 2004
Économie internationale
ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE
Le cycle de Doha : enjeux et forces en présence
Paysans
Philippe Chalmin
Lors de la conférence de Doha en novembre 2001, un nouveau cycle de négociation
baptisé « Doha development round », devant se clôturer fin 2004, a été
lancé. Des lignes directrices ont été adoptées. Il a été notamment prévu que la
conférence de Cancun de septembre 2003 soit l’occasion de définir les modalités
de ce cycle de négociations commerciales multilatérales. L’auteur revient sur
l’échec de Cancun à travers l’analyse des acteurs en présence.
Cancun : un échec ?
Flash - CDC Ixis
Hervé Boulhol
Quels liens existe t – il entre commerce et croissance économique ? La question
suscite de nombreux débats entre économistes. A travers l’analyse des enjeux du
cycle de négociations de Doha lancé en 2001, l’auteur montre que la relation
entre ces deux variables n’est pas linéaire. Certes, il existe une corrélation
positive entre elles. Pour autant, davantage de commerce n’entraîne pas
forcément davantage de croissance.
MONDIALISATION
Organisations économiques internationales et gouvernance
La Pensée
Fatima Arib
Le concept de gouvernance n’est pas nouveau. Il est apparu dans les années
trente chez les économistes américains. Adopté par divers courants, le terme a
vu sa signification évoluer. En utilisant la notion de « bonne gouvernance »,
les organisations économiques mondiales imposent dans les années
quatre-vingt-dix un nouveau modèle économique et social.
Du bon usage de la mondialisation
Politique étrangère
Frédérique Sachwald
La mondialisation serait un fléau volontiers incriminé par les gouvernements.
Pourtant, l’ouverture croissante des échanges commerciaux et des flux de
capitaux résulte bien souvent de volontés politiques. Au cours des deux
dernières décennies, les politiques nationales ont joué un rôle fondamental pour
catalyser les effets positifs de la mondialisation, comme pour corriger ses
effets négatifs.
Mondialisation des échanges et emploi : le rôle des exportations
Économie et statistique
Éric Maurin, David Thesmar et Mathias Thoenig
A travers une enquête menée de 1988 à 1992 sur quelques 5 900 entreprises
françaises, les auteurs montrent qu’il existe un lien fort entre exportations et
renforcement des qualifications de l’emploi dans les services de gestion et de
développement commercial. Ce ne serait donc pas parce qu’elle favorise la
concurrence des pays à bas salaire mais plutôt parce qu’elle amène les
entreprises françaises à se restructurer que la mondialisation agit sur les
inégalités devant l’emploi.
No
2.840
21 janvier 2004
Travail, formation, emploi
MARCHE DU TRAVAIL, VIEILLISSEMENT ET RETRAITE
Départ à la retraite : une perspective internationale
Revue française d’économie
Alain Jousten
Les taux d’activité des 55-64 ans dans des pays comme la Belgique, la France,
les Pays – Bas ou l’Italie sont très faibles. Les systèmes de retraite et de
préretraite ne sont pas sans influencer les choix individuels entre vie active
et inactivité. Dans les pays où sont mis en œuvre des programmes de préretraite,
les individus sont financièrement incités à anticiper leur sortie du marché du
travail. Ces politiques de départ anticipés rencontrent des limites. Elles n’ont
notamment pas résolu le problème du niveau élevé du chômage des jeunes.
Politiques publiques de l’emploi : le défi des seniors
Premières synthèses et Premières informations
Saïd Adjerad
Jusqu’en 1994, les politiques publiques de l’emploi en France ont principalement
soutenu le retrait des seniors du marché du travail (politiques « passives »).
Au cours des dix années suivantes, l’embauche de ces derniers en contrat aidé a
fortement augmenté (politiques « actives »). Le taux d’emploi des 50-69 ans
atteignait 43 % en 2001. Il reste que le retrait des seniors du marché du
travail demeure très fort sur cette période.
DECENTRALISATION DU RMI ET CREATION DU RMA
RMI, RMA : les risques d’une réforme
L’Economie politique
Entretien de Carole Tuchszirer avec Marie-Thérèse Join-Lambert
Le 18 mars 2003, le ministre des Affaires sociales, du Travail et de la
Solidarité a annoncé la création d’un revenu minimum d’activité (RMA). Son
entrée en vigueur a eu lieu le 1er janvier 2004. Le RMA est destiné à compléter
le revenu minimum d’insertion institué en 1988. Ce dernier avait été conçu comme
un complément du système de protection sociale, dans un contexte où se
développait ce qui était alors qualifié de « nouvelle pauvreté ». L’objectif du
RMA vise à dynamiser le volet insertion du RMI et à favoriser le retour à
l’emploi des allocataires. En outre, le projet de loi prévoit, dans le cadre de
la décentralisation, le transfert aux départements du pilotage intégral du RMI.
PRODUCTIVITE DU TRAVAIL
Le manque de flexibilité sur le marché du travail handicape-t-il l’économie
européenne ?
Conjoncture – BNP Paribas
Raymond Van der Putten et Eric Vergnaud
Dans la seconde moitié des années 1990, les performances économiques des
Etats-Unis ont été supérieures à celles de nombreux pays de l’OCDE. Il est
communément admis que l’Union européenne aurait enregistré au cours de cette
période un retard de productivité par rapport à l’économie américaine. Cette
analyse doit être relativisée. En effet, une part importante des gains réalisés
dans les dernières années semble être davantage cyclique que structurelle. De
plus, certains pays européens ont des niveaux de productivité horaire
relativement proches de ceux observés outre-Atlantique. Les écarts de croissance
enregistrés seraient dès lors plutôt liés à des différences dans l’utilisation
du facteur travail.
PARTAGE DE LA VALEUR AJOUTEE
La répartition salaires/profits : une spécificité française ?
La lettre des études économiques – Natexis
Alexandre Bourgeois
La question de la répartition de la valeur ajoutée entre les revenus du travail
et ceux du capital fait depuis longtemps débat. Si les liens entre la croissance
et le taux de marge (rapport entre les profits et la valeur ajoutée) sont
connus, en revanche, les facteurs qui influencent l’évolution de celui-ci le
sont beaucoup moins. Au cours des quarante dernières années, le taux de marge en
France a évolué de façon très contrastée. Il se situe actuellement, comme en
Allemagne ou aux Etats-Unis, à un niveau relativement élevé.
SECTEURS D’ACTIVITE
Un salarié sur deux d’un grand établissement travaille encore dans
l’industrie
Insee Première
Cyrille Van Puymbroeck
Au 1er janvier 2002, le secteur marchand comptait en France 30 000
établissements de plus de 50 salariés. Ces établissements emploient 5,2 millions
d’individus dont un sur deux travaille encore dans l’industrie. Nombreux sont
les établissements situés dans la moitié nord de l’Hexagone. Les spécialisations
régionales restent en outre marquées par l’histoire. Certaines zones d’emploi
sont très dépendantes de quelques gros établissements autour desquels se
structure la vie économique. Le développement de la grande distribution et
l’augmentation de l’emploi dans le commerce expliquent en partie une répartition
plus équilibrée des grands établissements sur le territoire.
No
2.841
28 janvier 2004
Union européenne
POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE
PAC : l’agriculture européenne en jachère ?
Lettre de l’OFCE
Jacques Le Cacheux
Une nouvelle réforme de la PAC a finalement été décidée en juin 2003. Il ne
faudrait pourtant pas y voir l’avènement d’une politique agricole européenne
nouvelle. L’auteur revient sur les principaux points de l’accord conclu entre
les Quinze et souligne leurs limites. En comparaison, la réforme de 1992
s’inscrit comme une franche rupture. La promotion des productions de qualité
respectant l’environnement doit être soutenue.
Quelle politique agricole pour l’Europe ?
La Revue du Trésor
Olivier de Lagarde
La Politique agricole commune (PAC) a changé de visage depuis les années 1970.
Alors que « la première PAC » se caractérisait par des prix élevés financés par
les consommateurs et, partant, des productions excédentaires, la « deuxième PAC
», issue de la réforme de 1992, s’est traduite par un ensemble de changements
non négligeables : un recul progressif des prix garantis, la mise en œuvre
d’aides directes compensatoires (aides à la surface) et de quotas, notamment
pour le lait en 1984. Au total, l’auteur estime que l’existence de la PAC a plus
d’avantages que d’inconvénients.
PAC : d’une réforme à l’autre, baisse des prix et maîtrise des coûts
INSEE Première
Dominique Desbois et Bernard Legris
L’internationalisation croissante de certains marchés et le progrès technique
contribuent à la baisse continue des prix des principaux produits agricoles.
Nombreux sont ceux qui enregistrent, au début des années 2000, un prix à la
production inférieur au coût. Les dispositifs de la Politique agricole commune
garantissent pour certains d’entre eux une marge nette en contrepartie d’un
ajustement du volume de la production. Pour d’autres, en revanche, aucune aide
spécifique n’est prévue. Les marges nettes dégagées par ces produits sont de ce
fait beaucoup plus fluctuantes.
La PAC est-elle dommageable aux pays en développement ?
Chambres d’Agriculture
Dominique Brinbaum, Thierry Fellmann, Daniel Bigou et Guillaume Brûlé
D’aucuns considèrent souvent que la Politique agricole commune constitue un
obstacle au décollage économique de nombreux pays en développement dans lesquels
le secteur agricole occupe la majeure partie de la population active. D’après
les auteurs de l’article, il est d’abord nécessaire de rappeler que le Sud forme
un ensemble très hétérogène, aux objectifs et aux intérêts différents. Ensuite,
que les difficultés auxquelles se heurtent les agriculteurs des PED ne sont,
pour l’essentiel, pas à mettre sur le compte de la PAC, mais sont dues bien plus
à leur faible productivité du travail, à un accès insuffisant au crédit ou
encore à la faiblesse des infrastructures de collecte et de transport.
ELARGISSEMENT
Les répercussions de l’adhésion à l’Union européenne sur la main- d’œuvre
Revue internationale du travail
Philippe Egger
L’élargissement de l’Union européenne de quinze à vingt-cinq pays ou plus se
traduira - t - elle par une élévation significative du niveau de vie des treize
pays candidats ? A cette question, l’auteur tente de répondre en analysant les
répercussions d’une convergence à la fois réelle et nominale et ce, à partir de
données pour la période 1995 - 2000. L’évolution des coûts salariaux, de la
productivité du travail, de la structure de l’emploi, de la croissance, mais
aussi de l’inflation, est passée en revue. Le succès de l’élargissement sera
largement fonction de la combinaison de toutes ces variables, aspects essentiels
du processus de convergence.
No
2.842
04 février 2004
Monnaie et finance
FUSIONS ET ACQUISITIONS
Vers une nouvelle vague d’OPE/OPA ?
Le point mensuel – Aurel Leven
Régis Khaber, Jean-Louis Mourier et Christian Parisot
Les grandes vagues de fusions et acquisitions (F&A) depuis la fin du XIXe siècle
ont essentiellement été motivées par la recherche d’économies d’échelle et la
volonté d’immuniser le groupe constitué contre les aléas de la conjoncture ou de
sécuriser l’approvisionnement. Récemment, les opérations de croissance externe
semblent repartir à la hausse. Cependant, selon les auteurs, une nouvelle vague
d’OPE-OPA paraît peu probable, car les opérations actuelles répondent plutôt à
une autre logique économique – celle de la restructuration – afin d’améliorer
les marges unitaires.
L’efficience microéconomique incertaine des fusions et acquisitions en Europe
Flash Eco – Crédit Agricole
Alain Roche
Nécessité industrielle pour les petites structures et argument stratégique pour
les grands groupes bancaires atteindre la taille critique est souvent une
motivation majeure des opérations de fusions et acquisitions bancaires.
Cependant, toutes les opérations n’augmentent pas la performance des
établissements comme le montre l’étude suivante concernant les banques
européennes. Si les analyses révèlent des gains d’efficience par le biais d’une
meilleure allocation des compétences, l’impact des fusions sur les économies
d’échelle est plus ambigu en raison de l’existence d’une courbe en ‘U’ entre la
taille du bilan et le coût moyen.
REFORME BANCAIRE
Bâle II : quelles conséquences économiques ?
Conjoncture – BNP Paribas
Nguyen The Van
En raison des faiblesses du ratio Cooke, une nouvelle réglementation
prudentielle se met en place dans le cadre du Comité de Bâle II présidé par
l’Américain Mac Donough. Son application effective est prévue pour le début de
2007. Il s’agit de renforcer, au niveau international, la solidité des banques
et de simplifier leur gestion. Certes, l’adoption de ce nouveau ratio ne sera
pas sans impacts sur les circuits de financement. Elle modifiera mécaniquement
les risques et, partant, les notations des agences de rating. Mais d’après
l’auteur, les changements macroéconomiques resteront peu marqués.
POLITIQUE MONETAIRE
Y a-t-il un risque mondial de déflation ?
Politique étrangère
Patrick Artus
En 2003, le risque mondial de déflation a fait l’objet de la plus grande
attention. Dans le monde contemporain, la déflation décrit une situation dans
laquelle l’inflation se réduit jusqu’au point où les taux d’intérêt réels
augmentent, dégradant la situation des emprunteurs et ralentissant les
investissements. Cette évolution se produit, lorsque, à la suite d’un choc
défavorable, la réaction de la politique monétaire est trop tardive et quand les
capacités de production sont excédentaires ou qu’intervient un dérèglement des
régimes de change. C’est ce scénario qu’a connu le Japon dans les années 1990.
La situation économique internationale présente, aujourd’hui, certaines de ces
caractéristiques, mais la politique monétaire des principales économies est très
expansionniste, ce qui pousse le prix des actifs à la hausse et rend prématuré
de parler de déflation mondiale.
FINANCES PUBLIQUES
Les dangers cachés des comptes fédéraux américains
The Economist
La comptabilité publique s’établit généralement sur la base de simples flux de
trésorerie, sans prendre en compte les recettes et dépenses futures. Plusieurs
études récentes tentent d’évaluer l’ampleur réelle du déficit du budget fédéral
américain en y intégrant des perspectives de long terme. Leur constat est
alarmant : les dépenses futures dépasseraient ainsi de plusieurs dizaines de
milliards de dollars les recettes.
INSTITUTIONS RELIGIEUSES ET ECONOMIE
L’Eglise et l’argent
Etudes
François Mayaux
La perception que les Français ont des rapports que l’Église de France et le
Vatican entretiennent avec l’argent reste marquée par l’histoire. Les Français,
par exemple, pensent encore majoritairement que l’Église est riche. Les mythes
restent donc vivaces, même si sur certains aspects comme la situation économique
des prêtres ou l’évolution de la situation financière de l’Église, l’ opinion
des Français est assez proche de la réalité. L’auteur présente les résultats de
la première enquête menée en France sur ces questions pour la Conférence des
évêques de France.
No
2.843
11 février 2004
Le secteur des transports : perspectives et enjeux
COUTS DU COMMERCE
La logistique de la mondialisation
Revue de l’OFCE
Guillaume Daudin
Les coûts du commerce sont une variable aussi importante pour le commerce
mondial que le sont en la matière les politiques des Etats. Ils restent pourtant
peu étudiés. Ces coûts comprennent des coûts logistiques et des coûts de
transactions. Ils peuvent être analysés grâce aux bases de données du commerce
mondial et aux études de prix microéconomiques. Il apparaît que – malgré le
progrès technique – il ný a pas eu depuis la Seconde Guerre mondiale de baisse
globale massive des coûts de transport en proportion de la valeur des biens
échangés.
TRANSPORT MARITIME
Panorama des transports maritimes dans le monde
Informations et Commentaires
Jean-Michel Cusset
Depuis 1960, le trafic maritime s’est accru de manière significative.
Parallèlement, la flotte mondiale a évolué avec le recul relatif du nombre de
pétroliers et la progression de celui des porte-conteneurs. L’évolution de la
flotte par catégorie de pays montre le recul de la part relative des pays
développés qui s’explique notamment par la montée en volume du tonnage sous
pavillon étranger. Dans le même temps, le coût du fret a peu changé: depuis
1980, il se situe entre 6 % et 7 % de la valeur des importations mondiales.
TRANSPORT AERIEN
Le phénomène des compagnies aériennes low cost : contre un certain
nombre d’idées reçues
Le Journal des transports
Jacques Mosnier
Le concept de la compagnie aérienne low cost (à bas coûts) trouve son
origine aux Etats-Unis, au début des années 1970. Aujourd’hui, alors que les
grandes compagnies font face à d’importantes difficultés, les low cost
affichent une réussite insolente. En réalité, ces compagnies ont su, au-delà du
développement d’un modèle économique innovant, mettre en place une offre en
phase avec les besoins des passagers aériens - affaires ou loisirs - et répondre
aux aspirations d’un nouveau type de clientèle autrefois peu ou pas utilisatrice
du transport aérien.
TRANSPORT URBAIN
L’économie et le financement du système des transports urbains
Commissariat général du Plan
La politique des transports urbains est un élément essentiel du développement
durable des villes. Dans ce contexte, l’importance du niveau des dépenses de
fonctionnement et d’investissement que nécessite le développement
d’infrastructures de transports publics collectifs efficaces, plaide pour que
soient rapidement mis en œuvre les moyens d’optimiser leur système de
financement.
SECTEUR DES TRANSPORTS : BILAN 2002
Les effets du ralentissement économique sur le transport de marchandises
INSEE Première
Nathalie Aubris et Edouard Fabre
La branche transports, en raison d’un contexte économique morose, a connu en
2002 un ralentissement notable. Pour la deuxième année consécutive, en effet, la
valeur ajoutée du transport progresse plus lentement que le PIB. Les transports
de marchandises – et en particulier celui du transport routier - ont vu leur
production diminuer globalement de 1,3 %. En revanche, le succès du TGV a
soutenu l’activité dans le secteur du transport de voyageurs. Si on a noté,
enfin, une reprise du transport aérien international, les liaisons nationales
ont été, elles, victimes d’une part de l’atonie de l’économie française et
d’autre part de la concurrence du TGV.
No
2.844
18 février 2004
Economies étrangères
BRESIL
Pauvreté, inégalités et politiques sociales au Brésil
La lettre du CEPII
Jérôme Sgard
Au Brésil, la pauvreté résulte d’une grande inégalité de revenus et non d’un
faible niveau de vie moyen. L’accès à l’éducation, en tant qu’investissement,
constitue le meilleur outil pour lutter contre la pauvreté. Si la durée moyenne
des études a augmenté au Brésil depuis plus de vingt ans, elle reste encore en
deçà de celle observée dans des pays comparables. En conséquence, la mobilité
sociale y est aussi moins forte. Une faible croissance économique au cours des
deux dernières décennies, conjuguée à des réformes de structures profondes, ont
fragilisé une partie de la classe moyenne dont le niveau de formation est assez
élevé. « Le rendement » de l’éducation en termes de revenus a diminué depuis
deux décennies. Au total, une croissance économique plus soutenue et des
politiques sociales plus performantes que par le passé seraient nécessaires pour
réduire la pauvreté. L’auteur revient sur la stratégie du gouvernement Lula.
EUROPE
Pays – Bas : vers la fin d’un modèle ?
CA- Flash Éco
Florent Masson
Le modèle « Polder » qui avait mené les Pays – Bas sur un sentier de croissance
durable et non inflationniste au cours des deux dernières décennies serait-il en
train de s’essouffler ? Tel est le point de vue soutenu par l’auteur. La
dégradation du modèle européen au cours des trois dernières années, tant en
matière économique que sociale, ne résulterait pas d’une simple crise
conjoncturelle mais plutôt de difficultés plus profondes.
Italie : la mesure de l’économie souterraine
DREE
Anne Giudicelli
D’après l’institut de statistiques officielles italiennes, l’économie
souterraine – celle portant sur des activités légales mais non déclarées -
atteindrait 16,9% du PIB italien. Après avoir fortement augmenté au cours de la
première moitié de la décennie 1990, cette part s’inscrit en recul depuis 1997.
Mais l’évaluation reste soumise à la méthodologie retenue.
La réforme du système de retraite suédois
Revue française des affaires sociales
Ole Settergren
La Suède a choisi au début des années 1990 de réformer de façon radicale son
système de retraite. Les changements introduits ont été tels que l’on peut
considérer qu’un système complètement nouveau a été mis en place. L’objectif
central de la réforme a été de garantir, en tenant compte des évolutions
démographiques et économiques, la stabilité financière du régime de retraite par
répartition.
ALGERIE
De l’indépendance aux années 1980 : les stratégies de développement
Informations et commentaires
Mohammed Liassine
Après son indépendance, l’Algérie fait le choix d’une politique
d’industrialisation. Les banques sont nationalisées et la planification
centralisée est instituée. La stratégie de développement adoptée est fondée
notamment sur la croissance du secteur pétrolier et sur les entreprises
publiques qui se substituent peu à peu aux organes administratifs. Depuis 1980,
l’économie algérienne tente de passer d’une économie administrée à une économie
de marché. Si – globalement - la stratégie choisie par le pays était, d’après
l’auteur, la seule possible, ce dernier déplore néanmoins un système de
gouvernance qui n’a pas toujours été efficace.
No
2.845
25 février 2004
Économie internationale
Répartition et croissance en Amérique latine à l’ère des réformes
structurelles
OCDE
Samuel A. Morley
On relève depuis longtemps en Amérique latine la distribution des revenus la
plus inégalitaire du monde. La répartition des terres agricoles, les politiques
gouvernementales de développement et d’éducation qui ont été adoptées dans la
région et les évolutions démographiques sont les facteurs le plus souvent
avancés pour expliquer cette situation. À la suite des réformes économiques des
années 1980, les inégalités se sont encore aggravées. Quant aux réformes
entreprises au début de la décennie 1990, elles ont, malgré l’espoir qu’elles
ont suscité, abouti à un échec.
Investissements directs et inégalités salariales
Mondes en développement
Bertrand Maximin
D’après la théorie traditionnelle de l’échange international, les
investissements directs étrangers (IDE) s’orientent vers les régions où le
contenu en travail peu qualifié est important. Mais dans les faits, le partage
salarial apparaît plutôt défavorable au travail le moins qualifié. L’auteur
cherche à évaluer l’incidence de ces investissements sur les évolutions de
salaires dans les pays d’accueil. En disposant d’équipements modernisés, les
firmes multinationales participent au phénomène de « destruction – créatrice »
des emplois les moins qualifiés. Si les impacts diffèrent selon les pays
retenus, un environnement public favorable à la formation en capital humain ne
peut que contribuer à la réduction des inégalités salariales.
Convergences et divergences américano-européennes dans l’analyse des projets
de concentration
Revue de la concurrence et de la consommation
Michel Glais
En dépit d’outils analytiques semblables et du rapprochement des administrations
concernées, de réelles divergences demeurent entre les conceptions américaine et
européenne en matière de contrôle des projets de concentration. Ces différences
s’expliquent surtout par une hiérarchisation différente des objectifs : tandis
que la Commission européenne favorise une approche très structuraliste qui vise
le renforcement de la concurrence, les Américains s’intéressent davantage aux
résultats économiques du projet.
Relations commerciales États-Unis - Afrique : qui bénéficie réellement de
l’AGOA ?
Afrique contemporaine
Thierry Latreille
Les États-Unis représentent le premier partenaire commercial bilatéral de
l’Afrique. Néanmoins, les importations par ce pays en provenance de l’Afrique ne
s’élèvent qu’à 2 % du total de ses importations. L’AGOA, African Growth and
Opportunity Act, voté en 2000, a pour objectif de dynamiser les liens
commerciaux américano-africains et de renforcer les politiques économiques du
continent africain. Son principal avantage est d’offrir un accès libre de droits
de douane au marché américain pour certains produits. Jusqu’à présent, l’accord
n’a eu que peu d’impact : les relations commerciales des États-Unis avec
l’Afrique restent très concentrées en termes de produits et de partenariat
commercial.
OGM et relations commerciales transatlantiques
Cahiers d’économie et sociologie rurales
Olivier Cadot, Akiko Suwa-Eisenmann et Daniel Traça
Après les conflits sur le bœuf aux hormones et la banane, la réglementation des
biotechnologies agricoles est à son tour source de tensions dans les relations
commerciales entre les États-Unis et l’Union européenne. Les Américains
considèrent que les dispositions restrictives adoptées par l’UE à la fin des
années 1990 sur la commercialisation des produits génétiquement modifiés
s’apparentent à des mesures protectionnistes. À cela, les Européens répondent
que la réglementation mise en place obéit avant tout à des considérations
d’ordre environnemental et sanitaire. D’ailleurs, l’érosion des parts de marchés
américaines dans le secteur du maïs et du soja – les principaux produits
concernés par le différend – est, en effet, plutôt générale que particulière à
l’UE. Le conflit sur les OGM est donc, semble-t-il, plus complexe qu’une simple
question d’accès au marché agricole.
No
2.846
3 mars 2004
DOSSIER : CHINE, UN NOUVEAU GEANT ECONOMIQUE ?
Le formidable essor économique de la Chine
Foreign Affairs
David Hale et Lyric Hughes Hale
À partir de la fin des années 1970, Deng Xiaoping décide d’engager la Chine sur
la voie de la libéralisation économique. Au cours des deux dernières décennies
du XXe siècle, le pays va enregistrer des taux de croissance spectaculaires qui
vont provoquer une transformation radicale de l’économie. Si la Chine est,
d’ores et déjà, un acteur économique mondial de premier plan – qui suscite un
certain nombre d’inquiétudes chez les autres nations – son potentiel de
développement est encore immense. La médaille a, néanmoins, son revers et les
stratégies économiques suivies par les autorités chinoises provoquent déjà un
certain nombre de déséquilibres en termes de développement entre les régions
orientales et celles situées à l’ouest mais aussi en termes d’accroissement des
inégalités sociales entre les citadins des grandes villes côtières et les
travailleurs migrants venus des campagnes. L’Etat va devoir également affronter
le problème du vieillissement rapide de la population, dans un pays où le
système de protection sociale ne couvre qu’une minorité et où la politique de
l’enfant unique ne permet plus à la famille de jouer son rôle traditionnel de
filet de sécurité.
Regards sur l’émergence d’une économie de marché
Perspectives chinoises
Rigas Arvanitis, Pierre Miège et Zhao Wei
L’économie chinoise est encore loin de pouvoir être qualifiée d’économie de la
demande. La croissance repose essentiellement sur l’investissement. Les
différentes vagues d’investissements qui ont émergé depuis les années
quatre-vingt ont donné lieu à un empilement de différents systèmes productifs.
La grande vague des investissements directs étrangers en provenance des pays
industrialisés vise à développer un marché en territoire chinois. Certes,
estiment les auteurs, la loi de la concurrence s’étend de plus en plus. Il reste
que la confiance, pilier central d’une économie de marché, doit encore être
instaurée.
Les entreprises et les banques face au défi de l’ouverture
Accomex
Diana Hochraich
Entamée dès la fin des années soixante-dix, la restructuration des entreprises
d’Etat chinoises est loin d’être aboutie. Ces dernières représentent près de la
moitié de l’emploi en Chine. Des transformations ont toutefois conduit à la
création de différentes catégories d’entreprises (joint-venture, sociétés
par actions côtées en Bourse…). Ces évolutions se sont accompagnées de
l’apparition de nouveaux organes de direction et de nombreuses introductions en
Bourse. Après avoir dressé le panorama des entreprises chinoises, Diana
Hochraich montre que le système financier chinois souffre d’un défaut de
solvabilité des entreprises et partant, d’une très faible rentabilité du système
bancaire, encore à dominante publique. D’après l’auteur, dans un contexte
d’ouverture internationale de plus en plus marqué, les banques chinoises
pourraient se trouver rapidement confrontées à une crise ouverte.
Faut-il réévaluer le yuan ?
Bulletin financier - ING
Liesbeth Van de Craen
Compte tenu du déficit courant bilatéral des Etats-Unis avec la Chine, un taux
de change plus élevé de la devise chinoise est souvent présenté comme la
solution miracle pour réduire ce déficit, voire même assainir la balance
américaine des paiements. Toutefois, cette solution présente des risques
manifestes. La Chine n’est pas seulement un concurrent, elle est aussi pour
l’Occident un pays d’accueil pour l’investissement et pour l’installation de
sites de production. Par ailleurs, une réévaluation du yuan pourrait déclencher
une spirale déflationniste.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
FISCALITE
L’imaginaire fiscal : des utopies fiscales à l’impôt virtuel
Revue française des finances publiques
Michel Bouvier
La conception d’un impôt « idéal » anime depuis fort longtemps la démarche des
nombreux auteurs de projets de réforme fiscale. Dans cette quête du « bon »
impôt, l’idée d’instituer un impôt unique est une constante que l’on retrouve
chez la plupart d’entre eux. À leurs yeux, cette solution aurait le mérite de
couvrir l’ensemble des dépenses publiques et de résoudre toutes les questions
que pose la fiscalité. Il est difficile de rattacher à des courants de pensée
politique précis les projets d’impôt unique qui se succèdent depuis le début du
XIXe siècle. On peut néanmoins distinguer ceux qu’habite une culture humaniste
de ceux qui, vers la fin du XXe siècle, en particulier aux Etats-Unis, sont
empreints d’une culture de marché. Ces derniers, s’ils voyaient le jour,
pourraient marquer la disparition du lien citoyen – contribuable et la fin d’une
certaine forme de civisme fiscal.
COMPATBILITE NATIONALE
L’effet du nombre de jours ouvrables sur le PIB
INSEE – Département des comptes nationaux
Le récent débat sur la suppression d’un jour férié est l’occasion de se pencher
sur les analyses quantitatives menées par l’INSEE en la matière. Le nombre de
jours ouvrables est assez variable d’une année à l’autre. 2004 compte par
exemple trois jours ouvrables supplémentaires par rapport à 2003. L’estimation
de leur apport à la croissance du PIB se situe entre 0,2 et 0,3 point. Arriver à
une telle estimation réclame un travail considérable de décomposition du PIB à
partir d’une méthode de correction des jours ouvrables reposant sur un modèle
économétrique.
ENTREPRISE
Théories de la firme et culture d’entreprise
Revue d’économie politique
Patrick Cohendet et Morad Diani
L’étude de la nature et de l’évolution des interactions directes entre les
agents économiques permet de renouveler les théories de la firme. Ce renouveau
est particulièrement visible dans le domaine de l’économie de la connaissance.
Souvent enracinée dans la pratique de petits groupes, la connaissance et le
processus de sa création ne peuvent véritablement être pris en compte qu’à
travers la notion de communauté. L’intensité des interactions entre ces
différents groupes dans l’entreprise détermine ensuite la « culture d’entreprise
» qui, selon les auteurs, est le concept permettant une compréhension globale du
fonctionnement des communautés au sein de la firme.
No
2.847
17 mars 2004
DOSSIER : L’ECONOMIE, UNE SCIENCE TROP HUMAINE ?
Il faut réformer l’enseignement de l’économie
Challenge
Entretien avec Gilles Raveaud par Richard Mac Intyre
L’enseignement supérieur de l’économie en France est l’objet de vives critiques
depuis que des étudiants, constitués en « Mouvement pour une économie
post-autiste », ont réclamé, via la diffusion d’une lettre ouverte au
printemps 2000, la refonte des programmes à l’Université. La critique porte sur
plusieurs points. Les étudiants déplorent que les modèles mathématiques revêtent
autant d’importance dans le cursus. Ils préconisent le pluralisme et un meilleur
ancrage des enseignements dans la réalité. Richard Mac Intyre, économiste
américain, s’est récemment entretenu avec Gilles Raveaud, doctorant de l’École
normale supérieure et membre actif du mouvement. Ce dernier retrace son
engagement en faveur d’un nouvel enseignement de l’économie en France. Plus
largement, il nous fait partager son point de vue sur l’état actuel de
l’économie.
Comment enseigner la microéconomie en 1er cycle universitaire
Revue d’économie politique
Hervé Defalvard
Dans le but de dépasser le clivage entre économistes hétérodoxes et orthodoxes,
Hervé Defalvard propose quelques pistes de réflexions sur la façon dont devrait
être enseignée la microéconomie en premier cycle universitaire. La microéconomie
étant un savoir hypothético- déductif, il n’est pas surprenant que son
enseignement se réfère à des « mondes imaginaires » à travers le modèle de
concurrence parfaite. Le détour par des modèles de concurrence imparfaite qui
introduisent du réalisme dans les hypothèses permet de comparer les résultats
obtenus avec l’équilibre concurrentiel qui reste la norme. Ce détour est
l’occasion de souligner les tensions pouvant émerger par rapport à cette norme.
L’auteur revient sur la critique de la trop grande formalisation des cours de
microéconomie et préconise, en la matière, la modération.
Trop d’économistes abusent des statistiques
The Economist
L’utilisation abusive des statistiques peut être dommageable. Il s’agit d’un
défaut pourtant très répandu dans la communauté des économistes. Tel est le
point de vue argumenté de deux chercheurs américains. En effet, dans la plupart
des travaux scientifiques d’économie, trop souvent la signification statistique
d’un phénomène est mis en avant au détriment de sa pertinence économique. Les
statistiques devraient se limiter à être des outils au service de la
compréhension de la réalité économique. Or, de nombreux exemples tendent à
prouver qu’il n’en va pas nécessairement ainsi. L’absence de questionnement sur
la portée des conclusions dégagées est bien souvent la règle.
L’avenir de l’économie comme discipline
L’Économie politique
Robert Boyer
Tour à tour, érudit au siècle des Lumières, savant à l’époque de la Révolution
industrielle, chercheur après le second conflit mondial et enfin expert depuis
quelques décennies, l’économiste n’a cessé de changer de statut. Cette évolution
historique accompagne la professionnalisation et la spécialisation progressives
de l’économie et l’aspiration chez les économistes, depuis la fin du XIXe
siècle, au renforcement, sur le modèle de celui des sciences de la nature, du
caractère scientifique de leur discipline. De la décennie 1960 aux années 2000,
trois grandes postures de l’économiste se distinguent : celle du théoricien,
celle de l’économètre et celle de l’ingénieur social de la politique économique.
Au-delà des changements de rôle et d’époque, on note toutefois une permanence :
la fonction de l’économiste comme conseiller du Prince. Désormais, la demande
sociale d’analyses économiques s’élargit toujours davantage au-delà de celle,
traditionnelle, de l’État. Cette évolution pourrait être le signe d’une
réorientation significative des travaux des économistes.
Les étudiants en économie : égoïstes, mais honnêtes
American Journal of Economics and Sociology
Laszlo Zsolnai
Il est communément admis que les étudiants en économie se comportent de manière
moins coopérative que leurs collègues d’autres disciplines. Une récente
expérimentation est venue enrichir les analyses et les observations effectuées à
ce propos. Elle suggère que les étudiants en économie se démarquent par leur
comportement d’honnêteté. D’après Laszlo Zsolnai , il n’existerait pas de
contradiction entre ces deux affirmations : les étudiants en économie se
distinguent plutôt par une une forme particulière de comportement éthique,
caractérisée par la préférence pour leur intérêt personnel et le respect des
droits de propriété d’autrui.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
MATIERES PREMIERES
Une chronique de l’économie du pétrole sur un siècle : 1960- 2060
Responsabilité et Environnement
Pierre Radanne
Le secteur pétrolier se caractérise par un mode de fonctionnement cyclique.
L’alternance des chocs et contre-chocs pétroliers au XXe siècle en est une bonne
illustration. La probabilité d’occurrence d’un troisième choc pétrolier autour
de 2015–2020 est d’ores et déjà envisagée. En effet, l’insuffisance des
investissements de production combinée aux très faibles efforts de maîtrise de
l’énergie ainsi que la hausse de la consommation énergétique dans les pays
émergents sont aujourd’hui des facteurs qui laissent présager ce scénario. Cette
nouvelle crise énergétique pourrait toutefois se résoudre selon des modalités
assez semblables à celles des chocs pétroliers des années 1970. Les défis que
poseront, en revanche, la phase de tension suivante, vraisemblablement entre
2040 et 2050 - provoquée cette fois par le passage à des ressources
d’hydrocarbures non conventionnelles et les nécessités de la lutte contre
l’effet de serre -, pourraient être d’une toute autre ampleur.
PROTECTION SOCIALE
Les fonds de retraite après la crise des années 2000
Conjoncture - BNP Paribas
Raymond Van der Putten
Suite à la crise financière des années 2000, qui s’est traduite par un
effondrement des prix des actions et par la baisse des rendements, de nombreux
régimes de retraite professionnels à prestations déterminées se sont trouvés
sous-provisionnés. Les employeurs garants de ces régimes se sont alors retrouvés
avec une charge financière importante. De ce fait et, renforcées par la révision
des règles de comptabilité internationale, de nombreuses entreprises américaines
et britanniques ont mis fin aux régimes de retraite à prestations définies et se
sont lancées dans des régimes, moins coûteux, dits à contributions déterminées.
Ces derniers sont beaucoup moins intéressants pour les futurs retraités car les
revenus y sont incertains. L’auteur estime que dans les pays qui ont choisi un
système de retraite par capitalisation, il est souhaitable d’améliorer les
incitations pour que les employeurs demeurent impliqués dans les régimes de
retraite professionnels.
FORMATION
Vingt ans de décentralisation de la formation professionnelle continue
Droit social
Didier Gelot
La décentralisation de la formation professionnelle continue a débuté il y a une
vingtaine d’années. À la veille d’une nouvelle phase du processus de
décentralisation, l’auteur tente de dresser un bilan des réformes successives de
la formation professionnelle. Il apparaît que celles-ci se sont traduites par
une perte relative en termes d’informations et une difficulté certaine à évaluer
les effets du transfert aux régions de la formation professionnelle. Améliorer
la mesure de ces impacts devrait être une des ambitions de la prochaine réforme.
De la même manière, le législateur pourrait chercher à clarifier plus nettement,
parmi les différents dispositifs, ce qui relève de la politique de l’emploi –
qui doit rester du ressort de l’État – de ce qui relève de la formation
proprement dite dont la compétence devrait être transférée aux conseils
régionaux
No
2.848
31 mars 2004
DOSSIER : L’EURO, UNE MONNAIE FORTE ?
Un euro fort : est-ce grave ?
Crédit agricole – Indicateurs
Pascal Blanqué
Après sa création, la monnaie unique a d’abord connu une période de faiblesse.
Cette tendance s’est inversée à partir du début de l’année 2002. L’appréciation
de l’euro est devenue particulièrement forte par rapport au dollar. Compte tenu
du faible niveau des taux d’intérêt américain et du déficit de la balance des
paiements outre-Atlantique, la force de la monnaie européenne est perçue comme
une tendance plutôt inévitable. L’auteur souligne que malgré les craintes d’un
effet dépressif sur la croissance européenne, l’appréciation de l’euro ne fait
que ramener le taux de change euro- dollar à sa moyenne historique. Par
ailleurs, la Banque centrale européenne, même si elle n’a pas d’objectif de
change, dispose d’instruments pour contrer les variations de l’euro. De plus, il
est tout à fait envisageable que les flux de capitaux à long terme vers les
Etats-Unis redémarrent avec le retour de la croissance américaine.
L’euro à 1,40 dollar : les conséquences pour l’UEM
Euro économie –Société Générale
Véronique Riches-Flores
L’appréciation de l’euro dure maintenant depuis deux ans. Elle est la plus
marquée par rapport au dollar, mais concerne également la devise japonaise. Les
conséquences négatives de cette appréciation se font déjà sentir : repli des
marges, baisse des prix et des volumes à l’exportation et, finalement, pertes de
parts de marché, estimées à environ 8 %. Une appréciation de l’euro qui irait
jusqu’à 1,40 dollar entraînerait des pertes supplémentaires de l’ordre de 5 à 7
%. Plus globalement, l’appréciation continue de l’euro aurait des conséquences
dépressives marquées sur l’économie européenne, comme le souligne la présente
étude. Compte tenu du caractère incompressible du taux de marge des entreprises
au-delà d’un certain seuil, le risque est grand d’un ajustement sur leurs coûts
(emploi et investissements). Les prévisions de croissance pour 2004 pourraient
ainsi être hors de portée…
Et si la BCE intervenait ?
Flash – CDC IXIS
Patrick Artus et Jérôme Teïletche
Face à la forte appréciation de la monnaie unique, certains observateurs
préconisent une réaction de la Banque centrale européenne, notamment
l’intervention sur le marché des changes. En effet, de telles interventions sont
utilisées par les banques centrales des principaux pays industrialisés, car,
malgré l’abandon du système de Bretton Woods, celles-ci n’ont jamais
véritablement renoncé à gérer plus ou moins activement la valeur de leur
monnaie. L’impact réel des interventions de change est cependant incertain. La
littérature académique et l’expérience historique suggèrent que la BCE ne
devrait pas procéder à des interventions non coordonnées avec les Etats-Unis.
Cependant, ces derniers n’ont actuellement aucun intérêt économique à une telle
coordination. Les auteurs de l’article concluent que la BCE devrait alors agir
seule. Deux possibilités s’offrent à elle : une intervention non- stérilisée, se
soldant par un assouplissement monétaire ou - ce qui serait finalement plus
simple et plus direct - une baisse des taux.
L’euro et les dysfonctionnements du système monétaire international
Handelsblatt
Entretien de Torsten Riecke avec Robert Mundell
Robert Mundell, considéré par certains comme le père spirituel de l’euro, estime
que les pays industrialisés devraient lutter plus activement contre les
fluctuations de change, notamment par des interventions et des accords de
stabilisation entre les trois grands espaces monétaires internationaux. Si, par
ailleurs, Mundell confirme la réussite du lancement de la monnaie unique, il
insiste sur le fait que l’euro reste pour l’instant impuissant face au dollar,
parce que les Etats-Unis peuvent manipuler le taux de change de leur monnaie en
fonction des évolutions conjoncturelles de leur économie nationale. Enfin,
Robert Mundell revient sur le Pacte de stabilité qu’il juge nécessaire mais pas
suffisamment flexible.
Pourquoi l’euro n’est pas près de remplacer le dollar
L’Economie politique
Benjamin J. Cohen
Si la création de l’euro a été motivée par la volonté de développer un sentiment
d’identité collective afin de contribuer au projet d’intégration européenne, une
autre ambition fut également présente: accroître le rôle de l’Europe sur la
scène mondiale en créant un puissant rival au dollar. Cinq ans après la création
de l’euro, cette deuxième ambition est loin d’être atteinte : le dollar domine
toujours comme moyen d’échange sur le marché des devises ; il reste la monnaie
de référence pour le commerce mondial ainsi que comme réserve de valeur. Ce
constat n’est guère étonnant, comme nous l’expose l’auteur. Quatre raisons
expliquent selon lui la médiocre performance de l’euro : l’inertie persistante
qui caractérise tout comportement monétaire, le coût des opérations monétaires,
la tendance « anti-croissance » inhérente à l’Union économique et monétaire et,
enfin, le manque de clarté de la structure de gouvernance de l’UEM.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
MARCHE DU TRAVAIL
Le conseil en management : une « seconde école » ?
Travail et Emploi
Yannick Fondeur et Catherine Sauviat
Comment fonctionne le secteur du conseil en management ? Qui y travaille et
comment ? Telles sont les questions auxquelles les auteurs tentent de répondre.
Ce secteur recrute essentiellement des jeunes issus des grandes écoles. Ces
derniers acquièrent leurs compétences dans le secteur du conseil à travers des
missions effectuées chez différents clients. L’entrée dans cette profession est
souvent vécue comme une sorte de prolongement de la scolarité. Si bien que,
l’âge moyen des consultants dépasse rarement trente ans. La pression exercée par
la hiérarchie sur eux est telle que le turn over de la main-d’œuvre est
très élevé. Les règles informelles du culte de la performance pouvant être
résumées par l’expression up or out prévalent. Elles ne relèvent ni d’un
« marché interne », ni même d’un « marché professionnel », mais sont plutôt
liées au « marché de la compétence » ; un marché qui tend à se développer de
plus en plus au-delà du secteur du conseil en management.
DEVELOPPEMENT
Le rôle des institutions dans le développement
Finances et Développement
Daron Acemoglu
Les principaux facteurs explicatifs des écarts de développement entre nations
sont les conditions géographiques et les institutions. A propos des premières,
les analyses historiques montrent de formidables renversements de situations.
Les sociétés héritières de civilisations parmi les plus riches vers 1500 sont
aujourd’hui, parmi les plus pauvres au monde et beaucoup moins développées que
celles de pays situés, par exemple, sur les territoires d’anciennes
civilisations moins avancées au XVIe siècle en Amérique du Nord ou en Océanie.
En réalité, la géographie ne condamne pas davantage un pays à la pauvreté
qu’elle ne garantit sa réussite économique. Les institutions jouent ainsi un
rôle déterminant. L’étude des stratégies coloniales confirme, en effet, que dans
les colonies où les Européens se sont installés en masse et ont mis en place de
« bonnes » institutions protégeant leurs intérêts, celles-ci, propices à
l’investissement et à la croissance, ont permis à des zones géographiques peu
développées avant l’époque moderne de connaître par la suite un formidable essor
économique.
SCIENCE ECONOMIQUE
Pouvoir et prospérité des nations : l’analyse de Mancur Olson
IDEES
Claude Bordes
Dans l’ultime ouvrage qu’il publia, Mancur Olson a livré une sorte de testament
intellectuel dans lequel il présente de façon synthétique l’essentiel de sa
pensée. Il a cherché, tout au long de son oeuvre, en sa qualité d’économiste
politique et en mettant au service de ses recherches les travaux des historiens
et des politologues, à comprendre pourquoi certaines nations s’enrichissent
tandis que d’autres restent pauvres. Pour lui, le rôle du pouvoir dans le
développement des sociétés est fondamental. A cet égard, le régime démocratique,
en assurant l’existence des libertés économiques et de la paix - qui sont autant
de biens publics indispensables au développement -, offre les meilleurs
conditions de garantie de la prospérité des nations.
No
2.849
14 Avril 2004
DOSSIER
: QUELLE GOUVERNANCE ECONOMIQUE POUR L' EUROPE ELARGIE ?
Le cinquième élargissement marque - t – il la fin de la transition économique
postsocialiste ?
Reflets et Perspectives de la vie économique – Bruxelles (Belgique)
Wladimir Andreff
Il est tentant de voir dans l'entrée, le 1er mai 2004, des Pays d'Europe
centrale et orientale dans l'Union européenne l'achèvement du processus de
transition vers l'économie de marché qui a débuté il y a treize ans. L'auteur
conteste cette analyse et considère, qu'au-delà de l'aspect symbolique, cet
événement ne constitue pas la fin de la transition économique postsocialiste.
Les huit PECO vont de toute façon vivre une phase transitoire et devront
parcourir une seconde transition qui les ménera du jour de l'adhésion à celui du
plein bénéfice de tous les avantages déjà acquis par les anciens États membres.
On peut considérer en définitive que la transition sera totalement achevée
lorsque auront disparu certains processus typiques de la transition. Si on
ajoute à cela la prise en compte des critères de rattrapage du niveau de
développement et de changement institutionnel, la date de fin de la transition
se situerait pour les PECO les plus avancés vers 2020.
Union européenne à 25 : quel budget ? Pour quelles politiques communes ?
Sociétal
Jean Pisani-Ferry
La construction européenne s'est réalisée progressivement grâce à un compromis
entre les partisans de deux modèles rivaux d'intégration, celui de la
souveraineté collective et celui de la concurrence entre États. L'échec des
travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe montre que cette alliance est
aujourd'hui épuisée. Il est certain que l'élargissement de l'Europe à 25 fait
tendre de façon naturelle l'Union européenne vers le modèle d'un ordre
concurrentiel. Quoiqu'il en soit, il devient désormais urgent que les États
membres définissent le modèle de gouvernance économique et sociale qui
favorisera la résolution des difficultés auxquelles l'UE fait aujourd'hui face
et qui rendra possible demain le fonctionnement d'une Europe élargie.
Concurrence entre Etats ou souveraineté collective ?
Politique internationale
Jean-Jacques Rosa
Les caractéristiques économique, politique et démographique de l'Union
européenne à 25 pourraient en faire un État de dimension continentale en mesure
de rivaliser avec les États-Unis ou la Russie. L'auteur considère toutefois
qu'aujourd'hui, poursuivre dans cette voie et plus précisément dans celle de la
constitution d'un grand État fédéral, conduirait les pays européens dans une
impasse. Selon lui, les conditions de l'environnement économique, politique et
organisationnel du début du XXIe siècle ne seraient plus favorables à la
construction d'État de ce type. Dans ce contexte, l'élargissement de l'UE le 1er
mai 2004 n'irait guère dans le sens de l'histoire.
Politique économique : de la nécessité d'une Europe différenciée
La Lettre de l'OFCE
Eloi Laurent et Jacques Le Cacheux
Avant même un élargissement qui ne fera qu'accroître les différences, l'Union
européenne, à l'occasion des travaux de la Conférence intergouvernementale (CIG)
d'octobre 2003, est réapparue très hétérogène. Que l'on considère le respect des
règles budgétaires imposées par le Pacte de stabilité et de croissance ou les
conséquences de la politique monétaire commune au sein de la zone euro, les
intérêts stratégiques et les situations macroéconomiques, des « grands » et des
« petits » pays sont, pour des raison structurelles, divergents. Dans une Europe
élargie, au sein de laquelle le poids des « petits » États va augmenter,
l'adoption d'une gestion macroéconomique différencié s'impose de plus en plus
comme une nécessité.
Les déterminants du taux d'épargne en question
Revue d'économie politique
Karine Berger et Aurélien Daubaire
La baisse du taux d'épargne des ménages observées dans la plupart des pays de l'
OCDE depuis la début de la décennie 1980 a suscité de nombreuses études
économétriques sur séries temporelles qui, par définition, ne tiennent pas
compte des tendances de fonds comme les évolutions démographiques ou celles des
soldes publics. Afin de mieux cerner l'évolution de cette épargne, les auteurs
mettent en avant des déterminants à moyen terme communs aux comportements
d'épargne des ménages des pays de l'OCDE (le solde des finances publiques, la
structure démographique, l'inflation, le taux d'intérêt réel et le taux de
chômage) et valident l'existence d'un effet néo – ricardien, d'un effet
démographique sur les décisions d'épargne des ménages ainsi que d'un effet
d'encaisse réelles liées à l'inflation. Les auteurs reviennent sur l'évolution
atypique du taux d'épargne des ménages français depuis plus de 10 ans. En effet,
depuis la fin des années 1980, le taux d'épargne de ces derniers remonte alors
qu'il continue à reculer dans l'ensemble des pays de l'OCDE. Des pistes
explicatives comme l'aggravation du déficit public sur la période sont avancées.
Elles restent toutefois insuffisantes pour expliquer l'évolution des
comportements des français en la matière.
Les groupes religieux extrémistes sont – ils rationnels ?
The Economist
Depuis quelques années, les groupes religieux extrémistes font régulièrement la
une de l'actualité. Si la sociologie a abondamment étudié les motivations de ces
structures radicales et de leurs membres, l'économie propose désormais des
analyses originales des mobiles qui peuvent parfois conduire les affidés à ces
sectes et mouvements religieux fondamentalistes à accomplir des actes d'une
extrême violence. Une étude récente d'un chercheur américain de l'université de
Californie à San Diego montre ainsi que l'approche économique peut apporter un
éclairage intéressant sur les modes de fonctionnement de ces groupes et sur la
manière dont l'État peut efficacement lutter contre les activités et l'influence
néfaste pour la société des groupes les plus radicaux.
La création d'entreprise par les jeunes diplômés vécue comme un jeu
Humanisme et entreprise
Alain Fayolle, Allen Vernier et benjamin Djiane
Tous les acteurs s'accordent aujourd'hui qu'il est nécessaire d'encourager et de
faciliter l'entreprenariat chez les étudiants et les jeunes diplômés. Le
phénomène reste néanmoins encore peu analysé. Une étude basée sur des entretiens
semi-directifs révèle que l'âge joue le rôle de stimulateur principal, car la
création d'entreprise se distingue surtout par sa forte dimension ludique.
L'action d'entreprendre est ainsi vécue comme un vecteur d'apprentissage et
appréciée à cause de sa rupture avec le réel.
La réduction des conges maladie en Suède: une réforme contestée
Chronique internationale de l'IRES
Annie Jolivet
La part des salariés en congé maladie était en Suède, dans la seconde moitié des
années quatre-vingt, une des plus élevées d'Europe. Au cours de la décennie
suivante, le régime d'indemnisation des congés maladie a été modifié à plusieurs
reprises. Alors que jusqu'en 1997 le nombre de personnes en congé maladie avait
régulièrement diminué, à partir de 1998 celui – ci s'est mis à nouveau à
augmenter fortement. La progression du coût des congés maladie qui a résulté de
cette hausse a conduit la gouvernement à proposer une réforme qui, bien que
vivement contestée par les partenaires sociaux, est entrée en vigueur en 2003.
No
2.850
28 avril 2004
DOSSIER : L’éducation face aux défis économiques
L’économie de l’éducation : méthodologies, constats et leçons
CIRANO - Série scientifique
Marcelin Joanis
L’économie de l’éducation est un champ de recherche en pleine expansion. Elle a
une variété de méthodologies, notamment dans le domaine des techniques
microéconométriques. Les dernières recherches soulignent la variabilité des
rendements de l’éducation et le risque associé à un sous-investissement en
capital humain. Les politiques publiques qui visent à remédier à ces problèmes
portent, entre autres, sur la question des frais de scolarité ou sur celle de la
fourniture de « bons » d’éducation, mais concernent également la contribution
financière parentale ou de la discrimination positive.
Les coûts du système éducatif
Haut Conseil de l’évaluation de l’Ecole
Jean-Claude Hardouin, André Hussenet, Georges Septours (avec la collaboration de
Norberto Bottani)
Depuis un quart de siècle, les dépenses publiques allouées au système éducatif
progressent plus vite que le PIB. L’État est le principal financeur, mais les
collectivités territoriales sont de plus en plus impliquées. Tous les niveaux –
primaire, secondaire, supérieur – ont profité de cette hausse, mais c’est dans
le premier degré que l’augmentation des dépenses par élève est sur trente ans la
plus forte. Comparativement, la France dépense plus pour l’éducation que la
plupart des pays de l’OCDE. Le budget de l’éducation nationale, dont l’essentiel
est constitué par des dépenses de personnel, est le premier budget de l’Etat.
Une performance du système éducatif aujourd’hui moins satisfaisante
Conseil d’analyse économique
Philippe Aghion, Élie Cohen
La contribution du système éducatif à la croissance peut se mesurer à travers
l’analyse de la performance en matière de productivité et d’innovation. Pour la
France, le constat est peu rassurant car on observe une croissance de la
productivité déclinante et une détérioration en termes d’innovation. L’étude de
la performance reste cependant incomplète, si elle ne prend pas également en
considération l’impact des inégalités face à l’école. En effet, s’il existe un
arbitrage entre efficacité et égalité, un certain déficit de performance dans
une dimension (l’efficacité) pourrait ainsi s’interpréter comme la contrepartie
de bonnes performances dans une autre (la lutte contre les inégalités).
Comment analyser la construction de la qualité éducative ?
Colloque « Conventions et Institutions », Paris X- Nanterrre
Franck Bailly, Elisabeth Chatel
La question de la qualité de l’éducation est en vogue. Peu de théories sont
pourtant en mesure d’aborder les aspects de la qualité dans leur globalité. Dans
la conception substantialiste, c’est-à-dire le courant qui considère que les
caractéristiques du produit éducatif sont objectivement inscrites dans celui-ci,
la qualité se traduit, par exemple, par une productivité plus importante
(théorie du capital humain) ou par les caractéristiques propres de l’individu
(théorie du filtre). Ces théories substantialistes n’expliquent cependant pas
l’origine de la qualité. Le courant conventionnel répond à cette question. Selon
cette conception, la qualité de l’éducation est un facteur endogène.
L’université doit-elle toujours être gratuite ?
Regards économiques - IRES
Vincent Vandenberghe
Le modèle général de financement de l’Université garantie la quasi- gratuité
durant les études en contrepartie de taux d’imposition relativement élevée dès
l’entrée sur le marché du travail. Si ce système a fait ses preuves, il faut
s’interroger sur sa pérennité. Il doit en particulier répondre à deux défis. Le
premier concerne la concurrence grandissante des secteurs dépendant d’un
financement public. Le deuxième est la mobilité croissante des étudiants se
soldant par un prêt implicite financé par la fiscalité locale. Des systèmes de
financement alternatifs doivent être envisagés comme, par exemple, celui d’un
système de prêts étudiants généralisé mis en place et supervisé par les pouvoirs
publics.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
MARCHE DU TRAVAIL
Les discriminations raciales sur le marché du travail français
Confluences méditerranée
Mouna Viprey
Trente ans environ après la décision du gouvernement français de « suspendre »
l’entrée de nouveaux travailleurs étrangers sur son territoire, la question de
l’immigration reste une des plus controversées du débat public. Si, au contraire
de certains pays anglo-saxons, il n’existe pas en France de statistiques
ethniques, on y assiste néanmoins à un décalage entre la perception sociale de
l’immigration et sa définition juridique légale. Cette situation conduit,
notamment sur le marché du travail, à la stigmatisation comme immigrés des
jeunes d’origine étrangère dont la plupart sont pourtant français.
HISTOIRE MONETAIRE
La révolution de la carte de crédit
Fortune
Katrina Brooker
L’invention, dans les années 1950 aux Etats-Unis, de la carte de crédit a
constitué une véritable révolution. Au cours de la décennie suivante, la plupart
des banques américaines ont adopté ce système. Cette innovation, en facilitant
la consommation, a eu des répercussions considérables sur l’économie. Mais avec
l’apparition de la fraude et des défauts de paiement, les banques ont rapidement
enregistré des pertes considérables. Grâce à l’informatique, le système de la
carte de crédit est devenu, à la fin des années 1970, plus sûr et plus rapide et
a ainsi pu connaître un formidable essor. Aujourd’hui, le progrès technologique
offre à l’industrie des cartes de paiement de nouvelles perspectives de
développement.
MACROECONOMIE
L’histoire du PIB
Enjeux – Les Echos
Jacques Marseille
Devenu, en quelques décennies l’indicateur phare de la richesse et des
performances d’un pays, le produit intérieur brut est – il toujours adapté à nos
sociétés post - industrielles ? Telle est la question que soulève l’historien
Jacques Marseille. En effet, en additionnant des activités générant des flux
monétaires quelle que soit leur nature et quel que soit leur impact sur le bien
être des individus, le PIB apparaît en décalage par rapport à la conception
moderne du progrès. Les premières estimations du revenu national remontent au
17e siècle. Des comparaisons entre les niveaux de richesses de différents pays
vont ensuite voir le jour. Il faut attendre la fin des années 1930 pour
qu’apparaisse l’expression « produit intérieur brut ». A quand un indicateur de
« bien être national brut » qui tiendrait compte de la production domestique et
qui serait corrigé des activités polluantes et plus largement nuisibles ?
MARCHES FINANCIERS
Le temps et la valeur des entreprises : le cas des offres publiques
Revue de la Concurrence te de la Consommation
Patricia Charlety-Lepers
La méthode d’analyse financière des « études d’événements » permet de mesurer la
création de valeur pour les entreprises impliquées dans des prises de contrôle,
ainsi que pour leurs concurrents. Les opérations horizontales, qui font plus
particulièrement l’objet de l’article, créent davantage de valeur que les autres
opérations de fusions acquisitions. Cependant, l’analyse ne permet pas de
déterminer de façon précise l’origine du gain réalisé. En effet, l’entreprise
peut voit sa valeur boursière augmentée pour différentes raisons. Selon les cas,
le marché anticipe une amélioration de l’efficacité productive ou un
accroissement du pouvoir de marché.
No
2.853
9 juin 2004
L'
économie allemande est-elle en déclin ?
Circulations migratoires : nouvelles dynamiques des migrations
Présentation du dossier
Aspects généraux
- Immigration dans la zone OCDE : un panorama à multiples facettes
- Les pays de l’Union européenne face aux nouvelles dynamiques des migrations
internationales.
Ampleur des migrations et caractéristiques des migrants, suivi d’un
commentaire :
Deux ou trois idées non reçues sur les migrations
- Les limites de l’approche statistique des circulations migratoires. Le système
statistique français
Quelques exemples
- Nouvelles dynamiques migratoires au Portugal et processus d’intégration
- Les Tamouls du Sri Lanka dans la région parisienne. L’emprise du politique
- L’expérience des vendeurs migrants sur le marché de Vintimille
Connaissances nouvelles et perspectives
- Quand la recherche française investit les circulations migratoires
No
2.854
23 juin 2004
DOSSIER : Peut-on parler d’une entreprise européenne ?
L’évolution des modèles de gouvernance des entreprises en Europe
L’Option de confrontations Europe
Roland Pérez
L’Europe se caractérise par une diversité de modèles de gouvernance
d’entreprises. Chacun d’entre eux renvoie à des zones géographiques ou pays
particuliers. L’auteur dresse un panorama des pratiques en vigueur. Il reste que
les transformations profondes des économies et des sociétés européennes au cours
des quinze dernières années ont modifié les modèles de gouvernance. Porté par
l’euphorie financière de la fin du XXe siècle, le modèle boursier, c’est-à-dire
régulé par les marchés financiers, s’est ainsi propagé dans l’ensemble des pays
européens. Mais la crise financière de mars 2000, combinée aux affaires de
manipulations comptables, ont eu pour effet d’atténuer, voire de remettre en
cause, le système boursier de gouvernance d’entreprise. L’auteur estime que la
disparité actuelle des dispositifs nationaux de gouvernance d’entreprise est
nuisible. Aussi, une harmonisation des systèmes de gouvernance d’entreprises
s’impose-t-elle.
Dissolution de l’entreprise européenne dans l’internationalisation
Flash CDC IXIS
Patrick Artus
L’entreprise européenne se définit en généralement par opposition à l’entreprise
anglo-saxonne selon des critères comme la rentabilité et la prise de risque, ou
encore la gestion à moyen terme de la main-d’œuvre et des investissements. Que
reste-t-il du modèle de l’entreprise européenne ? Certes, le rendement du
capital est plus faible en Europe continentale (France, Allemagne) que dans les
pays anglo-saxons (Etats-Unis et Grande-Bretagne). De même, les investissements
en nouvelles technologies sont moindres dans les deux pays du vieux continent
qu’aux Etats-Unis et en Grande- Bretagne. Il n’empêche, face à l’importance du
mouvement d’internationalisation des échanges, des centres de production, de
l’emploi et du capital des entreprises, la distinction généralement admise entre
le modèle de l’entreprise européenne et celui de l’entreprise anglo-saxonne doit
être dépassée. Patrick Artus n’hésite pas à avancer que le modèle de
l’entreprise européenne n’existe déjà plus et le mouvement à l’œuvre est tel
qu’il a peu de chances de renaître. L’auteur présente de nombreux indicateurs
étayant cette thèse.
Le modèle européen de capitalisme n’est pas en perte de vitesse
Prisme – Centre Saint-Gobain
Bruno Amable
Les différents modèles de capitalisme ne sont pas figés. Ils se modifient en
fonction à la fois de leur propre dynamique et des évolutions de leur
environnement. Les modèles, qui sur longue période enregistreraient des
performances inférieures à d’autres, seraient-ils pour autant condamnés à
disparaître, s’interroge Bruno Amable. D’après le rapport Sapir, l’Union
européenne souffrirait de mauvaises performances par rapport aux Etats-Unis.
Dans un contexte de mondialisation croissante, le modèle européen apparaît
dépassé. Dans ce cadre, des réformes institutionnelles et organisationnelles
favorisant la flexibilité et, plus largement, la concurrence s’imposeraient. Au
contraire, Bruno Amable montre qu’il n’existe pas de supériorité écrasante du
modèle néolibéral lorsque l’on regarde de près les niveaux relatifs de PIB par
heure travaillée ou le processus de rattrapage du niveau de développement des
Etats-Unis. Par ailleurs, les performances des Etats-Unis ne doivent pas être
confondues avec celles du modèle néolibéral.
La « Société européenne » : un nouvel atout pour les entreprises et pour
l’Europe
Fondation Robert-Schuman
Etienne Mathey
Dès le 8 octobre 2004, les entreprises exerçant leur activité en Europe pourront
se constituer en Société européenne ou SE. Les avantages de l’adoption d’un tel
statut ne sont pas négligeables. Ainsi, du fait d’une plus grande sécurité
juridique, les opérations transfrontalières devraient s’en trouver renforcées.
Par ailleurs, l’avènement du statut de SE constitue un progrès politique pour
l’Europe. Il fait avancer l’idée d’une nationalité européenne et souligne la
forte complémentarité existante entre l’échelon réglementaire de l’Union
européenne et celui de chaque État membre.
MONNAIE ET FINANCE
Les nouvelles technologies financières de gestion des risques
The Economist
Robert Shiller
Quelle relation existe-il entre la finance, l’assurance et le bien-être social ?
Robert Shiller met en avant les liens étroits qui peuvent exister entre ces deux
secteurs d’activité et ce critère de l’état de satisfaction sociale d’une
population. D’après l’auteur, nos économies disposent de technologies
financières leur permettant de faire face à des risques économiques croissants.
Des instruments permettant de se couvrir contre le risque de change ou
d’évolution des prix de matières premières fonctionnent déjà. Demain, le progrès
technique sera tel que chaque individu pourra se couvrir contre des risques très
personnalisés comme la perte d’emploi ou de logement… L’auteur dresse l’état des
lieux des techniques novatrices de gestion des risques qui pourraient dans un
futur proche avoir des retombées importantes.
ENTREPRISES ET MARCHES
Le secteur des télécommunications surfe-t-il de bulle en bulle ?
Revue de l’OFCE
Mathieu Plane
La diffusion rapide de la téléphonie mobile (GSM) et le développement de
l’internet à partir de la seconde moitié des années quatre-vingt-dix ont été à
l’origine de la formation d’une gigantesque bulle financière. Le dégonflement de
celle-ci s’est soldée par une grave crise du secteur des télécommunications.
L’auteur se penche sur les facteurs qui ont conduit à une telle valorisation
financière des entreprises de télécommunications et, par la suite, à un tel
retournement. Certes, les entreprises de télécommunications continuent à
supporter les coûts de l’effondrement des marchés. Il reste que, au fur et à
mesure que la situation des opérateurs s’améliore, le risque de voir se former
une nouvelle bulle - même de moindre ampleur - n’est pas à négliger.
ECONOMIE ETRANGERE
Japon : évaluation des politiques en faveur de l’égalité hommes- femmes au
travail
Chronique internationale de l’IRES
Misako Arai et Sébastien Lechevalier
L’inégalité au travail entre hommes et femmes est un phénomène très répandu.
Toutefois, il semblerait exister une spécificité japonaise. Le différentiel de
salaire selon le sexe, indicateur privilégié de l’inégalité hommes-femmes, est
particulièrement marqué au Japon par rapport à d’autres pays. Un décrochage
entre la progression du salaire des hommes et des femmes apparaît à partir de la
tranche d’âge 30-39 ans. Les femmes représentent moins de 9 % des cadres au
Japon au milieu des années quatre-vingt-dix contre 33% au Royaume-uni et plus de
40 % aux Etats-Unis. Au cours des vingt dernières années, des politiques
spécifiques ont été mises en place par les pouvoirs publics pour pallier cette
situation. Quels ont été les impacts des lois de 1985 et de 1997 ? L’évolution
de la situation des femmes japonaises sur le marché du travail est davantage à
mettre sur le compte de l’évolution de ce marché que sur celui des politiques de
promotion de l’égalité entre les sexes.
No
2.855
7 juillet 2004
DOSSIER : L'intégration régionale au service de la mondialisation
Mondialisation et régionalisation : les cas de l'Europe et de l'Asie de l'Est
Cepremap
Pascal Petit
L'internationalisation des économies développées est marquée dans la période
contemporaine par le développement de processus d'intégration régionale.
L'auteur se propose d'identifier grâce à une analyse méso-économique deux idéaux
types de construction régionale : celui de l'Europe et celui de l'Asie de l'Est.
Les différences fondamentales, mais également les points communs dans
l'émergence et l'évolution de ces deux modèles, sont mis en évidence. La
transformation de ces blocs régionaux en structures hybrides est fortement liée
aux chocs extérieurs et aux pressions qu'exercent sur leurs membres
l'environnement international.
Libéralisation commerciale et régionalisme : le cas des Amériques
Economie internationale
David Roland-Holst et Dominique van der Mensbrugghe
La comparaison empirique des effets de la zone de libre-échange des Amériques
(ZLEA) avec ceux d'un processus global de libéralisation est riche
d'enseignements. Les auteurs montrent qu'au niveau macroéconomique, la
libéralisation multilatérale procure, en général des gains supérieurs à celle
qu'on mène au niveau régional. Comment comprendre alors l'engouement actuel pour
le régionalisme ? Il pourrait s'expliquer à la fois par la grande incertitude
qui entoure les négociations multilatérales et par le sentiment que les risques
de la libéralisation sont moins élevés dans le cadre d'accords régionaux. Par
ailleurs, aux vues des résultats de l'analyse, l'idée selon laquelle la
libéralisation régionale favoriserait l'adaptation de certains pays à la
globalisation ne semble guère pertinente.
ALENA : dix ans après, le libre-échange toujours en procès
The Economist
L'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a dix ans. Si ses détracteurs
furent nombreux lors du lancement du projet, force est de constater, une
décennie plus tard, que leur nombre n'a guère diminué et que la controverse
reste vive. D'ailleurs, l'accord reste aujourd'hui impopulaire dans les trois
États signataires. Pourtant, pour le Mexique, dont le cas est le plus
intéressant dans la mesure où avant l'ALENA l'économie y était presque
complètement fermée, les études montrent que le pays a largement tiré profit de
l'accord. Quant aux États-Unis, les craintes les plus vives portaient sur la
disparition d'emplois. Or, entre 1994 et 2000, l'économie américaine a créé plus
de 2 millions par an. Et si un certain nombre d'emplois ont disparu dans le
secteur industriel, l'ALENA ný a qu'une responsabilité limitée. Enfin, au
Canada, les inquiétudes étaient liées à une éventuelle remise en cause du
système de protection sociale. Mais dix ans après l'entrée en vigueur de
l'accord, le modèle canadien demeure très différent de celui des États-Unis.
L'intégration régionale en Afrique est-elle au service du développement ?
Cahier de politique économique
Andrea Goldstein
L'intégration régionale n'est pas un fait nouveau sur le continent africain.
C'est en effet en Afrique australe que se trouve la plus ancienne union
douanière du monde. Cependant, les nombreuses expériences qui ont été conduites
par les États africains en matière de régionalisme économique ont, pour la
plupart, abouti à des échecs. Aujourd'hui, l'intégration régionale sur le
continent noir, en instaurant la confiance, devient un instrument de promotion
de l'investissement privé. On peut espérer que l'harmonisation régionale des
politiques économiques et la mise en œuvre de projets d'infrastructures communs
permettent une meilleure insertion des pays africains dans l'économie mondiale,
un accroissement des flux de capitaux et la stimulation des échanges entre les
États du continent.
L'OMC face au nouveau régionalisme économique
Cahiers de recherche - CEIM
Christian Deblock
En juillet 2003, seuls trois membres de l'OMC -Macao Chine, la Mongolie et le
Taipei chinois- n'étaient pas liés à un accord commercial régional (ACR). Au
cours des dernières années, Les ACR se sont multipliés. Les analyses de leurs
conséquences sont partagées. Si d'aucuns s'inquiètent de l'ampleur du phénomène,
parce qu'ils considèrent que ces groupements régionaux mettent en danger le
système commercial multilatéral, d'autres estiment au contraire qu'ils peuvent
le soutenir. L'OMC, qui autorise dans certaines conditions la conclusion d'ACR,
n'en est pas moins soucieuse des risques associés au nouveau régionalisme et a
mis en place, dans le seconde moitié des années 1990, un comité chargé
d'examiner les groupements régionaux et leur conformité avec les règles du
commerce multilatéral
MARCHE DU TRAVAIL
La productivité des salariés âgés : une tentative d'estimation
Economie et statistique
Patrick Aubert, Bruno Crépon
En moyenne, les salaires augmentent avec l'âge, mais est-ce que des salaires
plus élevés correspondent à une productivité plus élevée ? Les auteurs du
présent article tentent de répondre à cette question. Leur étude suggère que la
productivité des salariés croît avec l'âge jusqu'à 40 ans, avant de se
stabiliser. En particulier, il n'apparaît pas d'écart marquant entre salaire et
productivité, si ce n'est aux âges les plus avancés (plus de 55 ans). Ces
résultats restent néanmoins assez peu précis, car l'estimation contient au moins
deux biais : les salariés âgés sont plus nombreux dans les entreprises anciennes
et peu efficaces et ils représentent une partie de la main-d'œuvre qui s'ajuste
moins rapidement aux chocs de productivité.
MANAGEMENT
France-Allemagne : management interculturel, gérer les incidents critiques
Regards sur l'économie allemande
Christoph Barmeyer
Pour des raisons objectives et subjectives, les économies de la France et de
l'Allemagne sont particulièrement proches. Coûts de production et
d'investissement en France attractifs pour les entreprises allemandes, taille du
marché allemand adaptée à leurs homologues françaises, curiosité et intérêt pour
le mode de vie de l'autre, tout cela a contribué à un niveau de rapprochement
économique exemplaire. Malgré cette proximité, les malentendus franco-allemands
persistent. La vie des entreprises en offre de nombreux exemples. Rarement dus
aux différences de stratégies ou d'objectifs, ces malentendus s'expliquent le
plus souvent par l'incompréhension des systèmes de valeurs et d'interprétation
de l'autre.
RELATIONS ECONOMIQUES EXTERIEURES
Les pays partenaires du processus de Barcelone et leurs relations avec la
zone euro
Bulletin mensuel de la BCE
Le processus de Barcelone vise à établir à partir de 2010 une zone de
libre-échange entre l'Union européenne et plusieurs pays méditerranéens. Ces
derniers sont loin d'être homogènes mais ils possèdent quelques points communs :
les systèmes financiers sont partout centrés sur les banques, l'environnement
monétaire est de plus en plus stable et, dans la plupart des pays, les services
prennent une place croissante. Si, par ailleurs, les échanges intra-zone restent
à un faible niveau, la région est très orientée vers l'UE : en moyenne, le
commerce extérieur avec cette zone représente 40 % des échanges totaux. Mais
malgré une intensification des relations politiques, les échanges semblent avoir
atteint un palier.
No
2.857
1er septembre 2004
DOSSIER : Les approches économiques de la guerre
Le marché des entreprises du secteur de la défense
Kyklos
Keith Hartley et Todd Sandler
Le secteur de l’aérospatial et de l’électronique de part et d’autre de
l’Atlantique a connu des mouvements de fusions-acquisitions sans pareil au cours
de la décennie quatre-vingt-dix. Le mouvement de concentration s’est traduit par
une forte augmentation de la taille des entreprises du secteur. La prédominance
américaine en termes de taille et de productivité est manifeste. En revanche,
les auteurs observent qu’en 2001, la part des dépenses en investissements et
recherche et développement rapportées aux ventes des européens dépassait celle
des américains. Quels seront les contours de ce secteur dans cinquante ans ?
Assurément, les nouvelles technologies auront un impact non négligeable sur les
industries du secteur de la défense. Les restructurations industrielles se
poursuivront. Elles engendreront de nouvelles formes d’organisation
industrielle. L’entreprise du futur pourrait ressembler à une société
multinationale approvisionnant les marchés mondiaux et dont les fournisseurs
seraient situés au quatre coins du monde. A l’heure actuelle, le marché européen
de la défense reste inefficient. En effet, la préférence donnée à l’indépendance
nationale plutôt qu’à l’action collective génère des coûts importants. Les
auteurs estiment que la mise en place d’une zone de libre-échange entre des
Etats-membres de l’OTAN, permettrait d’accroître la concurrence et la production
à grande échelle. Des économies non négligeables pour les entreprises
américaines et européennes les plus en pointe pourraient ainsi en découler.
L’industrie française de matériel militaire terrestre
Défense nationale
Christian Schmidt
Face à la puissance américaine, le secteur de l’armement terrestre européen et,
plus précisément français, est en proie à de sérieuses difficultés. Ce secteur
recouvre des filiales de grands groupes de l’industrie aéronautique et spatiale
comme EADS, Eurocopter et MBDA, de l’informatique avec Thales et Sagem ; mais
aussi des unités exclusivement consacrées à la fabrication de matériel terrestre
comme Giat industries ou bien encore tout le réseau de PME sous-traitantes. Au
total, le chiffre d’affaires du secteur a reculé de plus de 40% sur les dix
dernières années. Pour pallier ce déclin, l’auteur suggère une spécialisation
européenne par type de matériel avec une redistribution des spécialisations plus
fines par fonction selon les compétences respectives de chaque Etat ou groupe
industriel. Enfin, face à la percée américaine sur le Vieux Continent, la
position européenne - affrontement ou coopération - devrait être clarifiée.
Causes et conséquences des guerres civiles
Ecodef
Vincent Médina
L’analyse des causes et des conséquences économiques des guerres civiles
facilite la compréhension des mécanismes à l’origine des conflits et, partant,
des politiques économiques, de prévention et de gestion des crises qui peuvent
être mises en œuvre. L’auteur recense à travers la littérature économique
l’ensemble des causes économiques pouvant favoriser les conflits. On apprend,
notamment, que la pauvreté est un facteur qui accroît la probabilité de
déclenchement d’un conflit. Aussi, toutes les politiques économiques visant à
améliorer la croissance et donc la richesse d’un pays participent- elles à la
prévention des crises. L’article livre des résultats démontrés et
majoritairement admis par la communauté scientifique.
Le prix de la paix
The Economist
Dans leur dernière étude, Paul Collier et Anke Hoeffer, chercheurs au Centre for
the Study of African Economies à l’université d’Oxford, listent quelques grandes
mesures visant à réduire le coût exorbitant des guerres civiles. En effet,
celles-ci ont des retombées économiques très importantes. Les auteurs se sont
livrés à des évaluations qui montrent notamment que, passé la fin du conflit, un
pays met en moyenne dix ans à redresser son économie. Par exemple,
l’augmentation des aides à destination des pays pauvres contribuerait à contrer
de façon non négligeable les risques de déclenchement d’une guerre civile, et ce
en raison du surplus de croissance dégagée. Une fois commencée, il est possible
de réduire la durée d’une guerre, en privant les belligérants de certaines
ressources nécessaires à son financement, soit en recourant au boycott des
richesses naturelles ou des matières premières servant à financer le conflit,
soit en favorisant la baisse des prix de ces ressources sur le marché mondial.
Il reste que l’intervention militaire d’une puissance étrangère reste, en termes
purement économiques, la plus rentable de toutes les mesures envisagées par les
auteurs.
Vers une privatisation des interventions militaires : l’exemple des
opérations de maintien de la paix
Politique internationale
Philippe Chapleau
Un demi-siècle après leurs premiers déploiements, les soldats de la paix ont-ils
encore un avenir ? La légitimité des Casques bleus des Nations Unies est en
effet de plus en plus discutée. Les critiques vont bon train. Certains dénoncent
l’incompétence chronique des Casques bleus ; d’autres, leur inexpérience ou le
cadre juridique trop étriqué dans lequel ces soldats doivent effectuer leur
mission. Face à cette situation, de nombreuses entreprises militaires privées
proposent leurs services. L’humanitaire et le maintien de la paix constituent
des marchés fructueux. Certaines sociétés militaires sont d’ores et déjà passées
à l’action pour le compte d’ONG, d’agences internationales ou de représentations
diplomatiques. Leurs missions sont variables. Les prestations spécialisées vont
de la fourniture d’ingénieurs ou de logisticiens, aux services de protection
rapprochée, en passant par l’audit ou la formation… Les risques de dérapages
d’une telle sous-traitance ne sont toutefois pas à négliger. L’auteur insiste
sur les garde-fous nécessaires pour prévenir de tels débordements.
ENTREPRISES ET MARCHES
La R&D publique dans les nanotechnologies
Réalités industrielles
Françoise Roure
Les nanosciences - qui renvoient à la fabrication à l’échelle moléculaire - et
les nanotechnologies - qui proposent la fabrication à la nano-échelle de
nouveaux dispositifs possédant des propriétés extraordinaires – sont en vogue.
Elles offrent d’intéressantes perspectives que ce soit en termes de
compétitivité ou d’utilité sociale. Les nanosciences, dont les applications font
appel à une convergence pluridisciplinaire, offrent de multiples débouchés
(sécurité alimentaire, produits issus de la chimie…). Le niveau des
investissements dans ce secteur témoigne d’un pari élevé sur les effets de
l’application des nanosciences dans les prochaines années. Si les
investissements publics en représentent les trois quarts, de nombreux géants
industriels estiment que la production à l’échelle nanométrique constitue la clé
de leur survie. Ainsi, que ce soit aux Etats-Unis, en Europe ou au Japon, les
dépôts de brevets affluent. Il reste que les initiatives publiques d’aujourd’hui
sont cruciales pour les pays souhaitant acquérir une position compétitive
demain. Des pays émergents comme l’Inde ou le Brésil l’ont bien compris et ont
lancé des programmes de recherche et développement.
DEVELOPPEMENT
La volatilité tient-elle à la monnaie dans laquelle sont libellées les dettes
?
FMI Bulletin
Entretien avec Ricardo Hausmann
Les pays en développement sont particulièrement touchés par le phénomène de la
volatilité. Liée à l’incertitude quant à l’évolution des variables économiques,
cette instabilité a pour eux des conséquences néfastes. Contrairement aux pays
industrialisés, les PED n’ont guère la possibilité de se doter de mécanismes
adéquats pour y faire face. Les carences des marchés financiers et la faiblesse
du cadre institutionnel et législatif de ces pays expliquent une bonne partie du
problème. Mais celui-ci est également d’ordre financier : la plupart des PED ne
peuvent pas emprunter sur les marchés internationaux dans leur propre monnaie.
Une dépréciation du taux de change rend ainsi le service des prêts plus
difficile. En prêtant en dollar et non en monnaie locale, les institutions
financières internationales ne font qu’accentuer le problème.
MARCHE DU TRAVAIL
Inégalités de salaires entre femmes et hommes : le poids de la discrimination
Revue de l’OFCE
Yves de Curraize et Réjane Hugounenq
Malgré le mouvement de féminisation à l’œuvre depuis plusieurs décennies en
France, les inégalités de traitement entre les femmes et les hommes persistent.
Les femmes perçoivent toujours, en moyenne, un salaire inférieur à celui des
hommes. Les auteurs de l’article cherchent, à partir de la méthode
Oaxaca-Blinder (1973) et ses développements, à mesurer la part imputable à des
pratiques discriminatoires, pratiques qui consistent à emploi égal à offrir un
salaire inégal. Il en ressort qu’une part du différentiel de salaire apparaît en
effet étroitement liée à des pratiques discriminatoires. Les auteurs estiment
qu’une plus grande part encore pourrait leur être attribuée si certaines
pratiques comme la discrimination à l’école ou à l’embauche pouvaient être
mesurées et intégrées dans l’évaluation. Par ailleurs, les auteurs se penchent
sur la spécificité de la discrimination entre le sexes comparée à la
discrimination raciale pour en montrer les effets sur le marché du travail.
No
2.858
15 septembre 2004
DOSSIER : LE BILAN DE L'ECONOMIE FRANCAISE EN 2003
60 millions d'habitants en France métropolitaine
Population et sociétés
Gilles Pison
Au cours de l'année 2003, la population en France métropolitaine a augmenté de
0,4 %. La croissance a été un peu plus faible qu'en 2002. Au 1er janvier 2004,
la population était estimée en métropole à 59,9 millions d'habitants et les 60
millions devraient être atteints au cours de l'année. La population aura mis
deux siècles pour doubler. En 2003, le nombre annuel de décès a augmenté de 4 %
par rapport à l'année précédente. L'augmentation de la population et son
vieillissement expliquent en partie cette hausse, mais elle est surtout due à la
surmortalité du mois d'août 2003. La canicule a en effet provoqué près de 15000
décès supplémentaires par rapport à la moyenne des mois d'août 2000, 2001 et
2002.
Emploi salarié : les premières pertes d'emplois depuis 10 ans
Unedic
Pour la première fois depuis 1993, l'emploi salarié s'inscrit en recul. Ce
mouvement n'est pas sans lien avec le ralentissement de l'activité économique.
Les secteurs ont été inégalement affectés : les services et la construction ont
enregistré une progression qui n'a pas suffi à compenser le recul enregistré
dans le secteur industriel. Les évolutions sont par ailleurs contrastées selon
les régions : l'emploi salarié en Ile-de-France accuse une baisse. En revanche,
l'axe Atlantique – Méditerranée apparaît très dynamique.
La plus faible croissance depuis 1993
Insee Première
Aurélien Daubaire et Jean – Marie Saunier
Avec une progression de 0,5 % en volume, le produit intérieur brut enregistre en
2003, sa plus faible progression depuis 1993. Pour la troisième année
consécutive, l'activité ralentit, en France et, plus largement, dans l'ensemble
de la zone euro. Le pouvoir d'achat des ménages français augmente faiblement et
leur taux d'épargne recule pour la première fois depuis 1998. Le principal
soutien à la croissance réside dans les dépenses effectuées par les
administrations publiques. Le net repli des exportations contribue négativement
à l'activité. Quant au taux de marge des entreprises non financières, il recule
pour la deuxième année consécutive. La faiblesse de l'investissement de ces
entreprises pénalise également la croissance. Au total, le déficit public s'est
alourdi. Il atteint 4,1% du PIB.
Progression du revenu disponible brut et vigueur de la consommation
Note de conjoncture – INSEE
En 2003, le revenu disponible brut des ménages a progressé de 2,8 % en moyenne
annuelle (+ 3,9 % en 2002). Sur l'ensemble de l'année, en raison notamment de la
stagnation de l'emploi salarié, les revenus d'activité ont enregistré une forte
décélération. L'année 2003 a également été marquée par une très nette reprise
des impôts versés par les ménages (+ 4,3 %). Le pouvoir d'achat a ralenti : +
1,2 % contre 2 % l'année précédente. Au cours du quatrième trimestre de 2003, la
consommation des ménages a continué d'augmenter. Toutefois, la hausse du chômage
tout au long de l'année pourrait limiter à court terme la croissance de la
consommation.
La balance des paiements en 2003 : des résultats décevants
Banque de France
L'excédent du compte des transactions courantes de la balance des paiements a
baissé en 2003 par rapport à l'année précédente de quelque 10 milliards d'euros,
du fait d'un repli marqué de l'excédent des échanges de biens ainsi que d'une
chute des recettes et du solde des services. De plus, le déficit du compte de
capital s'est considérablement accru. En revanche, le solde du compte financier
s'est amélioré de plus de 18 milliards d'euros. Cependant, les investissements
directs étrangers en France ont baissé de 20%, ne s'élevant qu'à 41,6 milliards
d'euros (chiffre le plus bas depuis 1999), ce qui sous-entend une détérioration
de l'attractivité du pays.
Baisse des flux du commerce extérieur
Notes bleues de Bercy
Le commerce extérieur français s'est replié en 2003 : les exportations ont
baissé de 3 % et les importations de 2,1 % par rapport à 2002. Les échanges de
biens d'équipement ont été les plus touchés par ce repli, ceux de biens
intermédiaires et de biens de consommation ont été moins affectés. L'automobile
est la seule catégorie qui a bénéficié d'une demande soutenue. En somme,
l'excédent commercial est en baisse par rapport à 2002 : il n'atteint plus que 4
milliards d'euros.
Hausse du déficit public sur fond de faiblesse des recettes
Cour des comptes
Le déficit budgétaire s'est élevé à 3,7 % du PIB en 2003. Pour la deuxième année
consécutive, le budget de la France ne respecte donc pas les critères de déficit
du traité de Maastricht. La dégradation continue des recettes fiscales est
partiellement responsable de ce résultat. En effet, les recettes fiscales ont
baissé de 2,6 % par rapport à 2002 (après une réduction de 3 % par rapport à
2001). Quant aux dépenses, qui marquent un ralentissement dans leur progression,
celles imputées sur le budget général ont néanmoins augmenté de 6,7 % en valeur.
Cette situation est également reflétée par l'examen des états financiers de
l'État dans la perspective de l'entrée en vigueur de la loi organique relative
aux lois de finances (LOLF).
FISCALITE
L'impôt sur la fortune : les raisons du repli
Les Notes de l'institut de l'entreprise
Christophe Heckly
L'imposition du patrimoine n'est plus en vogue. En effet, de nombreux pays ont
aboli l'impôt sur la fortune ou envisagent de le faire. Cette tendance contraste
avec l'enthousiasme qui a entouré cette forme d'imposition il y a encore 30 ans,
période durant laquelle les gouvernements y ont vu un bon moyen de
redistribution des revenus et des patrimoines. Aujourd'hui, on semble
privilégier une autre perspective, prenant davantage en compte des
considérations de concurrence fiscale et d'épargne. Mais l'argument le plus fort
est la mauvaise relation coût-rendement de cet impôt : en moyenne, les recettes
de l'impôt sur la fortune dépassent rarement 1 % du total des recettes fiscales
pour un coût de gestion qui arrive largement en tête de tous les impôts.
SCIENCE ECONOMIQUE
The Legacy of John Kenneth Galbraith
Challenge
Richard Parker
Fidèle à sa vocation pédagogique et dans le souci de rendre sa lecture toujours
plus utile, Problèmes économiques inaugure, à l'occasion de la parution de ce
numéro, la publication d'articles en anglais. Désormais, la revue proposera des
textes dans leur version originale, afin de familiariser ses lecteurs avec
l'utilisation de l'anglais économique. Le premier article de cette série est
consacré à John Kenneth Galbraith qui a fêté ses 95 ans. Considéré par beaucoup
comme le dernier des institutionnalistes américains, ancien président de
l'American Economic Association, il reste sans doute l'un des économistes les
plus connus de l'après-guerre aux États- Unis. À côté de ses activités
d'enseignement et de recherche à l'université d'Harvard, il a occupé de
multiples fonctions dans l'administration et la politique, les médias et la
diplomatie (il fut ambassadeur des États-Unis en Inde au début des années 1960).
Bien que J. K. Galbraith soit situé en dehors du courant dominant, nombre de
questions qu'il a soulevées - même si souvent cela n'a pas été reconnu
explicitement - ont suscité par la suite de nombreux travaux de recherches
d'économistes parmi les plus éminents, notamment J.M. Buchanan, H. A. Simon ou
T. de Scitovsky.
No
2.859
29 septembre 2004
DOSSIER : Faut-il avoir peur des délocalisations ?
Comment définir les délocalisations ?
Rapport d’information du Sénat
François Grignon
Définir les « délocalisations » est une tâche difficile. Comprennent-elles
uniquement les changements de site de production sans affectation de la
destination des produits ou faut-il élargir la notion aux externalisations et à
toutes créations d’activité productive à l’étranger ? Par ailleurs, la
perception que peut avoir au niveau local l’ensemble des acteurs économiques
concernés par une opération de délocalisation rend la définition du processus
encore plus malaisée. Les indicateurs disponibles reflètent ces difficultés :
les investissements directs à l’étranger, la structure et le solde de la balance
commerciale, la mesure de la transformation de l’outil productif industriel,
etc. Malgré ces problèmes de mesure, les chiffres disponibles suggèrent qu’il
s’agit d’un mouvement certes réel, mais plutôt limité.
Industrialisation : la destruction créatrice permanente
Futuribles
Michel Drancourt
Autrefois c’étaient les entreprises en difficulté qui délocalisaient,
aujourd’hui, c’est aux entreprises rentables de faire de même. Malgré ces
changements, l’origine du phénomène est toujours la même : la course à la
compétitivité. La pression qui s’exerce sur les entreprises s’est encore
accentuée ces dernières années : non seulement les exigences de la
compétitivité, mais également l’impératif d’innovation oblige les firmes à tirer
profit des marchés en expansion, mais également à diversifier leur offre.
Restructuration, mutations industrielles, délocalisation ou désindustrialisation
– tous ces termes ne décriraient-ils pas en définitive un processus bénéfique,
celui de la destruction créatrice ?
Amérique et Chine : les vrais enjeux
The Wall Street Journal
Thomas Hout et Jean Lebreton
Comme d’autres pays industrialisés, les Etats-Unis sont confrontés aux
conséquences des délocalisations. La Chine joue dans ce contexte un rôle majeur.
Ce pays montre qu’il serait erroné de limiter le débat sur les enjeux des
délocalisations aux seuls retombées en termes d’emploi. Comme les auteurs le
soulignent, l’émergence de la Chine est une véritable révolution. Contrairement
au Japon qui a réinventé la production industrielle, la Chine la « désinvente »
en réduisant les besoins de capitaux et en rendant les circuits de production
moins complexes. Ce cadre renouvelle la production et permet une meilleure
qualité des produits. Les entreprises qui désirent tirer profit de ces
caractéristiques devraient s’engager à long terme en Chine en y implantant des
sites de production de nouvelles gammes de produits.
Mondialisation et délocalisation : quelle stratégie pour les Etats- Unis ?
Center for Strategic and International Studies
En Europe et aux Etats-Unis, les craintes des conséquences négatives de la
globalisation concernent la perte d’emploi (délocalisations), mais également –
suite au nivellement technologique – la menace que constitue la perte du
leadership technologique et industriel. Mais contrairement à l’Europe, qui
semble plus préoccupée par le problème de l’emploi et tente dý répondre en
créant des « champions européens », les Etats-Unis se focalisent sur la question
de la concurrence technologique. La préservation des compétences en matière
d’innovation devrait être prioritaire par rapport aux efforts de protection des
emplois manufacturiers. L’analyse du secteur de la défense montre que cette
stratégie pourrait même être insuffisante : aujourd’hui, il ne s’agit plus
d’empêcher la « fuite » des technologies, mais de réussir à s’intégrer à la
chaîne technologique internationale, comme le soulignent les experts du CSIS, un
influent think- tank américain.
Une stratégie à deux composantes pour contrer la désindustrialisation
Conseil d’analyse économique
Patrick Artus et Gilbert Cette
En Europe, quatre stratégies industrielles peuvent être distinguées :
l’Allemagne s’est spécialisée dans les biens d’équipements et l’automobile, la
France dans l’automobile, l’Espagne ne s’est pas spécialisée et le Royaume-Uni
s’est désindustrialisé. Aujourd’hui, l’Europe a besoin de nouvelles stratégies
car elle est concurrencée par le bas par les pays émergents et par le haut par
les pays à fortes dépenses technologiques. Afin d’assurer la croissance à venir,
l’Europe devrait suivre une double stratégie : créer des emplois à fort niveau
de productivité et accroître le nombre d’emplois peu qualifiés. L’insertion
commerciale et économique dans une zone à croissance rapide (comme les PECO) ou
l’augmentation des dépenses liées aux technologies et à la R&D pourraient être
les vecteurs d’une telle stratégie.
Les réseaux d’entreprises : source de compétitivité
DATAR
La désindustrialisation et les délocalisations touchent avant tout le tissu
économique local. Compte tenu de ce constat, une stratégie efficace de réponse à
ces processus pourrait également se trouver au niveau local en y développant par
exemple des réseaux d’entreprises. Les politiques publiques qui cherchent à
renforcer l’efficience de ces systèmes productifs locaux s’appuient sur l’idée
selon laquelle le facteur concurrentiel décisif ne se situe plus seulement à
l’intérieur des entreprises mais dans les liens qu’elles tissent entre elles et
dans leur rapport à l’environnement. Une analyse comparative intégrant des pays
de différents continents montre qu’il s’agit d’une tendance lourde. Partout, des
pôles de compétence et d’excellence ont été créés ces dernières années,
organisés souvent autour d’une ou plusieurs firmes leaders. Des rapprochements
entre universités et entreprises sont également observés.
SCIENCE ECONOMIQUE
Les économistes et leurs revues
Revue d’économie politique
Philippe Jeannin
Assurer de solides fondements à une évaluation de la recherche française en
économie dans les revues scientifiques est une tâche difficile. La méthode
présentée dans l’article consiste à croiser les bases qui font autorité et à
interroger la communauté scientifique française. On obtient ainsi la définition
suivante de la scientificité d’une revue : « est scientifique la revue qui est
jugée telle par la communauté ». L’auteur apporte quelques nouveaux éclairages,
mais expose également des positions déjà largement partagées. Il s’agit par
exemple de la très bonne tenue des titres de l’INSEE, mais également de ceux de
la Direction de la prévision. Les Études économiques de l’OCDE, par contre, sont
jugées peu scientifiques.
ENTREPRISES ET MARCHES
Progrès techniques et croissance du trafic routier
Réalités industrielles-Annales des Mines
Jean Delsey
Comment expliquer l’accroissement du trafic routier ? Jean Delsey constate que
la forte amélioration des performances et du confort des véhicules automobiles,
notamment au niveau européen, qui se conjugue avec la progression certes lente,
mais régulière du niveau de vie des individus, contribue largement à augmenter
la consommation globale de carburants. Ný aurait-il pas de solution pour réduire
ce mouvement voué à perdurer ? L’auteur estime que des inflexions restent
possibles. Elles concernent la technique des véhicules et surtout, la mise en
place de réglementations relatives aux automobiles ainsi qu’à l’aménagement du
territoire.
PROTECTION SOCIALE
L’impact des cotisations sociales en question
Informations sociales
Pierre Concialdi
Depuis le début des années quatre-vingt, le débat à propos de l’impact des
cotisations sociales sur la compétitivité des entreprises et sur le niveau de
l’emploi n’a pas cessé, en particulier en France, où cette question est, depuis
la création des premières assurances sociales, une véritable antienne. L’auteur,
s’appuyant sur des comparaisons internationales et sur une analyse des effets
des politiques d’allégement de cotisations sociales sur les bas salaires,
revisite quelques idées reçues à propos de l’impact présumé négatif des
cotisations sociales. Il montre en outre les menaces que les politiques
d’allégement font peser sur le financement de la protection sociale et leurs
conséquences sur les salariés les plus précaires.
No
2.860
13 octobre 2004
DOSSIER : Le bilan de l’économie mondiale 2003
Vers une reprise mondiale…
Perspectives économiques de l’OCDE
OCDE
En 2003, l’économie mondiale a renoué avec une croissance soutenue.
L’investissement des entreprises est reparti à la hausse. Le continent asiatique
conserve son dynamisme, en particulier la Chine dont l’économie est proche de la
surchauffe. Au Japon, la vigueur de la reprise s’est confirmée. Les Etats-Unis,
de leur côté, ont enregistré un taux de croissance proche de la moyenne des
années 1990. Les autres pays anglophones, comme le Royaume-Uni ou l’Australie,
ont continué sur leur lancée avec un rythme de croissance vigoureux. En
revanche, les économies d’Europe continentale – notamment l’Allemagne et
l’Italie – éprouvent toujours les plus grandes difficultés à redémarrer en
raison de la faiblesse de la demande intérieure et des dépenses des ménages.
Accélération des échanges commerciaux
Rapport sur le commerce mondial 2004
OMC
Après une lente progression au premier semestre, la croissance du commerce
mondial s’est accélérée durant la deuxième moitié de l’année pour atteindre un
taux réel moyen de 4,5 % sur l’ensemble de 2003. Cette accélération a été plus
forte en valeur nominale (dollar) qu’en valeur réelle. Elle a entraîné une
hausse des prix principalement imputable à celle des prix des produits de base.
La tendance à la baisse des prix observée depuis 1995 s’est ainsi inversée. Du
côté des exportations comme celui des importations, la plus forte croissance a
été enregistrée dans les régions exportatrices de combustibles comme les
économies en transition et l’Asie. L’Europe occidentale, de son côté, a été
pénalisée par deux facteurs : la faiblesse de la croissance et l’appréciation de
l’euro par rapport au dollar. En termes réels, la croissance du commerce de
cette zone a été la plus faible de toutes les régions. Enfin, les services
commerciaux ont progressé moins vite que le commerce des marchandises,
renversant ainsi la tendance des deux dernières années.
Le goût du risque est de retour sur les marchés de capitaux
Rapport annuel
Banque des règlements internationaux
Le goût du risque a fait son retour sur les marchés en 2003. Les marchés
d’actions ont profité d’un redressement très net. Néanmoins, au niveau
macroéconomique, aucune information spécifique ne permet d’expliquer ce
retournement, amorcé le 12 mars 2003, quelques jours avant le début de la guerre
en Irak. Dans le compartiment des obligations d’entreprises, les marges de
crédit se sont rapprochées de leur minimum historique. La confiance s’est
réinstallée sur ces marchés, car les défauts et rétrogradations ont sensiblement
diminué en 2003. L’autre fait marquant de l’année a été l’insensibilité des
marchés aux changements d’anticipations de la politique monétaire. Longtemps,
les courbes de rendements ont en effet émis des signes contradictoires sur les
perspectives économiques. Seule la récente remontée des taux américains a réduit
le goût du risque sur les marchés.
Baisse du dollar et envolée de l’euro
Rapport annuel de la Banque de France
Christian Noyer
Au cours de l’année 2003, la dépréciation du dollar vis-à-vis des principales
devises s’est poursuivie. L’environnement international incertain et les
déséquilibres extérieurs des Etats-Unis expliquent en partie cette situation.
L’euro a enregistré face à la devise américaine une forte progression (20 %),
atteignant à la fin de l’année un plus haut niveau, à 1,2647 dollar pour un
euro. Au mois de septembre, au sommet du G7 à Dubaï, la nécessité d’une plus
grande flexibilité des changes a été rappelée. Les devises des pays candidats à
l’Union européenne sont restées, dans l’ensemble, stables, à l’exception des
monnaies polonaise et hongroise qui, dans un contexte de volatilité, se sont
dépréciées face à l’euro. L’année 2003 a également été marquée par la poursuite
du mouvement de hausse du prix de l’or entamé deux ans auparavant.
Le recul investissements étrangers se prolonge
World Investment Report 2004
CNUCED
Après avoir chuté de 17 % en 2002 et de 41 % en 2001, les entrées
d’investissements directs étrangers à l’échelle mondiale accusent un nouveau
recul : le fléchissement est estimé à 18%. Mais la CNUCED prévoit une reprise de
ces investissements en 2004. Le recul des entrées d’IDE en 2003 a été
particulièrement marqué dans les pays développés et en Europe centrale. En
revanche, les IDE à destination des pays en développement ont enregistré une
progression de 9%. Hors Luxembourg, la Chine arrive en tête des destinations
mondiales. Autre mouvement marquant de l’année : la structure des IDE s’est
modifiée au profit des services.
Progression du chômage
Perspectives de l’emploi de l’OCDE
OCDE
L’année 2003 se caractérise par une progression du chômage de 0,2 point. Il
atteint 7,1% de la population active des pays de l’OCDE. Par ailleurs, les
économistes de l’OCDE constatent que la croissance de la rémunération des
salariés a progressé modérément. Ils insistent ensuite sur la nécessité dans un
contexte de vieillissement démographique d’accroître le taux d’emploi. Pour ce
faire, ils préconisent une plus grande flexibilité du temps de travail qui
pourrait également avoir pour vertu de faire baisser le chômage.
Développement et liberté culturelle
Rapport mondial sur le développement humain 2004
PNUD
Le développement humain consiste en premier lieu à permettre aux individus de
mener le genre de vie qu’ils souhaitent et à leur donner les outils et les
opportunités pour faire ce choix. Beaucoup de travaux sur le développement
humain ont insisté sur un plus grand accès à la santé et à l’éducation, sur une
meilleure répartition des richesses et sur la démocratisation. Mais pour mieux
répondre à ces défis, et finalement éradiquer la pauvreté, le monde doit
commencer par construire des sociétés intégratrices, respectant les diversités
culturelles. Car permettre aux individus une expression culturelle pleine et
entière est en soi un objectif de développement important. Le Rapport mondial
sur le développement humain 2004 porte sur ce thème. L’exclusion culturelle est
répandue dans toutes les régions et touche principalement les minorités
ethniques ou religieuses, les populations autochtones et les immigrés. Environ
900 millions de personnes seraient aujourd’hui victimes de discrimination ou
défavorisées en raison de leur identité. L’exclusion culturelle peut se traduire
au niveau de la religion ou de la langue. En outre, une grande partie des
exclusions politiques, économiques et sociales sont fondées sur l’identité
culturelle. Ces groupes culturels ont souvent des niveaux de vie inférieurs à
ceux de leurs compatriotes. Des études montrent en effet que les indicateurs de
santé, d’éducation, et d’espérance de vie sont moins bons, comme le relève
l’indicateur du développement humain par groupe culturel.
ETATS-UNIS
Les causes de la progression de l’obésité
The Journal of Economic Perspectives
David M. Cutler, Edward L. Glaeser et Jesse M. Shapiro
Le poids moyen des individus n’a cessé d’augmenter au cours du XXe siècle aux
Etats-Unis. Le taux d’obésité outre-Atlantique est deux fois plus élevé
aujourd’hui qu’au début des années soixante-dix (Center for Disease Control,
2003). Si, pour les auteurs, la montée de l’obésité constatée depuis 1980
s’inscrit dans ce contexte, il n’en reste pas moins par ailleurs un phénomène
fondamentalement différent. Les auteurs se penchent sur les causes de la
croissance de l’obésité particulièrement marquée aux Etats-Unis. Ils proposent
d’analyser le phénomène en s’appuyant sur la division du travail dans la
préparation des aliments. Pour eux, la préparation de masse des aliments
constitue une révolution a peu près comparable à celle, il y a un siècle, de la
production des biens manufacturés. Le passage de la préparation individuelle à
la préparation de masse s’accompagne d’une baisse des prix en termes de temps et
de consommation alimentaire. Partant, elle entraîne une augmentation de la
quantité et une diversification des aliments consommés. Le progrès et la
diffusion des nouvelles technologies alimentaires en réduisant le prix des biens
ou du temps devrait ainsi accroître le revenu disponible des ménages et
améliorer leur bien-être, sauf lorsque les individus ont des difficultés à se
discipliner….
SCIENCE ECONOMIQUE
La théorie méconnue de Emil Lederer
Revue de l’économie méridionale
Claude Diebolt
Claude Diebolt présente la théorie méconnue du manque de pouvoir d’achat de Emil
Lederer (1882-1939), d’origine viennoise. En effet, au début des années vingt,
cet ancien professeur à la New School for Social Research de New York,
réanime la vieille théorie de la sous-consommation. Il estime que seule une
augmentation des salaires par rapport au revenu total permet une relance
économique avec résorption du chômage. Un peu plus tard, Keynes contribuera à
renouveler cette théorie à travers le concept de demande effective.
No
2.861
27 octobre 2004
DOSSIER
: Forces et faiblesses de l'économie mondiale
Fragilités de la reprise économique
Banca Nazionale del Lavoro Quaterly Review
Wynne Godley et Alex Izurieta
A travers les balances financières-privées, courantes et publiques-, les auteurs
retracent l'évolution de l'économie américaine au cours des dix dernières
années. La période 1992-2000 que l'on a qualifié de « Nouvelle économie » s'est
ainsi traduite par un excédent budgétaire important et par une détérioration du
solde de la balance courante ainsi que de la balance privée, les dépenses
privées évoluant beaucoup plus rapidement que les revenus. Le retournement
s'opère à partir de 2001: la politique budgétaire expansionniste qui se met en
place va contribuer, au prix d'une nette détérioration du budget, à remettre la
première puissance économique sur la voie de la reprise. Mais, cette dernière
reste fragile. Les auteurs n'hésitent pas à avancer que les perspectives de
moyen terme de l'économie américaine paraissent assez sombres.
Les ménages américains vivent-ils au dessus de leur moyens ?
Finances & Développement
Chris Faulkner-MacDonagh et Martin Mühleisen
La croissance américaine est fortement soutenue par la consommation des ménages.
Cette dernière peut-elle pour autant continuer indéfiniment à jouer son rôle de
moteur de la croissance économique outre- Atlantique? Certains analystes
redoutent un fléchissement de cette variable face à un « l'éclatement de la
bulle de l'immobilier » américain. Il reste que si certains indicateurs - comme
le taux d'endettement des ménages qui atteint un niveau record- laissent à
penser que les Américains vivent au dessus de leurs moyens, vue sous d'autres
angles, leur situation financière n'apparaît pas si inquiétante, estiment les
auteurs de l'article.
L'ouverture des marchés dynamise la création d'emploi
Joint Economic Commitee
Robert F. Bennett
L'économie américaine connaît un taux de chômage relativement faible – en
dessous de 6 % de la population active. Comment expliquer l'étonnante capacité
de cette économie à créer des emplois ? L'auteur cherche à prouver que le
dynamisme de l'économie américaine, en matière de création d'emplois, est
étroitement liée à sa place de première économie mondiale dans les échanges
commerciaux. Il montre que l'ouverture sur l'extérieur de l'économie américaine
contribue favorablement à dynamiser son marché du travail. Les mouvements de
délocalisation de nombreuses multinationales qui se traduisent par des
suppressions d'emplois nationaux s'accompagnent de nouvelles créations d'emplois
sur le territoire américain.
Une politique monétaire trop accommodante
Economic and Financial Policy Review
Evan F. Koenig
L'auteur dresse un état des lieux de la politique monétaire menée par la Réserve
fédérale (Fed) au cours des dernières années. Il montre en quoi les taux
d'intérêt actuels sont bas. La politique monétaire américaine est très
accommodante. Aussi, la remontée des taux, estime l'auteur, est – elle
inévitable pour que le niveau des taux des fonds fédéraux soit en phase avec le
niveau actuel de l'inflation. Il examine la relation historique entre la
politique menée par la Fed, l'inflation et le potentiel de croissance, pour
pouvoir évaluer les variations des taux à venir. Les perspectives d'évolution de
la politique monétaire pour les prochaines années restent suspendues au degré de
vigueur de la reprise économique, à la croissance potentielle et au taux de
chômage soutenable.
Quelle relation entre le prix du pétrole et les récessions aux États- Unis ?
FMI Bulletin
Entretien de Praskash Loungani avec James Hamilton
En 1982, le thèse de doctorat de James Hamilton a fait sensation. A l'époque, ce
dernier avançait l'idée que la hausse des prix mondiaux du pétrole avait joué un
rôle dans presque toutes les récessions de l'histoire moderne de États-Unis.
Interrogé par Praskash Loungani sur la situation économique actuelle, James
Hamilton revient sur sa thèse et sa pertinence face aux nouveaux évènements
économiques. Il montre que la corrélation entre ces deux variables reste
aujourd'hui encore très étroite.
Les marchés financiers sont-ils rationnels ?
Reflets et Perspectives de la vie économique
André Orléan
En rupture avec la théorie de l'efficience, la théorie hétérodoxe de la
dynamique auto-référentielle fondée sur le mimétisme et la convention considère
que les cours boursiers ne sont pas nécessairement des estimations pertinentes
de leur valeur fondamentale. L'écart des cours à cette valeur fondamentale n'est
pas analysé comme le produit de l'irrationalité des investisseurs mais plutôt
comme relevant de la nature même de la logique financière. A partir de l'exemple
de la bulle boursière de 2000, André Orléan revient sur l'analyse de cette
théorie.
Capital Account Opening, International Reserves and Development?
NBER Reporter
Joshua Aizenman
L'intégration commerciale des PED s'accompagne généralement de l'ouverture de
leur balance courante. Cette intégration financière n'est cependant pas sans
risques comme l'attestent les crises financières affectant ces pays plus ou
moins régulièrement. L'auteur défend l'idée que ces crises sont inévitables, car
l'ouverture commerciale favorise par nature la mobilité des capitaux. Néanmoins,
il est possible d'agir sur la gravité et la fréquence des crises. Sur la base
d'expériences récentes, l'auteur suggère plusieurs moyens : d'une part, les PED
devraient disposer d'un niveau important de réserves de changes et privilégier
les flux intra-groupes des multinationales, d'autre part, la communauté
internationale devrait développer et imposer des ratios de solvabilité.
L'enseignement supérieur, condition de convergence des économies européennes
depuis 1870
Économies et Sociétés
Claude Diebolt et Magali Jaoul
Depuis le traité de Maastricht et l'instauration de l'Union économique et
monétaire (UEM), la convergence est devenu le mot d'ordre pour les États
européens. La volonté d'harmonisation s'exprime par exemple par le respect de
certains critères de convergence, condition sine qua non pour l'admission
au sein de l'UEM. Néanmoins, un champ socio-économique demeure toujours de la
compétence des gouvernements nationaux : l'enseignement. Les auteurs étudient si
la construction européenne s'est soldée non seulement par une convergence des
PIB par habitant, mais également par un rapprochement des systèmes
d'enseignement supérieur. Une analyse en termes de causalité révèle que
l'enseignement peut être considéré soit comme un investissement directement
productif, soit comme un investissement d'infrastructure.
L'éducation des enfants dans les pays pauvres
FMI – Dossiers économiques
Arye L. Hillman et Eva Jenkner
Dans la plupart des pays pauvres, le faible niveau de scolarisation correspond à
celui des résultats économiques. De nombreux enfants ný sont pas scolarisés ou
quittent l'école avant d'avoir achevé le cursus primaire. Cette situation peut
s'expliquer par des défaillances de l'offre et de la demande. Souvent, les coûts
d'opportunité sont tels que l'école, même gratuite, est inabordable pour
certaines familles. Lorsque le problème est une défaillance de l'offre -parce
que les ressources publiques sont insuffisantes ou que la volonté politique est
absente pour construire des écoles - les parents peuvent être conduits à
financer eux-mêmes la scolarité de leurs enfants. Si cette solution présente
dans certains cas des avantages indéniables, elle ne doit rester qu'une option
temporaire, car elle constitue un impôt régressif lorsque la scolarisation est
obligatoire.
No
2.862
10 novembre 2004
DOSSIER : L’économie des systèmes de santé
L’évolution des dépenses de santé depuis les années 1970
Les Rapports du Sénat
Catherine Bac
L’auteur analyse l’évolution des dépenses de santé dans les principaux pays
européens et aux Etats-Unis de 1970 à 2000. Au cours de cette période, les
dépenses de santé en pourcentage du PIB ont augmenté de 2 à 6 points. Les
Etats-Unis enregistrent la plus mauvaise performance. Plusieurs facteurs
expliquent l’accroissement des dépenses : le comportement des assurés et celui
des prestataires. Les facteurs institutionnels qui sont au cœur des réformes des
systèmes de santé jouent également un rôle déterminant et agissent à la fois sur
la demande et sur l’offre. Le résultat des analyses montre que, à systèmes
institutionnels constants, l’évolution du revenu agrégé, les tendances
démographiques ou le progrès technique vont entraîner les dépenses à la hausse.
Systèmes de santé : la rationalité économique à l’ordre du jour
L’Observateur de l’OCDE
Elisabeth Docteur et Howard Oxley
Si les sociétés des pays développés n’ont jamais été aussi bien portantes, elles
n’ont également jamais autant dépensé qu’aujourd’hui pour leurs services de
santé. Cependant, dépenser toujours plus pour la santé ne permet pas forcément
d’atteindre un meilleur état sanitaire. Les Etats-Unis, l’Allemagne ou la Suisse
qui sont les pays qui consacrent aux soins et aux services de santé la part la
plus importante de leurs ressources, n’offrent pas nécessairement de meilleurs
services en ce domaine. Aujourd’hui, quelle que soit la manière dont est
organisée le système, les pouvoirs publics de l’ensemble des pays développés
cherchent, face à la hausse des coûts, à obtenir une meilleure rationalité
économique en matière de santé.
Quelle régulation pour la santé ? Un regard comparatif
La Revue de la CFDT
Bruno Palier
L’analyse du fonctionnement et des réformes des systèmes de santé des pays
développés révèle une augmentation globale des dépenses de santé. Cependant, on
observe que certains d’entre eux parviennent à contrôler cette évolution sans
que pour autant la qualité ou l’égalité d’accès aux soins n’en pâtissent. Le
mode d’organisation et de régulation du système de santé explique ces
différences. Dans le cas de la France, il semble que la difficulté des pouvoirs
publics à déterminer un mode particulier de régulation contribue à l’échec des
tentatives de maîtrise des dépenses de santé.
La réforme française de l’assurance maladie
Lettre de l’OFCE
Gérard Cornilleau et Bruno Ventelou
En France, les pouvoirs publics, confrontés en 2004 à un déficit de l’assurance
maladie de 14 milliards d’euros, ont décidé d’une nouvelle réforme qui devrait
prendre effet le 1er janvier 2005. Celle-ci a écarté tout bouleversement radical
du système de santé. Elle intervient dans trois domaines : la gouvernance du
système, les modalités d’accès aux soins et le financement. Les changements
entrepris à l’hôpital, pour la médecine de ville ou le médicament sont
susceptibles d’améliorer la qualité des soins. Toutefois, la réforme reste
inachevée dans la mesure où elle ne remet pas en cause certains principes
fondamentaux du système de santé qui sont sources de multiplication des
dépenses. Dans ce contexte, Il est probable que les mesures structurelles mises
en place n’auront pas d’impact très sensible à moyen terme. On risque, dès
2007-2008, de parler de nouveau de crise de l’assurance maladie.
La crise du système de santé américain
Les Cahiers du Cercle des économistes
Jacques Mistral et Bernard Salzmann
Le système de santé américain est le plus coûteux au monde. Malgré des
compétences techniques très élevées, il n’obtient que des résultats médiocres :
la mortalité infantile y est la plus élevée des pays développés et l’espérance
de vie la plus faible. Au cours des années 1990, afin de rationaliser le
système, des réseaux de soins intégrés (Managed Care Organizations) se
sont mis en place, puis ont progressivement évolué selon différentes formules.
Cependant, ils n’ont pas permis d’empêcher l’accroissement des dépenses, ni même
d’améliorer la qualité des soins. Aujourd’hui, une nouvelle génération de plans
d’assurance qui cherchent à impliquer davantage le patient dans la maîtrise du
coût de sa propre santé, voit le jour. Parallèlement, l’administration
républicaine a entrepris en 2003 une réforme de l’assurance maladie, en
particulier du programme Medicare. Mais il semble que cette réforme,
telle qu’elle a été conçue par ses partisans, risque d’aggraver davantage une
situation financière déjà préoccupante et, pour ses adversaires, d’ouvrir la
voie à une privatisation de l’ensemble du système de protection sociale.
DEVELOPPEMENT
Analyse des micro-unités et des PME en Afrique sub-saharienne
Techniques financières et développement
Philippe Hugon
Frappées par la crise, les économies d’Afrique sub-saharienne voient les petites
unités de production proliférer. Philippe Hugon analyse les caractéristiques de
ces structures dans lesquelles la frontière entre travail « formel » et «
informel » reste floue. Les petites et moyennes entreprises privées, en
revanche, constituent généralement le chaînon manquant du tissu économique des
sociétés africaines. Le passage du statut de petites unités marchandes à celui
de PME s’avère difficile. Après avoir évoqué les principales raisons de la
faiblesse du tissu de PME en Afrique, l’auteur se penche sur le débat plus large
« marché versus organisation » visant à expliquer l’émergence du
comportement microéconomique entrepreuneurial. Il analyse également la question
de la territorialité des micro-unités et les politiques pouvant être mises en
place. Pour ce faire, l’auteur mobilise les principaux résultats des enquêtes de
terrain menés depuis trente ans.
SCIENCE ECONOMIQUE
Les limites de l’économie de marché
Review of International Political Economy
Richard Nelson
Au cours du dernier quart de siècle, le système d’économie de marché s’est
imposé. Cette forme d’organisation a été érigée au rang de meilleur système de
gouvernance. L’auteur analysant les raisons de cette prééminence, les qualifie
de dogmatiques. Après avoir passé en revue les divers arguments théoriques en
faveur du marché, de la théorie néoclassique standard à l’école autrichienne en
passant par Schumpeter, il met en avant les limites de ceux - ci à travers la
théorie de la défaillance des marchés et du problème des externalités. Mais pour
l’auteur, il importe de pousser plus avant ces théories. Il est ainsi amené à
démontrer que les structures de gouvernance économique sont de nature politique.
UNION EUROPEENNE
La Turquie au tournant
La Lettre du CEPII
Jérôme Sgard, Deniz Ünal Kesenci et Yves Zlotowski
Après l’avis favorable rendu par la Commission européenne, début octobre, à
propos de l’ouverture de négociations d’adhésion entre l’Union européenne et la
Turquie, ce sera au Conseil européen de se prononcer dans le courant du mois de
décembre. Pour la Turquie, qui a réussi à sortir son économie de l’instabilité
chronique qui l’a caractérisée deux décennies durant (de 1980 à la fin des
années 1990), l’ouverture de ces négociations marquerait un véritable tournant.
Elle accélérerait le processus de stabilisation et de réformes amorcé en 1996
avec l’entrée en vigueur du traité d’union douanière signé avec l’UE, traité qui
prévoyait déjà l’adoption d’une partie de l’acquis communautaire. La perspective
de l’adhésion européenne permettrait la modernisation du cadre institutionnel et
l’émergence d’un nouveau modèle de croissance. L’économie turque deviendrait
plus attractive pour les investissements directs étrangers et les transferts de
technologie. Toutefois, pour une économie en développement comme celle de la
Turquie, l’adhésion à une règle du jeu très contraignante - définie par certains
des pays les plus développés au monde - n’est pas exempte de risques et pourrait
déboucher sur une forme d’ « eurosclérose périphérique ».
No
2.863
24 novembre 2004
DOSSIER : L’économie de l’environnement
L’approche économique de la protection de l’environnement
Université de Harvard
Robert N. Stavins
L’intervention publique dans le domaine de l’environnement, notamment quand il
s’agit de la protection environnementale, se justifie par le fait que la
pollution est un cas typique d’externalité, lié à une défaillance de marché. Les
autorités publiques disposent d’un éventail d’instruments assez large : impôts,
licences, normes, interdictions ou permissions. Ces différents instruments
peuvent être évalués du point de vue de l’efficience, mais également de
l’équité. L’évolution de l’opinion publique et politique en matière
d’environnement est spectaculaire : les instruments basés sur le marché sont
aujourd’hui largement connus et acceptés. Mais comme le montre l’exemple des
Etats-Unis, cette tendance ne doit pas automatiquement se solder par un emploi
plus large du critère de l’analyse coûts-bénéfices dans l’évaluation des
réglementations.
Privatiser pour conserver ? Une lecture critique de la nouvelle économie des
ressources
Revue Tiers Monde
Valérie Boisvert, Armelle Caron et Estienne Rodary
La nouvelle économie des ressources ou écologie de marché a émergé aux
Etats-Unis au début des années 1980. Inspirés par les analyses du Public
Choice, ses théoriciens considèrent qu’une gestion durable des espèces et
des milieux naturels ne peut s’accomplir que par la privatisation des ressources
naturelles et leur exploitation dans un cadre marchand. Mais pour les auteurs,
la transformation des préceptes de la nouvelle économie des ressources en
mesures de politique environnementale se heurte à la complexité du réel et à la
spécificité des trajectoires historiques. Face à la résistance des faits et
prisonniers d’un discours idéologique, les nouveaux économistes des ressources
sont contraints, afin de valider leurs hypothèses théoriques, d’arranger la
réalité.
L’évaluation environnementale : l’exemple de la demande de paysage
Cahiers d’économie et sociologie rurales
Mbolatiana Rambonilaza
La méthode de transfert des bénéfices est au coeur du débat sur l’évaluation
environnementale. Quand il s’agit de la demande de paysage, les méthodes
indirectes sont les plus utilisées. Elles s’inspirent de la méthode contingente.
Cependant, l’existence de relations de complémentarité ou de substitution entre
les attributs de la demande nécessite une adaptation de la version standard,
soit en méthode multi-programmes, soit par le recours à la méthode par
expérimentation des choix. L’auteur propose une revue de la littérature
consacrée à ce sujet. L’analyse des résultats montre que les préférences
paysagères dépendent avant tout du contexte naturel, culturel et social des
bénéficiaires, rendant très délicat le transfert des consentements à payer d’un
site à un autre. La recherche d’une fonction de transfert appropriée – par
exemple par une méta-analyse - reste problématique. L’auteur propose quelques
perspectives méthodologiques en conclusion.
Comment agir face au réchauffement climatique ?
Business Week
John Carey et Sarah Shapiro
Les dernières décennies ont été les plus chaudes depuis l’époque où a débuté
l’enregistrement des températures. Presque tout le monde est aujourd’hui
d’accord avec l’idée selon laquelle il est nécessaire d’agir contre ce
réchauffement climatique. Même si les gouvernements de certains pays ne sont pas
encore prêts à prendre des mesures, comme le propose par exemple le protocole de
Kyoto, les entreprises, quant à elles, n’attendent pas. La lutte contre le
réchauffement génère non seulement des débouchés pour des nouveaux produits,
mais également des économies de coût. Mais leur action reste finalement
sous-optimale, car entreprises et citoyens manquent de prévisibilité à long
terme et ne disposent pas des moyens politiques d’un Etat. Peu de pays ont pour
l’instant eu le courage de fixer des objectifs pour les cinqunte prochaines
années, comme l’a fait la Grande-Bretagne qui s’est engagée à réduire ses
émissions de 60 % d’ici à 2050.
Pourquoi des marchés de permis à polluer ?
Regards économiques
Axel Gosseries et Vincent van Steenberghe
Le Protocole de Kyoto ouvre la voie à la mise en place de marchés nationaux et
internationaux de permis d’émission de gaz à effet de serre. Parallèlement en
Europe, une Directive prévoit la mise en œuvre d’un système d’échange de permis
à partir de janvier 2005. Les auteurs se penchent sur le fonctionnement de ces
marchés. Le principe consiste à opérer des réductions d’émission là où le coût
de cette réduction paraît le plus faible. Les Etats-Unis font office de modèle
en la matière. En effet, ces derniers se sont lancés en 1995 dans un programme
visant à réduire les émissions de dioxyde de soufre (S02) responsables des
pluies acides. Au total, ce système fonctionne plutôt bien : les émissions de
S02 dans le pays ont été réduites significativement.
Mondialisation des échanges et environnement
Les Rapports du Sénat
Serge Lepeltier
Parmi les nombreuses critiques adressées à la mondialisation, certaines portent
sur sa responsabilité en matière de dégradation de l’environnement. La
mondialisation des échanges aurait deux conséquences majeures : d’une part,
donner un avantage compétitif aux pays les moins respectueux de l’environnement
- ce qui entraînerait des délocalisations d’entreprises industrielles ou un
recul des normes environnementales dans les pays développés – et, d’autre part,
en stimulant la croissance, conduire à une aggravation insoutenable de la
pollution et des pressions sur le milieu naturel. Pourtant, d’autres analyses
montrent que les effets de la mondialisation sur l’environnement sont complexes
et loin d’être univoques.
Les biens publics mondiaux et le niveau transnational de la régulation
La Lettre de la régulation
Philippe Hugon
Les problèmes environnementaux font partie des phénomènes transnationaux qui
échappent non seulement au monopole de gestion des Etats, mais dépassent
également le cadre des relations interétatiques. Philippe Hugon a forgé pour
décrire ces phénomènes la notion de biens publics mondiaux (BPM). En mobilisant
des acteurs et des forces sociales transnationales, les BPM peuvent être à
l’origine d’une nouvelle régulation internationale. Afin de clarifier le débat,
l’auteur s’interroge sur les différents arguments théoriques qui spécifient les
biens collectifs, communs, publics, mondiaux ou internationaux et étudie les
deux conceptions de la régulation, à savoir une régulation économique en termes
d’intérêts, de règles et de défaillances de marché et une régulation en termes
de conflits de valeurs.
Entreprises : quand l’environnement devient stratégique
Economies et Sociétés
Emmanuelle Reynaud
Les études portant sur le management de l’environnement ont été pour l’essentiel
d’abord consacrées aux raisons du comportement de protection de l’environnement,
puis à la question de la mise en œuvre des politiques de protection et à
l’analyse des liens entre performance financière et performance écologique.
L’auteur propose de s’interroger sur les stratégies environnementalistes des
entreprises, domaine jusque-là particulièrement délaissé. À partir d’une analyse
du secteur des produits biologiques, elle esquisse une typologie faisant
apparaître trois stratégies génériques : l’entreprise idéaliste conduit une
stratégie de niche en accord avec ses valeurs, l’entreprise pragmatique mène une
stratégie de domination du marché, enfin l’entreprise novatrice cherche à se
libérer des standards contraignants et de la relative pénurie des matières
premières de l’agriculture biologique en se positionnant sur le créneau de
l’agriculture raisonnée.
Origines et enjeux de la notation sociale et environnementale
Sociétal
Geneviève Ferone
Le développement durable est depuis quelque temps un thème en vogue. Nombre
d’entreprises récupèrent le concept et les agences de notation « sociales et
environnementales » fleurissent. Geneviève Ferone, fondatrice en 1997 d’Arese -
la première agence française de notation extra-financière dont elle assura la
présidence jusqu’en 2002 -, fait le point sur l’historique de ces agences, de
leur genèse à leur développement. L’investissement socialement responsable et
son outil opérationnel, la notation sociale et environnementale, représente un
jeune marché voué à gagner du terrain. Toutefois, ces agences sont loin d’avoir
acquis la puissance des agences de notation financière. Leurs critères et leurs
méthodes sont encore incertains et leur pouvoir d’influence sur les entreprises
reste limité.
Les firmes face à leur responsabilité environnementale
Revue économique
Sandrine Spaeter
Les risques environnementaux liés à des activités de production des entreprises
ne sont souvent pas sans générer des externalités négatives pour la société. Les
entreprises sont généralement protégées par la règle de la responsabilité
limitée qui ne les rend responsables financièrement d’un dommage environnemental
causé par leurs activités qu’à concurrence de la valeur nette de leurs actifs.
Cette situation peut notamment expliquer la modestie de l’investissement dans la
prévention ainsi que la faiblesse de la demande d’assurance pollution. L’auteur
met en avant les différences entre les types de responsabilité retenus
outre-Atlantique et ceux figurant au niveau européen à travers la convention de
Lugano. A l’aune des théories économiques, elle souligne les avantages et les
inconvénients de la notion de responsabilité étendue.
No
2.864
8 décembre 2004
DOSSIER : L'arme de l'intelligence économique
Les leçons de l'étranger
Accomex
Jean- Daniel Gardère
Certes, le mouvement de globalisation à l'œuvre tend à gommer la notion de
nations, et partant de frontières. Il reste que « l'effet frontière » subsiste.
L'auteur passe en revue la manière dont l'intelligence économique est mise selon
les pays au service de l'influence. Deux grandes tendances se dégagent. D'une
part, le Policy – mix anglo-saxon avec le modèle dominant et exemplaire
américain et d'autre part, les expériences moins dirigistes et beaucoup plus
informelles pratiquées par l'Allemagne, le Japon, l'Espagne ou encore d'Italie.
Ces dernières attestent que des moyens plus modestes que ceux mis en œuvre par
la première économie mondiale sont loin d'être disqualifiants.
Quelques exemples d'affrontements France –
ةtats-Unis
Politique internationale
Ali Laïdi
Au cours des années 1990, l'offensive des sociétés américaines en direction de
la France s'est intensifiée. La CIA (Central intelligence agency) multiplie ses
activités dans les affaires économiques. Des agences de sécurité sont
réorientées vers le renseignement économique. L'auteur revient sur l'affaire
Airbus de 1994 où les Français se sont fait doubler par les services
d'espionnage américains ainsi que sur l'affaire Thomson CSF. Avant le 11
septembre 2001, les ressources financières de la CIA consacrées à l'intelligence
économique atteignaient 40% de son budget total… Par ailleurs, toutes les
directions d'entreprises américaines de dimension technologique internationale
disposent d'une cellule solide en intelligence économique ayant fait preuve à de
multiples occasions de leur capacité à s'infiltrer dans des sociétés françaises.
Dans ce contexte, la France paraît quelque peu à la traîne…
Les enseignements de l'affaire Gemplus
Diplomatie
Nicolas Moinet
En 1988, six ingénieurs de Thomson quittent l'entreprise pour tenter l'aventure
de la carte à puce. Le démarrage de Gemplus est foudroyant. Avec la mise sur le
marché financier quatre ans plus tard, d'une partie des actions de la société
française - aujourd'hui Luxembougeoise - le capital de cette dernière s'ouvre à
de nombreux étrangers. Le fonds d'investissement américain TPG devient ainsi
l'actionnaire principal du groupe. En 2002, le leader mondial des cartes à puces
nomme à sa tête un Américain, administrateur de In-Q-Tel, le fonds de
capital-risque crée par la CIA, chargé de favoriser l'émergence des nouvelles
technologies de l'information intéressant la sécurité nationale. Le savoir-faire
de Gemplus intéresse grandement les Américains. L'auteur montre comment cette
affaire et tant d'autres posent la question de la maîtrise des technologies-clés
pour la sécurité nationale, notamment économique. Face à la puissance
américaine, la France manque de visibilité, et partant, demeure sur une posture
essentiellement défensive.
L'intelligence économique ou l'école de la guerre
Harvard Business Manager
Christian Harbulot
L'auteur montre comment évolue le contenu de l'intelligence économique. La mise
en place d'un système de gestion de l'information performant apparaît
aujourd'hui au cœur du concept. L'émergence, au cours des dix dernières années,
de la société de l'information s'est traduite par une modification de la nature
des affrontements économiques et concurrentiels. Les attaques par le biais de
l'information ont supplanté celles entreprises à travers le renseignement ou le
marketing traditionnel, selon Christian Harbulot. Les campagnes de
déstabilisation d'une entreprise au moyen d'attaques portées contre son image
ont un pouvoir de nuisance important. L'objectif consiste à identifier les
failles et les contradictions d'une entreprise cible, puis à émettre des
informations négatives sur cet adversaire, l'amenant ainsi dans une position où
il sera contraint de se justifier. Les entreprises doivent absolument se doter
de moyens spécifiques pour faire face à cette nouvelle forme de guerre
économique. A cet égard, le modèle français souffre d'un trop grand colbertisme
et d'une culture d'une culture profondément marquée par le colbertisme et d'une
sensibilisation insuffisante aux nouvelle stratégies développées dans le cadre
de la concurrence économique, estime ce spécialiste en Intelligence économique.
Faible mobilisation des réseaux dans les PME - PMI
Humanisme et Entreprise
D. Phanuel
Dans un contexte où la concurrence se fait plus dure, et à l'heure où de
nombreuses grandes entreprises françaises se sont lancées dans la pratique de
l'intelligence économique, l'auteur s'interroge sur la place de cette activité
au sein des PME - PMI. Le concept de réseau interne (dirigeants, salariés,
experts…) et externe ( acteurs de marché et hors marché…) à l'entreprise
apparaît étroitement lié à celui d'intelligence économique. D'après la théorie,
de nombreux acteurs internes et externes devraient être mobilisés. Or, les
résultats d'une étude de terrain menée dans un département français montrent que
les PME- PMI utilisent un réseau externe étendu et un réseau interne restreint
et centré sur le dirigeant qui joue le rôle d'acteur pivot.
No
2.865
22 décembre 2004
DOSSIER : Les inégalités économiques en question
Mondialisation et dynamique des inégalités
Risques
Pierre-Noël Giraud
La question de savoir si la mondialisation est un facteur qui aggrave les
inégalités économiques, tant entre les pays qu’à l’intérieur de chacun d’entre
eux, mobilise de plus en plus les chercheurs. Le résultat qui ressort de la
plupart des analyses sur séries longues est que l’évolution des inégalités –
après une réduction ou stabilisation durant plusieurs décennies – est repartie à
la hausse dans les décennies quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Le rôle de la
mondialisation est ambigu. Elle peut être un facteur favorable au rattrapage
pour les pays pauvres – à condition de disposer de certains atouts comme un Etat
fort et légitime. L’évolution des inégalités est également contrastée au sein
des pays industrialisés. Quant au rôle de l’Etat, l’auteur souligne que si la
mondialisation engendre des tendances inégalitaires internes, il ne faut pas
oublier que les gouvernements disposent toujours de moyens pour les atténuer.
Le double lien entre inégalités et croissance
Conférence AfD-EUDN du 13 novembre 2003 à Paris
Orazio Attanasio et Chiara Binelli
L’analyse du lien entre les inégalités économiques et la croissance est depuis
longtemps un sujet très controversé. Ce débat tient à la diversité des arguments
et au caractère peu concluant des résultats empiriques. Sur le plan théorique,
la relation entre les inégalités et la croissance est double. Elle peut être
positive par le biais de l’épargne individuelle et des incitations à investir.
Mais elle est susceptible également s’être négative. Les inégalités peuvent en
effet être la cause d’une instabilité politique et sociale, d’une charge fiscale
décourageante pour l’investissement ou d’un taux d’accumulation plus faible de
capital humain. Les études empiriques – elles se heurtent à des problèmes
méthodologiques et de qualité des données - sont aussi variées que les arguments
théoriques. Néanmoins, les analyses les plus récentes confortent plutôt
l’hypothèse d’un impact négatif des inégalités de revenus sur la croissance.
L’influence de la technologie sur l’évolution des inégalités
NBER reporter
Daron Acemoglu
L’idée selon laquelle le progrès technologique est un facteur déterminant de
l’évolution des inégalités économiques est aujourd’hui largement répandue. En
effet, le progrès technique favorise l’emploi de personnes plus qualifiées et
augmente la demande de formation. La distribution des salaires serait ainsi
biaisée en faveur des personnes plus formées. Néanmoins, le mécanisme de
substitution ne joue pas toujours en faveur de l’emploi qualifié, comme l’a
montré le XIXe siècle avec le développement des usines et des chaînes de
montage. La révolution technologique qui se propage depuis les années
soixante-dix est cependant d’une autre nature : il s’agit en fait d’un
changement technologique endogène.
Quel est l’apport des indicateurs composites des inégalités et de
développement ?
Premières journées du développement du GRES
Bruno Boidin
La question de la mesure est un sujet central dans l’étude des inégalités.
L’éventail des indicateurs est grand, mais il se réduit si on se cantonne à une
comparaison internationale. Dans ce contexte, le plus connu est certainement
l’indicateur du développement humain (IDH) du Programme des Nations Unies pour
le développement (PNUD). Mais comme tous les autres indicateurs, il est
contesté. Afin de clarifier le débat, l’auteur propose des critères
d’évaluation. Ils portent sur le bien-être, la comparabilité dans l’espace et
dans le temps ainsi que sur l’utilisation de l’indicateur comme outil d’aide aux
décideurs publics. L’auteur conclut qu’à l’avenir, on pourrait songer à combiner
des indicateurs synthétiques du bien-être à des mesures plus sectoriels.
La difficile mesure de la pauvreté en France
Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale
La lutte contre la pauvreté est devenue une des priorités des politiques
économiques et sociales. L’analyse des causes de la pauvreté et de son évolution
nécessite le recours à des informations dont la qualité ne paraît pas encore
satisfaisante, comme l’atteste par exemple la disponibilité encore trop tardive
des données synthétiques en France. Les auteurs proposent la mise en place de
deux indicateurs de pauvreté, l’un tenant compte de l’évolution des seuls
revenus des ménages pauvres, l’autre - plus classique - situant les revenus dans
le cadre de la progression générale des revenus des ménages.
FISCALITE
Les taxes sur les cigarettes sont-elles régressives ?
Economie publique
Raphaël Godefroy
Depuis le début des années quatre-vingt-dix, le prix réel des cigarettes a
presque doublé en France. Plusieurs facteurs explique cette évolution. Le prix
des produits du tabac est fortement influencé par l’Etat et le vote de la loi
Evin en 1991 marque, en matière de politique de santé publique, la volonté de
lutter plus efficacement contre le tabagisme. D’après l’auteur, on observe
qu’entre 1979 et 2000, les dépenses en cigarettes par adulte sont décroissantes
selon les déciles de revenu : si la consommation moyenne du premier décile de
revenu a stagné, celle du dixième décile a baissé. Ces résultats montrent que
les taxes sur le tabac sont un impôt très régressif. Les modèles de consommation
de biens de dépendance expliquent cette régressivité par la corrélation négative
entre la préférence pour le présent et le revenu. En outre, il faut noter que le
discours public d’information des dommages liés au tabac n’est pas parvenu à
sensibiliser les catégories sociales aux revenus les plus faibles : ce constat
indique les limites des mesures fiscales pour lutter contre le tabagisme.
INDICATEURS ECONOMIQUES
Les indicateurs comparatifs de compétitivité
Les Notes bleues de Bercy
Fabrice Hatem
L’actualité économique regorge de publications d’indicateurs de synthèse
destinés à classer les différents pays du monde en fonction de divers critères
tels que la compétitivité, le développement humain, le coût des affaires, etc.
L’auteur recense, dans un premier temps, l’ensemble des indicateurs généralistes
les plus répandus. Puis, il passe en revue les indicateurs plus précis visant à
mesurer l’attractivité comparée des pays du monde pour les investissements
étrangers. Pour finir, il énumère les critiques méthodologiques pouvant être
portées sur ces différents travaux. La qualité des sources, mais aussi le choix
des indicateurs ou encore le mode de calcul de l’indicateur de synthèse sont
analysés successivement.
SCIENCE ECONOMIQUE
Les douze apôtres ou ce que pensent douze prix Nobel d’économie
Handelsblatt
En septembre 2003 à Lindau, sur les rives du lac de Constance, a été organisée
pour la première fois la rencontre de douze lauréats du prix Nobel d’économie.
Ils ont répondu à un questionnaire portant sur les grands problèmes
contemporains et l’avenir de l’économie mondiale. Leur message est plutôt
optimiste : en dépit de la famine, de la pauvreté, du vieillissement, l’humanité
semble capable de maîtriser toutes les crises. Parmi les questions abordées, les
douze lauréats ont par exemple dû se prononcer sur le nom de l’économiste le
plus important du siècle dernier. John Maynard Keynes arrive en tête devant
Milton Friedman, Paul A. Samuelson et Kenneth Arrow.
No
2.866
05 janvier 2005
DOSSIER : L' Inde , l'autre géant asiatique
Les
Réformes économiques des années 1980 et 1990
FMI - Working paper
Arvind Panagaryia
L'Inde parie sur les niches technologiques
La Lettre du CEPII
Sophie Chauvin et Françoise Lemoine
L'Inde n'est pas une nouvelle Chine
Flash CDC - IXIS
Patrick Artus
Un
Nouveau pole mondial de la R&D
The Economist
L'Agriculture indienne à l'épreuve de l'OMC
Le Monde diplomatique
Roland-Pierre Paringaux
Lutter contre les inégalités : La Politique de discrimination positive
Far Eastern Economic Review
Jason Overdorf
Le
Marché de l'immobilier en France
CA Immobilier Conjoncture
Olivier Eluère
Les
Français et Internet
Les 4 pages du SESSI
Raymond Heitzman et Elisabeth Rignols
No
2.867
19 janvier 2005
DOSSIER : Les industries culturelles à l'heure d'internet
L'industrie culturelle dans la tourmente
The Economist
Avec l'augmentation du volume des téléchargements de musique en ligne,
l'industrie du disque est confrontée à un changement de taille. Dans cet
article, The Economist cherche à dégager les grandes lignes des
modifications en cours dans l'industrie du disque. Les majors sont
confrontées à un certain nombre de dilemmes. L'évolution de cette industrie va
dépendre de la position adoptée par ces grandes sociétés face au problème du
piratage. Il reste que la prise de risque, tout autant technologique que
créatif, constitue une condition nécessaire pour que les majors
conservent une position dominante dans l'industrie du disque.
L'impact du P2P sur le marché du disque
Adami
Tariq Krim
Le recul des ventes de CD observé au cours des dernières années est- il
imputable aux échanges de fichiers sur internet ? Le Peer to Peer ou P2P
aurait un impact limité. Les causes sont davantage structurelles, démontre Tariq
Krim. Pour ce faire, ce dernier passe en revue de nombreuses études portant sur
le sujet. Quant à la consommation de musique en ligne, elle, est en train de
connaître une profonde modification. L'auteur distingue les freeriders,
c'est- à-dire ceux pour qui le P2P remplace la consommation de CD des
sampleurs, ceux pour qui, en revanche, le P2P développe la connaissance
musicale et génère une consommation de CD supplémentaires. Le marché du disque
vit actuellement sur l'équilibre entre ces deux populations.
Vers une remise en cause du droit d'auteur ?
Revue d'économie industrielle
Joëlle Farchy et Fabrice Rochelandet
L'avènement des technologies et des réseaux numériques s'accompagne d'une forte
contestation du principe du droit d'auteur ainsi que de sa mise en œuvre. Mais
ils permettent par ailleurs l'émergence de nouvelles formes de protection des
contenus fondées sur un modèle contractuel et non plus réglementaire (droit
d'auteur). Cette forme de protection contractuelle comporte toutefois des
limites. Les technologies de protection de contenus représenteraient surtout une
nouvelle arme concurrentielle aux mains de certains producteurs de contenus. De
fait, ces technologies sont actuellement utilisées par les majors pour
renforcer leurs droits en matière de droit d'auteur, et non pour le remplacer,
estiment les auteurs.
Des remèdes au contournement des droits de propriété intellectuelle…
Cerna- Notes de travail Contango
Olivier Bomsel et Gilles Le Blanc
Le contournement massif des droits de propriété intellectuelle se traduit par un
problème économique de taille : la remise en cause de la « rivalité » des biens,
condition fondamentale du modèle économique de la création, de l'exploitation et
de la distribution des œuvres. En effet, c'est sur cette propriété que reposent
les mécanismes institutionnels du droit d'auteur, de copyright ou de
licences et soutiens. Rétablir la rivalité dans la distribution des contenus
culturels afin de donner les bons signaux d'investissement, revient à rendre
coûteux l'échange. Il s'agit de mettre en place une tarification de l'accès
montant, comme pour la téléphonie. Autrement dit, il s'agit de faire payer
l'accès au consommateur en proportion des fichiers qu'il émet. Parmi les
nombreux avantages d'une telle solution, les auteurs mentionnent la mise en
place d'une distribution légale, donc maîtrisée, respectant les droits de
propriété des contenus.
Mutation du secteur de la location vidéo
DREE-Revue sectorielle
Candice Morrissey
Principale source de revenus de l'ensemble de la filière cinématographique, le
secteur de la vidéo aux
ةtats-Unis
subit de profondes mutations. De nouveaux modèles économiques émergent. En
proposant un abonnement mensuel à tarif fixe, la location d'un nombre illimité
de films par mois avec envoi direct des produits chez le client, Netflix a connu
un vif succès. L'auteure analyse la situation et l'évolution de ce marché où la
concurrence se fait déjà très forte.
SECTEURS ET MARCHES
Le marché du transport aérien
Conjoncture – BNP Paribas
Olivier Bouillé
Comment anticiper les retournements dans le secteur du transport aérien ?
L'auteur montre que les compagnies aériennes sont non seulement sensibles aux
chocs externes mais aussi à la conjoncture économique. Ces retournements peuvent
avoir des répercussions non négligeables sur la rentabilité des compagnies.
L'auteur présente quelques indicateurs avancés ayant pour objectif de donner des
signaux d'alerte sur les retournements de cycles. Des simulations effectuées sur
la base d'un modèle intégrant différentes variables comme les marges
opérationnelles ou les réserves de liquidité permettent de connaître les
évolutions futures de ce secteur.
ECHANGE INTERNATIONAL
Détérioration séculaire des termes de l'échange : réalité ou illusion ?
ةconomie
appliquée
ةtienne
Modeste Assiga Ateba
Les premiers travaux établissant une détérioration séculaire des termes de
l'échange dans les pays en développement datent des années cinquante. Depuis
lors, cette thèse n'a cessé de susciter le débat. En effet, les analyses
généralement avancées ne permettent pas de valider totalement celle-ci et les
traitements économétriques aboutissent parfois à des résultats contradictoires.
ہ
partir du cas des matières premières africaines, l'auteur cherche, à l'aide de
méthodes économétriques dites de correction des erreurs et de co- intégration, à
trancher une fois pour toutes le débat. Pour son étude, il opère une distinction
entre les termes de l'échange des matières premières avec et hors pétrole et
tient compte également de l'appartenance ou non du pays à la zone franc.
SCIENCE
ةCONOMIQUE
Nicholas Georgescu-Roegen ou l'invention de la bioéconomie
Recherches économiques de Louvain
Philippe Dulbecco, Pierre Garrouste
Nicholas Georgescu-Roegen occupe une place à part dans la théorie économique.
Relativement méconnue, son œuvre, dont les débuts remontent aux années cinquante
du siècle dernier, représente néanmoins une contribution essentielle à l'analyse
économique. Il s'agit d'une approche alternative fondamentalement dynamique,
émancipée de la conception mécanique de l'économie et revendiquant un ancrage
dans la thermodynamique. S'inspirant de la biologie évolutionniste, son œuvre
donne une vision nouvelle de la production dans laquelle le problème d'oisiveté
des fonds, c'est-à-dire la rareté du temps, ainsi que la distinction entre
processus irréversible et processus irrévocable jouent un rôle central.
No
2.868
02 février 2005
DOSSIER : LE ROLE DES INSTITUTIONS DANS LE DEVELOPPEMENT
Qualité des institutions et résultats économiques : un lien solide ?
Finances et développement
Hali Edison
De nombreux travaux soulignent l’importance des institutions pour le
développement et la croissance économiques. Concrètement, ils suggèrent en
général que le PIB par habitant est étroitement lié à des différences dans la
qualité des institutions, mesurée par un ou plusieurs indices de gouvernance,
intégrant par exemple la participation des citoyens, la stabilité politique ou
le poids de la réglementation. L’auteur résume une étude du FMI qui cherche à
faire avancer le débat en testant la solidité empirique de ces relations et
revoit les recommandations en matière politique. Globalement, il ressort que
l’effet de l’action des pouvoirs publics semble moins marqué que dans le cas des
institutions.
Finance et croissance : un lien positif sous condition pour les pays en voie
de développement
Economie appliquée
Mohamed Trabelsi
Au plan théorique, le lien positif entre le développement du secteur financier,
la productivité et la croissance peut facilement être démontré. Il s’appuie
surtout sur le canal du crédit et, plus particulièrement, sur le rôle des
intermédiaires dans l’offre de fonds. Les travaux empiriques testant ce lien
vérifient difficilement ces propositions. L’auteur présente une nouvelle analyse
de ce problème. Son principal résultat réside dans le fait que les régressions
en coupe transversale montrent l’effet positif attendu du développement
financier sur la croissance économique, mais cet effet disparaît si la dimension
temporelle est introduite. L’auteur explique ce paradoxe par l’absence d’un
secteur entrepreneurial privé capable de transformer les fonds disponibles en
projets profitables.
Un autre regard sur la gouvernance d’entreprise
Etudes du centre de développement de l’OCDE
Nicolas Meisel
L’essentiel des critères utilisés pour évaluer les institutions de gouvernance
d’entreprise dans les pays en voie de développement s’inspire de l’expérience
des pays anglo-saxons. Mais certaines expériences de développement, comme le
miracle asiatique ou les Trente Glorieuses en France, se sont déroulées à
l’opposé de ce modèle de référence. En s’appuyant sur l’étude du cas français,
l’auteur propose une analyse systématique des mécanismes institutionnels de
production et de partage de la confiance, du pouvoir et de l’information. La
grille de lecture ainsi développée souligne combien il est important de ne pas
analyser les institutions de gouvernance indépendamment de la culture dans
laquelle elles s’inscrivent.
Vers une meilleure perception des institutions
CESifo DICE report
Dani Rodrick
Au sujet du lien entre institutions et développement, l’approche économique
orthodoxe conduit à une forme de réductionnisme centré autour du droit de
propriété : il suffirait de protéger ce droit par des institutions appropriées
et le développement en découlerait automatiquement. L’exemple de la Russie et de
la Chine montre cependant qu’il n
a pas de voie unique pour parvenir à la croissance et à la mise en place de
bonnes institutions. La Russie, bien qu’elle ait rapidement réécrit ses lois
conformément aux prescriptions de l’économie orthodoxe, est aujourd’hui
largement distancée par la Chine en termes d’investissements étrangers. L’auteur
suggère à ce sujet qu’il faut distinguer la stimulation et le soutien de la
croissance.
ہ
court terme, il est rarement nécessaire de procéder à une réforme
institutionnelle de grande ampleur pour impulser la croissance.
Un programme de recherche pour l’économie institutionnelle
CEPREMAP
Robert Boyer
Règles, normes, droits de propriété, coûts de transaction, organisation,
réseaux, etc. : la théorie des institutions ne dispose pas pour l’instant d’un
corpus analytique harmonisé ce qui rend l’économie institutionnelle très
hétéroclite. L’auteur présente quelques-uns des chantiers de recherche consacrés
aux problématiques institutionnalistes : définir avec précision les termes d’une
économie institutionnelle, organiser une confrontation entre les divers
programmes de recherches institutionnalistes et, enfin, tenter d’analyser le
changement institutionnel. Ces propositions permettront peut-être un jour de
mettre au point vers une théorie générale des institutions.
MATIERES PREMIERES
Why this Time the World Economy Can Cope With an Oil Price Shock
Financial Times
Chris Giles, Andrew Balls
Le prix du pétrole a fortement augmenté en 2004 et constitue un réel handicap
pour la croissance mondiale. Néanmoins, les responsables des principales banques
centrales estiment que l’économie mondiale peut échapper à une crise de
stagflation comme celle des années soixante-dix. Plusieurs facteurs confortent
cette analyse. Le principal tient au comportement des banques centrales qui
disposent aujourd’hui d’une véritable crédibilité dans la lutte contre
l’inflation. Il y a trente ans, elles avaient majoritairement réagi par une
baisse des taux, alimentant ainsi la spirale inflationniste. En termes réels,
les prix actuels restent nettement en dessous du plus haut des années
soixante-dix. Par ailleurs, la dépendance des pays industrialisés vis-à-vis du
pétrole est relativement plus faible aujourd’hui.
ECONOMIE DE LA CULTURE
Les enjeux économiques du patrimoine
Pouvoirs locaux
Xavier Greffe
Il y a une dizaine d’année encore, l’apport économique des activités
patrimoniales était considéré comme d’un faible poids et le patrimoine ne
faisait guère l’objet de l’intérêt des économistes. Aujourd’hui, il en va tout
autrement : le lien entre patrimoine et économie est analysé en particulier dans
le cadre des réflexions sur le développement local. Il existe plusieurs manières
d’envisager les retombées économiques du patrimoine, selon qu’on le considère
comme une consommation finale ou intermédiaire. En outre, dans le cadre de
l’amélioration du cadre de vie et de l’image du territoire – notamment pour des
villes ayant connu de graves crises de reconversion –, le patrimoine peut avoir
un effet d’attraction sur la population locale en lui redonnant confiance dans
les perspectives de développement. Il peut aussi favoriser l’implantation de
nouvelles activités.
SYSTEME FINANCIER
La situation des systèmes bancaire et financier dans la zone franc
Banque de France
Les années 1990 ont connu une marginalisation progressive de l’Afrique dans
l’activité bancaire internationale. Malgré l’augmentation en chiffres absolus,
les financements bancaires internationaux en faveur de l’Afrique ont baissé
d’environ 40 % en termes relatifs depuis 1990. Les pays de la zone franc
connaissent la même évolution. Les financements accordés bénéficient
principalement aux importateurs et aux exportateurs et très peu aux banques,
accentuant ainsi la faiblesse des systèmes bancaires de la zone. Afin
d’améliorer l’accès aux services bancaires et au financement, l’UEMOA et la
CEMAC favorisent le secteur de la microfinance. Cette stratégie est également
poursuivie aux Comores.
No
2.869
16 février 2005
DOSSIER : LA R&D A L'EPREUVE DE LA MONDIALISATION
Les critères d'un système de recherche performant
Le Banquet
Olivier Postel-Vinay
A l'aune des indicateurs les plus pertinents pour comparer les performances des
pays engagés dans la compétition scientifique, l'auteur dresse la liste des pays
affichant les meilleures performances en matière de recherche. Il s'agit, d'une
part, de petits pays européens comme la Suisse, la Suède et les Pays-Bas ;
d'autre part, des Etats-Unis et du Royaume-Uni. De nombreuses caractéristiques
en matière de recherche scientifique sont communes à ces pays. La France, elle,
reste à l'écart de ce peloton de tête.
Fuite et circulation des cerveaux : les défis américains et asiatiques
Annales des Mines
Jérôme Fourel
En 2002, les immigrants indiens et chinois ont crées plus de la moitié des
entreprises technologiques de la Silicon Valley. Ce phénomène traduit une
nouvelle étape de la mondialisation. Après celle de la production au cours de la
décennie 1970, la période 2000 - 2010 s'annonce comme celle de la mondialisation
du savoir. Les élites américaines et asiatiques sont engagées depuis 20 ans dans
des logiques très fécondes de co-développement. Des pays comme Taïwan, la Chine
et l'Inde sont devenus centraux. La communauté des ingénieurs et des
scientifiques européens apparaît en revanche absente de ces réseaux d'échanges
privilégiés.
Les entreprises étrangères favorisent la R&D en Allemagne
Economic Bulletin
Heike Belitz
Le processus de mondialisation se traduit par de nombreuses délocalisations.
Qu'en est-il des activités de R&D ? A travers le cas de l'Allemagne, l'auteur
montre que si de nombreuses entreprises allemandes développent leurs activités
de R&D à l'étranger, les multinationales d'origines étrangères, en retour, ne
désertent pas l'Allemagne. Au contraire, la part des activités de recherche des
entreprises étrangères par rapport à la proportion d'investissement direct
étranger est relativement élevé. Les entreprises étrangères ont contribué à un
quart des investissements de R&D en 2001. Les activités de recherche et
développement outre-Rhin apparaissent donc loin d'être menacées.
Le nouveau régime américain de la propriété intellectuelle
Revue d'économie industrielle
Benjamin Coriat
Au cours des vingt dernières années, la propriété industrielle a connu de
profonds bouleversements. A force de décisions jurisprudentielle et législative,
le domaine de la brevetabilité n'a cessé de s'étendre. Les brevets couvrent non
seulement les inventions effectives mais aussi… celles à venir ! Ce nouveau
droit américain va alors par contagion s'imposer comme la norme et
progressivement se diffuser au niveau international, observe l'auteur. De
nombreux effets pervers apparaissent. Accordés sur la base de critères peu
exigeants, les brevets ont alors un effet contraire à ceux attendus. La
protection juridique accordée devient fragile. Par ailleurs, les pénalités pour
les imitateurs étant alourdies, de plus en plus de firmes renoncent à
l'innovation. Au total, estime l'auteur, l'explosion du nombre de brevets au
cours des dernières années aux Etats-Unis ne serait pas nécessairement le signe
d'une vitalité retrouvée…
Biotechnologies et droits de propriété intellectuelle : une réponse théorique
Conseil d'analyse économique
Claude Henry, Michel Trommetter, Laurence Tubiana et Bernard Caillaud
Comment protéger la propriété intellectuelle sans entraver la concurrence ? La
théorie économique offre quelques éléments de réponse. Les auteurs passent en
revue la littérature économique liée à l'application des modèles d'incitation à
la recherche et développement (R&D). A travers le modèle de la course au brevet,
de la coopération ou encore de celui des licences, les auteurs montrent comment
s'articulent valeur sociale et valeur privée d'une innovation.
SCIENCE ECONOMIQUE
Hétérogénéité des croyances, prix du risque et volatilité des marchés
Revue d'économie financière
Elyes Jouini et Clotilde Napp
Les recherches sur l'impact de la divergence d'opinion des investisseurs sur les
prix, les taux d'intérêt et la volatilité des marchés financiers sont peu
nombreuses. Les auteurs analysent ici, à l'aide de différents modèles
théoriques, les conséquences de l'introduction de croyances subjectives
hétérogènes dans le modèle d'équilibre standard. Elles parviennent à mettre en
évidence que la divergence d'opinions conduit à des comportements spécifiques et
que les périodes de forte volatilité informationnelle amènent les marchés à
surréagir par rapport à ce qui est prévu par les modèles usuels, et cela même
lorsque l'on remplace dans ces modèles les anticipations rationnelles par des
anticipations moyennes ou de consensus.
MARCHE DE L'ART
Remarques sur quelques anomalies économiques du marché de l'art
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Jürgen Kaube
L'analyse de la fixation du prix sur le marché de l'art révèle des anomalies
microéconomiques incompatibles avec les lois standards de l'offre et de la
demande. L'auteur recense deux de ces anomalies concernant le marché des
tableaux : 1) les prix ne semblent jamais baisser et 2) le lien étonnement
stable entre taille et prix. L'explication de ces anomalies renvoie aux
particularités du marché de l'art, caractérisé par l'impossibilité du public de
comparer les œuvres et par l'incertitude concernant leur qualité. Afin de
réduire cette incertitude, le marché a créé des institutions comme les galeries,
les musées et la critique d'art. La fixation du prix aurait dans ce contexte une
importance au-delà de la pure fonction économique, car elle permettrait
également de délimiter les missions respectives de ces différentes institutions.
DEVELOPPEMENT
Transferts financiers des migrants : un levier pour le développement des pays
du Sud ?
Techniques financières et développement
Aude Penent
Selon les Nations unies, le nombre de migrants dans le monde a augmenté de plus
de 20 millions de personnes sur 10 ans et concerne aujourd'hui environ 3 % de la
population mondiale. La Banque mondiale, quant à elle, estime que les transferts
financiers de cette population ont représenté 100 milliards de dollars en 2003.
L'auteur analyse l'impact économique et social de ces transferts, qui – malgré
des effets positifs mais également négatifs – contribuent à réduire la pauvreté
dans les pays du Sud. Enfin, deux expériences sont présentées qui tentent de
maximiser les effets positifs des transferts.
No
2.870
2 mars 2005
DOSSIER : PRODUCTIVITE ET TEMPS DE TRAVAIL
Europe-Etats-Unis : un siècle de croissance économique comparée
Revue de l'OFCE
Robert J. Gordon
Partant d'un niveau similaire de productivité et de PIB par tête au milieu du
XIXe siècle, l'Europe n'a cessé de s'éloigner des performances américaines au
cours des siècles suivants. En 1950, la productivité et le PIB par tête en
Europe atteignaient la moitié des niveaux américains. Au cours des décennies
suivantes, les avantages de l'économie américaine ont commencé à s'éroder. Cela,
combiné à la forte baisse du volume de travail, expliquerait le dynamisme des
gains de productivité sur la période et, partant, le rattrapage du niveau de
productivité américain. L'auteur montre qu'une quasi- convergence s'esquisse du
côté de la productivité européenne. Pour autant, celle du PIB reste
incomplète... Au cours de la décennie 1990, et à la différence des Etats- Unis,
l'Europe n'a pas fait l'expérience d'un sursaut de sa productivité. Mais,
l'auteur estime qu'il faut relativiser la performance américaine sur cette
dernière période, la contribution des TIC (technologies de l'information et de
la communication) à l'économie outre-Atlantique ayant été vraisemblablement
exagérée.
Productivité : les Etats-Unis distancent l'Europe dans les années 1990
Futuribles
Gilbert Cette
Au début des années 2000, le PIB par habitant de la France et de l'Union
européenne était inférieur d'environ 25 % à celui des Etats-Unis. L'évolution de
cet indicateur s'explique par différents facteurs comme la productivité horaire,
la durée moyenne du travail et le taux d'emploi. Pour comprendre l'origine de
cet écart de PIB, l'auteur établit notamment une comparaison entre la
productivité horaire « observée » et la productivité horaire « structurelle »
qui est nettement supérieure outre-Atlantique à celle de l'Europe ou du Japon.
Il rappelle que l'accélération de la productivité aux Etats-Unis et son
ralentissement dans l'Union européenne peuvent s'expliquer pour l'essentiel par
le développement et la diffusion plus rapide des technologies de l'information
et de la communication (TIC). Mais, pour que l'effet d'entraînement des TIC soit
optimal, il montre également qu'une certaine flexibilisation sur le marché des
biens et du travail doit accompagner l'augmentation des investissements en la
matière.
Comment mesurer la productivité ?
The Economist
La technique la plus utilisée pour mesurer l'efficience économique n'est pas la
meilleure. Telle est la conclusion présentée par The Economist après une
analyse du concept de productivité et de sa mesure. En effet, l'indicateur le
plus souvent cité - la production horaire par travailleur dans le secteur
industriel – ne reflète que la croissance de la productivité du travail. La
production multifactorielle obtenue en rapportant la production à l'ensemble des
facteurs de production est une mesure plus pertinente. Certes elle est plus
difficile à estimer, mais elle rend les comparaisons internationales plus
fiables et permet d'expliquer une part des gains de productivité américains.
TIC et productivité : une comparaison internationale
Economie internationale
Johanna Melka et Laurence Naymann
En Europe, le débat sur la productivité s'est focalisé sur le retard par rapport
aux
ةtats-Unis en
matière de gains de productivité, mais également d'investissement en
technologies de l'information et de la communication (TIC). Les auteurs
proposent une comparaison internationale permettant d'expliquer la croissance de
la productivité horaire du travail. Sur la période 1995-2001, les résultats
suggèrent que l'usage accéléré des TIC aurait été la source de gains de
productivité environ deux fois plus élevés aux Etats-Unis et au Royaume-Uni
qu'en France et en Allemagne. Dans tous les pays, cette progression a été
particulièrement rapide dans les secteurs producteurs de TIC, mais dans les
secteurs très utilisateurs de TIC (comme la banque et le commerce), ne sont
enregistrés que les gains de productivité des pays anglo-saxons.
La productivité des services est-elle sous-estimée ?
Conseil d'analyse économique
Anita Wِlfl
Au cours des années 1990, dans la majorité des pays de l'OCDE, la croissance de
la productivité est restée plus élevée dans les industries manufacturières que
dans les services. Certaines analyses expliquent ce déséquilibre tendanciel par
des problèmes de mesure. Une des difficultés tient en particulier au mode de
calcul de la valeur ajoutée à prix constants. Cette sous-estimation potentielle
des taux de croissance de la productivité des services a pour conséquence une
modification du poids relatif de la contribution des différents secteurs de
l'économie à la croissance de la productivité agrégée, mais pourrait également
avoir un effet sur la mesure de cette dernière.
Quel lien entre l'évolution de la productivité et de celle de l'emploi ? Le
cas français
Economie et statistique
Bruno Crépon et Richard Duhautois
L'évolution de la productivité au cours des deux cycles de croissance soutenue
(1987-1990 et 1996-1999) a été très différente d'une période à l'autre. A la fin
des années 1990, la productivité du travail a augmenté deux fois moins vite que
dix ans plus tôt. Ce ralentissement est moins marqué dans le cas de la
productivité globale des facteurs. L'analyse de la croissance du taux d'emploi
montre que la part de l'augmentation de la productivité imputable aux
créations/disparitions d'entreprises a légèrement reculé et que la croissance de
l'emploi est davantage due aux embauches réalisées par les entreprises pérennes.
Cet enrichissement en emplois entre 1996 et 1999 donnerait ainsi un caractère
plus « smithien » que « schumpéterien » à la croissance française.
35 heures : une politique économique coûteuse
Flash – CDC Ixis
Patrick Artus et Laure Maillard
Quels sont les effets du passage à la semaine de 35 heures en France ? Le bilan
atteste que la mesure a eu des effets contra-cycliques puissants puisque près de
400 000 emplois ont été créés, estiment les auteurs. Mais au final, cette
politique se révèle être onéreuse : le coût d'un emploi créé est de l'ordre de
grandeur du salaire par tête. Par ailleurs, la mise en œuvre des 35 heures
devrait se traduire par une chute de 2,5 % de la production à partir de la date
de retour au chômage d'équilibre.
L'impact des 35 heures sur l'économie française
Rapport d'information de l'Assemblée nationale
Patrick Ollier et Hervé Novelli
L'économie française peut-elle supporter les 35 heures ? A travers l'audition de
plusieurs personnalités du monde économique et politique, les auteurs du rapport
dressent un bilan plutôt négatif de la mise en place des 35 heures en France.
Certes, la baisse de la durée du travail a généré une hausse de la productivité
horaire, mais cette dernière n'a pas été suffisante pour accroître la
productivité par tête. Au total, de nombreux économistes auditionnés estiment
qu'à long terme, la diminution du temps de travail aurait un impact négatif sur
le potentiel de croissance.
Plus d'argent ou moins de travail ?
Enjeux Les Echos
Valérie Delarce
Depuis 2000, la France et les Etats-Unis connaissent une évolution très
différente de l'utilisation de la richesse produite. Sans conteste, les
Etats-Unis, affichent sur longue période une préférence marquée pour la
production c'est-à- dire, une croissance du PIB soutenue par une consommation
vigoureuse à la fois des ménages et de l'administration ainsi que par un
investissement en équipement très important. Dans le même temps, la France s'est
engagée dans un processus de réduction du temps de travail au détriment de la
croissance. Mais ce choix de société est-il soutenable à long terme ?
No
2.871
16 mars 2005
DOSSIER : LE BRESIL, LES DEFIS D’UNE PUISSANCE EMERGENTE
Un premier bilan de l’action du gouvernement Lula
Problèmes d’Amérique latine
Stéphane Monclaire
Alors que l’élection de Luis Inacio Lula da Silva, candidat du Parti des
travailleurs, à l’élection présidentielle d’octobre 2002, avait soulevé au
Brésil l’immense espoir d’un changement profond – et avant l’élection, les pires
inquiétudes des institutions financières internationales -, les deux premières
années d’exercice du pouvoir ont été marquées par la volonté de maintenir les
grands équilibres macroéconomiques et de relancer la croissance économique. Les
premières réformes structurelles ont été entreprises, comme celle du système de
retraite ou de la fiscalité. En revanche, la politique de réduction de la
pauvreté et des inégalités sociales tarde, en dépit de quelques progrès, à être
mise en œuvre. L’année 2003 qui s’était soldée par une petite récession semble
n’être désormais qu’un mauvais souvenir. En 2004, en effet, les performances
économiques ont été bien meilleures et le Brésil a renoué avec la croissance.
Pourquoi la société brésilienne est-elle si inégalitaire ?
Inequality and Economic Development in Brazil
Banque mondiale
Le Brésil, cinquième pays le plus peuplé au monde, est un des plus
inégalitaires. Les inégalités y sont particulièrement persistantes sur le long
terme, même si on note une légère réduction de celles-ci vers la fin des années
1990. Le pays présente aussi certaines caractéristiques comme l’existence de
fortes inégalités spatiales, ethniques et sexuelles. Parmi les raisons qui
expliquent la permanence des inégalités et leur reproduction, on peut citer :
l’accès à l’éducation, la répartition des terres, la structure du marché du
travail, mais également des facteurs historiques, politiques et culturels, comme
l’esclavage.
Cycle économique, politique monétaire et répartition
Colloque « Régulation sociale et développement. Spécificités et enseignements
du cas brésilien »
Jaime Marques-Pereira
Avec le retour de la croissance, le débat économique porte aujourd’hui, au
Brésil, sur les marges de manœuvre qui permettraient un desserrement de la
contrainte externe par une politique de restriction monétaire et budgétaire et
un approfondissement des réformes microéconomiques. Ce débat est d’autant plus
crucial qu’il pose de manière sous-jacente la question des enjeux distributifs
de la politique monétaire. Du choix de l’endettement international dans les
années 1970 à celui de la stabilité monétaire par la libéralisation économique
dans les années 1990, la politique monétaire opère en effet au Brésil, en
déterminant le cycle économique, une interaction constante entre la contrainte
externe et la répartition des revenus.
Une union monétaire du Brésil et de l’Argentine est-elle réalisable ?
Economie appliquée
Jerôme Trotignon
A la fin des années 1980, l’idée de créer une monnaie commune entre le Brésil et
l’Argentine est lancée. Dix ans plus tard, l’ambition est encore plus grande,
puisque l’hypothèse de la création d’une monnaie unique est cette fois évoquée.
Les bouleversements monétaires auxquels aboutissent la crise du real, puis la
crise argentine – passage au flottement du real et du peso – vont rendre plus
crédible un processus de convergence nominale des deux économies. En 2003, le
principe de la mise en place d’un institut monétaire du Mercosur chargé de la
coordination macroéconomique et des études à mener pour la constitution d’une
union monétaire est approuvé par les membres du Mercosur. Pour savoir si,
aujourd’hui, le projet de création d’une union monétaire entre le Brésil et
l’Argentine est réalisable, l’auteur le soumet à un examen des critères
traditionnels de la théorie des zones monétaires optimales (ZMO) et analyse les
conditions de convergence nominale des deux.
HISTOIRE ECONOMIQUE
Les théories économiques et la crise de 1973
Vingtième Siècle
Lucette Le Van Lemesle
Depuis le XVIIIe siècle, de nombreux économistes ont cherché à comprendre les
crises et partant, à en prévenir leur retour. L’auteur éclaire la crise de 1973
à l’aune des différentes théories qui ont jalonné l’histoire économique : de
Ricardo à Keynes en passant par Marx et les théoriciens néo-classiques. Elle
passe ensuite en revue les différentes théories qui ont émergé avec la crise des
années 1970, notamment de l’école de la régulation avec Robert Boyer en chef de
file.
MONNAIE ET FINANCE
Les déterminants de l’inflation en France
Flash éco – Crédit agricole
Anne Beaudu
Après une décennie environ de désinflation, la hausse généralisée des prix ne
semblait plus constituer un véritable problème. Cependant, suite à la récente
flambée des prix du pétrole qui a fait remonter l’inflation au-dessus de 2 %
dans la zone euro et en France, elle redevient une préoccupation. L’auteur
cherche à clarifier les perspectives d’inflation en France. En rappelant un
certain nombre de liens théoriques (courbe de Phillips, approche par les coûts),
elle construit plusieurs modèles simples de prévisions. De cet exercice,
l’auteur retient l’influence prépondérante des facteurs extérieurs (au premier
rang desquels le pétrole) et le caractère persistant de l’inflation.
SCIENCE ECONOMIQUE
Adam Smith et les contradictions du libre marché
Challenge
Peter Nolan
Certes, Adam Smith fut l’apôtre de la liberté des marchés. Il reste que l’auteur
de la métaphore de « la main invisible » avait également pleinement conscience
des contradictions internes de ces marchés. En effet, l’auteur montre qu’Adam
Smith voyait les conflits de classe comme un phénomène inévitable et doutait que
l’acquisition de biens matériels puisse rendre les hommes heureux. L’analyse du
père de l’économie politique reste plus que jamais d’un recours indispensable
pour comprendre les grandes questions auxquelles le monde se trouve aujourd’hui
confronté.
PACTE DE STABILITE ET DE CROISSANCE
Comment définir les « circonstances exceptionnelles » ?
La lettre du CEPII
Agnès Bénassy-Quéré et Alexis Penot
La réforme du pacte de stabilité et de croissance – prévue depuis près de deux
ans - n’est toujours pas achevée. Une des difficultés auxquelles se heurte la
réforme est la définition de la notion de « circonstances exceptionnelles » qui
autorise les pays membres à dépasser la limite de 3 % du PIB fixée au déficit
public. La définition actuelle est si restrictive qu’elle apparaît virtuelle et
la Commission a proposé de l’aménager. Mais quelle définition pourrait être
adoptée ? Les auteurs discutent plusieurs possibilités moins restrictives et
concluent qu’elles auraient conduit à invoquer les « circonstances
exceptionnelles » dans 20 à 50 % des cas sur la période 1997- 2003.
No
2.872
30 mars 2005
DOSSIER : REGARDS ECONOMIQUES SUR LE DROIT
Common Law ou « droit codifié » : quel système est le plus efficace ?
Sociétal
Bruno Deffains
La mondialisation n’épargne pas les systèmes juridiques. En effet, celle-ci
conduit à une mise en concurrence de systèmes disparates. Incités par les
entreprises dans leur recherche de performance et de sécurité juridique, les
économistes ont commencé à comparer les deux grands systèmes juridiques, à
savoir celui issu de la tradition anglo-saxonne de la Common Law, fondée
sur la jurisprudence et celui des pays de tradition civiliste romano-germanique
(droit codifié). La question centrale est de déterminer lequel des deux systèmes
présente la plus grande efficacité. Ainsi, l’école américaine de l’analyse
économique du droit s’emploie à démontrer la supériorité de la Common Law.
Elle favoriserait notamment le développement des marchés financiers. L’auteur
met en garde contre cette analyse. Il n’est nullement prouvé que la loi civile
soit moins efficace, moins protectrice et moins adaptable que sa concurrente.
Croissance économique et indépendance judiciaire : quels liens ?
European Journal of Political Economy
Lars P. Feld et Stefan Voigt
L’indépendance judiciaire est un élément fondamental pour le bon fonctionnement
de l’économie. Elle réduit l’incertitude et assure la crédibilité des
engagements lors des conflits entre les citoyens, entre les citoyens et le
gouvernement ou entre différentes entités de l’autorité publique. Cependant, le
pouvoir politique ne fait pas toujours le nécessaire pour instaurer
l’indépendance judiciaire. Les auteurs cherchent à tester si celle-ci exerce une
influence sur la croissance économique. Pour cela, ils construisent deux
indicateurs de l’indépendance judiciaire, de iure et de facto. Ils
concluent de leur analyse que la croissance n’est pas influencée par
l’indépendance de iure. En revanche, l’indépendance de facto est
positivement liée à la croissance du PIB.
La diversité des codes de la faillite: le point de vue de l’économie du droit
Document de travail du CREDES
Bertrand Chopard
La législation relative aux procédures de redressement d’entreprises en
difficulté varie considérablement d’un pays à l’autre. Ainsi, par exemple, le
droit de pouvoir soumettre un plan de redressement est attribué aux entreprises
concernées (législation américaine) ou à un professionnel de la faillite
(législation britannique et allemande). D’autres critères de comparaison
concernent la facilité avec laquelle le débiteur peut se placer en redressement
judiciaire ainsi que la prise en compte par le tribunal de privilèges ou
d’accords conclus en dehors du mécanisme judiciaire. En France, contrairement
aux autres pays, le redressement repose presque exclusivement sur le tribunal.
L’analyse comparative aboutit à distinguer les pays dont le régime juridique est
le plus favorable aux créanciers de ceux dont le code est le plus protecteur de
l'entreprise : Grande-Bretagne, Allemagne, Etats-Unis et France.
L’analyse économique et comportementale du droit
Max Planck Institute for Research on Collective Goods
Markus Englerth
Le développement de l’analyse comportementale concerne également l’analyse
économique du droit. L’approche classique se distingue à plusieurs titres de
celle-ci. Ainsi, lors du processus de création et d’application du droit,
l’analyse économique et comportementale du droit (Behavioral Law and
Economics) applique rigoureusement le postulat de la rationalité et de la
recherche de l’avantage personnel à l’ensemble des acteurs. Elle prend également
explicitement en compte différents biais psychologiques pouvant survenir comme
par exemple l’heuristique de disponibilité, l’effet de possession ou l’effet d’a
posteriori.
ہ
travers de nombreux cas, l’auteur montre à quel point la prise en compte de ces
biais psychologiques aboutit à des recommandations juridiques qui sont parfois
très éloignées des pratiques actuelles.
ECONOMIE ETRANGERE
Grandeur et décadence de l’économie argentine au XXe siècle
Informations et commentaires
Charles Lancha
L’histoire économique de l’Argentine est remarquable à plus d’un titre. Au début
du XXe siècle, le pays semblait promis à un destin formidable. Mais rapidement,
les perspectives se sont détériorées et la fin du siècle a été marquée par une
crise sans précédent. Deux données fondamentales sont responsables de cette
évolution. La première concerne le problème de la dette qui est apparu très tôt
: déjà en 1910, l’Etat argentin consacre un tiers de ses ressources au service
de la dette. L’autre tient à l’existence d’une structure oligarchique terrienne
qui s’est transformée au cours du siècle en oligarchie financière. L’auteur
rappelle les principales étapes de l’évolution économique de l’Argentine depuis
1900.
COMMERCE EXTERIEUR
Le commerce extérieur de la France de 1993 à 2002
Le 4 pages du SESSI
Boris Guannel
Entre 1993 et 2002, les échanges en produits industriels de la France ont
enregistré une croissance de 7 % par an en moyenne, alors que du second choc
pétrolier au début des années 1990, ils n’avaient augmenté en moyenne que de 4 %
par an. Cette forte croissance s’explique par l’activité des grands groupes qui
ont su profiter pleinement du dynamisme de l’économie mondiale et de la mise en
place du marché unique européen. Les deux tiers du commerce extérieur de la
France se font au sein de l’Union européenne. Sur la période analysée ici, c’est
avec l’Irlande que les échanges de produits industriels ont le plus rapidement
augmenté. Dans le même temps, l’Espagne est devenue le quatrième partenaire
commercial européen de l’Hexagone. Enfin, on peut noter que le poids dans les
échanges des pays émergents et des pays d’Europe centrale et orientale a crû de
façon considérable.
SECTEURS
La stabilisation du revenu des agriculteurs en Europe et aux Etats-Unis
Economie rurale
Florence Jacquet, Wallace E. Tyner et Allan W. Gray
L’objectif central des politiques agricoles en Europe comme aux Etats-Unis est
de protéger les agriculteurs du risque de fluctuation de leur revenu. Si les
moyens privilégiés pour y parvenir différent des deux côtés de l’Atlantique, ils
s’avèrent tous d’une remarquable efficacité. On peut observer que le niveau
global du soutien est fortement lié au niveau du prix mondial. L’Organisation
mondiale du commerce (OMC) n’est pas opposée à cet objectif de stabilisation du
revenu des producteurs à condition, toutefois, qu’il soit réalisé à l’aide
d’instruments conformes à l’esprit de l’accord de Marrakech. Or, ce n’est pas le
cas, jusqu’à présent, des principaux instruments utilisés par l’Union européenne
et les Etats-Unis.
Problèmes économiques
No 2.873
13 avril 2005
DOSSIER : LES NOUVELLES TENDANCES DU MANAGEMENT
Manager les
compétences pour stimuler l'engagement individuel
Bref-Cereq
Sylvie Monchatre
Dans un contexte de recherche accrue de compétitivité, la notion de compétence
en entreprise ne cesse de se développer. Le management des compétences consiste
à stimuler l'engagement des salariés dans leur contribution à la performance
collective. Dès lors, comment ces compétences sont-elles gérées au sein des
entreprises ? Comment l'encadrement concilie-t-il à la fois mobilisation et
équité ? Enfin, quelles en sont les retombées sur les salariés en termes de
mobilité ? Telles sont les questions auxquelles l'auteur fournit un éclairage.
L'évolution du management dans l'économie de la connaissance
Humanisme et entreprise
Joanna Pomian et Claude Roche
Dans un contexte où la connaissance revêt de plus en plus d'importance, on
assiste à une dualisation des modes d'organisation du travail. La connaissance
se développe dans l'entreprise selon des modalités particulières qui se greffent
sur l'organisation « régulière » du travail sans toutefois sý substituer. Il en
découle, selon les auteurs, la nécessité de mettre en place un nouveau
management, adapté à cette dualité. Il s'agit d'ajuster l'organisation des
équipes à la dynamique de la connaissance afin que l'entreprise en tire le
meilleur bénéfice, tout en veillant à maintenir l'équilibre entre
l'investissement de chaque salarié dans « le travail de la connaissance » et le
temps consacré aux activités « classiques » de production.
Salariés peu performants et syndrome d'échec programmé
L'Expansion Management Review
Jean-François Manzoni et Jean-Louis Barsoux
A la suite de travaux de terrain menés sur une dizaine d'années, les auteurs
distinguent deux grands types de salariés : les meilleurs éléments et les
collaborateurs « les moins performants » (CMP). Ils montrent comment certains
employés demandent à leur hiérarchie une énergie et une attention très soutenue
et, au final, peu efficace. En effet, pour gérer les collaborateurs « les moins
performants », beaucoup de dirigeants s'appuient sur une méthode qui, au lieu
d'améliorer la situation, la détériore. Ce paradoxe est qualifié de syndrome de
l'échec programmé.
La rémunération au mérite : mode ou nécessité ?
Les cahiers du groupe Bernard Brunhes
Anne de Bayser, Valérie Georgeault et Pierre Maréchal
Face à l'émergence du concept de compétence, le mécanisme de rémunération
évolue. De plus en plus, les grilles associant des critères de qualification et
d'ancienneté sont abandonnées au profit de systèmes de rémunération de plus en
plus individualisés. En effet, la rétribution des compétences récompense les
qualités du salarié. Quant à la rémunération au mérite, elle se définit comme
une augmentation de salaire individuelle fondée sur la performance du salarié.
Les auteurs soulignent les limites de ce système et montrent que les outils
d'évaluation ne peuvent pas prendre en compte l'ensemble des objectifs à
atteindre. Au total, la diffusion massive dans les entreprises françaises de
pratiques formalisées d'appréciation, le plus souvent fondées sur une démarche
objectifs/performances, s'est révélée généralement peu satisfaisante.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
Démystifier la sous-traitance
Finances et développement
Mary Amiti et Shang-Jin Wei
En 2004, la sous-traitance de services, accusée d'entraîner des pertes d'emplois
dans les pays développés, a fait l'objet d'une intense médiatisation, en
particulier aux États-Unis. Si elle se développe en effet rapidement, la
sous-traitance de services ne représente encore qu'une faible part du produit
intérieur brut (PIB) des pays industrialisés. Il ne s'agit pas, par ailleurs,
comme le laissent souvent penser certains observateurs, d'une opération
déséquilibrée entre le Nord et le Sud. En réalité, compte tenu de leur poids
économique, les pays industrialisés ne sous-traitent pas davantage que les pays
en développement. Enfin, les analyses montrent que la sous-traitance de services
n'entraîne pas un recul de l'emploi global : lorsque des emplois sont perdus
dans certains secteurs, ils sont compensés par la création d'autres emplois dans
les branches les plus dynamiques de l'économie.
Wicksel, Lindahl et la théorie des biens publics
Scandinavian Journal of Economics
Joaquim Silvestre
Wicksell et Lindahl ont consacré l'essentiel de leurs travaux à la question des
biens publics et à l'analyse des décisions de la puissance publique. Leurs
recherches, complémentaires, sont considérées à la lumière des dernières
avancées de la théorie économique. L'auteur présente les idéaux normatifs qui
étaient ceux de ces deux économistes et la difficulté à les atteindre. Leur
approche de la négociation politique est analysée à l'aune de concepts plus
récents, qui occupent une place centrale dans la théorie économique
contemporaine.
L'essor des accords de libre-échange en Asie
Accomex
Christian Milelli
Pendant longtemps, l'Asie est restée à l'écart des dynamiques du libre- échange.
Depuis le début des années 1990, la situation a commencé à changer avec
l'augmentation du nombre d'accord commerciaux enregistrée, notamment depuis
1995. Ainsi, 250 accords de libre-échange avaient été notifiés à l'Organisation
Mondiale du Commerce (OMC) à la fin de 2002. Cependant, la plupart de ces
accords ont un caractère bilatéral, ce qui conduit à s'interroger sur
l'existence de véritables zones économiques régionales en Asie.
Problèmes économiques
No 2.874
27 avril 2005
DOSSIER : LA FISCALITE LOCALE EN DEBAT
Un système de
financement obsolète
Revue française de finances publiques
Luc Saidj
Avec le processus de décentralisation, initié au début des années 1980, les
finances publiques locales ont connu de nombreuses modifications. Les transferts
de compétence opérés par l'Etat au profit des collectivités territoriales ont
entraîné une augmentation des charges qui n'a fait qu'accentuer l'inadaptation
de leur système de financement. L'obsolescence de leur système de ressources a
conduit l'Etat à augmenter considérablement ses dotations financières. Ce
phénomène est venu de surcroît souligner l'affaiblissement progressif de
l'autonomie financière des collectivités territoriales. Dans le même temps, on a
assisté au cours des vingt dernières années à une modernisation des techniques
financières et à une adaptation des contrôles, avec notamment la création des
chambres régionales des comptes. Ces transformations n'ont cependant pas
bousculé le traditionalisme de l'appareil financier qui aujourd'hui apparaît
inadapté.
Les finances locales françaises : une comparaison européenne
Journal des Économistes et des Études humaines
Olivier Verheyde
Le système infranational français présente plusieurs caractéristiques qui le
distinguent des autres pays européens, notamment le nombre plus élevé de niveaux
administratifs locaux et de collectivités. Les dépenses locales y sont par
ailleurs relativement faibles comparées au reste de l'Europe. En 2000, elles ont
représenté 9,2 % du PIB contre 13,9 % en moyenne dans l'Union européenne (UE).
En outre, la France, avec une autonomie fiscale très élevée et un poids
financier faible, fait figure d'exception – hormis le cas particulier des pays
scandinaves - par rapport au modèle européen des finances locales caractérisé
par une certaine faiblesse de l'autonomie fiscale et du poids financier des
administrations locales. Enfin, la situation financière des collectivités
locales françaises est marquée par une grande hétérogénéité en raison d'une
forte inégalité des ressources fiscales que le système de péréquation de l'Etat
ne parvient à compenser que partiellement.
Quelle réforme de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle ?
Pouvoirs locaux
Alain Guengant
La réforme probable de la taxe professionnelle en 2006 pourrait n'être que la
première étape d'un chantier beaucoup plus vaste qui est celui d'une réforme
d'ensemble de la fiscalité locale française. Celle-ci est en effet marquée par
de nombreux déséquilibres, que ce soit entre contribuables avec la dualité des
régimes d'imposition de la taxe d'habitation ou de la taxe professionnelle,
entre collectivités locales avec l'existence de fortes inégalités territoriales
des bases ou encore entre administrations publiques avec le creusement du
déficit de l'État en raison, entre autres, des allégements d'impôts locaux. En
dépit des mesures adoptées jusque-là, comme les exonérations ou les
dégrèvements, et faute d'une réforme des bases, les pouvoirs publics ne sont pas
parvenus à stabiliser durablement le système fiscal local. L'auteur esquisse ici
quelques scénarios de réforme de la taxe d'habitation et de la taxe
professionnelle.
Décentralisation fiscale et croissance économique : existe-t-il un optimum ?
Economic Bulletin - DIW
Ulrich Thiessen
Depuis une trentaine d'années, on observe dans les pays développés de l'OCDE un
mouvement de convergence en matière de décentralisation fiscale. Il n'est pas
aisé de déterminer jusqu'à quel point celle-ci est susceptible de favoriser la
croissance économique ou au contraire de l'handicaper. Il existe en effet un
certain nombre d'arguments théoriques en faveur ou en défaveur de l'une ou de
l'autre thèse. L'auteur présente ici les résultats d'une étude empirique - menée
sur plusieurs pays à hauts revenus de l'OCDE - qui cherche à déterminer s'il
existe en matière de croissance un degré optimal de décentralisation.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
SCIENCE ECONOMIQUE
L'analyse économétrique de la délinquance
Revue française d'économie
Denis Fougère, Francis Kramarz et Julien Pouget
Depuis les travaux menés à la fin des années soixante par Gary Becker sur la
criminalité et la délinquance, les économistes ont été de plus en plus nombreux
à investir le champ de la criminologie. La plupart des recherches visent à
tester la validité du modèle introduit par Becker. De nombreux travaux ont ainsi
cherché à évaluer l'impact du taux de chômage sur la criminalité. Les auteurs
présentent ici les principaux résultats d'une étude qui porte sur le lien entre
chômage des jeunes et délits enregistrés dans les départements français au cours
de la dernière décennie.
IMMOBILIER
Comprendre la hausse du prix des logements anciens
Insee Première
Martine Beauvois
Le prix des logements anciens a progressé de 70 % entre 1998 et 2004. Ce
mouvement touche l'ensemble de la France et se traduit pour les acheteurs par
une perte de pouvoir d'achat et le rallongement de la période d'endettement.
Plusieurs arguments sont couramment avancés pour expliquer cette hausse :
l'accroissement du nombre de ménages, la faiblesse de l'offre, ainsi que le fait
que l'intérêt s'est détourné de la bourse pour se porter sur les valeurs
mobilières. L'auteur reprend un à un ces arguments et conclut qu'aucun ne
résiste à une analyse approfondie.
ENTREPRISES ET MARCHES
L'émergence du concept d'entreprise sociale
Reflets et Perspectives de la vie économique
Jacques Defourny
L'auteur montre que le concept d'entreprise sociale est en nette progression
dans de nombreux pays et ce, aussi bien aux Etats-Unis qu'en Europe. Au cours de
la décennie 1990, de nombreux programmes de formation et de soutien aux
entreprises sociales ont vu le jour. Sur le Vieux continent, le pas le plus
important a été franchi par le Parlement italien au début des années 1990. C'est
un peu plus tard, à partir de 2002 que le gouvernement britannique a décidé de
promouvoir les entreprises sociales. Ce troisième secteur se développe pour
répondre à des besoins auxquels ni le secteur privé classique, ni l'Etat ne
peuvent donner une réponse satisfaisante. L'auteur dresse un état des lieux de
ce nouveau rapport au marché.
No
2.875
11 mai 2005
DOSSIER : FECONDITE ET INCITATIONS FINANCIERES
Conciliation
entre vies professionnelle et familiale et renoncement à l'enfant
Revue de l'OFCE
Gilbert Cette, Nicolas Dromel et Dominique Méda
La question du lien entre fécondité et taux d'activité des femmes, qui a déjà
suscité de nombreuses études, est analysée ici à partir des réponses à une
enquête IPSOS-Chronopost de 2003. Les résultats sont les suivants : les
personnes qui renoncent le plus fréquemment à avoir un enfant sont les jeunes,
les femmes (sans doute parce que ce sont elles qui doivent assumer la plus
grande part des tâches familiales) et les salariés sans enfants. Par ailleurs,
il ressort que plus la catégorie socioprofessionnelle est élevée, plus les
salariés se déclarent concernés par des problèmes organisationnels ou
logistiques. Mais en même temps, la contrainte financière joue un rôle
important, car plus le revenu est important, moins les salariés renoncent à
avoir un enfant.
Les coûts d'opportunité des enfants : une comparaison Japon- France
Innovations - Cahiers d'économie de l'innovation
Anne Bustreel, Tomo Nishimura
En matière de fécondité et de taux d'activité des femmes, tout oppose le Japon
et la France. Le Japon se caractérise par de faibles taux de fécondité et
d'activité professionnelle des mères, tandis qu'en France, ces deux chiffres
sont élevés. Les auteurs tentent d'expliquer ce décalage en s'appuyant sur un
travail économétrique qui mesure le coût d'opportunité d'un enfant. Il ressort
qu'une Française ayant un enfant doit renoncer à 2 % de ses revenus salariaux,
tandis que le revenu d'une Japonaise est amputé de 72 % ! Une division des
tâches nettement plus rigide au sein des ménages japonais explique, entre autres
facteurs, cette situation.
Incitations financières et ménages avec enfants : une comparaison européenne
CESifo DICE Report
Rüdiger Parsche et Rigmar Osterkamp
Les instruments financiers occupent une fonction centrale dans les politiques
familiales. Traditionnellement, deux instruments sont utilisés: les allocations
familiales d'un côté et les exonérations et déductions fiscales de l'autre. Les
auteurs présentent un panorama des dispositifs en Europe. La France se distingue
surtout par l'originalité de sa politique en la matière car elle est le seul
pays à pratiquer un système de quotient familial. Généralement, on accorde un
forfait déductible du revenu imposable. En ce qui concerne le niveau absolu du
soutien, il s'avère que l'Allemagne - malgré son faible taux de natalité -
dispose du système le plus généreux financièrement.
Le quotient familial a-t-il stimulé la natalité française ?
Economie publique
Camille Landais
En France, l'impôt sur le revenu - grâce au système du quotient familial - joue
un rôle déterminant dans la politique de soutien aux familles. Mais quelle est
son influence réelle sur la fécondité ? L'auteur étudie cette question à partir
de la méthode des expériences naturelles , à savoir l'instauration en 1980 d'une
part entière pour le troisième enfant et le plafonnement des effets du quotient
familial en 1981. Les résultats suggèrent que l'impact de ces incitations
fiscales est positif mais toujours extrêmement faible. Par ailleurs, les effets
sont très lents à se diffuser (5 à 10 ans) et dissymétriques en fonction du rang
de naissance et du revenu : la sensibilité aux incitations fiscales croît en
fait avec le revenu.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
MONDIALISATION
L'altermondialisation : essai d'évaluation
Commentaire
Henri Bourguinat
Depuis la fin des années 1990, le mouvement altermondialiste ne cesse de
progresser. La contestation, même si elle rassemble des pays ou des groupes aux
intérêts divergents, est désormais suffisamment structurée pour parvenir à faire
échouer, comme à Cancun en septembre 2003, les grandes négociations commerciales
internationales. Au fil des ans, le mouvement a vu sa doctrine évoluer, la
rhétorique antimondialisation des débuts a cédé la place à un discours en fin de
compte porteur d'espoir : celui de l'altermondialisation. Pour l'auteur, si les
dérives graves de la libéralisation du marché des biens et des capitaux
dénoncées par les altermondialistes sont indéniables, les solutions qu'ils
proposent pour les résoudre sont le plus souvent marquées du sceau de
l'irréalisme. Il reste toutefois convaincu, à condition qu'il se transforme
radicalement, de l'importance du rôle que peut jouer le mouvement
altermondialiste dans la définition de nouveaux mécanismes de régulation de
l'économie internationale.
SCIENCE ECONOMIQUE
L'univers professionnel des économistes
Kyklos
Tom Coupé
La profession d'économiste présente des caractéristiques qui lui sont propres.
L'auteur montre en effet que s'agissant de la longueur des délais de
publication, de la préférence marquée des évaluateurs des revues académiques
pour leurs collègues les plus proches, de l'énumération systématique des
co-auteurs dans l'ordre alphabétique, ou encore de la pratique de plus en plus
fréquente de la signature de publications à plusieurs, les particularités ne
manquent pas. Certaines statistiques concernant la profession d'économiste
peuvent servir à l'étude de cette dernière mais aussi à tester des théories
économiques portant sur le marché du travail académique ou sur l'influence de
l'enseignement. Les différents travaux d'économistes qui ont pour objet d'étude
les économistes eux-mêmes et leur comportement sont passés en revue.
ECONOMIE INTERNATIONALE
Les produits alimentaires peuvent-ils êtres des biens universels ?
Paysans
Marie-Anne Frison-Roche
Certains biens nécessaires à la vie devraient pouvoir échapper aux lois du
marché et faire l'objet d'une régulation qui garantisse à tous leur accès.
L'auteur propose un mécanisme collectif et automatique qui respecte le
libre-échange et l'ordre concurrentiel mais qui comporte un dispositif de
régulation. De plus, certains biens étant nécessaires à la vie, pourquoi ne pas
classer les biens selon leur usage, ce qui permettrait d'en exclure quelques-uns
du système marchand pour en faire des biens publics mondiaux accessibles
gratuitement.
No
2.876
25 mai 2005
DOSSIER : TAUX DE CHANGE ET ECONOMIE : QUELLES RELATIONS ?
Une économie du
change réel dans une économie mondialisée
Revue d'économie politique
Gérard Lafay
Dans une économie mondialisée, le taux de change réel résulte de deux relations
de sens contraire : d'une part, la demande intérieure détermine le taux de
change réel qui en retour assure l'équilibre du solde extérieur global. D'autre
part, le taux de change réel a un effet sur l'évolution de la demande
intérieure. Ces deux relations interagissent. Elles aboutissent à un équilibre
qui n'est pas forcément de plein emploi. Au total, la monnaie est loin d'être
neutre. L'auteur poursuit son analyse en étudiant plus spécifiquement la
politique monétaire menée par le Banque centrale européenne.
Dollar et croissance
Flash CDC Ixis
Patrick Artus
Quels sont les liens entre la faiblesse actuelle du dollar et le niveau de
croissance dans les différentes régions du monde ? Patrick Artus montre que la
thèse répandue aux États-Unis consistant à dire que c'est l'insuffisance de
croissance en dehors des États-Unis qui expliquerait le déficit commercial
américain et partant, l'affaiblissement du dollar, ne tient pas. En effet, les
Américains enregistrent des déficits commerciaux importants avec des régions en
croissance plus importante que celle des États-Unis. Pour l'auteur, la causalité
est inversée : c'est la dépréciation du dollar qui explique en grande partie la
faiblesse de la croissance dans certaines parties du monde - notamment dans la
zone euro - , et non l'inverse. Il reste que si la croissance asiatique était
plus faible, le dollar en serait encore plus affaibli….
Indicateurs de crise de change : enseignements théoriques
CA Flash Eco
Arnaud Latinier
La décennie 1990 et le début des années 2000 ont été marqués par de nombreuses
crises de change, qu'il s'agissent des crises du SME, des crises mexicaine,
asiatiques, russe, brésilienne, turque ou argentine. Des études montrent que sur
la période qui court de 1973 à 1997, la probabilité de crise est près de deux
fois plus fréquente qu'au cours de la période des accords de Bretton Woods
(1945-1971) et de l'étalon-or (1880-1913). L'auteur dresse une typologie des
modèles théoriques de crises de change. Ces dernières sont entendues au sens de
variation significative et non anticipée du taux de change. Alors que la
première génération explique les crises de balance des paiements en Amérique
latine par plusieurs variables : les réserves de change, le crédit intérieur, le
déficit budgétaire et l'inflation anticipée, la deuxième génération explique les
crises de change du SME par les anticipations des agents. Enfin, la troisième
explique les crises mexicaines et asiatiques par des variables financières.
Instabilité, contagion et taux de change
Intereconomics
Ansgar Belke et Ralph Setzer
La littérature sur les taux de change est abondante. Mais les points de vues sur
la formation et la transmission des crises ne fait pas l'unanimité. Les auteurs
de cet article se penchent plus particulièrement sur le rôle des comportements
moutonniers, sur la crise de contagion financière et partant, sur la très forte
volatilité des taux de change qui en résulte. Cela n'est pas sans conséquences
sur les économies concernées. En effet, les épisodes de volatilité extrême des
taux de change peuvent avoir des effets macroéconomiques très négatifs,
notamment sur le marché du travail de ces pays.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
Le dérapage contrôlé des finances publiques de la France
La Revue du Trésor
Bertrand Blancheton
Alors que depuis plus d'une vingtaine d'années, le discours économique dominant
prône la réduction ou la stabilité des dépenses publiques et des prélèvements
obligatoires, on observe dans les faits la permanence de la pratique du déficit
budgétaire et l'augmentation de l'endettement public. L'auteur montre que la
faiblesse empirique de l'argumentaire macroéconomique libéral à propos des
effets négatifs supposés du déficit budgétaire et l'efficacité du jeu des
stabilisateurs automatiques – au sein de l'Union européenne, la France ne
dispose plus en effet pour faire face au ralentissement de l'activité que du
seul outil budgétaire – expliquent cette situation paradoxale.
Les estimations de l'écart de production sont-elles fiables ?
Bulletin mensuel de la Banque centrale européenne
Banque centrale européenne
L'output gap peut être défini de façon très générale comme l'écart entre
le PIB réel et son niveau potentiel. Il s'agit d'un concept souvent utilisé,
surtout dans une perspective de court et moyen termes, par exemple en matière de
politiques d'emploi ou afin d'obtenir la décomposition du déficit public en
parties conjoncturelle et structurelle. L'indicateur fournit en effet une
information synthétique sur les capacités de production inemployées dans
l'ensemble de l'économie et donc, pour peu que les évolutions cycliques soient
suffisamment régulières, sur l'évolution la plus probable de l'activité.
Cependant, le calcul de l'écart de production est lié à un certain nombre de
problèmes méthodologiques et statistiques considérables qui font que son
estimation est particulièrement incertaine.
A la recherche de l'organisation idéale
La revue des Sciences de gestion
Christophe Assens et Alessandro Baroncelli
Des travaux de recherche en organisations se penchent sur les frontières de
l'entreprise. Ainsi, Williamson (1991) propose d'établir une distinction très
nette entre une entreprise intégrée, le marché et une situation intermédiaire
qualifiée de hybride. Les auteurs montrent qu'il n'est pas toujours pertinent
d'utiliser une classification des entreprises par rapport à des idéaux-types
organisationnels qui apparaissent en décalages avec la réalité économique. Il
apparaît alors utile de dépasser la vision photographique de l'état d'une
organisation et de se rapprocher d'une conception dynamique fondée sur le
changement d'état. Les auteurs proposent alors une grille de lecture fondée sur
le principe de l'enchevêtrement organisationnel.
No
2.877
8 juin 2005
DOSSIER : LIBRE-ECHANGE ET DELOCALISATIONS : LE DEBAT REBONDIT
Quand Samuelson revisite les théories classiques de Ricardo et de Mill
Journal of Economic Perspectives
Paul A. samuelson
La théorie ricardienne des avantages comparatifs est l'argument fondamental des
défenseurs du libre-échange, qui concluent que l'ouverture des frontières
apporte à long terme des avantages pour tous les pays qui la pratiquent. Certes,
certains groupes ou secteurs peuvent, au moins temporairement, subir des pertes
en termes absolus, mais celles-ci sont toujours plus que compensées par le gain
de pouvoir d'achat de l'ensemble des agents économiques, profitant de biens
moins onéreux. Aujourd'hui, face à l'accélération de la mondialisation et
notamment aux conséquences de la place grandissante de la Chine dans le commerce
mondial, les Etats-Unis et d'autres pays développés ont commencé à douter des
bienfaits du libre-échange. Paul A. Samuelson reprend ce débat à travers
l'analyse de plusieurs configurations des relations sino-américaines dont au
moins une suggère que les avantages ne sont pas toujours du côté des Etats-Unis.
Bhagwati et al. repensent les délocalisations et défendent la
globalisation
Journal of Economic Perspectives
Jagdish Bhagwati, Arvind Panagariya et T. N. Srinivasan
Le débat - que ce soit aux Etats-Unis ou ailleurs - autour de la mondialisation
se focalise de plus en plus sur la notion de délocalisation (ou externalisation
comme on disait encore récemment), soumise ici à une analyse approfondie.
Partant d'une définition claire - l'échange de services à distance - les auteurs
rejettent la plupart des craintes formulées à l'encontre des délocalisations.
Notamment en termes de pertes d'emploi, leur analyse est sans ambiguïté : non
seulement le nombre total d'emplois américains délocalisés est très faible, mais
les Etats-Unis n'ont pas non plus à craindre de pertes significatives d'emplois
qualifiés. Par ailleurs, sur le plan théorique, les phénomènes en question ne
bouleversent en rien les schémas traditionnels de l'échange international. Les
auteurs défendent notamment la thèse selon laquelle le commerce de services
n'est qu'une forme spécifique d'échange qui ne se différencie pas des principes
classiques.
Désindustrialisation, délocalisations et marchés financiers : l'économie
réelle sous influence
Conseil d'analyse économique
Dominique Namur et Jean-Louis Truel
Les analyses concernant les effets de la désindustrialisation et des
délocalisations ne doivent pas, selon les auteurs, être limitées aux
conséquences de ces phénomènes sur l'emploi. Ils rappellent par ailleurs le lien
étroit entre l'internationalisation de la production industrielle et celle des
marchés financiers. Ainsi, les délocalisations ne sont qu'une manifestation de
l'autonomie croissante de la localisation industrielle par rapport à l'épargne.
Toute reconversion du tissu industriel dépend étroitement de l'efficacité des
marchés financiers et de l'industrie de la finance. Les Etats-Unis disposent
dans ce contexte d'un avantage comparatif important face à des marchés
financiers internationaux normés essentiellement selon les standards américains.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
PROTECTION SOCIALE
Contrevérités sur le départ à la retraite
Revue d'économie politique
Pierre Pestieau
L'âge de départ à la retraite constitue un élément central de nombreuses
politiques de réforme des retraites. L'auteur présente et discute une dizaine
d'énoncés fréquemment utilisées dans ce débat, comme par exemple, le lien
supposé positif entre mise à la retraite des travailleurs âgés et l'accès à
l'emploi des jeunes chômeurs ou la supposé pénalisation des moins qualifiés par
toutes les politiques visant à relever l'âge de la retraite. L'auteur montre que
ces affirmations sont erronées ou à tout le moins discutables.
DEVELOPPEMENT
La contribution des politiques de santé au développement durable
Mondes en développement
Stéphane Tizio
Depuis les années 1990, les organisations internationales ont mis l'accent sur
le rôle primordial que jouent dans le développement durable les systèmes de
soins et les politiques de santé. Les analyses économiques ont en effet montré
depuis fort longtemps que l'état sanitaire d'une population est un facteur
déterminant de la croissance économique à long terme et du développement humain.
Aussi, la commission Macroéconomie et santé de l'Organisation mondiale de la
santé (OMS) préconise-t-elle, depuis plusieurs années, une augmentation
substantielle de l'aide fournie par les bailleurs de fonds bilatéraux et
multilatéraux, afin de soutenir de manière plus efficace les politiques
sanitaires mises en œuvre dans les pays en développement.
MONNAIE
Vers une nouvelle union monétaire en Afrique de l'Ouest ?
La Lettre du CEPII
Agnès Bénassy-Quéré
Le lancement de l'euro a contribué à stimuler dans d'autres régions du monde les
projets d'union monétaire. Celui qui jusque-là était le plus avancé est celui de
la seconde union monétaire ouest-africaine rassemblant cinq pays d'Afrique de
l'Ouest non-membres de l'Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA).
Ces pays n'appartiennent pas à la zone franc, mais sont membres de la Communauté
économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Le projet a conduit à la
création, en 2002, de la zone monétaire ouest-africaine (ZMOA). Le lancement de
la monnaie unique, baptisée eco, était initialement prévu le 1er juillet 2005,
mais le processus de convergence étant insuffisamment avancé, il a été décidé
récemment de reporter l'unification monétaire au 1er décembre 2009. Quoi qu'il
en soit, l'analyse approfondie de la situation économique des pays membres de la
ZMOA montre qu'à l'heure actuelle, cet ensemble n'est guère homogène. En fin de
compte, ces membres semblent avoir peu d'intérêt à une unification monétaire
rapide.
No
2.878
22 juin 2005
DOSSIER : Vers une renaissance de l'économie japonaise ?
Le soleil s'est
enfin levé
Conjoncture BNP-Paribas
Caroline Newhouse-Cohen
La reprise de l'économie du Soleil Levant serait-elle enfin solide ? C'est ce
que pense l'auteur. En effet, nombre d'indicateurs économiques attestent d'un
renouveau japonais. Tout d'abord, les exportations sont bien orientées. Elles
ont constitué le principal moteur de la reprise. Par ailleurs à la différence
des précédentes, la reprise actuelle s'est diffusée à l'ensemble de l'économie,
notamment à l'industrie traditionnelle. Et la consommation des ménages n'est pas
en reste. Enfin, la période de déflation commence à toucher à sa fin.
L'économiste de BNP Paribas dresse également un bilan de la situation monétaire
et budgétaire du pays. Elle revient notamment sur la grande opération récente de
fusion et acquisition entre UFJ et MTFG ainsi que sur la privatisation en cours
de la poste japonaise.
Des difficultés persistantes
Etudes économiques de l'OCDE
OCDE
L'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) s'est
penchée sur l'ensemble des difficultés auxquels l'économie japonaise doit faire
face. Il s'agit tout d'abord de la déflation. Les auteurs du rapport soulignent
que les problèmes à résoudre pour assurer la stabilité des prix sont compliqués
par l'existence d'anticipations déflationnistes bien ancrées. Par ailleurs, si
la déflation s'interrompt, de nouvelles difficultés ne manqueront pas de surgir,
notamment sur le plan budgétaire. D'autant que l'état des finances publiques
constitue un autre objet d'inquiétude. En effet, considèrent les économistes de
l'OCDE, la dette publique est préoccupante. Enfin, la dynamique de la croissance
ne devrait pouvoir être mise en œuvre que par un renforcement de la concurrence.
Japon- Allemagne : des caractéristiques communes
Flash CDC-Ixis
Patrick Artus
Le Japon et l'Allemagne présentent de nombreuses caractéristiques communes. Tout
d'abord, leur spécialisation internationale favorise une bonne performance à
l'exportation et génère des excédents extérieurs. De plus, dans ces deux pays,
la demande intérieure est faible, le secteur de la construction connaît une
crise durable, les revenus salariaux sont comprimés et l'industrie enregistre de
fortes pertes d'emplois. Par ailleurs, les difficultés des banques se traduisent
par la nécessité de réduire les déficits publics, enfin, dans ces deux pays, la
monnaie de part et d'autre de l'océan Pacifique est forte. Au total, malgré une
contribution au commerce extérieur favorable à la croissance, l'économie
allemande peut être entravée par un marché intérieur qui se déforme
continuellement. Au Japon, la croissance peut être freinée par l'absence de
création d'emplois et la baisse du salaire réel.
Japon- Chine : conflit ou partenariat ?
AGIR
Marie-Sybille de Vienne
Au cours des années 1960-1990, le Japon a connu une croissance accélérée. Dans
le même temps, la Chine enregistrait une stagnation relative. Depuis, la
tendance s'est inversée. L'économie chinoise s'est envolée et le Japon a basculé
dans une crise monétaire et financière. Certains considèrent que le rapport de
force entre la Chine et le Japon serait en train de s'inverser et qu'à terme
l'Asie orientale serait contrôlée par la Chine. L'auteur se penche sur cette
question à travers l'analyse de quelques données économiques et les dynamiques
d'évolution de ces deux économies. L'observation des indicateurs économiques et
financiers de base suggèrent une lecture beaucoup plus nuancée. Au total, la
Chine apparaît dépourvu de moyens économiques pour être réellement en mesure
d'asseoir son hégémonie sur la région.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
SCIENCE ECONOMIQUE
La cliométrie : un modèle pour les autres sciences sociales
Sociétal
Claude Diebolt
À la fin des années 1950, la publication des travaux de Conrad et Meyer qui
montraient que l'impact économique de l'esclavage aux États-Unis avait été
jusque-là amplement sous-estimé peut être considéré comme l'acte de naissance de
la cliométrie. L'attribution du prix Nobel d'économie en 1993 à Robert Fogel et
Douglass North marque, elle, la consécration définitive de ce qui avait été
considéré quelque trente-cinq années plus tôt comme une nouvelle histoire
économique . Aujourd'hui, la cliométrie, qui se caractérise par l'utilisation
dans le champ historique du traitement statistique et économétrique de l'analyse
quantitative et de la méthode d'analyse contre-factuelle, ambitionne de voir
l'ensemble des sciences sociales adopter son approche et ses méthodes.
SYSTEMES DE SANTE
Vers une culture de l'évaluation économique des produits de santé ?
Réalités industrielles - Annales des Mines
Claude Le Pen
Alors que l'évaluation économique des biens de santé, qui s'appuie sur la
méthode de l'analyse coût-bénéfice, jouit d'une reconnaissance officielle et est
systématiquement mise en œuvre dans le cadre des politiques publiques de santé
dans de nombreux pays comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, en France, les
pouvoirs publics manifestent la plus grande réserve à l'égard de cette pratique.
Ce peu d'engouement dans les pays latins pour l'application des méthodes
d'évaluation économique au secteur de la santé s'explique avant tout par des
facteurs culturels. La France est en outre empreinte d'une tradition
intellectuelle qui la conduit, semble-t-il, à rester quelque peu méfiante
vis-à-vis du caractère scientifique de l'économie et de ses méthodes.
FISCALITE
Le labyrinthe de la décision fiscale
Institut de l'entreprise
La gouvernance est à la mode et s'applique désormais à l'ensemble des faits
économiques et sociaux. Mais si tout, ou presque, a été écrit sur les
conséquences économiques de la fiscalité, on a prêté moins d'attention au
processus de création et d'application de la norme fiscale. Quelles sont les
règles, les processus et les comportements qui influent sur l'exercice du
pouvoir fiscal en France ? Certes, chaque réforme fiscale doit suivre des points
de passage obligés, mais le cheminement est rarement linéaire. Par ailleurs, un
fonctionnement défectueux peut apparaître à tous les stades de la préparation à
la prise de décision.
No
2.879
6 juillet 2005
DOSSIER : De nouveaux remèdes contre le chômage
Chômage structurel : un déséquilibre permanent du marché du travail
Travail et Emploi
Yannick L'Horty
Un grand nombre de pays d'Europe continentale enregistrent depuis plusieurs
années des niveaux élevés de chômage. Ce déséquilibre permanent du marché du
travail, qui constitue en fait un véritable défi théorique pour beaucoup
d'économistes, amène à s'interroger sur la notion de chômage structurel.
L'auteur présente les principales interprétations théoriques montrant que si le
chômage de masse se maintient durablement à un niveau élevé, c'est parce que
cette situation produit par ailleurs des effets positifs. Il passe ensuite en
revue les différentes méthodes de mesure du chômage structurel et décrit les
enjeux de politique économique qu'implique son traitement. L'auteur conclut sur
le diagnostic d'une diminution du chômage structurel en France de l'ordre de
deux points de taux de chômage, soit l'équivalent de 500 000 chômeurs en moins
depuis une dizaine années.
Protection de l'emploi : de la dérégulation à la flexicurité
Droit social
Jérôme Gautié
Depuis quelques années, face à la persistance du chômage en Europe, l'analyse
que font la majorité des économistes de la protection de l'emploi (PE) est
plutôt négative. Elle serait responsable d'un certain nombre de rigidités sur le
marché du travail qui nuiraient à la croissance et à l'emploi. En France,
plusieurs rapports ont récemment proposé, pour réduire les effets supposés
pervers de la PE sur l'emploi, de recourir à l'incitation plutôt qu'à la
régulation. Mais ces différentes propositions dont l'objectif est de promouvoir
l'efficacité économique présentent également un certain nombre de faiblesses.
Au-delà de la protection de l'emploi, une des dernières pistes de réforme
fréquemment évoquée, y compris par l'Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE), est de chercher à concilier, selon le modèle
danois, flexibilité et sécurité.
Les lois Hartz, plus qu'une réforme du marché du travail ?
Chronique internationale de l'IRES
Mechthild Veil
L'incapacité des politiques d'emploi à faire reculer le chômage en Allemagne, en
particulier le chômage de longue durée, a conduit les pouvoirs publics à mettre
en œuvre depuis 2003 une réforme radicale du marché du travail. Les lois Hartz
s'inspirent en effet des stratégies d'activation britanniques mises en œuvre
d'abord par les conservateurs à partir de 1986 et poursuivies par les
travaillistes depuis 1997. La réforme allemande transforme l'État providence en
profondeur. L'intervention publique n'a désormais plus pour objectif d'amortir
socialement les risques inhérents au marché du travail, mais vise à prendre
toutes les mesures possibles pour favoriser le retour à l'emploi du plus grand
nombre de chômeurs.
Contrat d'activité et marchés transitionnels du travail
POUR - revue du GREP
Jean Le Monnier et Sophie Rouault
Le paradigme de l'emploi à durée indéterminée, mono-employeur et à temps plein,
est une norme d'emploi récente et de courte durée puisqu'il correspond à la
période des Trente glorieuses. La prise en compte du temps long permet
d'envisager la flexibilité comme un mode de gestion durable de la main-d'œuvre
dont la régulation sociale passe par de nouvelles formes d'organisation du
travail. Des expériences pilotes qui cherchent à flexibiliser l'emploi tout en
le sécurisant sont déjà menées depuis quelques années en Allemagne, au Danemark
et en France. Une nouvelle régulation de l'emploi dans laquelle les organismes
d'ingénierie salariale jouent le rôle essentiel de médiateurs entre les
entreprises, les salariés et les pouvoirs publics pourrait ainsi constituer une
alternative crédible à une re-marchandisation du travail qui ne fait pas que des
gagnants .
EGALEMENT DANS CE NUMERO
SCIENCE ECONOMIQUE
Micro-simulation et évaluation des politiques économiques et sociales
Revue d'économie politique
François Legendre
L'auteur rend compte du développement récent des modèles de micro-simulation. Il
présente les méthodes et les attentes auxquelles ces derniers peuvent répondre
et expose la genèse des principaux modèles utilisés en France. La méthode de
micro-simulation se révèle être un outil particulièrement approprié à
l'évaluation des politiques publiques.
MONNAIE ET FINANCE
La mesure de l'inflation reste controversée
The Economist
La mesure traditionnelle de l'inflation prend en compte l'évolution des prix des
biens et services. Or, de plus en plus d'économistes avancent certains arguments
pour y inclure également les prix des actifs. Si ces derniers augmentent à un
rythme différent des prix des biens et services, un indice des prix étroit
pourrait aiguiller les autorités monétaires sur une mauvaise voie. Si
l'inflation est définie comme l'évolution de la valeur de la monnaie, une nette
hausse des prix de l'immobilier, comme on l'observe actuellement dans de
nombreux pays, réduit le pouvoir d'achat de la monnaie. L'indice des prix à la
consommation serait alors insuffisant. La prévision de l'inflation deviendrait
ainsi une tâche encore plus délicate à accomplir par les banques centrales.
MANAGEMENT
Nouveaux produits et conditions de marché
L'Expansion Management Review
David Gotland
Le lancement de produits nouveaux revêt une importance stratégique pour
l'entreprise. Il s'inscrit dans des marchés à la fois complexes et instables.
L'auteur montre qu'entre le moment de l'identification de l'opportunité du
lancement d'un produit et son lancement proprement dit. Celui-ci est soumis à
plusieurs étapes qui vont s'agencer différemment selon la configuration du
marché. Ainsi, Zara, Nescape ou Yahoo n'adopteront pas le même processus que
Dell, Renault ou Airbus. L'auteur présente quatre types de processus de
développement correspondant à différentes articulations des deux phases de
planification et de mise en œuvre de ce type d'opération.
No
2.880
20 juillet 2005
DOSSIER : L'économie souterraine dans la mondialisation
L'économie de
l'ombre mesurée dans 43 pays
Université de Linz – Working paper
Friedrich Schneider
Même s'il est difficile d'estimer ce que représente l'économie de l'ombre (en
termes de valeur ajoutée et/ou de population active), cette tâche n'est
toutefois pas impossible. Grâce à différentes méthodes, comme l'observation de
la demande de numéraire ou l'approche modélisée, l'auteur évalue son poids
économique et détermine le nombre d(actifs qui y sont occupés dans 22 pays en
transition et 21 pays de l'OCDE. L'impression générale qui ressort de ses
analyses est que dans tous les pays étudiés, ce secteur a désormais une taille
très importante. En moyenne sur les années 2000-2001, il représentait, en termes
de valeur ajoutée et de population active, respectivement 38% du PIB officiel et
30,2% dans les 22 pays en transition, 16,7% et 15,3% dans les 21 pays de l'OCDE.
L'entreprise Al-Qaida : une multinationale de la terreur
Université de Denver- Working Paper
Jodi M. Vittori
L'auteur présente un tour d'horizon de l'organisation Al-Qaida, interprétée
comme une multinationale. Son budget de fonctionnement se situe actuellement
entre 5 et 10 millions de dollars, mais il s'est élevé jusqu'à 35 millions. Le
financement est totalement décentralisé. Opérant essentiellement dans des États
aux institutions et aux structures affaiblies, l'organisation est largement
indépendante des sources financières étatiques. Comme toute multinationale,
Al-Qaida est touchée par des crises économiques. Ainsi, au milieu des années 90,
l'organisation a connu des problèmes de cash-flow dus à la revalorisation du
dollar. Environ 80 entreprises sont susceptibles d'appartenir à l'empire
d'Al-Qaida. Derrière une façade légale, elles s'adonnent aux activités de
contrebande et de falsification de documents. Malgré les efforts importants de
la communauté internationale, on n'est toujours pas parvenu à couper
l'organisation de ses financements.
La difficile traque du financement du terrorisme et du blanchiment d'argent
sale
Géoéconomie
Marie-Christine Dupuis-Danon
La mondialisation offre d'importantes opportunités pour les criminels et la
lutte contre l'argent mafieux et terroriste devient de plus en plus difficile.
Le fait qu'il n'existe pas jusqu'à présent de système juridique international
adapté et que la coopération répressive internationale reste insuffisante
explique en partie cette situation. Mais la lutte contre le financement
terroriste est également rendue complexe par sa spécificité, car – excepté
l'opacité - il répond à des logiques différentes de celles des circuits de
l'argent mafieux. Il s'appuie notamment sur un système difficile à percer :
banques islamiques, organisations caritatives, transferts de fonds informels qui
sont autant d'univers où se mêlent divers intérêts étatiques et religieux.
Cybercriminalité : le risque n'est pas virtuel
L'informatique professionnelle
Solange Ghernaouti-Hélie
La montée en puissance de la cybercriminalité n'est pas étonnante, car
l'internet offre grâce à la dématérialisation et à l'a- territorialité des
transactions une véritable protection pour les criminels. Si les principales
formes de cette criminalité restent relativement traditionnelles – fraude
d'enchère, non-livraison et fraude à la carte de crédit –, l'auteur constate que
la cybercriminalité est en train de devenir un vecteur de nuisance et de
déstabilisation des organisations et des États. La maîtrise de cette forme de
délinquance nécessite une réponse concertée des autorités au niveau
international.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
SCIENCE ECONOMIQUE
Regard sur l'économie politique néo-smithienne continentale
Économies et Sociétés
Alain Béraud et Philippe Steiner
Pour les historiens de la pensée économique, il existe différentes façons de
définir le terme d'économie politique néo-smithienne continentale, courant à la
fois issu de l'œuvre d'Adam Smith et qui se situe hors du territoire
britannique. Les auteurs passent en revue les multiples dimensions de cette
terminologie au cours de la première moitié du XIXe siècle. Il s'agit aussi bien
des économistes pour lesquels l'oeuvre de Smith constitue une référence
théorique d'économistes de la tradition libérale française qui cherchent à
forger des outils pour rendre compte des phénomènes marchands….
ENTREPRISE ET MARCHE
Structure financière et choix stratégiques : le cas de l'industrie du vin
Economie rurale
Olivier Saulpic et Hervé Tanguy
Un des enseignements majeurs de la théorie financière est d'avoir établi un lien
entre la valeur de l'entreprise et sa structure financière (notamment le niveau
d'endettement et le ratio capitaux propres sur dettes). Le choix de cette
structure est une fonction de la plus ou moins grande efficacité des systèmes de
contrôle qui vont pouvoir se mettre en place entre le management et les
bailleurs de fonds. Pour les entreprises de négoce de vin, les problèmes
d'appréciation de la stratégie et du suivi de la performance sont
particulièrement aigus, car susceptibles de limiter l'accès au financement.
Ainsi, des stratégies a priori bien conçues mais qui nécessitent
d'importantes liquidités ne peuvent pas voir le jour. Les auteurs mettent cette
hypothèse à l'épreuve d'une étude de cas comparative entre deux régions
d'élection du négoce viti-vinicole : la Bourgogne et la Champagne. Leur étude
révèle les avantages indéniables du système champenois.
ECONOMIE INTERNATIONALE
Réguler l'économie mondiale : le juge plutôt que le diplomate ?
La Lettre du CEPII
Jérôme Sgard
Le débat sur la nouvelle architecture internationale porte généralement sur la
coopération entre les pays et la division du travail entre les grands organismes
internationaux. Cette orientation est à déplorer, comme le souligne l'auteur,
car il néglige d'importants acteurs dont l'intervention dans les échanges
internationaux est plus quotidienne, mais également plus discrète. Il s'agit des
scientifiques, des experts ou des juges. Une de leurs activités les plus
intéressantes est celle de l'arbitrage privé international qui règle de nombreux
différends internationaux à l'abri des interférences politiques.
HISTOIRE ECONOMIQUE
Aux origines de l'économie de la connaissance
Journal of Economic Literature
Hal R. Varian
La Révolution industrielle est remarquable à plus d'un titre. Non seulement elle
marque le début de la phase de croissance la plus forte jamais enregistrée, mais
elle représente surtout le passage d'une économie basée sur les secrets
commerciaux et les guildes à une économie dans laquelle la transmission et la
dissémination du savoir sont l'élément moteur du développement. Cinq
caractéristiques de l'entreprise moderne : la routinisation, la modularisation,
la standardisation, la production continue et la miniaturisation trouvent leur
origine dans cette révolution de la production et du traitement de
l'information. La compréhension théorique de ces caractéristiques reste
néanmoins relativement insuffisante, comme le déplore l'auteur qui appelle au
développement d'une nano- économie.
No
2.881
31 août 2005
DOSSIER : L'avenir des marques
Quelles stratégies pour les marques globales ?
Harvard
Business Review
Douglas B. Holt,
Lohn A. Quelch et Earl L. Taylor
Si on assiste à l'avènement d'une culture mondiale, cela ne signifie pas pour
autant que les consommateurs partagent tous les mêmes goûts et les mêmes
valeurs. Symboles de la mondialisation, des marques comme Coca-cola, Mc Donald's
ou Nike rencontrent de vives oppositions de la part des mouvements
anti-mondialistes. Les auteurs ont mené une étude quantitative et qualitative
sur une quarantaine de pays pour comprendre la façon dont les individus
perçoivent les marques transnationales. Ils aboutissent à un classement des
consommateurs en quatre grandes catégories. Pour reconquérir certains publics et
s'imposer sur un marché très compétitif, les marques doivent impérativement
repenser certaines phases de leur développement.
Risques perçus et fidélité à la marque
Revue française de marketing
Jean-Louis Moulin
En se fondant sur la notion de risque perçu , l'auteur montre qu'il est possible
de discerner chez le consommateur des comportements de réachat des produits de
marque très différents : fidélité, inertie, rétention et réduction minimale du
risque. Après avoir passé en revue les analyses théoriques du comportement des
consommateurs, l'auteur cherche à vérifier leur validité empirique. Les
résultats obtenus fournissent des pistes pour une gestion diversifiée du risque
perçu par le consommateur.
Les interactions efficaces font la marque
L'Expansion Management Review
Susanne Hogan, Eric Almquist et Simon E. Dlynn
Face à la difficulté de bâtir une marque à l'échelle internationale, les chefs
d'entreprises doivent œuvrer au quotidien avec un certain savoir faire. Les
auteurs décrivent les divers pièges à éviter ainsi que les stratégies gagnantes.
Ils soulignent l'importance du procédé du bouche à oreille . Autrement dit,
l'expérience du client apparaît primordiale pour construire une image de marque,
qui peut être valorisée ou dépréciée à n'importe quel moment depuis les
premières impressions jusqu'au service après vente. Si historiquement, la
stratégie de la marque a longtemps été le pré - carré du chef marketing, elle
engage désormais une grande partie de l'entreprise et en particulier le
directeur général.
Les marques face au hard discount, quelles stratégies ?
Revue française de gestion
Jean-Noël Kapferer
La montée en puissance de la distribution hard discount en Europe constitue
un véritable sujet de préoccupation pour les entreprises qui commercialisent des
produits de marques. Les écarts de prix avec ces derniers se creusent et
déséquilibrent l'ensemble du système de valeur construit au cours du temps par
les marques. Quelle stratégie mener alors face à cette distribution en pleine
croissance qui ne vend pas de marques ? Il apparaît fondamental, pour l'auteur,
de remettre le prix au cœur des stratégies d'innovation.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
SCIENCE ECONOMIQUE
Jean-Jacques Laffont et l'économie publique
Revue d'économie publique
Roger Guesnerie
A travers cet article, Roger Guesnerie rend un bel hommage à l'œuvre
scientifique de Jean-Jacques Laffont. Il montre comment ce dernier assoit sa
première notoriété par des travaux sur le thème de l'économie politique. L'Etat
occupera une place importante dans son analyse économique et la notion
d'asymétrie d'information va alors constituer le fil directeur de toute sa
production intellectuelle. De la théorie des incitations à la théorie de la
régulation en passant par la théorie des contrats, l'œuvre de Jean-Jacques
Laffont est foisonnante.
ENVIRONNEMENT
Première évaluation du plan français de quotas de CO2
Commentaire
Olivier Godard
Le dernier sommet du G8 à Gleaneasgles a permis à George W. Bush de reconnaître
les conséquences néfastes de la consommation d'énergie sur le réchauffement de
la planète. L'Union européenne quant à elle a mis en place depuis le 1er janvier
2005 le marché européen des permis d'émission. Le marché des quotas d'émissions
de CO2 a ainsi vu le jour au printemps dernier. Chaque industrie dispose d'un
quota de CO2 qu'elle doit respecter. Si ses émissions sont supérieurs, elle doit
se fournir sur le marché des permis d'émission (ou la bourse européenne de
carbone) ; au contraire si elle dégage un surplus elle peut le vendre en bourse.
Olivier Godard propose une première évaluation du plan français de quotas
d'émission de CO2 après nous avoir rappelé les principes de cette initiative. Il
présente la procédure d'allocation de ces quotas de CO2 et ses limites. Il
explique comment et pourquoi la France a cherché à favoriser les industries
françaises par une allocation des quotas avantageuses négligeant parfois
l'objectif premier de diminution des émissions de gaz à effet de serre.
HISTOIRE ECONOMIQUE
Les quatre grands modèles de capitalisme
La Revue socialiste
Robert Boyer
La puissance du capitalisme financier a-t-elle pour effet d'uniformiser les
économies ? C'est à cette question que l'auteur tente de répondre à travers un
entretien accordé à La Revue Socialiste. Il montre la persistance d'une
diversité de capitalisme dans le monde sans réelle perspective de convergence.
En d'autres termes, la probabilité que le capitalisme chinois ressemble au
capitalisme américain est quasiment nulle. Les pays nordiques constituent, à ses
yeux, un modèle social de développement intéressant. Ils sont plus que jamais
une alternative au capitalisme anglo-saxon.
ENTREPRISES ET MARCHES
L'heureuse alliance de l'héritier et du manager
La Gazette de la société et des techniques
Arnaud Le Foll et Edouard de Pirey
Certes, les entreprises familiales réussissent mieux que les autres. Il reste
que, le seul fait d'avoir un actionnariat familial n'est pas suffisant. En
effet, les entreprises familiales ne sont pas insensibles aux pressions
extérieures qu'il s'agissent des banques d'affaires, des marchés financiers ou
des médias. Par ailleurs, il apparaît difficile de trouver des managers
compétents parmi les descendants des fondateurs. Les auteurs proposent une
classification en cinq catégories d'entreprises, exemples à l'appui. De fait, la
structure idéale résiderait dans l'alliance entre une famille actionnaire et un
manager extérieur.
Religions et croissance (n.2882)
Religions et croissance
- Foi religieuse et croissance économique : quels sont les facteurs déterminants
? (Robert Barro - Heritage Lectures)
- Religion et déclin économique de l'Europe : y aurait-il un lien ? (Niall
Ferguson - Economc Affairs)
- Confucius et Boudhha : sources du développement asiatique ? (Gérard
Donnadieu - Personnel)
- L'essor des banques islamiques (Mahmoud Abdel Wahab - Rapport moral sur
l'argent dans le monde)
Repères :
L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme
Les principales religions et l'économie
Pour en savoir plus
Economie internationale
- Quel rôle pour le FMI ? (Jean Tirole - Commentaire)
Science économique
- La fin du XIXe siècle vue par les historiens de la pensée économique (François
Etner - Revue d'économie politique)
Secteur
- L'imprimerie : de Gutenberg au numérique (Gérard Bigot - Le 4 pages
du SESSI)
No
2.883
28 septembre 2005
DOSSIER : NOUVEAUX REGARDS SUR L'HOMO ŒCONOMICUS
Comment la recherche sur le cerveau contredit les modèles économiques
Wirtschaftswoche
Malte Fischer et Susanne Kutter
La théorie économique est basée sur le modèle de l'homo oeconomicus qui agit de
manière rationnelle et égoïste. Ce modèle a permis à la discipline d'atteindre
un haut niveau d'abstraction et de scientificité. Les doutes quant au réalisme
du modèle de l'homo oeconomicus sont anciens, mais ce n'est que très récemment
que des recherches en médecine permettent de fournir des preuves tangibles
contre ce modèle restrictif. L'analyse de l'activité cérébrale a ainsi démontré
que lors de prises de décisions en matière économique, les zones actives sont
parfois davantage celles habituellement sollicitées pour le traitement des
émotions que celles où la rationalité est supposée être située. D'autres
expérimentations rejettent l'hypothèse d'uniformité de l'homo oeconomicus, comme
le suggère la comparaison de l'activité cérébrale chez les hommes et chez les
femmes.
Enjeux et genèse de l'économie cognitive
Université Paris 1
Bernard Paulré
Si la science économique s'est construite autour de l'hypothèse de la
rationalité illimitée, la réflexion concernant une approche plus réaliste,
intégrant la dimension cognitive, a toujours accompagnée son développement. Elle
s'est accélérée durant les années soixante-dix avec des avancées considérables
au sujet du traitement de l'information imparfaite sur les marchés et au sein
des organisations, prolongées ensuite par la théorie des jeux. A cette époque
apparaissent les premières interrogations liées à cette approche, comme par
exemple le problème d'équilibre et celui de la nature de la rationalité
cognitive. Cependant, selon l'auteur, les véritables enjeux pour le
développement d'un programme de recherche se situent ailleurs : faut-il choisir
entre une approche large ou une approche stricte de l'économie cognitive ?
Quelle est la nature des relations entre l'économie cognitive et les sciences
cognitives ? Quoi qu'il en soit, l'imbrication entre les aspects économiques et
cognitifs, tant au niveau individuel que collectif, est forcément très étroite,
car la connaissance individuelle procède généralement d'une interaction sociale.
Les implications pour le marché du travail et les politiques économiques
New England Economic Review
Richard W. Kopcke, Jane Sneddon Little et Geoffrey M. B. Tootell
Les recherches des psychologues et des spécialistes du comportement permettent à
l'économiste de mieux comprendre les processus de prise de décision. Mais cette
compréhension n'est véritablement utile que si elle améliore les modèles
économiques et les décisions de politique économique. Les auteurs présentent
deux champs d'application où ces améliorations sont avérées. Dans le domaine du
marché du travail, les économistes sont enfin capables de mieux analyser la
rigidité des salaires, dont l'origine serait surtout due aux décisions des
dirigeants d'entreprises. Dans le domaine des politiques économiques, la prise
en compte de la psychologie suggère, selon certains économistes, de relativiser
l'objectif des politiques monétaires en ciblant un objectif positif en matière
d'inflation. Même si on ne partage pas ses résultats, l'économie comportementale
fournit ainsi un fondement intellectuel indispensable à l'approche keynésienne
de l'économie.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
SCIENCE ECONOMIQUE
L'entrepreneur porteur de fausses représentations chez J.-B. Say
Economie et Sociétés
Karine Goglio
Grande figure de la société moderne, l'entrepreneur constitue aussi une pièce
non négligeable de l'œuvre de J.-B. Say. En effet, ce dernier analyse
minutieusement les contours de l'entrepreneuriat. Certes, les qualités de ce
dernier sont louées sans relâche par J.-B. Say. Mais, le jugement de
l'entrepreneur peut être affecté par de fausses représentations. En effet, ce
dernier peut bâtir des croyances erronées. De plus, il élabore ses connaissances
de façon limitée et la manière dont il analyse des situations complexes peut le
conduire à l'erreur.
ETATS-UNIS
Inégalités : l'envol des hauts revenus
Sociétal
Jérôme Wittner
Au cours des trente dernières années, les inégalités de revenus se sont creusées
outre-Atlantique. Elles se sont traduites, à partir de la décennie 1980, par une
progression importante des hauts revenus, accentuée par des politiques fiscales
en faveur des ménages aisés sous les administrations Ronald Reagan et George W.
Bush. Dans le même temps, l'écart entre les bas salaires et le salaire médian
tendait à se réduire. Ces évolutions, combinées aux dispositifs de
redistribution fondés sur le retour au travail plutôt que sur l'aide sociale,
montrent, selon l'auteur, les divergences profondes d'éthique entre les
Etats-Unis et les pays d'Europe continentale.
DEVELOPPEMENT
Processus d'urbanisation et développement au Cambodge
Informations et Commentaire
Alain Guillaume
L'urbanisation est-elle un moteur de croissance ? En principe, une augmentation
de l'activité de la métropole a des retombées positives sur l'activité des
villes secondaires et des campagnes, touchant ainsi l'ensemble du territoire.
Selon Jeffrey D. Sachs, stimuler la croissance économique des villes peut
entraîner une amélioration du niveau de vie des habitants. L'étude présentée ici
porte sur le Cambodge où, en 2002, 18 % seulement de la population était
urbanisée. L'auteur rappelle, dans un premier temps, le lien entre urbanisation
et développement montrant en quoi l'urbanisation est à la fois une cause et une
conséquence de la croissance économique. Il décrit ensuite le processus
d'urbanisation de Phnom Penh, premier centre urbain du Cambodge, et ses effets
d'entraînement sur le développement du pays, qui restent toutefois jusqu'à
présent limités.
No
2.884
12 octobre 2005
DOSSIER : LE BILAN DE L'ECONOMIE FRANÇAISE
L'espérance de vie franchit le seuil des 80 ans
Population et sociétés
Gilles Pison
Au cours de l'année 2004, la population en France métropolitaine a augmenté de
0,6 %. Il faut remonter trente ans en arrière pour trouver une croissance
annuelle aussi élevée. Au 1er janvier 2005, la population était estimée en
métropole à 60,6 millions d'habitants. La durée de vie continue de s'allonger et
en 2004 le seuil des 80 ans d'espérance de vie a été franchi pour les deux sexes
réunis. Si cette évolution s'inscrit dans la longue durée, il faut toutefois
noter qu'en 2004 la mortalité exceptionnellement basse a fait plus que compenser
les décès provoqués par la canicule de 2003.
Retournement positif du marché du travail
Premières informations et Premières synthèses
DARES
Après trois années de ralentissement économique, le retour d'une croissance plus
soutenue en 2004 a permis d'enclencher un retournement positif du marché du
travail. Les créations d'emplois dans la construction et le tertiaire marchand -
si elles sont restées modestes - ont plus que compensé les pertes d'emplois dans
l'industrie. L'emploi total a ainsi augmenté de + 37 000 après une diminution de
- 93 000 en 2003. Cette évolution favorable a permis, au cours de l'année, de
stabiliser le taux de chômage à 10 % de la population active.
Une reprise tirée par la demande
INSEE Première
Adrien Friez et Guillaume Mordant
La reprise de l'activité économique s'est confirmée en 2004. Le PIB (produit
intérieur brut) s'est en effet accru de 2,3 % en volume après 0,8 % en 2003 et
1,2 % en 2002. Le pouvoir d'achat du revenu disponible brut des ménages a
augmenté de 1,4 %. Le principal soutien de la croissance a été la consommation
effective des ménages. Mais l'investissement des entreprises qui est reparti à
la hausse a également contribué à la reprise. Les effets d'entraînement de ces
deux moteurs de la croissance ont été contrebalancés par les résultats du
commerce extérieur qui, pour la première fois depuis quatre ans, a enregistré un
solde des échanges de biens négatif. Quant aux taux de marge des entreprises non
financières, il a amorcé son redressement après trois années de recul. Enfin, la
forte augmentation des recettes fiscales a permis une réduction du déficit
public, qui demeure toutefois élevé. Il a atteint 3,6 % du PIB contre 4,2 % en
2003.
Confirmation de la croissance des revenus et de la consommation
Insee - Note de conjoncture
En 2004, le revenu disponible brut des ménages a progressé de 3,2 % en moyenne
annuelle (+ 1,7 % en 2003). Cette amélioration est due à un moindre dynamisme
des prélèvements sociaux et fiscaux (+ 2,8 % par rapport à + 3,7 % en 2003) et
un retournement sensible de la tendance des revenus de la propriété (+ 3,5 % par
rapport à - 7,0 % en 2003). En 2005, la croissance du revenu disponible brut se
stabiliserait à 3,2 %. La tendance est similaire du côté de la consommation :
après une accélération en 2004 (+ 2,3 % par rapport à + 1,6 % l'année
précédente), on attend une stabilisation pour 2005 (+ 2,2 %). En l'absence d'une
accélération sensible du pouvoir d'achat, les ménages favoriseraient en 2005
davantage leur épargne et leur investissement que leur consommation.
Balance des paiements : résultats contrastés
Banque de France - Rapport annuel
En 2004, le faible excédent du compte des transactions courantes de l'année
précédente s'est transformé en un déficit du même ordre (- 4,4 milliards
d'euros). Cette dégradation s'explique essentiellement par la croissance plus
forte des importations par rapport aux exportations. En revanche, le compte de
capital a renoué avec l'excédent en 2004 (+ 1,7 milliard après - 7,7 milliards
d'euros en 2003). Enfin, le compte financier a confirmé son amélioration,
l'excédent est passé de 13 milliards à 17,2 milliards d'euros. Les entrées de
capitaux aux titres des autres investissements ont été particulièrement élevées,
notamment vis-à-vis des contreparties extérieures à la zone euro.
Nette progression des flux du commerce extérieur
Notes bleues de Bercy
En 2004, les échanges commerciaux français ont augmenté : comparées à 2003, les
exportations sont en hausse de 5,6 %, en raison de la croissance économique
soutenue dans l'Union européenne, et les importations de 8,6 %, signe d'un
raffermissement de la demande intérieure. L'ensemble des biens industriels
bénéficie le plus de cette progression mais ce sont les achats et les ventes de
produits de l'industrie automobile qui sont les plus dynamiques. En définitive,
la France enregistre en 2004 un déficit commercial de - 7,8 milliards d'euros
(excédent de + 1,7 milliards en 2003), dû en partie à l'alourdissement de la
facture énergétique.
Diminution du déficit budgétaire et augmentation des recettes de l'État
Cour des comptes
Le déficit budgétaire (3,6 % du PIB), plus faible que prévu, s'est réduit par
rapport à 2003 mais demeure à un niveau très élevé. La nette augmentation des
recettes fiscales (+ 10,8 % par rapport à 2003), due essentiellement au
dynamisme des recettes de TVA et d'impôt sur les sociétés, et le ralentissement
dans la progression des dépenses de l'Etat en 2004 (+ 3,6 % en valeur sur
l'année par rapport à 2003) ont contribué à la réduction du déficit. En
parallèle, l'endettement public (65 % du PIB) continue de s'accroître au-delà du
plafond indiqué par les critères de Maastricht (60 % du PIB) et le service de la
dette représente une partie considérable du budget de l'Etat (20 % du budget de
l'État).
EGALEMENT DANS CE NUMERO
UNION EUROPEENNE
Gérer la monnaie d'un pays hors zone euro
Finances et Développement
Camilla Andersen
Par deux fois, les Danois ont refusé d'adopter l'euro. Néanmoins, ce double
refus n'a pas changé l'orientation de la politique monétaire danoise. Le pays
pratique depuis le début des années quatre-vingt un régime de taux de change
stable, ancré d'abord sur le deutsche mark, puis, depuis 1999, sur l'euro.
Ainsi, le Danemark a renoncé à une politique monétaire et de change souple, car
toute action de la Banque centrale européenne est suivie d'un ajustement
analogue à Copenhague. Aujourd'hui, la couronne danoise est très stable, grâce
non seulement à une politique budgétaire saine, mais également en raison d'une
certaine autorité morale dont profitent les pays nordiques.
ECONOMIE ET DEMOGRAPHIE
Choc démographique : les mutations à venir
La lettre de l'économie - Société Générale
Véronique Riches-Flores
Le choc démographique à l'oeuvre dans les pays d'Europe continentale et plus
particulièrement en France ne sera pas sans répercussions sur nos économies.
L'auteur s'interroge sur les changements de comportements macroéconomiques des
agents inhérents à l'accroissement de l'âge moyen de la population.
L'allongement de la durée de vie malmène la théorie du cycle de vie à courte
échéance. En effet, dans un premier temps, on devrait assister non pas à un
recul du taux d'épargne mais plutôt à une remontée du taux d'épargne.
Différentes explications sont avancées. Par ailleurs, l'économiste mentionne
l'existence de nombreuses distorsions sectorielles liées à des modifications
dans les modes de consommation.
No
2.885
26 octobre 2005
DOSSIER : LES PME : ATOUTS ET HANDICAPS
Le rôle de la taille de la firme : les spécificités des petites et moyennes
entreprises
Economies et Sociétés
Jean-Claude Papillon
Joseph Schumpeter fut l'un des premiers théoriciens à s'intéresser à la taille
de l'entreprise, même si ce sont plutôt les grandes (dont les moyens pour
investir sont incontestablement les plus importants) qui ont retenu
particulièrement son attention. Mais le rôle de la taille de l'entreprise a
souvent été négligé dans les théories économiques. Généralement, lorsqu'il
s'agit de s'intéresser de près au tissu productif, on lui préfère la nature de
l'activité. Le découpage administratif français ne suit-il pas une logique de
nature des productions ? La négligence à l'égard de la dimension vient
certainement de la difficulté que l'on a à appréhender ce facteur. Néanmoins,
identifier les entreprises selon leur taille (c'est-à-dire les effectifs) permet
de les comparer entre elles. L'auteur déduit ainsi de plusieurs études
économiques sur les petites et moyennes entreprises que celles-ci offrent des
rémunérations plus faibles, réalisent un taux de croissance plus élevé,
pratiquent une plus forte rotation de leur main-d'œuvre, exportent et innovent
moins, mais différemment.
TIC et PME exportatrices : entre éloignement et gestion de proximité
Revue de l'économie méridionale
Martine Boutary et Marie-Christine Monnoyer
La décision d'internationalisation implique, pour l'entreprise, l'intégration et
la maîtrise d'informations nouvelles. Lorsqu'elles décident de franchir les
frontières, les PME, dont la spécificité consiste à élaborer leur système
d'informations à partir de la proximité , se trouvent ainsi confrontées à de
nombreux obstacles de toute nature (linguistique, culturel, financier, etc.). Il
se produirait alors une dénaturation de la PME qui la conduirait à s'éloigner de
ce qu'elle maîtrise le plus, à savoir, son milieu . Or, aussi paradoxal que cela
puisse paraître, les technologies de l'information et de la communication vont
contribuer à permettre aux PME de développer leur activité internationale à
partir de leur proximité, montrant ainsi la prédominance des capacités
relationnelles sur les capacités transactionnelles. De ce fait, le souci de la
localisation de l'information nouvelle s'en trouve amoindri.
La reprise de l'entreprise artisanale
Revue internationale PME
Christian Picard et Catherine Thévenard-Puthod
La délicate transmission de l'entreprise artisanale - dont le système de gestion
est principalement concentré sur l'artisan (et non l'entrepreneur) et sur le
métier - implique un transfert de propriété, de pouvoir et de savoir. Elle
représente un processus séquentiel non linéaire où les étapes successives
(préparation du cédant et du repreneur, accord, transition et gestion de la
reprise) présentent des obstacles de natures diverses. La gestion de la reprise
est la phase-clé de la transmission, celle où le repreneur est confronté aux
éventuelles réactions négatives de l'environnement, qui émanent des clients et
des fournisseurs, et au possible rejet des salariés.
Le financement des PME américaines : l'action publique de la Small Business
Administration
Techniques Financières et Développement
Pascal Alphonse et Jacqueline Ducret
Le financement externe des PME américaines repose essentiellement sur
l'endettement bancaire. Or, l'engagement des banques apparaît fortement
dépendant de l'existence d'un certain relationnel bancaire et des possibilités
de garanties qu'offre l'emprunteur. Les programmes d'intervention publique de la
Small Business Administration, fondés sur l'octroi de garanties et des
participations financières, limitent les effets d'exclusion des PME qui
se trouvent dans l'impossibilité de rassembler ces conditions. Néanmoins, cette
action publique ne se substitue pas au marché du financement comme mécanisme
d'allocation des ressources.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ECONOMIE DE LA CULTURE
Où en est le cinéma français ?
Commentaire
Paul Mentré
Aux Etats-Unis, le cinéma est davantage considéré comme une industrie que comme
un art ; subissant naturellement les lois du marché, son financement est
majoritairement assuré par les studios hollywoodiens. En France, en revanche, un
système d'aide établi depuis les années 1940 permet son financement. Des
ressources prélevées sur les taxes d'exploitation des films sont redistribuées
par le Centre national de la cinématographie (CNC) pour produire les films
français. D'autres sociétés participent également au financement de l'industrie
cinématographique comme les Sofica (sociétés de financement de l'industrie
cinématographique et de l'audiovisuel) et il existe par ailleurs d'autres aides
notamment régionales. Paul Mentré nous présente un bilan chiffré du secteur. Il
constate tout particulièrement une augmentation de la production, des
investissements, des entrées en salles ainsi que des entrées à l'exportation. Il
émet ensuite, quelques critiques à propos du système de financement du cinéma
français. Il fait enfin le bilan des différentes réformes entreprises pour
promouvoir le cinéma français.
MARCHE DU TRAVAIL
La mixité, un enjeu stratégique
L'Expansion Management Review
Véronique Préaux-Cobti et Avivah Wittenberg-Cox
Les auteures de l'article se sont penchées sur la place des femmes dans
l'entreprise européenne et plus particulièrement française. Elles s'appuient sur
des études attestant que plus les équipes sont diversifiées, plus elles sont
performantes, sous réserve qu'elles soient gérées correctement. Autre raison
pouvant motiver la plus grande mixité au sein des entreprises : la pénurie
attendue de cadres dans les prochaines années. Et comme la moitié des diplômés
des universités et des grandes écoles sont des femmes, les entreprises qui
emploient des femmes auront un avantage compétitif. L'intérêt pour la question
du genre au sein des entreprises se traduit par des démarches proactives
constituées de différentes phases. Il faut également noter l'engagement du top
management et la mise en place de réseaux au sein de l'organisation.
SECTEUR
Le marché de la vidéosurveillance
Informations sociales
Eric Heilmann
Les marchés de la vidéosurveillance et de la télésurveillance sont en pleine
progression depuis une dizaine d'années. A l'échelle des collectivités locales,
les investissements dans ce secteur sont considérables. Mais l'engouement pour
la vidéosurveillance va bien au-delà du cadre des collectivités publiques. Les
dispositifs techniques sont en effet de plus en plus utilisés par des
propriétaires privés et investis dans les lieux privés ouverts au public .
Toutefois, les études montrent que le soutien apporté par les caméras à la lutte
contre l'insécurité est négligeable.
No
2.886
09 novembre 2005
DOSSIER : LE BILAN DE L'ECONOMIE MONDIALE
La croissance reste soutenue malgré des risques d'affaiblissement
Perspectives économiques de l'OCDE
Après un très bon début d'année, la croissance de l'ensemble de la zone OCDE a
ralenti courant 2004. Dans les six plus grands pays de l'OCDE, le taux de
croissance est ainsi passé de 1 % au premier trimestre à 0,5 lors des deux
derniers trimestres de l'année. Le rythme d'activité a moins faibli aux
Etats-Unis, au Royaume-Uni et en France qu'au Japon, en Allemagne et en Italie.
Bien qu'un regain de vigueur doive en principe se généraliser en 2005, la
croissance reste exposée à plusieurs risques, dont notamment la nette
appréciation du prix du pétrole, la valorisation de certains marchés d'actifs et
la persistance d'amples déficits budgétaires.
Forte croissance du commerce mondial
Rapport sur le commerce mondial 2005
OMC
Le commerce mondial des marchandises a augmenté en 2004 de 9 % en valeur réelle,
ce qui est le meilleur résultat annuel depuis 2000. Cette expansion est
nettement supérieure à la moyenne de la dernière décennie. La hausse des cours
du pétrole et des métaux a entraîné une forte augmentation de la part des
combustibles, des métaux et du fer dans les exportations mondiales. Le
Moyen-Orient, l'Afrique et les pays de la Communauté des Etats indépendants
(CEI) sont de gros exportateurs nets de ces produits. Leur part dans le commerce
mondial a encore gagné du terrain en 2004. L'ensemble des économies en
développement dans les exportations mondiales a ainsi atteint un nouveau sommet
de 31 %. L'évolution a été plus modeste en Europe et en Amérique du Nord. En
termes réels, les deux zones affichent une croissance de leur commerce située
entre 6 et 10 %.
L'envolée des cours pétroliers a pesé sur les marchés des actions
Rapport annuel
Banque des règlements internationaux
Au cours de l'année 2004, les conditions financières se sont assouplies sur
l'ensemble des marchés. Le bas niveau des rendements longs malgré les
relèvements des taux directeurs a été particulièrement surprenant aux
Etats-Unis. La hausse des cours pétroliers qui s'est accompagnée par une intense
activité spéculative a pesé sur les marchés des actions. La diminution des
primes de risque a traduit la faible volatilité des marchés et un goût affirmé
pour le risque. Enfin, le dernier trimestre de l'année 2004 a été marqué par
l'augmentation des besoins de financement des entreprises américaines.
Baisse du dollar et forte hausse des cours du pétrole
Rapport annuel de la Banque de France
Christian Noyer
Au cours de l'année 2004, en dépit d'un relèvement des taux d'intérêt directeurs
de la Réserve fédérale, la dépréciation du dollar vis-à-vis des principales
devises s'est poursuivie. Le recul de la monnaie américaine n'a toutefois pas
été régulier tout au long de l'année. L'euro a enregistré face au dollar une
progression de 8 %, atteignant un pic à 1,36 dollar en décembre 2004. Les
devises des nouveaux Etats membres de l'Union européenne sont restées stables ou
se sont appréciées vis-à-vis de l'euro. Enfin, l'augmentation de la demande
mondiale de pétrole, tirée en particulier par la Chine et les Etats-Unis, dans
un contexte géopolitique incertain a entraîné de fortes tensions sur les cours
du brut.
IDE : la fin du ralentissement
World Investment Report 2005
CNUCED
Après trois années de baisse consécutive, les flux mondiaux d'investissements
directs à l'étranger (IDE) se sont légèrement redressés en 2004. Ce redressement
s'explique par la forte augmentation des IDE à destination des pays en
développement (PED). Les Etats-Unis conservent leur rang de premier destinataire
d'IDE, devant le Royaume-Uni. La région Asie-Océanie reste, quant à elle, avec
148 milliards de dollars, le premier bénéficiaire des flux d'IDE à destination
des PED. Dans cet ensemble, la Chine est, avec 61 milliards de dollars, le
premier pays du monde en développement pour l'accueil d'IDE et occupe le
troisième rang mondial. En revanche, les flux à destination de l'Union
européenne sont tombés à leur niveau le plus bas depuis la fin des années 1990.
Toutefois, l'évolution est contrastée puisque les dix nouveaux Etats membres ont
enregistré une augmentation des entrées d'IDE.
Marché du travail : manque de dynamisme
Perspectives de l'emploi
OCDE
L'année 2004 se caractérise, dans la zone OCDE, par une croissance modérée de
l'emploi (0,9 %) et les économistes ne prévoient pas de redressement rapide dans
les deux années à venir. La légère diminution du taux de chômage (s'établissant
à 6,7 % de la population active), qui devrait se confirmer par la suite, ne
parvient pas à masquer les disparités entre les pays. La croissance des salaires
est prudente (3,1 %) mais les coûts unitaires de la main-d'œuvre, en nette
décélération, devraient retrouver leur rythme de progression de la période
1992-2002 (1,6 %).
Développement humain et conflits violents
Rapport mondial sur le développement humain 2005
PNUD
Bien que le nombre de conflits ait décliné au cours du XXe siècle et plus
particulièrement depuis le début des années 1990 (51 conflits en 1991 contre 29
en 2003), le dernier siècle a été extrêmement meurtrier (presque trois fois plus
de personnes tuées durant un conflit que lors des quatre siècles précédents).
Mais le nombre de victimes ne représente pas le seul coût dû aux conflits
violents. Leurs conséquences sur le développement humain sont très étendues. La
destruction des infrastructures et du capital physique modifie, à long terme, le
système productif et réduit considérablement le potentiel de croissance. Elle
contribue aussi à la chute des flux d'investissements dans les régions
concernées et provoque un effet d'éviction en incitant à consacrer plus de
revenus à l'armement qu'aux moyens productifs. D'autres types de coûts, moins
visibles, sont plus délicats à traduire en chiffres. Pourtant, la dislocation
des systèmes alimentaires, de santé et d'éducation, la perturbation du marché du
travail, les risques sanitaires et la désintégration du système politique sont
autant de facteurs défavorables au développement humain. Les risques
sécuritaires concernant de plus en plus les pays à faibles revenus, le rapport
du PNUD montre que, plus que jamais, l'interaction entre la pauvreté et les
conflits violents menace la sécurité collective de la communauté internationale.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ECHANGE INTERNATIONAL
Le déséquilibre des échanges commerciaux sino-américains
Monde Chinois
Sarah Y. Tong
Le déséquilibre croissant des échanges commerciaux sino-américains est devenu
une préoccupation essentielle des autorités américaines. Ce déséquilibre
commercial alimente les débats et fait l'objet de vives controverses. La Chine
et les Etats-Unis sont notamment en désaccord sur son ampleur et ses origines.
L'auteur montre que, pour y voir plus clair dans les données officielles, il est
nécessaire d'examiner attentivement le rôle des réexportations hongkongaises
mais également de tenir compte de l'importance des échanges de services et de
l'impact des échanges commerciaux réalisés par des entreprises à capitaux
étrangers installées en Chine. Il s'avère, qu'après avoir opéré divers
ajustements, les différences de chiffres peuvent être réduites des trois quarts.
L'étude insiste, en outre, sur le fait que les échanges de services, en faveur
de l'économie américaine, permettent de compenser le déséquilibre commercial
bilatéral entre les Etats-Unis et la Chine.
ENTREPRISES ET MARCHES
Le militantisme éthique, facteur de délocalisation des entreprises ?
Kyklos
Gilles Grolleau, Tarik Lakhal et Naoufel Mzoughi
Le militantisme éthique est-il efficace ? Trois générations de militants
éthiques peuvent être identifiées. La première a conduit les décideurs
politiques des pays développés à imposer des normes éthiques contraignantes sur
les industries domestiques ce qui a entraîné la délocalisation d'un certain
nombre d'entreprises vers des pays dotés de normes moins exigeantes. La seconde
génération a directement pris pour cible les firmes en menaçant leur profit sur
les marchés de consommation, quelle que soit leur localisation. Cette forme de
militantisme a poussé certaines entreprises à améliorer les conditions éthiques
de leurs sites à l'étranger et a même parfois abouti à la relocalisation de ces
sites dans leur pays d'origine. Quant à la troisième génération, elle a cherché
à sortir de la confrontation pour établir des relations de coopération avec les
firmes. Les partenariats mis en place ont une influence non négligeable sur les
décisions d'implantation des entreprises.
No
2.887
23 novembre 2005
DOSSIER : LES DEFIS D'UNE EUROPE ELARGIE
GOUVERNANCE ECONOMIQUE
L'assouplissement du Pacte de stabilité
La Revue du Trésor
Philippe Marchat
L'auteur revient ici sur les circonstances qui ont présidé à l'assouplissement
du Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Les déficits de la majorité des
Etats membres de l'Union européenne (UE), en particulier ceux de l'Allemagne et
de la France, pays leaders de l'UE, et l'élargissement à dix nouveaux membres,
favorisant l'augmentation du nombre et parfois de la durée des déficits
budgétaires, ont incontestablement déclenché le processus d'assouplissement du
PSC. L'évolution du Pacte, adoptée au printemps 2005, implique de revenir sur sa
signification. Sans modification des seuils, mais plaçant l'endettement (et de
ce fait, le long terme) en première ligne, le PSC est aujourd'hui considéré
comme l'organe essentiel de la politique économique et financière de l'UE dont
le défi majeur est de réaliser l'ambitieux objectif économique fixé par la
stratégie de Lisbonne : devenir l'économie la plus compétitive au monde.
Le concept d'attractivité en Union monétaire
Bulletin de la Banque de France
François Mouriaux
La question de l'attractivité du territoire est une interrogation ancienne.
Depuis la mise en place de l'Union économique et monétaire, on constate une
intensification de l'intérêt pour cette problématique, comme en témoignent la
publication d'une série de rapports sur le sujet. En effet, dans un contexte où
les ajustements de change ne peuvent plus intervenir, l'intérêt et les limites
du concept d'attractivité dans la formulation des politiques économiques se
posent en termes nouveaux. Dans le cadre de l'Union économique et monétaire, la
concurrence fiscale et la santé des finances publiques deviennent des éléments
essentiels de l'attractivité. En incitant les pays membres à s'inscrire dans une
action pluriannuelle et à améliorer la qualité des dépenses publiques, le Pacte
de stabilité et de croissance peut être d'une grande utilité dans la conduite
des politiques d'attractivité.
Le budget 2007 - 2013 : quelle politique de cohésion européenne ?
Futuribles
Marjorie Jouen
Au cours du Conseil européen du 16 et 17 juin 2005, les chefs d'Etat et de
gouvernement de l'Union européenne (UE) ne sont pas parvenus à trouver un accord
sur le cadre financier 2007-2013. La future politique de cohésion économique et
sociale fait notamment l'objet d'âpres discussions. L'UE est confrontée aux
nombreux problèmes posés par l'élargissement à dix nouveaux États membres, issus
pour huit d'entre eux d'Europe centrale et orientale. L'adhésion de ces pays,
dont le niveau de richesse se situe en dessous de la moyenne communautaire, va
en effet entraîner un accroissement des disparités régionales et sociales, de
nouvelles inégalités territoriales et l'aggravation de la pauvreté et de
l'exclusion sociale. Or, la question du financement de la future politique de
cohésion économique et sociale conçue pour résoudre ce type de problèmes se pose
à un moment où le projet européen souffre d'une véritable désaffection et où
l'Union enregistre des performances économiques médiocres.
POLITIQUES SOCIALES ET CROISSANCE
L'UE : un sujet politico-économique complexe
Intereconomics
J. Andrés Faíña
Le traité constitutionnel qui avait comme objectif d'établir les nouveaux
fondements juridiques et politiques de l'Union européenne (UE) a essuyé un échec
avec les résultats négatifs des référendums français et néerlandais. L'Europe
est-t-elle désormais en crise ? Pour répondre à cette question, il faut d'abord
rappeler que l'UE a accompli d'impressionnantes réalisations institutionnelles.
L'unification du marché intérieur, l'union monétaire et le récent élargissement
en sont des exemples. L'auteur cherche ensuite à montrer la véritable
signification du processus d'intégration européen et à analyser l'impopularité
dont l'UE est aujourd'hui victime. Parmi les difficultés, il cite le rôle
toujours prépondérant des gouvernements nationaux ainsi que le problème de
crédibilité face aux objectifs de l'UE.
L'avenir incertain du modèle social européen
Droit social
Georges Spyropoulos
Les questions sociales ont dominé les débats qui ont marqué les campagnes
référendaires, en vue de la ratification du traité constitutionnel, qui se sont
déroulées, au printemps dernier, en France et aux Pays-Bas. L'élargissement de
l'Union européenne (UE) à des pays dont les systèmes de protection sociale se
situent nettement en dessous des standards européens fait en effet planer la
crainte d'une remise en cause profonde des acquis sociaux de l'Etat providence.
Après avoir rappelé les principes fondamentaux du modèle social européen,
l'auteur souligne que celui-ci, devant les critiques répétées des libéraux et
des néo-libéraux, a commencé depuis une vingtaine d'années à céder du terrain.
Il montre notamment que lors des négociations d'adhésion qui ont précédé le
dernier élargissement, ce sont les critères politiques et économiques qui ont
prévalu au détriment des critères sociaux. Par ailleurs, la Charte des droits
sociaux fondamentaux incorporée au traité constitutionnel ne prévoit pas de
compétence nouvelle de l'Union en matière sociale. Il est donc difficile, dans
ces conditions, d'envisager, dans les cinq à dix prochaines années, une
évolution positive du modèle social européen.
L'Union européenne après l'élargissement
Chronique internationale de l'IRES
Jacky Fayolle
Le 1er mai 2004, dix nouveaux États membres ont rejoint l'Union européenne (UE).
Il est attendu de cet élargissement de l'UE un processus de rattrapage
économique et une coordination plus transversale entre tous les acteurs sociaux
européens. Il semble qu'au contraire ce soit la méthode intergouvernementale,
voire supra-étatique qui domine. Le développement de l'investissement productif
et du commerce extérieur ayant permis à la croissance économique des PECO (Pays
d'Europe centrale et orientale) de résister depuis 2000 sont autant d'éléments
qui confirment l'idée que le rattrapage est amorcé. Toutefois, la diffusion de
ces gains est limitée : les taux de chômage dans les nouveaux pays membres sont
élevés et l'écart entre l'évolution des salaires et celle de la productivité
augmente. Ces pays doivent en outre faire face à différents dilemmes. Favoriser
le développement des investissements directs à l'étranger (IDE), par exemple,
encourage la transmission des technologies et allège la contrainte financière de
ces économies mais risque d'accroître le dualisme entre les entreprises à
capital étranger et les petits secteurs constitués d'entreprises locales.
Adopter l'ancrage fixe de la devise locale sur l'euro favorise la stabilité
monétaire mais risque d'exercer une pression sur la compétitivité nationale. Au
contraire, choisir une transition souple à l'euro permettrait d'éviter la
contrainte pesant sur la compétitivité mais incite, dans le même temps, à la
dépréciation et peut provoquer de l'inflation.
Le difficile équilibre entre solidarité et croissance
Finances et Développement
Michel Deppler
Après plusieurs décennies de forte croissance, l'Europe traverse actuellement
une phase de croissance faible, surtout comparée aux Etats-Unis. L'auteur, en
retraçant l'histoire économique de l'Europe continentale depuis l'Après-guerre
tente d'analyser ce problème dans le cadre d'une Europe élargie. Il souligne la
présence de deux traditions de long terme : l'une tournée vers la solidarité et
l'équité, l'autre vers la discipline financière et l'efficacité économique. Si
aujourd'hui, l'intégration des nouveaux pays membres lance un défi à l'Europe
sociale, cette même intégration a toujours été une source majeure de croissance
en Europe. Mais au-delà de cet élargissement - et afin d'améliorer les
perspectives de croissance - l'auteur rappelle que les réformes politiquement
difficiles sont généralement considérées nécessaires à une forte croissance.
QUELLES REFORMES POUR UNE MEILLEURE COMPETITIVITE ?
Comment sauver le processus de Lisbonne ?
CES ifo
Jean Pisani-Ferry
Les trois principaux objectifs de Lisbonne (une intégration économique plus
poussée, une meilleure coordination des marchés du travail domestiques et des
systèmes de retraite et une restructuration de la dépense publique) ont-ils été
atteints ? La comparaison des trajectoires des pays membres de l'Union
européenne (UE) et des pays extérieurs à la zone montre que l'UE s'est trouvée
dans l'incapacité de tenir ses engagements. L'absence d'incitation à coordonner
les politiques de réformes structurelles nationales en est la principale
responsable. Dans ces conditions, et pour un intérêt commun, la seule façon de
rendre plus efficace le processus de Lisbonne, et de rendre sa légitimité à
l'Union européenne, est d'inciter les Etats membres à développer des politiques
coordonnées et d'aider à la diffusion des externalités positives attendues.
L'avenir économique de l'Europe
The Journal of Economic Perspectives
Olivier Blanchard
La situation de quasi stagnation que connaît l'Europe depuis quelques années,
comparée au dynamisme de l'économie américaine, entretient un climat de profonde
morosité sur le Vieux continent. Pourtant, une analyse des performances
économiques de part et d'autre de l'Atlantique montre que depuis trois
décennies, l'écart de PIB par habitant entre l'Union européenne et les
Etats-Unis est resté relativement constant et que la productivité du travail -
mesurée en PIB par heure travaillée - a augmenté plus rapidement en Europe
qu'Outre-Atlantique. D'importantes réformes structurelles ont de surcroît été
engagées depuis une vingtaine d'années par l'Union européenne qui, de toute
évidence, sont bien davantage le signe du changement que de l'immobilisme. Si
l'économie européenne continue d'être handicapée par une réglementation
insuffisamment efficace rien, selon l'auteur, ne justifie néanmoins l'excès de
pessimisme qui semble s'être emparé des Européens.
No
2.890
4 janvier 2006
DOSSIER : Réforme fiscale et concurrence
La politique fiscale française depuis les années 1990
Études de politique fiscale
OCDE
En France, au début des années 1990, la politique fiscale, en vue de respecter
les critères fixés par le traité de Maastricht, était orientée vers l'objectif
de réduction des déficits publics. Une fois cet objectif atteint, la réduction
de la charge fiscale est devenue la principale préoccupation des pouvoirs
publics. Des mesures visant à réduire les trappes à inactivité et à stimuler le
potentiel de production de l'économie ont été introduites : la réforme de
l'impôt sur le revenu des personnes physiques, la création de la prime pour
l'emploi, la réduction de la charge fiscale pesant sur les entreprises ou encore
des mesures favorables à l'investissement pour les entreprises étrangères
installées dans l'Hexagone.
Fiscalité française et investissements des multinationales
Conseil d'analyse économique
Sébastien Raspiller
L'intégration de plus en plus poussée des marchés conduit à une compétition
accrue entre Etats pour attirer les investissements internationaux. Parmi les
critères déterminants de l'attractivité des territoires, la fiscalité compte
parmi les facteurs décisifs. Au sein de l'Union européenne (UE), qui offre
l'exemple d'un espace économique très intégré, les écarts de pression fiscale
entre Etats membres jouent dès lors un rôle particulièrement important. Evaluer
la charge fiscale qui pèse sur les entreprises d'un pays reste toutefois une
tâche difficile compte tenu de la complexité des systèmes d'imposition. Dans le
cas de la France, les résultats de l'analyse sont globalement pessimistes. Si en
effet, concernant l'impôt sur les sociétés, elle se situe dans la moyenne de
l'UE, elle occupe, en revanche, les dernières places pour ce qui est de la
charge fiscale globale pesant sur les entreprises.
Concurrence fiscale : la France reste relativement attractive
La Revue du Trésor
André Barilari
Si dans le cadre de la concurrence fiscale, la France compte un certain nombre
d'éléments défavorables : le poids des cotisations sociales, un taux nominal
d'imposition des bénéfices des sociétés parmi les plus élevés de l'Union
européenne, un dispositif d'imposition des plus-values de cession d'actifs
particulièrement lourd ou encore une taxe professionnelle qui pèse sur les
immobilisations, le système fiscal français présente également des éléments
favorables qui rendent la France relativement attractive. Le Conseil des impôts
a cherché dans son XXIIe rapport à évaluer le poids respectif des avantages et
des inconvénients du système français. Il n'a pas limité son étude à la
fiscalité pesant sur les entreprises mais a analysé également l'influence de la
fiscalité des personnes physiques sur la localisation des firmes, ceci afin
d'éclairer, en particulier, le débat sur les conséquences économiques de l'impôt
sur la fortune.
La Flat-Tax : principes et applications
Adam Smith Institute
Andrei Grecu
Le système de l'impôt proportionnel à taux unique, flat-tax en anglais,
est dans le cadre des projets de réforme de la fiscalité de plus en plus
fréquemment présenté par de nombreux économistes libéraux comme une alternative
aux systèmes fiscaux en vigueur. L'auteur, partisan du système de la flat-tax,
en expose ici les grands principes et dresse un bilan des avantages qu'il
présenterait par rapport à un système d'impôt progressif, en particulier dans le
cadre de la concurrence fiscale devenue avec la mondialisation un facteur
décisif de compétitivité. Il rappelle que quelques petits pays ont depuis
longtemps adopté ce système avec, selon lui, un réel succès. Tandis qu'au cours
de la dernière décennie plusieurs pays d'Europe centrale et orientale en ont
fait un élément central de réforme de leur économie.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
NOUVELLES TECHNOLOGIES
Les analyses économiques du piratage des biens numériques
Revue française d'économie
Myriam Davidovici-Nora
Au cours des dernières années, accompagnant le développement de l'internet, un
phénomène nouveau a fait son apparition celui du piratage de masse des biens
numériques par le grand public. Ce piratage qui est venu s'ajouter à celui des
professionnels nourrit les craintes des détenteurs de droits de la propriété
intellectuelle sur ces biens. L'auteur examine ici les conditions qui ont
favorisé l'essor de ce phénomène. Elle passe également en revue ses conséquences
: sur les ventes, les prix, les profits, l'innovation et la stratégie
d'entreprise. Elle conclut son étude par une analyse des effets du renforcement
des protections juridiques et technologiques sur le piratage.
COMMERCE INTERNATIONAL
Exportations : l'Allemagne distance la France
Guillaume Gaulier, Amina Lahrèche-Révil et Isabelle Méjean
La Lettre du CEPII
La France et l'Allemagne présentent des déterminants macro-économiques
relativement similaires. Pourtant, depuis le début des années 2000, les
exportations françaises progressent moins vite que les exportations allemandes.
Les auteurs proposent d'en déterminer les raisons dans une fine analyse, sur un
millier de secteurs. Les résultats obtenus mettent en évidence des compositions
sectorielles différentes et des comportements divergents face aux chocs de
change et aux variations de la demande mondiale. La contre-performance de la
France est ainsi expliquée par son incapacité à adapter son offre d'exportation
à la demande mondiale.
DEMOGRAPHIE
Les immigrés en France, une situation qui évolue
INSEE Première
Chloé Tavan
Si depuis trente ans, en France, la part des immigrés dans la population est
restée stable, le visage de l'immigration a lui beaucoup changé. Augmentation du
nombre des entrées dans le cadre du regroupement familial, féminisation et
éloignement géographique des pays de provenance sont les nouvelles
caractéristiques de l'immigration. Les immigrés continuent d'être confrontés
dans leur vie quotidienne à un certain nombre de difficultés. Ils vivent en
effet plus fréquemment dans des logements surpeuplés et sont davantage affectés
par le chômage. Leurs enfants sont souvent en difficulté scolaire, mais pas plus
cependant que les autres enfants ayant les mêmes caractéristiques sociales.
No
2.891
18 janvier 2006
DOSSIER : Nouveaux visages de l'industrie automobile
La place de l'automobile dans notre société
Futuribles
Pierre Bonnaure et Véronique Lamblin
Malgré la tertiarisation de l'économie, l'industrie automobile occupe toujours
une place importante dans les pays développés. Certes, son poids en termes
d'effectifs a diminué nettement - en France, le secteur n'occupe plus que 1,3 %
des actifs - mais ses liens avec d'autres secteurs ou des activités comme
l'électronique ou la R&D lui confèrent un rôle d'entraînement significatif. Les
auteurs reviennent sur ces interdépendances et montrent que la voiture a
beaucoup évolué, dans sa forme comme dans sa composition : de nouvelles
exigences en matière de sécurité, d'environnement, etc. apparaissent à côté de
celles plus traditionnelles des consommateurs. Plus récemment, la perspective
d'épuisement des hydrocarbures ainsi que l'arrivée sur le marché de
constructeurs issus de pays émergents (Chine, Inde) posent de nouveaux défis au
secteur.
Fusions et scissions dans le secteur
Actes du Gerpisa
Michel Freyssenet
L'industrie automobile figure parmi les secteurs emblématiques du processus de
concentration industrielle transnationale. Les multiples fusions qui ont été
réalisées depuis 1950 ont créé un oligopole d'une quinzaine de groupes
industriels internationaux qui se partagent aujourd'hui la production d'une
cinquantaine de millions de véhicules particuliers et utilitaires dans le monde.
Cependant, ce mouvement de fusions, d'acquisitions et d'alliances masque une
autre réalité, celle de la désintégration verticale se traduisant par la cession
d'activités et la vente de filiales. L'auteur analyse les six vagues de
regroupement-séparation que l'on a pu observer depuis les années cinquante et
tente d'identifier les enjeux de chacune d'elles, ainsi que les raisons de leur
réussite ou de leur échec.
La nouvelle dynamique concurrentielle
Economie et sociétés
Matthias Holweg
La production automobile a connu quatre grandes phases : d'une concurrence
fondée sur le coût de production (le fordisme), on est passé à une concurrence
fondée sur la variété des modèles offerts (après 1930), puis à une concurrence
s'appuyant sur la diversification et le leadership en matière de design et de
processus de production (cas de Toyota), et enfin aujourd'hui, à une concurrence
basée sur une adaptation au plus près des besoins des consommateurs. L'auteur
étudie cette évolution et s'interroge sur la prochaine étape. Selon lui, elle
devrait être caractérisée par l'apparition de nouveaux modes de propulsion et de
nouvelles énergies. En effet, depuis la mise au point du moteur de Carl Benz en
1886, il ný a eu que peu de changements dans ce domaine.
Vers la voiture sur mesure
Document de travail Cerna
Noémie Behr
L'articulation entre modèles productifs et organisation du système de
distribution reste une question relativement peu explorée. Pourtant,
d'importants changements sont intervenus dans les modes de production avec des
répercussions directes sur les modes de distribution. Ainsi, le modèle de vente
sur stock dans de petites concessions a fait place à la distribution d'une
variété croissante de produits (par combinaison des caractéristiques d'un
modèle). L'auteur montre comment cette diversité permet de révéler que l'analyse
des types d'articulation entre production et distribution doit prendre en compte
non seulement l'ensemble des composantes des modèles productifs, mais également
la totalité des caractéristiques d'un système de distribution, notamment la
structure de marché de la distribution.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
SCIENCE ECONOMIQUE
L'évaluation empirique des théories économiques
Economie appliquée
Patrick Eparvier
Le caractère scientifique de l'analyse économique demeure une question centrale
dans les débats épistémologiques en sciences sociales. L'auteur propose ici une
réflexion autour des outils méthodologiques nécessaires pour une évaluation
empirique des théories économiques. Un rôle important est souvent accordé à la
confrontation des conclusions théoriques à des tests empiriques. Or, souligne
l'auteur, cette confrontation est souvent éludée ou déformée par les théories
économiques. Dans le même temps, des théories, rarement testées participent
pourtant à l'élaboration théorique des politiques publiques. Cette capacité à
proposer de tels éléments est en fin de compte un autre mode d'évaluation
empirique des théories économiques. Ces dernières doivent être, selon l'auteur,
jugées sur leur capacité à répondre à plusieurs niveaux d'analyse :
représentation théorique de certaines propositions, possibilité de tester ces
propositions et transformation de certaines notions en éléments de politique
publique. Enfin, c'est sur l'articulation des différents travaux au sein d'un
programme de recherche - travaux qui ne doivent pas nécessairement être conduits
par le même individu - que l'auteur propose de faire porter l'évaluation
empirique des théories.
MARCHE DU TRAVAIL
L'égalité des sexes engendre-t-elle la croissance ?
L'Observateur de l'OCDE
Roger Mörtvik et Roland Spånt
Dans les pays où prévalent des structures familiales plus traditionnelles dans
lesquels le marché du travail est relativement et particulièrement dominé par
les hommes, il est plus difficile de concilier vie de famille et travail et le
taux de natalité en pâtit. C'est l'hypothèse que formulent les auteurs. Ainsi,
l'offre de main-d'œuvre diminue sur le long terme et la croissance économique
dans ces pays ralentit. Il ressort de leur étude portant sur dix-sept pays et
reposant sur deux critères (la nature des mentalités - plus ou moins
traditionnelles - et le taux de natalité), que les pays les moins progressistes
(l'Allemagne, le Japon, l'Italie et l'Espagne entre autres), dont le taux de
natalité est relativement faible, sont aussi ceux qui connaissent un
ralentissement économique par rapport aux autres (Etats-Unis, Irlande, Norvège,
Suède, etc.). Pour la plupart des économistes en général, il s'agit davantage
d'un problème de productivité que de mentalités. Ce n'est pas l'avis des auteurs
pour qui une réforme du marché du travail impliquant plus d'égalité entre les
hommes et les femmes est capitale pour la croissance.
No
2.892
1er février 2006
DOSSIER : La dette des PED : où en est-on ?
Soutenabilité de la dette : concepts, mécanismes et diagnostics
Revue de la stabilité financière
Adeline Bachellerie et Bertrand Couillault
La dette publique des pays émergents s'est accrue en moyenne de 10 points de PIB
en moins de dix ans (70 % en 2002), notamment en raison de l'abondance des
capitaux sur les marchés obligataires devenus la source principale de
financement de ces économies au détriment de l'endettement bancaire qui
caractérisait les années 1980. L'assèchement brutal des financements vers les
pays émergents, dans les années 1990, a contribué aux crises de leur compte de
capital. En outre, leurs fragilités internes, l'incapacité à emprunter dans leur
monnaie nationale sur les marchés internationaux et l'imperfection des
informations concernant ces économies sont autant d'obstacles à la soutenabilité
de leur dette. Dans ce contexte, l'élaboration d'un diagnostic précis de
l'endettement est utile pour mieux rendre compte des incertitudes et des
vulnérabilités financières des pays émergents et pour mieux prévoir les crises.
L'émission externe de titres en monnaie nationale : le choix récent du Brésil
Note du Boletim Trevisan
L'amélioration de la situation macro-économique brésilienne a permis au
gouvernement fédéral de prendre, le 19 septembre 2005, une décision historique :
financer une partie de sa dette externe en émettant des titres en reals sur le
marché international pour un montant équivalent à 1,5 milliard de dollars. Ce
type de financement de la dette en monnaie locale permet d'éviter les risques de
change qui sont alors supportés par les créanciers. Ceux-ci sont prêts à le
faire dans la mesure où le spread brésilien (écart entre le taux
d'intérêt local et celui des Etats-Unis) est faible. L'accès aux ressources
extérieures pour nombre d'entreprises et de consommateurs brésiliens permettra
de libérer un certain volume d'épargne interne - jusqu'alors faible si on la
compare avec celle des autres économies émergentes, notamment l'Asie du Sud-Est
- qui sera disponible pour soutenir l'investissement. Le surcroît d'épargne
permettra au gouvernement de diminuer le taux d'intérêt qui, à un niveau élevé,
renchérit le coût de la dette et du capital productif. Cette stratégie de
financement de la dette brésilienne repose sur une hypothèse fondamentale : la
stabilité escomptée du real par rapport au dollar. En effet, le moindre signe de
faiblesse de la monnaie (ou, à l'inverse, le plus petit signe de vigueur du
dollar) contribuera à dévaloriser les bons brésiliens et à éloigner les
investisseurs. Dans ces conditions, l'appréciation du real doit être de mise.
Etant donné que les bons ne sont pas indexés à l'inflation (contrairement aux
bons uruguayens par exemple), Brasilia semble pouvoir se le permettre.
Les pays émergents pourront-ils emprunter dans leur monnaie ?
BIS Quarterly Review
Camilo E. Tovar
L'impossibilité d'emprunter dans sa propre monnaie sur les marchés financiers
internationaux (" péché originel ") semblait être la caractéristique des
économies émergentes. Pourtant, en Amérique latine, l'Uruguay a créé, en 2003,
un précédent. Le pays a été suivi par la Colombie en 2004 et le Brésil en 2005.
Toute une combinaison de facteurs est à l'origine de ce phénomène. La recherche
de nouvelles sources de financement leur permettant de diminuer la vulnérabilité
des marchés de capitaux domestiques, la diminution des taux d'intérêt sur les
marchés financiers matures - les spreads des pays émergents qui en
résultent sont affaiblis et réduisent les risques pour les investisseurs - et
l'amélioration des fondamentaux ont rendu possible l'émission d'une partie des
dettes publiques souveraines en monnaie locale. Toutefois, même si ces succès
constituent un signal fort adressé aux acteurs de la finance internationale, il
semble que leur pérennité ne soit pas nécessairement garantie.
Restructuration de la dette : le cas argentin
La Lettre du CEPII
Jérôme Sgard
L'abandon de la proposition Krueger qui aurait imposé un cadre juridique
relativement contraignant, obligeant des créanciers minoritaires réfractaires à
conclure des accords, a finalement conduit à privilégier, pour la
restructuration de la dette souveraine, la voie de la négociation. Cette
nouvelle procédure, appelée CAC (clauses d'action collective), qui implique la
marginalisation du Fonds monétaire international dans les processus de
restructuration des dettes des économies émergentes, semble plus démocratique
que la précédente. Elle présente toutefois quelques difficultés. En effet, si
les CAC supposent que les investisseurs publics et privés négocient entre eux,
souvent ces derniers résistent à un accord et portent plainte devant les
tribunaux de commerce des places financières où les obligations ont été émises
(New York ou Londres). C'est ce qui s'est passé en Argentine où trois années ont
été nécessaires pour que les créanciers s'entendent. Même si un accord est
finalement trouvé, il n'est conclu qu'entre ceux qui l'ont souhaité. Et dans
l'hypothèse d'une plainte non recevable auprès du tribunal de commerce de la
part d'investisseurs réfractaires, un montant non négligeable de la dette peut
rester en souffrance, c'est actuellement le cas de 24 % de la dette argentine.
Prêts versus dons : quelle source de financement pour les PED ?
L'Observateur de l'OCDE
Daniel Cohen et Helmut Reisen
Au moment où le Fonds monétaire international et la Banque mondiale viennent
d'annoncer l'annulation de la dette multilatérale de dix-neuf pays pauvres très
endettés (PPTE), la question de l'utilité des prêts est de retour. Il semble que
l'augmentation du volume de dons au détriment des prêts n'ait pas contribué à
diminuer la pauvreté dans les pays en développement, notamment ceux qui en
bénéficient le plus. Selon les auteurs, il faut dépasser le clivage entre les
deux sources de financement qui sont en réalité compatibles, chacune présentant
des avantages. D'un côté, les remboursements des prêts octroyés dans le passé
permettent d'alimenter les crédits futurs même si, dans certains cas, ces
nouveaux prêts ne servent qu'à financer les précédents. De l'autre, en dépit du
caractère incitatif des prêts, les dons offrent une marge de manœuvre immédiate
qualifiée par les économistes d' " effet de lissage " qui contribue à stabiliser
la conjoncture.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
DEVELOPPEMENT
Le rôle de l'agriculture dans la croissance et le développement
Revue Tiers Monde
Pierre Berthelier et Anna Lipchitz
L'environnement économique et commercial s'est transformé, les échanges se
multiplient et les règles qui les encadrent ont évolué. Dans ces conditions, le
rôle de l'agriculture dans le processus de développement des pays du Sud est
contesté. Selon les auteurs, la transition agricole est une raison nécessaire
mais non suffisante au développement économique et à la croissance soutenue des
pays du Sud. L'étude économétrique qu'ils proposent sur une cinquantaine de pays
relativise ainsi les travaux d'Arthur Lewis à l'origine de la théorie du surplus
pour laquelle la transition économique s'explique par un flux continu de
ressources de l'agriculture vers l'industrie. Les auteurs montrent en effet que
s'il n'est pas accompagné d'un développement des autres secteurs, le processus
de transition peut être bloqué. Ainsi, l'accumulation du capital,
l'investissement en capital humain et les politiques agricoles publiques
constituent des éléments essentiels au développement économique des pays du Sud.
La France et ses pôles de compétitivité
Crédit Agricole - Eclairages
Jean-Paul Betbèze, Alain Argile et Olivier Eluere
Face aux mutations de l'environnement économique international et, par
répercussion, national, la France a décidé d'initier une politique industrielle
de grande envergure : la promotion et le développement de facteurs clés de la
compétitivité industrielle. Au premier rang se trouve la capacité d'innovation
qui est au cœur de la politique des pôles de compétitivité. Parmi les 105
candidatures recueillies au printemps, 67 pôles de compétitivité ont finalement
été sélectionnés en 2005. Parmi ceux-ci, on distingue 6 projets mondiaux et 9
projets à vocation mondiale. Destinés à développer les synergies entre
entreprises, unités de recherche et centres de formation dans un espace
géographique donné, ils bénéficieront de 1,5 milliard d'euros de financement
public sur trois ans. Compte tenu du double handicap (qualitatif et quantitatif)
de la France en matière de recherche et de développement, l'impact de ces pôles
sur l'économie devrait être positif.
No
2.893
15 février 2006
DOSSIER : L'économie italienne au pied du mur
De 1970 aux années 2000 : trois décennies de déclin de l'économie italienne
Review of Economic Conditions in Italy
Mariano D'Antonio et Margherita Scarlato
Au cours des trente dernières années du XXe siècle, l'Italie a connu les
changements structurels caractéristiques d'un pays développé. Elle s'est ainsi
peu à peu transformée en une économie post-industrielle. Dans le même temps,
elle a été marquée par des évolutions plus singulières comme la tendance très
forte à l'instabilité macroéconomique. Depuis les années 1970, elle semble être
entrée dans une phase de déclin. La croissance du PIB ne cesse de ralentir, ses
performances en termes de productivité se sont progressivement détériorées et
ses parts de marché sont en constante diminution. Le début des années 2000 n'a
pas montré, jusque-là, une réelle inversion de tendance. Faut-il pour autant en
conclure que le déclin de l'économie italienne est inéluctable ?
Quel avenir pour l'industrie transalpine ?
La Lettre des études économiques - Natexis
Carol Hainaut
Longtemps, l'Italie a tiré sa force de ses célèbres " districts industriels ".
Cette structure industrielle originale, qui a émergé dans le centre et le nord
du pays, il y a plus de deux siècles, étonnait. Elle était même enviée. Un
regard rétrospectif montre pourtant que leur nouvel essor, observé au cours de
la décennie 1970, était en grande partie artificielle. Du début des années 1970
à la fin des années 1980, la compétitivité de l'économie italienne a surtout
reposé sur la dépréciation continue de la lire et sur la vigueur de la demande
de biens de consommation sur le marché domestique. Ces facteurs ont aujourd'hui
disparu et la Péninsule se retrouve avec un modèle productif inadapté aux
évolutions de la mondialisation : production à faible contenu technologique dont
la demande est de plus en plus satisfaite par des pays comme la Chine,
spécialisation dans la production de biens dont la part dans la demande mondiale
est appelée à décliner, taille insuffisante des entreprises, etc. La mutation de
l'appareil productif a été engagée, mais c'est un processus lent qui nécessite
des investissements considérables en termes de recherche et d'innovation.
L'industrie italienne est donc, semble-t-il, condamnée à un affaiblissement
durable.
Les réformes italiennes au banc d'essai
Crédit Agricole - Eclairages
Gregorio De Felice
Les mauvaises performances de l'économie italienne au cours des dernières années
s'expliquent en partie par une insuffisance des réformes structurelles. A partir
des années 1990, certaines mesures ont été prises pour réformer le système des
retraites, le marché du travail et celui de l'énergie. Le pays s'est également
engagé dans la voie du fédéralisme fiscal. La plupart de ces réformes restent
néanmoins inachevées. La liste de celles qui devraient rapidement être
entreprises est en outre substantielle. C'est notamment le cas pour les secteurs
des transports, du commerce ou des télécommunications.
Le Mezzogiorno n'est pas encore sorti du sous-développement
The Economist
Si le Mezzogiorno, avec ses entreprises de haute technologie de l'Etna
Valley ou ses excellentes écoles d'ingénieurs napolitaines, ne correspond plus
tout à fait à l'image que l'on peut s'en faire à l'étranger, il reste le talon
d'Achille de l'Italie. En dépit de politiques publiques volontaristes menées au
fil des décennies pour y favoriser le décollage économique, son retard en termes
de développement reste considérable par rapport aux régions du centre et du nord
de la Péninsule. Les organisations criminelles de Naples, de la Calabre et de la
Sicile conservent, aujourd'hui encore, tout leur pouvoir de nuisance dans ces
régions, y favorisant la corruption et l'économie souterraine. Le Sud ne manque
pourtant pas d'atouts : reste à imaginer les remèdes pour les mettre en valeur.
Libéralisme à l'italienne
Politique internationale
Entretien de Richard Heuzé avec Luca Cordero di Montezemolo
Luca Cordero di Montezemolo, industriel d'origine piémontaise, est devenu, en
mai 2004, président de la Confindustria (le Medef italien). Il est également,
depuis la disparition d'Umberto Agnelli, en mai de la même année, à la tête du
groupe Fiat. Formé au début des années 1970 à l'université Columbia (New-York),
il a été, à partir de 1973, assistant personnel de Enzo Ferrari - qu'il
remplacera en 1991 comme PDG de la firme (Ferrari appartient au groupe Fiat) -
et également organisateur de la coupe du monde de football en Italie en 1990.
Très apprécié des Agnelli, reconnu pour ses talents de manager par les chefs
d'entreprises italiens, inspirant le respect aux syndicalistes transalpins,
proche du président de la République Carlo Azeglio Ciampi, le patron de la
Confindustria est particulièrement écouté dans la Péninsule. Il fait d'ailleurs
régulièrement part de ses critiques de la politique économique menée par le
gouvernement Berlusconi. Il esquisse dans cet entretien un programme de réformes
structurelles qu'il appelle de ses vœux et qui permettrait, selon lui, à
l'économie italienne de retrouver dynamisme et croissance.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
POLITIQUE INDUSTRIELLE
Vers une nouvelle politique industrielle
La Lettre de l'OFCE
Jean-Luc Gaffard
La France et l'Europe accusent un retard sensible en matière d'innovation par
rapport aux Etats-Unis. Les dépenses européennes en R&D en pourcentage du PIB
sont très inférieures aux dépenses américaines, notamment en raison de la faible
croissance enregistrée dans les industries de haute technologie. S'ajoute à cela
un écart important concernant le nombre de brevets déposés, à l'avantage des
Etats-Unis. Risquant de pérenniser les monopoles et d'empêcher l'innovation, la
politique industrielle traditionnelle qui vise à soutenir, via une
commande publique le plus souvent, une grande entreprise désignée comme porteuse
d'un grand projet est progressivement remise en cause. Aujourd'hui, si les
principes de l'intervention traditionnelle ont été abandonnés, la politique
industrielle renaît sous une nouvelle forme. Elle cherche désormais à stimuler
la R&D et à renforcer la diversification en favorisant la diffusion de la
connaissance scientifique, technologique et des marchés, afin de contribuer à la
création de nouveaux avantages comparatifs. Ainsi, le renforcement des relations
entre les entreprises publiques et privées est favorisé par les pouvoirs
publics. La logique d'agglomération qui procède d'un mécanisme de sélection par
l'Etat de territoires pour la création de pôles coordonnés (" pôles de
compétitivité ") par les autorités décentralisées (régions, départements,
villes) devient en outre une réponse pour stimuler l'innovation. Selon les
auteurs, l'efficacité de cette nouvelle politique dépendra, d'une part, de
l'interaction entre les différents partenaires impliqués dans le processus
d'innovation et, d'autre part, des nouveaux contours de la politique
industrielle au niveau européen.
RESERVES DE CHANGE
Le coût budgétaire de la détention des réserves internationales
Bulletin du FMI
David Hauner
Le montant des réserves internationales a considérablement augmenté ces
dernières années, offrant aux pays en développement la possibilité de répondre
aux chocs économiques endogènes ou exogènes et d'améliorer leur notation en
termes de dette externe. Cependant, une récente étude du Fonds monétaire
international portant sur les cent plus grandes économies du monde a montré que
la détention de ces réserves n'avait pas que des avantages. L'importance des
coûts engendrés (d'opportunité, de stérilisation et de revalorisation) dépend
ainsi de la situation économique de chaque pays.
UNION EUOPEENNE
La politique monétaire unique et le canal des taux d'intérêt
Bulletin de la Banque de France
Jérôme Coffinet
Un des objectifs de la mise en œuvre de la politique monétaire unique consistait
à accélérer la transmission des décisions de politiques monétaires aux taux
pratiqués par les banques. Cet objectif semble, selon l'auteur, en partie
atteint, même si le passage à la politique monétaire unique ne semble pas
constituer une rupture si importante que cela. Par ailleurs, le degré de
l'accélération n'est pas le même pour tous les pays participant à la monnaie
unique. En France, elle a été plus marquée. L'ampleur de l'accélération ne
paraît, en outre, plus dépendre de la phase du cycle macroéconomique.
L'intensification de la concurrence au sein du secteur bancaire semble être à
l'origine de la transmission plus rapide et plus efficace des taux directeurs
aux taux bancaires.
No
2.894
1er mars 2006
DOSSIER : Les défis du management
Peter Drucker, prophète de " l'âge des organisations "
The Economist
La fin de l'année 2005 a été marquée par la disparition de Peter Drucker, un
des plus éminents théoriciens américains des sciences de gestion du XXe siècle.
S'il est sans doute exagéré de dire de lui qu'il fut l'inventeur du management,
nul en revanche ne peut contester le rôle pionnier qui a été le sien, dès les
années 1940, dans l'avènement aux Etats-Unis, à partir notamment de ses travaux
sur General Motors, d'une nouvelle approche de la gestion des entreprises. Doué
d'une vision prophétique, il avait dès les années 1950, prévu l'émergence de
l'économie de la connaissance et son impact sur les organisations. Il permit aux
dirigeants anglo-saxons de découvrir les vertus de certaines méthodes japonaises
de management. Il défendit également avec beaucoup d'enthousiasme le management
par objectifs. Si certaines de ses approches ont suscité la critique ou si on a
pu lui reprocher de ne prêter attention qu'aux grandes entreprises - négligeant
par exemple l'analyse des start-ups - son influence sur la vie des
organisations (entreprises, associations, Eglises, administration publique) est
restée jusqu'au bout sans égale.
La gestion des entreprises bouleversée par les technologies de l'internet
Réalités industrielles - Annales des Mines
Jean-Michel Yolin
Avec l'avènement de l'internet, les processus de conception, de production et de
vente sont radicalement remis en cause. Quel que soit le secteur d'activité, les
technologies de l'internet permettent en effet de réduire les délais et de
passer d'un processus discontinu à un processus continu. L'organisation des
entreprises et leur mode de gestion en sont profondément bouleversés tant au
niveau individuel que collectif. L'internet rend ainsi possible la réalisation
d'objectifs que les entreprises cherchaient à atteindre depuis longtemps sans y
parvenir : meilleure écoute du client, travail sans stocks en flux tendu,
hiérarchies plates autorisant une grande réactivité, flexibilité dans
l'organisation et l'outil de production, accélération du renouvellement des
produits, entreprises en réseau où chacune se recentre sur son cœur de métier,
etc.
Le knowledge management ou comment gérer les connaissances
Document de travail du LAMSADE
Michel Grundstein
Peter Drucker l'avait prédit, le capital immatériel était voué à devenir un
facteur de compétitivité pour l'entreprise. La libéralisation des échanges
accélère les processus de décision de l'entreprise et implique que
l'assimilation des informations soit à la fois de meilleure qualité et plus
rapide. Ainsi, la fonction qui consiste à " manager " les connaissances au sein
de l'entreprise s'avère primordiale. Bien que la prise de conscience de
l'importance du capital immatériel ait été tardive - le concept de knowledge
management est apparu en France, aux Etats-Unis et au Japon au milieu des années
1990 -, à l'heure actuelle, l'organisation de l'échange d'informations et le
partage des connaissances sont devenus des facteurs clés d'une gestion
performante de l'entreprise. Ils doivent s'inscrire dans un projet global,
destiné à mettre en valeur les savoirs et les savoir-faire individuels et
collectifs.
Les leçons du coaching pour le management de la qualité
Humanisme et Entreprise
Martine Brasseur
Parmi les nouvelles formes de management en vogue dans les entreprises, le
coaching figure en bonne place. Appliqué au management de la qualité, il s'agit
d'une pratique d'accompagnement destinée à initier et à faciliter le processus
de développement d'un individu. La démarche consiste à affirmer que tout
individu est en quête de qualité, à condition toutefois de ne pas lui imposer
des contraintes l'empêchant de progresser. On considère notamment les erreurs
comme potentiellement fécondes. En définitive, le coach donne au coaché la
permission de réussir en lui donnant aussi la permission d'échouer.
Le management responsable
La Revue des Sciences de Gestion
Roland Pérez
L'éthique et le management responsable sont à la mode. L'auteur s'interroge ici
sur la cohérence et la pertinence de ces concepts. Il propose trois approches.
La première invite à les contextualiser en les situant dans une perspective
socio-historique. La deuxième cherche à expliciter le contenu analytique de ces
concepts sur la base de la notion économique de l'externalité afin d'en étudier
la cohérence interne. Enfin, à travers une troisième approche, l'auteur propose
de traduire les analyses en termes opératoires. En se basant sur l'exigence de
l'accountability, il montre comment les concepts de l'éthique et de la
responsabilité sont concrètement pris en compte dans les systèmes de management.
Du mauvais usage du marketing : raisons et remèdes
Harvard Business Review
Clayton M. Christensen, Scott Cook et Taddy Hall
Satisfaire les désirs et les besoins du consommateur ou des groupes de
consommateurs et assurer la commercialisation des biens et services proposés
dans les meilleures conditions pour l'entreprise sont les missions du marketing.
Or, plus de 90 % des 30 000 nouveaux produits lancés aux Etats-Unis chaque année
connaissent un échec. Quelles en sont les raisons ? Selon les auteurs, les
stratégies du marketing sont définies à partir d'hypothèses erronées. En
privilégiant les caractéristiques propres du consommateur au détriment de ses
attentes vis-à-vis du produit, les responsables en marketing finissent par
supposer que si un certain nombre de produits correspondent à un type de
consommateur, alors ces produits sont substituables entre eux. Or, chaque bien
proposé remplit une fonction sociale bien particulière. Et c'est en rompant avec
une approche erronée du marketing que l'on pourra éviter que le lancement de
nouveaux produits ne soit voué à l'échec.
La LOLF : simple outil de management ou dogme écrasant ?
Gérer et comprendre - Annales des Mines
Arnaud Lacaze
Appliquer le management par objectifs aux dépenses de l'Etat et à la gestion de
ses services : tel est la vocation de la LOLF, votée par le Parlement en 2001 et
mise en vigueur progressivement jusqu'au 1er janvier 2006. L'auteur expose les
principes de cette loi en soulignant ses atouts, mais également les enjeux et
les risques. Son analyse s'ouvre sur la mise en lumière de l'inadéquation de la
LOLF au management de la force publique, ce qui permet de s'interroger sur la
pertinence de cette démarche s'inspirant des principes du management par
objectifs. Comment en effet évaluer, par exemple, la performance des services de
sécurité, alors que l'effet recherché est atteint lorsque certains actes
délictueux sont déjoués et que, in fine, il ne se passe rien ? L'auteur
propose enfin de dégager une grille d'analyse alternative permettant d'évaluer
la gestion de la force publique et de mieux appréhender les ressorts de son
management.
Une formation flexible nourrie de l'expérience
L'Expansion Management Review
Henry Mintzberg
Dans le domaine du management et de la gestion, la question du contenu de la
formation est un défi bien particulier, car le décalage va croissant entre la
réalité de la vie en entreprise et ce que l'on continue d'enseigner dans les
écoles de gestion. Dans son dernier ouvrage, Henry Mintzberg fait une critique
radicale des business schools. Selon l'auteur, il faudrait réserver la
formation aux managers déjà en activité, car on ne fabrique pas des managers sur
les bancs de l'école. Cette formation doit être enrichie par un cadre propice à
une réflexion approfondie, individuelle et collective. Au total, il faudrait
mettre en place un processus de " réflexion expérientielle ", centré sur les
apprenants, selon un cycle récurrent : compréhension, apprentissage,
application. Une telle démarche nécessite non seulement une conception très
flexible de la formation, mais également la mobilisation d'un corps enseignant
très motivé.
Vers une remise en cause du modèle américain des sciences managériales
Sciences Humaines
Entretien de Evelyne Jardin avec Jean-Claude Thoenig
La Business school et le Master of business administration (MBA)
sont devenus, aujourd'hui dans le monde, le modèle de référence en matière de
formation et de recherche en management. A travers cette domination, exercée
presque sans partage sur les sciences managériales, de normes et de valeurs
d'inspiration américaine, les Etats-Unis renforcent leur influence économique et
géopolitique. Toutefois, face à l'émergence de nouvelles préoccupations comme
l'éthique dans les affaires ou le développement durable, ce modèle est de plus
en plus contesté. D'aucuns vont jusqu'à lui attribuer les difficultés de
l'économie occidentale et certaines entreprises commencent à déplorer le profil
uniforme et passe-partout du manager de type MBA.
No
2.895
15 mars 2006
DOSSIER : Nouveaux risques et assurabilité
Gérer les nouveaux risques industriels
Document de travail - Cepremap
Pierre Picard et Sophie Chemarin
Depuis une trentaine d'années, les sociétés industrielles, mais également les
pays en développement doivent faire face à des catastrophes d'origine
industrielle d'une ampleur inédite : Seveso et Amoco-Cadiz dans les années 1970,
Bhopal et Tchernobyl dans les années 1980 ou l'usine AZF de Toulouse plus
récemment. Ces nouveaux risques industriels qui présentent les caractéristiques
suivantes : une grande sinistralité, une faible probabilité ainsi qu'une forte
corrélation des risques individuels conduisent à une insuffisance de leur prise
en compte et à d'importantes répercussions sur leur gestion. Ils existent
néanmoins plusieurs façons de prévenir et de supporter ces risques : la mise en
place d'une stricte réglementation, d'une couverture par le régime de
responsabilité civile des entreprises ainsi que l'application du principe de
précaution.
Risques catastrophiques : pourquoi le terrorisme est-il différent ?
Les rapports de l'institut Veolia Environnement
Erwann Michel-Kerjan
Depuis les attaques du 11 septembre 2001 qui ont été l'événement le plus coûteux
de l'histoire de l'assurance, le risque terroriste s'est avéré être d'une
sinistralité particulièrement élevée. La couverture financière de ce risque qui
touche surtout les infrastructures critiques comme la distribution d'eau et
d'énergie, les transports ou les services d'urgence pose d'importants problèmes
aux assureurs freinant ainsi le développement de marchés d'assurance et de
réassurance. En effet, les compagnies d'assurance sont confrontées à plusieurs
difficultés qui limitent le recours aux modèles assurantiels traditionnels :
l'interdépendance des risques, les externalités négatives des mesures de
protection, le manque de données historiques, ainsi que l'incertitude dynamique
liée aux comportements des terroristes. L'ensemble des ces difficultés, mais
également le fait que l'Etat lui-même est porteur de risques appellent à
l'utilisation de mécanismes basés sur des partenariats entre secteur privé et
sphère public.
Innover pour assurer l'inassurable
Sigma - Swiss Re
David Laster et Christina Schmidt
En matière d'assurabilité, les assureurs sont confrontés à deux défis majeurs :
rendre les nouveaux risques assurables et comprendre comment les évolutions de
leur environnement affectent les risques déjà couverts. L'histoire de
l'assurance est ainsi celle d'un double mouvement de l'inassurabilité à
l'assurabilité et vice versa. Aujourd'hui, des phénomènes aussi divers
que les grèves, les émeutes, les catastrophes naturelles ou le risque nucléaire
sont devenus assurables. Mais on assiste également au mouvement inverse ; c'est
par exemple le cas au sujet de l'amiante. Afin de repousser les limites de
l'assurable, les compagnies d'assurance se servent d'un panel de techniques très
variées : les modalités et conditions des contrats (franchise et limites de
garanties), la tarification et - de plus en plus - des innovations comme
l'autoassurance, la réassurance, la tritrisation ainsi que la participation de
l'Etat.
Class action : les termes du débat
Eclairages - Crédit Agricole
Rémy Contamin et Anne de Lary
Alors qu'on discute en France de l'instauration en droit français des class
actions (actions collectives), l'étude de l'expérience américaine en la
matière peut s'avérer utile. Les class actions visent à mieux protéger le
consommateur contre les pratiques abusives et les biens dangereux présents sur
certains marchés. Concrètement, il s'agit d'une procédure par laquelle toute
personne à la possibilité d'intenter une action en justice au nom d'un groupe
ayant subi le même préjudice de la part d'un responsable unique et cela sans
mandat et dans une seule instance. L'analyse économique des class actions
montre toutefois que les coûts de ces procédures pour la société peuvent être
élevés. Certaines dérives notamment aux Etats-Unis avec l'instrumentalisation
des actions collectives par des avocats afin d'exercer des pressions sur les
entreprises, montrent les limites de la procédure.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
DETTE PUBLIQUE
Faut-il réduire la dette publique ?
Lettre de l'OFCE
Jérôme Creel et Henri Sterdyniak
Depuis la sortie du rapport Pébereau, en janvier 2006, la question de la dette
publique fait de nouveau l'actualité, suscitant des discours plutôt alarmistes.
La France a-t-elle particulièrement fait preuve de laxisme ? Il semble que non
si l'on compare sa dette (66 % du PIB) à celle de la zone euro (72 %) et à
celles d'autres grands pays industrialisés, comme les Etats-Unis (65 %) et le
Japon (169 %). Le niveau d'endettement entrave-t-il automatiquement la
croissance ? Au regard de la situation économique américaine, la réponse est
plutôt négative. Ainsi, afin d'éviter une vision manichéenne de la dette
publique, les auteurs proposent de réfléchir en termes d'efficacité et de
productivité des dépenses et des services publics plutôt qu'en termes de niveau
d'endettement.
POLITIQUE MONETAIRE
Alan Greenspan ou le triomphe de la politique discrétionnaire
La Lettre du CEPII
Michel Aglietta et Vladimir Borgy
Après avoir été pendant dix-huit ans à la tête de la Réserve fédérale (Fed),
Alan Greenspan a achevé, le 31 janvier 2006, son dernier mandat. C'est désormais
à Ben Bernanke d'assumer la lourde responsabilité de présider la plus puissante
banque centrale du monde. Durant le long règne de celui que ses admirateurs
appelaient le " maestro ", la Réserve fédérale a vu sa pratique monétaire
considérablement évoluer. Alan Greenspan a en effet, toujours refusé toute règle
de décision préétablie afin de conserver une grande flexibilité de manœuvre et
pouvoir réagir de façon appropriée aux événements. La Fed est ainsi devenue un
gestionnaire du risque macroéconomique. Dans le même temps, attentif aux
évolutions structurelles, Alan Greenspan a su détecter très tôt l'accélération
des gains de productivité entraînée par le développement des technologies de
l'information et de la communication et y adapter sa politique monétaire. L'ère
Greenspan restera en définitive celle du triomphe de la politique
discrétionnaire.
MARCHE DU TRAVAIL
L'insertion des jeunes sur le marché du travail au cours des dernières années
INSEE Première
Pauline Givord
Les salariés embauchés sur la base de contrats temporaires ont été, en France,
entre 2002 et 2004, les premiers touchés par le ralentissement de l'activité
économique. L'insertion des jeunes a été plus difficile : s i les débuts de
carrière sont en effet traditionnellement marqués par une succession de contrats
de courte durée, ils ont été au cours de cette période encore plus perturbés. Le
pourcentage des jeunes de moins de trente ans qui se sont retrouvés au chômage
ou en inactivité a augmenté. Le niveau de diplôme, même élevé, n'offre plus en
outre la garantie d'obtenir un emploi à durée indéterminée. Ainsi, parmi les
titulaires d'un diplôme de niveau bac + 2 qui avaient un emploi en 2003, 14 %
ont connu au moins une fois une période de chômage en 2004.
No
2.896
29 mars 2006
DOSSIER : Régulation des transports urbains
Le transport : un enjeu toujours public ? L'exemple de la France
Sociétal
Yves Crozet
Les transports représentent un enjeu majeur pour l'Etat. Les politiques en la
matière ont pour objectif de répondre à des exigences contradictoires en raison
de la diversité et de la multiplicité des attentes. Ainsi, en vingt ans, bien
que successives, ces politiques en France ont été parfois antinomiques.
Aujourd'hui, de nouvelles contraintes apparaissent : les transports doivent-ils
toujours relever de l'Etat ? Jusqu'où doit-il intervenir dans la définition des
instruments ? Comment, dans un contexte de concurrence accrue, faire face aux
contraintes d'environnement et de sécurité ?
Les acteurs publics et les transports en Europe
Pouvoirs Locaux
Jean-Baptiste de Prémare
Le partage des financements des infrastructures de transport (quel qu'il soit)
entre l'Etat, l'Europe, les collectivités locales et les opérateurs publics ou
privés a fait l'objet d'une étude menée par l'association TDIE et Dexia-Crédit
local que reprend ici l'auteur pour en faire l'analyse. Les délégations de
compétences de l'Etat vers les collectivités locales sont de plus en plus
fréquentes, ce qui implique la multiplication de transferts financiers. La
comparaison des mécanismes de financement des réseaux interurbains de transports
et des infrastructures portuaires et aéroportuaires de la plupart des pays
européens permet de faire deux constats. D'une part, il ný pas nécessairement
adéquation entre le degré d'autonomie fiscale des collectivités locales et leur
poids financier - c'est le cas de la France et de l'Italie, contrairement au
nord de l'Europe et à l'Espagne. D'autre part, l'Etat reste un acteur très
présent dans le financement des transports : le plus souvent, il favorise
l'augmentation de ses dotations plutôt que d'encourager au développement de la
fiscalité locale.
Pour en finir avec les encombrements
Futuribles
André de Palma, Serge Pahaut, Émile Quinet
Les économistes ont depuis un certain temps déjà adopté l'hypothèse selon
laquelle un mauvais écoulement des véhicules sur un réseau est créateur
d'externalités négatives qui entraînent une détérioration du bien-être collectif
et justifient une action correctrice de l'Etat. La congestion des transports
est, par exemple, un handicap pour les zones encombrées en termes d'attractivité
économique. Les pouvoirs publics disposent de différents outils pour lutter
contre les encombrements. Ces instruments consistent essentiellement à agir sur
les flux. Mais ils sont difficiles à mettre en œuvre car la congestion est un
phénomène variable dans le temps et dans l'espace. Les nouvelles technologies de
l'information et de la communication (TIC) peuvent jouer un rôle décisif pour
améliorer la mobilité. Les péages de Londres et de quelques villes d'Europe du
Nord en sont des illustrations. Ils pourraient ouvrir la voie à des réalisations
identiques dans d'autres grandes agglomérations d'Europe, notamment à Paris.
Un chemin de fer structurant : l'exemple de Tokyo
Courrier de la Planète
Natacha Eveline
La gestion des transports nippons est réputée pour être très efficace, notamment
celle des chemins de fer de Tokyo en dépit de la multiplicité des compagnies
ferroviaires privées y exploitant le réseau. Leur ponctualité et leur rapidité
ont largement contribué à leur succès : le chemin de fer représente plus de la
moitié des trajets. Le train est un des éléments constituants de la vie des
Tokyoïtes, à tel point que l'offre des services se concentre autour des stations
ferroviaires et que les gares constituent le cœur même des projets de
l'aménagement urbain.
L'expérience du péage de Londres
Transports
Rémy Prud'homme et Juan Pablo Bocajero
La création du péage de Londres, en février 2003, avait pour objectif affiché -
à travers l'application d'une politique de prix qui consiste à faire payer
l'entrée du centre-ville - la décongestion de la zone urbaine. Considéré comme
une réussite technique, le péage urbain a parfaitement été accepté par les
électeurs - les études montrent qu'il y a très peu de resquilleurs. Les
bénéfices qu'en tirent les automobilistes et les utilisateurs des autobus (gains
de temps) ainsi que les citadins (bénéfices environnementaux) sont toutefois
très inférieurs aux coûts (d'investissement, de collecte, de contrôle, etc.)
induits par le dispositif.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
PRIX NOBEL
Le Mezzogiorno n'est pas encore sorti du sous-développement
The Economist
Si le Mezzogiorno, avec ses entreprises de haute technologie de l'Etna
Valley ou ses excellentes écoles d'ingénieurs napolitaines, ne correspond plus
tout à fait à l'image que l'on peut s'en faire à l'étranger, il reste le talon
d'Achille de l'Italie. En dépit de politiques publiques volontaristes menées au
fil des décennies pour y favoriser le décollage économique, son retard en termes
de développement reste considérable par rapport aux régions du centre et du nord
de la Péninsule. Les organisations criminelles de Naples, de la Calabre et de la
Sicile conservent, aujourd'hui encore, tout leur pouvoir de nuisance dans ces
régions, y favorisant la corruption et l'économie souterraine. Le Sud ne manque
pourtant pas d'atouts : reste à imaginer les remèdes pour les mettre en valeur.
TSUNAMI
Les enjeux économiques de l'après-tsunami
Économie & Humanisme
Kamala Marius-Gnanou
Quelques heures après le tsunami du 26 décembre 2004, la Commission économique
et sociale de l'Organisation des Nations unies publiait un rapport qui indiquait
que 85 % des personnes tuées dans le monde par des catastrophes naturelles au
XXe siècle vivaient dans la zone Asie-Pacifique. Le récent raz-de-marée qui a
ravagé la région a été l'un des plus violents. Si les conséquences économiques
sont considérables compte tenu de l'ampleur des destructions, l'impact financier
est, lui, relativement faible - si on le compare à celui de " Katrina ",
l'ouragan qui a dévasté la Nouvelle-orléans en 2005 - en raison de l'absence de
couverture des risques. A l'heure de la réhabilitation des zones côtières, le
manque de coordination entre les organisations non gouvernementales d'un côté et
les institutions et les communautés locales de l'autre est évident. Par
ailleurs, la nécessité de donner un cadre juridique stable à la propriété
foncière se fait pressante.
LOGEMENT
Les effets économiques du prêt à taux zéro
Économie et statistique
Laurent Gobillon et David Le Blanc
L'accès à la propriété est encouragé sous formes d'aides ou de subventions. Ce
soutien peut consister en des dispositions fiscales incitant à la construction
ou prendre la forme de prêts à des conditions particulières. Une aide plus
directe sous forme de don ou de prêt accordé au ménage comme complément à
l'apport personnel existe également. Une telle aide est justifiée par
l'existence de contraintes d'emprunt, empêchant certains ménages d'accéder à la
propriété. Le prêt à taux zéro, a ainsi été introduit en France en 1995. Il
s'agit d'un prêt sans intérêt dont le montant est limité et qui est accordé aux
candidats à l'accession. L'évaluation quantitative des auteurs montre que le
dispositif a bien un effet déclencheur sur l'accession à la propriété. En
contrepartie, il souffre d'effets d'aubaine importants et ne contribue pas
nécessairement à l'amélioration générale de la qualité des logements neufs mis
sur le marché.
No
2.897
12 avril 2006
DOSSIER : Les transferts entre générations en question
Transferts entre générations : à la recherche d'un modèle
Rapport du Conseil d'analyse économique
André Masson
Les économistes qui s'intéressent aux relations et aux transferts entre
générations sont confrontés à deux problèmes : d'une part, à l'absence de
contrat privé entre les générations, d'autre part, à l'irréversibilité
temporelle qui entrave l'action des successeurs (ils ne peuvent pas par exemple
réclamer leur dû après coup, ni modifier les décisions prises aujourd'hui).
C'est ce dilemme qui rend légitime l'action de l'Etat en tant que garant des
solidarités entre générations. Dans un Etat idéal, le sentiment de
responsabilité des contemporains conduirait aux décisions optimales quant à
l'héritage (éducation, legs, environnement) et à la créance (dette publique,
retraite) pour les générations suivantes. La perspective de l'auteur est plus
réaliste. Aussi s'interroge-t-il sur le comportement effectif de l'Etat en tant
qu'arbitre entre les générations. Deux approches théoriques s'opposent : d'un
côté, celle des comptes par générations, initiée par Kotlikoff, qui dénonce
l'égoïsme des aînés, et de l'autre, le schéma beckerien de coopération entre les
générations, les familles et l'Etat.
Le boom des héritages, une solution pour les retraites ?
Bulletin financier - ING
Ivan Van de Cloot
Avec le vieillissement de la population, les systèmes de retraite, dans les pays
développés, rencontrent de plus en plus de difficultés à maintenir le niveau des
pensions et la situation matérielle des retraités. Ce problème apparaît
néanmoins sous un autre jour si on prend en compte le fait que l'élévation du
niveau de vie va de pair avec un accroissement du patrimoine, ce qui conduit à
une augmentation de la valeur des héritages. Dans une société d'héritiers, cette
manne financière pourrait ainsi compenser partiellement le déséquilibre
financier qui menace les caisses de retraites. Cette perspective doit cependant
être relativisée, comme le note l'auteur, car si la valeur absolue des héritages
est en constante augmentation, l'héritage moyen n'excédera guère celui des
générations antérieures.
L'impact des transferts intergénérationnels sur les choix immobiliers
Revue française des affaires sociales
François-Charles Wolff et Claudine Attias-Donfut
Les transferts intergénérationnels reçus des parents (aides ponctuelles,
donations, héritages) ont une influence significative sur le niveau de vie des
bénéficiaires. Si les versements d'argent correspondent surtout à un
investissement en termes de capital humain pour les enfants, les donations
s'inscrivent dans une logique de transmission patrimoniale. Cette perspective
est celle qu'adoptent les auteurs pour mesurer les conséquences des transferts
sur les choix de logement des jeunes adultes. Les résultats de leurs analyses
économétriques montrent que les transferts augmentent sensiblement la
probabilité d'être propriétaire de sa résidence principale à un âge donné. Par
ailleurs, le niveau du diplôme, qui réduit la durée d'épargne, apparaît sans
incidence particulière sur les choix immobiliers des enfants.
L'entraide familiale : remise en cause d'une vision trop optimiste
Economie et Statistique
Nicolas Herpin et Jean-Hugues Déchaux
L'étude de l'entraide familiale concerne ordinairement deux formes : les dons
financiers et les services rendus. Face à des difficultés économiques
croissantes et à l'augmentation de la pauvreté dans de nombreux pays développés,
une vision assez optimiste de l'entraide familiale s'est répandue. Cependant,
selon les auteurs, la relative modestie du volume des échanges dans la parentèle
et l'absence de redistributivité de l'entraide entre milieux sociaux remettent
en cause cette conception. Plus qu'elle ne les corrige, l'entraide familiale
accentue les clivages sociaux. Plus les ménages sont économiquement favorisés,
plus l'entraide constitue une composante de la sociabilité qui vise à préserver
leur situation sociale. Parmi les ménages plus modestes, en revanche, l'entraide
prend une toute autre forme : celle de la cohabitation ou de la famille étendue.
Les nouvelles générations devant la panne prolongée de l'ascenseur social
Revue de l'OFCE
Louis Chauvel
La situation des nouvelles générations est aujourd'hui plus difficile qu'il y a
trente ans. La stagnation économique de longue durée et l'apparition
d'inégalités intergénérationnelles ont remis en cause la dynamique de
l'ascension sociale typique de la période précédente. Sur fond d'un chômage de
masse, les jeunes générations sont confrontées à plusieurs fractures, notamment
la remise en cause de leur position économique relative et des déclassements
sociaux plus fréquents. La persistance de ces phénomènes fait, selon l'auteur,
courir à la société française le risque d'une profonde fragilisation.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
NOUVELLES TECHNOLOGIES
Les TIC moteur du développement dans les zones rurales des PED
Horizons Bancaires
Jérôme Adam
Le Sommet mondial de la société de l'information, dont la deuxième phase s'est
déroulée à la fin de l'année 2005 en Tunisie, a été l'occasion de réaffirmer la
nécessité d'une large diffusion des technologies de l'information et de la
communication (TIC), non seulement dans les zones urbaines des pays en
développement, mais également dans les zones rurales. En dépit, des problèmes
techniques et des questions de coûts que pose la diffusion des TIC dans les pays
pauvres, leur utilisation représente en effet un formidable outil de
développement. Les applications envisageables sont très nombreuses, notamment
dans les domaines de la santé ou de l'agriculture. D'ores et déjà, des
organisations non gouvernementales (ONG) ont mis en œuvre avec succès plusieurs
projets, en particulier en Afrique, au Bangladesh et en Inde.
CROISSANCE
La croissance ne fait pas le bonheur...mais elle y contribue
Idées
Claude Bordes
Suis-je satisfait de ma vie ? C'est une question que l'on se pose rarement, le
plus souvent parce qu'on ne prend pas le temps de se la poser. Les grèves et les
manifestations nous indiquent que, même dans les sociétés dites " développées ",
des progrès en termes de satisfaction sont toujours à faire... Ainsi, la
croissance ne ferait pas le bonheur et les paradoxes que relève l'auteur
confortent le lecteur dans cette idée. En effet, en dépit de l'évolution des
sociétés européenne et japonaise par exemple, le niveau moyen de satisfaction de
la vie dans ces régions reste stable dans le temps. En réalité, le contentement
est relatif et dépend de sa propre aspiration au bonheur (ou de l'idée qu'on se
fait d'un " bon " niveau de vie) et de celui des autres. Il dépend également du
degré d'adaptation aux événements qui rythment nos vies. Le contentement résulte
aussi du niveau de croissance des sociétés : celle-ci naît des efforts de chacun
consentis pour préserver un certain niveau de vie. Puis, à son tour, la
croissance modifie le système des préférences qui sont réorientées vers des
aspirations post-matérialistes, modifiant ainsi nos exigences...
No
2.898
26 avril 2006
DOSSIER : Chine, les fragilités du mode de croissance
La croissance et ses déséquilibres
Document de travail de l'AFD
François-Xavier Bellocq et Jean-Raphaël Chaponnière
Avec un taux de croissance de l'ordre de 9 %, le PIB de la Chine double tous les
huit ans. Cette performance reste tout à fait remarquable, mais elle ne doit
cependant pas faire oublier que le régime de croissance chinois n'est pas exempt
de vulnérabilité. Si la croissance a permis de faire reculer la pauvreté, elle
n'a pas empêché un accroissement important des inégalités sociales qui provoque
depuis quelques années une augmentation importante du nombre des conflits
sociaux. De même, avec un taux d'investissement de près de 50 % du PIB, la
question de la soutenabilité de l'investissement, et donc de la croissance,
commence à se poser. La Chine est également très dépendante de la conjoncture
américaine. Les exportations chinoises vers les Etats-Unis représentent en effet
15 % du PIB, le pays est donc particulièrement exposé au risque d'une éventuelle
récession américaine et d'une crise du dollar. Le système bancaire demeure
fragile même si les réformes mises en œuvre commencent à porter leurs fruits. La
politique monétaire chinoise reste enfin contestée par ses partenaires
commerciaux, notamment américains et les autorités chinoises ont conscience de
la nécessité de gérer une sortie progressive du régime de change ancré au
dollar.
Le devenir de l'économie paysanne
Revue Tiers Monde
Claude Aubert
Quand aujourd'hui on évoque l'économie de la Chine, c'est avant tout à
l'industrie que l'on pense. L'agriculture y conserve pourtant un poids
important. Elle représente encore 13 % du PIB et assure 40 % de l'ensemble des
emplois. Si elle est devenue techniquement performante, sa productivité demeure
particulièrement faible et la modernisation du secteur se fait encore attendre.
Elle reste en outre pénalisée par la relative rareté de l'eau et des zones
cultivables et souffre du morcellement. Le pays compte en effet 200 millions de
foyers exploitant en moyenne 0,6 hectare. La situation des ruraux s'est par
ailleurs dégradée depuis la fin des années 1990. Les inégalités ne cessent de
s'accroître avec les urbains. Du coup, les paysans chinois dont le malaise est
grandissant - et qui demeurent plus que jamais des citoyens de seconde zone -
alimentent les rangs des travailleurs migrants qui viennent chercher un
complément de revenu dans les usines de la Chine côtière.
Les travailleurs migrants à Shanghai
Perspectives chinoises
Laurence Roulleau-Berger et Shi Lu
Ces dernières années, l'accélération de la croissance chinoise a entraîné
l'intensification des migrations intérieures. Des millions de travailleurs
migrants gagnent en effet chaque jour les provinces côtières et les grandes
villes comme Shanghai dans l'espoir dý trouver de meilleures conditions
d'existence. Dans les faits, les dispositifs publics de contrôle des mouvements
migratoires et de gestion de la main-d'œuvre, ainsi que les exigences du mode de
croissance, produisent de fortes inégalités sociales et économiques. Si la
migration offre à certains une mobilité professionnelle, les migrants peu
qualifiés constituent, eux, les nouveaux surnuméraires d'une société chinoise
dans laquelle ils sont bien souvent contraints d'accepter des conditions
d'emploi particulièrement pénibles marquées par une flexibilité maximale,
l'absence de contrat de travail et de protection sociale.
La Chine face à la crise écologique
Etudes
Benoît Vermander
D'après les historiens, la Chine était déjà à la prise de pouvoir du Parti
communiste en 1949 sévèrement touchée par la dégradation de l'environnement liée
aux activités économiques. Aujourd'hui, avec l'accélération de la croissance, la
situation est devenue très préoccupante. La pollution de l'air et de l'eau,
l'érosion des sols, la désertification, la réduction de la biodiversité ont
atteint des niveaux particulièrement alarmants. Ceci étant, le modèle de
croissance chinois n'est pas seul responsable de cette situation catastrophique.
La crise écologique de la Chine renvoie, en effet, à des causes multiples dont
certaines sont structurelles, comme le fait que 22 % de la population mondiale
vivent sur 7 % des terres émergées. Les autorités ont désormais pris conscience
du coût économique, social et sanitaire de cette dégradation de l'environnement
et ont intégré aux orientations du XIe plan (2006-2010) la mise en œuvre d'une
stratégie de développement durable. L'objectif déclaré du gouvernement chinois
est d'adopter des politiques publiques qui concourent à la formation d'une "
société harmonieuse ".
EGALEMENT DANS CE NUMERO
SECTEUR INFORMATIQUE
Les SSII : l'évolution d'une industrie
Entreprises et Histoire
Jean-François Perret
Les sociétés de services et d'ingénierie informatiques, les SSII, représentent
un secteur qui s'étend du conseil et de l'ingénierie à l'infogérance, en passant
par l'édition de logiciels. Aujourd'hui, elles emploient en France près de 300
000 collaborateurs et génèrent un chiffre d'affaires de l'ordre de 30 milliards
d'euros. En trente ans, la structure de ce secteur s'est beaucoup modifiée.
L'auteur revient sur cette évolution et identifie plusieurs caractéristiques
concernant la France. Ainsi, l'Hexagone se distingue notamment par le fait que
les SSII françaises contrôlent encore plus de 60 % du marché intérieur, alors
qu'en Grande-Bretagne et en Allemagne, la part contrôlée par les SSII n'est plus
que de 40 %.
DEVELOPPEMENT
De la transition vers le développement
Reflets et perspectives de la vie économique
François Facchini
Le passage de la transition au développement est généralement expliqué par les
changements institutionnels. Néanmoins, la modification de la structure des
droits de propriété, animée par une volonté politique, est nécessaire mais non
suffisante pour impulser le développement économique. L'auteur considère qu'il
est indispensable de lever les obstacles de nature culturelle et psychologique.
Sa démonstration repose sur l'hypothèse selon laquelle le passage de la
transition au développement se fait par le bas (par l'intermédiaire des actions
des entrepreneurs) et non par le haut (par l'intermédiaire des décisions
politiques).
HISTOIRE DE LA PENSEE ECONOMIQUE
Adam Smith, un libéralisme bien tempéré
Revue des sciences sociales
Roland Pfefferkorn
Grâce à l'immense fortune qu'a connue son Enquête sur la nature et les causes
de la richesse des nations, publiée à la fin du XVIIIe, Adam Smith est
unanimement considéré comme le père fondateur de l'économie politique classique.
Mais une lecture rapide ou abusive de l'œuvre a également permis aux libéraux de
faire du célèbre " économiste " écossais un penseur emblématique du libéralisme.
La Richesse des nations, œuvre foisonnante et complexe, mérite pourtant,
pour être bien comprise, une lecture rigoureuse. Si Adam Smith est surtout connu
comme économiste politique, il fut d'abord titulaire d'une chaire de philosophie
morale et acquit une certaine renommée grâce au succès rencontré par son autre
grand ouvrage, La Théorie des sentiments moraux en 1759. Il y expose ses
positions morales, qui serviront par la suite de fondements philosophiques aux
conceptions économiques présentées dans La Richesse des nations. Ce que
montre en définitive l'analyse approfondie de l'œuvre de Smith, c'est que, s'il
est indiscutablement un penseur libéral, son idéal moral et politique reste bien
éloigné d'un certain libéralisme économique contemporain qui rêve d'un marché
libre fonctionnant sans entraves et sans intervention de l'Etat.
No
2.899
10 mai 2006
DOSSIER : L'Amérique latine après la tourmente
Une croissance retrouvée... mais quelques signes d'essoufflement
CCE international
Carlos Quenan
L'Amérique latine semble connaître actuellement un cycle de croissance
historique : 5,8 % en 2004 (le meilleur résultat depuis 1980) et 4,1 % en 2005.
Mais il est vrai que les performances remarquables du Venezuela et de
l'Argentine (après la tourmente de 2002) - 17,9 et 9 % respectivement - ont
largement nourri le dynamisme économique de la région. De même, les progrès en
matière de gouvernance financière ont fortement contribué à diffuser, au niveau
international, l'image d'un continent économiquement solide. Néanmoins, le
faible niveau d'investissement enregistré et le ralentissement en 2005 de la
croissance chez les deux " géants " latino-américains, le Brésil (2,6 % selon la
Banque centrale) et le Mexique (3 % selon le Fonds monétaire international),
renforcent les doutes concernant la soutenabilité de la croissance dans la zone.
La pauvreté dans la région
Rapport de la CEPAL
Réduire l'extrême pauvreté et assurer l'éducation primaire pour tous sont les
deux premiers des huit objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) que
les Etats membres des Nations unies ont convenu d'atteindre d'ici 2015.
Pourtant, même si l'indigence et la pauvreté ont reculé en Amérique latine dans
les dernières années, le pourcentage de Latino-Américains en situation de
pauvreté reste très élevé : 41 % (si l'on prend en compte les carences basiques
de la population) ainsi que 17 % d'indigents. Récemment, les remesas
(montants accumulés par les immigrants et transférés à leur famille restée au
pays) se sont multipliées et leurs effets sur le niveau de vie des populations
locales sont positifs. Elles concernent toutefois un trop petit nombre de
ménages pour que leur contribution soit déterminante.
La lutte contre la pauvreté
Rapport de recherche du CID
Bruno Lautier
Trop souvent, les politiques de lutte contre la pauvreté ne se fixent des
objectifs qu'à court terme. Or, elles ne sont réellement efficaces que si les
résultats en termes de réduction de la pauvreté peuvent être mesurés sur le long
terme. Pour cela, il est nécessaire de passer d'une optique privilégiant les
techniques de lutte contre la pauvreté à une autre plus large permettant la
réforme de l'ensemble du système de protection sociale. En ce sens, les "
politiques ciblées ", généralement considérées comme un outil pour combattre la
pauvreté présentent un réel intérêt si elles permettent aussi de limiter le
risque de devenir pauvre (la vulnérabilité). Elles s'accompagnent alors d'un
principe universaliste et prennent la forme de politiques sociales de lutte
contre le clientélisme, la marginalisation des plus pauvres, etc. Elles
favorisent également les externalités positives des transferts de revenus sur
l'économie locale. L'auteur présente un bilan des travaux de reconstruction du
système de protection sociale, déjà engagés dans certains pays
latino-américains.
La rivalité entre la Chine et l'Amérique latine
Rapport de la Banque interaméricaine de développement
Le taux de croissance de la Chine est d'une vigueur exceptionnelle (9,4 % depuis
1978 en moyenne) et l'écart entre l'Empire du milieu et l'Amérique latine se
réduit chaque jour davantage accentuant la rivalité entre ces deux " régions "
émergentes. La croissance économique rapide, stable et jusqu'à maintenant
exempte de poussées inflationnistes, de l'économie chinoise, ses performances en
termes d'échanges internationaux ainsi que la taille et l'ouverture de son
marché permettent en effet à la Chine d'attirer la majeure partie des
investissements productifs au détriment du continent sud-américain. Ils lui
permettent en outre d'être, sur la scène internationale, un acteur de premier
plan, laissant l'Amérique latine jouer les seconds rôles.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
PROTECTION SOCIALE
Vers un État d'investissement social
Informations sociales
Bruno Palier
Les réformes des systèmes de protection sociale en Europe se sont pour
l'essentiel, depuis plusieurs années, cantonnées à des mesures de restrictions
budgétaires. Or, reconstruire la protection sociale nécessite aujourd'hui la
mise en œuvre de politiques qui permettent non seulement de résoudre les
problèmes financiers auxquels fait face l'Etat-providence sans détériorer les
conditions d'emploi, mais également de répondre aux nouveaux besoins sociaux.
Dans ce contexte, quatre chercheurs ont récemment travaillé à la définition
d'une nouvelle architecture pour la protection sociale européenne au XXIe
siècle. Selon eux, les principes fondateurs de l'Etat-providence doivent être
repensés en profondeur. L'enjeu majeur est de renoncer à une perspective
jusqu'alors statique, de la protection sociale pour en adopter une qui soit
dynamique et qui pense les problèmes sociaux en termes de cycle de vie. Pour
redevenir efficace, les systèmes de protection sociale doivent désormais passer
d'une stratégie de politiques sociales réparatrices et compensatrices à une
stratégie préventive et d'investissement social.
MARCHE DU TRAVAIL
De la difficulté à devenir cadre par promotion
INSEE Première
Manuella Baraton
Depuis la fin des années 1970, si le nombre de cadres dans l'économie française
a été multiplié par trois, la probabilité de devenir cadre par promotion a
diminué. Avec l'élévation du niveau d'études, de plus en plus de jeunes
obtiennent un diplôme leur permettant d'accéder directement ou dans un délai
très bref à un emploi d'encadrement, ce qui, du même coup, réduit mécaniquement
la possibilité de devenir cadre par progression de carrière. La promotion
concerne toujours davantage les professions intermédiaires que les employés ou
les ouvriers. Quant à la probabilité pour une femme d'être promue cadre, elle
demeure inférieure à celle des hommes.
MANAGEMENT
Les nouveaux défis de l'entreprise responsable
L'Expansion Management Review
Philippe Détrie
Désormais, l'entreprise doit trouver une nouvelle légitimité auprès de la
société civile, des clients et usagers, des actionnaires et des salariés et être
" attentive " à leurs attentes. Jusqu'à maintenant, des bilans économique et
social étaient suffisants pour évaluer l'efficacité d'une entreprise.
Dorénavant, dans le domaine de l'environnement par exemple, l'entreprise
responsable doit aussi se soumettre à un bilan sociétal. L'auteur propose une
feuille de route du manager qui permet, grâce à de nouveaux référentiels, de
focaliser son attention sur les résultats de l'entreprise plutôt que sur ses
moyens et ses intentions et ainsi de vérifier si les exigences de chacune des
parties prenantes sont satisfaites.
No
2.900
24 mai 2006
DOSSIER : La gestion de l'eau en France
La politique de l'eau, une perspective française
Rapport au Premier ministre et au ministre de l'Ecologie et du Développement
Durable
Jean-Claude Flory
La politique française de l'eau doit aujourd'hui faire face à de nouveaux défis
liés non seulement à la réglementation européenne (application de la
directive-cadre européenne sur l'eau fondant les engagements de l'Etat non plus
sur des obligations de moyens mais de résultats), mais également nationale (par
exemple, la Charte de l'environnement et la relance de la décentralisation).
L'auteur illustre dans ce contexte les postulats du système actuel - une
politique très décentralisée, basée sur le principe de la couverture du coût de
l'eau par son prix et centrée sur la thématique de la lutte contre la pollution
- et explique l'organisation territoriale, progressivement mise en place depuis
40 ans (niveaux européen, national, bassin/distinct et commune). Cette analyse
est complétée par la présentation de quelques exemples européens de taxes et de
redevances sur l'eau.
Un prix de l'eau encore peu compréhensible
Cour des Comptes
La Cour des comptes a étudié pour la période 1995-2002 la gestion des services
publics d'eau et d'assainissement de plus de 200 communes et établissements
publics intercommunaux. En ce qui concerne le prix de l'eau, la Cour constate
d'abord l'existence d'écarts très importants (de 1 à 4 d'une commune à l'autre),
sans que les raisons de telles disparités soient parfaitement claires. En
comparant gestion directe et gestion déléguée de l'eau, la Cour observe ensuite
que le principe de l'équilibre budgétaire du système de régie permet uniquement
le financement des investissements déjà inscrits au budget, et que l'existence
d'une comptabilité analytique ou d'un contrôle de gestion est trop rare, ce qui
entraîne fréquemment la majoration du prix de l'eau par des charges indues. Du
côté de la délégation, le prix est affecté notamment par diverses clauses
défavorables aux usagers.
L'effet de la délégation sur le prix de l'eau potable
INRA - Sciences sociales
Alain Carpentier, Céline Nauges, Arnaud Reynaud et Alban Thomas
Dans un peu plus de la moitié des communes françaises, la gestion de l'eau est
déléguée à des entreprises privées. L'argument principal en faveur de ce choix -
et contre la gestion en régie publique - est la recherche d'une plus grande
efficacité technique et économique, notamment grâce à la mutualisation des
activités de recherche et développement, ainsi que des achats de matières
premières ou des équipements au sein des groupes auxquels les délégataires
appartiennent. Les auteurs analysent l'incidence de ce choix sur le niveau des
prix des services d'eau potable en France. Leurs résultats révèlent un écart
positif entre la délégation et la régie, qui s'explique notamment par les
conditions d'exploitation des services. En effet, les communes ont tendance à
choisir la gestion privée si elles font face à des conditions d'exploitation
plus difficiles.
L'efficacité relative du type de propriété dans le secteur de l'eau
Economia internazionale
Maurizio Conti
Le débat sur l'efficacité des services publics est ancien et il n'a pas épargné
le secteur de l'eau. Si, sur le plan théorique, il existe un certain consensus
quant à la plus grande efficacité des entreprises privées, cette hypothèse est
moins patente quand ces dernières sont en charge d'un service public. Sur le
plan empirique, trente ans de recherche avec des techniques très diverses n'ont
pas donné raison à l'une ou l'autre des hypothèses. Les travaux se partagent
plutôt à part presque égales entre ceux qui concluent à la plus grande
efficacité des opérateurs publics et ceux qui constatent l'inverse. Ce résultat
semble donc aller à l'encontre de l'hypothèse selon laquelle les opérateurs
privés dans les services d'eau sont plus efficaces. Dès lors, si le type de
propriété n'est pas un élément décisif, l'attention des responsables politiques
devrait se focaliser davantage sur d'autres aspects, comme la réglementation en
vigueur ou le niveau de concentration et de concurrence dans le secteur.
L'eau, un domaine d'excellence pour les entreprises françaises
Responsabilité et environnement - Annales des Mines
Claude Camilleri
Si l'eau est un produit banal pour le grand public, il ne l'est pas pour les
entreprises françaises qui détiennent dans ce secteur une position de
leadership. Le progrès technologique constitue leur atout majeur et a permis le
développement de leur marché national et la conquête de nombreux marchés à
l'étranger. Ces succès ont été rendus possibles par la large place laissée à la
délégation privée, ainsi que par la création de groupes puissants, capables
d'offrir un service complet et d'engager les efforts nécessaires de recherche et
développement. Ces succès sont aujourd'hui menacés et les marges des entreprises
se réduisent. Deux raisons sont, selon l'auteur, à l'origine de cette tendance :
d'une part, l'augmentation du coût de l'offre en raison de cahiers des charges
de plus en plus lourds et, d'autre part, certains aspects du nouveau Code des
marchés.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ECONOMIE ET SECURITE
Quel rôle pour le secteur privé ?
Politique étrangère
Alyson J. K. Bailes et Caroline Holmqvist
L'interpénétration entre sphères économique et de sécurité semblait jusqu'à la
guerre froide avoir quelque peu perdu de son évidence. Mais des événements
récents comme les attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ou
des évolutions comme la privatisation croissante de certaines activités
militaires montrent de nouveau, qu'en matière de défense et de sécurité,
l'interdépendance des secteurs public et privé est une réalité incontournable.
Si les Etats continuent d'exercer dans ces domaines une fonction de nature
régalienne fondamentale, les entreprises ont désormais également, à côté des
gouvernements et des institutions internationales, un rôle essentiel à jouer
dans la gestion des problèmes liés à la sécurité.
UNION EUROPEENNE
Europe de la défense : le mythe du passager clandestin
Ecodef-Le bulletin de l'économie de la défense
Martial Foucault
Au niveau national, les préférences collectives en matière de défense sont
révélées par l'impôt. Ce n'est pas le cas au niveau européen. Chaque État ayant
sa propre perception des menaces internationales, la Politique européenne de
sécurité et de défense (PESD) repose sur des décisions prises au niveau national
et le financement de la politique commune n'est pas optimal. Ainsi, alors que
tout porte à croire que les États auront une forte propension à adopter un
comportement de " passager clandestin ", les recherches de l'auteur aboutissent
à un résultat autrement plus mitigé, notamment en raison de la présence de
bénéfices privés incitant les pays à coopérer.
MONDIALISATION
Le dilemme de la mondialisation, une perspective allemande
Economie internationale
Hans-Werner Sinn
La globalisation procure des gains, mais elle occasionne également des perdants.
Dans les pays industrialisés - suite à la disparition des avantages comparatifs
et à la convergence du prix des facteurs - une partie des salariés fait partie
de ces perdants. L'Etat-providence est tenté d'intervenir, mais son action peut
amplifier les difficultés. Ainsi, le paiement de revenus de substitution rend
les salaires plus rigides et les impôts nécessaires pour financer ces aides
peuvent difficilement être prélevés sur les facteurs les plus mobiles. La sortie
de ce dilemme est délicate. Le versement de salaires subventionnés et
l'encouragement de l'épargne privée pourraient représenter des solutions
possibles selon l'auteur.
No
2.901
7 juin 2006
DOSSIER : L'agriculture dans la mondialisation
Agriculture européenne : le bras de fer entre la PAC et l'OMC
Agriculteurs de France
Isabelle Delourme
La libéralisation de l'agriculture était une nouvelle fois au cœur des
négociations de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui ont abouti à
l'accord de Hong Kong fin décembre 2005. Les pays en développement - au premier
rang desquels le Brésil - considérant que les subventions versées par les pays
riches à leurs agriculteurs faussent la concurrence internationale, ont exigé la
fin de ces aides d'ici 2010. L'Union européenne a cependant obtenu un répit de
trois ans, fixant à 2013 la date de la suppression de ces subventions. L'accord
de Hong Kong place ainsi sur la sellette la France et les Etats-Unis qui, via
respectivement la Politique agricole commune et la Farm Bill, octroient
les subventions à l'exportation agricole les plus importantes.
Comment les subventions stabilisent-elles les revenus des agriculteurs
?
Economie rurale
Florence Jacquet, Wallace E. Tyner et Allan W. Gray
A l'heure où les politiques agricoles font l'objet de nombreuses critiques, les
auteurs proposent, à partir d'exemples concrets, un examen attentif des
mécanismes d'intervention européens et américains. Les résultats de l'étude
menée les conduit à défendre la Politique agricole commune et la Farm Bill.
En dépit d'instruments différents, l'impact des programmes de soutien sur les
revenus agricoles est quasiment le même dans les deux cas : les aides directes
et l'intervention sur les prix diminuent de moitié la variabilité du produit
brut de chacune des deux exploitations sur lesquelles portent l'analyse (l'une
située dans le Cher, en France, l'autre dans le Kansas, aux Etats-Unis) et font
plus que compenser leurs coûts de production ; sans eux, ces deux entreprises
agricoles afficheraient des résultats nets négatifs.
Faut-il continuer de subventionner l'agriculture européenne ?
The Economist
Instrument de concurrence déloyale pour les uns, source d'inégalités et trop
coûteuse - 40 milliards d'euros par an pour un secteur ne représentant que 2 %
de la force de travail européenne - pour les autres, la Politique agricole
commune (PAC) est critiquée de toutes parts, y compris " de l'intérieur ", par
l'ensemble des petits agriculteurs, en voie de disparition. Si, en outre, les
nouvelles générations sont de moins en moins concernées par le devenir des
agriculteurs, qui, à l'avenir, pourrait défendre les subventions agricoles ? La
PAC serait-elle en train de vivre ses dernières années ?
Libéralisation agricole : les PED sont-ils vraiment gagnants ?
Horizons bancaires
Jean-Christophe Bureau
Dans les années qui ont précédé la conférence de Cancún organisée en 2003,
l'hétérogénéité des économies du Sud, notamment celles membres du groupe de
Cairns, n'avait pas favorisé l'adoption d'une position commune face à l'Union
européenne et aux États-Unis, historiquement protectionnistes. Il a fallu
attendre l'intégration de l'Inde et celle, conjointe, du Brésil au " groupe des
vingt " (G20), créé en 2003, pour que les PED parlent d'une seule voix.
Représentant 70 % de la population agricole mondiale, le G20 a en effet des
arguments de poids pour dénoncer le protectionnisme des pays du Nord. L'auteur
se propose toutefois de revenir, ici, sur l'idée défendue par les organisations
internationales et les organisations non gouvernementales, selon laquelle la
libéralisation agricole bénéficierait à l'ensemble des PED. Un plus large accès
au marché mondial serait bien entendu profitable aux grands pays exportateurs
mais la suppression des droits de douane ne facilitera pas l'insertion des pays
les plus pauvres pour lesquels la libéralisation se traduirait par la
disparition progressive des différents systèmes de préférences commerciales.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE
L'utopie de l'économie de la connaissance
Sciences de la société
Geneviève Azam
L'expression " économie de la connaissance " a, en ce début du XXIe siècle,
définitivement remplacé celle, très en vogue à la fin des années 1990, de "
nouvelle économie ". Les sociétés les plus avancées auraient désormais atteint
un nouveau stade du développement économique dont la connaissance serait le
facteur essentiel. Cette idée laisse supposer que jusque-là, celle-ci ne jouait
qu'un rôle secondaire dans le processus productif. L'auteur se propose
d'expliquer le sens et les implications que ce nouveau statut confère au savoir
et à la recherche. Pour mieux comprendre ce qui est à l'œuvre avec l'invention
d'une " économie de la connaissance ", elle analyse tout d'abord, à travers
l'évolution récente des droits de propriété intellectuelle, les conditions de la
transformation de la connaissance en bien économique. S'appuyant sur les travaux
de Karl Polanyi, à propos des " quasi-marchandises ", l'auteur montre ensuite
qu'en réalité celle-ci est une marchandise " fictive " et que la tentative
actuelle de lui assigner un rôle instrumental constitue pour elle-même une grave
menace.
UNION EUROPEENNE
Un retour à la politique budgétaire contra-cyclique est-il fondée ?
CESifo Forum
Vito Tanzi
La politique budgétaire contra-cyclique, après avoir été très en vogue dans les
années 1950 et 1960, a connu dans les décennies suivantes une profonde
désaffection. Le ralentissement prolongé de la croissance dans l'Union
européenne (UE) a conduit certains gouvernements, sous l'influence de nombreux
économistes, à proposer le retour de cette pratique. Les attaques récentes dont
a fait l'objet le Pacte de stabilité et de croissance sont une parfaite
illustration, chez les Européens, de ce nouvel engouement. L'auteur estime
toutefois que si on ne doit pas renoncer à la mise en œuvre de politiques
budgétaires contra-cycliques dans les périodes de dépression ou de récession,
leur adoption n'est guère conseillée lorsque les finances publiques sont déjà
dans un état précaire, ce qui est aujourd'hui le cas de bon nombre d'économies
de l'Union européenne.
No
2.902
21 juin 2006
DOSSIER : Que faire de la rente des pétrodollars ?
Le concept de rente : le cas des économies du Moyen-Orient et de l'Afrique du
Nord
Document de travail - Centre d'économie de Paris Nord
Fatiha Talahite
Les pays exportateurs de pétrole de la zone Moyen-Orient/Afrique du Nord sont
définis par les économistes comme des Etats rentiers. L'auteur cherche tout
d'abord à préciser la notion de rente telle qu'elle est appliquée à ces
économies. Elle montre que le concept recouvre une pluralité de définitions et
qu'il n'existe pas de théorie économique unifiée de la rente. Elle revient
ensuite sur l'idée selon laquelle il n'est pas toujours possible d'établir avec
certitude un lien entre l'existence de rentes et une moindre efficacité
économique. L'absence de bases théoriques solides expliquerait que les analyses
sur les pays pétroliers dérivent bien souvent vers un simple jugement de valeur
sur la légitimité ou l'illégitimité de cette dernière. En définitive, à travers
la dénonciation de la rente s'exprimerait implicitement une contestation de la
légitimité des pays pétroliers ou de leurs Etats à s'approprier les revenus de
l'exportation des hydrocarbures.
Comment les pays exportateurs de pétrole peuvent-ils profiter de la hausse
des prix du pétrole ?
Regional Economic Outlook
FMI
Avec la forte augmentation des prix du pétrole, les pays exportateurs du
Moyen-Orient et d'Asie centrale ont vu, depuis deux ans, leurs ressources
budgétaires augmenter de façon considérable. Si cette manne financière offre à
ces pays une opportunité unique de développement, elle leur pose également
d'importants défis de politique macroéconomique. Il semble qu'un certain nombre
de leçons ait été tiré des précédents chocs pétroliers. Les pays exportateurs
enregistrent en effet d'excellentes performances macroéconomiques depuis 2003.
Ils affichent également la ferme volonté de prendre les mesures nécessaires pour
rendre la croissance durable et soutenable.
La répartition de la rente pétrolière en Afrique
Afrique contemporaine
Christine Rosellini
En Afrique, les revenus tirés de l'exploitation pétrolière n'ont jusqu'à présent
que rarement été mis au service du développement. Les économies pétrolières du
continent comptent en effet paradoxalement parmi les pays les plus pauvres. La
rente pétrolière y a favorisé une forte corruption, une mauvaise gouvernance, la
violation des droits de l'homme et a bien souvent été à l'origine de guerres
civiles. Aujourd'hui, les pressions exercées, dans un contexte de baisse des
réserves pétrolières et d'instabilité sociale, par les organisations non
gouvernementales et les institutions financières internationales sont en train
de changer la donne. Avec l'aide des grandes compagnies pétrolières, les
gouvernements commencent à adopter des politiques dont l'objectif est
d'améliorer la transparence dans la gestion des revenus pétroliers. L'enjeu
principal est désormais pour ces pays de se donner les moyens de sortir de la
dépendance du pétrole.
Le recyclage des pétrodollars
The Economist
En 2005, les ventes d'or noir ont rapporté quelque 700 milliards de dollars aux
pays exportateurs de pétrole. Ces derniers épargnent aujourd'hui une plus grande
part de cette manne financière que lors des précédents chocs pétroliers. Cette
situation suscite l'inquiétude du Fonds monétaire international (FMI) car elle
risque d'accentuer les déséquilibres mondiaux créés par la hausse du prix du
pétrole. Le recyclage des pétrodollars prend par ailleurs de multiples formes et
il est plus difficile qu'auparavant de savoir avec certitude ce que deviennent
ces capitaux.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ENTREPRISE
Wal-Mart, la multinationale du XXIe siècle ?
Le Monde diplomatique
Serge Halimi
Sam Walton se doutait-il, lorsqu'il a créé le premier magasin Wal-Mart en 1962,
dans l'Etat de l'Arkansas, qu'il mettait au monde ce qui allait devenir la plus
grande entreprise planétaire - l'hypermarché étant désormais le premier
employeur privé mondial ? La petite boutique rurale s'est progressivement
transformée en multinationale dont le chiffre d'affaires dépasse le Produit
intérieur brut (PIB) de la Suède. Comment expliquer cette réussite spectaculaire
? S'il ne semble pas y avoir de recette miracle, il est, en revanche, possible
d'identifier différentes pratiques managériales qui ont joué un rôle essentiel
dans la croissance de l'entreprise. Parmi celles-ci, le paternalisme qui
transforme les salariés en " associés " pour les responsabiliser, des conditions
de travail parfois abusives (prohibition des syndicats, élimination des temps de
pause déjeuner dans certains Etats, etc.) qui garantissent à l'entreprise une
compétitivité très forte, un degré élevé d'internationalisation qui lui permet
de pénétrer différents marchés et de pratiquer la sous-traitance. Gagnant toutes
les batailles imposées par la concurrence jusqu'à aujourd'hui, Wal-Mart est un
succès, " le succès de l'Amérique ", comme l'a dit le président George Bush en
1992.
FINANCE
Performance des valeurs moyennes, dynamique boursière et cycle économique
La Revue du Financier
Jean-Pierre Berdot et Jacques Léonard
Les valeurs moyennes représentent près de la moitié des sociétés cotées mais ne
pèsent que 5 % environ de la capitalisation totale d'Euronext. Auprès des
investisseurs, elles passent pour plus stables et moins volatiles. En étudiant
le comportement des marchés des valeurs moyennes de trois grandes places
financières européennes vis-à-vis des marchés des grandes valeurs, d'une part,
et des cycles d'activités, d'autre part, les auteurs confirment le caractère
défensif des valeurs moyennes. Cette caractéristique tient à une déconnexion
significative de leur processus de valorisation par rapport à celui des valeurs
à forte capitalisation, de même que par rapport aux variations du cycle
économique général.
INDICATEURS ECONOMIQUES ET STATISTIQUES
Peut-on faire confiance aux statistiques sociales ?
Droit social
David Revelin
Les statistiques sociales sont régulièrement l'objet de controverses, notamment
celles particulièrement sensibles du chômage ou de la pauvreté. Les indicateurs
comme les catégories statistiques sont en effet le résultat d'une construction
méthodologique dont les critères peuvent facilement être manipulés par le
pouvoir politique. L'auteur rappelle que si les statistiques ne peuvent donner
un reflet exact de la réalité sociale, elles n'en demeurent pas moins
indispensables pour la compréhension des phénomènes sociaux et l'élaboration des
politiques publiques.
No
2.903
5 juillet 2006
DOSSIER
:
Champions nationaux et patriotisme économique
Malaise dans la mondialisation ou " patriotisme économique " ?
La Revue parlementaire
Elie Cohen
La France qui est un des pays les plus ouverts économiquement semble être
obsédée par la nationalité de l'entreprise. Cette obsession trouve son origine
dans l'idée selon laquelle la nationalité du capital détenu par les dirigeants
et le lieu d'implantation du siège social auraient des effets positifs en termes
d'effectifs ou de localisation d'activités. Les entreprises françaises ne se
privent pourtant pas de lancer des opérations de fusions et acquisitions ou de
rationalisation, lorsqu'il en va de leurs intérêts. L'auteur revient sur
quelques-unes de ces contradictions françaises, notamment sur la politique de
privatisation qui a été mise en œuvre mais sans la création de fonds de pension
ou bien encore sur le démantèlement de l'Etat colbertiste qui n'a pas conduit à
l'abandon d'une certaine vision traditionnelle sur le rôle économique de l'Etat.
La légitimité du patriotisme économique
Défense nationale
Christian Harbulot
Le débat qui s'est ouvert en France à propos du patriotisme économique est assez
révélateur de l'absence de définition précise de ce concept. Selon l'auteur, le
patriotisme économique définit le cadre de développement d'un pays confronté aux
opportunités et aux menaces issues de la mondialisation des échanges. Il
permettrait donc la poursuite de l'intérêt général. La mondialisation joue un
rôle fondamental dans le développement de cette pratique que l'on retrouve dans
la plupart des pays. Elle fournit en effet non seulement une justification
commerciale, mais également sécuritaire (approvisionnement énergétique) au
patriotisme économique.
Regards sur la nouvelle vague de fusions et acquisitions
Regards économiques
Nihat Aktas, Eric de Bodt et Giorgio A. Tesolin
Les chiffres ne trompent pas : après l'effondrement du nombre et du volume des
opérations de fusions et acquisitions à la suite de l'éclatement de la bulle des
nouvelles technologies au début des années 2000, on assiste, aujourd'hui, à un
retour en force de ces opérations. L'année 2005, avec un montant total évalué à
2 980 milliards de dollars, s'est soldée par une augmentation de 43 % par
rapport à 2004 du nombre des fusions et acquisitions. Au cours des premiers mois
de 2006, la tendance semble même encore s'accélérer. Afin de mieux comprendre
cet engouement, les auteurs présentent différents outils conceptuels et
proposent une réflexion à partir des dernières recherches scientifiques menées
sur ces questions. Ils étudient notamment les motivations qui sous-tendent le
déclenchement d'opérations pouvant conduire à la fois à la création et à la
destruction de valeur pour les actionnaires. Les auteurs reviennent, en
conclusion, sur deux opérations récentes : l'OPA de Mittal sur Arcelor et la
fusion entre Suez et Gaz de France.
Contrôle des fusions et acquisitions : le retour de la politique ?
CES Ifo Forum
Simon J. Evenett
Dans le domaine du contrôle de la concurrence et des fusions et acquisitions, la
plupart des pays ont mis en place des autorités indépendantes. Dans la pratique,
cette indépendance est plus au moins limitée par des dispositifs permettant aux
responsables politiques de peser sur les décisions. Ainsi, pour des raisons de
service public ou d'intérêt national, le ministre concerné ou le gouvernement
peut parfois avoir le dernier mot. Comme le note l'auteur, ces pratiques gagnent
du terrain. Aussi, les autorités antitrust sont-elles de plus en plus sévères
quant il s'agit de bloquer des opérations impliquant le rachat d'une entreprise
nationale par un concurrent étranger, tandis qu'une certaine bienveillance de
leur part est de mise lorsque les opérations s'effectuent en sens inverse.
Quel patriotisme économique au XXIe siècle ?
Amicus Curiae
Augustin Landier et David Thesmar
La mondialisation des marchés de capitaux alimente les frustrations et les
peurs. A partir de l'analyse des différentes versions du patriotisme économique,
les auteurs se demandent si celui-ci ne pourrait pas constituer une réponse
susceptible de rendre la mondialisation moins inquiétante. Une première forme -
défensive - du patriotisme économique cherche à dissuader les investisseurs
étrangers de prendre le contrôle d'entreprises françaises mais cette stratégie a
un coût économique élevé. Les auteurs recommandent donc d'adopter une autre
forme du patriotisme économique, plus offensive celle-là qui pourrait permettre
aux épargnants français de redevenir actionnaires des entreprises hexagonales.
Mais pour atteindre cet objectif, il faudrait d'abord réformer le système
financier français car actuellement les Français sont davantage créanciers que
propriétaires de leurs entreprises.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
UNION EUROPEENNE
La Russie : partenaire stratégique de la zone euro
Bulletin de la Banque centrale européenne
L'Union européenne et la Russie entretiennent des relations économiques
étroites. La zone euro est le principal partenaire commercial de la Russie. Elle
représente 35 % du total des échanges de biens de ce pays. En outre, un quart
des importations nettes totales de pétrole de la zone proviennent de la Russie.
Les deux économies ont donc tout intérêt à créer un environnement
macroéconomique solide et stable, propice à leurs échanges. C'est ce que la
Russie s'efforce de faire depuis la crise financière qu'elle a subie en 1998.
L'augmentation des exportations de ses réserves abondantes en matières premières
(6,1 % et 26,5 % des réserves mondiales de pétrole et de gaz, respectivement) a
contribué à maintenir son taux de croissance à un rythme annuel moyen de 6,8 %
et à redresser ses finances publiques - le secteur représente 40 % des recettes
budgétaires russes. Aussi les liens entre l'UE et la Russie se sont-ils
renforcés au cours des dernières années : la zone est devenue la principale
source d'investissements directs à l'étranger (IDE) en Russie (37 % du total) et
l'euro a été choisi dans le pays comme monnaie d'ancrage et de réserve diminuant
ainsi la volatilité de la parité euro/rouble.
ENTREPRISE
Marques de distributeurs contre marques nationales : le match
Analyse financière
Cédric Louboutin
L'époque où les marques nationales (MN) réalisaient de confortables marges
appartient désormais au passé. En imposant des prix, en moyenne 40 % moins
élevés que ceux des MN, les marques de distributeurs (MDD) ont en effet réussi à
conquérir environ un quart du marché agroalimentaire. L'auteur ne prédit
toutefois pas la fin des marques nationales. Leur coexistence sur le marché des
deux types de marques est possible mais tient à une condition : la
rationalisation de l'offre qui se traduit par la réduction du nombre de produits
proposés. Les budgets consacrés au lancement d'une MN en termes de publicité,
R&D et de marketing peuvent ainsi être plus importants et profiteront à
l'ensemble des MDD de la même gamme.
SCIENCE ECONOMIQUE
" Sentiment de progrès " et croissance économique
Bulletin du FMI
Ina Kota
A l'heure où, dans les sociétés modernes, certaines valeurs comme l'équité ou la
tolérance semblent être menacées, Benjamin Friedman, professeur à Harvard,
soutient la thèse selon laquelle la croissance économique a une incidence
positive sur la morale et aiderait à en promouvoir les valeurs. L'existence
d'une relation entre le monde matériel et la morale, que beaucoup réfutent, en
dépit des analyses théoriques de Adam Smith et de John Rawls, est ainsi
réaffirmée. L'auteur précise toutefois que cette relation n'est valide qu'à la
condition que : la croissance économique ne soit plus comprise comme une
augmentation du produit intérieur brut (PIB) - qui n'affecte généralement que
les 10 % les plus riches - mais comme une progression certaine des revenus
médians de la majorité de la population. Dans ce cas, un " sentiment de progrès
" est partagé par l'ensemble des individus. La thèse de Benjamin Friedman
présente d'autant plus d'intérêt que l'on n'observe pas, actuellement aux
Etats-Unis, et cela pour la sixième année consécutive, d'amélioration du niveau
de vie moyen, alors que le PIB, lui, continue d'augmenter...
No
2.904
19 juillet 2006
DOSSIER : Economie du climat : l'après Kyoto
Le Protocole de
Kyoto...et après ?
Revue d'économie financière
Aurélie Vieillefosse
Le Protocole de Kyoto est à l'heure actuelle le seul instrument pour lutter
contre la pollution de l'air à l'échelle internationale. Il ne permet toutefois
pas de lever tous les obstacles rencontrés dans le cadre de la lutte contre la
pollution. En premier lieu, il ne rassemble que quelques-uns des pays qui
émettent le plus de CO2 - les Etats-Unis ne l'ont pas signé. Il parvient
ensuite, difficilement, à rendre compatibles les intérêts divergents des pays du
Nord avec ceux des pays en développement. Enfin, il ne prévoit pas de
collaboration technologique internationale entre les pays, ce qui favoriserait
le transfert de " technologies propres " du Nord vers le Sud. En dépit de toutes
ces limites, l'auteur estime néanmoins qu'il mérite d'être défendu.
Une coordination difficile des régimes climatiques
Revue d'Economie Politique
Jean-Charles Hourcade
Coordonner de manière efficace les politiques climatiques dans la période de
l'après-Kyoto est particulièrement complexe. Seul un système hybride "
prix-quantité " permettrait, selon l'auteur, d'offrir un cadre suffisamment
flexible pour faire face aux différentes modalités d'engagement des pays, faire
émerger un système de contrôle (" système d'observance ") autorisant un recours
possible à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), créer des chambres de
compensation internationales pour les échanges entre Etats et promouvoir une
politique de recherche et développement (R&D) à l'échelle internationale.
Les marchés de droits à polluer
Eclairages - Crédit Agricole
Philippe Roos
Le Protocole de Kyoto fixe des objectifs de volume (cap) à certains des
signataires. Or, il est difficile pour les agents de se conformer à ces
quantités. Le cap-and-trade, dont l'auteur rappelle le fonctionnement et
en décrit les avantages et les limites, apparaît alors comme le système de
régulation le plus adéquat puisqu'il combine la fixation d'un objectif de volume
: cap (plafond) et l'échange des quantités allouées : trade.
L'idée de troquer des droits de pollution peut paraître immorale : la création
d'un marché où se rencontrent l'offre et la demande de carbone, n'a d'intérêt
que s'il résulte de l'échange un profit. Le trading a toutefois
l'avantage de motiver les agents (une entreprise, un État, etc.) à prendre en
charge le coût de la pollution et permet à la collectivité de bénéficier d'une
externalité positive.
Peut-on étendre le système des quotas échangeables aux PED ?
Liaison Energie-Francophonie
Renaud Crassous et Sandrine Mathy
Lors de la mise en œuvre du Protocole de Kyoto, il a été décidé de laisser
jusqu'en 2012 les pays du Sud en dehors du mécanisme d'encadrement par quotas.
Mais cette contrainte ne pourra pas être maintenue indéfiniment : avec 3,5
milliards de tonnes en 2002, la Chine émet davantage de CO2 que l'Union
européenne des quinze (UE-15) (3,2 milliards de tonnes) et presque trois fois
plus que le Japon (1,2 milliard de tonnes). Dans moins de dix ans, les émissions
chinoises devraient dépasser celles des États-Unis (5,5 milliards de tonnes).
Stabiliser les émissions du Sud implique d'intégrer ces pays dans les programmes
de réduction de la pollution due aux gaz à effet de serre (GES). Le système des
quotas échangeables est l'un des instruments proposés par le Protocole.
L'article étudie la possibilité de l'étendre aux pays en développement (PED)
tout en sachant que dans ces pays, l'incertitude entourant l'évaluation des
conséquences macroéconomiques de l'attribution d'une certaine quantité de
quotas, comme les coûts d'abattement, etc., est plus grande que pour les pays du
Nord.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
POLITIQUE BUDGETAIRE
Etat imposant, Etat impuissant : la France paralysée par sa dette
Futuribles
Alexandre Siné
La gestion des finances publiques, en particulier en ce qui concerne la dette,
est un enjeu majeur, surtout en période préélectorale. C'est à cette question
délicate que s'intéresse ici l'auteur, en dénonçant la paralysie croissante
engendrée par une dette toujours plus importante et la réduction des marges de
manœuvre qui en résulte, tant en termes budgétaires qu'en matière de politique
générale. La France s'est, selon lui, engagée dans une dynamique dangereuse,
auto-entretenue, qui pénalise les citoyens d'aujourd'hui comme ceux de demain.
Il affirme certes avec force la nécessité de la dépense publique, voire d'un
déficit contrôlé. Mais il est primordial que cette politique soit le résultat de
choix assumés par l'Etat, et non la conséquence de plusieurs décennies de
politique budgétaire mal maîtrisée.
ENTREPRISES
La croissance des groupes étrangers en France
INSEE Première
Jean-William Angel et Virginie Régnier
En Europe, la France figure parmi les économies les plus ouvertes aux
investissements étrangers. Hormis le secteur de la finance et de
l'administration, un salarié sur sept y travaille dans une filiale de groupe
étranger. Entre 1994 et 2003, ce chiffre a été multiplié par 1,8. Durant la même
période, le nombre de filiales sous contrôle étranger a triplé. Le premier
investisseur dans l'Hexagone sont les Etats-Unis, tandis que la part des
capitaux asiatiques reste marginale. Les implantations étrangères sont
essentiellement - comme c'est le cas dans tous les grands pays - concentrées
dans l'industrie. Cette dernière rassemble la moitié des effectifs de salariés
français employés par une entreprise étrangère.
DEVELOPPEMENT
Défaillances des États et des marchés : l'approche de J.- J. Laffont
Revue d'économie politique
Jean-Paul Azam
Malgré une croissance mondiale soutenue, la plupart des pays du Sud, notamment
en Afrique, restent à l'écart du développement économique. Face à l'échec des
réformes imposées par les programmes d'ajustement structurel des années 1990,
les institutions internationales ont été amenées à considérer d'autres champs
d'analyse afin de diagnostiquer et de comprendre les difficultés rencontrées par
les pays dont elles financent le développement. En intégrant la théorie des
incitations, l'approche de Jean-Jacques Laffont exposée ici par l'auteur a
considérablement renouvelé l'économie du développement. Elle propose en effet un
nouveau cadre d'analyse qui insiste sur les défaillances de l'Etat - pour mieux
appréhender celles du marché - concernant la fourniture de services publics à la
population dans les pays pauvres. L'auteur aborde également les problèmes de
régulation auxquels les pays en développement sont confrontés ainsi que les
obstacles qu'ils rencontrent dans les réformes mises en œuvre sous l'égide
d'organisations internationales comme la Banque mondiale.
No
2.905 30 août 2006
DOSSIER : Europe et services : quelle stratégie ?
L'Europe a besoin d'une économie des services compétitive
La Lettre de Confrontations Europe
Luis Rubalcaba Bermejo
Les économies les plus avancées du monde sont des économies de services : près
de 70% de la valeur ajoutée et de l'emploi y sont générés par des entreprises de
ce secteur d'activité. Cette situation est partiellement le résultat du
mouvement de délocalisation des fabricants de produits manufacturés. Longtemps,
les services fonctionnaient comme secteur de " refuge " au chômage industriel.
Mais depuis, le offshoring des services s'est développé en force et les
pays industrialisés subissent de nouvelles pertes d'emplois au profit des pays à
faible coût de main-d'œuvre. Si l'élargissement de l'Europe offre de nouvelles
opportunités pour le développement de ce processus, le manque d'intégration des
marchés européens des services constitue dans le même temps un obstacle de
taille à l'accélération et une limite à la compétitivité de l'Europe.
Etat des lieux de l'intégration des services en Europe
Etudes économiques de l'OCDE
L'ouverture des marchés nationaux est depuis l'origine un objectif de l'Union
européenne. La stratégie de Lisbonne lui a donné un nouveau souffle. Ces
dernières années, les obstacles au commerce des marchandises ont été en grande
partie levés ; ceux qui demeurent concernent principalement des produits
complexes ou représentant un risque pour la santé. Cependant, les obstacles à
l'intégration des services sont encore importants (monopoles nationaux,
restrictions quantitatives, obligations de résidence, etc.). Leur suppression
rehausserait pourtant le potentiel de croissance de la zone euro, renforcerait,
de fait, les avantages de l'Union économique et monétaire (UEM) et améliorerait
sa résistance aux chocs. Les consommateurs profiteraient en outre de prix plus
bas et de nouvelles possibilités d'emploi s'offriraient à eux.
Que penser de la Directive services version " Bolkestein " ?
Flash CDC IXIS
Patrick Artus, Emma Ménascé
La directive relative aux services, proposée en 2004 par l'ancien commissaire
européen Bolkestein, étend aux entreprises de services le principe du pays
d'origine (PPO) qui vaut déjà pour la production de biens : une entreprise peut
vendre dans tous les pays de l'Union européenne si elle respecte les règles de
son pays d'implantation. La directive a été dès le départ très critiquée au
sujet de l'application du PPO aux règles du marché du travail. En dépit du fait
que celle-ci proposait la mise en place de diverses dérogations - concernant
notamment certains secteurs (comme les services d'intérêt général), certaines
professions (architectes, médecins, etc.), ainsi que les travailleurs détachés -
la crainte d'un dumping salarial et social a très vite conduit à la mise au ban
de l'ensemble du texte. Outre une analyse fine des applications du PPO, les
auteurs étudient ici les conséquences économiques (emploi, convergence et niveau
des salaires, migrations, prix) de la directive.
Le compromis final autour de la Directive services
Questions d'Europe - Fondation Robert Schuman
Marie-Dominique Garabiol-Furet
Dès sa publication, la directive services a suscité un grand débat. Au nom du
principe du pays d'origine - érigé en symbole du libéralisme économique et
politique -, celui-ci a opposé, d'une part, le Parlement et la Commission
européenne et, d'autre part, les Etats membres favorables à un modèle libéral et
ceux fidèles à une certaine idée du modèle social européen. Le compromis final
semble signer la défaite des forces libérales, puisque le principe du pays
d'origine a disparu du texte. Toutefois, le compromis n'altère en rien l'état du
droit existant qui laisse toute sa place à ce principe, sous certaines réserves.
Ce sera à la Cour de justice des Communautés européennes de préciser
l'interprétation de la directive. Le vrai débat portait, en réalité, sur le
champ d'application de celle-ci. Concernant ce dernier, la nouvelle version du
projet de directive le restreint au nom d'une certaine conception de l'exercice
des missions de service public mais comprend en revanche les services d'intérêt
économique général les plus lucratifs.
Reconfiguration des services en Europe et nouvelle compétitivité
internationale
La Lettre du CEPII
Agnès Bénassy-Quéré, Cyrille Schwellnuss, Deniz Ünal-Kesenci
Dans le secteur des services, l'Europe occupe une position forte dans la
finance, l'assurance et l'informatique. Mais à l'exception du Royaume-Uni,
spécialisé dans les services à forte croissance, cette position est désormais
contestée par les grands pays émergents. Aujourd'hui, les échanges
internationaux de services sont largement dominés par l'activité des entreprises
implantées à l'étranger. Cette situation pourrait changer avec l'entrée en
vigueur de la directive services. En éliminant certaines réglementations, elle
ouvrira à la concurrence des marchés dans certains cas encore fermés et pourra
ainsi dynamiser les échanges intra-européens qui restent pour l'instant
relativement peu développés. De nouveaux schémas de spécialisation pourraient
émerger, renforçant ainsi les atouts des pays européens sur le marché des
services.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
INDICATEURS ECONOMIQUES
L'utilité des indicateurs issus des enquêtes de conjoncture
Bulletin mensuel de la Banque centrale européenne
Les données ressortant d'enquêtes de conjoncture jouent un rôle important pour
la prévision des évolutions économiques à court terme. Deux indicateurs sont
généralement utilisés : l'indicateur du climat économique (Economic Sentiment
Indicator - ESI) et l'indice composite des directeurs d'achat (Purchasing
Managers' Index - PMI). L'indicateur ESI du climat économique est une
moyenne pondérée des indices de confiance pour l'industrie manufacturière, les
services, les consommateurs, le commerce de détail et la construction. L'étendue
de l'indice PMI des directeurs d'achat est plus limitée, car il est réservé à
l'industrie manufacturière et les services. Les deux indicateurs présentent
globalement un degré de corrélation raisonnable avec la croissance du PIB en
volume, l'indice ESI étant plus un indicateur coïncident et l'indice PMI
davantage un indicateur avancé des évolutions de la production.
MONDIALISATION
Les villes : moteurs économiques au cœur de la mondialisation
L'Observateur de l'OCDE
Mario Pezzini
Si les villes ne sont pas nées au XXe siècle, elles sý sont, en revanche,
fortement développées. L'urbanisation continue de la planète, initiée dans les
pays développés, a en effet engendré l'émergence de mégalopoles mondiales telles
que Tokyo - la plus importante avec 35 millions d'habitants -, Séoul, Bombay,
New York, Londres ou encore Paris. Véritables vecteurs de développement régional
et mondial, les grandes régions métropolitaines de l'OCDE ont vu leur poids
économique augmenter considérablement ces dernières années. Mais, face à une
mondialisation de l'économie toujours plus grande, de nouveaux enjeux
apparaissent, notamment en termes de compétitivité. L'auteur présente ainsi les
nouveaux défis que les villes doivent relever, et ce, dans le but de renforcer
leur place dans le système-monde.
DELOCALISATIONS
L'effet de la délocalisation des services aux Etats-Unis
Bulletin du FMI
Si la délocalisation des services est moins importante aux Etats-Unis que celle
de la production, sa progression est toutefois très nette et concerne désormais
400 000 emplois. Le Fonds monétaire international (FMI) s'est intéressé à
l'influence de la délocalisation des services sur l'emploi et la productivité
aux Etats-Unis. L'effet sur l'emploi global est, comme attendu, négatif mais il
est néanmoins limité : les produits rapatriés étant moins chers, ils sont plus
attractifs. Ainsi, afin de combler le surcroît de demande, les secteurs les
utilisant comme produits intermédiaires sollicitent davantage de main-d'œuvre.
La délocalisation des services favorise en revanche davantage l'augmentation de
la productivité en libérant l'entreprise de ses chaînons de production les moins
efficients.
FINANCE
Les styles de gestion de portefeuille existent-t-ils ?
Revue d'économie financière
Catherine Aaron, Isabelle Bilon, Sébastien Galanti, Yamina Tadjeddine
Dans le discours des promoteurs de fonds d'épargne, le style de gestion est
souvent un argument central. Mais existe-t-il vraiment des pratiques de gestion
différentes, surtout à une époque où la multigestion est à la mode ? A l'aide
d'un questionnaire adressé aux gérants d'OPCVM, les auteurs identifient six
styles (indiciel, stock picking, quantitative, sectoriel, growth
et value). Les résultats montrent que les fonds ayant un même style ont
des caractéristiques (par exemple, en termes de profil du fonds et du gérant ou
des sources d'informations retenues) homogènes et distinctes des fonds adoptant
d'autres styles. Enfin, bien que les styles puissent expliquer les performances
des différents fonds, il ný en a pas un seul qui soit systématiquement plus
rentable que les autres.
No
2.906 13 septembre 2006
DOSSIER : Afrique : les chemins de la croissance
Les économies africaines dans la mondialisation
Esprit
Philippe Hugon
Pour faire un état des lieux de la situation économique de l'Afrique au début du
XXIe siècle, quoi de plus parlant que de choisir comme critère d'évaluation la
mondialisation. Si celle-ci a en effet favorisé le développement de certaines
aires géographiques comme l'Asie du Sud et de l'Est, l'Afrique est restée, elle,
largement en marge du phénomène. 34 pays les moins avancés (PMA) sur 49 se
situent aujourd'hui sur le continent noir. Avec 11 % de la population mondiale,
l'Afrique ne réalise que 1 % du produit intérieur brut mondial et 2 % du
commerce international. L'analyse des principales composantes du processus de
mondialisation (échanges commerciaux, globalisation financière, nouvelles
technologies de l'information et de la communication, R&D, Investissement direct
à l'étranger, etc.) est sans appel et donne l'image d'un continent qui - sauf
exception - se retrouve vis-à-vis du reste du monde dans une position de
marginalisation ou de relative exclusion.
Politique macroéconomique, croissance et lutte contre la pauvreté
Finances et Développement
Catherine Pattillo, Sanjeev Gupta et Kevin Carey
Après des décennies de stagnation, l'Afrique subsaharienne a renoué, depuis
2004, avec un taux de croissance supérieur à 5 %. Le défi auquel sont désormais
confrontés les gouvernements africains est de déterminer la politique économique
la plus efficace à mettre en œuvre pour accélérer la croissance et la rendre
durable. Ils peuvent avec profit s'appuyer sur certaines études récentes
conduites par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD),
l'Agence française de développement (AFD) et l'université Harvard qui ont
cherché à identifier les différents facteurs favorisant les phases
d'accélération de la croissance. Ces analyses fournissent également des
informations précieuses sur les conditions qui doivent être réunies pour que la
croissance permette de réduire de façon significative la pauvreté.
NEPAD : les partenariats public-privé au service du développement
Courrier de la Planète
Rawia M. Tawfik
Au cours des décennies 1970 et 1980, les initiatives en faveur du développement
de l'Afrique se sont multipliées. Celles-ci ont successivement accordé un rôle
central à l'Etat - à l'époque de la planification économique -, puis au marché -
au temps des plans d'ajustement structurel. L'échec patent de ces différentes
stratégies pour sortir le continent du sous-développement ont conduit, en 2001,
au lancement du Nouveau partenariat économique pour le développement de
l'Afrique (Nepad) dont l'objectif est d'instaurer un cadre institutionnel plus
équilibré entre les différents acteurs du développement. Le Nepad prône en effet
l'établissement de partenariats public-privé entre l'Etat, le marché et la
société civile. Ces derniers devraient favoriser le renforcement de relations de
complémentarité entre des institutions qui ont toutes, à leur manière, un rôle
essentiel à jouer dans la croissance et le développement durable.
Aide au développement : où en est-on ?
The Economist
En 2005, la Commission pour l'Afrique, créée il y a deux ans par le Premier
ministre britannique Tony Blair, a réclamé aux pays riches qu'ils accordent,
jusqu'en 2008 ou 2010, une aide supplémentaire de 25 milliards de dollars au
continent noir. Il est vrai qu'au rythme actuel, les Objectifs du Millénaire
pour le développement (OMD) - que s'est fixée, en 2000, la communauté
internationale - ne seront pas atteints à l'échéance prévue en 2015. Les
réticences des donateurs à davantage de générosité s'expliquent toutefois par le
constat d'échec de décennies d'aide au développement. Mais il paraît également
évident que les besoins en capitaux de l'Afrique restent absolument
considérables. Aussi, les institutions internationales, les Etats et les
organisations non gouvernementales devenus plus pragmatiques cherchent-ils
désormais à améliorer le climat d'investissement et à mieux contrôler sur le
terrain la mise en œuvre des programmes que finance l'aide au développement.
Le poids des mentalités : un important facteur de blocage
Arabies
Entretien avec Stephen Smith
Journaliste de grande réputation, spécialiste du continent noir, Stephen Smith a
été successivement responsable du service Afrique à Libération et au
Monde. Dans un ouvrage publié en 2003, intitulé " Négrologie : pourquoi
l'Afrique meurt ", il dresse un bilan très sombre de la situation économique et
sociale du continent. Il se défend néanmoins, comme l'en ont accusé ses nombreux
détracteurs, de faire preuve dans ce livre d'afropessimisme. Il veut au
contraire ouvrir le débat et considère qu'en dépit de tous les maux qui
accablent l'Afrique, celle-ci a les ressources nécessaires pour parvenir à faire
jeu égal avec le reste du monde. Dans biens des domaines comme l'éducation, les
mentalités, l'organisation du travail ou la libération de l'individu à l'égard
du collectif, les bases du développement restent à jeter. Mais Stephen Smith
insiste surtout sur un point : pour que l'Afrique se développe, il est
indispensable que ses habitants rompent avec un passé réinventé et idéalisé et
acceptent d'entrer de plain-pied dans la modernité.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
MARCHE DU TRAVAIL
Une main-d'œuvre stable est-elle bonne pour la productivité ?
Revue internationale du travail
Peter Auer, Janine Berg et Ibrahim Coulibaly
Les partisans de la flexibilité du marché du travail considèrent que celle-ci
favorise la hausse de la production et permet de baisser le taux de chômage.
Aussi n'ont-ils de cesse de réclamer l'application de réformes allant dans ce
sens en Europe et au Japon. Ces économies se caractérisent en effet par des
marchés du travail relativement stables et pour lesquels l'ancienneté moyenne
dans l'emploi est longue. Pour éclairer le débat, les auteurs présentent ici les
résultats d'une étude qui montre que globalement, une ancienneté très longue et
une ancienneté courte peuvent tout autant nuire à la productivité. Si par
ailleurs une ancienneté moyenne longue ne semble pas diminuer la productivité,
elle pourrait bien en revanche ne pas toujours être très favorable à l'emploi.
Les pays qui, comme le Danemark, ont une ancienneté d'une durée intermédiaire et
qui investissent dans des politiques du marché du travail favorisant une "
mobilité protégée " sont ceux qui enregistrent au bout du compte les meilleurs
résultats, aussi bien en termes de productivité que d'emploi.
AUDIVISUEL
La situation financière des entreprises de télévision de l'Union européenne
Reflets et Perspectives de la vie économique
André Lange
Le secteur des entreprises de télévision de l'Union européenne comporte six
types d'établissement : les entreprises publiques de radio-télévision, leurs
homologues privés financés par la publicité, les entreprises de diffusion de
chaînes de films à péage, celles éditrices de bouquets de chaînes thématiques et
de programmes de télé-achat. Après la crise de 2001-2002, marquée par des pertes
importantes liées à la baisse des recettes publicitaires et à la transition vers
le numérique, la situation du secteur s'est globalement améliorée, bien que les
rythmes de croissance restent très variés suivant les pays et les types
d'activités. Globalement, la situation financière demeure néanmoins fragile, non
seulement à cause des interrogations qui pèsent sur le volet public de la
structure de financement du secteur (redevance et financement sur le budget de
l'Etat), mais également à cause du développement de la télévision numérique
terrestre.
NOUVELLES TECHNOLOGIES
Qui contrôlera internet ?
Foreign Affairs
Kenneth N. Cukier
Tout réseau international est d'ordinaire géré de manière centralisée. Le
système téléphonique mondial est par exemple contrôlé par une organisation
instituée par un traité international. Internet reste une exception. D'abord
supervisé, depuis sa création, par Jon Postel, professeur à l'université de
Californie, il est, depuis 1998, coordonné par une société privée américaine à
but non lucratif, l'ICANN. Jusqu'au premier Sommet mondial sur la société de
l'information, organisé fin 2003 par les Etats-Unis, les problèmes liés à la
gestion intergouvernementale d'internet n'avaient pas encore été posés. Avec le
développement des nouvelles technologies et la multiplication des échanges, les
enjeux économiques d'internet sont devenus considérables. Aussi, certains
gouvernements, en particulier des pays en développement, ont récemment
revendiqué un droit de regard sur les noms de domaines et les codes-pays,
jusqu'à présent attribués par l'ICANN. Si le contrôle d'internet devait être
cédé aux Etats, il est à craindre que celui-ci ne devienne un instrument de
renforcement du pouvoir des régimes autoritaires en matière de circulation de
l'information. Quoiqu'il en soit, l'enjeu est de taille puisqu'il s'agit en
effet de sécuriser le réseau et d'en renforcer le contrôle sans toutefois priver
de liberté les utilisateurs
No
2.907 27 septembre 2006
DOSSIER : L'Etat en quête de performance
Performance : nouveau mot d'ordre de la gestion publique
Les Notes Bleues de Bercy
Hugues Bied-Charreton
Prévue par la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), votée le 1er
août 2001, l'introduction de la démarche de performance dans la gestion publique
est une innovation majeure en France. Elle implique que la culture de moyens qui
prévalait jusque-là soit abandonnée au profit de la culture de résultats. Les
deux tiers des pays membres de l'Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) l'ont déjà adoptée. Ils sont désormais conduits à évaluer
l'action publique et à mettre en place des programmes annuels de performance
(PAP). Un dispositif du même type, prévu dans le cadre de la LOLF, offre aux
différentes administrations françaises plusieurs indicateurs destinés à la
mesure de la performance. Si ce dispositif est prometteur, il est toutefois,
précise l'auteur, insuffisant, puisqu'il cherche davantage à évaluer
l'efficacité (53 % des indicateurs) que l'efficience (29 %) et la qualité (18
%).
La LOLF préfigure-t-elle une réforme profonde de l'Etat ?
Revue française d'administration publique
Jean-François Calmette
Le passage d'un mode de gestion publique à un mode de gestion privée, institué
par la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), conduit à l'adoption
d'une démarche utilitariste qui implique que tout objectif peut être atteint et
que tout résultat doit être optimisé et mesurable. Cette démarche laisse
entendre que l'action de l'État aurait été jusque-là inefficace et fait
apparaître la LOLF comme un outil d'inspiration libérale qui, selon l'auteur,
amène à une évaluation biaisée des activités de l'Etat. Les critères sont
parfois en effet inadéquats : l'attention porte souvent davantage sur le
bénéfice financier produit par l'action publique, alors que celle-ci peut
également engendrer des effets plus larges sur la société, difficiles à
quantifier. Aussi, peut-on craindre que cette démarche n'aboutisse à un amalgame
entre les différents critères. Or, ces derniers ne concernent pas nécessairement
le même public : l'usager est davantage préoccupé par la qualité, alors que
l'efficience concerne avant tout le contribuable.
Après 20 ans de modernisation de la gestion publique, où en est-on ?
Perspective gestions publiques
IGPDE
Au cours des vingt dernières années, la gestion publique a considérablement
évolué dans la plupart des pays de l'Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE), sans toutefois que l'on puisse parler
véritablement de réforme, car cela sous-entendrait que seule la volonté de
l'État est en cause. Dans un entretien accordé à l'Institut de la gestion et du
développement économique (IGPDE), Alex Matheson estime qu'il ne faut en effet
pas négliger, dans cette évolution, le rôle joué par les exigences nouvelles des
citoyens, des usagers et des contribuables en matière de politiques publiques.
Il serait ainsi désormais préférable de reconnaître les spécificités nationales
plutôt que de promouvoir la diffusion des " bonnes pratiques " édictées par les
organisations internationales.
La réforme de la gestion publique est-elle " exportable " ?
Revue de l'OCDE sur la gestion budgétaire
Christopher Pollitt
L'histoire nous enseigne que les modes nationaux de gestion publique
s'exportent. C'est le cas, notamment, du modèle britannique appliqué aux
Pays-Bas, en Tanzanie et récemment au Japon et du modèle français retenu en
Mauritanie. En dépit des nombreux échanges de méthodes en matière de gestion
publique, les travaux portant sur les conditions qui favorisent un transfert
réussi sont peu nombreux. Si un modèle standard n'existe pas, il est toutefois
possible, selon l'auteur, d'offrir une réflexion sur les conditions qui assurent
une adaptation réussie d'un mode de gestion publique dans un contexte national
différent. Ce sont finalement la simplicité des modèles et leur bonne
compréhension ainsi que la similitude des administrations et leur compatibilité
culturelle qui garantiront son succès.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
LOGEMENT
Quelques expériences européennes sur de nouvelles formes de propriété
L'Observateur de l'Immobilier
Alain Costa et Jean-Pierre Schaefer
La forte augmentation du prix des logements en France depuis la fin de la
décennie 1990 a rendu l'accession à la propriété plus difficile pour les ménages
modestes. Cette situation incite de nouveau à porter le regard au-delà des
frontières, notamment en Finlande, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni où, au cours
des dernières années, de nouveaux modes d'habiter, à mi-chemin entre la location
et la propriété, ont été expérimentés. Les auteurs dressent ici un panorama de
ces expériences étrangères. L'analyse des avantages et des inconvénients de ces
formules permet ainsi - compte tenu des différents contextes - d'en apprécier
les conditions éventuelles de transposition en France.
INDE
Inde : pour un régime fiscal générateur de croissance ?
FMI Bulletin
Hélène Poirson
En dépit de la modernisation de son régime fiscal, l'Etat ne parvient pas, en
Inde, à augmenter ses recettes de façon significative. Les taux d'imposition
élevés appliqués à certaines activités, qui ne compensent pas les exonérations
fiscales, contribuent à gonfler le secteur informel. L'auteur s'interroge sur
les moyens d'accroître les recettes fiscales sans entraver la croissance et
parie sur l'impôt indirect, notamment la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui
stimulerait l'investissement tout en relevant les recettes de 1 % du produit
intérieur brut. Mais la solution consisterait également à favoriser le civisme
fiscal et à moderniser l'administration en introduisant les nouvelles
technologies de l'information afin de lutter contre l'évasion fiscale.
ARGENTINE
La stratégie à haut risque du président Kirchner
Conjoncture - BNP-Paribas
Christine Peltier
Avec un taux de croissance annuel de l'ordre de 9 % depuis 2003, l'économie
argentine est en train de se relever de la grave crise qu'elle a traversée au
cours des années 2001-2002. Les effets de rattrapage de la période d'après-crise
ont été amplifiés par un contexte international favorable et par la politique
expansionniste adoptée par le gouvernement du président Nestor Kirchner. Si les
Argentins rendent grâce à leur président des bonnes performances économiques
enregistrées par le pays, la communauté financière est, elle, plus circonspecte.
Les créanciers privés, certaines entreprises étrangères et les exportateurs
locaux ont en effet subi, depuis trois ans, de nombreuses mesures pénalisantes
de la part des autorités. Or, l'incertitude demeure sur la légalité des actions
entreprises par l'Etat argentin. Le mode de gestion " hétérodoxe " adopté par le
gouvernement ne paraît pas, en outre, pour beaucoup d'observateurs, constituer
une stratégie crédible de développement à moyen terme.
No
2.908 11 octobre 2006
DOSSIER : Le bilan de l'économie française : 2005/2006
Le pays européen le plus fécond après l'Irlande
Population et Sociétés
Gilles Pison
Au cours de l'année 2005, la population en France métropolitaine a augmenté de
0,6 %. La croissance a été du même ordre que l'année précédente. Au 1er janvier
2005, la population était estimée en métropole à 61 millions d'habitants.
L'année a été marquée par un nombre de naissances un peu plus élevé qu'en 2004.
Avec une moyenne de 1,92 enfant par femme, la France est pratiquement le pays le
plus fécond d'Europe. Seule l'Irlande (1,99) enregistre une moyenne plus élevée.
Une consolidation des créations d'emplois
Point statis - Unedic
Didier Dubaud et Arnaud Gérardin
Le retournement positif du marché du travail enclenché en 2004 s'est confirmé en
2005 avec la consolidation des créations d'emplois. Au cours de l'année,
l'emploi salarié a ainsi augmenté de 0,7 %. Au regard du taux de croissance
économique (1,2 %) et du nombre de postes de travail créés (107 800 contre 48
760 en 2004), 2005 est la meilleure année depuis 2001. Comme en 2004, la hausse
des effectifs dans le secteur tertiaire et la construction a fait plus que
compenser le recul de l'emploi dans l'industrie. La tendance observée sur le
marché du travail en 2005 semble se confirmer au premier semestre 2006. A la fin
du mois de juillet 2006, le taux de chômage s'établissait à 8,9 %, soit le
meilleur résultat depuis février 2002.
Dynamisme de l'activité privée, ralentissement de la consommation publique
INSEE Première
Adrien Friez et Hélène Poncet
En 2005, l'évolution en dents de scie de la croissance du produit intérieur brut
se poursuit : 1,2 % en volume, après 2,3 % en 2004 et 1,1 % en 2003. La
croissance a enregistré un net redémarrage au deuxième semestre, mais
globalement, l'activité est freinée par le solde extérieur (très déficitaire).
Par ailleurs, les dépenses des administrations décélèrent nettement. La
consommation des ménages reste cependant robuste et l'investissement accélère.
Néanmoins, le pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages ralentit et leur
taux d'épargne diminue de près d'un point. Le déficit public se réduit, sous
l'effet d'une hausse des prélèvements obligatoires et d'un ralentissement des
dépenses publiques. Du côté des entreprises non-financières, leur taux de marge
se contracte.
Moindre croissance des revenus, maintien du bon niveau de la consommation des
ménages
Note de conjoncture
INSEE
En 2005, l'augmentation du revenu disponible brut (RDB) des ménages a ralenti
par rapport à l'année précédente et ne s'établit plus qu'à + 3,1 % (après + 4,1
en 2004), principalement à cause d'une progression moins forte des revenus
d'activité (+ 2,6 % en 2005 par rapport à + 3,3, % en 2004). Cette tendance se
traduit par une décélération du pouvoir d'achat (+ 1,3 % après 2,5 % en 2004).
Pour 2006, on s'attend à un retour à l'évolution précédente avec un RDB en
augmentation de 4 %. Ce trou d'air dans la progression des revenus s'est
également manifesté au niveau de la consommation des ménages, tandis que les
dépenses d'investissement de ces derniers sont restées bien orientées.
Balance des paiements : nouvelle dégradation
Rapport annuel
Banque de France
L'année 2005 a été principalement marquée par une nouvelle et forte dégradation
du solde des transactions courantes, dans le prolongement de la tendance
observée depuis le début de la décennie. Alors que l'excédent courant
représentait près de 3 % du PIB en 1999, le déficit apparu en 2004 a plus que
quadruplé et s'inscrit désormais au niveau record de - 25,9 milliards d'euros,
soit - 1,6 % du PIB. Les soldes très négatifs des biens et des transferts
courants sont responsables de cette évolution. Au sein du compte financier, les
flux de capitaux entre résidents et non-résidents sont à l'origine de sorties
nettes de 15 milliards d'euros en 2005. Dans un contexte de forte croissance de
l'économie mondiale et de reprise des opérations de fusions et acquisitions, les
investissements directs français (- 41,9 milliards d'euros) ont doublé par
rapport à l'année 2004 (- 20,6 milliards d'euros).
Aggravation du déficit commercial
Les Notes Bleues de Bercy
En 2005, le dynamisme des échanges de biens se confirme, mais le déficit
commercial, pour moitié imputable à l'alourdissement de la facture énergétique,
a triplé depuis 2004 pour atteindre 26,5 milliards d'euros. En dépit d'une
augmentation des ventes à l'étranger de biens d'équipements et de biens
intermédiaires, le rythme des exportations (+ 4,1 %) reste inférieur à celui des
importations (+ 9,2 %). La forte demande des pays d'Asie et des Etats-Unis et le
rebond de l'activité des partenaires européens n'ont en effet pas suffi à
compenser l'augmentation des importations de biens industriels. La détérioration
du solde des échanges avec les pays de l'Union européenne - premier déficit
commercial de la France avec la zone depuis 10 ans - est notamment due à
l'accroissement des importations en provenance de la plupart des pays membres.
Meilleure maîtrise du budget mais une dette financière accrue
Rapport annuel
Cour des comptes
Alors que l'on s'attendait à un déficit budgétaire accru, en raison notamment de
la sous-évaluation du montant de la rémunération des personnels, celui-ci a été
moins élevé que prévu même s'il a atteint, en 2005, - 43,5 milliards d'euros.
C'est le maintien de l'équilibre des recettes qui a permis la maîtrise du
budget. La croissance des ressources fiscales - même si celle-ci a été plus
faible qu'en 2004 du fait du ralentissement conjoncturel - et non fiscales, a en
effet compensé la croissance du PIB, moins importante que prévue. Certaines
opérations de trésorerie, non imputées au budget de l'Etat alors qu'elles
auraient dues l'être, ont également contribué à alléger le solde budgétaire ;
elles ont en contrepartie pesé sur la dette financière qui s'est accrue de 43,3
milliards d'euros.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ROYAUME-UNI
L'économie britannique, modèle pour l'Europe ?
Commentaire
Guillaume Lagane
Tony Blair, Premier ministre britannique, vient d'annoncer officiellement qu'il
quittera le pouvoir d'ici un an. Après une décennie d'expérimentation de la "
troisième voie " et, au moment où celui qui en fut l'incarnation et le promoteur
en Europe semble passer de mode, les temps sont mûrs pour les bilans. Les
réformes engagées dans les années 1980 par les tories et celles mises en œuvre
ensuite par le New labour ont permis au Royaume-Uni de retrouver son rang et de
redevenir une économie performante. La Grande-Bretagne, depuis dix ans, connaît
une période de croissance ininterrompue. En valeur absolue, le produit intérieur
brut (PIB) britannique a dépassé celui de la France. Aujourd'hui, en dépit de
certaines faiblesses et d'un essoufflement de la croissance, l'économie
britannique - notamment au regard des médiocres performances de l'Europe
continentale - reste florissante. Si la Grande-Bretagne continue d'incarner
l'ouverture et la modernité et reste, aux yeux de beaucoup, l'exemple même du
système économique libéral, certains signes semblent montrer qu'elle pourrait -
en particulier sous la houlette d'un Gordon Brown - évoluer plutôt vers un
modèle d'organisation sociale de type scandinave.
PROTECTION SOCIALE
Quel sort pour les allocataires de minima sociaux ?
Lettre de l'OFCE
Hélène Périvier
Entre 1976 et 1988, trois minima sociaux - l'allocation parent isolé,
l'allocation de solidarité spécifique et le revenu minimum d'insertion - ont été
créés en France pour venir en aide à des populations en âge de travailler, a
priori aptes à le faire et présentant chacune des besoins spécifiques. Ces
minima sociaux représentent aujourd'hui une dépense d'environ 8 milliards
d'euros par an dont près des deux tiers pour le RMI. Les rapports critiques
contre l'inefficacité du dispositif de minima sociaux se sont multipliés ces
derniers mois. Ce dernier est en effet jugé incohérent, compliqué et peu
incitatif à la recherche d'un emploi. Faut-il fusionner les minima sociaux ?
Comment lutter contre la pauvreté via l'emploi ? L'assistance doit-elle être
repensée ? Telles sont désormais quelques-unes des questions qui se posent.
No 2.909
25 octobre 2006
DOSSIER : Les stratégies d'entreprise dans la mondialisation
Vers la fin des avantages comparatifs ?
Journal of Management Studies
David L. Levy
Selon la théorie classique du commerce international, il existe un gain mutuel
au libre- échange. L'auteur s'inspire du courant de l'économie politique
internationale (EPI), qui différencie la nature des intérêts de chaque acteur de
la mondialisation, pour avancer, au contraire, l'hypothèse selon laquelle la
création de richesses engendrée par les délocalisations ne profite pas
nécessairement à la nation ou aux salariés mais aux actionnaires. Ainsi, selon
l'auteur, et contrairement à la théorie de David Ricardo, les avantages tirés de
cette stratégie ne seraient pas réciproques. Même si la plupart des salariés
retrouvent du travail à la suite à la perte d'un emploi provoquée par la
délocalisation de leur entreprise, leur nouveau revenu est généralement
inférieur au précédent. De même, les emplois créés dans les pays d'accueil
engendrent une croissance rapide de leur revenu national, mais bien des
économies en développement restent, si elles ne parviennent pas à attirer des
investissements directs à l'étranger (IDE), à la marge de ce processus. Plus
qu'un phénomène temporaire, le transfert d'activités à l'étranger pourrait,
selon l'auteur, devenir une véritable " arme économique " susceptible d'être
utilisée pour modifier l'équilibre des pouvoirs de marché entre l'entreprise,
l'Etat et le salarié.
La mondialisation de l'économie n'impose pas une stratégie unique
Futuribles
Michel Drancourt
Professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), Suzanne Berger avait,
dans une première enquête réalisée au début des années 1980, révélé les
faiblesses de l'économie américaine face à la menace constituée par les
économies en croissance rapide du Sud-Est asiatique. Sa deuxième enquête, lancée
dans les années 2000 et menée cinq années durant auprès de 500 entreprises dans
le monde, conteste l'idée reçue selon laquelle la mondialisation imposerait un
modèle unique d'entreprise. Ces dernières développent, au contraire, des
stratégies diversifiées. En outre, la multinationale, dont les activités
productives étaient, dans les années 1980, " intégrées ", s'est progressivement
fragmentée, donnant naissance à un " monde Lego " dans lequel les
délocalisations semblent inévitables. Cependant, si celles-ci ont pour seul
motif la recherche d'un gain en termes de coût salarial, elles se révèlent
souvent décevantes. Suzanne Berger rappelle également que, contre toute attente,
l'essentiel de la sous-traitance est encore aujourd'hui dans les pays
développés.
Le coût du travail n'est pas le seul déterminant des délocalisations
La Vie des Idées
Entretien avec Suzanne Berger
L'importance du coût du travail dans le choix d'une délocalisation est
généralement surestimée. Celui-ci s'impose comme facteur décisif lorsque tous
les autres déterminants concernant la qualité de l'infrastructure, l'abondance
en ressources et en capital, le niveau de corruption, etc., sont réunis. En
dépit de la montée en puissance de géants économiques comme l'Inde et la Chine,
la division internationale du travail reste favorable aux pays industrialisés.
Ainsi, selon Suzanne Berger, les avantages comparatifs ne sont pas prêts de
disparaître et les économies des pays industrialisés ont encore beaucoup à
gagner à condition qu'elles ne consacrent pas toute leur énergie à sauvegarder
les emplois menacés par les délocalisations mais qu'elles investissent davantage
dans les domaines où elles sont les plus compétitives : notamment le design, la
recherche et la formation.
Le choix de la localisation : le cas des multinationales françaises en Europe
Economie et Statistique
Jean-Louis Mucchielli et Florence Puech
Dans leur étude sur la localisation de 614 multinationales françaises en Europe,
à la veille des années 2000, Jean-Louis Mucchielli et Florence Puech montrent
que l'implantation de ces entreprises va autant dépendre des " effets
d'agglomération " que du niveau des salaires du pays hôte ainsi que du potentiel
marchand - les investissements français sont, en effet, très concentrés et les
pays limitrophes, particulièrement privilégiés. Les déterminants du choix de la
localisation agissent ainsi aussi bien au niveau régional qu'au niveau national.
Aussi, l'importance des " effets d'agglomération " souligne-t-elle la pertinence
du développement des politiques favorisant l'attractivité du territoire.
Quelques enjeux autour de la nationalité des firmes
La revue internationale et stratégique
Claude Serfati
Les sociétés transnationales (64 000 à ce jour) et leurs filiales étrangères se
multiplient. Ces dernières représentent actuellement une valeur ajoutée de 3 911
milliards de dollars (soit 10 % du produit intérieur brut mondial) et emploient
57 millions de personnes dans le monde. Leur prépondérance est donc devenue bien
réelle. L'éclatement des processus de production au niveau mondial a conduit
l'auteur à s'interroger sur la nationalité de l'entreprise : comment peut-on la
repérer ? A-t-elle un rôle à jouer ? Peut-on encore dire d'une entreprise
transnationale qu'elle est américaine, japonaise ou française ? Il semble, pour
l'auteur, que les notions de nationalité et de territoire national comptent
toujours mais que l'on passerait d'une logique de " pôle de compétitivité " à
une logique de " pôle d'attractivité " qui privilégierait davantage le
territoire d'implantation (par exemple les Etats-Unis) que la nationalité
proprement dite de l'entreprise (par exemple les entreprises américaines) quelle
que soit sa localisation.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
Education et formation
L'enseignant à travers le regard de la science économique
Travail et Emploi
Jean-Michel Plassard et François Larré
A l'heure de l'économie du savoir et de la connaissance, l'éducation est devenue
un enjeu majeur. Dans ce contexte, l'enseignant qui est pourtant au cœur du
système éducatif ne fait toujours l'objet, de la part des économistes, que d'un
intérêt relativement limité. Avec l'ambition de construire les prémices d'une
approche économique de la profession enseignante (enseignements primaire et
secondaire) à partir des analyses existantes, les auteurs proposent ici une
étude qui permet de mieux comprendre les interactions et les mécanismes
d'ajustements à l'œuvre autour de la figure centrale de l'enseignant dans le
processus de production de l'éducation.
Inégalités
Les inégalités dans le monde : où en est-on ?
La Lettre du CEPII
Isabelle Bensidoun et Agnès Chevallier
La mesure de l'évolution des inégalités dans le monde est un exercice
particulièrement complexe. Il n'existe en effet pas un, mais plusieurs
indicateurs des inégalités reposant sur des concepts différents. Ainsi, on
comprend mieux que ces indicateurs délivrent sur les tendances à l'œuvre des
informations apparemment contradictoires mais qui en réalité se révèlent être
plutôt complémentaires. Pour se faire une idée la plus précise possible des
inégalités mondiales, il est indispensable d'aller au-delà des moyennes
nationales et de prendre en compte les inégalités internes. Sur ce point, les
estimations divergent également mais ce sont les données et les méthodes
statistiques utilisées qui cette fois expliquent les différences. L'ensemble des
études s'accorde dans tous les cas pour indiquer une baisse des inégalités
mondiales - due à leur composante internationale - qui s'accompagne, en moyenne
au niveau mondial, d'une progression des inégalités internes.
No 2.910
8 novembre 2006
DOSSIER : Le bilan de l'économie mondiale 2005/2006
Une croissance toujours vigoureuse mais vulnérable
Perspectives économiques de l'OCDE
OCDE
En 2005, l'activité économique mondiale est restée vigoureuse. En dépit du
ralentissement provoqué par la hausse des prix de l'énergie, la zone OCDE
(Organisation de coopération et de développement économiques) est entrée dans sa
cinquième année d'expansion. Aux Etats-Unis, l'économie pourrait connaître une
légère décélération. Le rythme de l'activité en Europe devrait s'accélérer
progressivement. Le Japon a aujourd'hui achevé le redressement de son économie,
tandis que la Chine poursuit son expansion. L'économie mondiale n'est pas pour
autant exempte de tensions. Certains risques persistent. Les déséquilibres des
balances courantes, qui ont atteint des niveaux sans précédent, notamment aux
Etats-Unis, sont ainsi susceptibles d'entraîner à terme des perturbations aux
conséquences sérieuses.
Ralentissement de la croissance du commerce mondial
Rapport sur le commerce mondial 2006
OMC
En 2005, en raison du ralentissement de la croissance économique mondiale et de
l'évolution du marché pétrolier, l'augmentation du commerce des marchandises
s'est ralentie en termes réels, tout en restant supérieure à la moyenne des dix
dernières années. Dans les pays développés importateurs de pétrole, la hausse
des importations a été inférieure de plus de moitié à celle enregistrée en 2004.
Compte tenu des médiocres performances économiques de l'Europe et des
caractéristiques de ses flux commerciaux - 75 % des exportations sont
intra-européennes -, la zone a enregistré en 2005 un net ralentissement de la
croissance de ses échanges.
Marchés financiers : des conditions toujours favorables
Rapport annuel
Banque des règlements internationaux
Grâce à la vigueur de l'économie mondiale, les conditions sur les marchés
financiers sont restées favorables en 2005 et au début de 2006. A l'exception
des obligations à long terme, le resserrement de la politique monétaire dans les
pays industrialisés avancés n'a guère eu d'incidence sur les prix des actifs.
Les actions et les primes de risque ont bénéficié des fortes révisions à la
hausse des perspectives de croissance, principalement en Europe et au Japon. En
outre, les évolutions concernant le capital des entreprises ont constitué un
facteur supplémentaire de stimulation des marchés : les distributions de
dividendes, le rachat d'actions et les fusions-acquisitions se sont en effet
orientés à la hausse. Par ailleurs, la stabilité des primes de risque en 2005
n'a pas été affectée par la remontée des taux d'endettement.
Hausse du dollar et des matières premières, mais stabilité de l'inflation
Rapport annuel de la Banque de France
Christian Noyer
L'année 2005 a mis fin à une longue phase de baisse du dollar. La divise
américaine s'est en effet affermie de près de 12 % contre l'euro et de plus de
14 % contre le yen. Cette inversion de tendance ne s'est pas produite sur les
marchés des matières premières. Au contraire, car les marchés ont continué leur
hausse entamée en 2003. Le cours de Brent a ainsi progressé de plus de 40
% en 2005. Malgré cette hausse, l'inflation est restée contenue dans le monde et
notamment en Europe. L'inflation de la zone euro a atteint 2,2 % en moyenne
annuelle. Depuis 2000, l'inflation totale de la zone euro oscille entre 2,1 et
2,3 % en moyenne annuelle.
Une nouvelle année de croissance de l'IDE
World Investment Report 2006
En 2005, l'investissement direct étranger (IDE) a progressé dans la plupart des
sous-régions du monde. Les pays développés restent les principales sources des
IDE sortants - les Pays-Bas en première position avec 119 milliards de dollars,
la France ensuite (116 milliards de dollars) puis le Royaume-Uni en troisième
position (101 milliards de dollars). Cependant, même si l'univers des sociétés
transnationales (STN) est toujours dominé par les firmes de la Triade, les
entreprises des pays en développement (PED) sont de plus en plus actives dans
l'émission des IDE. Ainsi, parmi les 100 premières STN, cinq proviennent du
monde en développement. Concernant la destination des investissements, les pays
développés ont la part belle : ils connaissent la plus forte hausse des entrées
d'investissements avec 542 milliards de dollars, soit 37 % de plus qu'en 2004.
Mais la somme investie dans les PED a elle aussi augmenté pour atteindre le
niveau record de 334 milliards de dollars.
Le taux de chômage diminue mais la croissance de l'emploi reste modérée
Perspectives de l'emploi de l'OCDE
En 2005, la croissance de l'emploi reste modérée dans la zone de l'Organisation
de coopération et de développement économiques - OCDE - (+ 1,1 %), mais celle-ci
continue d'être supérieure à la progression de la population active dans la
plupart des pays membres. La croissance de l'emploi s'est accélérée dans toutes
les économies de la zone, excepté en Allemagne (- 0,2 %) et aux Pays-Bas (- 0,6
%), où l'augmentation du produit intérieur brut (PIB) réel a été faible, et au
Mexique (- 0,7 %). Le taux de chômage moyen des pays de l'OCDE a diminué de 0,2
point en 2005 pour se stabiliser à 6,5 % de la population active (contre 6,7 %
en 2004) et devrait continuer de régresser. Il reste toutefois particulièrement
élevé en Pologne (17,7 %), en République slovaque (16,2 %), en Grèce (10,4 %) et
en Turquie (10 %). Le redressement du taux de croissance des rémunérations
réelles par salarié masque, quant à lui, de fortes disparités entre les pays
européens notamment et reste en deçà de la hausse de la productivité du travail.
La migration internationale se féminise
Etat de la population mondiale 2006
Aujourd'hui les femmes représentent la moitié des 94,5 millions de migrants
internationaux. Traditionnellement, elles émigraient pour se marier ou rejoindre
leur famille, mais le nombre de femmes émigrant seules ou en compagnie d'autres
femmes a considérablement augmenté ces dernières décennies. Elles se voient
généralement offrir, dans le pays d'accueil, des emplois moins bien rémunérés
par rapport aux hommes et souvent limités aux services domestiques et au secteur
tertiaire, même si elles sont bien représentées dans la catégorie des emplois
qualifiés en Amérique du Nord et en Europe. Le Rapport sur l'état de la
population mondiale 2006 expose les raisons de la migration internationale :
dans le monde en développement, la pauvreté, la maladie et le mariage seraient
les premières motivations de la migration internationale. Il énonce également
ses implications socioéconomiques. L'immigration féminine a ainsi contribué,
dans les pays développés, à l'essor de l'industrie du spectacle et du sexe et a
participé de ce fait à l'accroissement du produit intérieur brut (PIB) du pays
d'accueil : dans quatre pays d'Asie du Sud-Est, par exemple, plus de 2 % du PIB
sont générés par ces activités.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
PAUVRETE
2007 comptera, à l'échelle planétaire, plus d'urbains que de ruraux
Financial Times
En 2007, pour la première fois dans l'histoire, la planète comptera plus
d'urbains que de ruraux et un citadin sur trois vivra dans un bidonville. La
pauvreté urbaine se développe et plus de 560 millions d'êtres humains n'ont
actuellement accès ni à l'eau potable, ni à un réseau sanitaire. Les sommes
consacrées à l'amélioration de la situation de ces miséreux restent très
insuffisantes et les programmes de travaux publics sont appliqués, le plus
souvent, à petite échelle, les grands projets courant le risque de s'enliser
dans la bureaucratie. Selon les Nations unies, seul un Etat fort peut éradiquer
la pauvreté urbaine en étant notamment capable de reorienter les migrations pour
éviter la congestion des bidonvilles et de faire appliquer les mesures
nécessaires pour limiter la pollution domestique.
INFLATION
L'impact de l'inflation chinoise sur les Etats-Unis et le Japon
FMI Bulletin
Tarhan Feyzioglu
Quelle est le lien entre le niveau d'inflation des pays émergents et celui des
pays industrialisés ? La baisse générale, ces dernières années, de l'inflation
dans le monde a amené certains à soutenir la thèse selon laquelle les pays
émergents, notamment la Chine, faisaient, à travers leurs exportations de
marchandises bon marché vers des économies plus matures, baisser les prix dans
le reste de la planète. Récemment, l'apparition de tensions inflationnistes qui
tendent à se généraliser a conduit au développement d'une argumentation inverse
: ce serait cette fois la demande chinoise qui entrainerait la hausse des prix
dans le reste du monde. Dans un document de travail, le FMI analyse ces
relations. Il montre que rien n'indique vraiment que la Chine ait exporté son
inflation au Japon ou aux Etats-Unis ; ce pourrait même être en définitive le
contraire.
No 2.911
22 novembre 2006
No SPECIAL : Débats de science économique
Introduction
Où en est la théorie économique au début du XXIe siècle ?
Sociétal
Radu Vranceanu
La théorie économique tente, depuis toujours, de concilier deux phénomènes : la
rareté des ressources et la croissance continue de la demande, et cherche à
déterminer une allocation optimale des ressources, celle qui permet d'éviter les
gaspillages et de combattre les " externalités négatives " (pollution, etc.).
L'auteur rappelle brièvement l'objet de la théorie économique depuis le XIXe
siècle à nos jours et retrace l'évolution de ses grands principes
méthodologiques. Il insiste également sur les difficultés que la théorie a
rencontrées pour pallier les inefficacités informationnelles qui ont conduit à
la naissance de la théorie des jeux.
Les grandes théories
Les mutations de la politique monétaire
Ecoflash
Sophie Brana
La politique monétaire est probablement la politique économique qui a le plus
changé depuis le début des années 1970. L'abandon du système de changes fixes
lui permet en effet de trouver une latitude inconnue jusque-là. Elle est
utilisée depuis pour atteindre des objectifs précis, comme la croissance ou la
lutte contre l'inflation. Ainsi en 1979, Paul Volker, nouveau gouverneur de la
Banque centrale américaine, décide d'utiliser l'instrument de la politique
monétaire pour stabiliser les prix. C'est le début d'un engagement croissant des
banques centrales pour lutter contre l'inflation. Les décennies qui suivent sont
surtout marquées par le développement des marchés financiers, caractérisé par
les 3 D : déréglementation, désintermédiation et décloisonnement. Les autorités
monétaires font face aujourd'hui à de nouveaux défis : d'une part, le processus
inflationniste s'étend à d'autres domaines (notamment les prix des actifs
financier ou de l'immobilier), d'autre part, l'instabilité financière s'accroît,
ce qui pose la question d'une éventuelle réorientation de la politique
monétaire.
La théorie financière classique : une parenthèse de 50 ans ?
Gérer et comprendre
Hélène Rainelli-Le Montagner
Depuis la fin des années 1990, la théorie financière classique est remise en
cause par l'apparition de plusieurs phénomènes : le développement de la bulle
financière et le krach de l'Internet, d'une part, la multiplication des
scandales financiers, de l'autre. En réaction, un ensemble foisonnant de travaux
en rupture avec le paradigme dominant, s'est développé. Au centre de la critique
: l'individualisme méthodologique. On a pris l'habitude de regrouper ces travaux
sous l'appellation de " finance comportementale ". Ce nouveau courant redécouvre
des descriptions du XIXe et du début du XXe siècle, avant la mathématisation des
années 1950 et 1960. Néanmoins, les nouveaux théoriciens doivent relever un défi
important : efficaces dans la critique des modèles classiques, ils doivent
encore prouver leur capacité à élaborer des outils de décision pertinents. C'est
sur ce socle que s'est fondée la finance mathématisée.
La mondialisation au regard des théories du commerce
Idées
Pascal Le Merrer
Pourquoi échanger ? Comment l'intégration internationale affecte-t-elle les
inégalités ? La libéralisation des échanges est-elle bénéfique pour la
croissance ? Les théories du commerce peuvent apporter des réponses à ces
questions. L'auteur constate que - au niveau théorique - l'ouverture génère deux
types de gains : des gains d'échange liés à la modification de la structure des
prix relatifs et des gains de spécialisation liés à la réallocation des facteurs
vers les pays disposant d'une production plus efficace. Mais ces résultats ne
sont pas dans les pays concernés synonymes d'effets positifs pour tout le monde,
car si la mondialisation s'appuie aujourd'hui sur l'intégration commerciale,
elle s'accompagne également - à travers l'externalisation d'activités - d'une
tendance à la désintégration de la production. Cette désintégration est
considérée par certains comme une désindustrialisation, par d'autres comme une
simple transformation de la gestion des activités productives.
Les penseurs
Deux " prix Nobel " pour la théorie des jeux
Revue d'économie politique
Christian Schmidt
Le jury de Stockholm a, en 2005, récompensé pour la seconde fois, la théorie des
jeux, en attribuant le " prix de la Banque de Suède en sciences économiques en
mémoire d'Alfred Nobel " au mathématicien Robert J. Aumann et à l'économiste
Thomas C. Schelling pour leurs travaux consacrés aux jeux coopératifs et non
coopératifs. Les études de John F. Nash, John C. Harsanyi et Reinart Selten,
lauréats en 1994, avaient en commun d'utiliser les premières recherches de Nash.
L'éloignement des méthodes utilisées par les lauréats de 2005, suscite
l'interrogation de l'auteur sur les raisons qui ont motivé, cette année, le jury
dans l'attribution du prix aux deux chercheurs. Voulait-il récompenser la
variété des outils qu'offre la théorie de jeux ou avait-il, au contraire,
conscience du possible rapprochement des deux œuvres présentant alors une unité
cachée ? L'auteur retient la seconde hypothèse. Il semble, en effet, que les
deux lauréats aient été conduits par la même interrogation de départ sur les
croyances guidant les joueurs dans leurs décisions individuelles dont les
implications sont collectives.
L'énigmatique " théorème de Coase "
Revue économique
Elodie Bertrand
Considéré comme le père de la théorie des coûts de transaction, Ronald Coase
s'attaque, dans un article de 1959, à l'analyse pigovienne des externalités en
montrant qu'il est possible de les internaliser, sans coûts de transaction, par
la voie de la négociation bilatérale, à partir d'une dotation initiale des
droits de propriété. La négociation entre les deux agents les amènera à
s'entendre sur le prix de l'externalité et son niveau. Cette critique coasienne
de l'analyse pigovienne est contenue dans le " théorème de Coase ". L'apport de
Coase est majeur car ainsi, les externalités ne constitueraient pas un obstacle
à l'optimalité, ce qui est contraire à la microéconomie usuelle. Or, si dans un
cadre de marchandage bilatéral, les hypothèses de concurrence pure et parfaite
(CPP) - qui justement ne prévoient pas l'existence d'effets externes - ne sont
plus nécessaires pour mener à l'efficience, alors le théorème devient une
critique du modèle CPP. Mais cette thèse coasienne de l'efficience, rappelle
l'auteur, ne fait pas l'unanimité et les interprétations du théorème sont
nombreuses ce qui l'expose à diverses critiques sur son aspect tautologique et
sur le problème, non résolu, du partage de surplus après négociation.
Les méthodes
Le sursaut de la productivité américaine : réalité ou illusion statistique ?
L'Economie politique
Francisco Vergara
Etablir des comparaisons internationales en économie est une tâche
particulièrement délicate. Le thème de la productivité du travail offre une
illustration parfaite de ce problème. Depuis le début des années 2000, de
nombreux rapports indiquent que, dans la deuxième moitié des années 1990,
l'Europe aurait été distancée par les Etats-Unis en matière de productivité du
travail. Une explication répandue de ce décrochage est le manque de flexibilité
des marchés sur le Vieux Continent, qui aurait empêché une exploitation efficace
du potentiel offert par les nouvelles technologies de l'information et de la
communication. Mais nombreux sont aussi les experts qui estiment cette
explication insuffisante puisqu'elle n'est pas confirmée par des analyses
approfondies. Les statistiques officielles montrent pourtant bel et bien, depuis
une décennie, une accélération de la productivité horaire au Etats-Unis et un
ralentissement en Europe. En réalité, il semble que les branches pour lesquelles
des gains de productivité importants ont été réalisés aux Etats-Unis se limitent
tout compte fait au commerce de gros, au commerce de détail et aux services
financiers. Pour le reste, une bonne partie de l'écart constaté s'expliquerait
par les différences de méthodes mises en œuvre par les comptables nationaux, de
part et d'autre de l'Atlantique, pour mesurer la productivité du travail.
L'évolution des hauts revenus : une perspective historique et internationale
The American Economic Review
Thomas Piketty et Emmanuel Saez
Longtemps, les nombreux chercheurs qui s'intéressent aux inégalités de revenus
dans les pays développés ne disposaient pour leurs travaux que de bases de
données parcellaires et sans aucune homogénéité. Un des objectifs du projet de
recherche collectif conduit par les auteurs était de remédier à cette situation.
C'est désormais chose faite avec la constitution d'une base de données de
qualité - même si, en raison de la méthode utilisée pour sa réalisation,
celle-ci n'est pas exempte de limites - qui concernant les concentrations de
revenu et de patrimoine couvre le plus grand nombre possible de pays et
d'années. Après une description rapide de cette nouvelle base de données, les
auteurs présentent, ici, quelques-uns des résultats de leur recherche. Leur
étude confirme entre autres que la réduction des inégalités est en grande partie
la conséquence des chocs économiques violents subis par les détenteurs du
capital au cours de la période 1914-1945 ou bien encore que les cadres
dirigeants (working rich) ont progressivement remplacé les rentiers de
l'entre-deux-guerres au sommet de la hiérarchie des revenus au XXe siècle.
Le plagiat chez les économistes
Challenge
Walter Enders et Gary Hoover
La recherche est par excellence une activité intellectuelle parmi les plus
exposées au risque du plagiat. La profession d'économiste n'échappe pas à la
règle et compte dans ses rangs nombre de plagiés et de plagiaires. Les auteurs
présentent, ici, les résultats d'une enquête récente menée auprès de 18 000
économistes dans le monde afin de cerner de façon plus précise les contours de
ce fléau. Il en ressort que le phénomène semble prendre de l'ampleur et que les
chercheurs comme les rédacteurs en chef des revues confondent couramment le
plagiat avec le non-respect des droits d'auteur. Autre information préoccupante
il apparaît que rien , dans bien des cas, ne soit vraiment mis en œuvre pour
combattre cette pratique.
No 2.912
6 décembre 2006
DOSSIER : Experts et think tanks, quel modèle de conseil ?
Le rôle des think tanks
Accomex
Pierre Lepetit
Les think tanks passent pour des institutions liées spécifiquement à la
culture anglo-saxonne. Aux Etats-Unis, ils sont le fruit d'une tradition de
démocratie pluraliste. En Europe, où les think tanks font l'objet d'une
certaine curiosité, ils commencent à se développer. Toutefois, ces institutions
qui n'appartiennent pas à la culture politique française, suscitent plutôt la
méfiance. Celle-ci se traduit notamment par le fait qu'aucune traduction ne
rende complètement compte de la réalité que recouvre l'expression think tank.
Qualifiés de " réservoir à penser ", de " boîte à idées ", de " laboratoires
politiques ", voire d' " officine d'intérêts ", les think tanks offrent
néanmoins une nouvelle forme de participation à la vie politique et économique
et peuvent rendre l'expertise plus efficace.
Expertise et conseil en France : un modèle centralisé et élitiste
Colloque AFSP
Xavier Carpentier-Tanguy
En France, il existe peu de structures qui sont clairement identifiables comme
think tank, c'est-à-dire comme structures d'expertise indépendante. Ce
phénomène s'explique par un ensemble de raisons historique, politique et
sociologique qui renvoie à une approche particulière de la sphère publique et à
une distinction nette entre cette dernière et l'Etat qui sont spécifiques à la
France. Ainsi, le principal obstacle au développement des think tanks
est l'existence d'un Etat intégrant lui-même la plus grande partie des
structures d'expertise. Présents dans ou autour des cabinets ministériels, ces
structures sont souvent composées de collaborateurs personnellement choisis par
les ministres ce qui réduit leur capacité d'action permanente. La France dispose
néanmoins d'un certain nombre de structures d'expertise extérieure. L'auteur
propose ici un tour d'horizon de ces différents organismes.
Expertise et conseil en Allemagne : gérer l'abondance
Regards sur l'économie allemande
Markus Gabel et René Lasserre
Entre 130 et 150 instituts de recherche et centres d'expertise (environ 20 % de
la capacité européenne) sont basés outre-Rhin. En termes quantitatifs,
l'Allemagne se place ainsi en deuxième position dans le monde après les
Etats-Unis. Ce paysage allemand des think tanks est particulièrement
diversifié, reflétant à la fois le polycentrisme des centres décisionnels et le
haut degré d'organisation de la société civile. Cette structure nécessite et
induit une production abondante d'expertise et de conseil. Cependant, cette
abondance du côté de l'offre n'est pas pour autant synonyme d'une intégration
efficace des avis émis par les think tanks dans le processus de décision
politique. Par ailleurs, l'expertise économique semble de plus en plus nettement
dissociée de ce processus qui tend à faire appel à de nouvelles formes de
conseil scientifique jugées plus opérationnelles.
Conseil économique institutionnel : trois pays, trois modèles
Rapport du Sachverständigenrat
Wolfang Wiegard
Des organismes dédiés au conseil en matière de politiques économiques existent
dans de nombreux pays. Leurs formes varient en fonction des conditions
institutionnelles et des traditions politiques. L'auteur présente et compare
trois institutions phare de conseil dans trois pays différents : le Council of
Economic Advisers (CEA) aux Etats-Unis, le Sachverständigenrat (SVR) en
Allemagne et le Conseil d'analyse économique (CAE) en France. Le CEA est intégré
à l'administration et participe directement à l'action gouvernementale. Le SVR,
quant à lui, se situe totalement en dehors des rouages politiques et est
davantage un organisme d'évaluation que de conseil. Enfin, le CAE se positionne
d'une certaine manière entre les deux institutions précédentes. Il n'est ni à
l'extérieur ou à l'intérieur de l'action politique mais relève davantage de la
commission d'experts permanente.
De l'expertise aux politiques publiques : l'exemple de l'Allemagne, des
Pays-Bas et de la Suède
IZA - Discussion paper series
Werner Eichhorst et Ole Wintermann
Les réformes de l'Etat-providence et du marché du travail sont devenues des
domaines majeurs de l'action politique. Les auteurs analysent comment, dans
trois pays européens, l'action des think tanks arrive dans ce domaine à
peser sur l'action politique. En Allemagne, pays caractérisé par une abondance
en matière d'expertise indépendante, la réforme récente du marché du travail a
largement mobilisé les commissions d'experts temporaires, affaiblissant ainsi la
traditionnelle expertise corporatiste. Les Pays-Bas ont quant à eux instauré un
système de " fléxicurité " grâce au bon fonctionnement de l'expertise dans le
cadre d'un réseau efficace de partenaires sociaux. Enfin, la Suède qui possède
un système de conseil très performant, enregistre également la montée en
puissance de commissions ad hoc. De ces trois exemples, les auteurs
déduisent notamment que l'expertise est souvent moins efficace si elle est trop
fragmentée et doit faire face à un gouvernement plutôt faible. Dans ce cas, le
recours à des commissions ad hoc est à préconiser.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
BRESIL
Politique économique : le dilemme de Lula
La Lettre du CEPII
Jérôme Sgard
En dépit des bénéfices de la politique orthodoxe du premier mandat de Lula
(réélu le 29 octobre 2006) - la réduction de la dette publique, la hausse de
l'excédent budgétaire primaire et la relance des exportations sont à compter
parmi les résultats positifs -, la croissance brésilienne n'est pas au
rendez-vous. La pression fiscale excessive (37,5 % en 2005), essentiellement
supportée par la classe moyenne, ainsi que le niveau élevé des taux d'intérêt
l'ont en partie condamnée. Or, pour relancer la croissance, Lula dispose, à
l'occasion de son second mandat, d'une marge de manœuvre extrêmement réduite. Le
Président brésilien devra en effet convaincre de la soutenabilité de la dette
sans avoir recours ni aux coupes budgétaires ni à l'élévation des prélèvements
fiscaux. Fâcheux dilemme...
PHILANTHROPIE
La naissance du philanthrocapitalisme
The Economist
The Gospel of Wealth, ouvrage classique de la littérature
philanthropique, dont l'auteur n'est autre que le célèbre Andrew Carnegie,
continue, plus d'un siècle après sa parution, à faire des adeptes. Bill Gates,
l'homme le plus riche d'Amérique, et peut-être du monde, a ainsi annoncé en juin
dernier, suivant les préceptes développés par Carnegie, que dès 2008, il se
consacrera à plein temps à la gestion de la fondation qu'il a créée avec sa
femme. Un autre milliardaire américain, Warren Buffett, n'est pas en reste et
vient, justement de léguer l'essentiel de sa fortune, quelque 31 milliards de
dollars à la Fondation Gates. La philanthropie se porte donc bien, notamment aux
Etats-Unis, où les initiatives caritatives sont légion. Les nouveaux
philanthropes sont toutefois de plus en plus nombreux à prendre leur distance
avec les méthodes traditionnelles de gestion des fondations. Ils cherchent, en
effet, à rendre leurs structures plus efficaces financièrement et socialement,
tout en continuant à rêver à l'avènement du philanthrocapitalisme.
ENDETTEMENT
Les raisons de l'endettement excessif des ménages américains
Revue du MAUSS
Paul Jorion
Les Etats-Unis avec, depuis les années 1980, un taux d'épargne des ménages
proche de zéro, font figure d'exception parmi les nations occidentales, où des
taux de plus de 10 % sont plutôt la norme. Certains expliquent cette situation
par l'optimisme qui prévaudrait aux Etats-Unis quant aux perspectives
économiques incitant la population à consommer plutôt qu'à épargner ; d'autres
incriminent le mode de calcul du taux d'épargne qui ne reflèterait pas la
réalité. Selon l'auteur, l'endettement des Américains est en réalité une
histoire ancienne liée à la culture de l'endettement propre au processus de
colonisation du pays. Quant au nouveau contexte de l'endettement - après 1980 -,
il s'explique essentiellement par deux innovations dans la technologie des
instruments financiers : le rating des consommateurs et l'utilisation
optimale de la maison d'habitation comme gage de nouveaux emprunts.
No 2.913
20 décembre 2006
DOSSIER : Japon : sortie de crise, à quel prix ?
Japon : l'économie la plus dynamique du G7
Finances et Développement
Daniel Citrin et Alexander Wolfson
L'économie nippone semble s'être remise de la crise bancaire des années 1990. Le
taux de croissance de 3 % enregistré au cours des quatre dernières années et
l'amélioration des principaux agrégats macroéconomiques marquent le retour du
Japon sur la scène économique internationale et nous font oublier combien le
pays a souffert. Il semble toutefois que les rigidités structurelles qui
caractérisent l'économie, notamment sa population vieillissante, peuvent
constituer des obstacles sérieux à son dynamisme.
Le Japon tire les leçons de sa crise bancaire
The Economist
La décision prise par la Banque centrale japonaise en juillet 2006 d'augmenter
légèrement le taux directeur au Japon a été reçue avec enthousiasme parce
qu'elle adressait aux autres puissances économiques un signal positif,
révélateur du meilleur état de santé de l'économie nippone. La politique du "
taux d'intérêt 0 " a en effet été menée pendant de longues années pour tenter
d'enrayer une crise qui a duré presque 15 ans. Le relèvement du taux directeur
se fait en l'occurrence avec prudence car c'est précisément une décision
semblable qui avait précipité l'emballement des prix de l'immobilier et
l'écroulement du marché financier japonais, qui avait déjà été ébranlé par le
krach de Wall Street en 1987. Une partie du capital des banques avait d'ailleurs
disparu avec la chute des actions. L'injection de fonds publics n'a pas suffi à
relancer l'économie et seul l'abaissement brutal du taux d'intérêt conjugué à
une politique d'assainissement des crédits a permis d'éviter la catastrophe.
La montée de la précarité de l'emploi au Japon
Chronique internationale de l'IRES
Bernard Thomann
L'emploi à vie qui, auparavant, était la caractéristique principale du marché du
travail japonais est, depuis les années 1990, progressivement remis en cause. La
prédominance de ce type d'emploi, par définition peu flexible, a incité les
pouvoirs publics à transformer la structure du marché du travail et a ainsi
paradoxalement conduit à une progression rapide des emplois précaires (jusqu'à
28 % en 2001). Même si la proportion des salariés ayant un contrat à durée
indéterminée reste importante, les transformations dans les méthodes de
recrutement ont accentué les inégalités de revenus et de conditions de travail
en faveur des salariés des grandes entreprises.
De plus en plus de sans-abri au Japon
Cités
David Antoine Malinas
Le Japon était encore, au début des années 2000, le dernier pays développé
épargné par le phénomène des sans-abri. Mais au cours de la décennie perdue
(1980-1990), le nombre d'exclus a été multiplié par plus de 50. On en
dénombrait, en 2002, environ 25 000. En comparaison avec les autres économies
industrialisées, ce nombre reste, il est vrai, marginal - il est évalué, par
exemple en France, à 80 000 (pour une population moitié moins nombreuse). Mais
ce phénomène, apparu récemment et qui se développe rapidement, n'en est pas
moins inquiétant. Il concerne en effet des hommes âgés et sédentaires. Ils sont
généralement regroupés dans les yoseba, des espaces publics municipaux,
afin d'échapper au regard des citadins qui tendent à les rejeter en raison de
l'image négative dont ils sont porteurs dans la société japonaise.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
UNION EUROPEENNE
Les PECO, sont-ils les bienvenus dans la zone euro ?
La Lettre de l'OFCE
Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak
Les nouveaux pays membres (NPM) de l'Union européenne (UE) sont tenus par la
Constitution de se préparer à intégrer le plus rapidement possible la zone euro.
L'entrée dans l'union monétaire suppose de satisfaire aux critères de
Maastricht, critères dont la justesse fait désormais débat après plusieurs
années de fonctionnement de la zone. De plus, compte tenu des déséquilibres
spécifiques que présentent les économies des NPM, ces critères ne semblent pas,
de toute façon, les plus adaptés. Est-il en outre légitime - au risque de
compromettre leur croissance - d'imposer aux NPM des contraintes auxquelles les
membres actuels ne se plient pas toujours ? Si la rigidité institutionnelle de
l'UE empêche toute réforme, les autorités européennes conservent toutefois une
marge de manœuvre concernant l'interprétation des critères d'adhésion. En 2007,
seule la Slovénie sera en mesure d'entrer dans la zone euro. Cette situation
devrait conduire les autorités européennes à une réflexion sur le fonctionnement
d'une zone monétaire qui ne semble pas, aujourd'hui, toujours très satisfaisant.
REGULATION
Crédit à la consommation : protéger le consommateur contre lui-même
Vingtième siècle
Alain Chatriot
Le crédit à la consommation, qui n'a fait l'objet que de rares travaux en
sciences sociales, a connu un grand succès en France depuis les années 1950,
tout en suscitant inquiétudes et réticences. Il fait intervenir un nombre très
varié d'acteurs (Etat, syndicats, associations de consommateurs, etc) et
comporte des enjeux à la fois économique, juridique et social. L'encadrement
réglementaire de cet outil emblématique de la société de consommation est le
résultat d'un débat d'idée fécond, alternant interprétation positive (comme par
exemple la réduction des inégalités matérielles) et négative (comme notamment le
problème du surendettement). Aujourd'hui, malgré un cadre réglementaire visant à
protéger le consommateur, le crédit à la consommation reste un instrument
singulier de la vie économique, à la fois accepté et perçu avec une certaine
suspicion.
POLITIQUE MONETAIRE
Expliquer l'évolution de la masse monétaire de la zone euro
La lettre des études économiques
Alexandre Bourgeois
La Banque centrale européenne (BCE) est, depuis décembre 2005, engagée dans un
processus de remontée de ses taux directeurs. Cette politique est dictée, en
grande partie, par l'évolution des variables monétaires, car actuellement ni le
niveau de l'inflation (il se situe très près de sa moyenne sur 10 ans), ni le
faible pouvoir de négociation des salariés de la zone euro (on enregistre une
stagnation des salaires réels sur un an) ne justifient une augmentation des
taux. La BCE craint en effet une progression plus forte que prévue de la masse
monétaire. L'auteur s'interroge sur le bien-fondé de ces craintes. Pour cela, il
revient sur la place de la monnaie dans la science économique, ainsi que sur les
principales théories expliquant l'évolution de la masse monétaire.
No
2.914
3 janvier 2007
DOSSIER : Migrations internationales : quels effets sur les économies
?
Les migrations internationales : du XIXe siècle à 2030
Finances et Développement
Jeffrey G. Williamson
Au cours des deux derniers siècles, le monde a connu deux vagues de migrations
mondiales massives. La première, qui a débuté au XIXe siècle, a vu notamment,
entre 1820 et 1920, 60 millions d'Européens pauvres émigrer pour le Nouveau
Monde. La deuxième vague, qui démarre après la Seconde Guerre mondiale, s'est
accélérée de façon spectaculaire à partir des années 1990 et de la seconde ère
de mondialisation. Le " cycle de vie " d'une émigration massive est à chaque
fois le même et les facteurs économiques qui déterminent le phénomène se
reproduisent à l'identique. Deux régimes caractérisent généralement l'histoire
de l'émigration dans un pays : le premier est conditionné par l'offre
d'émigrants, le second par la demande. L'analyse des migrations massives, passée
et présente, est donc essentielle et nous éclaire sur les flux mondiaux futurs.
La fuite des cerveaux entrave-t-elle la croissance européenne ?
Regards économiques
Frédéric Docquier et Abdeslam Marfourk
L'Union européenne (UE-15) est la seule des grandes puissances économiques
mondiales qui enregistre un déficit dans ses échanges de main-d'œuvre qualifiée
avec le reste du monde. Cet exode des cerveaux touche en particulier les
qualifications très élevées et/ou les secteurs de pointe et met en péril les
performances européennes en matière de recherche et développement dans des
domaines clés comme la biotechnologie, la recherche médicale, la chimie, la
nanotechnologie, les technologies de l'information et des communications. Le
déficit européen en matière de migration qualifiée s'explique par une politique
d'immigration peu sélective et par des conditions de travail et des perspectives
de carrière bien moins attractives que celles offertes aux Etats-Unis ou au
Canada.
Les stratégies de la Chine pour faire revenir sa matière grise
Revue internationale du travail
David Zweig
À partir des années 1990, la Chine, de plus en plus engagée dans la compétition
économique internationale, a pris conscience, afin d'améliorer le niveau des
sciences et des technologies du pays, de la nécessité de laisser ses étudiants
partir librement se former à l'étranger, tout en se donnant les moyens de les
convaincre de rentrer ensuite. Les nombreux programmes mis en place par le
gouvernement central et les municipalités pour faire revenir les scientifiques
et les universitaires - dans un contexte de forte croissance économique - ont
permis de créer un climat propice à ces retours. Aussi, en dépit du maintien
d'un régime politique autoritaire, assiste-t-on, depuis plusieurs années, au
retour de dizaines de milliers de chercheurs ou d'entrepreneurs qui ont fait
leurs classes dans les meilleures universités étrangères.
Le rôle des transferts de fonds des émigrés dans le développement
Perspectives des migrations internationales
Les transferts de fonds internationaux des émigrés vers les pays en
développement représentaient, en 2002, 149,4 milliards de dollars. Si
l'investissement direct étranger (IDE) et les mouvements de capitaux au profit
des PED ont chuté au cours des dernières années, les transferts de fonds opérés
par les migrants n'ont cessé d'augmenter, de façon spectaculaire. Leur rôle dans
la croissance et le développement et leur importance pour compenser la perte de
capital humain subie par les PED en raison des migrations ont été mis en
évidence dès le début des années 1980. Les auteurs font ici un examen détaillé
des déterminants des transferts de fonds, des circuits empruntés pour effectuer
ces transferts et de l'impact économique de ces opérations sur les pays
destinataires.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ECONOMIE SOUTERRAINE
Pourquoi réprimer l'offre n'affaiblit pas le trafic de drogues
Revue Economique
Sylvaine Poret
Depuis les années 1980, les politiques de lutte contre l'offre de drogues
illicites se sont durcies dans la plupart des pays. En dépit du renforcement de
ces politiques répressives, le narcotrafic s'est amplifié et le chiffre
d'affaires du commerce mondial de drogues illégales, actuellement évalué à un
montant compris entre 300 et 500 milliards de dollars, est plus important que
celui des industries pétrolière et automobile. L'auteur s'interroge sur les
raisons de cet échec ainsi que sur le comportement stratégique des acteurs du
marché. Les saisies, les arrestations, les sanctions devaient, selon les
principes de l'économie des organisations, en provoquant une augmentation des
coûts de production, affaiblir le trafic et ainsi faire baisser la consommation.
Mais ces politiques répressives ne sont pas parvenues à diminuer l'offre
globale. Même si celles-ci ont, dans certains Etats (Pérou et Bolivie), permis
une réduction importante des cultures, notamment de coca, elles n'ont fait que "
déplacer " l'offre dans d'autres pays (Colombie). La répression a également eu
pour conséquence de modifier la structure de la filière en l'étirant, ce qui a
permis à de nouveaux acteurs parfaitement complémentaires et indépendants
d'apparaître et de se partager le risque et le coût total du trafic.
SERVICES
Les services à la personne en France, un secteur méconnu mais porteur
Horizons Bancaires
Estelle Honthaas
Bien réels, mais peu connus encore à ce jour en raison notamment de la
difficulté que les économistes ont à les évaluer, les services à la personne
sont un des secteurs les plus dynamiques en France : ils représentent 3 % du
produit intérieur brut (PIB) et emploient plus de 1,3 million de personnes. Les
études montrent que ces services ont un impact macroéconomique positif important
sur la société : ils contribuent à son bien-être, offrent de nombreux emplois et
constituent un potentiel considérable de croissance économique. Le plan proposé
par le ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, Jean-Louis
Borloo, en juin 2004, contribue d'ailleurs à en faire la promotion. L'auteur
revient cependant sur les obstacles à leur expansion. La fragmentation de
l'offre des services à la personne et la répartition inégale du recours aux
services à domicile, tant aux niveaux géographique que social, tendent en effet
à limiter leurs effets positifs sur l'économie.
RECHERCHE ET DEVELOPPEMENT
La réforme de la recherche publique au Japon : une rénovation en cours
Gérer et comprendre
Hiroatsu Nohara
Le Japon, qui a traversé une longue crise d'une quinzaine d'années, est
désormais fermement décidé à se doter des moyens nécessaires pour affronter la
compétition économique internationale. La réforme de la recherche publique est
au cœur de cette stratégie. L'objectif est ambitieux, puisqu'il s'agit de faire
du pays un leader mondial dans ce domaine. Les pouvoirs publics escomptent
rapidement créer dans l'Archipel une trentaine d'universités qui seront " les
meilleures du monde ". Des relations contractuelles ont été établies entre les
universités et l'industrie, tandis que de nouvelles règles d'encadrement de la
recherche ont été instaurées comme l'autonomie de gestion du budget, du
personnel et des brevets, l'obligation de résultats, la rentabilisation des
brevets ou la " défonctionnarisation " des chercheurs.
No
2.915
17 janvier 2007
DOSSIER : Commerce mondial : avec ou sans l'OMC ?
L'OMC victime de la mondialisation ?
Ramses
Jean-Marie Paugam
L'Organisation mondiale du commerce (OMC) est contestée. Ses détracteurs mettent
en cause son rôle moteur dans la mondialisation, sa responsabilité dans le
déséquilibre de l'économie mondiale au regard des principes du développement
durable et l'inefficacité, voire l'injustice de sa doctrine basée sur le
libre-échange. Au-delà de ces critiques, l'OMC a du mal à confirmer son
hégémonie sur le système commercial multilatéral et traverse une période de
crise : échec des négociations commerciales, prolifération des accords
régionaux, tensions protectionnistes. Ces difficultés ne sont cependant pas
surprenantes compte tenu des mutations du système de négociation commerciale
internationale depuis une vingtaine d'années : passage de simples pourparlers à
la régulation du commerce mondial, intégration des pays en développement et
organisation d'une gouvernance mondiale.
Doha : les raisons d'un échec
La Lettre du CEPII
David Laborde et Lionel Fontagné
Le 28 juillet 2006, le Conseil général de l'OMC a décidé de suspendre le cycle
de Doha. Les pays membres ne sont pas parvenus à s'entendre sur un compromis
basé sur les exigences minimales des grands acteurs, car les négociateurs ont à
tout prix cherché à équilibrer les concessions accordées en matière agricole par
des concessions sur les biens industriels. Une simulation des gains à attendre
de ce compromis peut expliquer les raisons du blocage actuel. Au niveau mondial,
les gains auraient été très faibles et inégalement répartis et les concessions
demandées à chaque Etat n'auraient pas été dénuées de coûts politiques. Pour
réactiver les négociations, leur périmètre devrait donc être élargi, par exemple
en y intégrant les services.
L'OMC entre régionalisme et multilatéralisme
Document de travail - Union interparlementaire
Donald H. Oliver
L'Organisation mondiale du commerce (OMC) est confrontée à la prolifération
d'accords régionaux qui viennent défier le multilatéralisme qu'elle encourage et
soutient. Les accords régionaux ou bilatéraux comportent certains avantages,
notamment la plus grande rapidité et facilité avec lesquelles ils peuvent être
conclus. Mais bien qu'ils favorisent le commerce, les accords régionaux - outre
le coût administratif qu'ils entraînent - ne peuvent pas régler des problèmes
plus complexes, ni traiter la question des pays en développement. La poursuite
du multilatéralisme paraît ainsi indispensable.
L'OMC et les entreprises
ACCOMEX
Béatrice Richez-Baum
Les négociations commerciales menées dans le cadre de l'OMC impliquent des
rapports de force entre Etats, alors que les enjeux concernent directement les
entreprises. L'actuel cycle de négociation (Doha), orienté vers le
développement, a encore accentué ce décalage. Les entreprises risquent de finir
par se désintéresser de négociations qui s'inscrivent davantage dans le long
terme, ce qui n'est pas forcément compatible avec leurs objectifs. Cette
situation est renforcée par le nombre très limité, au niveau international, de
structures regroupant des entreprises et permettant un débat sur l'importance et
le rôle de l'OMC. Seules quelques grandes entreprises ou fédérations
d'entreprises ont par exemple des collaborateurs à Bruxelles avec mission de
suivre les dossiers de l'OMC, d'autres encore se concentrent sur les
négociations bilatérales où les objectifs s'inscrivent davantage dans le court
terme.
Une voie pragmatique pour sortir l'OMC de la crise
Rapport d'information du Sénat
Jean Bizet
Compte tenu de l'importance du multilatéralisme, le rôle potentiel de l'OMC en
tant qu'arbitre du commerce mondial ne fait guère de doute. Si des différences
substantielles continuent de diviser les membres sur le fond, il y a assurément
moyen de renforcer l'efficacité fonctionnelle de l'OMC. Deux niveaux de réformes
sont envisageables : d'une part, peuvent être engagées des mesures visant à
améliorer la procédure de négociation (comme une meilleure organisation des
enceintes de négociation et un renforcement du rôle du Directeur général de
l'OMC), de l'autre, on peut imaginer doter l'Organisation de moyens qui
permettraient de renforcer sa légitimité (comme une meilleure association des
acteurs non gouvernementaux et des parlements nationaux ou le renforcement de la
coopération qu'elle réalise avec les autres institutions internationales,
notamment l'ONU).
EGALEMENT DANS CE NUMERO
UNION EUROPEENNE
Quel modèle de compétitivité pour l'UE ?
Reflets et perspectives de la vie économique
Bruno Amable
L'Union européenne (UE) parviendra-t-elle à devenir l'économie de la
connaissance la plus compétitive en 2010 (objectif qu'elle s'est fixé dans le
cadre de la stratégie de Lisbonne) ? Tous les indicateurs disponibles pour
mesurer l'avancée de la zone en termes d'innovation montrent le retard de l'UE
au regard de ces objectifs. Mais ce constat n'est pas nouveau et les Etats
s'inquiètent toujours davantage des résultats présentés chaque année par les
économistes. L'analyse de l'auteur apporte ici en revanche un regard neuf sur
les raisons de ce retard. L'inadéquation des institutions ne constitue pas,
selon lui, une réponse satisfaisante à l'échec du processus de Lisbonne.
Celui-ci serait plutôt dû à l'analyse erronée qui est faite de la dynamique du
capitalisme en Europe. Trop attachée à décrire la supériorité du capitalisme
financier dans la zone, cette analyse rejette au second plan les particularités
nationales. L'auteur leur rend toute leur importance et considère qu'elles sont
la clé pour qui veut comprendre le retard de l'UE en termes de compétitivité.
CONSOMMATION
La baisse de la consommation de tabac s'accentue depuis 2003
INSEE Première
Danielle Besson
Depuis la loi Evin de 1991, le prix du tabac a fortement augmenté en France. Les
achats à prix constants ont reculer de 3,4 % par an en moyenne. La baisse de la
consommation de tabac s'est accentuée dans la période récente avec une chute
d'environ 30 % des achats en volume de tabac en France entre 2002 et 2004. Les
achats de tabac dans les pays frontaliers ont toutefois augmenté au cours de
cette période et représenteraient près de 6 % des achats sur le territoire
français. La part de leur budget que les Français consacrent au tabac est de 1,7
%, soit moins que la moyenne européenne (2 %). Avec des prix plus élevés et une
consommation plus faible que dans la plupart des Etats de l'Union européenne, le
dispositif législatif de lutte contre le tabagisme semblerait donc avoir, en
France, un effet dissuasif sur certains consommateurs.
DISTRIBUTION
Les marques de distributeurs : une stratégie d'enseigne gagnante
INRA - Sciences sociales
Fabian Bergès-Sennou, Sylvette Monier-Dilhan et Valérie Orozco
Au cours des trente dernières années, la grande distribution a beaucoup changé.
Dans les années 1970, il s'agissait surtout de proposer aux consommateurs des
produits à bas prix grâce aux volumes élevés commandés aux producteurs des
grandes marques - aujourd'hui la grande distribution joue un rôle beaucoup plus
actif. Ce changement se manifeste notamment à travers la gestion de ses propres
marques, les marques de distributeurs (MDD). Pour une majorité de produits, les
consommateurs peuvent aujourd'hui choisir entre les marques nationales (MN) et
la marque du détaillant. L'intérêt de cette stratégie est double : concurrencer
les marques nationales et segmenter la demande par une offre différenciée. Plus
récemment, la grande distribution s'est fixée un troisième objectif stratégique
: lutter contre les magasins pratiquant le maxidiscompte (le hard-discount).
No
2.916
31 janvier 2007
DOSSIER : La controverse autour du pouvoir d'achat
Que cache le sentiment d'une baisse du pouvoir d'achat ?
Chroniques
Les Français ont l'impression que, depuis 2002 et le passage à l'euro, les prix
ont fortement augmenté et que leur pouvoir d'achat se dégrade alors que les
statisticiens ne constatent aucune hausse prononcée des prix. Les calculs
officiels manqueraient-ils de transparence ? En réalité, les indicateurs sont
fiables mais ils ne sont valables que si l'on considère la totalité des ménages
quels que soient leur taille, la catégorie socioprofessionnelle, les habitudes
de consommation et le revenu. Chaque ménage, lui, perçoit son pouvoir d'achat en
fonction de l'ensemble de ces conditions et se voit en outre effectuer des
dépenses de plus en plus contraintes (loyers, etc.). La vision des Français
concernant l'évolution du pouvoir d'achat ne peut dès lors qu'être très
différente de celle des statisticiens de l'INSEE.
Comment mesurer le coût de la vie ?
Regards économiques
Vincent Bodard et Jean Hindriks
Le coût de la vie paraît, pour de nombreux ménages, plus élevé aujourd'hui
qu'hier. Ce sentiment se traduit-il pour autant par une baisse du niveau de
consommation ? Comment mesurer l'impact de l'évolution des prix sur le
comportement des consommateurs ? Les auteurs proposent et comparent deux
méthodes de calcul simples, celle du pouvoir d'achat et celle du niveau de vie,
la dernière étant préférable selon eux, car elle tient compte des possibilités
de substitution dont dispose le consommateur, et contribue ainsi à réduire
l'impact d'une augmentation des prix sur la consommation.
S'entendre sur la notion de " ménage "
Données sociales - La société française
Pascal Chevalier, Olivier Guillemin, Aude Lapinte et Jean-Paul Lorgnet
Entre 1970 et 2002, le niveau de vie moyen des individus a augmenté de 70 %,
même si la progression a été moins nette entre 1980 et 1997. Mais les inégalités
de niveau de vie, celui-ci étant devenu plus sensible à la conjoncture,
s'accroissent à partir de 2003 et le nombre de pauvres augmente de 250 000. À
revenu disponible inchangé, plus la taille du ménage est grande, plus le niveau
de vie diminue. Le nombre de personnes contribuant à l'apport de ressources dans
le ménage constitue également un facteur important de la détermination du niveau
de vie. À nombre d' " apporteurs de ressources " et à catégories sociales
identiques, l'effet de la taille du ménage influe également. Ainsi, les familles
monoparentales ont un niveau de vie plus faible que celui des couples sans
enfant, les prestations familiales ne compensant donc pas, en général, la perte
de niveau de vie liée à la présence d'un enfant.
Une inflation plus forte pour les ouvriers et les chômeurs
Document de travail du CREDOC
Pascale Hébel
Si les Français ont le sentiment que, depuis 5 ans, leur pouvoir d'achat se
dégrade, trois facteurs au moins peuvent expliquer cette situation : le
ralentissement de la croissance des revenus d'activité et de patrimoine à partir
de 2002, l'augmentation sensible des impôts en 2003/2004 et la modification
progressive de la structure de la consommation en faveur du logement et des
services (voyages touristiques, services récréatifs, communication, transports,
etc.) dont les prix ont considérablement augmenté ces dernières années. Mais il
faut également noter que l'inflation affecte davantage les catégories
socioprofessionnelles les plus modestes : les ouvriers et les chômeurs ont en
effet la structure de consommation la plus défavorable au regard de l'évolution
des prix des biens et services qu'ils consomment habituellement.
L'euro, bouc émissaire ? Une comparaison France/Allemagne
DP - Analyses Economiques
Sylvie Lefranc
L'opinion publique est convaincue, de part et d'autre du Rhin, que le passage à
l'euro a entraîné une augmentation des prix. En témoigne l'écart depuis 2002
entre l'inflation perçue et l'inflation réelle. La monnaie européenne n'a
toutefois pas été inflationniste, même si l'entrée en vigueur de l'euro a
incontestablement brouillé les repères des consommateurs et leur perception des
prix les conduisant à la surestimation de l'inflation (phénomène désigné comme
l' " effet Teuro " en Allemagne). Cependant, celle-ci n'a semble-t-il pas
conduit à un recul de la consommation des ménages en Europe.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
UNION EUROPEENNE
Ouverte pour travaux : la présidence allemande de l'UE et la réunification
européenne
Lettre de l'OFCE
Jérôme Créel, Eloi Laurent et Jacques Le Cacheux
Depuis le 1er janvier 2007, l'Allemagne a pris la présidence de l'Union
européenne (UE) pour une durée de six mois. La présidence allemande est face à
trois grands chantiers : institutionnel, monétaire et financier et celui de
l'élargissement. En 2006, l'UE n'a pas avancé sur ces dossiers : Bruxelles et
les capitales européennes se sont accordé une " pause de réflexion " au
lendemain des " non " français et néerlandais à la ratification du traité
constitutionnel. Le premier impératif pour la présidence allemande sera ainsi de
se pencher sur l'avenir du traité constitutionnel et de réfléchir à la
possibilité de rédiger une " mini-constitution " pour l'Union à 27 Etats
membres. Ensuite, il faudra reposer la question du fonctionnement de la zone
euro, car le comportement des Etats membres face aux exigences de la monnaie
unique varie beaucoup, notamment entre la France et l'Italie, d'un côté, et
l'Allemagne, de l'autre. Enfin, la consolidation de l'Europe nécessiterait
également une réforme du budget européen, notamment concernant son mécanisme de
financement.
INDICATEURS ECONOMIQUES
Les champions du PIB par tête et ceux du niveau de vie
La Lettre du CEPII
Marc Fleurbaey et Guillaume Gaulier
Le produit intérieur brut (PIB) par habitant est l'indicateur de référence pour
effectuer des comparaisons internationales de niveau de vie. Il présente
pourtant un inconvénient majeur puisqu'il ne tient pas compte des composantes
non monétaires qui peuvent sensiblement différer d'un pays à l'autre. Les
auteurs estiment ici que la préférence exclusive pour le revenu monétaire
n'existe pas, mais qu'en fonction de l'histoire et du contexte culturel de
chaque pays, des arbitrages sont réalisés entre les différentes composantes du
niveau de vie. Celles-ci peuvent être exprimées en termes de " revenu équivalent
". À partir de cette idée, ils élaborent un nouvel indicateur de niveau de vie
intégrant différents aspects du bien-être individuel et social (loisir, santé,
inégalités, soutenabilité, etc.). Le classement des pays selon le niveau de vie,
lorsqu'il est effectué à l'aide de ce nouvel indicateur, modifie quelque peu le
rang habituel de certaines nations : le Japon et la France notamment gagnent des
places tandis que les Etats-Unis en perdent.
SANTE
Prix des médicaments : comment concilier les intérêts de la société avec ceux
de l'industrie ?
Revue internationale de sécurité sociale
Elias Mossialos, David Brogan et Tom Walley
Les dépenses moyennes en produits pharmaceutiques dans les pays industrialisés
ont connu, au cours des vingt dernières années, une augmentation spectaculaire,
passant en moyenne pondérée de 13 % du total des dépenses de soins de santé en
1980 à 18,1 % au début des années 2000. Ces coûts croissants ont conduit à
l'application de diverses réglementations et politiques en matière de
tarification des produits pharmaceutiques. Les mesures classiques de maîtrise
directe et indirecte des prix ne sont pas parvenues jusque-là à maintenir un
équilibre entre les besoins de la société en matière de santé et ceux, souvent
concurrents, de l'industrie. Il semble que pour réussir à optimiser les
ressources de l'Etat et des patients, tout en orientant la recherche vers les
domaines importants sur le plan clinique, l'adoption d'un système d'intégration
des processus décisionnels en matière de prix et de remboursement, souvent
distincts, soit la solution la plus prometteuse.
No
2.917
14 février 2007
DOSSIER : France 2007 : quels choix économiques ? Points de vue
étrangers
Réformer en France : une mission impossible ?
The Economist
Nombreux sont ceux qui considèrent que la France est aujourd'hui entrée dans une
phase de déclin et qui se montrent plutôt pessimistes sur son avenir. A bien des
égards, cette situation rappelle celle du Royaume-Uni il y a 25 ans. Certes, sur
le plan économique, la conjoncture française n'est pas aussi morose que celle
qui prévalait Outre-Manche à la fin des années 1970, mais certains signes
inquiétants existent, comme notamment l'affaiblissement relatif de l'économie
française. Par ailleurs, la taille du secteur public, ainsi que le
fonctionnement du marché du travail français, caractérisé par une rigidité forte
entre insiders et outsiders, restent pour beaucoup des obstacles
majeurs à l'amélioration des performances économiques. Le fait qu'en France,
l'entreprise continue de souffrir d'une image négative constitue en outre un
handicap considérable. Dans ce contexte global, pour sortir le pays de
l'impasse, il revient au pouvoir politique d'afficher une véritable volonté de
réforme. La bonne santé des entreprises du CAC 40, mais également de nombreuses
entreprises privatisées, montre que c'est possible.
Comment améliorer les perspectives de long terme
FMI Staff Report
L'économie française est en bonne santé : avec un taux de croissance situé entre
2 et 2,5 % en 2006, une demande intérieure qui reste vigoureuse, la performance
française est satisfaisante si on la compare avec le reste de l'Europe. Le même
constat ne vaut cependant pas pour ce qui concerne les perspectives d'avenir. La
stagnation de la création d'emplois, ainsi que l'érosion de la compétitivité
française sont autant de signes précurseurs d'une prochaine dégradation. Selon
le FMI, cette situation s'explique aussi par l'accélération de la croissance
dans d'autres régions du monde. Il suggère ainsi de concentrer les efforts sur
les politiques qui permettent d'exploiter davantage le potentiel français de
croissance. Les experts du FMI conseillent pour cela de continuer à assainir les
finances publiques, à augmenter le taux d'emploi et à réduire les dépenses
publiques.
Renforcer la concurrence pour accroître la croissance
Document de travail de l'OCDE
Jens Høj et Michael Wise
Durant la dernière décennie, la croissance économique française s'est avérée
insuffisante pour résorber un taux de chômage élevé et persistant. Certes, la
France a engagé une réforme de la politique de la concurrence, se rapprochant
ainsi dans ce domaine des pratiques recommandées par l'OCDE. Mais différentes
études et comparaisons internationales montrent toujours qu'un renforcement du
degré de concurrence permettrait d'améliorer significativement la performance
économique. Elle est, semble-t-il, encore insuffisante dans plusieurs secteurs,
notamment les secteurs de services abrités, réduisant la croissance de la
production et freinant la création d'emplois. Les experts de l'OCDE conseillent
notamment de donner aux autorités de réglementation une plus grande compétence
concernant l'accès non discriminatoire des tiers dans les industries de réseau,
d'abolir les réglementations trop contraignantes dans le secteur de la
distribution et de supprimer la protection excessive dont bénéficient certaines
professions comme celle d'avocats ou de notaires.
Le scepticisme français vis-à-vis de l'euro
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Patrick Welter
Après plus de huit ans d'existence de l'eurosystème, la France considère
toujours l'euro avec un certain scepticisme. Pour la Frankfurter Allgemeine
Zeitung, cette attitude est le reflet d'un autre scepticisme, celui que la
France entretient vis-à-vis du libre flottement de la monnaie et de
l'indépendance de la Banque centrale européenne. Cet état d'esprit serait la
conséquence de l'importance trop grande accordée par les Français à la valeur
extérieure de la monnaie. La France devrait au contraire chercher à mieux
internaliser les conditions liées à l'eurosystème, notamment la nécessité de
procéder à des réformes microéconomiques (comme le suggère notamment la
stratégie de Lisbonne), car en France, comme en Italie, l'effet d'aubaine lié à
la convergence des taux d'intérêt européens a trop longtemps freiné la volonté
de réforme.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
AMERIQUE LATINE
Comprendre la croissance volatile en Amérique latine grâce à l'Histoire
Economie appliquée
Pierre Salama
Depuis 40 ans, même si elle n'a pas empêché l'accroissement des inégalités,
notamment en Chine et en Inde ces dernières années, la croissance de l'ensemble
des pays d'Asie est remarquable. Cette dynamique donne l'impression d'une
formidable montée en puissance tandis que l'économie latino-américaine semble
régulièrement lutter contre les crises bancaires, financières et de production.
Les Asiatiques seraient-ils plus économes ou davantage interventionnistes ?
L'auteur semble réfuter ces explications jugées superficielles et leur préfère
une analyse fondée sur l'Histoire pour mieux comprendre le caractère volatil de
la croissance latino-américaine. Il montre ainsi que la thèse de la tendance à
la stagnation, initiée dans les années 1960 par Celso Furtado, célèbre
économiste brésilien, demeure très actuelle et que l'irrégularité de la
croissance en Amérique latine s'explique davantage par le développement d'un
comportement rentier que par l'essor de la finance, celle-ci étant d'ailleurs
indispensable à la croissance des économies de ces deux régions du monde.
GESTION
La métamorphose du contrôle de gestion
Economie et management
Yves Dupuy
Le contrôle de gestion s'est aujourd'hui généralisé dans la plupart des
organisations privées et publiques. Autrefois cantonné à un rôle technique et
comptable et perçu comme un outil de surveillance, le contrôle de gestion a
beaucoup évolué. Il est aujourd'hui plus proche de la fonction de conseil que de
celle de comptable. Ce changement est lourd de conséquences. Le rôle du
contrôleur de gestion n'est ainsi plus de fournir des chiffres ni d'établir des
tableaux de bord stratégiques (TBS), mais d'être animateur d'un processus : il
devient un acteur-médiateur indispensable dont l'action contribue au climat de
confiance et de cohésion de l'organisation.
DEVELOPPEMENT
Les plantes génétiquement modifiées peuvent-elles nourrir le tiers monde ?
Revue Tiers Monde
Valentin Beauval et Marc Dufumier
Au début du XXIe siècle, 852 millions d'individus souffrent encore de la faim et
plus de deux milliards sont victimes de malnutrition. La plupart d'entre eux
appartiennent à des familles paysannes pauvres du tiers monde. La " révolution
verte ", qui, dans les années 1970 et 1980, a été à l'origine d'un très fort
accroissement de la production vivrière dans de nombreux pays du Sud mais qui a
également conduit à de graves déséquilibres écologiques, avait été conçue pour
résoudre ce problème d'alimentation des pauvres du tiers monde. Les grandes
firmes multinationales productrices de plantes génétiquement modifiées
présentent aujourd'hui celles-ci comme une nouvelle solution miracle. Les
auteurs montrent tout d'abord que le précédent de la " révolution verte "
devrait être médité. Ils insistent ensuite sur la difficulté de maîtriser les
risques environnementaux induits par le recours aux plantes transgéniques. Ils
rappellent enfin que leur coût les rend difficilement accessibles pour les
paysans non solvables du tiers monde.
No
2.918
28 février 2007
No spécial : L'entreprise : défis et enjeux
INTRODUCTION
L'entreprise et la société unies par un contrat social implicite
The Economist
Ian Davis
Le débat sur le rôle de l'entreprise dans la société voit aujourd'hui
s'affronter deux logiques : d'un côté, on trouve ceux pour qui l'objectif de
l'entreprise est de créer de la valeur pour l'actionnaire en s'inspirant du
fameux principe de Milton Friedman " business of business is business "
et de l'autre, les partisans de la responsabilité sociale de l'entreprise (RSE),
rejoints depuis la fin des années 1990 par les mouvements altermondialistes, qui
soutiennent que l'entreprise doit à la fois poursuivre des objectifs sociaux et
environnementaux et engranger des bénéfices. Une nouvelle approche,
d'inspiration rousseauiste, dépassant les limites des deux modes de pensée
précédents commence peu à peu à faire son chemin. Considérant que la relation
qui unit l'entreprise et la société repose sur un contrat social implicite -
assorti comme tout contrat de droits et de devoirs -, les tenants de cette
troisième voie estiment que le but ultime de l'entreprise devrait être la
fourniture de biens et de services utiles à la société. Ils invitent,
dorénavant, les dirigeants des grands groupes à intégrer ce nouvel état d'esprit
des affaires qui pourrait à terme se révéler également plus profitable pour
l'actionnaire.
L'ENTREPRISE ET L'ENTREPRENEUR
L'odyssée d'un concept et les multiples figures de l'entrepreneur
La Revue des sciences de gestion
Alain Fayolle et Azzédine Tounes
L'une des difficultés majeures de l'étude du rôle de l'entrepreneur consiste à
définir ce concept. Si certains affirment qu'il n'existe aucune véritable
théorie de l'entrepreneur, pour d'autres le concept se confond avec celui de
l'entreprise. Mais le plus souvent, on distingue deux approches de
l'entrepreneur : l'une est descriptive, l'autre comportementale. Les auteurs
reviennent sur ce débat et relient cette perspective historique à une vision
dynamique. Ils tissent ainsi un lien entre la dimension conceptuelle et les
événements contextuels qui ont vu l'émergence ou le retour des entrepreneurs.
Cependant, il convient de ne pas oublier que ces derniers agissent souvent sans
tenir compte de la théorie économique, car au-delà du risque, l'activité
entrepreneuriale bouscule souvent l'ordre établi.
La gouvernance des grandes entreprises françaises n'est plus ce qu'elle
était...
Economies et Sociétés
Roland Pérez
Le temps où l'on associait le nom du PDG d'une grande firme française au
prestige d'une grande école ou d'un grand corps de la fonction publique semble
révolu. Ce modèle traditionnel français de la gouvernance d'entreprise a cédé la
place à la financiarisation des stratégies de la firme qui a impliqué un certain
affaiblissement du pouvoir des dirigeants vis-à-vis des actionnaires et a
provoqué de nombreuses fusions/acquisitions - l'OPA récente de Mittal sur
Arcelor et la fusion Renault-Nissan ainsi que leur projet de rapprochement avec
General Motors en sont des illustrations.
Le manager intermédiaire, intrapreneur : les paradoxes d'une nouvelle
identité managériale
Cadres
Christian Mahieu
Les entreprises sont aujourd'hui en quête de capacités managériales qui leur
permettent d'atteindre l'agilité stratégique imposée par l'évolution rapide des
marchés. Parmi l'encadrement intermédiaire, certains managers sont ainsi
appelés, à leur tour, à jouer de nouveaux rôles au sein du processus
stratégique. Les entreprises misent avant tout sur l'autonomie et "
l'intrapreneuriat ". Elles attendent de ces managers intermédiaires qu'ils
développent des capacités d'action et de raisonnement qui devraient logiquement
à terme les amener à sortir de l'organisation pour créer une entreprise ou à
négocier leur niveau d'engagement comme pourrait le faire un associé. Dans le
même temps, les entreprises comptent sur leur loyauté. Face à ce paradoxe, les
managers intermédiaires éprouvent une certaine difficulté à construire leur
nouvelle posture managériale et s'interrogent sur le sens et la durabilité de la
nouvelle responsabilité qu'on leur demande dorénavant d'assumer.
Le financement des " gazelles " en France
Horizons bancaires
Jean-Paul Betbèze
L'accès au financement des PME est au cœur du système économique et est un
paramètre essentiel pour expliquer la croissance. Bien que les conditions
d'accès au financement n'aient jamais été aussi favorables en France, la
situation n'est pas satisfaisante, notamment pour une partie des PME, les
entreprises qui " vont vite " : les " gazelles ". Elles ont pourtant un impact
majeur sur l'emploi : entre 1993 et 2003, elles ont été à l'origine de plus de
la moitié des créations d'emplois. Cependant, elles restent trop peu nombreuses
en France, car elles souffrent d'un cadre inadapté à leur trajectoire de
croissance.
MANAGEMENT ET STRATEGIE
Le business model, un outil d'analyse stratégique
L'Expansion Management Review
Xavier Lecocq, Benoît Demil et Vanessa Warnier
Alors que les journalistes, les dirigeants d'entreprises ou les consultants
utilisent de plus en plus souvent l'expression " business model " pour
décrire des activités qui ne se limitent pas à la sphère de l'e-business,
le monde académique semble, lui, particulièrement réticent à employer ce concept
qui a fait son apparition à la fin des années 1990 au moment de l'émergence de
la bulle Internet. Il est vrai que l'absence de définition précise ne favorise
pas sa légitimation par les chercheurs. Pour les auteurs, le business model
répond pourtant à une question fondamentale : comment l'entreprise gagne-t-elle
de l'argent ? La création de valeur dépend directement de l'offre de
l'entreprise, des ressources qu'elle mobilise et de l'organisation mise en place
pour la développer. Le business model qui, selon eux, se situe à
l'articulation de la stratégie et des approches fonctionnelles, est un outil
idéal permettant une lecture transversale parfaitement adaptée au cadre d'action
des managers.
Faire face aux low cost : quelles stratégies adopter ?
Harvard Business Review
Nirmalya Kumar
Les entreprises low cost sont florissantes dans de nombreux secteurs
d'activités et voient leurs parts de marché s'accroître rapidement. S'il
suffisait pour les entreprises traditionnelles d'abaisser leurs prix pour
assurer leur survie, les choses seraient simples... Une guerre des prix est en
effet, comme l'explique l'auteur, souvent absurde car sans merci pour les
entreprises traditionnelles qui sont alors amenées à jouer la carte de la
différenciation.
Procter & Gamble ou la fin du " marketing de masse "
Décisions Marketing
Jean-Marc Lehu
Le marketing est l'une des priorités de l'entreprise Procter & Gamble à tel
point qu'on parle couramment de " modèle proctérien " dans les manuels
spécialisés. Depuis 1837, l'entreprise a développé ses marques en s'appuyant sur
une solide stratégie de communication. Au regard de son chiffre d'affaires -
56,7 milliards de dollars pour l'exercice 2004-2005 -, le marketing lui a bel et
bien rapporté, mais le " retour sur investissement " semble bien difficilement
mesurable. Est-il possible, dans ces conditions, d'établir un lien direct entre
les dépenses en marketing et l'évolution du nombre de produits vendus ? L'auteur
revient sur les difficultés à évaluer la performance du marketing et s'appuie
sur la nouvelle stratégie de Procter & Gamble, fondée sur la relation
privilégiée entreprise-client, pour tenter d'en dégager les principales
caractéristiques et montrer ensuite que le " modèle de communication proctérien
", contraire aux principes du " marketing de masse ", semble particulièrement
bien fonctionner.
La fonction du mécénat d'entreprise
Revue française du marketing
Sylvère Piquet et Jean-Michel Tobelem
L'entreprise souffre, en France, d'une image négative. L'objectif premier de la
firme est en effet souvent réduit à la création de valeur pour les actionnaires.
L'une des manières les plus efficaces pour l'entreprise de réhabiliter son image
auprès des citoyens est de pratiquer le mécénat, fonction qu'il n'est toutefois
pas aisé de définir. L'absence de consensus sur l'efficacité de cette stratégie
tient certainement au manque d'intérêt des spécialistes des sciences de gestion
pour le sujet. Selon l'auteur, il s'agit moins d'un outil promotionnel - donc
occasionnel par définition - que de la manifestation d'une volonté affirmée de
légitimer l'existence sociale et morale de l'entreprise face à son
environnement. Le mécénat permettrait en outre, au sein de l'entreprise, de
développer le sentiment d'appartenance à une collectivité et de réduire ainsi le
turn-over. L'auteur revient également sur les limites de cette stratégie.
Sa mise en œuvre implique en effet de repenser les domaines d'activité de la
firme et remet bien des idées en cause, notamment celle qui affirme qu'une
entreprise doit être amorale, c'est-à-dire ni morale ni immorale et qui
sous-entend que la responsabilité sociale est l'affaire du gouvernement.
No
2.919
14 mars 2007
DOSSIER : L'Inde entre mondialisation et question sociale
L'Inde, miroir du monde émergent
Ramses 2005
Jean-Luc Racine
Depuis la libéralisation des années 1990, l'Inde ne cesse de monter en
puissance. Son insertion dans la mondialisation s'est encore accélérée, depuis
le début de la décennie, avec les ambitions internationales désormais affichées
par les groupes indiens les plus dynamiques. Mais le retour de l'Inde sur la
scène économique internationale se fait au prix d'importants déséquilibres. "
L'Inde nouvelle " est en effet aussi marquée par un accroissement des inégalités
sociales et régionales. Le défi majeur auquel sont aujourd'hui confrontés les
dirigeants indiens est immense car à la mesure de ce pays- continent. Ils
doivent tout à la fois trouver les moyens de mettre en œuvre des politiques
susceptibles de soutenir durablement la croissance, de renforcer la position de
l'Inde dans l'économie mondiale et de rééquilibrer son développement interne.
L'Inde fait ainsi à cet égard un peu figure de modèle, tant elle semble le
reflet de ce que connaissent aujourd'hui de nombreux pays émergents.
Inde : une économie en transition
Conjoncture
Delphine Cavalier
Depuis deux ans, le rythme de croissance du produit intérieur brut (PIB) de
l'Inde se maintient à un niveau proche de 8 % par an. Ce cycle d'expansion est
le plus fort mais aussi le plus long que l'économie indienne ait connu. Reste à
savoir si ce taux de croissance est soutenable à long terme... L'Inde
profite-t-elle seulement d'un simple effet de cycle et du dynamisme du secteur
des services ou a-t-elle accompli de réels progrès structurels qui profiteraient
actuellement à l'ensemble de l'économie ?
L'Inde peut-elle rapidement rattraper la Chine ?
The Economist
A la suite des excellentes performances économiques réalisées récemment par
l'Inde, l'optimisme règne en maître dans tout le pays. Nombreux sont les Indiens
qui voient déjà leur pays dépasser la Chine. Une étude comparative menée par
deux chercheurs de la Brookings Institution (Washington) ne conclut pourtant pas
au même scénario. Il semble notamment que la faiblesse de la productivité dans
le secteur industriel constitue un obstacle majeur qui empêchera pour longtemps
encore l'Inde d'atteindre des résultats économiques équivalents à ceux de sa
grande rivale chinoise.
L'avenir de l'économie indienne
Futuribles
Jean-Joseph Boillot
L'Inde peut-elle devenir l'une des grandes puissances économiques du XXIe siècle
? S'appuyant sur la méthode des scénarios prospectifs, l'auteur présente les
évolutions possibles de ce pays au cours des prochaines décennies. Il souligne
que les nombreuses incertitudes auxquelles l'Inde sera confrontée, tant sur le
plan démographique que sur le plan économique, rendent difficile tout pronostic.
À partir de différentes études réalisées récemment par Goldman Sachs, Dani
Rodrik et Arvind Subramanian et par un groupe de recherche constitué des
meilleurs économistes indiens associé à l'équipe du Forum de Davos, l'auteur
analyse les nombreux paramètres qui pourraient à l'avenir influencer la
croissance économique du sous-continent.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
INTEGRATION REGIONALE
Dynamisme du commerce intrarégional en Amérique latine
Accomex
Daniel Solano
La valeur des importations a atteint, en 2005, son maximum historique en
Amérique latine : 77 milliards de dollars. Il semble ainsi que le commerce
intra-ALADI (Association latino-américaine d'intégration) confirme le dynamisme
économique de la région pourtant affaiblie par les récentes crises économiques
et financières qu'elle a subies. Ces bons résultats sont essentiellement dus à
l'élargissement et à la multiplication des zones d'échange (14 accords en
vigueur en 2005) ainsi qu'aux bonnes performances économiques du Mercosur. L' "
approfondissement " de l'intégration latino-américaine reste malgré tout
largement entravé par le refus de cession de souveraineté exprimé par de
nombreux Etats, notamment le Brésil.
FINANCE
Vers une convergence Nord/Sud des marchés financiers ?
Revue de la stabilité financière
Ivan Odonnat et Imène Rahmouni
Les années 2000 sont marquées par l'amélioration des performances
macroéconomiques de la plupart des pays émergents et de la structure de leur
dette publique. On note en parallèle, au Sud, un élargissement de la gamme des
marchés financiers et une diversification des investisseurs. Les économistes
observent désormais un phénomène de convergence financière nette entre les
économies émergentes et les pays industrialisés. Il reste toutefois
d'importantes divergences au sein même des pays du Sud, comme l'illustre
notamment la forte dispersion des principaux indicateurs de référence en termes
de finances publiques, de réserves de change, de montant des créances douteuses
et de qualité de la gouvernance. Le phénomène de rattrapage entre pays du Nord
et du Sud, évoqué par les économistes, ne semble pas encore, dans ces
conditions, tout à fait pertinent.
ENTREPRISES
Orientation entrepreneuriale et grande entreprise : le cas EDF
La Revue des Sciences de Gestion
Alain Fayolle et Thomas Legrain
L'" orientation entrepreneuriale " d'une firme, c'est-à-dire les processus
organisationnels, les méthodes et les styles de management mis en œuvre par une
entreprise, est analysée par les auteurs à partir du cas d'EDF. Cette entreprise
est en la matière particulièrement intéressante, car elle est confrontée aux
nécessités et à l'urgence d'un changement imposé par son histoire et par
l'évolution rapide de son environnement. Les deux premières parties sont
consacrées aux différentes dimensions du concept d' " orientation
entrepreneuriale ", comme la propension à innover, la prise de risque ou
l'agressivité compétitive, ainsi qu'à la description d'EDF et de son évolution
récente. Enfin, dans une dernière partie, les auteurs montrent la conformité
entre les choix stratégiques opérés par EDF et le modèle théorique de
l'orientation entrepreneuriale.
No
2.920
28 mars 2007
DOSSIER : La pauvreté dans les pays riches
Les Etats-Unis : la pauvreté dans le pays le plus riche
The Journal of Economic Perspectives
Timothy Smeeding
Les Etats-Unis sont un des pays les plus riches sinon le plus riche de la
planète. Le produit intérieur brut par habitant, fruit de la croissance, a
constamment et fortement augmenté au cours des cinquante dernières années. Le
formidable dynamisme de l'économie a toutefois laissé en marge certaines
populations dont le niveau de vie a stagné, voire reculé, parfois même plus
fortement que dans d'autres pays industrialisés. L'auteur présente les
principales caractéristiques de la pauvreté aux Etats-Unis et en retrace
l'évolution sur les deux dernières décennies, en comparant la situation
américaine avec celle de onze autres pays développés. L'étude comparative permet
non seulement de montrer que les Etats-Unis arrivent, quel que soit le critère
de mesure de la pauvreté, en tête du classement, ou dans le trio de tête, mais
aussi que les programmes de lutte contre la pauvreté figurent parmi les moins
importants des pays développés.
L'expérience britannique de lutte contre la pauvreté des enfants
Chronique internationale de l'IRES
Odile Join-Lambert
Le Royaume-Uni affichait, dans les années 1990, le taux de pauvreté infantile le
plus élevé d'Europe : un enfant sur quatre vivait dans une famille pauvre. De
1,4 million en 1979, le nombre d'enfants pauvres est passé à 4,4 en 1998.
Renverser la tendance était pour Tony Blair, l'objectif principal de son premier
mandat. L'auteur revient sur le caractère multidimensionnel de la pauvreté des
enfants et notamment sur les menaces qu'elle fait peser sur leur avenir. Elle
rappelle également que les inégalités croissantes des revenus primaires et la
marginalisation des jeunes mères au Royaume-Uni ont provoqué l'aggravation de la
" pauvreté persistante " infantile. Mais elle souligne toutefois les progrès
indéniables de la politique anglaise menée depuis une dizaine d'années puisque
le pays est parvenu à réduire de 25 % le nombre des enfants pauvres.
Onze millions de travailleurs pauvres en Europe
Connaissance de l'emploi
Marie-Cécile Cazenave
Les travailleurs pauvres qui ont fait ces dernières années l'objet de nombreuses
études ne constituent pas, dans les pays industrialisés et en Europe, un
phénomène nouveau. Déjà dans les années 1970, en France, 40 % des personnes
pauvres appartenaient à un ménage d'actifs. Avec l'entrée des femmes sur le
marché du travail et l'augmentation régulière du salaire minimum, on s'attendait
pourtant à ce que la " pauvreté laborieuse " diminue peu à peu. Mais le nombre
de travailleurs pauvres a constamment augmenté imposant l'idée que l'emploi ne
constitue pas un rempart absolu à la pauvreté. La réduction de la pauvreté
laborieuse dépend de nombreux facteurs comme les caractéristiques de l'emploi
(de la durée et du taux de rémunération horaire), de la taille du ménage, mais
surtout de l'importance des transferts sociaux.
Réduire le nombre de pauvres en France : un plan en trois mesures
L'Économie politique
Denis Clerc
La France compte 7 millions de pauvres. Bien souvent ceux-ci sont assimilés aux
sans domicile fixe des grandes villes. Mais la pauvreté concerne en réalité tout
autant les travailleurs, les chômeurs, les étudiants et les inactifs. Quelles
politiques adopter dans un pays comme la France ? Les politiques d'aide aux plus
pauvres sont indispensables pour tenter de leur redonner une certaine dignité et
encourager leur insertion dans la société. Mais elles ne résolvent pas tout. Il
est également important, selon l'auteur, de financer davantage d'emplois aidés
pour favoriser l'accès à l'emploi stable. En revanche, compléter les bas revenus
d'activité, notamment en augmentant le SMIC, est une " fausse bonne idée ", le
taux de rémunération horaire ne constituant qu'une partie du problème.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ASSURANCE
La problématique d'assurance pour les professions à risque
Risques
Olivier Muraire et Stéphane Penet
En principe, les sociétés d'assurance couvrent, en matière d'assurance et de
risques, les besoins de la société : même les plus grandes catastrophes
naturelles peuvent faire l'objet d'une d'indemnisation - au moins dans les pays
les plus avancés. Grâce aux techniques de l'antisélection, ainsi qu'à la
mutualisation des risques et des pertes, les assureurs et réassureurs
parviennent en effet à éviter que l'ampleur de ces risques ne les mette en
péril. Néanmoins, certains risques et certaines professions ne trouvent que très
difficilement de garantie pour couvrir leur activité à un coût acceptable.
Aujourd'hui, les limites de l'assurabilité sont par exemple atteintes - certes
pour des raisons très diverses - pour certaines professions médicales, pour les
gendarmes ou les journalistes envoyés en missions dangereuses. Dans ces cas, une
action conjointe du législateur, des représentants des professions concernées et
des assureurs est nécessaire afin de trouver des solutions adaptées à chacun
d'entre eux.
FORMATION
Le financement des études supérieures transfrontalières
Revue d'économie politique
Marcel Gérard
En Europe, effectuer un parcours d'études transfrontalier devient de plus en
plus populaire. C'est la conséquence du processus de Bologne qui vise, d'ici
2010, à créer un Espace européen de l'enseignement supérieur. A l'avenir, il
sera fréquent d'effectuer une partie de sa formation dans son pays d'origine et
une autre à l'étranger. Ce choix pose la question du financement efficace des
études. Pour l'instant, la charge financière relève du pays hôte des étudiants.
Les auteurs suggèrent de la transférer aux pays de résidence, c'est-à-dire au
pays d'origine de l'étudiant. Pour cela, ils proposent que chaque État délivre à
ses étudiants des chèques-études utilisables également à l'étranger, dans des
établissements d'enseignement supérieurs agréés. Un tel mécanisme accroîtrait
l'efficacité en internalisant les externalités et les phénomènes de passager
clandestin.
ENTREPRISES
Les secrets du redécollage d'Air France
Le Journal de l'Ecole de Paris du management
Pierre-Henri Gourgeon
Au début des années 1990, le secteur du transport aérien européen connaît, à
l'exception de British Airways, de sérieuses difficultés. Les compagnies sont en
effet victimes du ralentissement économique qui a commencé aux Etats-Unis, puis
a gagné l'Europe. Cette crise survient, en outre, au moment où se produit la
libéralisation du secteur. En 1993, alors que certaines compagnies voient leurs
résultats se redresser, Air France s'enfonce dans la crise. Pourtant en une
décennie, la compagnie française va se transformer, à tel point qu'elle est
devenue, depuis le milieu des années 2000, le leader en Europe et le premier
groupe mondial du secteur en chiffre d'affaires. L'auteur explique comment les
dirigeants de l'entreprise ont orchestré la sortie de crise et réussi à
développer un groupe en construisant un puissant outil commercial grâce au hub
de l'aéroport de Roissy.
No
2.921
11 avril 2007
DOSSIER : Allemagne, le retour en force
Une reprise durable
Perspectives économiques de l'OCDE
OCDE
En Allemagne, les principaux indicateurs économiques affichent désormais de très
bons résultats. Pendant plusieurs années, la croissance allemande a
essentiellement été tirée par l'excédent du commerce extérieur. Depuis 2006,
celle-ci est aussi dynamisée par la bonne tenue de l'investissement et le réveil
de la demande intérieure. Le pays s'est ainsi engagé dans une reprise durable
qui devrait dépasser son rythme potentiel, même si la croissance tombe
momentanément au-dessous de 2 % en 2007 à la suite de l'augmentation de la TVA.
A l'avenir, le net recul du chômage et la hausse des revenus réels stimuleront
davantage la croissance. Afin d'inscrire cette reprise dans la durée,
l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) conseille
de poursuivre l'assainissement budgétaire et de renforcer le degré de
concurrence dans certains secteurs, comme celui des professions libérales et des
industries de réseau.
Compétitivité : comment font les Allemands ?
Futuribles
François Michaux
Les performances allemandes en termes d'exportations et de compétitivité sont
remarquables. Jusque-là, l'économie allemande s'était appuyée sur une bonne
spécialisation et sur la qualité de ses produits. Elle exploite depuis peu un
troisième moteur de compétitivité : la réduction des coûts de production.
Au-delà de la délocalisation dans les pays de l'Est européen, les progrès
récents réalisés en termes de compétitivité-coût tiennent essentiellement à deux
facteurs. Le premier est lié à l'allongement du temps de travail, à la
quasi-stabilité des salaires et à la remise en cause d'un certain nombre de
droits acquis, obtenus par des négociations intervenant à tous les niveaux
hiérarchiques de manière consensuelle. Le deuxième facteur responsable de la
baisse des coûts de production est l'allégement de la fiscalité d'entreprise,
ainsi que l'augmentation sensible de la TVA, dont une partie est affectée aux
systèmes de protection sociale afin de permettre une réduction des cotisations
chômage. La fiscalité devient ainsi un moyen de régulation des effets de la
mondialisation.
Investissements, spécialisation et commerce extérieur : une symbiose réussie
Regards sur l'économie allemande
Rémi Lallement
L'Allemagne est - au même titre que le Japon et contrairement à la France et aux
Etats-Unis - un important investisseur net à l'étranger. Ces investissements
sont réalisés par une multitude d'entreprises indépendantes de taille moyenne
qui conservent outre-Rhin le cœur de leur activité et investissent à l'étranger
afin de satisfaire une demande supplémentaire. Il existe ainsi un lien étroit
entre investissement direct et gonflement de l'excédent commercial : les revenus
provenant des exportations sont partiellement réinvestis sur les marchés
extérieurs tout en préservant l'emploi domestique et l'activité des secteurs
exportateurs. Ceci explique pourquoi la part totale de la valeur ajoutée induite
par les exportations a augmenté de plus de 10 % sur 15 ans. L'insertion réussie
des entreprises allemandes dans la division internationale du travail contribue
ainsi fortement à stabiliser le modèle rhénan dont les grands principes
demeurent inchangés : une large place accordée au principe de subsidiarité, une
longue pratique des partenariats public-privé et une tradition d'autorégulation
d'une multitude d'acteurs organisés en réseaux.
Un salaire minimum dans le pays des hauts salaires ?
Chronique internationale de l'IRES
Adelheid Hege
Il y a quelques années encore, la question de l'instauration en Allemagne d'un
salaire minimum aurait paru incongrue, car le système des conventions
collectives semblait le meilleur rempart contre les bas salaires et l'inégalité
salariale. La primauté de l'autonomie conventionnelle, inscrite dans la
Constitution, laisse aux organisations professionnelles représentatives le soin
de construire et de légitimer les hiérarchies salariales. Depuis peu, la
question du salaire minimum fait néanmoins débat, car face au développement des
secteurs pratiquant une politique des bas salaires et aux pressions exercées sur
les standards sociaux allemands, le système de négociation collective semble de
moins en moins en mesure de fixer des standards minima. L'extension du champ
d'application de la loi sur le détachement des travailleurs dans l'Union
européenne et l'introduction d'un salaire minimum qui sont en discussion
apparaissent comme des solutions. Les chances d'introduction de ce dernier sont
néanmoins faibles, car cette mesure ne fait pas l'unanimité au sein du
gouvernement de grande coalition au pouvoir à Berlin et les syndicats sont
divisés sur le sujet.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ORGANISATIONS INTERNATIONALES
FMI : la réforme des quotes-parts
FMI Bulletin
Abbas Mirakhor et Iqbal Zaidi
En 2002, lors du Sommet de Monterrey (Mexique), le Fonds monétaire international
(FMI) s'est donné pour objectif de renforcer la participation des pays en
développement au processus de décision de l'organisation afin de résoudre les
problèmes de gouvernance auxquels elle est confrontée depuis plusieurs années.
Jusque-là, le poids d'un pays dans le système de vote dépendait de sa taille et
du degré d'ouverture de son économie ainsi que de l'offre et de la demande de
ressources du FMI. Avec le temps, ces critères sont de moins en moins pertinents
par rapport à l'évolution de la taille économique réelle de chaque pays membre.
La réforme qui prévoit de réviser en profondeur la formule de calcul des
quotes-parts consisterait ainsi à y inclure la taille de la population mais
aussi à prendre en considération le produit intérieur brut (PIB) fondé sur la
parité de pouvoir d'achat (PPA), afin de pouvoir comparer les PIB entre eux et
de permettre une évaluation plus fidèle des besoins en termes de ressources du
FMI, celles-ci étant corrélées positivement au degré d'ouverture.
DEFENSE
Effort de défense et perception de la menace : comparaison internationale
Ecodef
Sylvain Daffix, Yves Jacquin et Mahmoud Jlassi
La sécurité d'une nation fait partie des fonctions régaliennes et constitue
l'une des priorités de l'Etat. La croissance économique peut lui permettre de
consacrer une part importante de son produit intérieur brut (PIB) aux activités
de défense. De nombreuses études ont, en outre, mis en évidence une corrélation
positive entre croissance économique et croissance des dépenses en matière de
défense, quelle que soit la réalité des menaces. Les attentats terroristes du 11
septembre 2001 aux Etats-Unis semblent avoir changé la donne : quatre pays sur
les six étudiés par l'auteur ont, en dépit du ralentissement de la croissance
économique, augmenté leur budget de défense entre 2001 et 2005. La dynamique des
dépenses a même dépassé celle du PIB en France, en Espagne et aux Etats-Unis.
ECONOMIE ET CLIMAT
Changement climatique : que fera l'Europe après 2012 ?
Responsabilité et environnement
Patrick Nollet
Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique et en accord avec
les principes d'application du protocole de Kyoto, l'Union européenne a mis en
place un système européen de quotas d'émissions négociables (SEQEN). Le marché
du SEQEN a été inauguré le 1er janvier 2005. Deux ans après son lancement, ce
dernier ne semble pas répondre de façon satisfaisante aux objectifs que s'était
fixés la Commission de Bruxelles. Selon l'auteur, il est nécessaire et urgent
d'adapter le SEQEN pour accroître son efficacité économique et environnementale.
Il propose des pistes pour améliorer le dispositif sans en dénaturer l'esprit,
tout en soulignant qu'il est indispensable de dépasser le cadre d'une simple
révision. Il s'agit en effet, selon lui, de définir clairement les contours de
la politique européenne de lutte contre l'effet de serre que l'UE ambitionne de
mettre en œuvre après 2012.
No
2.922
25 avril 2007
DOSSIER : Emploi et chomage en France : De Nouvelles solutions
No 2.923
9 mai 2007
DOSSIER : Un Autre regard sur l’économie américaine
No
2.924
23 mai 2007
DOSSIER : A quoi servent les hedge-funds ?
La poussée de fièvre des hedge-funds
Le Nouvel Economiste
Patrick Arnoux et Jacques Secondi
Les hedge-funds sont devenus un acteur incontournable du système
financier international. Aujourd'hui, on compte plus de 9 000 fonds alternatifs
ou spéculatifs, gérant entre 1 000 et 1 500 milliards de dollars. Les effets de
leur activité se ressentent d'abord au niveau microéconomique : à l'aide d'achat
d'actions détenues souvent sur une courte durée, ils jouent un rôle déterminant
dans les fusions, les démantèlements ou les faillites d'entreprises. Si le
résultat est de mettre le management sous pression, leur " hyperactivité "
suscite aussi des craintes, notamment celle d'une décorrélation entre le temps
des financiers et celui des industriels. Au niveau macroéconomique, leur rôle
est également ambigu : d'un côté, ils apportent des liquidités utiles au
bon fonctionnement du système financier international, de l'autre, ils
pourraient représenter, dans l'hypothèse de l'effondrement d'un ou de plusieurs
d'entre eux, un risque systémique important.
Fonds spéculatifs et marché de l'énergie : deux domaines à surveiller
FMI Bulletin
Entretien avec William Lee et Todd Groome
En diversifiant leurs cibles d'investissement, les hedge-funds touchent
également aux produits de base comme le pétrole. Cependant, il ne semble pas que
cet engouement pour le marché de l'énergie permette d'expliquer l'augmentation
récente des prix dans le secteur. Cette hausse est plutôt due à de réelles
contraintes de production. Les experts du FMI conseillent néanmoins une
surveillance étroite des hedge-funds. Cette vigilance est rendue
nécessaire, d'une part, par l'évolution structurelle actuelle des marchés de
l'énergie (certaines des banques d'investissement ont acheté des sociétés qui
produisent de l'énergie), de l'autre, par les leçons tirées de la crise du fonds
LTCM (Long Term Capital Management) en 1998, au cours de laquelle la discipline
de marché n'avait pas permis de limiter la prise de risque par les fonds
spéculatifs. Les experts insistent également sur le fait que le secteur des
hedge-funds, qui n'est pratiquement pas réglementé, demeure toujours très
mal connu.
Banques et hedge funds : une relation dangereuse ?
L'AGEFI Hebdo
Florent Berthat et Alexandre Garabedian
L'évolution, ces dernières années, des relations entre banques et hedge-funds
laisse à penser que les établissements bancaires sont devenus plus accommodants
concernant les termes et les conditions des prêts accordés aux fonds
spéculatifs. Ce phénomène s'explique notamment par le fait que l'activité des
fonds représente aujourd'hui une part importante des revenus de l'industrie
bancaire. Ce comportement inquiète les autorités de contrôle, comme la Banque
des règlements internationaux (BRI), car la surveillance et la réglementation
des hedge-funds ne fonctionnent qu'indirectement, à travers celles des
banques. Les liens de plus en plus étroits tissés entre les banques et les
hedge-funds risquent de conduire à des conflits d'intérêts, les premières
devenant à la fois juge et partie. Conscientes du danger, les établissements
bancaires ont développé des techniques permettant de réviser quasiment en temps
réel le montant des capitaux qu'ils exigent en garantie des financements qu'ils
apportent.
Ne touchez pas aux hedge-funds !
Foreign Affairs
Sebastian Mallaby
Et si les craintes liées aux hedge-funds étaient largement exagérées ?
Telle est la position défendue par l'auteur qui rappelle d'abord que ces fonds
sont soumis aux mêmes règles que tous les autres investisseurs. La principale
vertu des hedge-funds serait de réguler les risques. L'activité de ces
fonds consiste en effet à exploiter, et donc à corriger, soit les inefficiences
du marché, soit les défauts de gouvernance des entreprises. Ils apportent par
ailleurs aux marchés de la liquidité en prenant les risques que personne d'autre
ne souhaite encourir. Les hegde-funds seraient ainsi le parfait
corollaire du système financier moderne (où règne un certain degré d'incertitude
et d'instabilité) établi depuis l'effondrement du système de Bretton Woods (qui
reposait sur la certitude et la stabilité).
Hedge-funds : le point de vue du régulateur
Revue mensuelle de l'autorité des marchés financiers
Michel Prada
Du point de vue du régulateur, les hedge-funds présentent cinq risques
principaux : le risque systémique, le risque d'abus de marché (c'est-à-dire les
éventuelles manipulations de cours et les délits d'initiés), le risque pour la
gouvernance des sociétés cotées, le risque opérationnel de mauvaise valorisation
des actifs et, enfin, le misselling (c'est-à-dire la distribution
inadaptée de produits alternatifs à une clientèle insuffisamment avertie). Si
aucun de ces risques ne paraît aujourd'hui complètement incontrôlé et que
certains, comme le risque systémique, sont même en baisse grâce à la meilleure
coordination des instances de surveillance au niveau international,
l'amélioration de la réglementation - afin de renforcer la transparence - reste
toujours d'une grande d'utilité. Cependant, pour être efficace, cet encadrement
doit reposer sur des standards appropriés, acceptés et respectés par tous les
acteurs concernés.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
DELOCALISATIONS
S'implanter en France ou à l'étranger : le choix des firmes françaises
La Lettre du CEPII
Thierry Mayer, Isabelle Méjean et Benjamin Nefussi
Depuis le début des années 1990, la part des implantations étrangères dans les
créations de filiales par les firmes manufacturières françaises a augmenté. La
mondialisation favorise ce phénomène, les entreprises cherchant à se rapprocher
des marchés dynamiques et à profiter de coûts de production avantageux. Aussi,
les délocalisations sont-elles une source grandissante de préoccupations pour
les citoyens des pays développés qui y voient une menace pour l'emploi. Un
modèle explicatif des choix de localisation fait cependant apparaître que la
probabilité pour une firme moyenne française de créer une filiale sur le
territoire national reste dix fois plus élevée que de le faire à l'étranger dans
un pays comparable en termes de marché, de coûts de production et de
transaction. La densité des relations financières et commerciales dont dispose
une entreprise dans son propre pays explique en grande partie ce choix. Il
semble qu'à l'avenir la multiplication du nombre de filiales à l'étranger - qui
aboutit progressivement à la construction de ce type de réseaux dans le pays
d'implantation - conduise à une augmentation des décisions de localisation des
filiales en faveur de l'étranger.
AGRICULTURE ET INDUSTRIE AGROALIMENTAIRE
Alimentation et malnutrition dans le monde
Economie et Humanisme
Laurence Roudart
En ce début de XXIe siècle, si la grande majorité des habitants des pays
développés et de quelques pays en développement (PED) est abondamment nourrie -
voire même suralimentée si on en juge par le pourcentage très élevé d'individus
en surpoids ou obèses vivant dans les pays riches -, le nombre de personnes
sous-alimentées dans le monde est encore, selon la FAO, d'environ 855 millions.
Ce nombre n'a que faiblement baissé depuis 1970. L'incertitude qui entoure les
estimations laisse même penser qu'il pourrait avoir augmenté. La malnutrition
d'un individu au cours de l'enfance a, en général, des répercussions tout au
long de sa vie et un impact global négatif sur le plan économique. Les
politiques publiques et les actions privées mises en œuvre dans la lutte contre
la faim ont sans aucun doute contribué à la baisse de la proportion de personnes
sous-alimentées au cours des dernières décennies, mais elles n'ont pas permis
d'enrayer complètement le fléau. Or, si le droit à l'alimentation pour tous
n'est toujours pas garanti, atteindre cet objectif n'a rien d'irréaliste tant du
point de vue écologique que technique.
STATISTIQUES
Le rôle des statistiques dans l'étude des discriminations
Idées
Patrick Simon
Les statistiques sur lesquelles reposent, en France, les politiques de lutte
contre les discriminations servent avant tout à identifier ces dernières. Mais
ces " statistiques ethniques " impliquent la catégorisation des individus
suivant le critère unique de la nationalité. Elles consistent donc à discriminer
les individus alors que l'objectif même des politiques de lutte contre les
discriminations est de les supprimer. C'est pourquoi, pour pallier cette
apparente contradiction, certaines statistiques ont, depuis peu, été enrichies
par d'autres critères comme les relations avec les institutions ou les rapports
sociaux. Ces critères compliquent cependant la tâche du statisticien qui se
heurte alors à un domaine relevant davantage de la subjectivité.
ECONOMIE DU SPORT
La télévision fait le sport
Finance et Bien commun
Jean-François Bourg
La multiplication des chaînes de télévision privées a entraîné une augmentation
considérable des revenus mondiaux du sport. Ils ont, en 2006, atteint environ 60
milliards d'euros. Les marchés du sport télévisé sont également progressivement
devenus imparfaits avec la mise en place d'un monopole de l'offre. Les droits de
retransmission de la Coupe du monde de football, propriétés de la Fédération
internationale (FIFA), sont ainsi passés de 15 millions d'euros en 1978 à plus
d'un milliard en 2006. Aujourd'hui, les relations entre la télévision et le
sport semblent être entrées dans une nouvelle phase avec le retournement du
marché des droits. La contraction des investissements publicitaires, la
stratégie de regroupement des réseaux payants de télévision, le ralentissement
de la croissance du taux d'abonnement des ménages, le plafonnement ou la baisse
des audiences, etc. sont en effet des tendances fortes remettant en cause le
modèle économique qui s'était mis en place au cours des dernières années.
No
2.925
6 juin 2007
DOSSIER : Les économies face aux défis démographiques
La fin du baby-boom
Population et Sociétés
Alain Monnier
Les baby-boomers, nés après la Seconde Guerre mondiale, atteignent
progressivement l'âge de la retraite et cèdent la place aux jeunes générations.
Cette situation va-t-elle contribuer pour autant à créer les conditions d'une
réduction du chômage en France et en Europe ? Pour qu'il en soit ainsi,
plusieurs conditions doivent être réunies. D'une part, l'effectif des
générations atteignant 20-24 ans doit être durablement inférieur à celui des
60-64 ans. Or, en France, nous rappelle cet auteur, ce n'est pas le cas. D'autre
part, il faudrait qu'il y ait adéquation entre les caractéristiques des emplois
laissés vacants par les départs en retraite et celles des demandeurs d'emploi.
Sur ce point, tous les pays ne connaissent pas la même situation et rien n'est
garanti.
Vieillissement, productivité et compétitivité
Regards sur l'économie allemande
Stefanie Wahl
Au cours des 35 dernières années, en Europe, la population âgée de 79 ans et
plus a doublé et s'élève en 2007 à 21 millions. En 2050, un tiers des Européens
aura plus de 59 ans alors que la population en âge de travailler (entre 15 et 64
ans) diminuera de 146 millions. L'auteur met ainsi en évidence la menace que
peut représenter le vieillissement démographique pour l'économie européenne et
notamment pour l'Allemagne, où le phénomène est particulièrement prononcé. En
effet, toutes choses égales par ailleurs et si une réforme des systèmes de
protection sociale n'est pas engagée, les Allemands devront, pour compenser les
effets de la diminution de la population active et de l'augmentation des
dépenses de santé et de protection vieillesse, être en mesure d'accroître leur
productivité alors même qu'ils vieillissent.
La démographie à la rescousse de la protection sociale en France
Lettre de l'OFCE
Mathieu Plane
Les dernières observations concernant l'évolution de la population française ont
modifié de façon importante les hypothèses démographiques formulées par
l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Ce
dernier a ainsi été conduit à revoir, lors de ses nouvelles projections, son
ratio de dépendance économique, c'est-à-dire le rapport entre les inactifs de
plus de 60 ans et les actifs. Moins pessimiste que le précédent, le ratio prévu
pour 2050 est maintenant évalué à 71 % (au lieu de 90 %). L'augmentation de la
population active a, certes, pour effet immédiat de retarder le retour au
plein-emploi. Mais elle va permettre, en contrepartie, sur le plus long terme,
d'accroître la capacité de la nation à financer ses dépenses de protection
sociale.
La démographie a aussi un impact sur la consommation
Rapport du Conseil économique et social
Léon Salto
A partir du cas de la France, l'auteur montre que l'évolution de la structure de
la population a une incidence sur la consommation. Les besoins en termes de
logement augmentent notamment avec la croissance du nombre de ménages et selon
leur taille. De même, l'allongement de la durée de vie implique la création ou
la multiplication de marchés liés aux activités de loisirs comme le bricolage ou
le jardinage. Les évolutions démographiques (accroissement des populations
vivant à la périphérie des grandes villes, vieillissement, etc.) ont également
un impact direct sur les attentes des citoyens à l'égard des réseaux de la
grande distribution : le transport vers les magasins, les livraisons à domicile,
etc.
La jeunesse, un atout pour les PED ?
Finances et Développement
Emmanuel Y. Jimenez et Mamta Murthi
Jamais, dans les pays en développement (PED), les conditions réunies pour le
financement de l'éducation et de la formation des jeunes n'ont été aussi
favorables qu'aujourd'hui. En effet, grâce à la baisse de la fécondité dans
l'ensemble de ces pays, la proportion de la population en âge de travailler est
désormais plus élevée que celle des enfants et des personnes âgées et tend à
augmenter durablement. Elle accroît ainsi le revenu par personne dépendante.
Mais la jeunesse des pays du Sud implique aussi de mettre en œuvre des chantiers
pour réformer l'éducation. Ceux-ci sont considérables et extrêmement coûteux, et
les PED ne sont pas tous prêts à y faire face.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
UNION EUROPEENNE
Europe de la recherche et de l'innovation : où en est-on ?
Futuribles
Pierre Papon
En 2000, au sommet de Lisbonne, l'Union européenne (UE) s'était fixé l'objectif
ambitieux de faire de l'Europe, en 2010, l'économie de la connaissance la plus
compétitive et la plus dynamique du monde. A trois ans de l'échéance, force est
de constater que cet objectif ne sera pas atteint. L'UE est notamment nettement
dépassée dans la compétition internationale à laquelle se livrent les leaders de
l'économie mondiale en matière de recherche et d'innovation, en tête desquels
figurent le Japon et les Etats-Unis. Cette situation s'explique en grande partie
par l'insuffisance des moyens consacrés à la R&D (Recherche et développement) et
le manque d'harmonisation entre les différents instituts nationaux de recherche
au sein de l'espace européen.
SECTEURS
L'avenir des opérateurs de télécommunications
L'Expansion Management Review
Philippe Lecigne
La période de croissance euphorique qu'ont connue les opérateurs des
télécommunications en Europe, marquée par le déploiement rapide de l'Internet et
de la téléphonie mobile, semble toucher à sa fin. Pour les prochaines années,
les perspectives de développement paraissent beaucoup plus modérées. Dans un
secteur où la concurrence est sans cesse plus forte, les prix ont été tirés vers
le bas. Le progrès technologique et les innovations en matière commerciale
obligent aujourd'hui les entreprises à opérer des choix stratégiques et
opérationnels qui seront déterminants pour l'avenir du marché des
télécommunications.
ECONOMIES ETRANGERES
Le Royaume-Uni récolte les fruits de la mondialisation
Bulletin du FMI
Anthony Annett et James Morsink
Au moment où Tony Blair, Premier ministre britannique, s'apprête, après dix ans
passés à la tête du gouvernement, à quitter le pouvoir, le Royaume-Uni affiche
de très bons résultats macroéconomiques. La hausse sensible des salaires, effet
secondaire de l'augmentation du prix du pétrole, et la vigueur de l'emploi - le
taux de chômage se maintient autour de 5 % - ont relancé la demande intérieure
et permis au pays d'enregistrer le plus fort taux de croissance économique du
G-7. En contrepartie, le Royaume-Uni devra faire face à quelques risques,
notamment la surévaluation des prix de l'immobilier et l'endettement des ménages
qui constituent les principales sources actuelles de vulnérabilité pour
l'économie anglaise.
No 2.926
20 juin 2007
DOSSIER : La Chine et le reste du monde
Chine/Etats-Unis : dialogue, ou choc des Titans ?
CA-Eclairages
Hélène Baudchon et Bruno Cavalier
Les relations entre la Chine et les Etats-Unis sont devenues fondamentales pour
une économie mondiale dont le centre de gravité s'est au cours de la dernière
décennie déplacé vers l'Est. Les marchés, les échanges de marchandises, les flux
financiers s'organisent dorénavant autour de l'axe sino-américain. Ce dernier
que d'aucuns qualifient de nouveau Bretton Woods comporte ses fragilités.
L'arrivée au premier plan de la Chine est en effet, compte tenu des dimensions
du pays et des caractéristiques de son mode de croissance, une source
potentielle de déséquilibres pour l'économie mondiale. Cette situation
particulière rend encore plus compliqué des rapports bilatéraux déjà
relativement difficiles.
La Chine et l'OMC : une posture ambitieuse et ambiguë à la fois
Accomex
Corinne Vadcar
Depuis qu'elle a fait son entrée à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en
2001, la Chine a procédé à un vaste travail d'adaptation réglementaire et
législatif pour respecter ses engagements vis-à-vis de l'institution. En dépit
de ces efforts, la Chine fait l'objet de nombreuses critiques de la part de
certains de ses partenaires commerciaux parce qu'elle continue de bafouer les
règles de l'OMC. Son manque d'expérience des négociations multilatérales et des
traditions politiques et culturelles différentes de celles des Occidentaux lui
ont par ailleurs fait adopter jusque-là une posture de négociation plutôt
discrète. La Chine donne également l'impression de privilégier la voie du
bilatéralisme à celle du multilatéralisme mais il s'agit sans doute là d'un
simple phénomène de rattrapage.
Un phénomène récent : les investissements chinois dans le monde
Rapport de la Commission Asie-Pacifique et HEC
CCE et HEC Eurasia Institute
En dépit des réformes conduites, depuis les années 1990, et qui ont abouti à la
création en Chine de nombreuses entreprises privées, l'Etat reste le grand
décideur des stratégies d'entreprises à l'international. Le premier objectif a
été de sécuriser l'approvisionnement en matières premières, énergétiques ou non,
à travers une série d'opérations d'acquisitions. Pour des raisons de puissance
et de prestige national, la Chine est également désireuse de voir figurer ses
plus grandes entreprises dans le mythique classement du magazine américain
Fortune. L'Etat souhaite aussi bâtir des champions nationaux - ce qui pour
certaines entreprises passe par un développement international - pour
contrebalancer les effets de l'ouverture massive aux investissements étrangers
qui a abouti au contrôle par des groupes étrangers de pans entiers de
l'industrie nationale. Enfin, l'Etat a lancé récemment les multinationales
chinoises à l'assaut de certaines firmes occidentales. Ces opérations de fusions
et acquisitions inhabituelles de la part de firmes issues d'un pays émergent
sont celles qui suscitent d'ailleurs le plus l'émoi des Européens et des
Américains.
Acquérir des matières premières à tout prix
Financial Times
Victor Mallet
L'appétit de la Chine pour les matières premières dont regorge le monde en
développement semble désormais sans limite. Les Occidentaux qui s'inquiètent des
moyens mis en œuvre par les Chinois pour parvenir à leurs fins commencent à le
faire savoir. Ils dénoncent la pratique par ces derniers du " surpaiement " pour
l'accès aux ressources naturelles ainsi que le manque de transparence de leur
politique de prêt qui sape les recommandations des organisations internationales
en la matière et risque de provoquer une nouvelle crise de la dette dans les
pays pauvres. Les Etats-Unis et l'Europe sont également particulièrement
préoccupés par le manque de considération accordée par Pékin, dans le cadre de
ses relations économiques avec un certain nombre de pays en développement, à
certaines valeurs et principes traditionnellement défendus par l'Occident comme
le respect des droits de l'homme.
La Chine en Asie : un jeu gagnant-gagnant
La Lettre des économistes de l'AFD
Jean-Raphaël Chaponnière
La stratégie d'ouverture de la Chine s'est traduite par l'installation de
nombreuses firmes asiatiques sur son territoire. Ces entreprises assurent
désormais 59 % des exportations chinoises et 90 % des exportations " high-tech
". Dans le même temps, la composition des échanges intra-asiatiques s'est
modifiée : ils comportent moins de produits finis et davantage de demi-produits.
L'essor du commerce intra-asiatique s'explique en partie par les changements
dans la " division asiatique du travail ". Le Japon, la Corée et Taïwan figurent
parmi les principaux partenaires de la Chine dans la région et leurs économies
ont largement bénéficié de la croissance chinoise. Concernant l'Indonésie, la
Thaïlande et les Philippines, si leurs échanges avec la Chine sont
excédentaires, leurs positions sont plus fragiles car ces pays ne bénéficient
pas d'un niveau scientifique et technologique suffisant pour monter en gamme.
Les pays les plus pauvres et les plus proches géographiquement de l'Empire du
milieu (Vietnam, Laos, Myanmar, Pakistan, Cambodge) tirent en revanche peu de
profit de ce voisinage et leurs déficits avec la Chine sont très importants.
La stratégie chinoise en Afrique
Défense nationale et sécurité collective
Barthélémy Courmont et Irving Lewis
A la fin de l'année 2006, s'est tenu à Pékin l'événement diplomatique le plus
important jamais organisé par le pouvoir chinois : le sommet Chine-Afrique.
Cette rencontre historique, à laquelle ont participé pas moins de 48 Etats
africains a permis à la Chine de renforcer ses liens commerciaux avec un
continent devenu pour elle stratégique. Cette dernière a besoin en effet pour
nourrir sa croissance des ressources énergétiques dont regorge le continent
noir. L'Afrique est aussi un débouché pour les exportations chinoises de
produits manufacturés à bas prix. Les Occidentaux sont particulièrement
préoccupés par cette nouvelle coopération sino-africaine notamment parce que la
Chine cherche clairement à les supplanter sur le continent.
La Chine en Amérique latine
Perspectives chinoises
François Lafargue
Au cours du dernier demi-siècle, la République populaire de Chine (RPC) ne s'est
que très peu intéressée à l'Amérique latine. Depuis cinq ans, cette période
d'indifférence est révolue. Les investissements chinois ne cessent d'augmenter
sur l'ensemble du continent. La présence chinoise chaque jour plus forte
bouleverse les équilibres économique et géostratégique dans cette partie du
monde. Elle suscite également interrogations et inquiétudes. Dans les pays
sud-américains, les échanges avec Pékin, loin de permettre le développement,
confortent plutôt le maintien d'économies rentières. Quant aux Etats-Unis, ils
n'apprécient guère l'influence grandissante de la Chine dans une région
longtemps considérée comme leur pré carré.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ECONOMIE SOUTERRAINE
Les méthodes et les effets du blanchiment d'argent
La Revue du Financier
Jean-Guy Degos et Dolly Matta
Réinvestir l'argent acquis de manière illicite dans des activités légales
correspond aux activités de " blanchiment ". L'expression remonte aux années
1920, lorsque le célèbre gangster américain, Al Capone, désireux de recycler
l'argent de ses activités criminelles pour échapper à la justice, racheta une
chaîne de blanchisserie. Ces fonds (600 milliards de dollars dans le monde)
échappent en grande partie à la comptabilité publique mais participent pourtant
à la vie économique (consommation, investissement, etc.). Les auteurs analysent
les différentes méthodes du blanchiment et leurs effets sur l'économie réelle et
financière.
MONNAIE ET FINANCE
L'euro, monnaie mondiale ?
Finances et Développement
Axel Bertuch-Samuels et Parmeshwar Ramlogan
Depuis son lancement, en 1999, l'euro a réussi à dépasser en importance la livre
sterling et le yen et s'est imposé solidement comme deuxième monnaie du monde.
En tant que monnaie internationale, la devise européenne a le plus progressé
dans les opérations financières internationales, essentiellement comme monnaie
de libellé des emprunts internationaux, et a le moins avancé dans les
transactions commerciales internationales. D'un point de vue géographique,
l'influence de l'euro reste limitée. La monnaie unique est surtout utilisée par
les pays qui ont des liens régionaux et politiques avec la zone euro. Elle est
donc encore loin de rivaliser véritablement avec le dollar. Pour que la devise
européenne devienne une monnaie internationale à part entière, elle devra être
utilisée au-delà de la proximité immédiate de sa zone d'émission. Cela suppose
qu'un certain nombre d'obstacles structurels qui freinent en Europe la
croissance économique et le développement des marchés financiers soient levés.
ENVIRONNEMENT
Les taxes sur l'énergie sont-elles efficaces ?
L'Observateur de l'OCDE
Rory J. Clarke
Les taxes sur l'énergie, prélevées essentiellement sur les produits énergétiques
et sur les véhicules à moteur, représentent environ 2 % du produit intérieur
brut (PIB) de la zone de l'Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE). A ce titre, elles constituent un véritable instrument de
politique environnementale. Mais, selon l'auteur, l'efficacité de leur
utilisation se heurte à certains obstacles. La plupart des Etats craignent, en
particulier, que l'augmentation des taxes ait un effet sur la compétitivité de
la zone (dans la mesure où l'ensemble des pays ne l'applique pas) et qu'elle
affecte la consommation des ménages les plus modestes.
No
2.927
04 juillet 2007
DOSSIER : La santé comme moteur de croissance
Les dépenses de santé explosent. Tant mieux !
Handelsblatt
Olaf Storbeck
D'ici à 2050, les dépenses consacrées aux systèmes de santé dans les pays
industrialisés devraient connaître, selon les calculs récents de deux
économistes américains, une hausse spectaculaire qui rendra à terme leur
financement particulièrement difficile. Cependant, selon ces deux experts de
l'université de Berkeley, on aurait tort de vouloir empêcher cette évolution. La
hausse des dépenses de santé correspond en effet au désir des individus, au fur
et à mesure qu'ils s'enrichissent, de consacrer une part toujours plus grande de
leurs revenus à un bien considéré comme supérieur.
" A votre santé " et à encore plus de croissance !
Deutsche Bank Research
Stefan Bergheim
La santé constitue un bien qui non seulement est fortement valorisé par les
individus, mais peut aussi contribuer à renforcer la croissance économique :
d'abord, les personnes en meilleure santé produisent de façon plus efficace,
ensuite, à mesure que la mortalité décline, la population croît, ce qui dynamise
l'économie et, enfin, une espérance de vie plus longue incite davantage à
investir dans le capital humain. Afin que ces effets positifs des dépenses de
santé sur la croissance puissent pleinement jouer leur rôle, certaines
conditions sociales et politiques doivent être réunies : notamment l'adoption
d'une nouvelle définition de la vieillesse, un développement efficace des
systèmes de santé, ainsi que la mise en œuvre de réformes des systèmes
d'éducation et de retraite.
La maîtrise des dépenses de santé est-elle souhaitable ?
Revue d'économie financière
Philippe Ulmann
Aucune réponse définitive ne peut être donnée à la question du bien-fondé de
l'objectif de maîtrise des dépenses de santé. Sur la possibilité de limiter la
progression de ces dernières, la réponse est plutôt positive à court terme,
mais, compte tenu du progrès technique et du vieillissement de la population,
plutôt négative à long terme. L'incertitude est encore plus importante en ce qui
concerne la légitimité de la maîtrise des dépenses de santé. Cet objectif se
justifie si ces dépenses ne font pas la preuve de leur efficacité (dans ce cas,
il faudrait les réorienter vers des activités plus efficaces comme l'éducation
ou le social). En même temps, on peut justifier la progression du poste santé
dans le produit intérieur brut (PIB) par ses impacts positifs sur le bien-être
de la population ainsi que sur l'emploi et sur l'innovation. La réponse à la
question posée est donc avant tout politique et doit être formulée selon les
aspirations de la société.
Rendre la France plus attractive pour les industries pharmaceutiques
Réalités industrielles - Annales des Mines
François Rain
Depuis dix ans, la France est le premier producteur européen de médicaments.
Cette position est cependant menacée, non seulement à cause du phénomène de
délocalisation de la production de médicaments dans les pays émergents, mais
également en raison des piètres résultats obtenus en matière de recherche et de
nouvelles technologies de la santé. Afin de rendre la France plus attractive
pour les industries de la santé, il est désormais indispensable, comme le
souligne l'auteur, d'affirmer une volonté et une vision stratégique ambitieuse.
Ainsi, plutôt que de percevoir les industries de santé essentiellement comme une
charge pour le système d'assurance-maladie, les enjeux d'attractivité de la
France dans ce secteur devraient être placés au cœur du système de pilotage et
de régulation de la santé.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
FISCALITE
Réformer la fiscalité française pour faire face à la concurrence fiscale
Reflets et perspectives de la vie économique
Jacques Le Cacheux
Le système fiscal français se caractérise par certaines faiblesses qui le
rendent particulièrement vulnérable à la concurrence fiscale. Il s'agit
notamment du nombre relativement réduit de contribuables sur lesquels pèse
l'impôt sur le revenu, du niveau élevé d'imposition supporté par les entreprises
ainsi que de la persistance en France d'une imposition des patrimoines à travers
l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Selon l'auteur, une réforme des
prélèvements directs est possible sans amputer sensiblement les recettes
totales, ni la redistributivité de l'ensemble. Pour cela, il propose, par
exemple, d'élargir les assiettes fiscales, de baisser l'impôt sur les sociétés
et la taxe professionnelle et de fusionner l'impôt sur le revenu et la
contribution sociale généralisée (CSG).
L'Europe sociale entre mythe et réalité
Droit social
Claire Aubin
Au cours de la campagne du référendum sur le traité constitutionnel européen
organisé en France en 2005, l'Europe sociale a une fois de plus fait l'objet de
nombreux débats. Le rejet du traité par les Français peut d'ailleurs en partie
s'expliquer par la perplexité grandissante que suscite dans ce pays - doté
depuis l'Après-guerre d'un système de protection sociale élevé -, la
construction d'un État social européen qui semble de plus en plus hypothétique.
Si les questions sociales ont dès l'origine été prises en compte dans le projet
européen - la dimension européenne a d'ailleurs transformé de façon
significative le cadre et les pratiques sociales nationales - le concept
d'Europe sociale semble aujourd'hui beaucoup trop ambigu pour constituer un
outil opérationnel de réflexion et d'action.
Les enjeux du commerce équitable
Ecoflash
Delphine Pouchain et Matthias Knol
A partir des années 1980, se met progressivement en place un nouveau type
d'échanges entre le Nord et le Sud : le commerce équitable. Ce système qui
garantit au producteur du Sud un prix plancher pour sa production, permet de
protéger son niveau de vie d'une éventuelle chute des cours. En dépit d'un
contexte marqué par une montée de l'exigence éthique chez les consommateurs des
pays riches, le commerce équitable demeure une pratique confidentielle.
Plusieurs expériences couronnées de succès ont néanmoins permis d'amorcer un
réel développement dans un certain nombre de communautés paysannes du
Tiers-monde.
No 2.928
18 juillet 2007
DOSSIER : La microfinance : un outil de lutte contre la pauvreté
Plein feu sur la microfinance !
Regards économiques
Valérie de Briey
2005 a été consacrée par les Nations unies " Année internationale du microcrédit
". Cette décision fut des plus logiques car le microcrédit s'impose désormais en
effet comme l'instrument privilégié de la lutte contre l'exclusion bancaire et
la pauvreté. En parallèle du système bancaire formel, un secteur financier
semi-formel a émergé. Au sein de celui-ci, les institutions de microfinance
(IMF), légalement reconnues mais ne faisant pas l'objet d'une régulation,
offrent aux populations qui sont dans l'impossibilité de réunir les conditions
indispensables à l'octroi d'un prêt, des services financiers de base (épargne,
crédit, assurance, transferts de fonds, etc.). L'auteur explique ici comment une
telle offre est rendue possible dans un secteur où l'absence de garantie
financière et l'asymétrie d'information sont les principaux obstacles au bon
fonctionnement des activités bancaires...
Muhammad Yunus, père du microcrédit, honoré par le prix Nobel de la paix
Revue d'économie politique
Michel Lelart
La Banque de Suède a attribué en 2006, dix ans après le premier sommet du
microcrédit à Washington, le prix Nobel de la paix à Muhammad Yunus fondateur,
il y a trente ans, de la Grameen Bank au Bangladesh. La Banque centrale suédoise
a montré par ce geste hautement symbolique tout l'intérêt qu'elle porte
aujourd'hui à la finance solidaire. L'établissement créé par M. Yunus est
désormais une institution de microfinance de dimension internationale
puisqu'elle est implantée dans 60 pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine et
répond à la demande de 7 millions de clients auxquels elle a, depuis sa
création, prêté 6 milliards de dollars. Les impayés s'élevant à 1 % seulement,
la Grameen Bank - " la Banque du village " - est considérée comme un succès
relaté par l'auteur qui rappelle toutefois que les études ayant pour objet
d'évaluer les effets du microcrédit restent contradictoires.
Le développement du microcrédit encouragé dans l'Union européenne
Finance et bien commun
Maria Nowak
Depuis le début des années 1980, époque à laquelle le microcrédit a fait son
apparition dans les pays industrialisés, celui-ci s'est rapidement développé en
Europe de l'Ouest et plus récemment en Europe centrale et orientale. Son
expansion (+ 67 % par an en moyenne) a bénéficié de conditions favorables :
notamment le nombre important de très petites entreprises (TPE) et la
persistance d'un chômage de masse. Mais en Europe, plus que dans les pays en
développement où les secteurs bancaire et financier n'ont pas encore atteint un
fort degré de sophistication, les institutions de microfinance (IMF) aspirent,
avec l'aide de l'Union européenne, à poursuivre le même objectif que les
établissements bancaires traditionnels qui leur servent d'exemple, à savoir la
rentabilité financière.
La microfinance et le " Consensus de Washington "
Challenge
Patrice Flynn
L'accroissement de la dette des pays en développement (PED) et l'insolvabilité
de certains d'entre eux ont rendu difficiles les relations financières entre
leurs gouvernements et les détenteurs de capitaux originaires des pays riches.
Encouragés par les organisations internationales, ces derniers ont alors décidé
de proposer directement leurs services de microfinance aux populations du Sud,
et particulièrement aux plus pauvres, notamment l'ouverture de comptes épargne
permettant la réinjection dans le système bancaire du " capital mort ", et des
services de transferts de fonds, censés faciliter la transaction de centaines de
milliards de dollars envoyés chaque année par les émigrés à leurs familles. Ce
qui semble être, pour certains, les symptômes d'une démocratisation de la
finance consistant à étendre au Sud les mêmes droits et services qu'au Nord, est
en fait, pour l'auteur, une occasion pour les organisations internationales de
promouvoir la philosophie du " Consensus de Washington " dont un des éléments
fondamentaux est une libéralisation financière accrue, quels qu'en soient les
coûts.
Les limites de l'utilisation du microcrédit dans les pays du Sud
Techniques financières et Développement
Jean-Michel Servet
Dans les pays en développement, plus de 80 % de la population n'a pas accès aux
banques. Les institutions de microfinance ont donc de l'avenir et on comprend
l'intérêt des prêteurs de fonds pour les populations pauvres du Sud. Mais qu'en
est-il des bénéficiaires des microcrédits ? Sont-ils parvenus à sortir de la
pauvreté ? En réalité, les effets du microcrédit sont insuffisants et l'auteur,
qui admet que la microfinance est un apport incontestable aux politiques
sociales et de développement, revient sur certains mythes qui, selon lui,
consistent à diffuser l'idée que ce nouvel instrument financier serait devenu la
seule solution contre la pauvreté.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
RECHERCHE ET DEVELOPPEMENT
L'urgence de la réforme du système de brevet européen
Reflets et perspectives de la vie économique
Jean-François Lévêque et Yann Ménière
Le système actuel de brevet européen est issu de la convention de Munich de
1973. Cette dernière n'a pas supprimé les brevets nationaux, mais a instauré une
procédure centralisée d'examen des brevets par l'Office européen des brevets
(OEB), créé à cet effet dans la capitale bavaroise. Les brevets délivrés par
l'OEB autorisent le déposant à obtenir des brevets nationaux sans examen
supplémentaire dans les pays de son choix. Aujourd'hui, plus de 90 % des brevets
adressés aux offices nationaux ont été préalablement examinés par l'OEB. Ce
succès cache néanmoins un certain nombre de défauts, dont notamment les coûts de
traduction. Ainsi, le dépôt d'un brevet européen est beaucoup plus coûteux pour
un inventeur que dans les systèmes américain ou japonais. La réforme du système
européen de brevet reste plus que jamais à l'ordre du jour.
DEVELOPPEMENT
Pays en développement : le spectre du ré-endettement
Bulletin de la Banque de France
Emmanuel Rocher
Les principaux créanciers bilatéraux et les institutions financières
internationales se sont engagés ces dernières années dans une action importante
de réduction de la dette des pays en développement (PED). L'initiative en faveur
des Pays pauvres très endettés (PPTE) et l'Initiative d'annulation de leur dette
multilatérale (IADM) témoignent de cette volonté. Mais en dépit de ces
dernières, ces pays sont aujourd'hui menacés d'un ré-endettement. Leur besoin
financier au regard des objectifs de développement explique ce risque, auquel
s'ajoute un deuxième facteur : les nouvelles politiques d'endettement, conduites
en particulier sous l'influence de nouveaux prêteurs internationaux, comme la
Chine, qui n'inscrivent pas nécessairement leur action dans le cadre coopératif
traditionnel.
MARCHE DE L'ENERGIE
L'électricité est-elle un bien public ?
Revue de l'OFCE
Evens Salies, Lynne Kiesling et Michaël Giberson
Le 1er juillet 2007, le marché de l'électricité pour les particuliers sera
ouvert à la concurrence. Cet événement, nouvelle étape du processus de
libéralisation du secteur énergétique en Europe, vient rappeler que les débats
concernant notamment les conséquences de la dérégulation du marché de
l'électricité sont au cœur de l'actualité. L'auteur revient sur la question de
la sécurité d'approvisionnement en électricité et se demande, à son propos, si
celle-ci constitue ou non un bien public. Les pannes spectaculaires survenues
sur les réseaux électriques dans certaines régions du monde au cours des
dernières années alimentent régulièrement ce débat. Il semble que la sécurité
d'approvisionnement, et plus généralement la fourniture d'électricité, soit un
bien composite, à la fois public impur et privé. Ce caractère ne doit pas être
négligé car il a des implications importantes pour la politique de régulation de
la sécurité d'approvisionnement dans le secteur de l'énergie électrique.
No 2.929
29 août 2007
DOSSIER : Immobilier : d'une crise à l'autre
L'immobilier, un bien pas comme les autres
Les Cahiers de l'Abécédaire
Michel Mouillart
En dépit des efforts de construction réalisés en France ces dernières années, le
logement reste un bien rare et une source de préoccupation pour les ménages. La
hausse des prix à l'achat ainsi que l'augmentation des loyers font qu'il est de
plus en plus difficile de se loger à proximité de son travail. La réflexion sur
les problèmes liés à l'immobilier reste donc d'actualité et demeure le meilleur
moyen d'éviter à l'avenir les phénomènes d'exclusion et de ségrégation urbaine.
Car sans la volonté et la mise en œuvre des moyens nécessaires, les
déséquilibres actuels dans le domaine de l'habitat et de l'aménagement
pourraient encore s'aggraver.
Les raisons de la crise persistante du logement en France
Futuribles
Jean-Paul Lacaze
Comme d'autres pays, la France connaît, depuis plusieurs années, une forte
hausse des prix de l'immobilier, qui conduit à l'exclusion progressive des
jeunes couples et des ménages des classes moyennes de l'accession à la propriété
et aboutit à une insatisfaction croissante en termes de conditions de logement
(situations de logement " subi " et non choisi). L'auteur identifie quatre
facteurs explicatifs de cette crise quantitative de logement : les insuffisances
de la gouvernance territoriale en matière de production de terrains à bâtir, la
baisse continue de la taille moyenne des ménages, le refus des décideurs
d'organiser l'expansion de l'habitat individuel en périphérie des villes et,
enfin, la sous-estimation de la croissance démographique dans les grands bassins
d'habitat.
France : l'actuel cycle immobilier touche à sa fin
HSBC Global Research
Mathilde Lemoine et Pierre-Emmanuel Ferraton
En 2006, le marché français de l'immobilier est entré dans une phase de
ralentissement qui s'est amplifié sous l'effet de la détérioration de la
solvabilité des ménages et de la hausse des mises en chantier depuis 2004. En
2007, ce processus pourrait s'accentuer, en particulier au cours du deuxième
semestre. Toutefois, la demande de logements reste soutenue et la prime de
risque sur le marché locatif est toujours positive, ce qui rend très peu
probable un retournement brutal du marché. Le risque de contagion internationale
entre les cycles via le taux d'intérêt demeure faible, car les prix immobiliers
sont majoritairement déterminés par des facteurs nationaux (croissance
démographique et revenu disponible brut).
L'immobilier aux Etats-Unis : la fin de l'american dream
?
Revue de l'OFCE
Christine Rifflart
Après une phase de croissance exceptionnelle, le marché immobilier américain
traverse, depuis 2006, une période de ralentissement, voire de retournement.
Contrairement à la France où le taux de propriétaires n'a que très peu augmenté
durant l'actuel cycle immobilier, le marché américain a connu une véritable
révolution : entre 1995 et 2006, le nombre de ménages propriétaires a augmenté
d'environ 15 millions - il atteint ainsi 69 % de l'ensemble des ménages
américains. Cette augmentation spectaculaire s'explique par la conjonction de
conditions exceptionnelles : le niveau historiquement bas des taux d'intérêt,
conjugué à des politiques publiques de soutien à l'accession à la propriété,
mais aussi et surtout à la très grande inventivité dont ont fait preuve les
établissements financiers américains pour repousser toujours plus loin les
limites de l'endettement.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
STRATEGIE D'ENTREPRISE
La croissance n'est pas toujours rentable ... tant mieux !
L'Expansion Management Review
Emmanuel Zilberberg
Depuis les années 1970, la plupart des théories de l'entreprise reposent sur
l'idée qu'il existe une relation de causalité entre la croissance de la firme et
sa rentabilité. Certains chercheurs ont cependant montré récemment que
l'augmentation du volume de production, par la conquête de parts de marché et la
réalisation d'économies d'échelle, n'est pas toujours une opération rentable.
Porter davantage l'attention sur le volume plutôt que sur le prix peut en effet
contribuer à faire baisser celui-ci plus rapidement que le coût unitaire. Mais
comme le montre l'auteur en prenant le cas de Nokia, la stratégie de "
croissance non rentable ", qui n'est pas pertinente à long terme, semble porter
ses fruits à plus court terme. Elle a en effet permis à l'entreprise
finlandaise, début 2006, de s'attirer une nouvelle demande, notamment en Inde,
alors qu'en privilégiant la rentabilité, ses concurrentes risquent de perdre bon
nombre de clients qu'il leur sera difficile de reconquérir par la suite...
SCIENCE ECONOMIQUE
Y a-t-il une nouvelle économie ?
Réalités industrielles - Annales des Mines
Alain Bienaymé
Les médias se sont abondamment fait l'écho, au début des années 2000, de
l'avènement d'une " nouvelle économie " liée aux nouvelles technologies de
l'information et de la communication (NTIC). Si " une nouvelle économie "
apparaît bel et bien, à l'orée du XXIe siècle, ce n'est pas uniquement, selon
l'auteur, en raison du développement spectaculaire de l'Internet ou du téléphone
mobile mais également parce que, au cours des dernières décennies, le monde a
été transformé par des phénomènes comme la mondialisation des échanges, la
complexité croissante des économies développées ou l'émergence de préoccupations
environnementales et éthiques. Ces bouleversements posent un véritable défi de
compréhension à la science économique qui s'efforce d'élaborer de nouveaux
modèles explicatifs.
COMMERCE INTERNATIONAL
Doha : un cycle en développement
L'économie mondiale 2008 - CEPII/La Découverte
David Laborde
Peu de temps après les attentats du 11-Septembre, débute à Doha le premier cycle
de négociations commerciales de l'ère de l'Organisation mondiale du commerce
(OMC). Le contexte historique au cours duquel ce nouveau round est lancé
va avoir pour conséquence d'en faire un enjeu symbolique de la volonté des
nations de tout mettre en œuvre pour promouvoir le développement économique,
seul rempart efficace contre la misère qui fait le lit du terrorisme
international. Les espoirs immenses et disproportionnés dont ce cycle était
porteur vont rapidement conduire à une véritable désillusion. L'adhésion de la
Chine validée à Doha, en raison des nombreuses questions que celle-ci soulève,
va rendre plus difficiles encore des négociations déjà particulièrement
complexes. Un an après la proposition de compromis avancée par Pascal Lamy,
directeur de l'OMC, le cycle de Doha ne semble pas encore sorti de l'impasse
dans laquelle l'échec des dernières discussions l'a conduit. Ce sentiment
d'échec doit pourtant être relativisé, comme l'explique l'auteur. Ce dernier
revient, à travers une analyse des péripéties qui ont marqué, depuis le départ,
le Doha round, sur les conditions de déroulement d'un cycle qui n'aurait
dû être qu'une étape de la libéralisation du commerce international et qui, en
cas de succès, ne sera pas le dernier de l'histoire.
No 2.930
12 septembre 2007
DOSSIER : Le changement climatique, un défi mondial
Climat : il est urgent d'agir !
Etudes
Laurence Tubiana et Hubert Kieken
Après plusieurs années d'intenses controverses, le diagnostic scientifique sur
le changement climatique ne fait aujourd'hui quasiment plus débat : les
émissions de gaz à effet de serre provoquées par les activités humaines menacent
dangereusement les équilibres climatiques planétaires. Ces perturbations ont
atteint un tel niveau que désormais, il n'est déjà plus possible d'empêcher le
changement climatique. Si des mesures adéquates sont prises, elles ne pourront
que tempérer la nature et l'ampleur de ces changements. Depuis la signature de
la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique à Rio, en
1992, et l'adoption du Protocole de Kyoto, en décembre 1997, l'Europe a joué un
rôle majeur dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Alors
que la question, y compris aux Etats-Unis, ne porte plus dorénavant sur la
nécessité de l'action, mais sur ses modalités, les Européens ont la
responsabilité historique de faire évoluer positivement, pour l'après-2012, le
cadre du Protocole de Kyoto, en parvenant à convaincre les Américains et les
grands pays émergents de prendre les mesures ambitieuses susceptibles de
répondre à l'urgence climatique.
Le réchauffement met en péril l'économie mondiale : le rapport Stern
Conférence-débat IDDRI-Sciences Po
Sir Nicholas Stern
Quelques jours avant l'ouverture, le 6 novembre 2006, à Nairobi, au Kenya, de la
12e conférence internationale sur le climat, la publication d'un rapport de
l'économiste britannique Sir Nicholas Stern a fait grand bruit. L'auteur y
alerte la communauté internationale sur les conséquences dramatiques à terme
pour l'économie mondiale du réchauffement climatique. Le rapport évoque un
impact comparable à celui des guerres mondiales ou à la crise de 1929 et chiffre
à 5 500 milliards d'euros le coût du changement climatique si rien n'est fait.
Si le constat est alarmiste, le rapport n'est cependant pas défaitiste. L'auteur
rappelle en effet qu'il n'est pas trop tard pour éviter une catastrophe
planétaire à condition que chaque pays, riche ou pauvre, prenne rapidement les
mesures qui s'imposent. Des pays et des régions, comme l'Union européenne, la
Chine ou la Californie, ont déjà montré la voie en adoptant des politiques de
réduction des gaz à effet de serre ambitieuses. Il faut désormais aller beaucoup
plus loin et agir au niveau international en se fixant des objectifs communs à
long terme.
L'agriculture et la forêt, au cœur du changement climatique
CA-Eclairages
Catherine Mollière
L'agriculture et la forêt ont une part de responsabilité très importante dans le
changement climatique. Elles en seront également les victimes et dans certains
cas de façon dramatique. Concernant l'activité agricole, le gaz incriminé n'est
pas le dioxyde de carbone (CO2) mais le protoxyde d'azote (N2O) dont l'une des
caractéristiques est d'être en tant que gaz à effet de serre 310 fois plus actif
par tonne émise que le CO2. La déforestation, quant à elle, provoque la
libération de quantités considérables de carbone stocké dans les arbres et dans
le sol. L'agriculture et la forêt peuvent aussi participer à la lutte contre le
réchauffement à travers une baisse des émissions, mais également par la
fourniture d'énergies renouvelables. L'évaluation de cette contribution reste
toutefois, à ce jour, relativement incertaine.
Le nouvel engouement des entreprises pour le " business vert "
The Economist
Si des années 1980 au début des années 2000, de grandes entreprises américaines,
comme Exxon Mobil, sont allées jusqu'à constituer une coalition pour militer
plus efficacement contre l'application de mesures de lutte contre le
réchauffement climatique, l'attitude des milieux d'affaires est désormais tout
autre et la protection de l'environnement est devenue leur nouveau cheval de
bataille. Ce revirement spectaculaire s'explique en partie par la pression
morale croissante exercée par les organisations de défense de l'environnement et
les citoyens mais aussi par les formidables opportunités économiques offertes
par les investissements dans le développement des énergies renouvelables et des
technologies propres. Pour que l'engouement des entreprises, en particulier pour
la lutte contre le réchauffement climatique, ne soit pas qu'un effet de mode
éphémère, il appartient aux gouvernements de prendre les mesures susceptibles de
les inciter à investir davantage encore dans le secteur du " business vert ".
Réchauffement de la planète : qui perd ? Qui gagne ?
The Atlantic Monthly
Gregg Easterbrook
Le réchauffement climatique pourrait avoir, au cours du siècle, on le sait, des
conséquences terribles : inondations, sécheresses, perturbations des courants
océaniques, recrudescence des maladies tropicales, etc. Autant de cataclysmes
qui, de surcroît, risquent d'accabler davantage les populations déjà déshéritées
des pays en développement. On évoque plus rarement en revanche le fait que dans
certaines parties du monde, le changement climatique est aussi susceptible de
faire des gagnants, notamment dans les pays et les régions situés dans la zone
septentrionale (Alaska, Canada, Groenland, Russie et Scandinavie) qui verraient
leurs terres prendre subitement de la valeur. De la même façon, le réchauffement
de la planète ouvrirait de nouvelles routes maritimes qui feraient la fortune
des ports de l'océan Arctique, tandis que plus au sud, les mégapoles portuaires,
aujourd'hui très fréquentées, comme Singapour connaîtraient un déclin rapide et
inexorable.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ECONOMIES ETRANGERES
Le rebond de l'Argentine
CCE International
Sophie Marek
Le dynamisme de l'économie argentine est désormais évident. Le rythme de
croissance est resté élevé depuis 2003, de l'ordre de 9 % par an, grâce en
grande partie à l'agriculture et au boom de la construction. Malgré
l'amélioration très nette de la situation du pays, les investisseurs étrangers
se montrent souvent vigilants, en raison des incertitudes politiques et
juridiques qui demeurent. Cependant, les opportunités en Argentine sont
nombreuses pour les entrepreneurs qui, en dépit des risques, sont en mesure de
faire preuve d'une grande capacité d'adaptation.
ECHANGE INTERNATIONAL
Le commerce international des services de santé
Economies et Sociétés
Marc Lautier
Le thème du tourisme médical et de l'internationalisation des services de santé
suscite l'intérêt croissant des économistes et se traduit, ces dernières années,
par une abondance de publications. Les exportations de services de santé ont
été, jusque-là, traditionnellement dirigées des pays du Nord vers ceux du Sud.
Il semble toutefois que de nouvelles opportunités apparaissent pour certains
pays en développement (PED), notamment en matière de fourniture de soins, sur le
territoire national, à des patients étrangers. L'auteur, après avoir souligné la
difficulté que représente l'analyse de ce phénomène en raison, en particulier,
de la fragilité des données disponibles, revient sur l'ampleur et l'impact du
commerce international des services de santé sur les économies des PED
concernées et dessine quelques perspectives.
CATASTROPHES NATURELLES
Comment maîtriser le coût des catastrophes naturelles ?
Finances et Développement
David Hofman
Entre 1996 et 2005, il s'est produit 57 catastrophes naturelles dans le monde.
Avec le changement climatique et l'urbanisation galopante, il semble que
celles-ci se soient intensifiées ces dernières années, contribuant ainsi à
l'accroissement du montant des pertes. On assiste en effet à un doublement du
coût des catastrophes entre les périodes 1980-1989 et 1996-2005 : de 247 à 575
milliards de dollars. Les marchés de l'assurance offrent diverses possibilités
aux pays menacés d'anticiper les risques inhérents à ces catastrophes.
Contrairement aux dons qui leur sont versés après l'événement, ces marchés
permettent également de limiter la dépendance financière des pays victimes de
catastrophes naturelles à l'égard des pays qui leur viennent en aide. Dans ce
contexte, le choix de la police d'assurance (mutuelle, marché des capitaux,
assurance commerciale, etc.) revêt une grande importance.
No
2.931
10 octobre 2007
DOSSIER : Du commerce équitable au e-commerce, la liberté retrouvé du
consommateur ?
Les AMAP : faire son marché autrement
Sciences de la Société
Sophie Dubuisson-Quellier et Claire Lamine
S'approvisionner auprès d'une association pour le maintien d'une agriculture
paysanne (AMAP) constitue un engagement politique. Le consommateur, en payant
ses produits plus chers et en contournant le canal de distribution classique, à
savoir la grande distribution, revendique un acte d'achat qui permettra, grâce
aux comportements similaires de ses concitoyens, de maintenir en activité une
agriculture non intensive. Dans ce système, un contrat lie le producteur au
consommateur. Ce dernier s'engage pendant au moins six mois à acheter une fois
par semaine des produits plus chers que ceux vendus en grande surface. En
échange, le maraîcher garantit au consommateur l'origine naturelle de sa récolte
et lui donne la possibilité d'en juger, lors de leur rencontre hebdomadaire. Si
cette forme de commerce est une alternative à la grande distribution, celle-ci
continue toutefois, comme le rappellent les auteurs, à imposer ses repères aux
AMAP, notamment lors de la détermination des prix.
Commerce équitable et grande distribution : le dilemme
Revue française de sociologie
Ronan Le Velly
Parmi les nouvelles formes de commerce qui défient la grande distribution, le
commerce équitable, qui a pris son essor dans les années 1980 en France, est une
des plus anciennes. Le mouvement Artisans du Monde (plus de 130 boutiques en
France) en est une figure emblématique comme le label " Max Haavelar ", apparu,
lui, plus tard. Leurs produits (café, bijoux, etc.) sont plus chers que ceux de
leurs concurrents mais garantissent à l'acheteur le respect et la survie des
petits producteurs du Tiers-Monde. L'auteur décrit le fonctionnement de Max
Haavelar et d'Artisans du Monde qui ont choisi de suivre des stratégies
différentes pour faire face à une demande croissante.
Le e-commerce donne plus de pouvoir au consommateur
Economie et Management
Sophie Néron
Dix-huit millions de Français - c'est-à-dire plus d'un internaute sur deux - ont
acheté au moins une fois sur l'Internet. Le e-commerce - qui a progressé de 40 %
entre 2005 et 2006 -, que l'on croyait jusque-là réservé aux jeunes
technophiles, concerne en réalité une communauté plus large. La variété des
sites d'achat proposés en ligne a certainement contribué à attirer notamment de
plus en plus de femmes (58 % des " cyber-acheteurs ") et de retraités (6 %). Ce
nouveau canal de distribution modifie en outre considérablement les conditions
d'achat. En raison notamment de l'existence de sites comparatifs, le
consommateur a rapidement accès à plus d'informations sur le produit et sur le
prix. Le commerce en ligne donne ainsi à l'acheteur plus de pouvoir et de
liberté. Annoncerait-il la fin de la toute puissance du vendeur ?
Amazon.com se lance dans le téléchargement payant
The Economist
Créée en 1995, à Seattle aux Etats-Unis, Amazon.com est, à l'origine, connue
pour être la plus grande librairie en ligne du monde. Mais l'entreprise de
commerce électronique a rapidement diversifié son offre pour vendre des disques,
des vidéos, des jeux, des bijoux et des produits d'épicerie non périssables,
empiétant ainsi sur les parts de marché de ses concurrentes de la grande
distribution. Si la croissance de ses ventes globales est particulièrement forte
(+ 22 % en 2006, presque autant que la croissance des ventes sur l'Internet aux
Etats-Unis : + 25 %), l'activité d'Amazon.com reste toutefois traditionnelle
puisqu'elle consiste en la vente de produits physiques. Afin dý remédier,
l'entreprise américaine a récemment choisi de changer de stratégie et de
proposer, en ce qui concerne les disques et les vidéos, le téléchargement à la
demande, ce qui la place parmi les rares entreprises de commerce électronique
que l'on surnomme les " Clicks ", à savoir celles qui ont définitivement
abandonné toute activité traditionnelle.
Le paiement en ligne : la confiance au cœur du commerce électronique
L'Observateur de l'OCDE
Avec 96 % de satisfaits parmi les " cyber-acheteurs ", en 2006, en France et 40
% de croissance entre 2005 et 2006, la croissance du e-commerce semble
particulièrement solide. Une menace pèse toutefois sur cette nouvelle forme de
commerce : la " cyber-fraude ". Le nombre de plaintes a en effet plus que doublé
entre 2004 et 2005 en Europe et a augmenté de 16 % aux Etats-Unis. Cela
expliquerait pourquoi, selon l'Observatoire européen des technologies de
l'information (OETI), les transactions entre les professionnels - qui
représentent 90 % du commerce électronique - demeurent plus nombreuses que
celles entre consommateurs et professionnels. Les coûts en termes financiers
(1,2 milliards de dollars aux Etats-Unis) et de perte de temps à résoudre les
problèmes dissuaderaient certains consommateurs à utiliser l'Internet pour leurs
achats. La confiance est ainsi au cœur du commerce électronique et les autorités
sont disposées à déployer tous les moyens juridiques pour la maintenir afin
qu'elle ne devienne pas un obstacle au développement du e-commerce.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
EMPLOI
Politiques de l'emploi : entre compétences nationales et coordination
européenne
Ecoflash
Christine Erhel
Les politiques de l'emploi sont des politiques structurelles qui s'inscrivent
dans la durée. Elles visent à limiter les conséquences du chômage (dépenses
passives) et à créer des emplois ou à améliorer le fonctionnement du marché du
travail (dépenses actives). Si les politiques de l'emploi relèvent de la
compétence nationale, on distingue toutefois, au niveau international, trois
modèles : le modèle libéral et peu interventionniste suivi par les Etats-Unis et
le Royaume-Uni, le modèle universaliste (ou nordique) et fortement
interventionniste de la Suède et du Danemark et le modèle intermédiaire adopté
par la France, l'Allemagne et l'Italie. Les deux premiers s'opposent mais sont
tous deux financés par l'impôt, contrairement au troisième qui repose sur les
cotisations. En rappelant la diversité des pratiques en matière de politiques de
l'emploi, l'auteur nous permet de mieux comprendre l'importance du débat sur
leur efficacité.
UNION EUROPENNE
A quoi sert la Banque centrale européenne ?
Futuribles
Jean-François Drevet
L'intérêt de l'indépendance de la Banque centrale européenne (BCE) garantie par
le traité de Maastricht, afin de préserver la politique monétaire d'éventuelles
pressions politiques, n'a jusque-là pas été compris ou admis par tous. En
France, les critiques portant sur l'action de la BCE et les réserves émises à
l'égard de la solidarité monétaire européenne ont été nombreuses. L'auteur
montre, ici, que le comportement de la BCE ne se distingue guère de celui des
autres grandes banques centrales, dont l'objectif principal est de " maintenir
la stabilité des prix ". Il souligne également que son utilité réside dans le
fait que la monnaie unique " protège mais ne dynamise pas " les économies
nationales. Ce qui plaide en faveur d'un renforcement de la convergence des
politiques économiques.
RISQUE PAYS
Risque pays : remarques sur une évolution en profondeur
Accomex
Nicolas Meunier
La forte croissance mondiale des dernières années laisserait penser que le
risque pays a diminué. En dix ans, en effet, le paysage macroéconomique des pays
émergents a changé : la croissance s'est généralisée s'accompagnant d'une
réduction des déséquilibres (solde budgétaire, balance courante, inflation),
d'une diminution des spreads de taux d'intérêt et d'une amélioration des
notations d'agence. Cependant, l'amélioration du risque souverain ne signifie
pas que le risque pays a diminué : la dette a changé de nature et de main, mais
elle est toujours là, certaines monnaies sont sous-évaluées et les phénomènes de
contagion restent toujours d'actualité. Désormais, il faut envisager le risque
pays davantage en termes de tension et non plus seulement de crises, les
premières étant permanentes, les secondes apparaissant comme des événements
dévastateurs mais rares.
No 2.932
10 octobre 2007
DOSSIER : Le bilan de l'économie française 2006/2007
Les immigrées sont-elles responsables de la hausse de la fécondité ?
Population et Sociétés
François Héran et Gilles Pison
La France est aujourd'hui avec deux enfants par femme un des pays les plus
féconds d'Europe. D'aucuns affirment que cette fécondité qui place pratiquement
la France au seuil de remplacement des générations serait due à l'immigration.
Les auteurs montrent que la fécondité des étrangères est certes plus élevée que
celle des Françaises mais, comme elles ne représentent qu'une minorité au sein
de la population, leur contribution au taux de fécondité de la métropole reste
modeste (+ 0,1). Ce dernier passe ainsi de 1,8 à 1,9 enfant par femme. Ce n'est
donc pas l'immigration qui explique l'exceptionnelle fécondité des Françaises en
Europe.
Une croissance de l'emploi au plus haut depuis 2001
Point statis - Unedic
Didier Dubaud et Arnaud Gérardin
En 2006, près de 240 000 emplois ont été créés avec un taux de croissance du
produit intérieur brut (PIB) qui n'a pas dépassé 2,2 % sur l'année. La France
enregistre ainsi sur ce plan sa meilleure performance depuis 2001. Comme ce fut
le cas les deux années précédentes, la hausse des effectifs dans le secteur
tertiaire et la construction a fait plus que compenser le recul de l'emploi dans
l'industrie. Au cours de l'année 2006, on observe une progression deux plus fois
plus rapide de l'emploi féminin. La tendance à la baisse du chômage s'est
poursuivie. A la fin de juillet 2007, le taux de chômage au sens du Bureau
international du travail (BIT) s'établissait selon des estimations provisoires
de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) à 8
%.
Accélération de l'activité
INSEE Première
Franck Arnaud, Antonin Aviat et Adrien Friez
En 2006, l'activité économique a connu une accélération par rapport à l'année
précédente. Le produit intérieur brut (PIB) a augmenté en moyenne annuelle de
2,0 % en volume. Le solde extérieur négatif, en 2006, a encore pesé sur la
croissance. La consommation des ménages et l'investissement demeurent
dynamiques. Le pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages a gagné en
vigueur et leur taux d'épargne a augmenté. La hausse du taux de prélèvements
obligatoires et le ralentissement des dépenses publiques ont permis de
poursuivre la réduction du déficit public. Quant aux sociétés non financières,
elles ont vu leur taux de marge se maintenir.
La consommation des ménages reste très solide et leur investissement
dynamique
Note de conjoncture - INSEE
En 2006, le revenu disponible brut (RDB) des ménages a progressé par rapport à
l'année précédente et s'est établi à 4,3 % en moyenne, contre 3,1 % en 2005.
Avec une augmentation des prix de 1,9 %, le pouvoir d'achat des ménages
s'améliore (+ 2,4 % par rapport à + 1,3 % en 2005). La consommation des ménages
est restée très solide en 2006 (+ 2,1 % contre + 2,2 % l'année précédente), elle
a été à nouveau pénalisée par le recul des dépenses énergétiques, en raison de
températures particulièrement clémentes. L'investissement des ménages présente
depuis début 2006 une nette tendance au ralentissement : le niveau élevé atteint
par les prix de l'immobilier et le durcissement des conditions de financement
ont fini par freiner une demande jusque-là très vigoureuse. La faiblesse de la
consommation, conjuguée à la progression plutôt dynamique du revenu, a conduit à
une remontée du taux d'épargne à la fin de l'année. Pour 2007, on s'attend à un
rebond de la consommation (+ 0,9 % par trimestre) dans un climat de confiance
qui reste élevé.
La dégradation des échanges courants perdure
Banque de France
Balance des paiements et position extérieure de la France
Les résultats de l'année 2006 confirment la tendance observée depuis le début de
la décennie : une dégradation du solde des transactions courantes qui s'explique
essentiellement par les soldes déficitaires des biens et des transferts courants
(- 30 et - 21,7 milliards, respectivement). Le compte de capital qui était
légèrement excédentaire en 2005, présente en 2006 un déficit de 0,2 milliard. En
contrepartie, le compte financier se traduit par des entrées de capitaux de 64
milliards d'euros. Les investissements directs bénéficient de l'expansion du
mouvement des fusions-acquisitions internationales et affichent des sorties
nettes de 27,1 milliards d'euros, proches de celles enregistrées en 2005 (32,1
milliards).
L'énergie creuse le déficit commercial
DGDDI
Rapport du commerce extérieur - Année 2006
En 2006, la progression des échanges est plus rapide qu'en 2005. Le dynamisme
des ventes de biens intermédiaires et de biens d'équipement a largement
contribué à accroître le rythme de croissance des exportations (+ 8,6 % contre
4,1 % en 2005). Toutefois, il a été insuffisant pour compenser celui des
importations (+ 9,8 %). La facture énergétique s'alourdit de 8,5 milliards
d'euros par rapport à 2005, ce qui contribue fortement à la détérioration du
solde commercial qui est passé de - 22,9 milliards d'euros en 2005 à - 29,2 en
2006.
Le déficit budgétaire repasse pour la première fois sous la barre des 3 %
Cour des comptes
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Le dynamisme, en 2006, de la croissance économique et l'accroissement des
prélèvements obligatoires, en France, ont nettement contribué à la réduction du
déficit public (2,5 % du produit intérieur brut - PIB) qui est tombé, pour la
première fois, en dessous du plafond défini par le Traité de Maastricht (3 %).
Le ratio reste toutefois deux fois plus élevé qu'en 2001, en raison notamment de
la progression importante des dépenses publiques au cours des dix dernières
années. La dette publique a, de son côté, augmenté pour atteindre les 1 142
milliards d'euros, c'est-à-dire 63,7 % du PIB, dépassant encore cette année la
limite prévue par le Traité de Maastricht (60 %). Le retour à l'équilibre du
solde public, cohérent avec les engagements européens, permettrait à la France
d'accroître ses marges d'action et de faire face aux défis de long terme que
sont le vieillissement de la population, le financement des retraites,
l'accroissement des dépenses de santé et l'augmentation des charges
environnementales.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ENVIRONNEMENT
Sauver la planète, nouveau rôle des Etats ?
Sociétal
Michel Ruimy
La lutte contre le changement climatique figure en bonne place parmi les
questions environnementales soumises au débat à l'occasion du " Grenelle de
l'environnement ". L'auteur revient ici sur le rôle que l'Etat est susceptible
de jouer dans ce domaine. Afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre,
les principaux outils de politique économique mobilisés sont les taxes
pigouviennes ou les marchés de droits à polluer. Mais ces outils qui tentent de
remédier aux défaillances du marché et de pénaliser le producteur d'externalités
négatives présentent des limites. Les Etats pourraient donc être amenés, dans le
but de contraindre les entreprises à adopter des technologies particulières pour
réduire leurs émissions polluantes, à compléter leur action en ayant recours à
des outils réglementaires.
MATIERES PREMIERES
Pétrole : du marché au marchandage
La Gazette de la société et des techniques
Romain Bonenfant et Laurent Kueny
Dans un avenir désormais très proche, les gigantesques besoins en pétrole de
pays émergents comme la Chine ou l'Inde ne pourront être satisfaits que par
quelques pays membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP).
La concentration de cette ressource est susceptible de conduire certains
producteurs à se servir de la manne pétrolière à des fins stratégiques. Dès
lors, la sécurité d'approvisionnement des pays occidentaux et, plus grave
encore, la paix dans le monde pourraient être dangereusement menacées. Selon les
auteurs, dans la mesure où la logique de marché semble aujourd'hui avoir atteint
ses limites, la seule perspective d'action pour prévenir ces périls passe par un
retour de la puissance publique à travers la définition à l'échelon européen
d'une nouvelle politique énergétique.
No 2.933
24 octobre 2007
DOSSIER : La propriété intellectuelle en danger
Pourquoi la production de connaissance doit-elle être protégée ?
Reflets et Perspectives de la vie économique
Paul Belleflamme
La finalité principale du droit de la propriété intellectuelle est de promouvoir
l'innovation et la création en protégeant la production d'information ou de
connaissance liée à ces activités. Mais la nature publique de la production
d'information ou de connaissance est à l'origine d'un certain nombre de
déficiences du marché : cette production génère en effet des externalités (la
non-excluabilité notamment, principe selon lequel la consommation d'un bien par
un individu ne peut empêcher la consommation du même bien par un autre individu)
qui entraînent un problème d'" appropriabilité ". Le droit de la propriété
intellectuelle cherche à remédier à l'ensemble de ces déficiences par des moyens
légaux, en accordant au créateur l'usage exclusif de la connaissance protégée,
pour une période de temps limitée.
Les risques de la dématérialisation des biens culturels
Communication au colloque CEPN-IFC
Anne-Gaëlle Geffroy
L'avènement des technologies numériques dans l'industrie des biens culturels a
considérablement modifié les possibilités de reproduction et de distribution des
films ou de la musique. Un milliard de fichiers musicaux ont ainsi été
téléchargés en France en 2005 (soit l'équivalent du nombre de ventes physiques
de titres), dont seulement 20 millions légalement. Les nouvelles technologies
ont également transformé les moyens de protection des biens culturels. Elles ont
en effet facilité la protection des droits exclusifs en abaissant fortement ses
coûts. En effet, en dotant par exemple un fichier numérique d'un DRM (Digital
Rights Management - en français : gestion des droits numériques), la
surveillance légale des infractions individuelles au droit d'auteur (via
l'utilisation du peer-to-peer) est facilitée et moins coûteuse. Pourtant
l'utilisation des DRM tarde à se développer notamment en raison de l'attitude
des fournisseurs de logiciels et d'équipements informatiques qui profitent du
piratage pour valoriser leurs systèmes de protection. Réglementer l'industrie
des biens culturels est toutefois, selon l'auteur, nécessaire pour inciter à la
création.
Concilier propriété intellectuelle et concurrence dans le domaine du vivant
Synthèses
OCDE
Si le débat, amorcé il y a une trentaine d'années, autour de la brevetabilité du
vivant n'est pas clos, il semble que le principe de son acceptation s'impose
chaque jour davantage. La progression plus rapide du nombre de dépôts de brevets
dans le secteur des biotechnologies en est l'illustration. Leur prolifération et
la " déséquencialisation " de la recherche que celle-ci a permise dans le
domaine amènent l'auteur à s'interroger sur les effets de ces deux processus sur
le degré de concurrence et la nature de l'innovation dans la recherche sur le
vivant, devenue plus difficile et plus coûteuse encore.
Les conflits Nord/Sud autour de la question de la protection du médicament
Rapport du groupe PIETA
Conseil d'analyse stratégique
Les tensions Nord/Sud autour de la question de la propriété intellectuelle
restent particulièrement vives, notamment dans le cas des médicaments. Les
entreprises pharmaceutiques du Nord ont intérêt à ce que leurs brevets soient
reconnus et respectés dans le plus grand nombre de pays. Toutefois, dans la
plupart des pays du Sud, les brevets sur les médicaments n'ont été reconnus que
dans les années 1990. L'Argentine, le Brésil, la Jordanie et l'Inde, en
particulier, en ont profité pour créer ou développer leur propre industrie
pharmaceutique fabriquant des produits génériques. Si les négociations sur la
santé publique sont délicates, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et le
Conseil des Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au
commerce (ADPIC) n'ont pas toujours contribué à alléger le cadre juridique
multilatéral, d'où le développement croissant d'accords bilatéraux. Mais les
blocages des négociations entre les deux blocs géographiques émanent également
du Sud, notamment de la part de grands pays à revenus intermédiaires, comme le
Brésil, dont les positions sur ce sujet ne font pas toujours l'unanimité au sein
des pays en développement.
Les brevets constituent-ils un frein à l'innovation ?
Economie et Management
Frédéric Larchevêque
La privatisation des savoirs est maintenant un phénomène reconnu. Ce processus
génère des investissements risqués, dont le coût croît avec le temps, et
nécessite un renforcement du droit de la propriété intellectuelle.
L'augmentation des coûts de transaction et la parcellisation des connaissances
créent d'importantes barrières à l'innovation. La course au brevet peut, en
outre, selon l'auteur, provoquer un gaspillage de ressources. Comment, dans un
tel contexte, stimuler la création ? L'intervention publique, via la régulation
de l'octroi des brevets, peut contribuer à abaisser les barrières à
l'innovation. De même, l'incitation à la mutualisation des connaissances ("
science ouverte ") permettrait de créer un domaine partagé des informations dans
lequel chacun pourrait puiser librement, sans coûts. Mais ce processus n'est pas
sans risques puisque, comme le rappelle l'auteur, il peut contribuer à favoriser
la cartellisation de secteurs entiers...
EGALEMENT DANS CE NUMERO
COMMERCE INTERNATIONAL
Panorama mondial des politiques commerciales
La Lettre du CEPII
David Laborde
Les Etats ont recours, dans le cadre de l'application des politiques
commerciales, à une grande diversité d'outils qui vont du simple droit de douane
aux normes techniques et sanitaires les plus complexes. Le Centre d'études
prospectives et d'informations internationales (CEPII) et le Centre de commerce
international de Genève (CCI) ont mis au point une base de données qui fournit
des informations précieuses sur les différentes méthodes utilisées en la matière
par 170 pays dans le monde. Ces données permettent d'une part d'éclairer les
intérêts des différents acteurs et d'autre part de mieux comprendre les
positions que chacun d'entre eux défend dans les négociations commerciales
multilatérales.
ECONOMIES ETRANGERES
La montée des inégalités à Taiwan
Far Eastern Economic Review
Craig Meer et Jonathan Adams
Entre 1964 et 1980, l'économie taiwanaise, tirée par les exportations, a connu
de formidables années d'expansion qui ont permis une progression du niveau de
vie de pans entiers de la population de l'île. La situation a aujourd'hui
radicalement changé puisque l'on assiste à la montée des inégalités de revenus
et à une érosion rapide de la classe moyenne. La compétition économique imposée
par la mondialisation a en effet conduit de nombreuses entreprises de
main-d'œuvre à délocaliser leurs activités en Chine. Les flux d'investissements
directs à l'étranger (IDE) en provenance de l'ancienne Formose n'ont ainsi pas
cessé de croître au cours des dernières années. Dans ce contexte, seuls les plus
qualifiés sont parvenus à tirer leur épingle du jeu. L'Etat a pris conscience de
la dégradation du climat social mais ses moyens de réduire la montée des
inégalités de revenus restent relativement limités.
PROTECTION SOCIALE
Réformer l'assurance-maladie
Sociétal
François Ecalle
L'assurance-maladie constitue l'une des composantes majeures du système de
sécurité sociale mis en place en France à partir de 1945. Aujourd'hui, son bilan
apparaît largement positif, tant sur le plan sanitaire qu'en matière de cohésion
sociale. Pourtant, elle est aujourd'hui confrontée à une situation financière
difficile, comme l'a constaté récemment le Haut Conseil pour l'avenir de
l'assurance-maladie. La hausse continue des dépenses, supérieure ces dernières
années au taux de croissance du produit intérieur brut (PIB), a alimenté un
déficit récurrent. La dernière réforme, engagée en 2004, entend à la fois
changer les comportements des patients et des praticiens et améliorer la
gouvernance de l'assurance-maladie. Par ailleurs, elle vise à dégager des
recettes nouvelles, notamment via l'augmentation de la participation des malades
aux actes de santé. Mais ce " reste à charge " est actuellement sans rapport
avec leur capacité contributive, comme le souligne l'auteur qui propose de
limiter cette participation à un certain pourcentage du revenu.
No 2.934
7 novembre 2007
No spécial : Portraits d'économistes
LES GRANDS CLASSIQUES
L'héritage de Milton Friedman, un géant de la science économique
The Economist
Il y a un an disparaissait Milton Friedman, un géant de la science économique.
Né en 1912 à New York dans une famille pauvre d'immigrés hongrois, il a été
pendant 30 ans, de 1946 à 1976, professeur à l'université de Chicago, où il fut
le plus célèbre des chefs de file de la célèbre Ecole de Chicago. Il écrivit en
1963 avec Anna Schwartz, une monumentale histoire monétaire des Etats-Unis dans
laquelle il explique l'aggravation de la crise de 1929 par les erreurs de la
Réserve fédérale (Fed) qui mena une politique monétaire grossièrement
restrictive. Ses travaux en matière d'analyse monétaire et de politique de
stabilisation lui valent, en 1976, la récompense suprême avec l'attribution du
prix Nobel. Ardent défenseur du libéralisme, promoteur du monétarisme, ses
thèses forgeront, avec l'essoufflement de la pensée keynésienne, le contexte
intellectuel menant à la révolution conservatrice Reagan-Thatcher de 1979-1980.
En 1975, il se rendit au Chili où il rencontra brièvement Augusto Pinochet et
conseilla les " Chicago boys ". Ses thèses comme sa visite chilienne
controversée lui ont valu d'intenses critiques. Quoi qu'il en soit, nul doute
que son apport scientifique et son influence intellectuelle demeureront. Il
restera dans l'histoire comme l'économiste le plus influent de la fin du XXe
siècle, après les années de domination de la pensée de John Maynard Keynes.
Robert Mundell, un économiste en avance sur son temps
Finances et Développement
Laura Wallace
Robert Mundell a reçu le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en
mémoire d'Alfred Nobel (le " prix Nobel d'économie ") en 1999, l'année du
lancement de l'euro. Il est un des principaux pionniers de l'économie
internationale contemporaine, comme l'a rappelé le comité Nobel lors de la
remise du prix en évoquant ses travaux sur l'analyse des politiques monétaires
et budgétaires sous différents régimes de change. Passionné dès le début des
années 1960 par le système monétaire international, Mundell est un chercheur
particulièrement fécond et non conformiste qui a à la fois mené des recherches
théoriques et assuré des fonctions dans des organisations internationales. Sur
le plan scientifique, il a notamment jeté les fondements théoriques de l'Union
monétaire européenne. Il a toujours été un ardent partisan de l'euro dont il est
considéré comme le parrain. S'il ne tenait qu'à lui, le monde entier serait une
vaste zone monétaire optimale dotée d'une monnaie unique. Ses travaux plus
récents consistent à trouver un moyen de stopper l'inflation tout en évitant de
provoquer la crise. Amoureux de l'Italie et de l'opéra, il est également fasciné
par la Chine.
James Tobin ou la critique radicale du néolibéralisme
Alternatives économiques
Gilles Dolaster
James Tobin, mort en 2002, a été marqué au cours de son enfance par la grande
dépression. Le souvenir de ces années noires explique la volonté qui a été la
sienne de mettre la réflexion théorique au service de la politique économique
afin de lutter contre la pauvreté par la croissance et le plein-emploi.
Profondément influencé par les théories de John Maynard Keynes, il est
aujourd'hui considéré comme un keynésien modéré. Sa principale contribution à la
science économique est son analyse des marchés financiers et leurs liens avec
les décisions des agents économiques en matière de consommation, d'emploi, de
production et de prix - des travaux pour lesquels il a reçu en 1981 le " prix
Nobel d'économie ". Tobin est connu du grand public pour sa proposition de
taxation des opérations de change. L'objectif de cette taxe est de " mettre du
sable dans les engrenages " afin de réduire la spéculation sur les places
financières. Cette taxe, dénoncée par d'autres économistes, dont Robert Mundell,
est devenue l'un des emblèmes du mouvement altermondialiste.
Maurice Allais, un économiste engagé
Revue d'histoire moderne et contemporaine
Olivier Dard
Maurice Allais, économiste et physicien de formation, est surtout connu pour ses
travaux économiques. Il est, jusqu'à ce jour, le seul Français titulaire du "
prix Nobel d'économie " - récompense qu'il a reçue en 1988 pour sa contribution
à la théorie des marchés et ses travaux sur l'utilisation efficace des
ressources. Si Maurice Allais est parfaitement représentatif de la tradition
française des ingénieurs économistes, il a également toujours été un citoyen
engagé, acteur du débat public. En apparence, cet engagement semble limité aux
entreprises publiques et aux questions portant sur la tarification de leurs
services. Mais au-delà de ces questions techniques, il n'a jamais hésité à
prendre position sur de nombreux sujets. En 1947, il participe à la réunion de
création de la très libérale Société du Mont Pèlerin. Militant européen et
anti-communiste convaincu, Maurice Allais souhaite avant tout préserver les
libertés politiques fondamentales et combattre tout système économique qui
risque de compromettre le maintien de ces libertés.
LES INCLASSABLES
Avec Steven Levitt, l'économie descend dans la rue
Le Monde 2
Entretien de Samuel Blumenfeld avec Steven Levitt
En 2005, le livre d'économie le plus lu aux Etats-Unis a été Freakonomics,
paru en France en 2006, que l'on pourrait traduire par " L'économie saugrenue ".
L'auteur de ce best-seller est un jeune professeur prodige de l'université de
Chicago, Steven Levitt, récipiendaire, en 2003, de la prestigieuse John Bates
Clark Medal qui récompense tous les deux ans un économiste de moins de quarante
ans. Si son ouvrage a intéressé un large public, c'est en raison du caractère
inhabituel - pour un chercheur en économie - des domaines sur lesquels travaille
Steven Levitt comme la drogue, l'avortement, la criminalité ou la prostitution.
Loin de tout discours moral, il s'efforce grâce à l'analyse microéconomique
d'éclairer ces faits de société.
Amartya Sen : l'économie est une science morale
Sciences Humaines
René-Eric Dagorn
Amartya Sen n'est pas un économiste comme les autres. Les travaux du " prix
Nobel d'économie " de 1998 s'inscrivent dans la grande tradition humaniste
d'économie de la justice. Sen a centré ses études sur les famines
contemporaines, les inégalités et les choix sociaux. Dans le domaine des études
empiriques, les applications de son approche théorique ont permis d'améliorer la
compréhension des mécanismes économiques qui sont à l'origine des famines. Il a
renouvelé l'approche de l'économie du développement et du bien-être. L'auteur
retrace le parcours de cet économiste indien afin de mieux comprendre de quelle
manière l'ensemble de son œuvre reste plus que jamais d'actualité.
LES PRATICIENS
Quelques questions au Maestro Greenspan
Die Zeit
Thomas Fischermann
Pendant vingt ans, Alan Greenspan a été à la tête de la Réserve fédérale (Fed)
et a guidé l'économie américaine avec succès à travers un certain nombre de
crises, dont le krach boursier d'octobre 1987, l'éclatement de la bulle Internet
ou les attentats du 11 septembre 2001. Aujourd'hui âgé de 81 ans et
officiellement à la retraite, il enchaîne les conférences, accumule les
collaborations en tant que conseiller spécial et publie des livres. La sortie de
ses mémoires, L'âge des turbulences, intervient cependant à un
moment délicat. L'économie américaine souffre des effets de la crise des prêts
hypothécaires à risques (subprime) et certains observateurs, dont Alan
Greenspan lui-même, évoquent même l'hypothèse d'une récession. La responsabilité
de l'ancien gouverneur de la Fed dans la crise est de plus en plus pointée du
doigt. En maintenant les taux d'intérêt trop bas trop longtemps, il aurait
favorisé la création d'une bulle immobilière à l'origine de l'effondrement des
marchés hypothécaires.
Hernando de Soto : le capitalisme, médecine des pauvres ?
Politique internationale
Entretien de Henri Lepage avec Hernando de Soto
Un des principes de base de l'économie politique classique est l'affirmation que
le capitalisme repose sur la propriété privée des moyens de production. Hernando
de Soto, économiste médiatique, fondateur de l'Institut pour la liberté et la
démocratie (ILD) - un think tank installé à Lima (Pérou) -, ancien
gouverneur de la Banque centrale du Pérou et auteur de deux ouvrages majeurs,
L'autre sentier - en référence aux guérilleros du Sentier lumineux au Pérou
qui ont essayé de l'assassiner - et Le Mystère du capital, parus en
espagnol, respectivement en 1986 et en 2000, part de ce principe en cherchant à
renouveler le rôle de la propriété dans le développement. La question centrale
de son analyse est celle de l'informalité dans les économies en développement.
L'immense majorité des populations des pays du Sud ne bénéficient en effet que
de droits flous, extra-légaux et contestables. L'absence de droits de propriété
clairement établis et garantis par les institutions juridiques constitue pour
ces populations un frein au travail et à l'investissement. Cette situation a, au
final, un coût considérable en termes de développement économique. L'approche de
Hernando de Soto, si elle comporte des insuffisances, notamment théoriques, a
néanmoins le mérite de présenter un certain intérêt pour comprendre ce qui reste
un enjeu fondamental du développement. Il a reçu en 2004 le prix Milton Friedman
pour le progrès des libertés, décerné par le Cato Institute.
LES PEDAGOGUES
Quand Daniel Cohen explique des ressorts de la croissance
Sciences Humaines
Entretien de Sylvain Allemand avec Daniel Cohen
Au début des années 1980, Daniel Cohen a séjourné aux Etats-Unis. Là-bas, il a
eu l'occasion de prendre la mesure de l'inventivité de la science économique
américaine et de découvrir de futurs grands noms de cette discipline, comme Paul
Krugman, Jeffrey Sachs, Rudiger Dornbusch ou Olivier Blanchard. A partir de
septembre 1981, il y travaillera aux côtés de Jeffrey Sachs - avec lequel il se
rendra en Bolivie - sur la définition d'un programme de lutte contre
l'hyperinflation ainsi que sur l'endettement des pays en développement. Daniel
Cohen, membre du Conseil d'analyse économique (CAE), mène aujourd'hui de front
des activités d'enseignement (ENS), de recherche (CEPREMAP) et de consultant
auprès d'organisations internationales. Mathématicien de formation, il s'efforce
dans ses travaux de combiner les outils de la microéconomie avec l'apport des
autres sciences sociales. C'est avec un ouvrage paru à la fin des années 1990,
Richesse du monde, pauvreté des nations, qu'il se fait connaître
au-delà du cercle des économistes.
Paul Krugman : un économiste militant
Finances et Développement
Arvind Subramanian
Paul Krugman, qui s'est vu décerner en 1991 la prestigieuse John Bates Clark
Medal, dont on a coutume de dire qu'elle est plus difficile à obtenir que le "
prix Nobel " annuel, a consacré ses travaux de recherche à l'étude du commerce
dans des conditions de rendements croissants et de concurrence imparfaite, puis
à l'étude d'une discipline quelque peu abandonnée, la géographie économique.
Après quelques années, Krugman l'économiste a laissé la place à Krugman le
journaliste. Tout en poursuivant ses tâches professorales à l'université de
Princeton, il s'est fait connaître en effet du grand public, dans les années
2000, grâce à ses célèbres chroniques politiques publiées dans le New York
Times. A travers cette tribune, la plus prestigieuse qui soit parmi les
grands médias américains, il s'est mué en commentateur politique impitoyable, ce
qui lui a valu au passage de nombreuses attaques personnelles et
professionnelles. Mais si cette activité a fait passer ses travaux académiques
au second plan, elle lui a permis d'assouvir une autre de ses vocations, celle
d'expliquer l'économie au grand public.
Joseph Stiglitz : un rebelle de la pensée économique ?
Management Today
Entretien de Stefan Stern avec Joseph Stiglitz
Joseph Stiglitz, lauréat du " prix Nobel d'économie " en 2001, est devenu pour
le mouvement altermondialiste, au début des années 2000, une véritable icône. Il
n'est pas sûr pourtant que les opposants farouches à la mondialisation aient
autant de choses en commun avec ce professeur brillant de l'université Columbia
(New York) qu'ils ne se l'imaginent. Après avoir servi Bill Clinton à la
Maison-Blanche, comme membre, puis président du Council of Economic Advisers
(Conseil économique placé auprès du Président des Etats-Unis), Stiglitz a
rejoint la Banque mondiale où il a occupé la fonction d'économiste en chef de
1997 à 2000. Il espérait, en acceptant ce poste, replacer la question du
développement au cœur du système économique global et pouvoir exprimer ses vues
- qui n'étaient pas nécessairement celles de la Banque -, notamment sur la
mondialisation. Il s'est alors rapidement rendu à l'évidence qu'il lui serait
difficile de travailler très longtemps au sein de cette institution. Dans La
Grande désillusion, publié en 2002 et devenu un best-seller international,
il a relaté cette expérience amère et s'est livré à un réquisitoire sévère des
institutions internationales de Washington. Si ce livre l'a fait connaître du
grand public et lui a attiré les louanges des altermondialistes, il lui a
également valu de nombreuses polémiques et les critiques sévères d'une partie
des économistes.
EN GUISE DE CONCLUSION
Qui seront les prix Nobel de demain ?
The Economist
En 1988, The Economist publiait un article sur les meilleurs jeunes
économistes du monde, des chercheurs trentenaires qui avaient déjà acquis à
l'époque une solide renommée dans la profession. La liste comportait les noms
suivants : Larry Summers, Jeffrey Sachs, Andrei Shleifer, Paul Krugman, Gregory
Mankiw, Sanford Grossman, Alberto Alesina et Jean Tirole. Dix ans plus tard, le
magazine britannique chercha à savoir ce que ces stars de la recherche
économique, toutes promises à un très bel avenir et figurant en bonne place
parmi les futurs nobélisables, étaient devenues. Seules deux d'entre elles
avaient poursuivi une activité de recherche fondamentale, les autres ayant
préféré prendre des responsabilités au sein d'organisations internationales, de
gouvernements ou se consacrer à l'écriture d'ouvrages de vulgarisation,
d'articles de presse ou de manuels universitaires. Dans cet article de 1998,
The Economist s'intéressa également à la relève, une nouvelle génération de
chercheurs qui, à l'orée du nouveau millénaire, explorait de nouveaux champs de
la science économique, utilisait des outils différents de recherche ou élaborait
de nouvelles théories. Une génération promise, elle aussi, un jour, aux plus
hautes distinctions. Près d'une décennie après la parution de cet article, le
temps a montré que certaines des intuitions de The Economist se sont
révélées exactes...
No
2.935
21 novembre 2007
DOSSIER : Le bilan de l'économie mondiale 2006/2007
Un pas de plus sur la voie du rééquilibrage de la croissance mondiale
Perspectives économiques de l'OCDE
OCDE
En 2006, les disparités conjoncturelles ont continué à s'atténuer entre les
grandes régions de l'Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE). Au premier trimestre 2007, les différentiels de taux de croissance et
les écarts entre les taux de chômage étaient les plus faibles depuis plus de dix
ans pour les sept principales économies de la zone. Le ralentissement de
l'économie américaine, les meilleures performances de la zone euro, dont la
croissance a dépassé (en glissement annuel) celle des Etats-Unis à la fin de
2006, et du Japon expliquent cette évolution. Les grands pays émergents (Chine,
Inde, Russie, etc.) ont continué de soutenir l'activité économique mondiale. Les
prix du pétrole sont repartis à la hausse, tandis que le recyclage des
pétrodollars s'est intensifié. Les déséquilibres mondiaux - même si le déficit
de la balance courante américaine est repassé sous la barre des 6 % du PIB à la
fin de 2006 - sont restés, quant à eux, très marqués. Les turbulences
financières observées depuis l'été 2007 accroissent désormais l'incertitude
concernant la trajectoire que va suivre l'économie mondiale. L'hypothèse que les
Etats-Unis basculent dans la récession ne peut ainsi être totalement écartée.
Marchés financiers : un goût pour le risque de plus en plus prononcé
Rapport annuel
Banque des règlements internationaux
Les prix des actifs à risque ont, au cours de la majeure partie de l'année 2006
et au début de 2007 - hormis deux corrections passagères -, continué à
augmenter. Nombre d'indices boursiers ont ainsi enregistré des records
historiques. Les perspectives économiques moins favorables aux Etats-Unis et les
effets des hausses des taux antérieurs ont provoqué toutefois chez les
investisseurs certaines interrogations qui se sont ressenties, en particulier
aux Etats-Unis, dans l'évolution des rendements obligataires. Les marchés
d'actions dans les pays développés ont été confortés par la poursuite soutenue
de la progression des bénéfices des entreprises mais également par les
modifications survenues dans le capital des sociétés (augmentation des rachats
d'actions, intensification des fusions-acquisitions). Dans les économies
émergentes, la progression des cours des actions s'est effectuée dans un
contexte macroéconomique en général favorable. Les investisseurs mondiaux ont
montré un goût de plus en plus affirmé pour le risque.
Hausse de l'euro et des matières premières
Rapport annuel de la Banque de France
Christian Noyer
En 2006, l'euro s'est apprécié face au dollar (11,4 %) et au yen (12,5 %), mais
s'est déprécié face à la livre sterling (- 2 %). Au Japon, la hausse des taux
directeurs n'a pas profité au yen qui a continué à baisser, notamment en raison
des opérations spéculatives sur écart de rendement (carry trade), qui
consistent pour les investisseurs à profiter des faibles taux d'intérêt pour
s'endetter en yen et financer des investissements dans d'autres monnaies. Les
cours du pétrole ont encore augmenté en 2006, avec une progression de près de 20
% par rapport à l'année précédente. Quant à la politique monétaire de
l'Eurosystème, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne a
décidé à cinq reprises en 2006 de relever les taux directeurs de 25 points de
base.
Augmentation généralisée de l'investissement direct à l'étranger
World Investment Report 2007
CNUCED
D'après l´examen annuel des tendances de l´investissement, effectué par la
Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), les
entrées mondiales d´investissement direct à l'étranger (IDE) ont augmenté en
2006 de plus de 38 % pour s´établir à 1 306 milliards de dollars, soit un
chiffre proche du record atteint en 2000. Comme l´indique le Rapport sur
l´investissement dans le monde, la croissance de l´IDE a atteint en 2006 un taux
inégalé depuis 2000 et a bénéficié aux trois groupes de pays suivants : les pays
développés, les pays en développement et les pays en transition de l´Europe du
Sud-Est et de la Communauté des Etats indépendants (CEI). Si la plupart des
grandes sociétés transnationales (STN) sont toujours européennes, japonaises ou
américaines, une des évolutions les plus remarquables de ces dernières années
est le nombre croissant de sociétés de pays en développement qui intègrent la
liste des 100 premières STN mondiales.
La croissance de l'emploi s'est accélérée dans les pays de l'OCDE
Perspectives de l'emploi
OCDE
En 2006, l'emploi a sensiblement progressé dans l'ensemble des pays de
l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Sa
croissance s'est, plus particulièrement dans les pays européens, accélérée (1,6
% en 2006 contre 1,1 % en 2005). Aux Etats-Unis, le ralentissement de l'activité
n'a pas eu d'incidence sur le marché du travail. La croissance de la population
active ayant été plus faible que celle de l'emploi, le taux de chômage a baissé,
entre 2005 et 2006, de 0,6 point de pourcentage, dans la plupart des pays de la
zone. Cette diminution n'a toutefois pas provoqué de fortes pressions à la
hausse des rémunérations réelles. En effet, si la rémunération réelle moyenne
par salarié a augmenté, cette hausse reste nettement inférieure à la croissance
globale de la productivité du travail.
Objectifs du Millénaire pour le développement : des progrès inégaux
Objectifs du Millénaire pour le développement - Rapport 2007
Nations unies
La Déclaration du Millénaire, ratifiée en 2000 par 147 des 189 États membres de
l'Organisation des Nations unies (ONU), énumère les huit objectifs du Millénaire
pour le développement (OMD) à atteindre, d'ici 2015, afin de réduire de moitié
la proportion de la population mondiale dont le revenu est inférieur à un dollar
par jour. Les progrès accomplis concernant quatre des OMD - éliminer l'extrême
pauvreté et la faim ; assurer l'éducation primaire pour tous ; combattre le VIH,
le paludisme et d'autres maladies ; assurer un environnement durable - sont, à
mi-parcours, très inégaux. Des avancées considérables ont été constatées en
matière d'éducation. Le taux de scolarisation primaire est en effet passé de 80
% en 1991 à 88 % en 2005. En revanche, si la proportion de personnes vivant dans
des conditions d'extrême pauvreté est passée d'environ un tiers à moins d'un
cinquième de la population mondiale entre 1990 et 2004, 30 millions d'enfants
risquent de souffrir encore de la faim dans les régions d'Asie du Sud et
d'Afrique subsaharienne. Le nombre de personnes mourant du VIH dans le monde a
en outre augmenté pour atteindre 2,9 millions en 2006 et les mesures de
prévention ne parviennent pas à suivre le rythme de progression de l'épidémie.
En matière d'environnement, les progrès sont lents. La moitié de la population
mondiale vit sans hygiène de base et un tiers de la population urbaine habite
des logements insalubres.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ENTREPRISES
LBO : le management par la tyrannie du cash
Le Journal de l'École de Paris
Noël Goutard
Le LBO (leverage buy-out) désigne une opération de rachat
d'entreprises par emprunt. Cette technique consiste à acquérir une entreprise
avec un minimum de capital et un maximum de dettes (créant ainsi un effet de
levier important). Celle-ci est souvent mise en œuvre par un groupe de managers
d'une entreprise en difficulté, associé à des investisseurs externes qui
décident de prendre le contrôle de la société et d'en assurer la pérennité. Ces
opérations permettent aux acquéreurs (capital-investisseurs, personnes
physiques...) d'obtenir le contrôle d'une entreprise, tout en minimisant
l'apport de fonds propres. La technique du rachat avec effet de levier est
particulièrement bien adaptée aux problèmes de transmission patrimoniale et aux
problèmes de stabilité d'actionnariat. Le LBO, qui très souvent se traduit par
des restructurations et des licenciements, souffre néanmoins d'une mauvaise
réputation et reste perçu avant tout comme une opération de réduction des coûts.
La crise financière expliquée par Hyman Minsky
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Gerald Braunberger
Durant l'été 2007, la crise des titres de créances hypothécaires aux Etats-Unis
(subprimes) a fait chuter les bourses mondiales et notamment les titres
des établissements de crédit dont certains ont enregistré d'importantes pertes.
La crise a fait sortir de l'oubli le nom d'un économiste américain peu connu,
mort en 1996 à l'âge de 77 ans : Hyman P. Minsky. Influencé par les travaux de
Keynes et de Schumpeter, il a toujours privilégié une version pragmatique de
l'économie, en intégrant la dimension psychologique des acteurs aux modèles
économiques. Pendant la dernière partie de sa vie, il s'est surtout intéressé à
l'innovation financière et à ses répercussions et a développé une théorie de la
crise financière. Selon lui, les crises sont surtout le fait d'une exubérance et
d'une présomption de la part des acteurs financiers qui les poussent à inventer
sans cesse de nouveaux produits financiers masquant ainsi le caractère explosif
de la situation globale. Une fois la crise éclatée, les banques sont les
principales victimes et ne s'en sortent souvent que grâce à l'intervention de
l'Etat.
No
2.936
5 décembre 2007
DOSSIER : Quelle rémunération pour les dirigeants d'entreprises ?
La rémunération des dirigeants : le juste prix ?
Le nouvel Economiste
Jacques Secondi
La rémunération des dirigeants d'entreprise fait débat. De nombreuses polémiques
concernant le montant des salaires versés, ainsi que les indemnités de départ
ont jeté l'opprobre sur l'ensemble de la corporation. De plus en plus de grands
dirigeants de sociétés cotées sont amenés à justifier leurs avantages afin de ne
pas perdre la confiance de leurs actionnaires et celle de l'opinion publique.
Certes, grâce au travail des comités de rémunération, le salaire des patrons
n'est plus fixé par hasard. Mais néanmoins, le doute persiste, notamment pour
justifier les écarts entre les plus hauts salaires et la moyenne des
rémunérations de l'entreprise. La question à laquelle il faudrait répondre est
la suivante : qu'est-ce qu'on rémunère véritablement, la capacité à s'entourer
de personnes compétentes, à faire des arbitrages judicieux, à supporter la
responsabilité pénale, la rareté... ?
Fondements et pratiques de la rémunération des dirigeants en France
Les Notes du LIHRE
Christiane Alcouffe
La rémunération des dirigeants des grandes entreprises est une question centrale
des débats autour du " gouvernement d'entreprise ". Elle doit être replacée dans
le contexte de la séparation entre la propriété et la direction de l'entreprise.
Le salaire des dirigeants vise à minimiser la divergence d'intérêt entre ces
deux pôles de la société. En France, le conseil d'administration est seul
compétent pour décider de la rémunération du président et des autres membres de
la direction de l'entreprise. Dans cette tâche, il est assisté par un comité de
rémunération. Des doutes persistent cependant concernant l'indépendance de ces
mandataires. Ces derniers, ainsi que le groupe des dirigeants, sont caractérisés
par une grande homogénéité des formations et des parcours professionnels : plus
de 60 % des dirigeants d'entreprises sont passés par une ou plusieurs Grandes
écoles (X, HEC, ENA, etc.). Par ailleurs, si le salaire des dirigeants est le
résultat d'une véritable négociation prenant en compte de multiples critères, la
marge discrétionnaire des responsables d'entreprises en matière de rémunération
demeure toujours élevée.
La légitimité contestée des niveaux de rémunération : PDG versus
équipe dirigeante
Les Cahiers du CERGORS
Charles-Henri d'Arcimoles et Julien Le Maux
La légitimité économique du niveau de rémunération des dirigeants d'entreprise
est aujourd'hui de plus en plus contestée. Cette remise en question s'explique
par le montant atteint par les salaires des chefs d'entreprises, ainsi que par
la relative faiblesse des arguments justifiant de tels niveaux de rémunération.
Cette dernière fait l'objet, depuis de nombreuses années, d'études empiriques
qui cherchent à évaluer les arguments légitimant les montants versés. L'étude
présentée par les auteurs réfute l'hypothèse mise en avant par la majorité des
travaux qui supposent une relative homogénéité de statut au sein de l'équipe de
direction. Celui du président de la société est en effet particulier. Les
résultats de l'analyse montrent que les variables explicatives de sa
rémunération diffèrent de celles des autres dirigeants.
Propositions pour " bien " payer les dirigeants
Amicus Curiae - Institut Montaigne
Philippe Manière
A la suite de plusieurs affaires, voire de scandales, concernant un petit nombre
de PDG, la rémunération des patrons est désormais considérée comme tout à fait
disproportionnée et sans lien réel avec la performance de l'entreprise.
Cependant, il serait erroné d'imaginer que tous les dirigeants d'entreprises
sont extrêmement bien payés, ils ne sont même parfois pas les mieux rémunérés de
leur entreprise. Les pouvoirs publics sont de plus en plus tentés d'intervenir
dans ce domaine en légiférant. L'auteur formule deux recommandations pour une
réforme : clarifier le statut et les conditions d'éviction des mandataires
sociaux, aujourd'hui caractérisés par une certaine confusion qui explique la
majorité des dérives, et réviser le statut fiscal des stock-options afin de leur
donner un caractère plus méritocratique.
Les rémunérations des dirigeants : le débat américain
Rapport moral sur l'argent dans le monde
Boris Jeanne et Stéphane Paillaud
Aux Etats-Unis, la rémunération des dirigeants d'entreprise qui continuent
d'augmenter et de se diversifier, est censée refléter le niveau de risque
supporté ainsi que leur performance. Cependant, aujourd'hui, le lien entre le
montant de la rémunération des dirigeants et la performance de la société est
parfois sans rapport. Le niveau de ces rémunérations est devenu une question
significative du point de vue microéconomique et macroéconomique. La
rémunération des dirigeants pèse parfois lourdement sur les résultats des
entreprises. En dépit de cette situation, les disparités de revenus qui
découlent de l'inflation des salaires des patrons restent généralement bien
acceptées parce que leur réussite répond parfaitement au modèle social incarné
par l'American dream (" le rêve américain " de l'ascenseur social) et que
les patrons qui ont fait fortune perpétuent la tradition philanthropique
américaine. L'histoire récente est néanmoins riche de dérives - allant de la
manipulation des indicateurs à la gestion comptable " agressive " des résultats,
en passant par l'attribution rétroactive de stock-options - qui font douter de
plus en plus les médias comme l'opinion publique du bien fondé du niveau de
rémunération atteint par certains patrons américains.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
MECENAT
Baby-boom du mécénat : qu'est-ce qui motive les entreprises ?
Rue Saint-Guillaume
Virginie Seghers
Le mécénat d'entreprise est un phénomène récent qui apparaît aux Etats-Unis dans
les années 1960 et en France dans les années 1970. Contrairement à une idée
largement répandue, la France est un des pays d'Europe où cette activité est la
plus développée. La loi d'août 2003, qui institue un dispositif juridique et
fiscal souple et incitatif, y a favorisé une véritable explosion des opérations
de mécénat d'entreprise. Les raisons poussant deux univers (qui, en France, au
mieux se méconnaissent, au pire s'ignorent - l'entreprise et les acteurs de la
société civile) à se rapprocher pour faire un bout de chemin ensemble sont,
comme le rappelle l'auteur, très diverses et souvent subtiles.
ECONOMIE DE LA DEFENSE
Externaliser la défense : la politique américaine
Sociologie du travail
Sami Makki
Le 2 octobre 2007, le PDG de la société de sécurité privée américaine Blackwater
a été entendu durant plusieurs heures par une commission du Congrès qui
enquêtait sur les graves exactions commises par ses mercenaires en Irak.
Comprendre un tel événement nécessite de revenir sur les évolutions profondes,
au cours des dernières années, du secteur de la défense aux Etats-Unis. La
rationalisation des budgets militaires, la libéralisation du secteur et
l'augmentation de l'insécurité sur la scène politique internationale ont
contribué à faire émerger des sociétés privées agissant pour la sécurité
nationale. Celles-ci ont progressivement pris en charge un nombre de plus en
plus important d'activités, ce qui a conduit ainsi à redéfinir le rôle de l'Etat
dans la défense. La multiplication des opérations d'externalisation et de
privatisation des fonctions de sécurité - en Irak, par exemple, 20 % des forces
américaines sont privées - ne sont pourtant pas sans danger, comme le montre
l'affaire Blackwater. Les procédures de recrutement très peu standardisées et
l'incertitude qui entoure les compétences et la moralité des agents (de ces
sociétés) qui agissent sur le terrain, inquiètent désormais l'armée de terre,
notamment.
CAPITALISME
Six ans après Enron, le nouveau visage des capitalismes
Esprit
Olivier Pastré
Le XXIe siècle s'est, avec l'affaire Enron, ouvert sur un des plus grands
scandales de l'histoire économique des Etats-Unis. La faillite de ce qui était
alors un des fleurons de l'économie américaine et qui s'est soldée par la
destruction de 4 000 milliards de dollars de valeur boursière dans le monde
a-t-elle eu des conséquences sur la gouvernance d'entreprise et sur l'évolution
des capitalismes nationaux ? L'auteur s'interrogeant sur ce qui a changé au
cours des six dernières années en matière de gouvernance mondiale retient
d'abord deux tendances de fond : la crise des instances de régulation
post-Bretton Woods et le basculement de l'équilibre mondial des pouvoirs
économiques des pays développés vers les grands pays émergents (Brésil, Russie,
Inde et Chine). Ces évolutions n'ont pas manqué d'avoir des conséquences sur la
gouvernance des entreprises qui structurent aujourd'hui la mondialisation. Quant
aux capitalismes nationaux, si les éléments de convergence ont vu leur poids
s'accroître, les disparités entre modèles et les spécificités nationales restent
importantes. Les réformes qu'imposent les dysfonctionnements récents de la
mondialisation nécessitent enfin d'engager rapidement une réflexion dans quatre
domaines essentiels : celle de la régulation, celles des normes internationales
et celles de la dynamique actionnariale et salariale.
No
2.937
19 décembre 2007
DOSSIER : 1997-2007, l'après-crise en Asie. Leçons et incertitudes.
Bref retour sur la crise asiatique
Accomex
Sandrine Rol
Il y a dix ans, une crise financière sans précédent frappait l'Asie. L'auteur
revient sur le déroulement de cette dernière en commençant son récit le 2
juillet 1997, date " officielle " de son déclenchement en Thaïlande, avec les
attaques contre le baht, la monnaie nationale. Elle montre à quel point cette
crise est surprenante notamment en raison de son ampleur - en quelques mois,
toute la région est touchée - et de ses caractéristiques - l'ensemble des
secteurs d'activité est affecté, particulièrement dans la sphère privée,
contrairement aux crises précédentes.
Les erreurs du Fonds monétaire international
Financial Times
Chris Giles
Avant le 2 juillet 1997, ni le Fonds monétaire international (FMI), qui louait
les efforts entrepris par les pays asiatiques pour mener à bien des politiques
macro-économiques rigoureuses, ni la très sérieuse agence de notation
internationale, Standard and Poor, qui avait jusque-là attribué une excellente
note à la dette de la plupart des pays de la région, n'avaient anticipé la crise
financière asiatique. De surcroît, lorsque cette dernière survint, les
recommandations habituelles du FMI - politique budgétaire rigoureuse et hausse
des taux d'intérêt - qui avaient fait leurs preuves au cours de la crise
financière mexicaine de 1995, se révélèrent inopérantes. Elles déclenchèrent
même un mouvement de panique général parmi ceux qui avaient investi dans la
région. L'auteur, à partir du cas indonésien - le pays fut contraint d'accepter,
le 15 janvier 1998, l'aide du FMI - s'interroge sur le rôle joué par ce dernier
dans l'aggravation de la crise.
L'Asie rayonne, mais il lui reste beaucoup à faire
Finances et Développement
David Burton et Allessandro Zanello
L'Asie a, au lendemain de la crise, renoué rapidement avec la croissance. Dès
1998, la production des pays les plus touchés redémarrait. Aujourd'hui, l'Asie
compte parmi les régions les plus performantes de l'économie mondiale. Le taux
de croissance moyen des pays émergents de la zone (c'est-à-dire l'Asie sans le
Japon, l'Australie et la Nouvelle-Zélande) s'élèverait en 2006 à 9 %. Le poids
croissant de la Chine et de l'Inde dans l'économie mondiale ouvre de nouveaux
horizons aux autres pays de la région. Mais les défis restent nombreux. Parmi
ceux-ci, la montée des inégalités qui met en danger la cohésion sociale au sein
des pays les plus pauvres et l'augmentation de la volatilité des mouvements de
capitaux, notamment des flux entrants que les bonnes performances en termes de "
fondamentaux " attirent. Cette volatilité inquiète les pouvoirs publics qui
pourraient y voir les prémices d'une éventuelle appréciation des monnaies
locales.
L'incertitude politique pèse sur la Thaïlande
Conjoncture
Alexandre Vincent
Le 2 juillet 1997, les attaques des spéculateurs contre le baht vont précipiter
la Thaïlande dans l'une des crises financières les plus graves de son histoire.
Celle-ci fera tâche d'huile et touchera rapidement l'ensemble de la région. A la
suite de divers plans de relance, l'économie va progressivement sortir du
marasme. La Thaïlande a ainsi affiché, au cours de la décennie écoulée, de
bonnes performances en dépit d'une croissance erratique. Les réformes
structurelles, qui auraient dû être lancées, ont toutefois été négligées, ce qui
n'a pas rassuré le monde des affaires. Le pays, victime d'un coup d'Etat en
septembre 2006, devra également montrer qu'il est capable de faire face à
l'incertitude politique.
Renforcer la solidarité financière dans la région
La Tribune
Laurent Chemineau
L'afflux de capitaux en Asie est bon signe. Il signifie que les excellentes
performances affichées par les économies de la région attirent les
investisseurs. Mais l'excès d'épargne, dont les trois quarts sont investis aux
Etats-Unis et le quart restant dans l'Union européenne, n'a guère de retombées
positives sur l'économie régionale. En outre, comme l'a montré la crise de 1997,
l'afflux rapide de capitaux fait courir le risque d'une appréciation réelle de
la monnaie et pourrait favoriser l'augmentation des prêts locaux hasardeux.
Renforcer la solidarité financière en Asie permettrait de réinvestir sur place
une partie des réserves de change de la région afin de constituer une source de
financement local stable.
Quel avenir pour l'intégration économique en Asie orientale ?
La Lettre du CEPII
Michel Fouquin
L'Asie orientale est, depuis plusieurs décennies, la région dont l'économie est
la plus dynamique au monde, mais la crise financière de 1997 a révélé certaines
faiblesses. Si la création de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est
(ASEAN), en 1968, a notamment permis une libéralisation commerciale progressive
des pays membres, la région souffre du développement insuffisant d'instruments
formels de coopération. L'auteur examine différents scénarios d'évolution du
processus d'intégration économique de la région et ses conséquences tant pour
les petits pays de la zone que pour les " géants " comme la Chine et l'Inde.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
FISCALITÉ
Justice et fiscalité : refonder la méthode pour permettre la réforme
Etudes
François Villeroy de Galhau
Le débat sur la fiscalité porte souvent sur le niveau de la charge fiscale.
Cependant, à côté du niveau global, l'analyse de sa répartition est tout aussi
essentielle. L'auteur appréhende ce débat autour de trois questions : y a-t-il
un bon niveau de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques ? Peut-on
bien répartir l'impôt pour mieux corriger les inégalités ? Comment peut-on
renouveler, dans les démocraties françaises et européennes, la méthode pour
mener à bien la réforme fiscale ?
FINANCE
Blanchiment, corruption... : les affaires marquantes en 2006
Rapport d'activité 2006
TRACFIN
Concernant les affaires de blanchiment, de corruption, etc., l'évolution
enregistrée en 2006 s'inscrit dans la tendance amorcée dès 2004 d'une croissance
modérée du nombre de déclarations de soupçon (en hausse de 3,63 % par rapport à
2005). Sur le plus long terme, l'augmentation demeure cependant remarquable :
depuis 2002, le nombre de déclarations de soupçon comme celui des transmissions
aux autorités judiciaires ont en effet progressé de 40 %. Les affaires
marquantes mettent en évidence la diversité des modes opératoires ainsi que la
criminalité sous-jacente à chaque cas. La plupart des affaires confortent
toutefois la distinction des trois phases reconnues au sein du processus de
blanchiment : le placement, l'empilage et l'intégration.
MIGRATIONS INTERNATIONALES
L'immigration qualifiée, remède miracle aux problèmes économiques européens ?
Reflets et perspectives de la vie économique
Frédéric Docquier et Hillel Rapoport
Depuis de nombreuses années, l'immigration fait, dans les pays développés,
l'objet de vifs débats. L'adoption à l'automne 2007, en France, du projet de loi
Hortefeux visant à encadrer l'immigration en a été une nouvelle illustration. La
question de l'immigration sélective, voie dans laquelle se sont engagés
désormais bon nombre de pays du Nord, y a été notamment au centre des
discussions, car elle est aujourd'hui devenue fondamentale pour l'Europe.
Peut-elle en effet résoudre certains des problèmes économiques structurels
majeurs auxquels les pays européens sont confrontés - comme le financement de
ses systèmes sociaux ou l'exode de cerveaux européens vers l'Amérique du Nord -
en favorisant l'accueil sur leur sol de migrants qualifiés ?
No
2.938
2 janvier 2008
DOSSIER : Le bonheur expliqué par les économistes
La croissance ne fait pas le bonheur : les économistes le savent-ils ?
Regards économiques
Isabelle Cassiers et Catherine Delain
En dépit d'une croissance économique continue, la " satisfaction de vie " des
Occidentaux stagne depuis 30 ans au moins. Les économistes qui ont inscrit cette
question sur leur agenda le savent parfaitement. Cette divergence entre la
progression des revenus et du produit intérieur brut (PIB) par habitant, d'une
part, et du bien-être, c'est-à-dire l'évaluation subjective de sa satisfaction
personnelle, d'autre part, s'explique par deux facteurs principaux. D'abord,
toute richesse est relative : au fil de la croissance économique, les
aspirations personnelles sont constamment relevées à la hausse. Ensuite, la
richesse n'est pas tout : le bien-être personnel dépend également de quantité de
facteurs plus ou moins éloignés de la croissance économique proprement dite
comme les risques de la vie quotidienne, les conditions de travail, le lien
social, la santé, l'environnement ou la qualité de la gouvernance.
Mesurer le bonheur : des indicateurs pertinents pour la France ?
Document de travail - Fondapol
Raphaël Wintrebert
Malgré les insuffisances que présente le produit intérieur brut (PIB) pour
mesurer le bien-être et l'existence d'indices alternatifs depuis plus de 25 ans,
sa remise en cause ne s'est toujours pas vraiment faite. La longévité de cet
indicateur s'explique par sa facilité d'utilisation et les possibilités qu'il
offre en termes de comparaison, mais aussi par la difficulté de trouver un
indicateur alternatif satisfaisant. Le premier problème est lié à la
quantification d'une notion par nature subjective, le deuxième tient à la
difficulté de trouver un accord sur les multiples éléments qui participent à
l'épanouissement individuel. Les indicateurs de bonheur qui ont été réalisés à
ce jour sont basés sur des données objectives (revenu, espérance de vie, etc.)
et subjectives (obtenues à l'aide d'enquêtes). Les classements ainsi établis
varient fortement en fonction des échelles et des critères retenus. Néanmoins,
on peut conclure que les individus sont nettement plus heureux dans les pays
plutôt riches, sécuritaires, libres, égaux et tolérants.
L'indicateur du bien-être économique : une application à la France
Revue française d'économie
Florence Jany-Catrice et Stephan Kampelmann
Parmi les nombreuses recherches qui visent à améliorer la mesure du bien-être à
partir d'une vision multicritère, les travaux de Lars Osberg et d'Andrew Sharpe
font figure de référence. Leur indicateur de bien-être économique (IBEE) n'avait
pas encore été appliqué à la France. Les auteurs ont souhaité combler cette
lacune et ont proposé, à partir de données originales, une estimation de
l'évolution du bien-être économique français sur plus de deux décennies (1980 à
2003). Les résultats ainsi obtenus montrent que la croissance n'est pas un cadre
satisfaisant pour conduire une réflexion pertinente sur l'évolution du bien-être
: l'IBEE français fait preuve d'une croissance beaucoup moins marquée que ne
l'indique celle du produit intérieur brut. Par ailleurs, les données présentées
pourraient également remettre en cause l'habitude statistique qui consiste à se
focaliser de façon excessive sur les moyennes, négligeant ainsi l'hétérogénéité
de la société.
L'économie du bonheur peut renouveler les politiques publiques
Document de travail - CEE
Lucie Davoine
L'économie du bonheur a dû faire face au scepticisme de bon nombre
d'économistes. Mais grâce à l'apport des sciences cognitives et de la
psychologie, ainsi qu'à des recherches empiriques novatrices, les arguments de
réponse à ce scepticisme sont désormais bien rodés. L'économie du bonheur montre
quelles sont les conditions et causes du bonheur que les politiques publiques
peuvent influencer et favoriser. Ainsi, les travaux récents de cette approche
pourraient se traduire par des recommandations politiques concrètes. Parfois
très éloignées ou même opposées à celles de l'économie traditionnelle (par
exemple en ce concerne la fiscalité, la politique monétaire ou la lutte contre
le chômage), ces recommandations peuvent conduire à un pluralisme d'idées qui
pourraient être défendues sur le terrain politique.
La décroissance peut-elle rendre heureux ?
Le Monde diplomatique
Serge Latouche
S'il est une opinion largement partagée par la plupart des responsables
politiques, c'est bien celle selon laquelle la croissance serait la solution aux
problèmes économiques contemporains. Mais la croissance peut aussi s'avérer être
un piège : même " durable " ou " soutenable ", elle est souvent destructrice
pour la nature et créatrice d'inégalités. Si on souhaite augmenter le niveau de
bien-être, ce serait donc davantage à la décroissance qu'il faudrait œuvrer :
privilégier la qualité et non la quantité, la coopération et non la compétition,
le lien social et non l'égoïsme.
Également dans ce numéro
Science économique
Économie de l'environnement ou économie écologique
Responsabilité et environnement - Annales des Mines
Franck-Dominique Vivien
À partir des années 1960, les économistes commencent à s'intéresser à la
question environnementale. Ils vont pour l'essentiel l'aborder en adoptant deux
postures épistémologiques : l'économie de l'environnement et l'économie
écologique. Pour la première, la crise de l'environnement n'est que transitoire
et l'environnement - considéré comme un objet économique encore imparfait - est
appelé à devenir un bien économique comme un autre. L'environnement doit donc
intégrer la logique économique. Pour la deuxième approche, la crise
environnementale est le signal qu'une limite a été franchie. Le monde est entré
dans une nouvelle ère de rareté qui frappe désormais le " capital naturel ".
Dans ce contexte, l'économie doit donc s'insérer au sein des régulations
écologiques. La logique économique doit s'incliner face à d'autres logiques qui
la dépassent.
Innovation
Google : une formidable machine à innover
Le Journal de l'École de Paris du management
Bernard Girard
Il y a dix ans, deux étudiants en mathématiques de l'université Stanford
(Californie, États-Unis) fondaient l'entreprise Google, un moteur de recherche
sur l'Internet désormais mondialement connu. Le nom de la firme est un
néologisme créé à partir du mot anglais " googol ", qui correspond au
nombre formé du chiffre 1 suivi de 100 zéros (1010). Il fait référence à la
capacité du moteur de recherche à référencer un important volume d'informations
disponibles sur le web. En dépit d'une très forte concurrence, celui-ci,
qui dispose du réseau de serveurs et du système de référencement les plus
importants au monde (respectivement plus de 450 000 machines réparties sur plus
de 25 sites et plus de 10 milliards de pages web), a maintenu, jusqu'à
présent, sa position de leader sur l'Internet. Google mise sur sa créativité
pour poursuivre son développement mais l'entreprise saura-t-elle répondre aux
exigences éthiques et juridiques qui pourraient à l'avenir constituer autant
d'obstacles à sa croissance ?
Finance
Microfinance et lutte contre la pauvreté : l'exemple efficace de l'Argentine
L'Économie politique
Juliette Renaud
Depuis l'attribution, en 2006, du prix Nobel de la paix à Muhammad Yunus et à sa
banque spécialisée dans le microcrédit, la microfinance est considérée comme un
outil privilégié de la lutte contre la pauvreté. L'auteur tente, à partir du cas
de l'institution de microfiance argentine, Avanzar por el desarrollo humano ("
Avancer grâce au développement humain "), d'évaluer l'impact microéconomique de
la microfinance sur l'évolution de la situation économique et sociale des plus
pauvres. Le bilan positif indique qu'une réduction de la vulnérabilité des
bénéficiaires est possible et que le cercle vicieux de la pauvreté peut ainsi
être rompu.
No
2.939
16 janvier 2008
DOSSIER : Les industries culturelles face aux défis de la gratuité
La gratuité va-t-elle tuer la culture ?
Le Nouvel Observateur
Entretien de Jacques Attali avec Denis Olivennes
L'accès gratuit aux œuvres culturelles via le téléchargement de musique, de
films, de livres sur l'Internet fait, depuis quelques années, l'objet d'intenses
débats. Pour les uns, ce phénomène, qui prive les artistes d'une juste
rémunération, constitue une terrible menace pour la création et la diversité
culturelles. Pour d'autres, la gratuité dans ce domaine n'est ni nouvelle, ni
dangereuse. L'Internet ne fait en quelque sorte que généraliser la radio et le
peer to peer (échange gratuit de fichiers) ne peut pas être assimilé à du
piratage. S'il y a bien un combat à mener, c'est contre le commerce illicite de
produits culturels. Jacques Attali, auteur d'un ouvrage récent consacré à
l'histoire des cinquante prochaines années, Une brève histoire de l'avenir,
et Denis Olivennes, qui vient de publier un essai intitulé La gratuité, c'est
le vol. Quand le piratage tue la culture, confrontent, ici, leurs points de
vue sur une question essentielle aujourd'hui pour le devenir de l'économie des
industries culturelles.
Quand les industriels du numérique pillent une industrie voisine
NetEco.com
Entretien de Jérôme Bouteiller avec Olivier Bomsel
Olivier Bomsel a récemment publié un ouvrage consacré au déploiement de
l'économie numérique. Afin de mieux comprendre le processus de développement de
ce secteur, il y analyse le rôle fondamental que joue la gratuité dans les
stratégies des industriels. Il montre notamment que le gratuit sert à conquérir
des masses d'utilisateurs qui vont devenir clients de services liés. Il revient
en particulier sur les mécanismes de création de richesse dans la société
moderne, sur les effets de réseau ou encore sur le modèle économique de Google
reposant sur la publicité.
La gratuité et ses ennemis
Le Débat
Daniel Cohen
Un livre, un CD, un DVD sont l'enveloppe physique qui oblige jusqu'à présent le
consommateur à individualiser sa commande. Il paie cette enveloppe physique pour
accéder à son contenu : l'œuvre. Le numérique, qui rend possible une
dématérialisation totale de ces biens, rend caduc le modèle économique des
industries culturelles car il bouleverse les principes de tarification des biens
produits dans ce secteur. Après avoir analysé les différents arguments
développés, notamment en faveur de la défense des industries culturelles par
Denis Olivennes et Olivier Bomsel dans leurs récents ouvrages (La gratuité,
c'est le vol et Gratuit !), l'auteur rappelle que chaque fois que ces
industries se sont crues menacées par le progrès technique (radio, magnétoscope,
etc.), elles se sont finalement adaptées, découvrant que ce qu'elles
considéraient comme des menaces devenaient vite des opportunités. Repenser leur
business model est donc devenu aujourd'hui une nécessité. L'auteur
préconise, en particulier, d'abandonner le paiement à l'acte, dont il estime
qu'il est désormais le pire des systèmes, au profit de toute solution qui
pourrait rapprocher d'un paiement forfaitaire.
Un spectre hante le capitalisme : la gratuité
CERNA - École des Mines de Paris
Pierre-Noël Giraud
Le développement très rapide, au cours des dernières années, des échanges
peer to peer (P2P) vient rappeler aux économistes que le don, abondamment
étudié par l'anthropologie, joue encore aujourd'hui dans les sociétés un rôle
fondamental. Les industries culturelles - les premières touchées par ce
phénomène qui conduit, selon elles, à un piratage massif des œuvres musicales et
cinématographiques - considèrent qu'il met gravement en péril la création
artistique. L'auteur estime, lui, que s'opposer aux libertés nouvelles offertes
par la technique est voué à l'échec. La création artistique ne serait, en outre,
pas réellement menacée, puisque ce que met en danger le P2P, c'est avant tout "
l'économie de la Sierra Madre " qui caractérise ces industries et se traduit par
une extrême concentration des gains. Le spectre de la gratuité qui hante
désormais les industries culturelles est un processus inéluctable qui devrait se
déployer dans un avenir plus ou moins proche à une beaucoup plus grande échelle.
Internet et l'échange gratuit : quelle place dans la société de l'information
?
MURS - Collège de France
Bernard Benhamou
L'Internet est devenu, en quelques années, le média qui a connu la plus forte
croissance de l'histoire des médias modernes. Aujourd'hui, il est un outil qui
occupe une place essentielle dans la vie quotidienne de milliards d'individus.
La particularité fondamentale de l'Internet, et qui explique qu'il ait connu un
développement et une évolution extrêmement rapides de ses usages et de ses
fonctions, est le principe de la neutralité. Ce dernier signifie que, d'un point
de vue technique, les supports permettant d'acheminer l'information, les
applications (web, e-mail, etc.) et les contenus sont strictement séparés. Grâce
à ce protocole technique, qui est l'essence même du Net, des échanges de toutes
natures se sont mis en place et des communautés de l'Internet se sont créées sur
la base de la notion d'échange gratuit. Ces communautés sont devenues l'ossature
de l'Internet, son épine dorsale. Penser que ce principe fondamental est
immuable serait cependant une erreur. Il peut, à tout moment, à des fins
politiques ou économiques, être remis en cause et modifié à la demande d'un
Etat, d'une société ou d'un groupe.
Comment développer et protéger les œuvres culturelles sur le Net
Rapport sur le développement et la protection des œuvres culturelles sur les
nouveaux réseaux
Mission Olivennes
En septembre 2007, la ministre de la Culture et de la Communication a confié au
PDG de la Fnac, Denis Olivennes, une " mission sur la lutte contre le
téléchargement illicite et pour le développement des offres légales d'œuvres
musicales, audiovisuelles et cinématographiques ". Les travaux de cette mission
ont été rendus publics le 23 novembre 2007. Le rapport débouche sur un accord
inédit entre les ayants droit de la musique et du cinéma et les fournisseurs
d'accès à l'Internet (FAI). La mission Olivennes a cherché à ménager la liberté
des consommateurs et le droit des créateurs. Dans l'ensemble des mesures
préconisées, la plus marquante est celle qu'ont accepté de mettre en œuvre les
FAI, jusqu'à présent réfractaires à tout dispositif répressif : ils ont convenu
de lutter plus efficacement contre les " petits " pirates par des sanctions
appropriées. En contrepartie, les ayants droit de la musique s'engagent à mettre
en ligne d'ici un an, pour le téléchargement, les chansons françaises sans
verrous numériques (Digital Rights Management, DRM). L'industrie du
cinéma devra, de son côté, réduire le temps d'attente avant la mise à
disposition d'un film sur l'Internet après sa sortie en salles. Un dispositif
législatif qui permettra une application rapide des mesures préconisées par la
mission Olivennes pourrait être présenté au premier trimestre 2008 afin d'être
adopté avant l'été.
La musique en ligne peut-elle imaginer une nouvelle relation ?
Esprit
Françoise Benhamou
À l'heure où le " marché du disque " traverse une très grave crise, un groupe de
chercheurs du ministère de la Culture a imaginé ce que pourrait être l'avenir du
secteur de la musique enregistrée. Ils ont élaboré cinq scénarios à partir de
différentes caractéristiques propres aux stratégies mises en œuvre par les
acteurs du secteur. Des modes de consommation distincts ont également été
associés à ces scénarios. Les conclusions de cette étude prospective dessinent
un paysage musical qui laisse peu d'avenir aux majors et sans doute un
peu plus aux labels positionnés sur des créneaux à forte puissance d'innovation.
Si cette étude offre une grille de lecture intéressante, elle semble néanmoins
insuffisante. Les scénarios sont ainsi avant tout ceux de la musique de
variétés. Quid du jazz, de la musique classique et savante ? Ces genres musicaux
devront certainement inventer d'autres modèles. Quant aux interrelations entre
la musique enregistrée et le spectacle, appelées elles aussi à évoluer, elles
sont dans cette étude quelque peu négligées.
Également dans ce numéro
FISCALITE
Le " choc " fiscal tiendra-t-il ses promesses ?
Lettre de l'OFCE
Eric Heyer, Mathieu Plane et Xavier Timbeau
Les principales mesures fiscales annoncées par Nicolas Sarkozy dans son
programme, lors de la campagne présidentielle, destinées à provoquer un choc
fiscal, ont, depuis son élection à la présidence de la République, été adoptées
par le Parlement. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)
revient sur ces mesures et tente d'en analyser et d'en évaluer les effets. Selon
les économistes de l'OFCE, les conséquences redistributives du paquet fiscal en
termes d'incitation à plus de productivité, d'innovation ou d'activités semblent
en réalité discutables. Si l'impact du paquet fiscal au niveau macroéconomique
est significatif, il devrait cependant être plus faible que prévu.
EDUCATION
Quelques propositions pour permettre aux Français de mieux comprendre
l'économie
Idées
Codice
Le Conseil pour la diffusion de la culture économique (Codice), mis en place le
4 septembre 2006 par Thierry Breton, alors ministre de l'Economie et des
Finances, a rendu son rapport le 14 mars 2007. Les auteurs du rapport souhaitent
réconcilier les Français avec l'économie et leur montrer que cette dernière, en
tant que secteur, mais également comme discipline, ne peut être dissociée ni du
social, ni de l'entreprise. Pour cela, ils ont formulé un certain nombre de
préconisations qui visent à améliorer la formation économique des acteurs et
médiateurs de la vie économique, ainsi que des futurs cadres de la fonction
publique, à ouvrir les entreprises au monde éducatif et à développer des stages
de formation économique au sein des entreprises. Au-delà de ces propositions, le
rapport souligne également la nécessité de promouvoir au plan politique un
discours économiquement responsable.
No
2.940
30 janvier 2008
DOSSIER :
Les nouveaux visages de l'intelligence économique
Quand l'information devient stratégique
Hermès
Christophe Blanc, Éric Delbecque et Thomas Ollivier
La mondialisation de l'économie s'est accompagnée d'une intensification de la
concurrence qui confère désormais à la connaissance et à l'information une
dimension stratégique. L'entreprise doit, si elle veut faire face à un
environnement de plus en plus complexe, développer une politique d'intelligence
économique. Celle-ci peut être passive si elle consiste à mettre en œuvre des
opérations de veille ou de sécurisation de son patrimoine informationnel, ou
active si la firme décide d'adopter une stratégie d'influence comme le lobbying.
Entre IE, guerre et patriotisme économiques : la frontière est floue...
Document de travail du CEREM
Francis Beau
Depuis le rapport Martre, publié en 1994 par l'ancien Commissariat général du
Plan, puis celui du député Carayon en 2003, l'intelligence économique (IE),
jusque-là principalement utilisée dans le domaine politique, a pénétré le monde
de l'entreprise. Le concept reste toutefois délicat à définir. La confusion
entre IE, guerre et patriotisme économiques - c'est-à-dire aussi bien entre
renseignement et veille qu'entre protectionnisme et souveraineté - est, selon
l'auteur, encore très fréquente et ne permet pas d'apprécier l'intelligence
économique à sa juste valeur, autrement dit comme un instrument indispensable à
la compétitivité.
Les Etats-Unis et le Japon : champions de l'intelligence économique
Arès
Jacques Fontanel et Liliane Bensahel
Si les pays anglo-saxons et le Japon sont leaders dans les domaines de la veille
technologique, de l'espionnage économique et de la " contre-intelligence ", la
France, elle, accuse encore un certain retard qui est essentiellement dû, selon
les auteurs, à un blocage culturel à l'égard de l'activité du " renseignement ",
longtemps réduite dans ce pays à sa dimension militaire. La France a toutefois
accompli des progrès depuis la création au sein du ministère de l'Economie et
des Finances, en 2004, de la Délégation générale pour l'intelligence économique.
" Guerre de l'information " : doit-on avoir peur de la Chine ?
Risques et management international
Damien Bruté de Rémur et Hong Jian Wen
Il y a plus de trente ans de cela, en 1973, Alain Peyrefitte tentait, à travers
un ouvrage consacré à la Chine, toujours célèbre, Quand la Chine s'éveillera,
le monde entier tremblera (Editions Fayard), d'alerter les citoyens du monde
occidental sur les menaces que représentait déjà, à l'époque, selon lui,
l'Empire du milieu. Depuis, l'économie chinoise a connu un formidable essor,
notamment dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la
communication. Mais si les dirigeants chinois ont effectivement compris que
l'information était désormais la pierre angulaire de la compétitivité, ils n'ont
pas pour autant intégré toutes les règles du marché qui nécessitent en
particulier de protéger ses activités par les lois de la propriété
intellectuelle. En outre, la principale méthode d'acquisition de l'information
est aujourd'hui quelque peu désuète puisqu'elle consiste encore à débaucher des
salariés chez les concurrents pour s'approprier leurs connaissances...
Quand la société civile s'empare de l'intelligence économique
Accomex
Ludovic François
Alors qu'on croyait l'intelligence économique (IE) réservée exclusivement aux
luttes entre Etats et entre entreprises, les différends entre la société civile
et certaines firmes font l'objet d'une utilisation de l'IE par les citoyens
(ONG, associations, etc.). Ces " conflits cognitifs " portent généralement sur
des préoccupations citoyennes, comme le travail des enfants, la vivisection, les
sweatshops (ateliers réputés pour exploiter les travailleurs), etc., et
sont initiés par des groupes d'activistes qui s'attaquent à la réputation des
entreprises concernées. Aussi, le lobbying et l'influence sont-ils devenus des
instruments privilégiés d'action pour ces groupes. Ces derniers ont récemment
démontré leur efficacité contre les entreprises Gap, Nike, Carrefour ou L'Oréal.
Également dans ce numéro
FINANCE
Les capitales financières : la place de Francfort et ses perspectives
Revue d'économie financière
Hans-Helmut Kotz et Reinhard H. Schmidt
L'introduction de la monnaie unique et l'harmonisation de la réglementation
financière en Europe ont nettement réduit les coûts de transaction sur les
marchés financiers européens. Elles devraient également pousser à la
concentration des places financières - au moins si on raisonne par analogie avec
le cadre national. L'histoire de la place de Francfort en tant que centre
financier est, à cet égard, particulièrement intéressante car cette ville a
perdu, puis reconquis sa prééminence en tant que centre financier en Allemagne.
L'Europe, quant à elle, demeure caractérisée par l'existence de plusieurs poches
locales d'investissements et par une certaine demande de diversité, ce qui
plaide en faveur de la coexistence d'un certain nombre de centres financiers de
dimension internationale, comme Francfort, Paris et Londres.
ECONOMIE SOUTERRAINE
Cocaïne : la conquête de l'Europe
Questions d'Europe - Fondation Robert Schuman
Xavier Raufer, Dominique Lebleux et Stéphane Quéré
Le marché de la cocaïne est en plein essor en Europe, puisque ce produit y est
désormais la deuxième drogue la plus consommée. C'est en Italie que sa percée
est la plus spectaculaire, ce pays devenant le premier consommateur de cocaïne
de l'Union européenne (UE). L'échec relatif de la " guerre contre la drogue ",
en particulier en Amérique latine, et la " démocratisation " de la consommation
de cocaïne expliquent en partie l'augmentation du trafic. L'Europe est
dorénavant le deuxième marché visé par les narcotrafiquants après les
Etats-Unis. Le renforcement de la politique de lutte contre le crime organisé et
le trafic de stupéfiants par l'UE est aujourd'hui urgent.
SCIENCES ECONOMIQUES
Le MIT, capitale mondiale de l'économie
Sciences Humaines
Xavier de la Vega
Le Massachusetts Institute of Technology (MIT), situé à Cambridge dans la
banlieue de Boston, abrite un des départements d'économie les plus prestigieux
au monde. Celui-ci exerce en effet depuis des décennies un extraordinaire
leadership en matière de recherche fondamentale dans cette discipline. Le MIT
peut ainsi s'enorgueillir d'avoir accueilli en son sein pas moins de 14
économistes récompensés, depuis 1969, par le prix Nobel sur un total de 38.
Cette influence formidable en matière de pensée économique s'est, en outre,
doublée, au fil du temps, d'une capacité extraordinaire à contrer les diverses
tentatives de contestation de son leadership intellectuel menées par les
économistes d'institutions rivales, comme un temps, ceux de l'université de
Cambridge au Royaume-Uni ou de la Commission économique pour l'Amérique latine
(Cepal).
No
2.941 Index 2007
No
2.941
13 février 2008
DOSSIER :
Exportations : comment améliorer
la performance française ?
Les tendances récentes du commerce extérieur français
Rapport d'information du Senat
Les chiffres du commerce extérieur français se dégradent depuis plusieurs
années. Longtemps excédentaire, le solde des transactions courantes devient
déficitaire en 2005 - un déséquilibre qui s'est encore amplifié l'année
suivante. Celui-ci a entraîné une baisse du taux de croissance d'un demi-point
en 2006. Cette tendance est surtout le résultat d'une hausse plus forte des
importations par rapport à celle des exportations de biens. La bonne tenue des
échanges extérieurs de services permet de limiter le déficit des transactions
courantes. Cette récente dégradation du commerce extérieur français, malgré un
environnement international relativement favorable, est d'abord le résultat de
plusieurs chocs extérieurs : hausse des produits énergétiques, appréciation de
l'euro et renforcement de la compétitivité de l'Allemagne. Cependant, les
performances de la France en matière d'exportations ont été, dès 2003,
inférieures à la moyenne de l'ensemble des pays de la zone euro.
Eléments d'explication du recul des performances françaises à l'exportation
Document de travail - Coe-Rexecode
Den² is Ferrand et Valérie Perracino
Le décrochage du commerce extérieur français peut - au-delà des effets de la
conjoncture - s'expliquer également par un certain nombre de facteurs
structurels. De nombreux rapports et travaux ont été consacrés à cette question,
sans pour autant lever tous les doutes sur la ou les causes précises du mal.
Néanmoins, trois types de facteurs se dégagent assez nettement de l'analyse : la
spécialisation sectorielle des exportations françaises, le problème des coûts de
production et, enfin, des facteurs plus microéconomiques, liés notamment à la
taille des entreprises et à leur fonctionnement interne. Les auteurs mettent
surtout en avant les deux dernières explications. Ainsi, la compétitivité hors
prix des entreprises françaises étant trop faible, elles pâtissent davantage des
chocs de change et ont une aptitude plus faible à tirer profit du dynamisme de
la demande mondiale. Ce dernier élément est également lié à la taille plus
réduite des PME françaises, ainsi qu'au nombre insuffisant de PME innovantes.
Le commerce extérieur français revisité : retour sur la spécialisation
sectorielle
Lettre de l'OFCE
Guillaume Daudin, Paola Monperrus-Veroni, Christine Rifflart et Danielle
Schweisguth
Afin de s'expliquer la mauvaise performance de la France en matière
d'exportations, de nombreuses analyses récentes rejettent les causes tenant aux
différences de spécialisations géographique et sectorielle entre la France et
ses voisins européens, notamment l'Allemagne, et mettent en avant des éléments
plus microéconomiques. Cependant, faire porter le débat sur ces aspects est sans
doute insuffisant comme cherchent à le montrer ici les auteurs. Ils attirent
l'attention sur les changements intervenus dans le commerce mondial, notamment
la nouvelle division internationale du travail et le redéploiement des segments
de production à l'échelle internationale. Ces évolutions obligent, selon eux, à
compléter l'analyse traditionnelle, basée sur les valeurs des échanges, par une
approche prenant en compte les flux de valeur ajoutée. Ce nouvel examen confirme
que la France et l'Allemagne disposent d'une orientation géographique du
commerce très similaire, mais révèle d'importantes différences du point de vue
sectoriel.
Le club très select des firmes exportatrices
La Lettre du CEPII
Matthieu Crozet et Thierry Mayer
La mondialisation semble aujourd'hui être partout : de plus en plus de pays
s'ouvrent aux échanges et exposent un nombre croissant de secteurs à la
concurrence internationale. Cependant, l'ouverture au commerce n'est pas
suffisante pour participer aux échanges, car les entreprises ne sont pas toutes
égales face à la mondialisation. Elles diffèrent en ce qui concerne les coûts
variables (transport, douane) et les coûts fixes (liés à la promotion, à la
chaîne logistique et à la mise aux normes étrangères). Ces barrières informelles
ont pour conséquence de limiter la participation au commerce international à un
petit nombre d'entreprises : en France celles-ci représentent moins de 5 % au
total. Par ailleurs, ces entreprises se distinguent significativement des
entreprises non exportatrices : elles sont plus grandes, plus riches en emplois
et plus productives. L'amélioration des performances françaises en matière
d'exportations passe ainsi par l'accroissement du nombre d'entreprises
exportatrices.
Également dans ce numéro
SCIENCE ECONOMIQUE
Y a-t-il des lois en économie ?
Economies et Sociétés
Arnaud Berthoud
L'existence de lois en économie est une question qui continue de se poser. En
réalité, il s'agit, dans ce débat, davantage de s'interroger sur la forme que
prennent ces lois plutôt que sur leur existence à proprement parler. Pour
l'auteur, qui revient sur cette question, l'enjeu est ainsi de savoir notamment
quel sens est donné à la notion de " loi ", comprise comme le rapport entre deux
variables au moins. De même, faut-il s'interroger sur l'existence ou l'absence
de causalité. De la même manière, on peut se demander si ces lois s'inscrivent
dans un cadre normatif (théorique) ou, au contraire, positif (s'inspirant de la
réalité) ou si elles s'inspirent de l'histoire. Enfin, il est indispensable de
chercher à savoir à quel niveau la loi s'applique (macro ou micro).
NOUVELLES TECHNOLOGIES
L'invasion des téléphones mobiles
Futuribles
Gérard Blanc
Le téléphone mobile fait désormais partie de notre quotidien : trois milliards
de personnes dans le monde en possèdent un et ce nombre devrait doubler d'ici
2010. Afin d'attirer de nouveaux acheteurs et d'inciter les propriétaires de
téléphone mobile au renouvellement de leur appareil, les industriels sont en
quête de nouvelles fonctionnalités. Si la voix demeure le moyen de communication
préféré des utilisateurs, la troisième génération de téléphone mobile qui offre
la possibilité d'envoyer du courrier électronique et des images, ainsi que la
quatrième qui permet de recevoir la télévision sont en train de gagner du
terrain chez les utilisateurs.
ECONOMIES ETRANGERES
Turquie : anatomie du nouveau régime de croissance
Conjoncture - BNP Paribas
François Faure
L'économie turque connaît, depuis 2002, une période de croissance à la fois
soutenue et durable. Ces performances remarquables ont séduit les investisseurs
étrangers qui affluent dans le pays. L'évolution favorable de l'économie
s'explique par le rétablissement partiel des grands équilibres macroéconomiques,
mais surtout par les transformations structurelles mises en œuvre comme la
diversification et le renforcement de la base industrielle, une meilleure
compétitivité, des entrées importantes d'investissements directs étrangers (IDE)
et des progrès dans les réformes en faveur de la libre entreprise. En dépit de
ces nombreux succès, la Turquie conserve un certain nombre de faiblesses comme
le déséquilibre structurel des comptes extérieurs ou se découvre des
vulnérabilités potentielles qui ne doivent pas être ignorées comme la croissance
débridée du crédit à la consommation et les risques liés aux investissements de
portefeuille des non-résidents.
No 2.942
27 février 2008
DOSSIER :
Entreprise et risques
La notion de risque dans les entreprises aujourd'hui
Regards croisés sur l'entreprise - IGPDE
Pierre-Charles Pradier
Le risque, inhérent à l'activité économique et notamment à la notion de profit,
est depuis longtemps un objet d'analyse de la théorie économique. Les
économistes distinguent deux grandes classes de risques : les risques simples,
aléatoires et les risques d'interaction. Si cette typologie semble limitée, dans
la mesure où le classement d'un risque n'est pas toujours aisé, elle demeure
néanmoins fondamentale pour l'appréhension théorique des risques. L'économiste
américain Franck Knight a, quant à lui, établi une distinction devenue
aujourd'hui classique entre le risque probabilisable, et de fait assurable, et
le risque d'entreprise ou " incertitude ", et donc non assurable. Le profit
correspond dès lors à la rémunération du risque pris à l'occasion de l'activité
économique.
Dirigeants d'entreprise : les risques du métier
Risques
Muriel Fontugne
Les risques de mise en cause ou de condamnation d'un dirigeant d'entreprise ne
cessent, ces dernières années, d'augmenter. Toutes les personnes physiques ou
morales qui estiment avoir subi un préjudice, à la suite d'une faute de gestion
d'un dirigeant, peuvent exercer une action en responsabilité civile contre ce
dernier. De nombreux facteurs comme la réglementation croissante de
l'environnement économique et social, l'accès plus facile aux sources
d'information, la judiciarisation croissante de la vie des affaires, etc.
expliquent cette évolution. L'assurance constitue dans ce contexte une
protection financière indispensable pour les dirigeants d'entreprise.
Un risque à l'international multiforme
Accomex
Jacques Hogard
Si le risque est inhérent à l'activité entrepreneuriale, celui-ci s'accroît dès
lors que l'entreprise décide de développer son activité à l'étranger. Dans un
monde globalisé, en perpétuel, mutation, le risque à l'international, que l'on
considère habituellement comme un " grand risque classique ", se complexifie et
oblige les entreprises à chercher de nouvelles méthodes de prévention. Les
sociétés d'intelligence économique et de renseignement, qui fournissent des
informations sur l'environnement économique d'un pays ou d'une région du monde
apparaissent alors comme un moyen de réduire l'incertitude, condition nécessaire
au développement international d'une entreprise.
Coface : profession, évaluer les risques
Le Monde Économie
Adrien de Tricornot
L'évolution de l'économie mondiale a des répercussions positives ou négatives
sur l'environnement des entreprises. Ces risques sont, pour les entreprises,
difficilement maîtrisables. En France, la Compagnie française d'assurance pour
le commerce extérieur (Coface) évalue, au début de chaque année, les risques
financiers dans le monde. Pour 2008, en dépit de la crise financière qui sévit
depuis l'été 2007, elle ne prévoit pas de récession mondiale, mais seulement un
ralentissement. Si la note des Etats-Unis, de l'Irlande, du Royaume-Uni et de
l'Espagne s'est dégradée, ces pays étant placés " sous surveillance négative "
par la Coface, la poursuite du dynamisme des pays émergents, notamment
asiatiques devrait permettre de soutenir la croissance économique mondiale. Le
risque souverain des pays en développement s'est par ailleurs nettement amélioré
en raison de la forte croissance économique et de l'abondance des liquidités,
notamment en Chine. Certains risques apparaissent toutefois dans plusieurs pays
en développement comme le Vietnam et l'Ukraine.
Quelles stratégies pour les entreprises exportatrices face à la contrainte de
l'euro ?
Le MOCI
Christine Gilguy
Avec l'envolée du cours de la monnaie européenne, certaines entreprises
exportatrices redécouvrent le risque de change. Les industriels de
l'aéronautique sont les premiers à avoir tiré la sonnette d'alarme. Pour une
société comme Airbus dont 76 % des coûts sont en euros - alors que 60 % de ses
ventes sont réalisées hors d'Europe, sur un marché où son seul concurrent est
l'américain Boeing - un euro s'échangeant contre 1,50 dollar devient un problème
crucial. Cette évolution du taux de change de la devise européenne ne laisse dès
lors guère de choix à l'avionneur européen s'il veut rester compétitif : il lui
faut délocaliser une partie de ses unités de production dans la zone dollar.
C'est cette stratégie qu'ont commencé à évoquer les dirigeants d'EADS ou de
Dassault Aviation ...
Prévenir le risque de conflit social
La Revue des sciences de gestion
Chantal Mornet-Périer
Si les risques auxquels doit faire face une entreprise émanent souvent de
l'extérieur, le risque de conflit social prend en revanche naissance au sein de
l'entreprise. Sa forte occurrence signifie que les méthodes de prévention de ce
risque ne sont pas adaptées, voire inexistantes dans certains cas. Ce qui
expliquerait que la question de la gestion du risque de conflit social dans
l'entreprise en général (hormis le cas des grandes entreprises) soit peu
étudiée. Il ressort de l'enquête menée par l'auteur, auprès de nombreuses
petites et moyennes entreprises (PME), que l'apparition du conflit est
considérée comme " soudaine ". Ainsi, les cadres, peu préparés, ont, pour y
faire face, souvent recours aux compensations financières et aux aménagements du
temps de travail. Afin de quitter le registre émotionnel auquel est généralement
associée la gestion du risque de conflit social, il est nécessaire, selon
l'auteur, pour la prévention de celui-ci, d'impliquer tous les acteurs de
l'entreprise dans l'identification préalable des risques.
Risque terroriste : prévoir l'imprévisible !
The Economist
Les attentats terroristes du 11 Septembre 2001 qui, avec la destruction des
tours du World Trade Center, ont frappé le cœur financier des Etats-Unis ont
marqué l'entrée dans une nouvelle ère du terrorisme et montré à quel point les
entreprises pouvaient être vulnérables face à ce risque. Quatre ans plus tard,
les attentats de Londres ont rappelé que l'aléa terroriste était plus que jamais
une réalité. Le montant des sinistres générés par ce type d'événements est d'une
telle ampleur qu'il dépasse souvent aisément les capacités de dédommagement des
compagnies d'assurance. Celles-ci ont d'ailleurs depuis les attaques de 2001
cherché à limiter leur couverture du risque terroriste : la mise en place de
dispositifs de réassurance impliquant l'Etat est désormais devenue
indispensable.
Les risques informatiques majeurs
Strategic Risk
Andrew Leslie
Les technologies de l'information et de la communication occupent aujourd'hui
une place centrale, voire vitale dans la plupart des entreprises. Les
responsables de la gestion des risques savent bien que les systèmes
informatiques sont particulièrement vulnérables et les cyber-risques sont parmi
ceux qu'ils redoutent le plus. Ces derniers présentent une grande diversité : de
la propagation de virus à la fraude en passant par le piratage et les pannes
matérielles ou de logiciels. Des risques nouveaux apparaissent en outre
régulièrement, au gré des évolutions technologiques. En dépit de la menace
souvent considérable que constituent les risques informatiques, il est
relativement rare que les entreprises soient couvertes par des polices
d'assurance spécifiques.
Activités industrielles : le " risque zéro " est une illusion...
Responsabilité et environnement - Annales des Mines
Michel Turpin
A la suite de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse en 2001, une loi sur la
maîtrise des risques industriels a été adoptée en 2003. Tous les grands groupes
industriels ont désormais mis en place des systèmes de maîtrise des risques
intégrés à leur gestion quotidienne. Les résultats concernant la sécurité sont
publiés au même titre que leurs résultats financiers. Cette nouvelle gestion des
grandes catastrophes dans l'industrie, davantage transparente, a contribué à
diminuer la fréquence des accidents. Toutefois, si les méthodes probabilistes
pour prévoir ce type de risques se sont développées, leur coût très élevé et la
rareté des moyens matériels et immatériels requis empêchent les responsables
d'aboutir au " risque zéro ".
Verdict de l'Erika, le préjudice écologique reconnu
Novethic.fr
Véronique Smée
Le naufrage de l'Erika au large des côtes françaises, en décembre 1999, a
provoqué une des plus importantes pollutions maritimes de l'histoire et a
entraîné la plus grande catastrophe ornithologique au monde jusqu'à ce jour.
Huit ans après les faits, à l'issue du premier procès devant statuer en France
sur les conséquences d'une catastrophe écologique de cette ampleur, le tribunal
correctionnel de Paris a déclaré le groupe pétrolier Total coupable de pollution
maritime et d'une faute d'imprudence. Pour les parties civiles et notamment les
ONG (organisations non gouvernementales), la reconnaissance des deux principes
fondamentaux que sont le " préjudice écologique " et le droit du " vivant non
commercial " crée une nouvelle jurisprudence environnementale qui devrait faire
date.
Réchauffement climatique : les entreprises sont sur la sellette
Rapport ParnterRe 2005
Erwann Michel-Kerjan
Les catastrophes (naturelles, terroristes, etc.) ont toujours existé, mais le
nombre des événements à grande échelle, qui sont la caractéristique des "
nouveaux risques ", ne cesse, depuis quelques années, d'augmenter. Le diagnostic
scientifique sur le changement climatique ne fait aujourd'hui quasiment plus
débat : les pertes (humaines, matérielles et financières), de plus en plus
importantes, engendrées par les catastrophes naturelles, comme les inondations
et les ouragans, sont provoquées par l'émission massive de gaz à effet de serre.
Ainsi, au-delà des dommages directs, c'est notamment la responsabilité des
entreprises dans ces phénomènes qui est incriminée.
La démarche de prévention des risques dans les entreprises, quel rôle pour
l'Etat ?
Regards croisés sur l'entreprise - IGPDE
Jean Peyrot
La légitimité de l'intervention de l'Etat dans la gestion des risques au sein
des entreprises privées reste une question en débat. Ainsi, pour les libéraux
orthodoxes, cette intervention ne se justifie pas, puisque le marché se charge
de sanctionner les risques mal évalués. Cependant, parfois, l'Etat ne peut
laisser les forces du marché agir seules et se trouve contraint d'intervenir,
comme cela a été le cas à la suite des attentats du 11 Septembre. De façon plus
générale, concernant son rôle en matière de risque, l'Etat peut intervenir à
plusieurs titres comme régulateur, actionnaire et contrôleur.
Gérer les risques " bio-sociaux " : l'Etat, un acteur central
Responsabilité et environnement - Annales des Mines
Yves Le Bars
Certaines entreprises peuvent mener des activités qui sont considérées comme
présentant un danger potentiel pour la société : c'est le cas de la production
d'organismes génétiquement modifiés (OGM) et de celle des nanotechnologies, pour
lesquelles l'entreprise produit des risques " bio-sociaux " dont les effets,
diffus sur le long terme, sont sujets à des controverses liées au développement
durable. L'implication d'acteurs publics dans la maîtrise et la prévention de ce
type de risque, via les politiques mises en œuvre dans les secteurs de
l'environnement et de l'agriculture, est indispensable, mais l'insuffisante
crédibilité accordée en la matière aux pouvoirs publics ne la facilite pas.
L'enjeu, qui consiste ici à rendre aux décisions toute leur légitimité aux yeux
de l'opinion publique, est donc avant tout politique.
Le développement durable : une solution pour prévenir les risques
Géoéconomie
Cécile Renouard
Les multinationales sont fréquemment accusées de violation des droits de l'homme
(Gap, Nike, etc.) ou de dumping social. Leur irresponsabilité a également été
mise au grand jour à la suite de désastres environnementaux et humains qui
entachent l'image des entreprises. L'auteur revient ainsi sur la nécessité pour
les firmes multinationales de prévenir le risque d'image ou de réputation en
adoptant une véritable démarche de développement durable qui consiste notamment
à assumer pleinement les responsabilités sociale (vis-à-vis des salariés) et
sociétale (vis-à-vis de la société) qui incombent à l'entreprise du XXIe siècle.
No
2.943
12 mars 2008
DOSSIER :
Sport et argent
Dès le XIXe siècle, le sport devient une activité lucrative
Le Monde Economie
Entretien d'Antoine Reverchon avec Didier Primault
A l`origine, le sport est une activité de loisirs pratiquée par des amateurs.
Mais dès le XIXe siècle en Angleterre, l´argent fait son apparition dans le
milieu sportif. Il est d´abord limité aux paris et billets payants, mais les
joueurs exigent progressivement une part des profits. Cette " économisation "
d´une pratique de loisirs transforme le sport en spectacle de masse, assuré par
des professionnels. En France, cette transformation commence tardivement, après
la Première Guerre mondiale. C'est d'abord surtout le cyclisme, plus que le
football, qui institue des liens entre le sport, le sponsoring et les médias
(grâce aux journaux). Cependant, le véritable déclic se produit au début des
années 1980 avec la libéralisation du paysage audiovisuel et l'acceptation par
le Comité international olympique (CIO) de la professionnalisation.
Pourquoi les stars du sport sont-elles aussi bien payées ?
Le Document de travail - Institut Hayek
Vincent Bénard
La rémunération des stars du ballon rond peut paraître excessive - elle obéit
pourtant à un calcul économique classique, celui du marginalisme. L´auteur
démontre, que sur une saison, la différence entre deux places du classement se
joue à 5 ou 6 buts près, parfois moins. Ainsi, pour réussir durablement, un club
doit avoir les moyens de recruter les joueurs qui permettront de marquer ces
quelques buts supplémentaires. En agissant de la sorte, le club adopte un
comportement parfaitement rationnel puisqu'il offre un salaire particulièrement
élevé à des joueurs susceptibles de lui procurer un avantage marginal décisif et
très lucratif grâce à la participation du club à certaines compétitions comme la
Ligue des champions. L´introduction d´une limitation au niveau des salaires
serait dans ce système une mesure risquée, car elle pourrait désinciter les
meilleurs joueurs à fournir les efforts nécessaires pour figurer parmi les
stars.
Organiser les sports professionnels : socialisme américain versus
libéralisme européen
Revue de la régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs
Wladimir Andreff
Les sports collectifs professionnels s'organisent autour de deux grands modèles
institutionnels : celui de la ligue fermée, pratiquée en Amérique du Nord et
celui de la ligue ouverte adoptée en Europe. L´analyse des deux modèles montre
que règne une forte régulation au sein des ligues américaines, qui contraste
avec la dérégulation croissante des sports professionnels en Europe. L´auteur
attire l'attention sur deux paradoxes : dans le sport, le capitalisme financier
et le développement d'un marché du travail libéralisé s'imposent aujourd'hui en
Europe contrairement aux Etats-Unis ; ensuite, le modèle américain de ligue
professionnelle fermée tend à renforcer ses régulations et à adopter de plus en
plus des arrangements de type " quasi socialistes " (comme le plafonnement des
salaires, le repêchage amateur ou la redistribution des revenus de télévision et
des recettes au guichet). Par ailleurs, dans le système de ligue ouverte,
l´explosion des droits de la télévision a un effet pervers : elle entraîne une
concentration financière sur quelques clubs riches, ce qui nuit à l´équilibre
sportif des championnats nationaux.
Sponsoring sportif : valeurs sportives ou marchandisation ?
Colloque " Communication marketing " - GREFIGE/AFM
Sylvie Hertrich et Gary Tribou
Le sponsoring représente actuellement, en moyenne, moins de 10 % des dépenses
marketing des entreprises. En volume, l´investissement en sponsoring est estimé
à 25 milliards de dollars en 2001, dont plus du tiers réalisé en Europe et
environ 5 % en France. Grâce au sponsoring, l´entreprise cherche à communiquer
de la proximité et des émotions. Initialement, le sponsoring sportif visait à
améliorer l´image de marque de l'entreprise sponsor en s'appuyant sur les
valeurs positives du sport. Cependant, l'éthique sportive traditionnelle qui
puise sa force dans les valeurs de l'olympisme est de plus en plus malmenée par
un certain nombre de dérives comme le dopage, la corruption, la violence, etc.
Ces déviations n'altèrent en rien l´efficacité du sponsoring sportif ; au
contraire, elles la servent parfois en donnant davantage de résonance aux
événements. Ainsi, le sponsoring sportif adopte de plus en plus ouvertement une
démarche publicitaire.
Le sport mondial, un bien public en quête de régulation
Finance et Bien Commun
Alain Loret
Le sport, ou plus précisément le spectacle sportif, est un bien public mondial.
La production de ce type de bien au niveau mondial suppose qu'un système de
régulation par des acteurs publics ou des agences privées indépendantes soit
instauré. Le sport s´est organisé sur une telle base : le Comité international
olympique (CIO) et les fédérations internationales assurent la production et
l´encadrement du spectacle sportif mondial. Cependant, certaines dérives
frauduleuses - dopage, corruption, paris illicites, hooliganisme - montrent
l´insuffisance du système actuel de régulation au niveau international. L´auteur
révèle trois problèmes majeurs : le sport est vulnérable car ses organisateurs
sont également opérateur et régulateur ; les instances sportives internationales
échappent largement au droit commun et, enfin, ces élites sont recrutées par
cooptation.
Également dans ce numéro
SOCIOLOGIE ECONOMIQUE
Derrière le marché, le lien social
Sciences Humaines
Xavier de la Vega
Loin de se cantonner à la seule dimension sociale des questions économiques, les
tenants de la " nouvelle sociologie économique " entendent au contraire
appréhender les phénomènes et les " lois " de l'économie à partir de concepts
proprement sociologiques, offrant ainsi des interprétations non plus
complémentaires mais concurrentes à celles proposées par les économistes. Les
choix économiques ne sont plus dès lors perçus comme résultant simplement
d'arbitrages d'individus rationnels tendant à maximiser leur utilité mais
analysés à l'aune de l'influence des réseaux, des institutions, et des rapports
de force sur leurs comportements.
ECONOMIE DU DEVELOPPEMENT
Un milliard de clients potentiels pour les banques
L'Expansion Management Review
Janmejaya Sinha, Walter Piacsek, Arvind Subramanian et Michele Pikman
L'exclusion d'un nombre considérable d'individus des systèmes bancaire et
financier dans les pays en développement (PED) reste une préoccupation majeure
pour les gouvernements de ces pays. Un tiers seulement des populations indienne
et chinoise, par exemple, a recours au secteur bancaire formel. Si la
microfinance a permis de lutter contre l'exclusion bancaire, un milliard de
personnes resterait encore en dehors de tout système de financement formel, ce
qui représente autant de " consommateurs bancaires " potentiels. Une étude du
Boston Consulting Group, menée en 2007, montre qu'actuellement un des problèmes
essentiels demeure celui de l'accessibilité au système bancaire en raison de la
faiblesse d'implantation des réseaux commerciaux dans la plupart des pays du
Sud. Gagner la confiance des futurs clients et développer de nouveaux canaux de
diffusion de l'offre bancaire - les boutiques et les postes pourraient notamment
servir de relais pour les retraits et les prêts - sont ainsi devenus les
principales missions des banques implantées dans les PED.
FISCALITE LOCALE
Décentralisation et fiscalité locale : quel bilan ?
Diagnostic(s) - Coe-Rexecode
La décentralisation a modifié sensiblement les compétences et les finances des
collectivités locales. Jusqu'à " l'Acte II de la décentralisation " , mis en
œuvre dans son intégralité en 2005, et le transfert aux régions de nouvelles
ressources fiscales - notamment l'attribution d'une fraction de la taxe
intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) -, la part des taxes locales dans
le produit intérieur brut (PIB) avait eu tendance à se réduire. Depuis, celle-ci
a connu une légère reprise, passant de 4,1 % du PIB en 2000 à 4,8 % en 2005.
Cette part reste néanmoins particulièrement faible en comparaison avec les
besoins financiers croissants des collectivités locales. Aujourd'hui, fiscalité
et finances locales sont dans une impasse car le différentiel de croissance
entre les capacités contributives des redevables et les impôts votés par les
collectivités locales s'accroît. Or, un ralentissement de la progression des
prélèvements fiscaux nécessite une inflexion à la baisse des dépenses locales.
No
2.944
27 mars 2008
DOSSIER :
Amérique latine : quel rôle dans la mondialisation ?
Le retour de l'Amérique latine sur la scène mondiale
Finances et Développement
Arturo Valenzuela
Alors que les performances économiques de la Chine et de l'Inde ne cessent
d'impressionner la plupart des observateurs, l'Amérique latine semble, elle,
quelque peu oubliée. Pourtant cette dernière a accompli, au cours des vingt
dernières années, des progrès considérables. Ainsi, l'ensemble des indicateurs
macroéconomiques de la région se sont améliorés : les cours des devises se sont
stabilisés, les taux d'intérêt réels ont diminué, la consommation intérieure a
augmenté, etc. Si la croissance ne répond pas toujours aux attentes - les
inégalités sociales et de revenus restent importantes dans certains pays comme
le Brésil et la pauvreté persiste dans l'ensemble du sous-continent -, les
progrès démocratiques et de gouvernance tendent à montrer que l'Amérique latine
retrouve peu à peu sa place sur la scène mondiale.
Gérer les entrées de devises : un enjeu majeur pour l'Amérique latine
Perspectives de l'économie mondiale
FMI
En 2007, l'afflux massif de capitaux étrangers dans de nombreux pays
latino-américains a fait courir le risque d'une augmentation du prix des actifs
et de la demande de crédits, ressuscitant le spectre d'une surchauffe dans la
région. La nécessité d'une meilleure gestion des entrées de devises est ainsi
devenue un des enjeux majeurs pour les économies d'Amérique latine. Les pays de
la région ont mis en œuvre diverses stratégies pour limiter les entrées massives
de devises sans toutefois totalement y renoncer afin de conserver leurs effets
potentiellement vertueux : l'afflux de devises conduit en effet à une
appréciation de la monnaie - le real brésilien a, par exemple, atteint en 2006
son niveau le plus élevé par rapport au dollar depuis sept ans - et permet ainsi
de contenir plus facilement l'inflation et de limiter les hausses du taux
d'intérêt.
L'Amérique latine s'affranchit de la tutelle des Etats-Unis
Foreign Affairs
Peter Hakim
La transition démocratique et le passage à l'économie de marché des pays
d'Amérique latine, au cours des années 1980, ainsi que l'importance des
relations commerciales entre le nord et le sud du continent américain avaient
conduit à espérer une amélioration des relations entre les Etats-Unis et les
pays latino-américains. Force est de constater aujourd'hui que ce rapprochement
n'a pas eu lieu. L'Amérique latine, qui commence à se tourner vers la Chine,
demeure pour l'heure une région d'importance secondaire dans la politique
extérieure des Etats-Unis, tandis que l'hostilité ouverte du Venezuela,
l'absence de concessions réciproques en matière commerciale ou encore la
stagnation du projet de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) laissent peu
d'espoir quant à la possibilité d'une amélioration prochaine des relations entre
ces deux acteurs régionaux pourtant essentiels l'un pour l'autre.
Union européenne et Amérique latine : des relations à consolider
La Revue internationale et stratégique
Claude Heller
L'intérêt de l'Union européenne (UE), depuis les années 1990, pour les économies
du Mercosur (Marché commun du Cône Sud), notamment les deux géants, l'Argentine
et le Brésil, ne s'est jamais démenti. Au cours des dix dernières années, près
de 85 % des flux d'investissements directs européens vers la région ont en effet
été destinés aux pays du Mercosur et 54 % du commerce extérieur de l'UE avec
l'Amérique latine se concentre sur les quatre pays du sud de l'Amérique latine.
L'UE a, en dépit de la rivalité américaine et de l'ALENA (Accord de
libre-échange nord-américain), également renforcé les relations bilatérales avec
le Mexique. En 2004, le commerce bilatéral a atteint son niveau le plus élevé :
27,5 milliards, soit une croissance de 17 % par rapport à 2003. Cependant, en
dépit de l'accord commercial entre l'UE et le Mercosur, les relations entre les
deux ensembles régionaux doivent encore être renforcées.
Le commerce chinois en Amérique latine : menace ou opportunité ?
Revista de la CEPAL
Jorge Blásquez-Lidoy, Javier Rodríguez et Javier Santiso
Si les effets de l'intensification des échanges commerciaux entre l'Amérique
latine et la Chine apparaissent nettement positifs, la forte augmentation de la
demande chinoise de matières premières risque de conduire à une spécialisation
accrue des pays latino-américains et au renforcement du caractère rentier de
leurs économies. Par ailleurs, la réussite du modèle économique chinois, qui
doit plus au pragmatisme qu'à l'orthodoxie économique, pourrait pousser
l'Amérique latine à adopter à son tour un modèle de développement original.
L'Inde : un acteur majeur de l'économie latino-américaine
Géoéconomie
François Lafargue
Si seuls 2 % de la totalité des investissements directs à l'étranger (IDE) reçus
par l'Amérique latine sont d'origine indienne, le commerce entre l'Inde et les
pays latino-américains a été multiplié par 2,5 depuis 2000. Les ressources
naturelles y sont convoitées, notamment le pétrole dont la consommation a été
multipliée par 2, en Inde, depuis 1989. La sidérurgie, l'informatique et
l'industrie pharmaceutique sont les principaux domaines d'investissement.
L'entreprise Mittal est ainsi implantée dans la région, notamment au Brésil,
depuis 1989 et en est le premier producteur d'acier. De même, l'entreprise Tata
y a récemment installé de nombreux centres d'appel afin de profiter de la
proximité avec les Etats-Unis.
Le FMI et la Banque mondiale personae non gratae en Amérique latine
Le Monde diplomatique
Damien Millet et Eric Toussaint
L'accumulation de réserves de change, entre 2002 et 2007, a modifié les
relations entre les pays d'Amérique latine et les créanciers des pays du Nord.
L'abondance des recettes d'exportation en devises a en effet incité les
gouvernements argentin, brésilien, mexicain, uruguayen et vénézuélien à solder
leur compte à l'égard du Fonds monétaire international (FMI) et à s'émanciper de
la Banque mondiale. En novembre 2007, six pays d'Amérique du Sud ont signé un
accord officiel de création d'une banque régionale : la Banque du Sud appelée à
jouer à l'avenir pour les pays latino-américains le rôle précédemment dévolu à
la Banque mondiale. Le lancement de ses activités officielles est prévu au cours
de l'année 2008, avec un capital initial de 7 milliards de dollars.
Egalement dans ce numéro
ECONOMIE SOUTERRAINE
Contrefaçon et piratage : impostures, faits et chiffres
L'Observateur de l'OCDE
Linda Haie-Fayle et Wolfang Hübner
Le commerce international de biens contrefaits ou piratés est en pleine
expansion. Il représentait, en 2005, selon un récent rapport de l'Organisation
de coopération et de développement économiques (OCDE), quelque 200 milliards de
dollars. Mais la valeur totale des échanges de produits contrefaits ou piratés
pourrait être beaucoup plus élevée, sachant qu'en outre l'estimation ne prend
pas en compte la valeur des produits numériques distribués sur l'Internet. Si
l'Asie constitue la principale zone de ce commerce et la Chine le premier
producteur, ces articles sont néanmoins fabriqués et consommés dans la plupart
des pays. Leur prolifération est extrêmement coûteuse pour les économies et les
dangers qu'ils font peser sur la sécurité et la santé publiques sont
considérables. L'un des plus grands défis à relever par les pouvoirs publics
pour améliorer les dispositifs de lutte contre la contrefaçon et le piratage
consiste à obtenir des informations fiables et à jour sur l'ampleur du phénomène
et son impact réel sur les économies.
MIGRATIONS INTERNATIONALES
Nos cerveaux sont-ils en fuite ?
La Gazette de la société et des techniques
Benoît Jubin et Pascal Lignères
Le débat autour de la fuite des cerveaux est devenu central, ces dernières
années, en France. Le départ massif de chercheurs français vers l'Amérique du
Nord est particulièrement redouté par les pouvoirs publics. Certes, ce phénomène
ne concerne qu'une minorité de scientifiques : en effet, moins de 2 % d'entre
eux partent s'installer aux Etats-Unis ou au Canada. Ce taux est inférieur à
celui de nos voisins européens et la France parvient en outre à attirer nombre
de chercheurs étrangers. Cependant, une analyse plus détaillée montre que la
situation est préoccupante : 40 % des meilleurs chercheurs français seraient
expatriés aux Etats-Unis. Ce qui apparaît donc comme un phénomène marginal du
point de vue quantitatif se révèle être considérable du point de vue qualitatif.
A une époque où le dynamisme de la recherche et développement (R&D) est vital
pour la croissance économique, cette fuite des chercheurs français de premier
rang peut constituer un véritable handicap. La mise en œuvre de politiques
publiques susceptibles d'enrayer ce processus est donc aujourd'hui urgente.
POLITIQUE ECONOMIQUE
Comment vaincre le chômage en France ?
Ecoflash
Eric Heyer
Si des inégalités liées à l'âge, au sexe ou au niveau de qualification
persistent en matière d'exposition au risque de chômage ou de difficulté d'accès
à l'emploi, les solutions au problème du chômage ne sont à rechercher, estime
l'auteur, ni dans la défiscalisation des heures supplémentaires ni dans
l'unification de contrat du travail. Il convient plutôt, si l'on veut que la "
flexicurité " permettent effectivement à l'économie française d'atteindre le
plein-emploi, d'accompagner les réformes structurelles d'une utilisation plus
volontariste et plus réactive, donc plus fortement contracyclique, des
instruments de politique économique.
No
2.945
09 avril 2008
DOSSIER :
Retour sur la crise financière de 2007
Subprimes : topographie d'une crise
Finances et développement
Randall Dodd
2007 restera dans l'histoire économique comme l'année de la crise des
subprimes, ces prêts hypothécaires à risque américains qui font l'actualité
depuis plusieurs mois. Une hausse modeste du taux des impayés de plus de 90
jours dans un sous-secteur du marché hypothécaire aux Etats-Unis s'est en effet
traduite, au cours de l'été, par un très grave dérèglement du système financier
américain et a provoqué une onde de choc sur toute la planète. Pour comprendre
comment les marchés financiers mondiaux ont été une nouvelle fois entraînés dans
la tourmente, un examen structurel du marché hypothécaire américain s'impose.
Cette analyse approfondie permet de mieux saisir les dysfonctionnements qui se
sont produits sur ce marché et met en évidence certaines failles plus générales
du système financier.
Espoirs et écueils du plan de sauvetage du Trésor américain
The Economist
Au cours des derniers mois de l'année 2007, la gestion de la crise des
subprimes par le gouvernement américain a quelque peu évolué, passant du
laisser-faire à l'interventionnisme actif. Au mois de décembre 2007, le
secrétaire au Trésor américain Henry Paulson a ainsi cherché, pour éviter une
explosion du nombre des saisies de maisons pour défaut de paiement, à inciter
les émetteurs de crédits immobiliers à accepter un gel partiel des taux
d'intérêt des prêts subprimes. Les solutions préconisées par Henry
Paulson ont suscité cependant un certain scepticisme, voire la franche hostilité
du monde de la finance. Au-delà du manque à gagner sur les crédits consentis,
les organismes financiers ont en effet souligné qu'un tel plan, n'incluant aucun
financement public, pourrait soulever de nombreux problèmes.
Les agences de notation financière sont-elles indispensables ?
Variances - La revue des anciens de l'ENSAE
Pierre Cailleteau
La crise des subprimes a conduit à une remise en cause du rôle économique
des agences de notation financière dans les processus d'évaluation du risque et
dans la commercialisation des produits dérivés. Ces dernières se sont en effet
retrouvées au banc des accusés pour avoir accordé des notes trop élevées à des
produits structurés adossés à des portefeuilles de crédits immobiliers
américains à risque. Les interrogations dont elles font l'objet portent sur leur
indépendance, sur leur capacité à apprécier des risques de plus en plus
complexes et sur leur place dans les nouveaux dispositifs réglementaires, en
particulier, celui de Bâle II qui utilise comme référence, pour calibrer les
fonds propres des banques au regard du risque de crédit de leurs clients, les
notes produites par les agences.
Transparence des marchés, conflits d'intérêts et crise financière
Esprit
Bruno Biais
Les marchés financiers ont été, à l'occasion de la crise de l'été 2007, l'objet
de nombreux débats. Les dysfonctionnements qui se sont une nouvelle fois
produits dans la sphère financière conduisent en effet à s'interroger, au-delà
de la crise des subprimes, sur le rôle fondamental que jouent,
aujourd'hui, dans nos sociétés les marchés financiers. Après avoir décrit la
logique et les principes économiques qui président au fonctionnement de ces
marchés, l'auteur en souligne les imperfections et suggère de mettre en œuvre
quelques mesures susceptibles d'en améliorer le fonctionnement.
Premiers enseignements d'une crise financière inachevée
Sociétal
Christian de Boissieu
La crise financière, qui a débuté au cours de l'été 2007, semble encore loin
d'être achevée comme en témoigne chaque jour les informations diffusées par les
médias. Il est déjà possible toutefois d'en tirer un premier bilan. Si cette
crise partage des traits communs avec d'autres dans la mesure où elle a été
provoquée par la baisse des prix immobiliers américains, elle se révèle
cependant originale en raison des mécanismes nouveaux qui ont concouru à son
développement comme la titrisation systématique des crédits et les innovations
financières. L'auteur revient notamment sur les principaux débats auxquels a
donné lieu la crise des subprimes, sur la question centrale de la
régulation financière et sur les premières conséquences macroéconomiques de
cette crise.
Également dans ce numéro
ECONOMIE DU TRAVAIL
Le salaire minimum britannique est-il comparable au SMIC ?
Lettre Trésor-Eco
Jean Boissinot
Les récentes controverses portant sur le niveau du smic (salaire minimum
interprofessionnel de croissance) par rapport aux salaires minimums étrangers
ainsi que sur le nombre de salariés français et britanniques rémunérés au
salaire minimum incitent à s'interroger sur la comparabilité de ces dispositifs.
Si l'auteur constate une relative proximité des niveaux de vie des salariés
payés au smic ou au National Minimum Wage, il insiste également sur
l'harmonisation nécessaire - et malaisée - des données statistiques concernant
les proportions respectives de ces salariés dans les deux pays. Il note, en
outre, une incidence très différente de ces rémunérations " plancher " sur
l'échelle des salaires en France et en Grande-Bretagne.
NOUVELLES TECHNOLOGIES
Réduire la fracture numérique : un défi mondial
Revue de la gendarmerie nationale
Jean Pouly
Avec le développement de l'Internet, l'écart numérique entre le Nord et le Sud
s'est creusé. Le Président de la République du Sénégal, initiateur du Fonds
mondial de solidarité numérique, aime d'ailleurs à rappeler que l'île de
Manhattan (New York) compte davantage de lignes téléphoniques que toute
l'Afrique. Si l'accroissement du volume d'informations a permis la
multiplication des formes de communication dans les pays développés ainsi que le
développement des interactions entre les internautes, elle met également en
danger leur identité.
ECONOMIE DU DEVELOPPEMENT
Après les " BRIC ", les " prochains 13 " !
Eclairages - Crédit Agricole
Aurélie Fontagné, Francis Nicollas et Sylvain Laclias
Les économies brésilienne, russe, indienne et chinoise - appelées " BRIC ",
acronyme créé en 2001 par la banque américaine Goldman Sachs -, hier émergentes,
sont désormais considérées comme des puissances mondiales. Elles constituent un
ensemble d'environ 2,78 milliards d'individus et représentent 13 % du produit
intérieur brut (PIB) mondial et 47 % du PIB des pays en développement (PED).
Parmi ces derniers, certaines économies émergentes présentent déjà toutes les
caractéristiques de futures BRIC. A partir d'un indice de potentialité, les
auteurs établissent la liste des 13 pays, le Mexique en tête, qui intégreront
prochainement le club des nouvelles puissances économiques. Les espoirs que
soulèvent ces économies ne dissimulent toutefois pas certaines craintes, comme
des risques bancaires provoqués par une croissance souvent trop rapide et un
développement institutionnel limité.
No
2.946
23 avril 2008
DOSSIER :
La Chine, l'atelier du monde... et après ?
Les exportations chinoises : du textile aux écrans plats
Diagnostic(s) - Coe Rexecode
Leila Ali
L'insertion réussie de la Chine dans l'économie mondiale n'est plus à démontrer.
Sur le point de devenir le premier exportateur devant l'Allemagne, l'économie
chinoise représente 8,8 % des exportations et 5,3 % des importations mondiales.
Le pays est ainsi le premier exportateur mondial de textile et le poids de la
haute technologie dans les exportations totales représente, en 2005, 30 % contre
5 % seulement en 1990. Toutefois, les quatre cinquièmes de ces exportations
restent issues des opérations d'assemblage et de sous-traitance. Il semble que
les handicaps de la Chine en matière d'innovation constituent un frein à une "
remontée " de filière...
La main-d'œuvre au cœur de la low-cost economy
Etude du Centre de développement de l'OCDE
Angus Maddison
Depuis les réformes menées dans les années 1970, l'allocation de la
main-d'œuvre, longtemps biaisée, en Chine, par une segmentation rigide du marché
du travail entre les zones urbaines et rurales, s'est nettement améliorée.
L'excédent de la main-d'œuvre agricole est en outre progressivement absorbé par
l'essor des petites entreprises industrielles dans les régions rurales.
L'augmentation du nombre de travailleurs, plus rapide que celle de la
population, constitue ainsi la principale richesse de l'économie chinoise et la
formation de la main-d'œuvre est devenue l'une des priorités. Celle-ci a
d'ailleurs largement contribué à l'augmentation de la productivité du travail.
La " qualité " de la main-d'œuvre chinoise s'est également améliorée, comme le
montre une comparaison avec celle des principaux pays de l'Organisation de
coopération et de développement économiques (OCDE).
Le prix de la compétitivité
La Lettre du CEPII
Guillaume Gaulier, Françoise Lemoine et Deniz Ünal-Kesenci
La Chine, plate-forme mondiale de production pour l'exportation, a longtemps
bénéficié des avantages d'un modèle économique qui repose sur la
compétitivité-prix. Mais celui-ci semble montrer des signes d'essoufflement. En
effet, l'économie, fortement dépendante vis-à-vis des marchés extérieurs, doit
faire face à la détérioration des termes de l'échange. La pression sur les prix
des biens exportés est de plus en plus forte, alors que les intrants, davantage
sophistiqués, sont de plus en plus chers et les prix des matières premières très
élevés.
Que fait la Chine de ses devises ?
TOPIC -HEC Eurasia Institute
Jacques Gravereau et Héloïse Brière
Deuxième exportateur mondial, la Chine a accumulé un montant considérable de
devises. Afin de gérer ces liquidités, la Central Huijin Company a été créé, en
2003. Contrôlé par la Banque centrale et le ministère des Finances et alimenté
par les réserves de change, ce fonds d'investissement domestique constitue la
holding des quatre grandes banques publiques chinoises. Le record atteint par le
montant des réserves de change accumulées en 2006 (1 066 milliards de dollars),
a incité la Chine à créer, en parallèle, la State Foreign Exchange Investment
Company, un fonds d'investissement à l'étranger (IDE). 200 milliards de dollars
seront ainsi investis en 2008, par le biais de cette agence, soit deux fois le
montant de l'investissement direct chinois à l'étranger de 2006.
Également dans ce numéro
SCIENCE ECONOMIQUE
Les malentendus de la mondialisation
Humanisme et entreprise
Bertrand Venard
Les opposants et les partisans de la mondialisation s'affrontent régulièrement
depuis plusieurs années. Les débats aussi vifs soient-ils demeurent toutefois
bien souvent superficiels et prennent rapidement un tour idéologique. Ceci
s'explique par le fait que de nombreux malentendus concernant ce phénomène
complexe et multidimensionnel se sont imposés au fil du temps, dans la mesure où
sa définition même manque singulièrement de clarté. L'auteur s'efforce de
définir de façon plus précise le concept de mondialisation, d'en délimiter les
contours et d'en évaluer les conséquences positives comme négatives.
DEVELOPPEMENT
Evaluer la violence en Amérique latine
Rapport du Conseil de l'Europe
Pierre Salama
La violence en Amérique latine est bien plus importante qu'en Europe et qu'aux
Etats-Unis. Celle-ci n'a toutefois pas la même intensité dans chaque pays
sud-américain. La combattre est d'autant plus difficile que, dans ces sociétés,
la défiance à l'égard des institutions est très forte. Il existe, certes, des
pré-requis qui permettraient de rendre leur cohésion aux sociétés
latino-américaines : notamment favoriser une redistribution plus égalitaire des
fruits de la croissance et améliorer l'éducation. Mais la tâche la plus
essentielle consiste à redonner une légitimité aux institutions afin qu'elles
retrouvent toute leur crédibilité.
COMMERCE EXTERIEUR
Pourquoi les entreprises françaises souffrent-elles de la force de l'euro ?
Lettre de l'OFCE
Sarah Guillou
Le taux de change effectif de l'euro s'est apprécié de 30 % depuis 2001.
L'appréciation de la devise européenne, en raison de son ampleur et de sa durée,
suscite une inquiétude croissante en France et plus généralement dans la zone
euro. La vulnérabilité des entreprises face à une appréciation de cette monnaie
est variable et dépend de leur positionnement concurrentiel. Quoi qu'il en soit,
au fil du temps, le nombre d'entreprises sous contrainte tend à augmenter. En
outre, l'appréciation de l'euro est susceptible de pénaliser non seulement les
entreprises exportatrices mais également les entreprises domestiques en
concurrence avec leurs homologues étrangères qui exportent sur le marché
français.
No
2.947
07 mai 2008
DOSSIER :
Les villes dans la globalisation
Révolution urbaine
Finances et Développement
David E. Bloom et Tarun Khanna
L'année 2008 constitue un tournant dans l'histoire de l'humanité puisque, pour
la première fois, plus de la moitié de la population mondiale vit dans des zones
urbaines. Et d'ici à 2030, si le rythme actuel de l'urbanisation se maintient,
cette part pourrait atteindre 60 %. Ce sont les pays du Sud qui vont enregistrer
la plus forte croissance urbaine au cours des vingt-cinq prochaines années. Le
phénomène le plus marquant de ce processus d'urbanisation sera, d'ici à
2015-2018, la croissance des " métacités ", c'est-à-dire des agglomérations
géantes de plus de 20 millions d'habitants. Si l'urbanisation est considérée par
beaucoup comme un facteur positif en termes de développement, d'aucuns y voient
au contraire un phénomène aux conséquences négatives pour les populations. Bien
que les conclusions de ce débat ne soient pas évidentes, il semble néanmoins
qu'une urbanisation rapide peut être une aubaine, à condition de soigneusement
la planifier.
La gig@city, nouveau lieu de la production de capital
Réalités industrielles - Annales des Mines
Dominique Lorrain
Dans la représentation traditionnelle de l'économie, confortée par l'approche
marxiste, l'entreprise était le lieu de la production du capital et la ville
celui de sa reproduction au travers des consommations collectives. Le passage de
la mégapole à la gig@city - une cité de plus grande taille et plus dense que la
mégalopole des années 1950 et qui conduit sa mutation à l'heure du développement
des réseaux de communication à haut débit - ainsi que les transformations de
l'économie rendent, selon l'auteur, cette vision obsolète. En ce début de
nouveau millénaire, la ville est en effet devenue l'un des lieux majeurs de la
production de capital. Elle n'accompagne plus le développement économique : elle
en représente le cœur même. Cette mutation historique s'opère dans un univers de
réseaux où s'organise un échange constant entre ceux des très grandes villes et
ceux des très grandes entreprises.
Les territoires de la relation ville-industrie : les clusties
Revue d'économie régionale et urbaine
Frédéric Gaschet et Claude Lacour
D'une manière générale, dans leurs travaux, les chercheurs en économie
géographique, en économie industrielle ou en économie de l'innovation n'évoquent
bien souvent la ville que de façon allusive, ce qui ne permet pas de mettre en
lumière sa capacité à faire émerger et se cristalliser les facteurs de
développement ainsi que ceux de la ségrégation. A travers le néologisme de
clusty - clusters in the city, clusters by the city -, les auteurs
établissent un lien entre les villes et l'innovation. Ils attirent l'attention
sur le fait que la ville n'est pas simplement un lieu qui offre des économies
d'agglomération mais davantage l'endroit qui les favorise ou les fait émerger.
Un territoire sur lequel ou à partir duquel s'organisent des relations entre
activités et réseaux permettant la création de potentialités de " chaînes de
valeurs métropolitaines ".
Nylonkong : trois villes-monde du XXIe siècle
Time Magazine
Michael Elliott
Depuis deux décennies, les multiples dimensions de la globalisation sont
régulièrement débattues. Un aspect de ce processus est toutefois rarement évoqué
: celui du rôle essentiel que jouent certaines villes, notamment trois cités
idéalement situées sur le globe et partageant la même culture économique : New
York, Londres et Hong Kong. Ces trois villes-monde, interconnectées, où les plus
grandes banques d'affaires ont installé leur siège, constituent un formidable
réseau financier qui permet une circulation constante des capitaux autour de la
planète, favorisant la croissance de l'économie mondiale. Les financiers de ce
réseau de villes baptisé Nylonkong tiennent en quelque sorte, en ce début de
XXIe siècle, le rôle qui fut celui des banquiers toscans à l'aube du
capitalisme.
Londres et Paris : les rivales
The Economist
Il y a deux ans de cela, Paris perdait contre Londres la bataille de
l'organisation des Jeux olympiques de 2012. Cette défaite symbolique,
abondamment commentée, est apparue comme un signe supplémentaire du déclin de la
capitale française en comparaison avec l'insolent dynamisme de son ancestrale
rivale britannique. Les deux cités sont plus liées que jamais depuis la mise en
service de la première ligne à grande vitesse de Grande-Bretagne, au départ de
la gare Saint-Pancras, mais elles semblent de plus en plus éloignées, si l'on
retient comme critères le rôle et l'influence que chacune des deux villes joue
aujourd'hui dans l'économie mondiale. Alors que Londres présente toutes les
caractéristiques d'une ville-monde, Paris semble, selon le célèbre magazine
économique britannique, avoir depuis quelques années perdu en matière
d'urbanisme, d'influence culturelle et économique son rôle phare.
Également dans ce numéro
MATIERES PREMIERES
La rente pétrolière en Afrique : bénédiction ou malédiction ?
Finance et bien commun
Brahim Gacem
La forte augmentation du prix du pétrole, ces dernières années, a permis aux
pays exportateurs d'accroître de façon considérable leurs ressources
budgétaires. Cette manne pétrolière n'a toutefois pas été, selon l'auteur, une
bénédiction. Elle freine la diversification de ces économies (comme
l'innovation), où la croissance n'est soutenue que par le secteur minier.
L'abondance des recettes issues de la vente de l'or noir a, en outre, tendance à
exacerber la corruption, chaque groupe social revendiquant sa part du pactole...
CHANGEMENT CLIMATIQUE
Les enjeux de l'industrie automobile face au réchauffement climatique
Accomex
François Jaumain
La Commission européenne a récemment rendu public son plan de réduction des
émissions de dioxyde de carbone (CO2), dont l'objectif est d'atteindre, en 2012,
la barre des 130 g/km. Le secteur des transports est considéré comme l'un des
principaux responsables des émissions mondiales de gaz à effet de serre (14 %)
et diverses mesures ont été prises au sein de l'Union européenne. Le
gouvernement français, par exemple, a mis en place un dispositif de bonus/malus
qui constitue, d'ailleurs, un élément essentiel du Grenelle de l'environnement.
L'auteur revient également sur les principales actions envisagées par
l'industrie automobile pour réduire les émissions de CO2.
INEGALITES
Niveaux de vie et pauvreté en France : des disparités territoriales
importantes
Insee-Première
Laurent Auzet, Magali Février et Aude Lapinte
L'étude des niveaux de vie, des inégalités de revenus et des taux de pauvreté en
France révèle de fortes disparités entre régions et départements mais également
au sein de chaque territoire. Il apparaît notamment que les départements du nord
et du sud de la France sont les plus touchés par la pauvreté et les inégalités,
que celles-ci sont particulièrement marquées à Paris en raison de la présence de
très hauts revenus ou encore que les personnes âgées sont plus souvent pauvres
dans les zones rurales. Le chômage, le nombre important de personnes inactives
et les différences de structures sociale ou familiale apparaissent comme les
principales causes de ces importantes disparités. Les prestations sociales, qui
représentent le tiers du revenu disponible des ménages pauvres, contribuent
cependant fortement à en réduire l'ampleur.
No
2.948
21 mai 2008
DOSSIER :
Les paradoxes de l'économie indienne
Coup d'œil sur l'Inde d'aujourd'hui... et de demain
Revue du Marché commun et de l'Union européenne
Philippe Marchat
De la démographie aux problèmes d'urbanisation en passant par l'évolution des
investissements directs étrangers, l'auteur s'efforce de brosser un tableau le
plus complet possible de la société et de l'économie indiennes dans ses
différentes dimensions. Il pointe les risques, les déséquilibres et les défis
auxquels l'Inde se trouve ou se trouvera confrontée en même temps que les
succès, les opportunités et les perspectives favorables à son développement. Il
s'en dégage l'image d'une Inde paradoxale, profondément hétérogène, divisée par
de multiples fractures et dont le modèle de développement apparaît
fondamentalement atypique.
La politique agricole de l'Inde
Politiques agricoles des pays non membres de l'OCDE
OCDE
Dans un pays qui compte plus d'1,1 milliard d'habitants, où l'agriculture occupe
encore un actif sur deux et où 70 % de la population vit en zone rurale, la
politique agricole vise logiquement en priorité à garantir l'autosuffisance
alimentaire et à éradiquer la pauvreté. Aussi demeure-t-elle fortement
réglementée, afin notamment de soutenir les prix agricoles, c'est-à-dire les
revenus des agriculteurs, mais également la consommation des plus pauvres.
Malgré une augmentation de la participation de l'Inde aux marchés mondiaux, son
agriculture continue d'apparaître à bien des égards archaïque, son développement
restant entravé par l'absence d'infrastructures modernes, la faible proportion
de produits agricoles transformés, la petite taille des exploitations ou encore
le taux modeste de mobilité foncière.
L'Inde et la sous-traitance internationale des services
Revue d'économie financière
Jean-Joseph Boillot
L'Inde parviendra-t-elle à se spécialiser dans la sous-traitance internationale
des services comme la Chine a réussi à le faire pour l'industrie manufacturière
de masse ? Si le poids des services dans l'économie indienne est déjà
considérable - et très inhabituel compte tenu du niveau de développement du pays
-, l'Inde ne pourra prétendre devenir le centre mondial de la sous-traitance
internationale des services que sous certaines conditions. Un investissement
massif dans la formation apparaît notamment nécessaire, afin de permettre à une
main-d'œuvre en passe de devenir la plus abondante du monde de répondre à la
demande de travail qualifié que suppose une telle spécialisation.
La Chine et l'Inde dans le commerce international, les nouveaux meneurs de
jeu
La lettre du CEPII
Françoise Lemoine et Deniz Ünal-Kesenci
Malgré d'importantes différences, notamment en matière de revenu par tête ou de
degré d'insertion dans les échanges internationaux, l'Inde et la Chine
enregistrent des gains de productivité élevés dans les secteurs nouveaux liés à
la révolution numérique, qui leur permettent d'occuper une place toujours plus
grande dans le commerce international. La montée en puissance de ces deux pays,
qui se traduit par une augmentation considérable de leurs exportations de
produits manufacturés et de leurs importations de produits primaires, provoque
un choc sur l'offre comme sur la demande mondiales de biens et de services et
conduit à un changement dans l'évolution des prix relatifs mondiaux. Cependant,
si la croissance mondiale profite du développement rapide des deux géants
asiatiques, ni l'Inde, ni la Chine ne peuvent pour l'heure prétendre en devenir
le moteur.
L'Inde et l'Asie à l'horizon 2025
Futuribles
Jean-Raphaël Chaponnière
Si les taux de croissance de l'Inde et de l'ensemble des pays asiatiques, après
avoir longtemps divergé, sont aujourd'hui à un niveau comparable, le régime de
croissance indien apparaît cependant original. Tirée par la consommation
intérieure plus que par les exportations, fondée sur les services davantage que
sur l'industrie manufacturière, compensant le manque de vigueur de
l'investissement étranger par le dynamisme des entreprises nationales, la
croissance indienne n'est pas exempte de faiblesses ni de déséquilibres : retard
en matière de recherche et développement, insuffisance des infrastructures,
faible intégration économique régionale... Néanmoins, la hausse de l'épargne et
de l'investissement qui résultera de l'augmentation de la population active
devrait assurer à l'Inde une place importante - quoique secondaire par rapport à
la Chine - sur la scène asiatique.
Également dans ce numéro
DEMOGRAPHIE
Quelles politiques pour davantage de bébés ?
Synthèses
OCDE
Les taux de naissance sont en chute libre dans la plupart des pays de
l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le taux
de fertilité moyen de la zone a récemment atteint le niveau de 1,6 enfant par
femme. Celui-ci est bien en deçà du seuil nécessaire pour le renouvellement des
générations (2,1 enfants). Si cette situation semble s'inscrire dans la durée,
elle n'est en rien inéluctable. En effet, de nombreux pays ont déjà adopté
certaines mesures visant à inciter les couples à faire davantage d'enfants. Ces
dispositifs permettent de retarder le vieillissement et le déclin démographique.
Ils ont déjà fait leurs preuves, notamment en France et aux Etats-Unis.
NOUVELLES TECHNOLOGIES
Economie de l'Internet : une économie d'interactions sociales
Revue française d'économie
Thierry Pénard et Raphaël Suire
Les interactions sociales jouent un rôle essentiel dans les comportements des
internautes, mais également dans les business model des entreprises de
l'Internet. Ces interactions ont en effet fortement contribué, au cours des
dernières années, au développement très rapide de la Toile. La majeure partie
des nouveaux modèles économiques apparus sur l'Internet proposent ainsi des
services marchands d'intermédiation ou mettent en place des espaces
communautaires d'échanges qui fournissent autant de services à valeur ajoutée
(comme des recommandations ou des évaluations sur des produits partagés entre
internautes, etc.) dont l'entreprise n'a pas à supporter les coûts. Le principal
défi demeure aujourd'hui la mesure des interactions sociales virtuelles et de
leur impact sur les interactions physiques et sur les comportements sur et hors
de l'Internet.
ECONOMIE DU TRAVAIL
Les salariés âgés face au travail " sous pression "
Centre d'études de l'emploi
Céline Mardon et Serge Volkoff
35 % des salariés de plus de 50 ans déclarent travailler " sous pression ",
c'est-à-dire avec des contraintes temporelles pour la réalisation de leurs
tâches. Si le travail " sous pression " n'est pas nécessairement synonyme de
pénibilité - ce type de contrainte pouvant avoir un caractère stimulant, voire
être une composante de l'identité professionnelle, en particulier dans certains
métiers (urgentistes, pompiers, etc.) -, il est toutefois, dans la majorité des
cas, mal vécu et provoque, en particulier chez les salariés âgés, certains
troubles de santé. En outre, ce type de pression ne faisant pas partie des
formes reconnues de pénibilité, il n'ouvre pas droit à des réaffectations ou à
des départs anticipés. Il apparaît toutefois possible de rendre la pression plus
supportable en offrant une plus grande liberté d'action au salarié dans la
réalisation sa tâche.
No
2.949
4 juin 2008
DOSSIER :
Inflation et grande distribution
La flambée des prix des biens alimentaires pèse sur le pouvoir d'achat
Trésor - Eco
Pierre-Emmanuel Lecocq, Benjamin Richard et Baptiste Thornary
Les prix des produits alimentaires représentent, en France, 16,3 % de l'indice
des prix, contre 12 % en Allemagne et 11 % au Royaume-Uni. Ceci explique en
partie pourquoi la hausse des prix agricoles, qui se diffuse le long de la
chaîne de production des produits alimentaires transformés, a conduit à une
forte progression des prix à la consommation, à la fin de 2007 et au début de
2008. D'autant que 34 % des consommations intermédiaires des industries
agro-alimentaires (IAA) proviennent de la branche agricole. Mais si les prix de
production sont bien corrélés aux prix à la consommation, ils ne sont pas les
seuls responsables de l'inflation.
La perception du revenu est souvent biaisée
Rapport du Conseil d'analyse économique
Philippe Moati et Robert Rochefort
Le contexte de modération salariale - les salaires constituent la majeure partie
du revenu disponible brut (RDB) des ménages - et l'hétérogénéité des situations
individuelles tendent à creuser l'écart entre la perception des revenus, et donc
du pouvoir d'achat, et le calcul effectif de ces deux variables. De plus en plus
de revenus sont complétés par des rémunérations " transitoires " (intéressement,
bonus, etc.), par définition aléatoires, qui ne sont généralement pas prises en
compte dans l'appréciation de leur pouvoir d'achat par les ménages qui se
focalisent sur le revenu permanent. De même, ces derniers ne considèrent que
rarement les allègements fiscaux comme des ressources. La perception biaisée de
leur pouvoir d'achat par les ménages ne porte donc pas uniquement sur les
prix...
La grande distribution en France : un secteur plus concentré que chez ses
voisins ?
Accomex
Joachim Bechtikou
Si la France est le pays d'Europe qui compte le plus grand nombre d'hypermarchés
par habitant (forte densité), les trois distributeurs les plus importants
installés sur son territoire représentent, à eux seuls, plus de 50 % du commerce
de détail de produits alimentaires (forte concentration). Mais la concentration
du secteur de la grande distribution n'est pas propre à la France. C'est le cas
dans la plupart des pays du nord de l'Europe. Le Royaume-Uni, l'Italie et
l'Allemagne offrent toutefois des caractéristiques très différentes. Avec sept
enseignes de hard discount se partageant les 14 214 magasins du pays, la
grande distribution allemande offre ainsi un visage tout à fait singulier.
Les dysfonctionnements de la grande distribution en France
CEPREMAP
Philippe Askenazy et Katia Weidenfeld
Le président de la République, Nicolas Sarkozy, a récemment affirmé vouloir
réformer le secteur de la grande distribution. Pourquoi une telle réforme
est-elle urgente ? Les auteurs reviennent sur les différentes mesures qui,
depuis 1996, ont régulé le secteur de la grande distribution française. Les lois
Raffarin et Galland (1996) ont, selon eux, empêché le secteur de s'ouvrir à la
concurrence, notamment au hard discount. Le nombre de créations et
d'extensions de grandes surfaces alimentaires s'est en effet effondré dans la
seconde moitié des années 1990, tous types de distribution confondus. Ces
mesures seraient ainsi responsables de la hausse progressive des prix
alimentaires depuis 1996 en France, alors que ceux-ci suivaient une évolution
comparable à celle des autres pays européens.
Réformer la grande distribution : quels effets sur le pouvoir d'achat ?
Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française
Jacques Attali
Si une réforme du secteur de la grande distribution en France semblait depuis
longtemps indispensable - la Commission européenne a récemment attiré
l'attention sur le niveau de concentration particulièrement élevé dans ce
secteur en France -, l'inflation des prix des biens alimentaires et la
quasi-stagnation du pouvoir d'achat des ménages (voire une baisse pour les plus
modestes) ont fortement incité le gouvernement à ne plus attendre pour la mettre
en place. L'instauration d'une concurrence par les prix devrait, à court et
moyen termes, favoriser la hausse du pouvoir d'achat de l'ensemble des ménages.
Mais, à plus long terme, l'apparition d'oligopoles et d'ententes entre
distributeurs, voire entre distributeurs et fournisseurs, pourrait affaiblir
l'effet attendu sur le pouvoir d'achat...
Également dans ce numéro
HISTOIRE DE LA PENSEE ECONOMIQUE
Introduction à la nouvelle économie politique
Idées
Guillaume Cheikbossian
Si la science économique, autrefois désignée par la seule expression " économie
politique ", ne pouvait initialement se concevoir indépendamment des questions
politiques, la distinction qui s'est opérée entre sciences économiques et
sciences politiques a conduit les économistes à faire abstraction des aspects
politiques et institutionnels de leur discipline. La " nouvelle économie
politique " (NEP) réintègre au contraire l'analyse des phénomènes politiques
dans le champ de la science économique. Remettant en cause l'idée que les
arbitrages effectués par les décideurs publics visent toujours à maximiser le
bien-être de l'ensemble de la société, les tenants de la NEP ont notamment
recours à la théorie des jeux ou à celle des anticipations rationnelles pour
analyser l'influence des groupes de pression, l'incidence des asymétries
d'information ou encore les questions de cohérence intertemporelle des choix
politiques. Ces derniers apparaissent dès lors comme la traduction de conflits
d'intérêts au sein de la société.
ECONOMIES ETRANGERES
Le modèle de croissance espagnol est-il épuisé ?
Diagnostic(s) - COE-Rexecode
Julian Pérez
Au cours de la dernière décennie, l'Espagne a obtenu des performances
économiques remarquables qui lui ont permis de rattraper une partie de son
retard vis-à-vis de ses partenaires européens. Le rythme moyen de croissance du
produit intérieur brut (PIB) y a en effet été, depuis la fin des années 1990, de
3,8 % contre 2,5 % pour l'Union européenne (UE) et 2,2 % pour la zone euro.
Plusieurs facteurs ont concouru à ces excellents résultats comme la politique
monétaire expansionniste, l'essor du secteur de la construction et le dynamisme
de l'offre de travail. Aujourd'hui, des signes d'essoufflement apparaissent et
l'économie semble marquer le pas, ce qui nourrit un intense débat autour de la
soutenabilité du modèle de croissance ibérique.
SCIENCE ECONOMIQUE
Cycles économiques
Eclairages - Crédit Agricole
Cynthia Kalasopatan et François Letondu
L'expansion rapide de l'économie chinoise est annoncée comme un phénomène de
long terme qui coïncide avec une phase ascendante d'un cycle économique entamée
en 2003. La croissance spectaculaire de l'Empire du Milieu offre ainsi
l'occasion de s'interroger de nouveau sur les cycles dont la durée et la
périodicité peuvent être différentes. Les auteurs abordent notamment la question
de la relation entre le cycle économique et le cycle des prix des matières
premières et de l'énergie qui rythment l'économie mondiale en insistant en
particulier sur le cas de la Chine.
DELOCALISATIONS
Le offshore, un phénomène de mode ?
La Gazette de la société et des techniques
Thomas Houdré et Mathias Lelièvre
Si le terme offshore était, il y a quelques années, réservé aux
entreprises pétrolières qui installaient leurs plates-formes au large des côtes,
il s'applique désormais à l'ensemble des grandes entreprises, notamment à
celles, en France, du CAC 40. Le offshoring consiste à réduire les coûts
en produisant dans des pays où ils sont faibles. Aucune des activités
essentielles de l'entreprise, de la production à l'informatique en passant par
les ressources humaines, n'est épargnée par ce processus de délocalisation. Avec
un taux de croissance de 30 % par an dans un pays comme l'Inde, le phénomène du
offshoring peut-il encore être considéré comme un effet de mode ?
No
2.950
18 juin 2008
DOSSIER :
Retraites 2008 : la poursuite des réformes
Réforme des retraites : les rendez-vous de 2008
La Lettre de l'OFCE
Gérard Cornilleau et Henri Sterdyniak
La loi du 21 août 2003 portant sur la réforme des retraites institue des
rendez-vous quadriennaux destinés à examiner les différents paramètres des
régimes en fonction des données démographiques, économiques, financières et
sociales. Le premier de ces rendez-vous a été prévu en 2008. Plusieurs questions
cruciales ont été inscrites à l'agenda : l'allongement de la durée de cotisation
requise de 40 à 41 ans, la prise en compte de la pénibilité, la revalorisation
des pensions du régime général, l'évolution des prestations dans les cinq années
à venir et enfin un bilan de la situation financière des régimes. Les décisions
précises concernant ces divers chantiers devraient jouer un rôle essentiel dans
la poursuite de la réforme.
De l'emploi à la retraite : quel parcours pour les seniors ?
Chronique internationale de l'IRES
Antoine Math
La prolongation de la vie active est considérée en Europe comme la solution au
problème de la dégradation des taux de remplacement (ratio retraite/salaire)
qu'entraînent les réformes des systèmes de retraite engagées depuis une bonne
décennie. Chacun serait ainsi libre de choisir entre travailler plus longtemps
ou percevoir une pension plus faible. Quant à la régulation du financement du
système des retraites, elle serait assurée à la fois par un allongement des
périodes de cotisation au système et par une diminution du temps passé à la
retraite. L'augmentation du taux d'emploi des seniors qui permettrait
d'enclencher ce schéma vertueux se heurte toutefois à la réalité du
fonctionnement des marchés du travail qui se traduit par de fortes inégalités
face à l'emploi. Ainsi, le passage direct de l'emploi à la retraite est-il un
cas de figure minoritaire dans presque tous les pays européens. Si on ný prend
garde, pour les seniors confrontés à des fins de carrière difficiles, ces
politiques risquent d'aboutir à une précarisation encore plus grande et à un
accroissement des inégalités.
Les effets redistributifs des systèmes de retraites en Europe
Revue française d'économie
Mathieu Lefèbvre
En France, la revalorisation des petites retraites et du minimum vieillesse est
une des priorités inscrites à l'agenda du gouvernement en 2008. La question de
l'évolution du niveau des pensions et de leurs conséquences sur la pauvreté et
les inégalités entre retraités concerne une grande partie des Etats européens. A
partir des données internationales fournies par la base du Luxembourg Income
Study (LIS), l'auteur s'interroge sur les effets redistributifs des régimes
de pension en Europe. Il montre qu'ils sont assez différents d'un pays à
l'autre. Les systèmes bismarckiens semblent ainsi plus généreux en moyenne et
davantage redistributifs que les systèmes beveridgiens. De même, si la situation
des plus de 65 ans s'améliore nettement à partir du moment où ils touchent leurs
pensions, le manque d'indexation de ces transferts sur le coût de la vie
entraîne un appauvrissement progressif au fur à mesure que l'on vieillit.
Pour une refonte générale des régimes de retraites en France
Institute for Fiscal Studies et École d'économie de Paris
Antoine Bozio et Thomas Piketty
En raison de la complexité de ses règles de fonctionnement et de ses modes de
calcul, le système français de retraites est devenu incompréhensible pour les
citoyens. Rares sont ceux en mesure de dire quels seront effectivement leurs
droits. Cette situation finit par miner le consensus démocratique autour de la
retraite. De surcroît, la question de la pérennité du système est constamment
posée en raison des problèmes que soulève à terme son financement. Plutôt qu'un
énième ajustement, les auteurs proposent une refonte générale de l'ensemble des
régimes de pensions et leur remplacement par un système unifié sur des comptes
individuels de cotisations. Cette réforme qui s'inspire de celle mise en œuvre
avec succès en Suède permettrait de conserver un système fonctionnant par
répartition tout en clarifiant les droits à la retraite de chacun sur le long
terme.
Également dans ce numéro
ECONOMIE DE LA CULTURE
Le financement public du cinéma français
La Revue du Trésor
Audrey Azoulay
Le cinéma est à la fois un art et une industrie. C'est également un formidable
moyen d'information, voire de propagande. Les pouvoirs publics l'ayant compris,
ont, dès la création du Centre national de la cinématographie (CNC) en 1946, mis
en œuvre une politique d'aide au septième art. Le modèle de financement public
du cinéma a, au fil du temps, évolué avec les modes de consommation des images.
Le soutien public au cinéma français repose ainsi désormais davantage sur la
taxe sur la télévision (377 millions d'euros) que sur la taxe sur le prix
d'entrée dans les salles obscures (278 millions d'euros). Étendues à tous les
types d'exploitation (salles, télévision hertzienne, câble, ADSL, vidéo et vidéo
à la demande), les différentes contributions au financement du cinéma ont permis
d'en diversifier les ressources budgétaires. Cette évolution est le signe d'un "
pacte de confiance " toujours renouvelé entre l'Etat et l'industrie
cinématographique française.
CAPITALISME
La démocratie est malade du supercapitalisme
Sciences Humaines
Entretien de Xavier de la Vega avec Robert Reich
Le nouvel ordre économique dominé par le supercapitalisme s'est imposé en
bousculant le régime de croissance des trente glorieuses. Le capitalisme
réglementé - le fordisme des économistes de la régulation - a subi, à partir des
années 1960, notamment sur le plan politique, les assauts répétés de nouveaux
concurrents. Parvenant à leurs fins, ces entreprises ont profondément bouleversé
les règles du jeu. Les innovations technologiques (l'Internet et les nouveaux
moyens d'acheminement des marchandises), ainsi que la déréglementation des
marchés ont favorisé l'avènement de l'hyperconcurrence qui permet à n'importe
quelle entreprise de pénétrer n'importe quel marché. Dans ce contexte, les
grandes entreprises éprouvent les plus grandes difficultés à maintenir les
accords salariaux négociés auparavant avec les syndicats. A l'heure de
l'hyperconcurrence, si les consommateurs peuvent être gagnants, les citoyens, et
de manière plus générale la démocratie, sont, eux, à coup sûr perdants. La
politique est en effet devenue le prolongement de la concurrence économique par
d'autres moyens, parmi lesquels le lobbying est sans doute aujourd'hui l'arme la
plus redoutable.
No
2.951
02 juillet 2008
DOSSIER :
Les fonds souverains
A l´origine des fonds souverains
Eclairages - Crédit Agricole
Riadh El Hafdhi
Les marchés financiers internationaux ont vu émerger, au cours de la dernière
décennie, un nouvel acteur de poids : les fonds souverains. La plupart d'entre
eux ont été créés à partir des réserves et des excédents en devises des pays
émergents. Leur but est avant tout de placer et de gérer de manière rentable des
liquidités publiques qui ne font pas l'objet d'investissement dans leurs pays
d'origine. Aujourd'hui, les fonds souverains sont devenus plus visibles car ils
se contentent de moins en moins d'une fonction de stabilisation à court ou à
long termes, mais recherchent des rendements élevés. Leurs choix se portent donc
moins sur les bons du Trésor mais beaucoup plus sur les actions. Cette stratégie
inquiète les gouvernements ne disposant pas de tels fonds : ils craignent que
ces liquidités puissent servir des intérêts autres qu'économiques...
Les fonds souverains ou la profonde mutation des relations économiques
internationales
Futuribles
Charles du Granrut
L'apparition des fonds souverains est un phénomène complexe qui ne se résume pas
à une simple accumulation de réserves de change. L'auteur rappelle que
l'émergence de ces fonds s'explique par une transformation, à la suite de la
grave crise financière de 1997, de la stratégie de croissance des pays
asiatiques. Celle-ci ne repose plus seulement sur l'ouverture commerciale, mais
également sur la réalisation d'excédents commerciaux et l'accumulation de
réserves de change. Dix ans plus tard, le succès de cette stratégie est
indéniable. Il confère à ces pays un pouvoir substantiel en matière de gestion
des taux de change ainsi que la possibilité de gérer une partie des réserves de
façon dynamique sur les marchés internationaux. Par conséquent, le rôle des
fonds souverains doit être analysé dans une perspective plus large, celle de
l'accession de certains pays émergents au statut de puissance financière.
Une menace pour la stabilité financière ?
De Nederlandsche Bank Quarterly Bulletin
L'activité des fonds souverains peut être bénéfique pour la stabilité
financière. La récente crise des subprimes en a été une parfaite
illustration lorsque certains d'entre eux se sont portés au secours de banques
américaines en difficulté. Par ailleurs, ces fonds étant à la recherche
d'investissements qui offrent une garantie de rendement, ils sont
particulièrement vigilants concernant l'allocation des capitaux qui doit
s'avérer la plus efficace possible. Néanmoins, les fonds souverains peuvent
également être la source d'un certain nombre de risques et de tensions. Leur
taille (sans doute, dans 10 ans, 15 à 20 % de la valeur des actifs financiers
dans le monde) et leur manque de transparence constituent ainsi de réels
dangers. Ils risquent d'accroître la volatilité et ainsi de perturber les
marchés financiers. Le financement de la dette des grands pays industrialisés
pourrait en outre s'avérer plus difficile dans la mesure où les gérants des
fonds souverains privilégient les actions et les obligations d'entreprises au
détriment des bons du Trésor.
Fonds souverains : le retour du capitalisme d'Etat
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Jenik Radon et Julius Thaler
L'émergence récente des fonds souverains rend difficile l'analyse de leurs
effets sur l'économie. Outre les craintes suscitées par leur manque de
transparence, l'activité des fonds souverains provoque de nombreuses
interrogations quant à ses conséquences réelles sur le fonctionnement de
l'économie de marché. Les auteurs rappellent que les investissements réalisés
par un fonds souverain n'engagent pas un investisseur privé mais un Etat,
disposant de pouvoirs et d'un potentiel d'influence nettement plus importants.
Ainsi, ce dernier pourrait - si cela sert ses fins politiques - supporter plus
aisément des participations à pertes. Les fonds souverains pourraient également
fausser la concurrence, si les produits d'une entreprise servaient par exemple à
subventionner l'activité d'une autre firme figurant dans le portefeuille de ce
fonds. Après des années de dérégulation, l'apparition des fonds souverains
marque-t-elle le grand retour du capitalisme d'Etat ?
Le match des capitalismes
Le nouvel Economiste
Philippe Plassart et Patrick Arnoux
Quand aujourd'hui économistes, philosophes et décideurs politiques s'interrogent
sur l'évolution récente du capitalisme, leur conclusion est sans ambiguïté : la
prophétie de Friedman d'une planète uniformisée par la mondialisation s'est
révélée inexacte. Cette dernière entraîne au contraire la coexistence de
différentes formes de capitalisme. Si des forces de convergence demeurent, le
capitalisme anglo-saxon semble montrer des signes de faiblesse et perdre de sa
force fédératrice. Il doit en effet cohabiter avec d'autres formes de
capitalisme : européen continental (comme en Allemagne et en France), familial
(comme en Inde et en Chine), ou encore étatique (comme en Russie et en Chine).
Cette dernière forme interpelle particulièrement les analystes car elle est
révélatrice d'une autre tendance : les fonds souverains montrent que c'est
aujourd'hui hors du marché que s'accumulent les capacités d'investissement les
plus importantes.
Également dans ce numéro
MONDIALISATION ET MARCHE DU TRAVAIL
Les emplois exportables
Finances et développement
David Coe
Si le phénomène des délocalisations n'a longtemps concerné que les emplois
faiblement qualifiés exposés à la concurrence internationale, les technologies
de l'information et de la communication (TIC) rendent aujourd'hui de nombreux
emplois, en particulier dans le secteur des services, potentiellement "
sous-traitables ". Le mouvement de délocalisation de grande ampleur qui pourrait
se produire toucherait dès lors également les travailleurs moyennement et
hautement qualifiés, pesant ainsi sur leurs niveaux de rémunération comme sur la
sécurité de l'emploi (effective ou ressentie) dans les pays développés. Il
importera donc, estime l'auteur, afin notamment de rendre la mondialisation plus
acceptable, de dédommager les perdants de ce processus, sans toutefois créer de
désincitation au travail.
SCIENCE ECONOMIQUE
Confiance et croissance
Centre d'analyse stratégique
La confiance, dans la mesure notamment où elle permet d'intensifier les échanges
et de favoriser les attitudes coopératives, est nécessaire au développement et
au bon fonctionnement d'une économie. L'étymologie de l'adjectif " fiduciaire "
- fiducia, en latin, signifie confiance - indique d'ailleurs clairement
combien l'usage de la monnaie, c'est-à-dire l'activité économique, repose
effectivement sur la confiance. Plusieurs travaux économétriques tendent du
reste à confirmer la robustesse du lien entre confiance et croissance. Comme
l'ont remarqué les lauréats du Prix du livre d'Economie 2008, Yann Algan et
Pierre Cahuc, dans leur essai La société de défiance, les Français se
distinguent par une confiance particulièrement faible aussi bien dans les autres
que dans les institutions. Le retour de la confiance - donc de la croissance -
ainsi que la survie du modèle social français pourraient dès lors passer par une
amélioration de la transparence de l'action publique, une simplification de la
réglementation (la complexité étant souvent suspectée de dissimuler des
différences de traitements importants) ou encore une réforme du système
éducatif.
DEVELOPPEMENT
L'aide au développement revisitée
Commentaire
Patrick Guillaumont et Sylviane Guillaumont Jeanneney
L'aide au développement fait, depuis quelques années, de nouveau l'objet de
nombreux débats. Ce regain d'intérêt s'est accompagné d'une augmentation de
l'effort d'aide consentie par la communauté internationale. Celle-ci a fini en
effet par prendre conscience des écarts que la mondialisation avait contribué à
creuser entre les pays développés et émergents et les pays les plus pauvres.
L'aide au développement continue cependant d'être victime, en particulier en
France, d'un certain nombre d'idées fausses et contradictoires. Les auteurs se
proposent, afin de rendre la politique française d'aide au développement plus
efficace, d'en remettre en cause cinq parmi les plus dommageables.
CROISSANCE
Ressources naturelles et solidarité entre générations
Etudes
Pierre-Noël Giraud
La multiplication de discours alarmistes ou catastrophistes concernant le mode
d'exploitation des ressources naturelles conduit aujourd'hui une partie de
l'opinion à remettre en cause radicalement notre mode de croissance. Si rien ne
change, notre dette à l'égard des générations futures pourrait s'avérer, selon
elle, incommensurable : nous léguerions ni plus, ni moins à nos descendants une
planète sur laquelle les conditions d'existence seraient rendues très
difficiles. Afin de clarifier le débat et d'identifier des priorités pour
l'action collective, l'auteur revient, ici, sur la manière dont l'économie
envisage la question des rapports intergénérationnels dans l'usage des
ressources naturelles.
No 2.952
18 juillet 2008
DOSSIER :
L'Europe économique : où en est-on ?
L´euro : notre monnaie, notre problème
Commentaire
Béatrice Majnoni D´Intignano
Personne n'a oublié la célèbre remarque d´un dirigeant américain s´adressant,
dans les années 1970, aux Européens à propos du dollar : " C´est notre monnaie
et c´est votre problème ". Concernant l'euro, il ne semble pas qu'on puisse
aujourd'hui en dire autant : celui-ci apparaît en effet à la fois comme notre
monnaie mais aussi notre problème... Certes, l´euro a contribué à créer une
vaste zone de stabilité monétaire en Europe, il facilite les échanges
intra-européens et joue un rôle protecteur contre les chocs exogènes, mais il
n´est pas parvenu jusque-là à devenir une monnaie de cotation et de règlement
sur les grands marchés internationaux. Par ailleurs, l´euro joue le rôle de
monnaie d´ajustement entre les zones du système monétaire international. En
effet, en l´absence d´une troisième devise forte au niveau international,
l´essentiel de l´ajustement se fait régulièrement au détriment de la monnaie
européenne, conduisant à une perte de compétitivité démesurée vis-à-vis du
dollar.
La gouvernance réussie de l´union monétaire
Revue d´économie financière
Niels Thygesen
Dix ans après sa création, la Banque centrale européenne (BCE) peut être
considérée comme un succès. Cette dernière a en effet parfaitement réussi à
assurer la stabilité des prix et ses décisions se sont révélées suffisamment
transparentes pour les marchés. La politique monétaire de la BCE repose sur un
policy mix qui allie des taux d´intérêt stables et peu élevés et des
politiques budgétaires prudentes. Jusqu'à présent, la BCE reste le seul
véritable organe de décision économique commun. La coordination des politiques
budgétaires est en effet aujourd´hui limitée au Pacte de stabilité et de
croissance (PSC) qui est avant tout un mécanisme de discipline, même s'il porte
en germes, depuis sa révision en 2005, une future gestion commune des politiques
budgétaires. Enfin, l´auteur rappelle que la volonté des Etats membres de céder
réellement une part de leur souveraineté - notamment en matière fiscale ou de
redistribution - demeure très faible.
Quelle place pour les politiques macroéconomiques ?
La Lettre du CEPII
Agnès Bénassy-Quéré et Benjamin Carton
Les politiques macroéconomiques (monétaire et budgétaire) constituent des
leviers d´action contracycliques importants. Dans la zone euro, ces politiques
sont mises en œuvre sous la contrainte du respect de l´objectif de stabilité des
prix et du Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Laquelle de ces deux
politiques - monétaire ou budgétaire - s´est révélée la plus compatible avec la
conduite de politiques contracycliques, se demandent les auteurs. Si la
politique monétaire commune s'est indéniablement montrée compatible, ce constat
ne vaut pas pour les politiques budgétaires qui ont été erratiques et
partiellement pro-cycliques. Ceci tient essentiellement au PSC qui se préoccupe
avant tout du solde budgétaire et de la dette des Etats membres. Aussi, les
auteurs suggèrent-ils que la coordination des politiques budgétaires en Europe
porte également sur l´évolution des recettes et des dépenses des Etats, ainsi
que sur d´autres indicateurs tels que les taux d´inflation et les soldes
extérieurs courants.
Le budget communautaire : cinquante ans au service de la solidarité
Questions d´Europe - Fondation Robert Schuman
Nicolas-Jean Brehon
Le budget de l´Union européenne (UE) n´est pas comparable à celui d´un Etat
membre, car c´est avant tout un budget opérationnel, c´est-à-dire un budget
d´interventions et de subventions. S´il atteint aujourd´hui un peu moins de 130
milliards d´euros en crédits d´engagement, il reste néanmoins modeste, car il ne
représente que 1 % du revenu national brut communautaire. Au delà de son rôle
d´intégration, le budget de l´UE est avant tout au service de la solidarité,
exprimée essentiellement par la politique de cohésion. Cette solidarité est
double, car elle ne concerne pas uniquement les régions pauvres, mais également
celles qui connaissent des difficultés structurelles. Ainsi, tous les Etats en
profitent. A l´avenir, cette solidarité pourrait peut-être s´exprimer - outre
les droits de douane actuels - par la création d´une nouvelle ressource
propre...
Comment le traité de Rome peut à nouveau sauver l´Europe
Lettre de l´OFCE
Eloi Laurent et Jacques Le Cacheux
Le traité de Rome de 1957, qui a institué la Communauté économique européenne,
contient au moins deux solutions pratiques aux différentes crises que traverse
l´Europe aujourd´hui. La première serait d'œuvrer à davantage de cohérence entre
le marché commun et le marché unique. Actuellement, celle-ci est insuffisante :
la coordination fiscale demeure très faible et les marchés des services et du
travail sont encore peu intégrés. Quant à la deuxième solution, elle
consisterait à rendre plus évidente la différenciation institutionnelle. Cette
solution pourrait rendre plus efficace le fonctionnement de la zone euro, car il
est, selon les auteurs, peu probable que les besoins de coordination et de
politiques communes soient les mêmes pour les pays de l´Union monétaire, d´une
part, et pour l´Union européenne, d´autre part. L´instauration d´un Conseil zone
euro (Eurogroupe institutionnalisé) pour coordonner les politiques budgétaires
et fiscales dans la zone euro et pour élaborer un budget propre à cette dernière
serait aussi parfaitement dans l´esprit du traité de Rome.
Également dans ce numéro
ENTREPRISES ET NOUVELLES TECHNOLOGIES
L'intégration des TIC est encore incomplète dans les entreprises
Insee Première
Sonia Besnard, Chantal Biré et Patrice Victor
En France comme dans la plupart des pays européens, les entreprises d'au moins
dix salariés sont aujourd'hui presque toutes connectées à l'Internet.
L'implantation des technologies de l'information et de la communication (TIC)
est plus importante dans les grandes structures. L'intégration des applications
informatisées reste cependant encore faible. Ainsi, moins d'une entreprise sur
deux dispose d'un système informatique de gestion des commandes pour les achats
ou les ventes. De même, en dehors des situations pour lesquelles les compétences
liées à l'utilisation des TIC constituent le cœur de métier de l'entreprise,
seule la moitié des effectifs ont recours de façon régulière à l'ordinateur. Les
entreprises employant des personnels spécialisés dans les TIC ne représentent
enfin que 15 % de l'ensemble.
EMPLOI ET QUALIFICATIONS
Surqualification et emploi des jeunes
Bref-Céreq
Dominique Fournié et Christophe Guitton
Si les emplois offerts sur le marché du travail sont tendanciellement de plus en
plus qualifiés, le niveau de diplôme des jeunes sortant du système éducatif
progresse également au fil des générations. Cette seconde évolution est
cependant plus rapide que la première. Il en résulte que les mêmes catégories
d'emplois sont pourvues à des niveaux de diplômes plus élevés. Cette évolution
de la relation formation-emploi, outre qu'elle traduit une modification des
représentations sociales de la qualification et de la compétence, a des
conséquences importantes sur l'insertion et les perspectives de carrière des
jeunes générations. Toutefois, la stabilisation puis la diminution de la
population active à l'horizon 2010-2015, devrait conduire les entreprises à
effectuer des recrutements moins sélectifs et à offrir des perspectives de
carrière plus ouvertes.
ECONOMIE DU SPORT
Jeux Olympiques de Pékin : quel sera le palmarès des PED ?
Revue juridique et économique du sport
Jean-François Bourg
Le 8 août 2008 s'ouvriront les 29es Jeux Olympiques (JO) de l'ère moderne à
Pékin. Peut-on d'ores et déjà prévoir le palmarès des médailles de cette
olympiade, en particulier les résultats qu'obtiendront les pays en développement
? La relation entre développement économique et réussite sportive est en effet
une question centrale en économie du sport. L'auteur souligne la diversité des
pays du Tiers-monde en termes de performances sur la scène sportive
internationale et l'inégalité de la répartition spatiale des performances
olympiques. Dans toute l'histoire des Jeux d'hiver, par exemple, seuls 16 pays
se sont partagé 91 % des podiums. De même, en moyenne une centaine de pays en
développement participent aux JO d'été et n'ont que rarement accès aux finales
olympiques.
No 2.953
3 septembre 2008
DOSSIER :
La France en 2030
Du 6e au 8e rang mondial
France - politique économique
Direction générale du Trésor et de la Politique économique
Aujourd´hui, les pays industrialisés occupent les premières places du classement
des économies les plus importantes par la taille, établi en fonction du produit
intérieur brut (PIB). La très nette montée en puissance de certains pays
émergents - notamment les " BRIC " (Brésil, Russie, Inde et, particulièrement,
la Chine) - va bousculer cette hiérarchie. La plupart des pays industrialisés
vont ainsi être rétrogradés : si les tendances actuelles se poursuivent, la
France se retrouvera en 2030 au huitième rang (aujourd´hui sixième), quant à
l´Allemagne, elle passera de la troisième à la sixième place. Au-delà de cette
date, la France risque de perdre encore une ou deux places. L´examen de ses
performances économiques actuelles montre cependant qu'il existe une marge de
progression non négligeable pour la France par rapport aux pays qui lui sont
comparables, si elle réussit à mobiliser davantage ses ressources en
main-d´œuvre et à profiter du dynamisme démographique que d´autres pays
développés ne connaissent pas. Mais cela suppose que soit rapidement mise en
œuvre une stratégie globale de croissance...
Le risque d´une croissance atone
La Jaune et la Rouge
Pierre Jacquet
La croissance qui compte pour l´avenir est la " croissance potentielle ",
c'est-à-dire celle qu'un pays peut atteindre durablement sans risque de tensions
inflationnistes. Pour la France, le taux de croissance potentielle semble
plafonner aux environs de 2 % par an, très loin du chiffre de 3 % considéré par
de nombreux économistes comme nécessaire pour faire baisser le chômage et les
déficits publics. Ce niveau est aussi insuffisant pour maintenir la France dans
le peloton de tête des principales économies du monde. Pire encore, la France
risque de décrocher, car la phase de rattrapage du niveau de vie des Etats-Unis
est terminée depuis plus de vingt ans et s´est même retournée récemment. Au
rythme actuel, le produit intérieur brut (PIB) par habitant de la France ne
serait plus que la moitié de celui des Etats-Unis en 2050. Limiter ce déclin
n'est pas une tâche aisée. Il faudrait notamment pour cela parvenir à surmonter
deux obstacles majeurs : le vieillissement de la population et la baisse de la
population active, ainsi que la trop faible dynamique de l'innovation.
Le retour de la croissance est possible : les conclusions du rapport Attali
Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française
Le potentiel de croissance mondiale est considérable : si les projections
actuelles se réalisent, celle-ci devrait se maintenir durablement au-dessus de 5
% par an. En Europe, certains pays profitent déjà de cette évolution, mais la
France, en dépit de ses nombreux atouts (taux de natalité élevé, infrastructures
modernes, etc.) a pris du retard. Pourtant, le retour d'une croissance plus
forte en France est possible. Pour cela, il faut rapidement bâtir un projet
d´ensemble favorisant la concurrence, l'essor de l´économie de la connaissance,
ainsi que celui des nouveaux secteurs clés. Au total, la commission présidée par
Jacques Attali a formulé 316 mesures, dont 20 fondamentales, parmi lesquelles
figurent le développement du très haut débit pour tous, la réduction des délais
de paiement des petites et moyennes entreprises par l´Etat, le transfert d´une
partie des cotisations sociales vers la CSG (contribution sociale généralisée)
et la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), l´ouverture à la concurrence des
professions réglementées. Selon Jacques Attali, si ce programme est mis en
œuvre, la France pourrait, dès 2012, atteindre une croissance potentielle de 1
point plus élevée qu´aujourd´hui et ramener son taux de chômage à 5 %,
c´est-à-dire réaliser le plein-emploi.
La démographie favorable à une politique de croissance
Lettre de l´OFCE
Matthieu Lemoine, Paola Monperrus-Veroni et Frédéric Reynès
De nombreux scénarios noirs portant sur les perspectives de croissance de la
France reposent sur d´anciennes prévisions démographiques. Une projection
réactualisée, prenant en compte un plus fort dynamisme démographique, les effets
de la régulation de l'immigration et l´impact anticipé des réformes des régimes
de retraite permettent, concernant le potentiel de croissance de la France, de
dresser un tableau plus optimiste. Ainsi, la population active augmenterait de
900 000 personnes à l´horizon 2050, alors qu´il était prévu, dans le scénario
précédent, qu'elle baisse à partir de 2006. De même, le potentiel de croissance
est supérieur de 0,3 point par an en moyenne entre aujourd´hui et 2050.
Cependant, en dépit de cette évolution, la croissance potentielle passerait de
2,3 % aujourd´hui à 1,7 % sur la période 2021-2050. Ce ralentissement serait
principalement dû au vieillissement démographique qui entraînerait la baisse de
la population en âge de travailler à partir de 2011. Néanmoins, la croissance
supplémentaire devrait davantage assurer la soutenabilité des finances publiques
et donner des marges de manœuvre plus grandes aux politiques économiques.
Quel avenir pour l'économie française ?
Rapport du Conseil d´analyse économique
Cellule permanente du CAE
A partir des contributions de différents membres du Conseil d´analyse économique
(CAE), la cellule permanente de ce dernier a dressé un tableau d´ensemble de la
France dans quinze ans. Concernant les nouveaux gisements de croissance, il
paraît probable que la France réussisse à accroître ses efforts en matière
d'innovation et à améliorer les performances de son système d'enseignement
supérieur. La compétitivité et la présence à l´international des entreprises,
surtout des PME, seront également accrues. A propos du rôle de l´Etat, les
auteurs voient, à partir d'un recentrage de ses fonctions, la France converger
vers les standards européens. La fiscalité devrait également, en raison d'une
intensification de la concurrence fiscale mondiale, être modernisée. Enfin,
l'apparition de tensions entre jeunes défavorisés et retraités sont à prévoir,
de même que l´accroissement des inégalités sociales.
Également dans ce numéro
ECONOMIES EMERGENTES
Les BRIC contre-attaquent !
Décideurs stratégie finance droit
Les économies brésilienne, russe, indienne et chinoise - les BRIC, acronyme
désormais connu -, jeunes et dynamiques, bousculent les règles du jeu de la
mondialisation en lançant notamment leurs champions nationaux à la conquête de
l'Europe et des Etats-Unis et dopent ainsi les performances de l'ensemble des
pays émergents. Le nombre d'offres d'achat de la part des marchés émergents sur
des entreprises européennes et américaines est en effet deux fois plus élevé que
celui émanant de l'UE et des Etats-Unis concernant les BRIC (respectivement 60
000 et 30 000 millions de dollars). Les performances financières des BRIC sont
en outre, selon le cabinet d'audit Ernst & Young, remarquables. L'étude qu'il a
menée sur les résultats financiers des géants économiques des pays émergents
révèle qu'en 2007, 20 % des 1 000 premières capitalisations boursières, sont à
mettre à l'actif de ces derniers, soit deux fois plus qu'en 2000.
CHANGEMENT CLIMATIQUE
Conséquences économiques du changement climatique : retour sur le rapport
Stern
Lettre Trésor-Eco
Joffrey Célestin-Urbain
Le rapport effectué en, 2006 par Sir Nicholas Stern, alors directeur du Budget
et des Finances publiques au Trésor britannique, introduit des éléments
d'analyse économique dans le débat concernant le réchauffement climatique. Il
conclut en effet que les dommages causés par le réchauffement de la planète
seraient 5 à 20 fois supérieurs aux sacrifices que les systèmes économiques
devraient consentir pour lutter efficacement contre l'effet de serre. Les choix
méthodologiques de Stern - et, donc, ses conclusions - ont toutefois été
vivement critiqués. Une approche plus homogène des coûts et bénéfices des
mesures de prévention prises, une méthode d'actualisation plus orthodoxe et une
meilleure prise en compte de la valeur du carbone et de l'incertitude dans la
modélisation auraient permis, estime l'auteur, de prévenir les objections
formulées à l'encontre du rapport, sans toutefois inverser le sens de ses
conclusions : le laissez-faire en matière climatique coûterait davantage de
richesses à l'humanité que les mesures de prévention nécessaires à la maîtrise
et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les pouvoirs publics
ont, dès lors, la responsabilité de mettre en place des incitations économiques
appropriées pour modifier le comportement des agents afin de minimiser le coût
du changement climatique.
TEMPS DE TRAVAIL
Heures travaillées : l'écart se creuse entre les Etats-Unis et l'Union
européenne
L'Observateur de l'OCDE
Rory J. Clarke
Les revenus du travail seraient en grande partie expliqués par la quantité de
main-d'œuvre utilisée. Ainsi, le temps de travail serait la principale cause de
l'écart de revenus entre les Américains (en tête) et les Européens (à la
traîne), notamment la France. De cette comparaison, est née une rivalité entre
les deux zones. Si les Etats-Unis enregistrent en effet le plus grand nombre
d'heures travaillées (plus de 15 % par rapport à la moyenne européenne), cela
n'a pas toujours été le cas et les taux de productivité européens sont
supérieurs. La France n'est en outre pas le pays où l'on travaille le moins. Les
Britanniques, par exemple, travaillent à peine plus que les Français, mais, en
revanche leur taux d'emploi est plus élevé.
No 2.954
17 septembre 2008
DOSSIER :
Les Etats-Unis, une superpuissance économique en crise
Elections américaines : le poids du contexte, le choc des programmes
Conjoncture BNP - Paribas
Jean-Marc Lucas
A l'automne prochain, les Américains auront à se déterminer sur le nom de celui
qui succèdera, à la Maison-Blanche, à George W. Bush et qui présidera, pour au
moins quatre ans, aux destinées de la plus grande puissance économique du monde.
Alors qu'en 2004, le duel entre le Président sortant et le démocrate John Kerry
avait surtout porté sur la sécurité nationale et la guerre en Irak, cette fois,
ce sont les questions économiques qui arrivent au premier rang des
préoccupations des électeurs. Il faut dire que le contexte économique dans
lequel le scrutin se déroule est particulièrement morose. La confiance des
ménages n'a cessé de s'effondrer depuis l'été 2007, traduisant, mois après mois,
la profonde inquiétude dans laquelle les ont plongés le retournement de
l'immobilier, la crise du subprime, la déprime du secteur de l'automobile
ou la faiblesse historique du dollar. Le démocrate Barack Obama et le
républicain John Mac Cain, désireux tous les deux de l'emporter le 4 novembre
prochain, se sont évertués, au fil des semaines, à répondre le plus efficacement
possible aux angoisses d'une majorité de leurs concitoyens.
La fuite en avant dans l'endettement
Vingtième siècle
Jacques Mistral
Sous le double mandat de George W. Bush, si après les chocs du début des années
2000, la croissance économique a été rapide, elle s'est aussi accompagnée d'une
hausse considérable de l'endettement interne et externe. L'administration
républicaine sortante aura été la plus dépensière, depuis des décennies,
dilapidant en quelques années l'excédent budgétaire légué par Bill Clinton.
Quant aux ménages, leur dette a littéralement explosé, passant de 580 milliards
de dollars en 2000 à 1 250 milliards en 2005. Durant la même période, leur
épargne ne va cesser de diminuer chutant de 2,3 % à - 0,5 %. Le caractère
insoutenable des déficits et l'accumulation incontrôlée de la dette
conduisent-ils cette fois l'économie américaine vers l'abîme ? Les plus
pessimistes voient, notamment dans les turbulences financières déclenchées par
la crise de l'été 2007, les prémices d'une catastrophe annoncée depuis quelques
années déjà...
Dollar ; le début de la fin ?
The Economist
Le taux de change effectif nominal du dollar contre un panier des principales
devises a perdu plus du tiers de sa valeur depuis 2002. La chute de la monnaie
américaine a été, au cours des six dernières années, particulièrement marquée
face à l'euro. La dépréciation du billet vert est aggravée par la crise qui mine
l'économie américaine et les marchés financiers depuis l'éclatement de la crise
du subprime. Aussi la perte de confiance dans le dollar ne cesse-t-elle
de s'accroître depuis plusieurs mois. Cependant, si l'irrémédiable déclin du
dollar a été de nombreuses fois annoncé au cours des trente dernières années, le
billet vert est parvenu chaque fois à surmonter ses accès de faiblesse,
réussissant jusqu'à présent à conserver son statut de première monnaie du monde.
La crise des " Big Three " de l'automobile américaine
Chronique internationale de l'IRES
Catherine Sauviat
Depuis les années 2000, l'industrie automobile américaine, en perte de vitesse,
a engagé un important mouvement de restructuration. L'année 2008 est
particulièrement sombre pour le secteur. La chute des ventes de véhicules neufs
au premier semestre est la plus prononcée depuis 1993. Le premier marché
automobile du monde suit en fait de près l'évolution de l'économie américaine
dans son ensemble. La flambée du prix des carburants - le prix du gallon (3,785
litres) se situe à environ 4 dollars - et la crise du marché immobilier
dissuadent les ménages d'engager des dépenses pour l'achat d'un véhicule. Les "
Big Three " (General Motors, Ford et Chrysler) ne cessent de perdre des
parts de marché par rapport à leurs principaux concurrents et sont désormais
dans une situation particulièrement périlleuse.
L'assurance santé : un système coûteux, des résultats médiocres
Etudes et résultats - DREES
Sylvie Cohu et Diane Lequet-Slama
Aux Etats-Unis, la majorité de la population est couverte par une assurance
privée de santé proposée dans la plupart des cas par les employeurs. Les
assurances publiques concernent les personnes âgées de plus de 65 ans ou les
personnes handicapées dans l'incapacité de travailler, certaines familles
pauvres, ainsi que des enfants. En revanche, dans ce qui est le pays le plus
riche du monde, près de 16 % de la population ne dispose d'aucune couverture
maladie. Le système de santé se caractérise par son coût très élevé et
l'augmentation des primes d'assurance a conduit récemment à un désengagement de
la part des employeurs. En dépit de son coût, le système de santé n'est en outre
pas particulièrement performant, puisque les Etats-Unis enregistrent des
résultats sanitaires médiocres et des inégalités importantes. Une généralisation
de l'assurance maladie à l'ensemble de la population a été mise en œuvre au
Massachusetts et d'autres Etats comme New York ou la Californie sont tentés par
une telle expérience.
Également dans ce numéro
SCIENCE ECONOMIQUE
Quel enseignement de l'économie à l'université ?
L'Economie politique
Michel Herland
A l'occasion de la remise du rapport Guesnerie au ministre de l'Education
nationale, Xavier Darcos, le 3 juillet 2008, on s'est interrogé de nouveau sur
la pertinence et l'utilité de l'enseignement de l'économie dans le secondaire et
à l'université. Concernant les sciences économiques et sociales au lycée, le
rapport dénonce le caractère " encyclopédique " des thèmes étudiés et la
lourdeur de programmes qui semblent davantage insister sur les échecs et les
défaillances de l'économie de marché que sur ses aspects positifs, ainsi qu'une
présentation plutôt négative de l'entreprise. L'auteur, ici, offre son propre
point de vue et se demande s'il est utile de continuer à enseigner dans le
supérieur des théories reposant sur des hypothèses qu'il juge peu valables,
voire " absurdes " (concurrence parfaite, productivité marginale décroissante,
etc.). Il appelle implicitement à une reconsidération de la science économique
qui mériterait, selon lui, de retrouver son indépendance vis-à-vis des
mathématiques.
ECONOMIES ETRANGERES
L'Italie : vers un nouveau départ ?
Lettre de l'OFCE
Paola Monperrus-Veroni
Au lendemain des élections des 13 et 14 avril 2008, l'Italie présente une
situation économique dégradée. La croissance est atone (+ 1,5 % seulement en
2007) et le déficit extérieur, qui contribue négativement au produit intérieur
brut (PIB), est symptomatique d'une faible compétitivité (- 26 % de pertes de
parts de marché à l'exportation depuis 1995). Seule une politique visant à
maîtriser les coûts salariaux et les prix et à prendre en compte le
vieillissement de la population qui pèse sur les dépenses de l'Etat, pourrait,
selon l'auteur, renforcer l'économie italienne.
MONNAIE
Francs ou euros : dans quelle monnaie comptons-nous ?
INSEE Première
Maël Theulière
Après l'introduction de la monnaie unique dans la zone euro en 1999, les billets
et les pièces des monnaies nationales ont continué à être utilisés, car leur
remplacement définitif par l'euro n'a eu lieu qu'au début de l'année
2002. Depuis, le franc n'est plus l'unité de compte sur le territoire français.
Six ans plus tard, les Français ne recourent quasiment plus à leur ancienne
monnaie lorsqu'ils évoquent leurs dépenses quotidiennes. Mais pour les dépenses
moins courantes, pour les achats importants ou pour des ressources
exceptionnelles, certains de nos concitoyens préfèrent toujours se référer au
franc. Ce phénomène est plus fréquent chez les personnes âgées et les ruraux
pour qui les repères et les échelles de valeur demeurent souvent en franc. A
l'inverse, habiter à proximité d'un autre pays de la zone euro ou posséder un
niveau d'éducation élevé a facilité la conversion rapide à la monnaie
européenne.
No 2.955
1er octobre 2008
DOSSIER :
Crise alimentaire mondiale : quelles solutions ?
La flambée des prix des biens alimentaires
Finances et Développement
Thomas Helbling, Valérie Mercer-Blackman et Kevin Cheng
La brutale hausse des cours sur les marchés de matières premières, ces derniers
mois, contraste fortement avec la tendance baissière de la plupart des produits
de base dans les années 1980 et 1990. L'augmentation des prix des biens
alimentaires a conduit les experts du monde entier à s'interroger. Si la
production de biocarburants perturbe sérieusement les marchés des biens
alimentaires, la hausse des cours est, pour la plupart d'entre eux, largement
imputable à l'évolution de la demande des pays émergents. Les faibles
élasticités-prix de l'offre et de la demande, caractéristiques du marché des
biens de première nécessité, risquent en outre d'inscrire ce phénomène dans la
durée.
Et si la crise était profitable aux pays du Sud ?
L'Expansion
Benjamin Neumann
Le problème de la faim dans le monde n'est pas nouveau mais la crise alimentaire
actuelle est inédite, dans la mesure où elle touche désormais une population
urbaine appartenant à la classe moyenne. Au Sud, tous ne seront pas perdants.
Cette crise alimentaire pourrait en effet s'avérer profitable aux paysans qui ne
bénéficient pas de subventions. La hausse des prix des biens de première
nécessité encourage en effet les petits agriculteurs à investir et à augmenter
leur production, afin de rompre avec les deux dernières décennies au cours
desquelles le niveau trop bas des prix a dévasté les agricultures peu
compétitives. Aussi, à condition que les prix alimentaires restent élevés, dans
les années à venir, nourrir l'ensemble de la population mondiale est-il un défi
qui pourrait désormais être plus facilement relevé.
Le prix à payer de la " révolution verte "
Time
Vivienne Walt
Le lancement, à la fin des années 1960, de la " révolution verte " dans la
plupart des pays en développement (PED), qui a permis l'incorporation du progrès
technique dans les activités agricoles, a entraîné une augmentation de la
production. Le succès de la " révolution verte " a conduit bien des experts et
des responsables à considérer que les problèmes alimentaires mondiaux pouvaient
être définitivement résolus. Les pays du Nord en ont d'ailleurs profité pour
réduire le montant de l'aide attribuée aux PED. C'était sans compter avec la
hausse de la demande mondiale de biens alimentaires qui a fortement contribué à
l'augmentation des prix et à la diminution des stocks...
Seules les grandes exploitations du Nord pourront offrir davantage
The Economist
Depuis 2007, le prix du riz a augmenté de 141 %. S'il est difficile de mesurer
toutes les conséquences de cette forte hausse, on estime d'ores et déjà que le
pouvoir d'achat des pauvres des pays en développement (PED) serait réduit de 20
% en moyenne. Le recours à l'aide alimentaire offre une solution de court terme,
mais comment parvenir à augmenter l'offre dans la durée ? Les agriculteurs des
pays riches ont déjà commencé à réagir à la hausse des prix. Ce n'est pas le cas
des petits producteurs des PED qui, à l'exception de quelques rares cas,
notamment sur le continent africain, souffrent des défaillances du marché et ne
peuvent pas réagir facilement aux signaux émis par les prix, comme c'est le cas
dans d'autres secteurs.
L'ouverture agricole américaine et européenne : une solution pour le Sud ?
La Lettre du CEPII
Christophe Gouel et Maria Priscila Ramos
Les subventions agricoles à la production et à l'exportation, accordées par
l'Union européenne (UE) et les Etats-Unis, ainsi que leur protectionnisme
concernant les échanges agricoles, leur sont, depuis de longues années,
reprochées. La crise alimentaire mondiale a relancé le débat autour de la
libéralisation commerciale dans le secteur agricole. Mais les choses ne sont
peut-être pas aussi simples. D'une part, l'impact d'une diminution des droits de
douane américains et européens ne serait, selon les auteurs, profitable que pour
les grands pays producteurs comme le Brésil qui bénéficierait, à lui seul, de la
moitié du total des gains. D'autre part, cette libéralisation commerciale ne
concernerait que quelques biens agricoles. Les prix des produits les plus
protégés par l'UE et les Etats-Unis ne seraient, eux, concernés que de façon
marginale.
Également dans ce numéro
ECONOMIES ETRANGERES
Allemagne : Résurgence de la pauvreté dans la vieillesse ?
Chronique internationale de l'IRES
Mechthild Veil
Depuis 1950, le régime allemand de retraites est passé par deux grandes phases.
Les réformes réalisées entre 1950 et le début des années 1970 ont massivement
relevé le niveau des retraites, mais à partir de la décennie 1980, cette
tendance s'est progressivement inversée, conduisant au versement de pensions
moins avantageuses pour une partie des bénéficiaires actuels ou futurs
(augmentation de l'âge de la retraite, stagnation, voire baisse du montant de la
retraite). A la suite de ces réformes, le risque de pauvreté parmi les personnes
de plus de 65 ans, certes encore inférieur à celui que connaissent d'autres
groupes d'âge en Allemagne, s'est accru et ce phénomène commence à trouver un
écho dans la classe politique. Ainsi, un projet, qui a suscité de nombreux
débats, prévoit de financer via l'impôt une augmentation des pensions des
retraités aux carrières contributives longues, afin qu'ils puissent bénéficier
d'un minimum supérieur au montant de l'aide sociale.
ECONOMIE DU SPORT
Les très hauts revenus des superstars du sport
Revue d'économie politique
Jean-François Bourg
Depuis quelques années, les économistes ont cherché à expliquer la formation des
revenus dans le sport mais également les disparités considérables de
rémunération des sportifs. Les écarts de talent sont supposés être à peu près
identiques dans les années 1970 et 2000, mais les revenus des superstars
ont fortement augmenté au cours des trois dernières décennies. Ces rémunérations
sont également très variables d'un sportif à l'autre. Ainsi, le golfeur
américain Tiger Woods et le tennisman suisse Roger Federer ont perçu des revenus
très différents en 2007, 100 et 29 millions de dollars respectivement. Selon la
théorie des superstars - qui s'applique à toute activité liée à l'"
économie de la célébrité " -, ces écarts s'expliquent avant tout par le mode de
valorisation des sportifs vedettes, via une médiatisation globale, notamment la
télévision.
MIGRATIONS ET CHANGEMENT CLIMATIQUE
Les conséquences migratoires du réchauffement climatique
Futuribles
Étienne Piguet
Les migrations liées aux phénomènes climatiques sont un thème encore peu étudié.
Après avoir précisé certains concepts qui font l'objet de controverses comme
celui de " mouvements migratoires induits par l'environnement " ou celui de "
réfugiés de l'environnement ", l'auteur montre quelles pourraient être les
conséquences migratoires du réchauffement climatique au travers de trois types
d'événements : les tempêtes et inondations, les sécheresses et pénuries d'eau et
l'élévation du niveau de la mer. L'auteur souligne que ce dernier phénomène est
susceptible d'entraîner des migrations définitives et concernerait au minimum
146 millions de personnes. Les pays industrialisés étant jusqu'à présent les
principaux responsables des émissions de dioxyde de carbone à l'origine du
changement climatique, il est indispensable qu'ils prennent aussi rapidement que
possible la mesure du problème et qu'ils se donnent les moyens de le prévenir.
No 2.956
15 octobre 2008
DOSSIER :
Le bilan de l'économie française 2007/2008
En 2007, un enfant sur deux est né de parents non mariés
Population et sociétés
Gilles Pison
La population de la France métropolitaine a augmenté de 0,5 % en 2007, pour
s'établir à 61,9 millions au 1er janvier 2008. La croissance s'explique pour
l'essentiel par l'excédent des naissances sur les décès. La fécondité, en se
situant très près du seuil de renouvellement des générations, reste une des plus
élevées d'Europe. L'espérance de vie continue de progresser et dépasse, tous
sexes confondus, 81 ans. En 2007, on compte quatre pacs pour dix mariages,
tandis qu'un enfant sur deux naît désormais hors mariage.
La hausse de l'emploi s'accélère
Point statis - Unedic
Didier Dubaud et Sophie Garcia
En 2007, 360 900 emplois salariés ont été créés, soit une progression de 2,2 %
par rapport à l'année précédente. Compte tenu du niveau de la croissance (+ 2,1
%), le nombre des créations d'emplois est particulièrement important et
l'économie française enregistre sur ce plan sa meilleure performance depuis
2000. Comme ce fut le cas en 2006, la hausse des effectifs dans le secteur
tertiaire (+ 3,0 %) et la construction (+ 4,2 %) a plus que compensé le recul
enregistré dans l'industrie (- 1,1 %). On observe également, comme en 2006, une
augmentation plus rapide de l'emploi féminin.
La progression de l'activité se maintient
INSEE Première
Franck Arnaud, Guillaume Houriez et Ronan Mahieu
En 2007, comme en 2006 (données brutes), le produit intérieur brut (PIB)
augmente en moyenne annuelle de + 2,2 %. La consommation des ménages et
l'investissement continuent de tirer la croissance. En revanche, le
ralentissement des exportations a un impact négatif sur cette dernière. Quant
aux importations, elles sont relativement dynamiques. Le pouvoir d'achat du
revenu disponible des ménages a gagné en vigueur et leur taux d'épargne a
augmenté. Les sociétés non financières ont vu leur taux de marge progresser
légèrement tandis que l'activité des sociétés financières a été, elle, en repli.
Le taux de prélèvements obligatoires s'est inscrit sensiblement à la baisse et
le déficit public s'est creusé.
Ralentissement du pouvoir d'achat des ménages
Note de conjoncture
INSEE
En 2008, le pouvoir d'achat du revenu de l'ensemble des ménages a, contrairement
à l'année précédente, nettement ralenti en raison de la hausse de l'inflation et
de la décélération du revenu disponible brut. Cette dernière serait due à la
progression des loyers et à l'accélération des impôts versés. La consommation
des ménages s'est ainsi infléchie et leur investissement a stagné du fait de
l'augmentation régulière des taux d'intérêt bancaires depuis deux ans.
Le déficit de la balance des paiements se creuse
Balance des paiements et position extérieure de la France
Banque de France
En 2007, le solde des biens de la balance des paiements continue de se dégrader
(- 10,3 milliards par rapport à 2006), reflétant ainsi l'évolution, à la baisse,
dans le compte des transactions courantes, des soldes des véhicules automobiles
et des biens intermédiaires. D'un point de vue géographique, la dégradation est
imputable au creusement des déficits vis-à-vis de la zone euro et de la Chine.
Du côté des services, le solde positif se redresse davantage grâce, notamment, à
l'accroissement de l'excédent des voyages. En ce qui concerne le compte
financier, les opérations d'investissement direct font apparaître, en 2007, des
sorties nettes de 48,7 milliards d'euros (+ 14,3 milliards d'euros par rapport à
2006), les relations transfrontalières entre firmes affiliées s'étant accrues de
façon significative tant pour les investissements français à l'étranger que pour
les investissements étrangers en France.
Progression plus modérée des échanges
Rapport sur le commerce extérieur
DGDDI
Par rapport aux années précédentes, la progression des échanges a été plus
modérée en 2007. Après la forte croissance de 2005 et 2006, les exportations
n'ont augmenté que de 3 % et les importations de 5,4 % (contre respectivement 9
et 9,9 % en 2006). Concernant les échanges par branche, l'industrie civile a
enregistré un ralentissement de ses ventes et une forte croissance de ses
importations. Cette évolution a été particulièrement marquée pour l'industrie
automobile. Les échanges de biens agroalimentaires, quant à eux, se sont montrés
très dynamiques, tandis que la forte progression de ceux des produits
énergétiques observée en 2006 s'est transformée en baisse, contribuant ainsi à
une réduction de la facture énergétique en 2007. En termes géographiques, les
échanges vers l'Asie ont connu une croissance vigoureuse. Ils ont permis de
compenser le ralentissement du commerce avec les autres pays membres de l'Union
européenne. Au total, le solde des échanges a été déficitaire de 39,2 milliards
d'euros en 2007.
Dégradation des finances publiques
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Cour des comptes
L'amélioration progressive de la situation des finances publiques, engagée à
partir de 2004, s'est interrompue, voire inversée, en 2007. Le déficit public
français - après 2,4 % du produit intérieur brut (PIB) en 2006 - s'est creusé
pour atteindre 2,7 %, mais reste tout de même en dessous de son niveau de 2005
(2,9 %). La dette publique est également repartie à la hausse (63,9 % contre
63,6 % en 2006). Cette dégradation résulte notamment d'une augmentation du
déficit public structurel à 2,9 % du PIB, soit plus d'un demi-point de
pourcentage par rapport à celui de l'année précédente. Au cas où la conjoncture
se détériorerait, il pourrait ainsi franchir le seuil de 3 %. Les comparaisons
internationales montrent que la situation de la France a évolué à contre-courant
de celle de la plupart de ses partenaires européens, et notamment de
l'Allemagne.
Également dans ce numéro
MARCHES FINANCIERS
Les traders, maîtres du front office ?
Prospective stratégique
Thami Kabbaj
En dépit des scandales retentissants qui éclatent à intervalles réguliers dans
le monde de la finance - de la banqueroute de la Barings en 1995 à l'affaire de
la Société Générale en 2008 -, les traders continuent d'exercer une très
forte fascination. Ces professionnels qui occupent une place de choix au sein de
la salle des marchés (SDM) sont en effet l'objet de nombreux fantasmes que le
cinéma hollywoodien a notamment contribué à renforcer, fantasmes qui sont le
plus souvent bien éloignés de la réalité. L'affaire Jérôme Kerviel a une
nouvelle fois attiré l'attention sur le métier de trader et sur les
dysfonctionnements organisationnels au sein des salles de marchés. L'auteur
revient sur les particularités de cette fonction et préconise, pour un meilleur
contrôle des activités de marché, une profonde réforme de l'organisation des
SDM, ainsi que la prise en compte chez les traders de la dimension
psychologique.
ENTREPRISES
Danone, une entreprise " unique "
Le Journal de l'Ecole de Paris du management
Pierre Deheunynck
L'entreprise Danone, qui suscite régulièrement l'intérêt d'une série de firmes
concurrentes ou d'investisseurs, a fait l'objet au cours de l'été 2005 de
rumeurs à propos d'une opération de rachat inamicale lancée par Pepsi. Danone a
finalement préservé son indépendance, mais l'épisode a montré que la seule
valeur économique de l'entreprise - exprimée à travers le cours de l'action -
n'était pas un moyen suffisant pour conserver l'indépendance de la société.
C'est dans ce contexte qu'est né le concept de uniqueness. Il s'agit d'un
modèle économique (business model) singulier, basé sur une mission et un
modèle de management spécifiques, intégrant un projet sociétal. Fort de ce
modèle, le PDG de Danone, Frank Riboud, prévient ceux qui seraient tentés de
lancer une OPA sur son entreprise : ils risquent de perdre tout ce qui la rend
singulière et lui confère une valeur unique.
No 2.957
29 octobre 2008
DOSSIER :
Le capitalisme saisi par la philanthropie
La mondialisation accroît le nombre de philanthropes
Rapport moral de l'argent dans le monde
Benoît Chervalier
Il semble que la mondialisation économique soit à l'origine de l'expansion du
nombre de fondations philanthropiques dans la mesure où elle a en effet parmis
au cours des dernières décennies, à de nombreux individus de s'enrichir
rapidement. A tel point que la croissance mondiale du nombre de milliardaires
dépasse celui des millionnaires ! Et les économies émergentes ne sont pas en
reste : les milliardaires brésiliens sont ainsi plus nombreux que les français.
L'accroissement des richesses a, depuis le milieu des années 1990, non seulement
favorisé l'essor des fondations philanthropiques dans le monde, mais également
entraîné l'internationalisation de leurs activités.
L'avènement du philanthrocapitalisme
Management Today
Ian Wylie
La philanthropie se porte bien : les initiatives caritatives et les dons ne
cessent de se multiplier et de nouvelles fondations voient le jour chaque année.
Compte tenu des sommes astronomiques désormais investies dans certaines
fondations philanthropiques, les méthodes traditionnelles de gestion des
fondations apparaissent, aux yeux des nouveaux philanthropes, comme désuètes.
Ceux-ci souhaitent désormais recourir à des stratégies qui leur assurent un
retour sur investissement. L'essence de la philanthropie serait-elle menacée par
l'avènement du philanthrocapitalisme ?
La philanthropie au secours du développement durable
How to spend it ? - Financial Times
Lucia van der Post
Nombreuses sont les fondations philanthropiques qui consacrent leurs activités
aux plus démunis. Les philanthropes qui se préoccupent du sort de la faune et de
la flore sauvages sont en revanche plus rares. Beaucoup de ces philanthropes à
la fibre écologique sont d'anciens brokers qui ont fait fortune dans la
finance, et ont soudainement souhaité changer radicalement de vie. Les
investissements les plus importants sont principalement effectués dans le
secteur de l'écotourisme, en particulier en Afrique orientale. Si ces activités
ne sont pas nécessairement rentables, elles permettent toutefois de créer de
nombreux emplois et de préserver des régions parmi les plus belles et les plus
sauvages de la planète.
Bill Gates : portrait d'un philanthrope du XXIe siècle
Fortune
Brent Schlender
Microsoft tourne, en cette année 2008, la page des années Gates. Le fondateur de
la célèbre entreprise informatique, Bill Gates a en effet annoncé en juin qu'il
mettait fin à ses activités au sein du numéro un mondial du logiciel pour se
consacrer entièrement à sa fondation caritative. L'auteur dresse le portrait de
l'homme le plus riche des Etats-Unis, dont la curiosité débordante le conduit
désormais à entreprendre des études de biologie afin de mieux comprendre
certaines maladies qui sévissent dans le tiers-monde et dont il s'est fixé ni
plus ni moins comme objectif de les éradiquer. Le philanthrope y est également
paradoxalement décrit comme quelqu'un de finalement peu idéaliste et
profondément imprégné de la culture du résultat.
Les investissements bien peu philanthropiques de la Fondation Bill Gates
Los Angeles Times / Courrier International
Charles Piller, Edmund Sanders et Robin Dixon
La Fondation Bill et Melinda Gates dispose d'un capital de 66 milliards de
dollars, une somme considérable puisque deux tiers des pays du monde ont un
produit intérieur brut (PIB) inférieur. L'enquête effectuée par les auteurs sur
les activités de la Fondation révèle que les investissements obéissent à une
stratégie très précise permettant de valoriser son capital. Au moins 5 % des
avoirs sont consacrés à des donations permettant de bénéficier d'exonérations
fiscales tandis que les 95 % restants sont investis dans des activités
lucratives ou non qui composent un portefeuille d'activités très diversifié.
Curieusement, parmi ces activités, certaines vont à l'encontre des objectifs
mêmes de la Fondation. Celle-ci finance par exemple au Nigeria un hôpital qui ne
propose pas le nouveau Kaletra (antirétroviral utilisé chez les malades du
sida), alors que ce médicament est fabriqué par Abbott, laboratoire
pharmaceutique américain dans le capital duquel la Fondation Gates détient
pourtant une forte participation.
Egalement dans ce numéro
MARCHE DU TRAVAIL
Performances nordiques et flexicurité : quelles relations ?
Travail et emploi
Alain Lefebvre et Dominique Méda
Les pays du nord de l'Europe, notamment la Finlande, la Suède et le Danemark, se
distinguent en matière d'emploi : non seulement leurs taux de chômage sont
nettement en dessous de la moyenne européenne, mais surtout leur pourcentage de
chômeurs de longue durée se situe très bas. Ces performances sont souvent
attribuées au modèle de flexicurité tel qu'il est pratiqué dans ces pays.
Certains le décrivent comme un " triangle d'or " : une flexibilité élevée des
contrats de travail, des indemnisations généreuses du chômage et des politiques
d'emploi actives. Les auteurs se demandent toutefois s'il ne faudrait pas
prendre en compte d'autres éléments. Ils formulent ainsi l'hypothèse selon
laquelle l'investissement social des pays nordiques dans le capital humain, mais
également dans la recherche, le développement et l'innovation pourrait
représenter un quatrième facteur explicatif des performances en matière
d'emploi.
ECONOMIE ET ENVIRONNEMENT
Pour une ville plus durable : le péage urbain
La note de veille - Centre d'analyse stratégique
De nombreuses villes dans le monde ont recours au péage urbain, certaines, comme
Singapour, depuis plusieurs décennies. L'objectif poursuivi par ces différentes
métropoles est de favoriser l'organisation des déplacements dans le
centre-ville, de réduire la pollution, d'améliorer le cadre de vie, etc. En
France, l'institution d'un péage urbain par une agglomération n'est possible que
si la loi lý autorise. A l'occasion du Grenelle de l'environnement, le président
de la République, Nicolas Sarkozy, a souligné sa volonté, afin de favoriser un
développement durable des transports, de permettre aux collectivités
territoriales la mise en œuvre de ce mode de régulation.
MIGRATIONS
Amérique latine : les transferts d'argent sont-ils un réel facteur de
développement ?
Hommes et migrations
Alejandro I. Canales
Depuis le sommet du G8 de Sea Island (Etats-Unis) en 2004, les transferts
d'argent des migrants (remesas, en espagnol) sont considérés comme un
rouage essentiel des stratégies de développement. Les remesas sont en
effet susceptibles de favoriser la création des petites et moyennes entreprises
(PME) et de contribuer à la réduction des inégalités. Les programmes de
développement sont d'ailleurs élaborés en Amérique latine, continent où les
remesas représentent 30 % du total mondial des transferts, à partir de ces
hypothèses. Mais si ces dernières contribuent incontestablement à améliorer le
niveau de vie des foyers auxquels elles sont destinées, les remesas, d'un
faible montant, ne semblent pas pouvoir constituer une stratégie de long terme
pour résoudre les problèmes socio-économiques structurels qui caractérisent les
pays latino-américains.
No 2.958
12 novembre 2008
Numéro spécial :
Réguler l'économie mondiale au XXIe siècle
Le choc des crises
La crise financière
Crise financière : un parallèle avec la crise asiatique
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Barry Eichengreen
Quel précédent historique pourrait éclairer la profonde crise financière que
traversent la finance américaine et le système financier international ? Pour
l'auteur, il ný a pas de doute, il ne peut s'agir que de la crise asiatique de
1997-1998. S'il peut paraître étonnant de comparer les Etats-Unis à un ensemble
de pays émergents, les traits communs entre les deux crises sont néanmoins
nombreux : l'opacité de la sphère financière, des règles bancaires trop laxistes
permettant l'instauration de ratios de levier excessifs, l'aléa moral suite aux
garanties implicites accordées par l'Etat aux banques et, enfin, une politique
monétaire beaucoup trop complaisante. Comme pour les pays asiatiques, le
rétablissement du système bancaire pèsera lourdement sur le contribuable. En ce
qui concerne les réformes réglementaires, l'auteur croit davantage à une
transformation progressive qu'à un bouleversement radical du système financier,
ce dernier étant trop profondément enraciné et ses éléments trop imbriqués pour
qu'on puisse en changer dans l'immédiat.
Instituer de nouvelles règles de gouvernance des institutions financières
Revue d'économie financière
Bertrand Jacquillat
Les facteurs ayant contribué directement ou indirectement au déclenchement de la
crise financière en juillet 2007 aux Etats-Unis sont nombreux : la titrisation,
la transformation profonde du modèle bancaire et de la gestion des risques, le
rôle ambigu des agences de notation, la structure et le niveau des rémunérations
dans le secteur financier, les objectifs des banques centrales... Sur chacun de
ces éléments, l'auteur propose des pistes de réflexion. En premier lieu, il
souligne qu'il faut éviter de réformer le système financier par l'introduction
prématurée de nouvelles règles car la crise n'est pas encore achevée. Ensuite,
il admet que des excès ont été commis par les différents acteurs financiers et
qu'il faut en assumer les conséquences, c'est-à-dire des pertes de volumes
colossales. Enfin, il propose des modifications réglementaires, tout en mettant
l'accent sur les incitations à l'égard des acteurs et sur l'extension des
mécanismes de marché à des domaines où ils sont insuffisants ou inexistants.
Pour une réforme globale de la théorie et de la régulation financières
Revue d'économie financière
Dominique Plihon
La crise financière est d'une ampleur sans commune mesure avec les crises des
vingt dernières années. Si la plupart des économistes s'accordent sur ce point,
les avis divergent sur les causes et les mécanismes à l'origine de ce désordre
financier mondial. L'auteur réfute la thèse de nombreux experts pour lesquels le
facteur déterminant est le développement non maîtrisé de la titrisation des
crédits immobiliers à risque aux Etats-Unis. Certes, il admet que la titrisation
représente une innovation majeure qui a bouleversé le fonctionnement des banques
et des marchés. Mais il insiste avant tout sur le fait que nous sommes face à
une crise systémique qui s'inscrit dans un processus d'instabilité financière
chronique : pour lui, elle prend ses racines au cœur même du capitalisme
financier et ne peut que se résoudre par une remise en cause de la théorie
financière standard et de la doctrine des banques centrales et des autorités de
supervision prudentielle.
La crise alimentaire
Alimentation mondiale : les racines de la crise
Le Journal du CNRS
Philippe Testard-Vaillant
La hausse brutale, jusqu'à l'été 2008, des prix des biens de première nécessité,
qui contraste avec la longue période de baisse régulière des prix de la plupart
des produits de base au cours des années 1980 et 1990, a accru les inégalités de
répartition de l'offre alimentaire mondiale et débouché sur une véritable crise
dans de nombreux pays en développement. De la libéralisation des marchés
agricoles à l'augmentation de la consommation de viande dans certains pays
émergents comme la Chine et l'Inde, en passant par la spéculation, l'auteur
examine les différents facteurs à l'origine de la crise.
La crise démo-environnementale
La régulation démo-environnementale : l'enjeu d'une planète viable
Mondes en développement
Hervé Domenach
Les mutations démographiques, environnementales et climatiques que va connaître
l'humanité dans le demi-siècle à venir sont aujourd'hui considérées avec la plus
grande attention. Le modèle occidental de développement a des conséquences
particulièrement préoccupantes conduisant notamment, selon l'auteur, à un
accroissement des inégalités et à des dégradations qui mettent chaque jour
davantage en péril la planète. Si, concernant ces questions globales, de réels
progrès ont été accomplis ces dernières années en matière de régulation
internationale, ils restent encore largement insuffisants au regard des enjeux.
La mise en œuvre d'une gestion durable des espaces, des espèces et des
ressources est désormais urgente.
Gouvernance et régulation
Pourquoi transformer le modèle de gouvernance du XXe siècle ?
Finances et développement
James M. Boughton et Colin I. Bradford Jr.
En 1919, la Société des nations, née à Paris au lendemain de la Première Guerre
mondiale au terme de six mois de négociations, pose les fondements d'une
gouvernance mondiale dont les principaux artisans seront la France, l'Italie, le
Royaume-Uni et les Etats-Unis. Tout au long du XXe siècle, de nombreuses
institutions multilatérales ont été créées et ont offert un cadre de négociation
pour l'établissement de relations économiques et politiques internationales
constructives. Mais l'apparition ou l'aggravation de certains problèmes
mondiaux, comme le changement climatique, l'accroissement des besoins
énergétiques, sanitaires, d'alimentation et de logements, ont remis en question,
en ce début de XXIe siècle, les progrès induits par la mondialisation et ont
révélé avec acuité les faiblesses et les insuffisances du modèle de gouvernance
mondiale hérité du siècle passé.
La gouvernance mondiale est-elle au service de l'intérêt général global ?
L'E-book de campagne de l'OFCE
Joseph Stiglitz
La stabilité économique mondiale a des vertus car elle génère des externalités
positives. Elle mérite donc, selon Joseph Stiglitz - lauréat en 2001 du Prix de
la Banque de Suède en sciences économiques en l'honneur d'Alfred Nobel - d'être
considérée comme un bien public mondial dont l'offre devrait absolument être
préservée dans le cadre de l'action collective. Mais, comme le rappelle le
célèbre économiste américain, si un certain nombre d'institutions
internationales ont été créées dans ce but, l'instauration d'un véritable "
gouvernement global " n'est toujours pas à l'ordre du jour. Selon Joseph
Stiglitz, il est urgent, si l'on veut " sauver " la mondialisation, de réformer
rapidement les institutions internationales qui sont en charge de la gouvernance
mondiale.
Réformer la gouvernance de l'économie mondiale
L'avenir du FMI et de la Banque mondiale
American Economic Review
Raghuram G. Rajan
Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale sont sans doute les
deux organisations internationales ayant le mieux incarné, en matière de
gouvernance mondiale, l'ordre économique né après 1945. Mais au cours des
dernières années du XXe siècle, les deux institutions de Bretton Woods ont vu,
au fur et à mesure de l'échec de certaines des politiques économiques imposées
aux pays en développement et de la montée en puissance des économies émergentes,
leur crédibilité fortement ébranlée. La remise en cause de la légitimité du FMI
et de la Banque mondiale ne signifie pas pour autant que ces institutions
financières internationales n'aient plus, aujourd'hui, aucun rôle à jouer.
Celui-ci reste très important, mais il a profondément changé. Ces institutions
sont désormais tenues de se transformer pour devenir de véritables partenaires
des Etats auxquels elles doivent continuer de prodiguer avis et conseils, ainsi
que de leur fournir des fonds lorsque cela est nécessaire. S'ils veulent
retrouver un rôle à leur dimension dans la régulation de l'économie mondiale, le
FMI et la Banque mondiale sont donc contraints d'engager, au plus vite, une
réforme de leurs structures et de leur mode de gouvernance.
Le G8 et le nouvel ordre économique mondial
International Affairs
Anthony Payne
Le G7, devenu G8 avec l'intégration de la Russie, a vu le jour de façon
informelle au début des années 1970. D'une certaine manière, ce groupe
rassemblant au départ les sept plus grands pays industrialisés, peut être
considéré comme le club des vainqueurs de l'histoire à la fin du XXe siècle,
l'élargissement à la Russie ayant une portée très symbolique, marquant le
triomphe définitif de la démocratie libérale et de l'économie capitaliste. Cette
dimension symbolique du G8 n'a pas échappé au mouvement altermondialiste. A
partir de la fin des années 1990, les sommets organisés par le club des " pays
riches " sont devenus l'occasion d'une dénonciation systématique, parfois
violente, de l'ordre économique mondial issu de l'Après-Seconde Guerre mondiale.
Dans le même temps, la montée en puissance des économies émergentes a été
l'occasion d'une contestation de la légitimité du G8 à définir seul les grandes
orientations concernant la gestion des affaires économiques du monde. Aussi, ces
Etats, que l'on peut qualifier de gagnants du début du XXIe siècle, ont-ils été
- à travers un processus d'élargissement progressif du G8 - invités à prendre
part, de façon de plus en plus formelle, à la gouvernance mondiale.
OMC : le possible et le souhaitable
L'Economie politique
Jean-Marc Siroën
L'impasse dans laquelle sont engagées les négociations commerciales
internationales du cycle de Doha est pour de nombreux spécialistes révélatrice
d'une crise très profonde que traverse aujourd'hui l'Organisation mondiale du
commerce (OMC). Certains observateurs vont jusqu'à penser que l'absence d'accord
et les échecs répétés mettent aujourd'hui en péril l'existence même de
l'organisation dirigée par le Français Pascal Lamy. Aucun des acteurs politiques
qui comptent le plus dans la définition de la gouvernance commerciale mondiale
ne souhaite toutefois voir disparaître l'OMC. L'auteur, après avoir analysé les
principes d'action de celle-ci, propose l'adoption de différentes mesures qui
permettraient de renforcer cette gouvernance du commerce mondial.
No 2.959
26 novembre 2008
DOSSIER :
Le bilan de l'économie mondiale 2007/2008
Une croissance affaiblie dans la plupart des pays de l'OCDE
Perspectives économiques de l'OCDE
OCDE
Les perspectives de l'Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) pour la fin de l'année 2008 et le début de 2009 ne sont pas
très optimistes. La tourmente que vivent les marchés financiers augure, pour
2009, une faible performance dans la plupart des pays de l'OCDE. Le taux de
croissance économique de la zone a déjà atteint, au second semestre 2008, son
niveau le plus bas (0,5 %) depuis la récession consécutive à l'éclatement de la
bulle technologique. La politique monétaire expansionniste que mènent les
banques centrales pour lutter contre le fléchissement de la demande globale - la
Réserve fédérale (Fed) a, aux Etats-Unis, d'ores et déjà abaissé son taux
directeur à 1 % - facilite le crédit mais risque de raviver la crise. Si la
croissance reste vive dans les grandes économies émergentes, les pays du Sud
n'ont pas été épargnés par la crise financière. La consolidation bancaire et le
retour de la stabilité de la croissance constituent désormais les objectifs pour
2009 de presque tous les pays de l'OCDE.
La croissance de l'emploi a perdu de la vigueur en 2007
Perspectives de l'emploi de l'OCDE
OCDE
En 2007, la croissance de l'emploi a sensiblement décéléré dans l'ensemble des
pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le
ralentissement de l'économie outre-Atlantique a eu une forte incidence sur le
marché du travail. Plus que dans tout autre pays, la croissance américaine de
l'emploi a en effet perdu de la vigueur. Dans plus de la moitié des pays de
l'Union européenne, le taux de chômage a, en revanche, diminué. Mais les effets
de la crise financière mondiale ne devraient pas tarder à se faire sentir sur
l'emploi. Une hausse brutale du chômage est en effet attendue, en 2009, dans la
plupart des pays de l'OCDE. Les pressions sur la rémunération du travail,
faibles jusqu'à maintenant, devraient dès lors rapidement augmenter.
Marchés financiers : la crise des subprimes
Rapport annuel
Banque des règlements internationaux
Toute l'année 2007, ainsi que le début de 2008, ont été marquées par les
préoccupations suscitées par les pertes sur les prêts hypothécaires à risque (subprimes)
aux Etats-Unis. Les craintes pour la stabilité des banques et autres acteurs
financiers se sont rapidement propagées aux différents segments du crédit et aux
marchés en général. Le déroulement des événements a suivi le scénario suivant :
à partir de la mi-juin, on a enregistré une augmentation spectaculaire des
primes des prêts hypothécaires à risque ; le repli s'est ensuite étendu au
marché de la dette et des produits structurés ; fin juillet : les perturbations
ont gagné le marché interbancaire ; vers la mi-octobre les problèmes du secteur
financier se sont aggravés ; fin 2007 les dysfonctionnements se sont accentués
dans le contexte d'une forte dégradation des perspectives macroéconomiques aux
Etats-Unis ; début 2008 une première banque d'investissement américaine en
difficulté doit être redressée.
Hausse des taux directeurs et tensions sur le marché interbancaire
Rapport annuel de la Banque de France
Christian Noyer
En 2007, la Banque centrale européenne (BCE) a poursuivi son cycle de
relèvements successifs de ses taux directeurs. Ainsi, le principal taux de la
zone euro a été porté à 4 % en juin 2007, un niveau maintenu jusqu'en 2008.
Cette politique a tenu compte des risques pesant sur la stabilité des prix. Face
à la progression soutenue de l'activité économique, le rythme de croissance
annuel de la masse monétaire s'est de nouveau renforcé en 2007 et le taux
d'inflation s'est établi largement au-delà des 2 % fixés par la BCE. La deuxième
moitié de l'année a surtout été marquée par les conséquences des turbulences
financières provoquées par la crise des subprimes. La défiance croissante
entre les établissements bancaires a conduit à un net assèchement du marché
interbancaire : le taux Euribor à 3 mois s'est tendu de près de 100 points sur
l'ensemble de l'année.
Un contexte moins favorable à la croissance du commerce mondial
Rapport sur le commerce mondial en 2007
OMC
En 2007, la contraction de la demande dans les pays développés a créé un
contexte moins favorable qu'au cours des dernières années à l'expansion du
commerce international. Les exportations mondiales de marchandises n'ont
augmenté que de 5,5 % en valeur réelle contre 8,5 % en 2006. La croissance des
importations a été plus faible que l'année précédente dans les pays du Nord et
dans les pays asiatiques en développement importateurs nets de pétrole. Une
amélioration notable des termes de l'échange a été observée dans les pays et
régions exportant principalement des combustibles, des minéraux et des denrées
alimentaires, en raison de la forte hausse de ces produits. En 2007, les
exportations de services ont enregistré une nette accélération dans toutes les
grandes régions du monde. Celle-ci est due essentiellement à l'évolution des
taux de change, notamment en raison de l'appréciation des monnaies européennes,
et dans certains cas, à la hausse des coûts des carburants (transport).
Montant record des flux d'IDE
Rapport sur l'investissement dans le monde 2008
CNUCED
Les entrées mondiales d'investissement direct étranger (IDE), avec un montant
total de 1 833 milliards de dollars, ont largement dépassé, en 2007, le record
historique atteint sept ans auparavant (1 411 milliards de dollars en 2000). Les
États-Unis restent le premier pays destinataire, suivis du Royaume-Uni et de la
France. L'Union européenne (UE) est la première région d'accueil, attirant près
des deux tiers du total des entrées d'IDE dans les pays développés. Les
opérations de fusions-acquisitions ont favorisé de façon très importante l'essor
mondial de l'IDE. Les sociétés transnationales les plus importantes ont continué
leur expansion à l'étranger, tandis que les fonds souverains voient leur rôle se
renforcer. Quant à l'impact de la crise financière mondiale sur les flux d'IDE,
il est resté limité en 2007 mais devrait commencer à se faire sentir en 2008.
Egalement dans ce numéro
AGRICULTURE
Pour une politique agricole internationale
Paysans
Jacques Carles
La volatilité des prix sur les marchés agricoles a atteint des sommets en 2008.
Elle est le reflet de plusieurs phénomènes. Le premier d'entre eux : les
anticipations des agriculteurs qui se traduisent par une offre fluctuante menant
à une production qui n'est que rarement en phase avec les besoins réels.
Ensuite, sur le plan structurel, la diminution progressive des stocks nationaux
a réduit leur rôle d'amortisseur. Enfin, la mondialisation de l'économie s'est
accompagnée d'une financiarisation et d'une interconnexion croissante des
marchés, conduisant à une augmentation considérable des prises de positions
purement spéculatives. Par ailleurs, l'augmentation de la production de
biocarburants intensifie les tensions entre l'offre et la demande. La future
politique agricole doit prendre en compte la spécificité de ce secteur qui,
selon l'auteur, milite pour la mise en œuvre d'une politique agricole
internationale.
PROTECTION SOCIALE
Comment prendre en charge les personnes dépendantes ?
Etudes
Bernadette Moreau
La question de la prise en charge des personnes âgées est devenue cruciale, avec
le vieillissement de la population dans les pays industrialisés - l'espérance de
vie en France continue de progresser et dépasse, tous sexes confondus, 81 ans.
La dépendance des personnes âgées devrait, selon l'auteur, faire l'objet d'un
traitement à part qui nécessiterait la création d'une cinquième " branche " de
la protection sociale, venant en sus des quatre déjà existantes :
l'assurance-maladie, les accidents du travail, l'assurance-vieillesse et les
prestations familiales. L'insertion dans la société des personnes âgées non
autonomes est d'autant plus importante qu'elles sont, en France, nombreuses :
6,4 millions actuellement et près de 8 millions en 2020. L'auteur revient
également sur la loi du 11 février 2005 qui a constitué une avancée considérable
en la matière. Celle-ci a en effet permis de définir le handicap, de multiplier
les sources de financement des prestations et de créer des maisons
départementales de personnes handicapées.
No 2.960
10 décembre 2008
DOSSIER :
Quelle banque après la crise ?
Les banques : un secteur frappé par la crise
Conjoncture BNP-Paribas
Laurent Quignon
Le secteur bancaire traverse une crise profonde. Les difficultés qui avaient,
dans un premier temps, touché essentiellement les banques américaines, se sont
progressivement étendues à l'ensemble du secteur et du monde. Le scénario est
partout le même : exposées aux produits structurés à risque, les établissements
bancaires sont pris en étau entre l'accroissement des pertes et les fortes
tensions sur le marché interbancaire, entraînant partout des problèmes de
liquidité. Depuis la faillite de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, la
résolution de la crise est guidée par le principe " too big to fail ". Le
sauvetage des établissements à court de liquidité a nécessité l'intervention des
banques centrales, ainsi que des gouvernements qui ont élaboré des plans
nationaux reposant sur des garanties publiques et la nationalisation (totale ou
partielle) de certains établissements.
Où en sont les banques françaises ?
La Vie financière
Marie-Jeanne Pasquette
Sur fond de crise de liquidité, le secteur des banques et des assurances a
amorcé un vaste mouvement de consolidation. Moins touchés que leurs homologues
anglo-saxons, certains établissements financiers français ont néanmoins
rencontré d'importantes difficultés, tandis que d'autres ont pu profiter de la
crise. Pour l'instant, trois restructurations bancaires ont eu lieu en France
avec l'aide des pouvoirs publics : BNP-Paribas-Fortis, Dexia et Natixis-Caisse
d'Épargne. En rachetant une partie des activités de Fortis, BNP-Paribas est
devenue la première banque de dépôts de la zone euro. Quant à Dexia, elle est
renationalisée à hauteur de 52 %, avec les Etats français et belge désormais à
parité dans son capital. Enfin, compte tenu des problèmes de la Caisse d'Epargne
et de Natixis, les Banques Populaires et les Caisses d'Epargne ont annoncé le
rapprochement de leurs organes centraux.
La note des subprimes se règle au guichet
L'Expansion
Marc Michaud
Malmenées sur les marchés, les banques sont obligées de revoir leur business
model. Elles redécouvrent les bienfaits de la banque universelle et
notamment ceux de la banque de détail. Ainsi, pour se refaire une santé, les
banques développent leurs forces commerciales et se focalisent sur des activités
à marges élevées, comme les ventes d'assurance. En parallèle, elles élargissent
leur offre à des produits et services non financiers, en particulier les
services à la personne ou les activités immobilières. L'autre stratégie adoptée
pour restaurer les marges consiste pour les banques à limiter certaines
activités jugées non rentables (retraits et versements d'espèces au guichet) et
à réduire leur exposition au risque (en diminuant notamment les montants
autorisés de découvert). Enfin, la concurrence pour attirer la clientèle aisée
va s'intensifier à l'avenir avec le risque de voir se développer une banque à
deux vitesses (une pour les clients patrimoniaux et l'autre pour la clientèle de
masse).
A quoi vont servir les banques d'investissement ?
La Tribune
Patrick Artus
Les banques d'investissement ont été durement touchées par la crise financière
de 2007-2008. Jusque-là, leur business model reposait essentiellement sur
deux activités : la première consiste à détenir des actifs financés par la dette
ou à constituer ce type d'actifs et à les vendre à d'autres investisseurs - ces
deux activités utilisant le levier d'endettement -, la deuxième activité est
celle du conseil en fusions-acquisitions. Si celle-ci reste fleurissante, la
première en revanche est fortement compromise car le recours au levier de
l'endettement va être de plus en plus difficile. Dans ce contexte, l'avenir de
la banque d'investissement sera davantage dans la transformation de l'épargne et
des actifs financiers. Ainsi, un des rôles essentiels de la banque
d'investissement sera à l'avenir de rendre possible l'utilisation d'une épargne
sans risque pour financer les entreprises, l'autre sera la transformation de
l'épargne des grands pays industrialisés en épargne en actions, ainsi que le
transfert des revenus des pays d'Asie et des pays producteurs de pétrole vers
l'Occident.
Comment encadrer les risques bancaires ?
Conseil d'analyse économique
Jézabel Couppey-Soubeyran
L'évolution de la réglementation bancaire représente un processus discontinu
dans lequel alternent les phases d'innovation financière et de contournement des
règles. Ainsi, face aux inquiétudes concernant des risques de crédit et les
engagements hors bilan, le régulateur a introduit en 1989 une norme de
solvabilité, le ratio Cooke, appelé aussi Bâle I. Cependant, celui-ci s'est
rapidement révélé insuffisant, notamment face aux mutations de la finance dans
les années 1990 (comme l'investissement en titres à compte propre et la création
et la revente de produits structurés, en particulier la titrisation). Le
régulateur a cherché à améliorer le dispositif en place en proposant un nouvel
accord : Bâle II. Ce dernier prévoit une modulation des exigences de fonds
propres en fonction de la notation attribuée, des exigences de fonds propres
pour certains engagements hors bilan et davantage de transparence dans les
opérations de titrisation. Entré en vigueur au Japon en 2007, en Europe au début
de 2008 - les Etats-Unis appliqueront l'accord à partir de 2009 -, Bâle II fait
aussi l'objet de critiques, car il s'agit seulement d'une recommandation qui ne
s'applique qu'aux banques, bien que des risques financiers soient également
supportés par d'autres institutions financières.
Les enjeux d'avenir des banques
Option finance
Michel Pébereau
Les banques sont de gigantesques centrales de risques (risque de crédit, de
liquidité, risques opérationnels...) qui exigent non seulement une régulation et
une surveillance, mais aussi de la discipline et une éthique. La crise actuelle
est la conséquence d'une série de dysfonctionnements du système. Les actions
d'urgence des banques centrales et des pouvoirs publics ont visé à rétablir la
confiance. Mais afin que celle-ci s'installe durablement, d'autres mesures
seront nécessaires. Outre le problème de la rémunération de certaines opérations
bancaires, les banques devraient s'interroger sur leur portefeuille d'activité
et leur politique de risque. Afin de rendre la régulation plus efficace, les
pouvoirs de ceux qui en sont chargés devraient être renforcés. Enfin, l'auteur
souligne le danger des normes comptables internationales qui, selon lui, ont un
effet procyclique.
Egalement dans ce numéro
GOUVERNANCE
Réformer l'ONU : mission impossible ?
Revue française d'administration publique
Jean-Marc Châtaigner
La question de la réforme de l'Organisation des Nations unies (ONU) est rarement
évoquée dans les débats nationaux. La marginalisation depuis quelques années de
l'institution internationale dans les domaines économiques et sociaux est de
plus en plus évidente. Deux rapports, présentés en 2006, ont proposé une
révision de la structure de l'ONU qui est inchangée depuis la signature de la
Charte régissant l'Organisation, à San Francisco, en juin 1945. Si les intérêts
contradictoires entre le Nord et le Sud constituent notamment de sérieux
obstacles à la réforme, il n'en reste pas moins qu'en l'absence d'une profonde
refonte de la coordination entre les 17 agences spécialisées et les 14 fonds et
programmes, le rôle de l'ONU dans la régulation de l'économie mondiale est voué
à disparaître.
HISTOIRE ECONOMIQUE
Soixante ans d'économie française : des mutations structurelles profondes
INSEE Première
Gérard Bouvier et Charles Pilarski
Au cours des trente glorieuses, la croissance de l'économie française reposait
de façon équilibrée sur la valeur ajoutée dégagée par l'industrie et la
construction d'une part, les services d'autre part. Au fil des décennies, la
part des services n'a cessé d'augmenter. Au cours des soixante dernières années,
l'emploi est devenu majoritairement tertiaire et salarié. Concernant la
croissance, le premier choc pétrolier de 1974 marque une véritable cassure.
Jusqu'à cette date, celle-ci était plus forte et s'appuyait sur des gains de
productivité beaucoup plus soutenus. Dans la période qui suit le premier choc
pétrolier, le ralentissement de la productivité s'est transmis aux gains
salariaux. Quant au taux de marge des entreprises, il a, sous l'impact des deux
chocs pétroliers des années 1970, reculé plus rapidement dans l'industrie que
dans les services. Il a ensuite, au cours de la décennie 1980, amorcé
progressivement son redressement.
INNOVATION
Brevets : quelles nouvelles stratégies ?
Reflets et perspectives de la vie économique
Nicolas Van Zeebroeck
Le nombre de brevets a, depuis une vingtaine d'années fortement augmenté en
Europe. Le volume des éléments nécessaires à la constitution d'un dossier de
dépôt a également été fortement accru. Cette évolution reflète-t-elle pour
autant le dynamisme de l'innovation ? Il semble qu'elle tende au contraire à
provoquer une augmentation du délai moyen de dépôt des brevets. Ce phénomène
entraîne, selon l'auteur, une augmentation, de l'incertitude et de l'insécurité
juridique pour les entreprises. A terme, on peut redouter que cette évolution ne
se traduise par un sous-investissement dans les activités de recherche et
développement (R&D) ainsi que dans la commercialisation des brevets.
No 2.961
24 décembre 2008
DOSSIER :
Minima sociaux, le temps de la réforme
Le revenu de solidarité active, plus que jamais
La Vie des idées
Martin Hirsch
La Vie des idées a, en avril 2008, lancé un débat sur le revenu de
solidarité active (RSA) à partir de contributions de chercheurs comme Dominique
Méda ou Jean-Luc Outin. Martin Hirsch, haut commissaire aux Solidarités actives
contre la pauvreté, et initiateur de ce nouveau dispositif, a souhaité apporter
une réponse aux six des principales critiques qui ont été formulées sur le RSA.
Celui-ci, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2009, est, selon lui, le seul
moyen à la fois d'élargir le public des bénéficiaires de minima sociaux (et
ainsi de diminuer le nombre d'exclus) et de les inciter à reprendre un travail.
Martin Hirsch reconnaît toutefois, dans le but d'améliorer l'efficacité du
dispositif, la nécessité de développer les politiques d'accompagnement de
l'emploi, comme l'amélioration de l'accès aux différents modes de garde
d'enfant. Il souhaiterait également, afin de ne pas favoriser la multiplication
des emplois à temps partiel, recourir à des allègements de charges sociales pour
les employeurs, de sorte qu'ils ne perçoivent pas une aide identique dans le cas
des emplois à temps partiel et à temps plein.
Un RSA modérément solidaire
Alternatives économiques
Denis Clerc
L'idée du revenu de solidarité active (RSA) est née d'un constat : la pauvreté
ne frappe pas uniquement les individus sans emploi. Il y aurait en effet, en
France, 2,5 millions d'actifs pauvres (pour la plupart à temps partiel ou en
périodes de chômage alternées avec du travail). Le RSA devrait éviter aux
individus acceptant un emploi de tomber dans cette " trappe à pauvreté active "
en leur garantissant un complément de revenu qui diminue à mesure que le salaire
augmente. Si 5 millions de ménages devraient être concernés par la mesure
applicable dès le 1er juillet 2009, le RSA serait, pour des raisons de coûts,
moins ambitieux que nécessaire. Selon l'auteur, le dispositif risque de ce fait
de ne pas avoir les effets escomptés sur la pauvreté et les inégalités.
Le système français de minima sociaux
Recherches et Prévisions
Emmanuelle Nauze-Fichet
Les minima sociaux sont des prestations sociales accordées aux individus qui
perçoivent de très faibles revenus afin de leur permettre d'atteindre ainsi un
revenu minimum. Ce sont des compléments " non contributifs " qui reposent sur
une logique de solidarité, contrairement à l'assurance maladie ou l'assurance
chômage pour lesquelles il faut au préalable avoir cotisé. La France détient
l'un des plus grands nombres de minima sociaux (neuf en tout) au profit de 3,5
millions d'allocataires (c'est-à-dire 7,4 % de la population âgée de plus de 20
ans). Cela en fait un des systèmes les plus complexes, dont l'inefficacité a
souvent été critiquée car elle est, selon l'auteur, source d'iniquités. Le
revenu minimum d'insertion (RMI), dont on fête le vingtième anniversaire en
2008, est le minimum social le plus important puisqu'il bénéficie à 1,17
millions d'individus.
Un panorama des minima sociaux en Europe
Etudes et Résultats
Patrick Horusitzky, Katia Julienne et Michèle Lelièvre
Les systèmes de minima sociaux des pays de l'Union européenne (UE) présentent
des caractéristiques divergentes. Ainsi, le nombre de minima sociaux varie d'un
pays à l'autre (9 dispositifs en France contre un seul en Finlande, par
exemple). Trois minima sont toutefois fréquents : le revenu minimum garanti, le
minimum vieillesse et la garantie de revenu aux personnes handicapées. Il y a en
revanche moins de bénéficiaires du revenu minimum garanti en Italie (0,15 % de
la population totale) qu'en Finlande (6 %). Le rôle important que joue la
famille en Italie comme amortisseur social peut en partie expliquer ce constat.
Les réformes mises en place ces dernières années présentent néanmoins des
caractéristiques communes comme le renforcement des politiques favorisant le
retour à l'emploi et la décentralisation des prestations.
Les travailleurs pauvres en France
Futuribles
Julien Damon
Si la France connaissait déjà, dans les années 1970, le phénomène des
travailleurs pauvres - 40 % des personnes pauvres appartenaient, à cette époque,
à un ménage d'actifs -, les économistes en ont fait un objet d'étude seulement
depuis le début des années 2000. La pauvreté " active " a augmenté, imposant
l'idée que l'emploi ne constitue pas un rempart absolu contre elle. L'auteur
cherche d'abord à définir la notion de pauvreté " active " ou " laborieuse " en
distinguant les individus, dont les revenus se situent en deçà du seuil de
pauvreté, mais qui ont un emploi (1,6 million) de ceux qui n'en ont pas (2,5
millions). Il propose ensuite une comparaison de ces résultats avec ceux
d'autres pays industrialisés et conclut que la France, avec 8 % de travailleurs
pauvres, se situe (en 2001) au-dessus de la moyenne européenne.
Egalement dans ce numéro
EDUCATION
Vers un marché international de l'enseignement supérieur ?
Critique internationale
Christine Musselin
Les réformes de l'enseignement supérieur se sont succédé, ces dernières années,
en France, comme dans la plupart des pays européens. La thématique en vogue de
l'économie de la connaissance a placé les universités au cœur des préoccupations
gouvernementales. La quête de meilleures performances dans les domaines de
l'éducation, de la recherche et de l'innovation a abouti à une remise en cause
du rôle de l'Etat et à une transformation des organisations. Les logiques de
privatisation se sont affirmées et l'idée de transférer vers les universités des
modes de gouvernance et de management issus du privé s'est progressivement
imposée. Enfin, au cours des dernières décennies, la mobilité internationale des
étudiants et des universitaires s'est développée et est même devenue une source
de revenus. L'intensification de ces échanges, dans le cadre de la
mondialisation, annonce peut-être l'avènement prochain d'un marché international
de l'enseignement supérieur.
CHANGEMENT CLIMATIQUE
Le coût d'opportunité du protocole de Kyoto
Financial Times
Bjørn Lomborg
Ne niant ni la réalité du changement climatique, ni le fait qu'il résulte de
l'activité humaine, l'auteur estime toutefois trop élevé le coût des politiques
préconisées dans le cadre du protocole de Kyoto pour des résultats sans doute
très modestes. Rappelant que l'on meurt globalement plus de froid que de chaud
sur Terre, il suggère notamment que le réchauffement climatique est susceptible
de sauver davantage de vies que d'en détruire. Il considère également qu'il est
plus efficace et beaucoup moins coûteux de lutter contre les effets du
réchauffement climatique que de tenter de réduire les émissions de dioxyde de
carbone (CO2). Ainsi peut-on, par exemple, espérer lutter efficacement contre
les vagues de chaleur, qui seront de plus en plus fréquentes au cours du siècle
qui commence, en transformant l'urbanisme des villes les plus exposées afin dý
réduire la quantité d'asphalte et de béton, qui retiennent la chaleur, et dý
rendre la végétation plus abondante. De même, si le réchauffement climatique
devrait sensiblement augmenter les ravages du paludisme, il est plus aisé et
plus efficace de lutter contre ce fléau non pas en réduisant les émissions de
CO2 mais en luttant contre la pauvreté, afin de permettre aux populations
touchées de recourir aux sprays, moustiquaires et traitements appropriés. Il
s'agit en somme, dans un monde où les ressources sont limitées, de hiérarchiser
les priorités en effectuant, pour chaque mesure envisagée, un bilan
coût/avantage afin de déterminer celles qui sont les plus susceptibles
d'améliorer le bien-être mondial au moindre coût.
ENTREPRISES
La stratégie à l'heure de l'hyper-concurrence
Economie et management
Serge Edouard
La recherche en management stratégique distingue deux approches -
complémentaires mais partielles - de la concurrence. Un premier courant de
pensée envisage l'intensité de la concurrence comme un facteur exogène à
l'entreprise. Le jeu concurrentiel devient ainsi un processus de sélection et la
stratégie ne sert qu'à s'adapter à cet environnement. Selon l'autre approche, on
considère, à l'inverse, que la concurrence est le produit des manœuvres
stratégiques des entreprises. Elle n'est plus une donnée, mais peut être
influencée par l'entreprise qui est susceptible de la retourner à son avantage à
travers des stratégies d'attaques, de dissuasion ou de défense. A l'heure de
l'hyper-concurrence, les entreprises sont de plus en plus souvent contraintes de
modifier le jeu concurrentiel en déployant des stratégies proactives qui peuvent
être agressives ou coopératives.
No 2.978
16 septembre 2009
Comment vit-on la crise au Sud ?
La crise n'a pas le même impact pour tous les pays émergents
The Economist
Le premier sommet du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) qui s'est tenu à
Iekaterinbourg (Russie), en juin 2009, constitue un véritable symbole de la
place qu'occupent désormais les grands pays émergents dans l'économie mondiale.
Les performances réalisées par ces économies, qui se sont rapprochées de la
trajectoire de développement des pays riches, ont donné du crédit à la théorie
du " rattrapage ". Mais la crise économique mondiale a montré qu'en réalité le
Brésil, l'Inde et la Chine, des pays-continents, suivent au contraire, une voie
bien différente de celle empruntée naguère par les pays occidentaux, laquelle
leur permet de renouer plus rapidement avec la croissance.
Asie du Sud-Est : de la crise économique à la crise du développement ?
Sophie Boisseau du Rocher
Accomex
Si l'Inde et la Chine semblent en pleine phase de reprise, les pays du Sud-Est
asiatique, notamment les anciens " tigres " (la Malaisie, la Thaïlande,
l'Indonésie et les Philippines) ne résistent pas aussi bien à la crise. Avec des
taux d'ouverture parmi les plus élevés du monde, ces économies sont
particulièrement exposées au ralentissement du commerce mondial. Le choc est
d'une telle ampleur, que certains économistes remettent en cause le modèle de
croissance fondé sur les exportations qui avait, jusque-là, contribué à leur
réussite économique mais dont la crise a révélé les limites.
La rente pétrolière au secours du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord ?
Entretien avec Auguste Kouamé
Document de travail de la Banque mondiale
Peu exposés aux soubresauts de l'économie financière en raison de leur
intégration limitée au sein des marchés financiers internationaux, les pays
d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient (MENA) ont été moins touchés par la crise
que les autres économies en développement, notamment d'Asie et d'Amérique
latine. Les effets de la récession mondiale se font néanmoins sentir : le taux
de croissance moyen de la région est en net recul et le taux de chômage atteint
des niveaux élevés dans certains pays. Les Etats exportateurs de pétrole s'en
sortent mieux, même si l'annulation d'importants projets de construction, comme
à Dubaï (Emirats arabes unis), ont des répercussions économiques non
négligeables. Quant aux autres pays de la région (la Jordanie, le Liban, le
Yémen et Djibouti), particulièrement dépendants des investissements étrangers,
ils devront faire face à une recrudescence de la pauvreté.
L'Afrique, première victime de la crise ?
Tony Elumelu
The World Today
Le Fonds monétaire international (FMI) a récemment revu à la baisse le taux de
croissance moyen de l'Afrique pour l'année 2009. Celui-ci reste néanmoins
positif (3 %) et le continent semble en mesure, selon le directeur général de
United Bank for Africa, de résister durablement à la crise économique mondiale.
Les économies africaines, souvent présentées comme des économies rentières sont
plus diversifiées qu'il ný paraît, comme c'est le cas du Nigéria où le secteur
non pétrolier a crû davantage que celui des ressources naturelles. L'Afrique
doit cependant faire face à un défi majeur : la baisse progressive de l'aide
fournie par les institutions financières internationales. Mais ce
désinvestissement est l'occasion pour le continent de s'appuyer sur ses propres
ressources, notamment grâce à un renforcement de la coopération entre les
différentes banques centrales africaines.
La chute des transferts des migrants menace le développement
Didier Doucet
La note de veille du CAS
Les transferts financiers envoyés (par voies officielles) de l'étranger par les
travailleurs migrants à leur famille s'élevaient, avant la crise, à environ 300
milliards de dollars - ce qui représente trois fois le montant de l'aide au
développement. Mais ces flux de devises devraient, selon la Banque mondiale,
diminuer de 5 à 8 % en 2009. La chute brutale de cette manne financière pourrait
avoir des conséquences dramatiques dans les pays qui en dépendent le plus, comme
le Mali où les transferts représentent 12,5 % du produit intérieur brut (PIB),
ou le Maroc où ils atteignent 10 %.
L'aide au développement, une solution efficace à la crise ?
Entretien avec Esther Duflo
Enjeux Les Echos
En raison de la volatilité des prix agricoles, de la baisse brutale des
transferts financiers et de l'effondrement du commerce mondial, la plupart des
pays en développement ont vu leurs finances diminuer de façon drastique. Dans
certains cas, ces phénomènes menacent gravement le processus de développement,
si bien que la question cruciale de l'aide se trouve à nouveau posée. Jusqu'à
présent, celle-ci n'était envisagée que sous deux aspects généralement opposés :
l'aide massive et celle prenant la forme de microprojets soutenus par la
microfinance. La première s'est avérée, selon Esther Duflo, moins efficace que
prévu, tandis que la seconde nourrit des activités de survie non viables à long
terme. Dans ces conditions, il devient urgent d'imaginer d'autres modalités plus
pragmatiques d'aide au développement.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ECONOMIE DE L'INTERNET
A quoi ressemblera le monde numérique en 2030 ?
Réalités industrielles - Annales des Mines
Michel Gensollen
En quelques années, la " révolution numérique " a été à l'origine de
transformations sociales et économiques majeures qui ont entraîné un
bouleversement des rapports de force. Compte tenu du progrès technique, le "
monde numérique " sera dans vingt ans bien différent de celui que nous
connaissons aujourd'hui. Nous assisterons sans doute grâce au web interactif à
l'avènement d'une société de contributeurs anonymes organisée autour de
communautés en ligne. Dans un monde où les innovations se succéderont très
rapidement les unes aux autres, la socialisation des goûts, la décentralisation
des savoirs et la virtualisation pourraient remettre en question non seulement
les coordinations traditionnelles imposées jusque-là par le marché mais
également une certaine forme d'individualisme hédonique.
NIVEAU DE VIE
Employés et ouvriers non qualifiés : un niveau de vie bien inférieur à la
moyenne des salariés
INSEE Première
Yves Jauneau
En 2007, la France comptait 5,5 millions d'employés et d'ouvriers non qualifiés.
Si l'éventail des métiers exercés par cette catégorie de salariés est large, ils
partagent quand même un certain nombre de caractéristiques. Ils ont ainsi, plus
fréquemment que les autres salariés, un contrat de courte durée, à temps partiel
ou sont en situation de sous-emploi. Ces conditions d'emploi moins favorables
expliquent en partie l'écart de revenu salarial annuel avec la moyenne des
salariés (- 44 %). La prise en compte de l'ensemble des ressources réduit cet
écart mais les employés et ouvriers non qualifiés ont au final en moyenne un
niveau de vie inférieur d'environ un quart à celui de l'ensemble des salariés,
tandis que 13 % d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté, soit deux fois
plus que la moyenne des salariés.
STATISTIQUES
Des outils statistiques pour prévoir les crises
Adelheid Burgi-Schmelz
Finances et Développement
La complexité des nouveaux instruments financiers n'a pas permis de prévoir le
déclenchement de la crise actuelle. La nécessité de suivre de plus près
notamment les opérations hors bilan des entreprises et des banques est devenue
plus urgente que jamais. Depuis les crises mexicaine et asiatique des années
1990, des progrès considérables en matière de surveillance financière, comme
l'harmonisation internationale des données économiques et financières, ont été
réalisés. Mais la crise des subprimes a montré que cela n'était pas
suffisant. Seuls l'engagement à long terme des acteurs de la finance mondiale et
leur coopération permettraient, selon le Fonds monétaire international (FMI),
d'obtenir des données suffisantes pour évaluer les risques financiers.
No 2.979
30 septembre 2009
Partager les fruits de la croissance
Partage de la valeur ajoutée : un état des lieux
Rapport au Président de la République
Jean-Philippe Cotis
En février 2009, le président de la République, Nicolas Sarkozy, a commandé
auprès du directeur général de l'Institut national de la statistique et des
études économiques (INSEE), Jean-Philippe Cotis, un rapport visant à établir un
diagnostic sur le partage de la valeur ajoutée en France. Il ressort de ce
dernier que l'ensemble de la rémunération du travail représente 67 % de la
valeur ajoutée des sociétés non financières. Depuis vingt ans, ce niveau est
plutôt stable. Au sein de la masse salariale, l'intéressement et la
participation occupent une place réduite mais croissante. La stabilité du
partage global s'accompagne néanmoins d'une faible dynamique des salaires nets,
principalement due à la modestie de la croissance et à la hausse des
prélèvements sociaux. Par ailleurs, le rapport confirme la montée des inégalités
salariales. En ce qui concerne le profit des entreprises, il se répartit de la
façon suivante : 57 % sont consacrés à l'investissement, 7 % reviennent aux
salariés et 36 % au capital.
Les entreprises ne sont pas coupables
Société Civile
Guillaume Varnier
Quelle est la responsabilité des entreprises dans l'évolution du partage de la
valeur ajoutée ? Selon la théorie économique, ce partage repose sur l'évolution
de la structure économique. De ce point de vue, la stagnation du niveau de vie
et des salaires réels est attribuable avant tout aux faiblesses structurelles de
l'économie française. Ainsi, l'essentiel des créations d'emplois se fait, en
France, dans des secteurs qui génèrent peu de richesses et qui sont relativement
mal rémunérés. Par ailleurs, le poids relatif des dividendes s'est certes accru
dans la valeur ajoutée, comme l'a démontré le rapport Cotis, mais si l'on
compare la rémunération de l'actionnaire au montant des capitaux propres
apportés, il en ressort une baisse continue de la rentabilité pour ce dernier
depuis vingt-cinq ans. Quant au taux de profit des entreprises, il a fortement
varié dans le passé, mais reste, aujourd'hui, inférieur à sa moyenne dans la
zone euro.
Les bonus sur la sellette
Le Monde
Entretien avec Thomas Philippon
Si l'on en croit les sondages, une majorité de Français jugent excessifs les
bonus versés à certains professionnels de la finance. En ces temps de crise
économique mondiale, et compte tenu de la part de responsabilité de certaines
banques dans le déclenchement de cette dernière, cette opinion n'est guère
étonnante. Le débat autour des bonus rejoint celui plus ancien sur les
indemnités de départ, les stock-options, etc. perçues par plusieurs
dirigeants d'entreprises et jugées, elles aussi, particulièrement choquantes par
l'opinion publique. Un certain consensus commence à se dégager au niveau
politique en faveur d'un encadrement plus strict de ce mode de rémunération.
Néanmoins, lutter contre cette pratique est difficile, tant que la solution
envisagée reste nationale. Par ailleurs, le lien entre bonus et performance de
l'entreprise est difficile à mesurer. Thomas Philippon, propose, pour sa part,
de taxer les activités bancaires en fonction de leur risque.
Trente ans de déclassement : un débat français
Document de travail du CAS
Marine Boisson et al.
Le débat autour du partage des fruits de la croissance peut être enrichi par les
travaux, de plus en plus nombreux, sur le déclassement social. Ce dernier qui
relève d'un effet de comparaison sociale où se conjuguent les inégalités inter-
et intra-générationnelles semble en effet avoir pris ces dernières années une
certaine ampleur. Ce phénomène complexe qui touche la génération des " Trente
Piteuses " - période allant du milieu des années 1970 aux années 2000 et qui
aurait succédé aux Trente Glorieuses - se produit à une époque marquée par le
ralentissement de la croissance économique et la déformation de la distribution
des revenus. Cela contribue notamment à expliquer le sentiment qu'ont les "
déclassés " d'une détérioration, par rapport à la génération précédente, du
niveau de vie, qui serait due à un partage moins favorable de la richesse.
Le partage de la valeur ajoutée : vers un capitalisme plus juste
Rapport du Conseil d'analyse économique
Gilbert Cette, Jacques Delpla et Arnaud Sylvain
Si l'année 2009 doit se solder par une nette baisse du taux de marge des
entreprises, l'évolution du partage de la valeur ajoutée, en France, se
caractérise par une grande stabilité depuis près de quarante ans. Malgré cette
stabilité, la dispersion et la nature des rémunérations ont fortement changé,
notamment sur la dernière décennie. Ces tendances contribuent à l'impression
qu'ont de nombreux salariés de ne pas bénéficier équitablement des fruits de la
croissance. Les auteurs du rapport du Conseil d'analyse économique formulent un
certain nombre de préconisations visant à mieux concilier justice sociale et
efficacité économique. Ils vantent ainsi les bienfaits de la redistribution via
l'impôt, mais également des dispositifs, comme le revenu de solidarité active
(RSA), qui représentent, selon eux, les outils les plus appropriés pour un
meilleur partage des fruits de la croissance. Les auteurs rappellent aussi les
limites du dispositif de l'épargne salariale et invitent à davantage de
transparence concernant les rémunérations des dirigeants d'entreprises et les
cadres de haut niveau.
Une autre lecture de la crise : produire et distribuer
Les Echos
Jean-Marc Vittori
La crise économique actuelle présente un certain nombre de similitudes avec
celle de 1929 : à chaque fois, la crise a été précédée d'une révolution
(production de masse dans les années 1920, essor des nouvelles technologies de
l'information et de la communication soixante-dix ans plus tard) et s'est
accompagnée d'une forte montée des inégalités. L'auteur analyse ces différents
phénomènes et conclut que la principale ressemblance entre les deux crises est,
en fin de compte, le désajustement entre l'offre et la demande : la production a
augmenté plus rapidement que la consommation. Afin de rééquilibrer l'offre et la
demande, les Etats peuvent injecter de l'argent, ce qu'ils ont fait à chaque
fois. Une autre solution est l'augmentation du niveau des salaires telle qu'elle
a été réalisée dans les années de l'Après-guerre.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ECONOMIES ETRANGERES
L'économie espagnole à l'épreuve de la crise mondiale
Note de conjoncture de l'INSEE
Mathilde Clément, Mathilde Pak et Laure Turner
L'intégration réussie de l'Espagne à la zone euro masque les nombreux
déséquilibres accumulés depuis par l'économie ibérique. Si l'entrée de l'Espagne
dans l'Union économique et monétaire (UEM) a permis la baisse des taux
d'intérêt, celle-ci a également contribué à accroître la consommation et
l'investissement par l'endettement privé et a ainsi provoqué le creusement du
déficit de la balance courante. Elle a en outre occasionné une forte
augmentation des coûts salariaux unitaires. Ces déséquilibres ont rendu
l'économie espagnole particulièrement vulnérable à la crise actuelle. Avec le
retournement des marchés immobilier et du crédit, les anciens moteurs de la
croissance se sont enrayés. Le chômage s'est accru et le déficit de productivité
s'est creusé avec les autres grands pays de la zone euro (Allemagne, France et
Italie).
ENTREPRISES
Délocalisations : nouvelles tendances
L'Expansion Management Review
Jean-Louis Muchielli
Avec la crise économique mondiale, le spectre des délocalisations d'activités
industrielles et de services vers les pays émergents ou les pays d'Europe
centrale et orientale (PECO) a ressurgi brutalement. De nombreux dirigeants s'en
sont inquiétés et n'ont pas hésité à mettre en garde les entreprises contre un
recours éventuel à ces stratégies. Au cours des deux dernières décennies, les
grandes entreprises ont déployé des stratégies de multinationalisation de plus
en plus complexes dans le sens d'une externalisation et d'une fragmentation
internationales de la production. Dans le même temps, les investissements
directs étrangers (IDE) ont connu une croissance très rapide. La crise, par son
ampleur et sa gravité, pourrait quelque peu changer la donne. Les firmes
multinationales peuvent en effet être tentées de réduire leurs coûts en se
lançant dans de nouvelles délocalisations ou de limiter leurs risques en opérant
un recentrage sur leur territoire national.
ORGANISATION DU TRAVAIL
Les mutations de l'organisation du travail et de la relation salariale
Ecoflash
Jean-Pierre Durand
Au cours des dernières décennies, le travail s'est considérablement transformé.
La diffusion des technologies de l'information et de la communication (TIC),
l'évolution du salariat et l'expansion considérable du secteur des services ont
entraîné au fil du temps d'importants changements de l'appareil productif. Au
début des années 1990, les transformations induites par les nouvelles exigences
de profits nets et par la concurrence globalisée ont transfiguré l'entreprise
ainsi que la relation salariale. Aujourd'hui, il semble que le modèle
d'organisation de l'entreprise " après-fordien " soit à son tour entré en crise,
mais nul n'est réellement en mesure de prévoir ce que sera le modèle productif
de demain.
No 2.980
14 octobre 2009
Le bilan de l'économie française 2009
Pourquoi le nombre de naissances continue-t-il d'augmenter ?
Population et sociétés
Gilles Pison
Les dernières statistiques de l'Institut national de la statistique et des
études économiques (INSEE) sur la natalité montrent une nouvelle progression du
nombre des naissances, avec une hausse de 1,2 % en 2008 par rapport à 2007. Avec
plus de deux enfants par femme, la France affiche l'indice de fécondité le plus
élevé d'Europe, derrière l'Irlande. Cette hausse des naissances et de
l'indicateur de fécondité ne signifie pas pour autant que les couples ont de
plus en plus d'enfants. Paradoxalement, ils ont le même nombre d'enfants que
ceux d'il y a trente ans, mais ils les ont plus tardivement. Ce report des
maternités a fait baisser, un temps, le nombre des naissances ainsi que
l'indicateur de fécondité. La fin de ce mouvement se traduit aujourd'hui par
leur remontée.
Le chômage repart à la hausse
Premières informations et Premières synthèses
DARES et INSEE
En 2008, le recul de l'activité économique s'est traduit par une baisse de
l'emploi. Tous les secteurs marchands ont été touchés, y compris ceux qui
étaient fortement créateurs d'emplois depuis des années, comme la construction
ou le tertiaire. A la fin de l'année, le recours au chômage partiel a augmenté
alors que, dès le printemps, le taux de chômage au sens du Bureau international
du travail (BIT), qui avait baissé en 2006 et 2007, est reparti à la hausse,
pour atteindre, à la fin de l'année 2008, 7,6 % pour la France métropolitaine,
soit 2,1 millions de personnes. Les jeunes ont été les principales victimes de
ce retournement de tendance sur le marché du travail.
Fort ralentissement de l'activité
INSEE Première
Antonin Aviat, Guillaume Houriez et Ronan Mahieu
En 2008, le produit intérieur brut (PIB) progresse en moyenne annuelle de 0,4 %
après 2,3 % en 2007. L'activité recule depuis la fin du premier trimestre 2009
en raison de la forte décélération de la demande intérieure. Les échanges sont
également affectés : les exportations ont cessé de croître et le ralentissement
des importations est plus prononcé encore. Quant au taux de marge des sociétés
non financières (SNF), il baisse tandis que l'activité des sociétés financières
stagne.
Faible augmentation des dépenses de consommation des ménages
Note de conjoncture
INSEE
En 2009, le revenu disponible brut (RDB) des ménages devrait ralentir fortement
en raison du repli des revenus d'activité en période de récession. Le plan de
relance du gouvernement pourrait en revanche redynamiser les prestations
sociales et ainsi garantir un certain niveau de pouvoir d'achat. Mais celui-ci
serait insuffisant pour augmenter la consommation des ménages, ralentie par la
hausse du chômage. L'accroissement de l'épargne de précaution retarderait en
outre les investissements des ménages, notamment en matière de logements.
Le déficit de la balance des paiements se creuse davantage
Balance des paiements et position extérieure de la France
Banque de France
En 2008, le solde des transactions courantes de la France enregistre un déficit
de 44 milliards d'euros, soit 2,3 % du produit intérieur brut (PIB) ; en 2007,
le déficit représentait 1 % du PIB. La dégradation du solde des transactions
courantes de - 19 à - 44 milliards est attribuable au déficit des échanges de
biens ; hors énergie, celui-ci est légèrement excédentaire. L'excédent des
échanges extérieurs de services est lui aussi stable, à 14 milliards, avec une
diminution de l'excédent touristique, compensée par la progression du solde des
autres services. En matière d'investissements directs, les investissements des
entreprises françaises sont plus soutenus que ceux des entreprises étrangères
dans l'Hexagone. Quant aux sorties de capitaux, elles se rapprochent des sommets
enregistrés il y a dix ans.
Le déficit s'amplifie
Le Chiffre du commerce extérieur
DGDDI
Après un premier trimestre 2008 dynamique, les échanges ont marqué le pas, avant
de chuter en fin d'année. La forte baisse des ventes de l'industrie automobile
et des biens intermédiaires explique cette évolution. Si les exportations ont
mieux résisté dans les secteurs des biens de consommation et des biens
d'équipement, elles n'ont pas pour autant échappé au ralentissement. La hausse
des prix du pétrole et du gaz jusqu'à l'été 2008 a également entraîné un
alourdissement de la facture énergétique. Sur l'ensemble de l'année, le déficit
s'est amplifié pour atteindre au final 55,7 milliards d'euros.
Une situation inquiétante des finances publiques
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Cour des comptes
Le diagnostic sur la situation des finances publiques met en évidence une
dégradation inquiétante. Par rapport à 2007, le déficit se creuse de 0,7 point à
3,4 % du produit intérieur brut (PIB) et la dette, également mesurée en
pourcentage du PIB, passe de 63,8 % à 68,1 %. L'impact de la crise économique
demeure donc encore relativement limité, mais les finances publiques françaises
souffrent d'importantes difficultés structurelles. Globalement, la situation de
la France est plus préoccupante que celle des autres pays européens. Concernant
les perspectives au-delà de 2009, le rapport montre que le déficit public
pourrait être encore très élevé en 2012 et que la dette publique pourrait très
fortement augmenter. Dans ces conditions, un risque de dérive de cette dernière,
qui sera lourd de conséquences, ne peut pas être écarté. Pour l'éviter, un
effort d'ajustement est inévitable.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ECONOMIE NUMERIQUE
L'information en ligne peut-elle devenir payante ?
ENA hors les murs
Eric Scherer
Le modèle de la gratuité de l'information en ligne semble être arrivé à un
tournant. Quelques grands éditeurs pensent en effet désormais à rendre payant
l'accès à leurs journaux en ligne. Si ce changement de stratégie suscite
l'enthousiasme du secteur de la presse d'information, de sérieux doutes
persistent encore sur la viabilité d'un tel modèle. Depuis plusieurs années, le
modèle dominant est celui de la gratuité. Pour certains experts, " appliquer un
système de micro-paiements sur des sites d'information équivaut à mettre une
gare de péage sur l'océan ". Mais tout le monde ne partage pas ce point de vue,
comme le souligne l'auteur, qui propose de remplacer les contenus gratuits par
des services payants, comme l'accès à des informations exclusives ou en "
preview ". Quoi qu'il en soit, aucun modèle
de remplacement du gratuit n'est parvenu jusqu'à présent à faire l'unanimité.
ENTREPRISES
Du bazar aux grands magasins
Responsabilité et environnement
Luc Marco
Au début du XIXe siècle, l'entrepreneur français André-Martin Labbé, décida de
créer à Paris des lieux destinés à faire connaître les produits des nouvelles
entreprises florissantes. Ces magasins de " nouveautés " allaient devenir ce
qu'on appelait communément à l'époque les bazars et qui deviendraient les grands
magasins actuels. Le Bazar Bonne-Nouvelle fut le premier d'entre eux. Lieu
d'exposition couvert, préservé des saletés de la rue, abritant de nombreux
magasins en location reliés par des galeries, celui-ci bénéficia d'une
excellente situation géographique puisqu'il fut créé au cœur des grands
boulevards, le quartier des affaires de l'époque, à proximité de la gare de
l'Est. La stratégie commerciale qui contribua à la naissance des grands magasins
s'avéra révolutionnaire.
No 2.981
28 octobre 2009
Sortie de crise à la chinoise
Les effets pervers du plan de relance chinois
Alternatives internationales
Zhang Hong
Avec la crise économique mondiale, les deux principaux " moteurs " de la
croissance chinoise se sont mis à tourner au ralenti. Les exportations vers les
marchés occidentaux et les investissements directs étrangers (IDE) en Chine ont
en effet tous deux chuté de plus de 20 % au premier semestre 2009. Pour inverser
la tendance, le gouvernement a investi quelque 600 milliards de dollars (13 % de
son produit intérieur brut - PIB) destinés à la relance de l'économie. Mais ce
plan de relance n'est pas sans danger. L'accroissement des dépenses publiques
devrait, en effet, selon l'auteur, conduire à un excès d'offre que l'économie
chinoise risque de ne pas résorber à court terme. La politique très agressive
d'expansion du crédit pourrait en outre, au final, se solder par un important
gâchis de ressources.
Crise économique et stabilité sociale en Chine
Lettre du Centre Asie
Hélène Le Bail
Depuis 2008, le climat social en Chine s'est dégradé. Le nombre total de
chômeurs a fortement augmenté, surtout dans les villes où il a atteint 11 % au
printemps 2009. Les diplômés de l'université de 2008 (12 % sont actuellement
sans emploi) et les travailleurs migrants, que l'on estime à environ 130
millions d'individus (16 % d'entre eux sont au chômage) sont les populations les
plus touchées. Plusieurs provinces ont rapidement mis en place un certain nombre
de mesures pour prévenir d'éventuels mouvements sociaux. La hausse des revenus
agricoles a stimulé le retour à la campagne d'un grand nombre de travailleurs
migrants au chômage et permis de désengorger les villes. Les bourses à l'emploi
locales ont également facilité le retour à l'emploi de plus d'un million d'entre
eux.
Heureux comme un consommateur chinois
Topic - HEC Eurasia Institute
Jacques Gravereau et Héloïse Brière
Si les exportations chinoises ont été affectées par la crise économique mondiale
qui a réduit les débouchés vers les pays occidentaux, la consommation
intérieure, elle, semble pour le moment mieux résister. Les biens de
consommation durable (automobile, produits électroniques et de luxe) bénéficient
toujours d'une demande soutenue. Mais ils ne sont pas les seuls. Le secteur des
services poursuit également son expansion. Les mesures mises en place, dans le
cadre du plan de relance, par le gouvernement chinois, comme l'incitation au
crédit à la consommation, la distribution à grande échelle de coupons de
réduction et les subventions incitant à renouveler les voitures et les appareils
électroménagers semblent avoir porté leurs fruits.
Quel rôle pour la Chine dans la quête de la stabilité économique mondiale ?
L'Economie politique
André Grjebine
Jusqu'à ce que la crise survienne, l'économie mondiale reposait sur la
dépendance mutuelle entre les Etats-Unis et la Chine. Les consommateurs
américains consommaient à crédit grâce à l'épargne chinoise placée dans les bons
du Trésor émis par les Etats-Unis. Si cet équilibre s'est avéré instable, il
semble cependant qu'il soit appelé à perdurer. Si la Chine se mettait en effet
en tête de renoncer à cette dépendance, elle devrait changer son modèle de
croissance jusque-là fondé sur les exportations, pour se recentrer sur son
marché domestique. Or, l'absence de subventions versées aux chômeurs, aux
malades et aux plus démunis constitue un frein au décollage de la demande
domestique chinoise. Il semble de surcroît difficile de stopper dans son élan le
développement des industries exportatrices, qui sont par ailleurs encore
pourvoyeuses d'emplois.
La Chine face aux enjeux du réchauffement climatique
La note de veille
Centre d'analyse stratégique
Les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la Chine, qui représentent
désormais un quart de celles de la planète, pourraient doubler d'ici à 2030 et
ainsi dépasser les quantités maximales fixées à l'échelle mondiale comme
objectifs à atteindre d'ici à 2050. La Chine a néanmoins entrepris de réels
efforts en matière d'environnement et entend prendre une part active aux
négociations lors de la Conférence de Copenhague de décembre 2009 qui devrait
constituer une étape importante dans la préparation de l'après-Kyoto. Si
l'empire du Milieu, soucieux de préserver sa croissance économique, refuse pour
le moment tout objectif contraignant de réduction de ses émissions, il pourrait
toutefois accepter de participer au marché mondial de permis négociables
d'émissions susceptible d'être mis en place par les pays développés et en
transition.
Voiture électrique : le pari " branché " de la Chine
Time Magazine
Bryan Walsh
L'entreprise BYD, premier producteur mondial de batteries électriques et tout
nouveau constructeur automobile chinois, dont l'homme d'affaires philanthrope et
américain Warren Buffet détient, depuis septembre 2008, 10 % des parts, fait
figure aujourd'hui de fer de lance de la Chine en matière de technologies vertes
et de transports propres. Les voitures électriques devraient compter pour plus
de la moitié du marché automobile en 2020 en Chine. La course à l'automobile
électrique a déjà commencé notamment avec les constructeurs américains soutenus
par des subventions budgétaires conséquentes.
La Chine sera-t-elle l'hyperpuissance du XXIe siècle ?
Géopolitique
François Lafargue
Le poids gigantesque de la Chine dans l'économie mondiale, en termes
démographique, commercial et financier, n'est plus à démontrer. Le centre de
gravité de l'économie mondiale se déplace-t-il pour autant vers l'Asie ? Selon
l'auteur, la réponse est négative. La Chine n'est tout simplement pas encore
prête à rivaliser avec les Etats-Unis. L'empire du Milieu ne devrait pas
intégrer, d'ici à 2025, le club des pays riches, selon certains économistes
comme Françoise Lemoine, si l'on retient comme critère le produit intérieur brut
(PIB) par habitant. Le revenu moyen actuel d'un Chinois n'équivaut en effet
aujourd'hui qu'à 18 % de celui d'un Américain. La hausse du coût de la vie et la
montée du chômage risquent, en outre, d'aggraver la situation sociale en Chine.
Pour des raisons davantage structurelles, le pays devrait également mettre du
temps à devenir un foyer d'innovations technologiques, en raison notamment d'un
environnement peu propice à l'entrepreneuriat.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
MONNAIE ET FINANCE
La crainte du retour de l'inflation
L'Observateur immobilier du Crédit foncier
Eric Buffandeau
Alors que la crise économique mondiale a un temps fait ressurgir le spectre de
la déflation, c'est désormais un retour de l'inflation qui est anticipé à moyen
terme. Cette dernière pourrait en effet représenter une solution face au niveau
très élevé de l'endettement public. Cette anticipation d'un retour de
l'inflation se nourrit de la contraction de l'activité qui est finalement un peu
plus faible qu'attendu, de la hausse des prix du pétrole et des stratégies de "
reflation " adoptées par différents gouvernements, qui vont jusqu'à la
monétisation des dettes publiques. Néanmoins, compte tenu de l'ampleur de la
récession, la crainte d'un retour de l'inflation reste paradoxale, comme le
souligne l'auteur, car la pression à la baisse des prix persiste. Globalement,
le risque paraît très exagéré, et cela même à un horizon de cinq ans.
DEVELOPPEMENT
Les investissements étrangers et l'attractivité structurelle des pays du sud
de la Méditerranée
Accomex
Marc Lautier
Les performances économiques décevantes des pays du sud de la Méditerranée (PM)
depuis une vingtaine d'années sont mises sur le compte de leur insuffisante
participation à la dynamique de la mondialisation. Cette marginalisation se
traduit par un manque d'attractivité que semble illustrer le niveau relativement
limité des investissements directs étrangers (IDE) qui entrent dans ces
économies. En réalité, la lenteur de la croissance des PM est, selon l'auteur,
surtout due aux faiblesses structurelles de leurs systèmes productifs. La
faiblesse des flux d'IDE en serait le symptôme plus que la cause.
ECONOMIES ETRANGERES
Dubaï dans la tourmente
Variances
Elies Chitour
La mise en œuvre du plan stratégique de Dubaï, cité-Etat des Emirats arabes
unis, entre 2000 et 2008, a permis à l'économie dubaiote de croître à un rythme
de 16 % en moyenne par an, l'un des taux de croissance les plus élevés au monde.
En outre, la formation de nombreux clusters, principalement des zones
franches, a, en attirant les investissements directs étrangers (IDE),
considérablement réduit la dépendance de l'économie vis-à-vis des hydrocarbures
dont la part dans le produit intérieur brut (PIB) est passée de 10 à 3 %. Mais
ce qui peut apparaître comme un processus de diversification s'avère être en
réalité une nouvelle dépendance vis-à-vis, cette fois, de l'immobilier. Certains
projets d'investissements atteignent des montants colossaux, jusqu'à 160
milliards de dollars, soit trois fois le PIB de la cité-Etat. Si les succès de
Dubaï dans l'immobilier sont incontestables, ils ont fortement contribué à la
formation d'une bulle immobilière dont les conséquences risquent d'être, à
terme, douloureuses pour l'économie
Numéro spécial 2.982
11 novembre 2009
DOSSIER :
L'économie européenne...vingt ans après
En guise d'introduction
Les formes inattendues de la puissance européenne
Les essais de Telos
Zaiki Laïdi
Pour décrire l'Europe, on se sert souvent de l'image selon laquelle les pays
européens seraient à la fois un géant économique et un nain politique. Zaki
Laïdi réfute cette conception trop simpliste de l'Europe. Pour lui, celle-ci est
un empire, plus précisément un empire normatif : en tirant avantage de la force
de son marché intérieur, riche, attractif et organisé, l'Europe dispose d'un
extraordinaire pouvoir pour imposer ses normes au reste du monde. L'auteur
rappelle ainsi que ce sont les Européens qui sont à l'origine de l'Organisation
mondiale du commerce (OMC) ou du Protocole de Kyoto. Le pouvoir normatif de
l'Europe s'étend également à la régulation de la concurrence, ainsi qu'à la
gouvernance mondiale. Cette préférence pour la norme s'explique par l'essence
même du projet européen. Le seul moyen de lier durablement des pays qui
entendent rester souverains est en effet de les faire adhérer à une norme
commune d'autant plus contraignante qu'elle aura été négociée.
Des réussites
Europe centrale : la transition économique
Politique étrangère
Sandor Richter
La transition d'une économie planifiée vers une économie de marché est un
processus long et difficile. Confrontés d'abord à l'effondrement de leurs
économies avec une chute très importante du produit intérieur brut (PIB), les
pays d'Europe centrale ont dû traverser une première période difficile marquée
par plusieurs crises financières. Mais au fil du temps, la libéralisation des
marchés, les privatisations et les politiques de stabilisation macroéconomique
ont porté leurs fruits. La perspective de l'adhésion à l'Union européenne a joué
un rôle considérable dans ce processus. Aujourd'hui, vingt ans après le début de
la transition, les niveaux de développement à l'ouest et au centre du continent
se sont rapprochés de façon significative. Cependant, les inégalités se sont
creusées et le chômage se maintient, dans un certain nombre de pays de la
région, à des niveaux élevés. En 2013, le passage à l'économie de marché sera
enfin achevé avec la levée des restrictions sur l'égalité de traitement entre
anciens et nouveaux membres de l'Union.
L'euro, monnaie des peuples
Politique internationale
Christian Noyer
Il y a un an, l'euro célébrait ses dix ans d'existence. Première monnaie sans
Etat de l'histoire, l'euro par l'origine de sa création et les fondements de son
fonctionnement est sans doute l'expression la plus emblématique du projet
européen des pères fondateurs de l'Union. La monnaie unique se veut et se
révèle, en effet, selon l'auteur, être un instrument de stabilité, de prospérité
et de paix en Europe, voire dans le monde. L'euro peut contribuer à la cohésion
interne de ses Etats membres et jouer un rôle protecteur non négligeable en
situation de crise économique, comme semblent l'avoir montré les évènements
récents. Le rôle international de la devise européenne comme monnaie de réserve,
de facturation et de paiement, se développe graduellement. Le renforcement de
l'Europe, grâce au succès de l'euro, est de nature à accroître la concertation
internationale pour la résorption des déséquilibres économiques et monétaires
mondiaux.
Le modèle social européen résiste
La note de veille du CAS
Yves Chassard et Jean-Louis Dayan
Dans le domaine social, il existe bel et bien un modèle européen. Il se
caractérise par son haut niveau de protection des individus contre les aléas de
la vie. Si on veut juger l'influence de la mondialisation sur les principales
sécurités qu'il procure, il faut différencier deux pans du modèle social. En ce
qui concerne le secteur de la protection sociale, il s'avère que l'idée selon
laquelle la mondialisation engendrerait une course vers le bas et ébranlerait
les bases du modèle social européen (MSE) n'est pas toujours vérifiée dans les
faits. Les systèmes sociaux en Europe doivent plutôt gérer des défis internes
comme le vieillissement démographique ou les inégalités sociales. Quant à la
protection de l'emploi, celle-ci a subi les profonds changements qu'ont connus
les modèles productifs en Europe. Tous les pays européens ont ainsi assoupli
leur législation dans ce domaine et le modèle de la " flexicurité " semble
devenir pour les Européens le nouvel horizon en matière de modèle social.
Les leçons de la crise
La zone euro face à la crise : premières leçons
Bulletin de l'Observatoire des politiques économiques en Europe
Michel Dévoluy
L'Union européenne (UE) disposait-elle de tous les instruments économiques
nécessaires pour gérer la crise ? L'histoire a montré qu'une combinaison
pertinente des principaux moyens d'action à la disposition des pouvoirs publics,
à savoir les politiques monétaire et budgétaire (policy mix), permettait
de faire face à une conjoncture difficile, comme celle que toutes les grandes
économies du monde vivent actuellement. Or, dans le cas de l'UE, contrairement
aux Etats-Unis, ces politiques sont élaborées distinctement et n'obéissent pas
aux mêmes objectifs : la politique monétaire relève de la Banque centrale
européenne (BCE) qui veille à la stabilité des prix, tandis que chacun des Etats
membres mène de façon autonome la politique budgétaire dans le respect du Pacte
de stabilité et de croissance (PSC). Dans ces conditions, mettre en œuvre, au
niveau européen, un policy mix est difficile, voire impossible. A
l'avenir, il serait souhaitable, selon l'auteur, que la BCE élargisse ses
objectifs prioritaires au-delà de la seule stabilité des prix. En outre, un
véritable budget européen, financé par un impôt, devrait être institué.
La gouvernance européenne face à la crise
La note de veille du CAS
Marie-Cécile Milliat
La crise économique actuelle agit comme un révélateur des forces et faiblesses
de la gouvernance européenne. Cette dernière renvoie à l'ensemble des règles,
processus et comportements qui influent sur l'exercice des pouvoirs au niveau
européen. Elle est représentée par le triptyque Commission/Parlement/Conseil :
la Commission européenne formule des propositions législatives, le Conseil des
ministres les adopte à la majorité qualifiée ou en codécision avec le Parlement
et la Cour de justice garantit le respect de l'Etat de droit. Ce mode de
gouvernance permet une gestion sur la durée et en " temps calme ", mais
rencontre des difficultés dans les périodes de crise, car l'Union européenne
n'est pas une structure fédérale. Elle ne dispose pas, en vertu des traités, de
tous les moyens que peuvent mobiliser les Etats. La présidence française de
l'Union qui s'est déroulée pendant la crise actuelle, a redonné une place
centrale au Conseil européen, et a ainsi donné l'impression aux opinions
publiques nationales qu'il " existait un gouvernement européen ". En matière de
gouvernance, le traité de Lisbonne apporte plusieurs suppléments, mais il reste
à savoir si ces apports seront en mesure de rendre le système de gouvernance
européen plus efficace.
Des politiques européennes en question
Les inégalités de niveau de vie menacent l'avenir de la construction
européenne
Alternatives économiques
Guillaume Duval
Si le passage d'une Communauté à une Union et d'un marché commun à un marché
unique a permis à la construction européenne de progresser, l'élargissement,
depuis 2004 et 2007, à de petits pays aux niveaux de vie très inférieurs à ceux
des pays riches de l'Union européenne (UE) a engendré un fractionnement
croissant de l'espace politique. Le creusement des inégalités au sein de l'UE a
conduit les pays d'Europe centrale et orientale (PECO) à mener des stratégies de
rattrapage fondées sur le dumping fiscal et social ravivant ainsi les
tensions entre les Etats membres. Forts de leur avantage structurel qui leur
permet de compenser, avec une hausse de leurs exportations, le recul de leur
demande intérieure - ou d'attirer suffisamment de capitaux étrangers, en
abaissant les taux d'imposition, pour qu'au final les rentrées fiscales
augmentent -, les petits pays sont les principaux gagnants de l'élargissement.
Dans un tel contexte, ceux-ci n'ont aucun intérêt à défendre un projet
d'intégration européenne. Mais en réalité, tout le monde y perd car le résultat
de cette concurrence interne grandissante est que la croissance économique ne
cesse de ralentir au sein de l'UE. Seule la crise que l'Europe traverse
aujourd'hui pourrait amener les pays membres à sortir de ce jeu non coopératif.
Pour une PAC refondée en politique alimentaire commune
Paysans
Lucien Bourgeois
La crise alimentaire des années 2007-2008 a montré la fragilité de l'équilibre
alimentaire dans le monde. La spécialisation internationale de la production
agricole et l'ouverture des frontières ne permettent en définitive ni de
régulariser les cours, ni d'assurer la sécurité alimentaire mondiale. A travers
la Politique agricole commune (PAC), les Européens se sont donné dans le passé,
malgré l'exigüité de leur territoire, les moyens d'assurer leur sécurité
alimentaire. La PAC a permis de réduire la volatilité des prix des produits
agricoles et de stabiliser les revenus des agriculteurs. Cette politique a
entraîné une croissance sans précédent de la productivité des exploitations
agricoles qui a bénéficié aux industries agroalimentaires et aux consommateurs.
Mais la PAC présente aussi de graves faiblesses. La spécialisation à outrance
des exploitations agricoles s'est faite au détriment de l'emploi et de la
préservation de la biodiversité. Malgré de nombreuses réformes, les aides
publiques versées aux agriculteurs restent en grande partie illisibles. Refonder
la PAC passe, aujourd'hui, selon l'auteur, par un retour aux fondamentaux de
toute politique agricole. Assurer la sécurité alimentaire du monde permettrait à
l'Union de retrouver de la cohésion et une ambition pour le XXIe siècle.
L'Europe dans l'économie de la connaissance : l'histoire et les enjeux
Prospective stratégique
Janez Potocnik
En mars 2000, au Conseil européen de Lisbonne, l'Europe en quête d'un nouveau
souffle s'est fixé l'objectif de devenir, d'ici à 2010, " l'économie de la
connaissance la plus compétitive et la plus dynamique au monde ". A quelques
mois de l'échéance, force est de constater que l'objectif ne sera pas atteint.
La stratégie de Lisbonne en perd-elle pour autant sa pertinence ? Assurément non
! Dans un monde globalisé, où " la connaissance " joue un rôle central dans
l'économie, la stratégie de Lisbonne doit plus que jamais rester un objectif
politique global de l'Union. Son échec relatif tient pour partie à sa méthode
non contraignante qui ne permet d'obtenir que des résultats limités et de
surcroît assez lentement. L'objectif de Lisbonne reste atteignable à plus longue
échéance. Mais il sera nécessaire pour cela de repenser la méthode de mise en
œuvre de la stratégie, d'accélérer le processus de création d'un espace européen
de la recherche, d'augmenter de façon significative la part de la recherche et
développement (R&D) dans le produit intérieur brut (PIB) de l'Union européenne
(UE) et d'engager à l'échelle européenne une véritable politique technologique
et industrielle.
L'Europe doit se préparer au vieillissement de la population
Horizons bancaires
Giuseppe Carone et Declan Costello
Quatre phénomènes concourent actuellement au vieillissement de la population
européenne : un taux de fécondité inférieur au seuil de remplacement des
générations, la diminution des flux migratoires annuels nets entrants, le départ
à la retraire des baby boomers qui accroît le taux de dépendance des
personnes âgées et enfin, la progression de l'espérance de vie à la naissance,
de 8 ans depuis 1960. Les répercussions sur l'emploi et la croissance du
vieillissement de la population qui a gagné les vingt-sept Etats membres de
l'Union européenne (UE) devraient être significatives. Si, selon les auteurs,
l'augmentation du taux d'emploi contrebalancera la diminution prévue de la
taille de la population d'âge actif - résultant du départ en retraite de la
génération des baby boomers -, le nombre d'actifs devrait, en revanche,
sur la fin de la période, reculer de près de 30 millions. Le taux de croissance
potentiel annuel moyen du produit intérieur brut (PIB) devrait, en outre, chuter
à 1,2 % entre 2031 et 2050. Mais dans la mesure où l'impact du vieillissement
sur les finances publiques est un processus lent et prévisible, il revient aux
Européens de sý préparer.
L'avenir de l'Europe
L'Europe en 2025 : du soft power au smart power ?
Géoéconomie
Pascale Joannin
L'Union européenne (UE), forte aujourd'hui de vingt-sept Etats membres, dispose
de nombreux atouts. Première zone de production (22,6 % du produit intérieur
brut - PIB mondial), première puissance commerciale (16,5 % des échanges
mondiaux) et premier investisseur (420 milliards d'euros), l'UE est en outre une
puissance démocratique sans cesse renouvelée grâce au principe de
l'élargissement. L'Europe a également réussi à imposer ses normes en matière de
commerce et elle s'est dotée d'un soft power, opposé au hard power
qui a longtemps caractérisé les Etats-Unis. Mais, face à la concurrence de plus
en plus vive des pays émergents, l'UE devra prendre modèle sur les Etats-Unis et
se saisir du smart power (le pouvoir de l'intelligence) que ces derniers
maîtrisent, à l'heure actuelle, à la perfection. Les Européens devront pour cela
investir massivement dans la recherche et développement (R&D) et dans leur
système éducatif.
No 2.983
25 novembre 2009
Relever le défi climatique
Le débat sur la taxe carbone en France
Futuribles
Christian de Perthuis
Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, la France s'est
engagée à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre (GES) entre
1990 et 2050. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement a décidé, suivant en
partie les préconisations de la commission sur la contribution " climat et
énergie " présidée par Michel Rocard, d'instaurer à partir de 2010 une taxe
carbone de 17 euros par tonne de CO2 (dioxyde de carbone). Ce nouvel impôt vert
fait, depuis, l'objet d'un vif débat. S'il doit permettre, à terme, de modifier
les comportements des agents économiques, son introduction pose un certain
nombre de difficultés comme le niveau du taux d'imposition optimal, le problème
de la compensation pour les ménages les plus pauvres et les salariés résidant
loin de leur lieu de travail ou celui de la taxation de certaines activités
professionnelles fortement émettrices de CO2.
Réduire les gaz à effet de serre : la boîte à outils des économistes
Etude de la mission Climat
Caisse des dépôts et consignations
A l'heure où la France s'interroge sur la nécessité d'instaurer une taxe
carbone, les économistes réfléchissent aux possibilités dont disposent les Etats
en général pour lutter contre le réchauffement climatique. L'étude de la mission
Climat de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) passe en revue les
différents instruments de réduction des gaz à effet de serre (GES) et en montre
les avantages et les inconvénients. Si l'instauration d'une taxe semble avoir
fait ses preuves en Suède ou en Norvège, elle serait difficile à mettre en œuvre
au niveau international. Le marché d'émissions de GES, lui, permet de jouer sur
les volumes et présente l'avantage d'octroyer plus de liberté aux Etats. Mais ce
système a aussi des imperfections. Il est notamment susceptible d'encourager les
comportements spéculatifs...
J-12 avant le sommet de Copenhague !
Lettre de l'OFCE
Eloi Laurent et Jacques Le Cacheux
A la veille du sommet de Copenhague qui se tiendra du 7 au 18 décembre 2009, les
Etats-Unis et l'Union européenne (UE) doivent, afin de convaincre, notamment la
Chine de participer à un accord global, donner l'exemple en se mettant d'accord
sur des engagements ambitieux en matière de lutte contre le réchauffement
climatique. La clé du succès du sommet de Copenhague tient ainsi à la
détermination et à la crédibilité des Etats-Unis et de l'UE. Or, si les
Européens font figure de leaders en matière de lutte contre le réchauffement
climatique, le paquet énergie-climat, adopté en décembre 2008, ne fait pas
l'unanimité parmi les Etats membres. Les Américains, de leur côté, peineront à
faire accepter par le Sénat un programme contre lequel les opposants, même parmi
les Démocrates, sont légion.
Et si Copenhague échouait ?
Rapport du Conseil d'analyse économique
Jean Tirole
Les négociations ayant abouti, il y a une dizaine d'années, à la mise en œuvre
du Protocole de Kyoto ont été considérées comme un demi-échec en raison de la
non-ratification par les Etats-Unis de ce dernier et de l'absence de contraintes
pour les grands pays émergents. Le sommet de Copenhague, en décembre 2009,
constituera une étape cruciale pour l'après-Kyoto. Jean Tirole fixe, dans un
rapport récent du Conseil d'analyse économique (CAE), le cadre de ce que serait
un accord global optimal. Selon lui, une approche globale fondée sur un système
unique de droits d'émissions négociables, avec un prix unique du carbone fixé au
niveau international et une allocation mondiale des droits à polluer, serait
préférable à toutes les autres solutions. Mais les dispositifs actuels de lutte
contre le réchauffement climatique, dont il évalue également l'efficacité, ne
vont pas dans le sens d'une coopération internationale efficace. Tel est le cas
du mécanisme de développement propre (MDP) qui, bien que largement utilisé,
présente en effet un certain nombre d'effets pervers.
L'adaptation au changement climatique : une nécessité pour les pays en
développement
Responsabilité et environnement - Annales des mines
Marc Gillet
Le réchauffement climatique est un phénomène cumulatif : le CO2 (dioxyde de
carbone) relâché dans l'atmosphère y demeure plusieurs dizaines d'années (de
cinquante à deux cents ans). Ainsi, même si les Etats s'avéraient capables à
l'avenir de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre (GES), celles
lâchées dans l'atmosphère, il y a plusieurs années, ont d'ores et déjà entraîné
un changement profond du climat. C'est pourquoi, mettre en œuvre rapidement des
mécanismes d'adaptation au changement climatique est devenu impératif. Ce
principe consiste, selon la définition qu'en donnent les spécialistes, à "
s'interroger sur les actions à entreprendre afin de vivre, dans les meilleures
conditions possibles, les climats du futur en réduisant notre vulnérabilité face
au changement climatique qui se produira malgré tout ". Mais l'adaptation coûte
très cher (déplacer les populations, reboiser, modifier les modes de
construction, etc.) et les régions qui en ont le plus besoin sont aussi les plus
pauvres. Longtemps sous-estimé, l'enjeu de l'adaptation figure désormais à
l'agenda de la plupart des programmes d'aide au développement.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
DEVELOPPEMENT
Développement, croissance et pauvreté
Ecoflash
Akiko Suwa-Eisenmann
L'écart de développement entre les pays riches et les pays pauvres se maintient,
écart souvent observé en termes monétaires. La pauvreté relative est en effet
généralement exprimée en fonction du revenu et s'élève avec le niveau de vie de
la population. De même, la pauvreté absolue est fondée sur la valeur du panier
de consommation nécessaire pour survivre. Mais les besoins fondamentaux
concernent aussi les capacités à tenir sa place dans la société (pouvoir
s'éduquer, se soigner, voter). Ces mises au point sont essentielles pour mieux
distinguer la croissance du développement et considérer celui-ci comme un
phénomène structurel impliquant une réelle transformation de la société et des
individus. Si, il y a quelques années, le débat sur les relations entre
croissance, développement et pauvreté se focalisait sur les aspects monétaires,
il semble qu'il tienne désormais davantage compte des avancées de la recherche
en économie. Les économistes disposent, il est vrai, aujourd'hui d'enquêtes
détaillées sur les conditions de vie dans les pays en développement (PED) qui
leur permettent de prendre en compte les dimensions extra-monétaires du
développement.
COMMERCE INTERNATIONAL
Le commerce victime de la mondialisation ?
La Lettre du CEPII
Agnès Bénassy-Quéré et alii
La crise économique mondiale a été marquée par un effondrement du commerce
mondial. Ce recul brutal sensiblement plus prononcé que celui de la production a
été interprété par certains comme le revers de la médaille de la mondialisation.
Après avoir favorisé l'accélération des échanges commerciaux, la nouvelle
division internationale du travail aurait créé les conditions du recul observé à
l'occasion de la crise. Les auteurs montrent au contraire que l'intensité des
échanges de biens intermédiaires n'est pas en cause dans la sur-réaction du
commerce au choc subi par l'activité. Ce phénomène s'explique plutôt par des
facteurs de court terme, propres à une crise dont l'origine est financière comme
les contraintes de crédit, le retournement brutal des anticipations ou le
déstockage.
ECONOMIE DU TRAVAIL
Le salarié sous tension
Cadres
Francis Karolewicz
Au moment où les médias attirent l'attention sur le cas de plusieurs salariés de
grandes entreprises qui se sont récemment suicidés sur leur lieu de travail,
expliquant ce geste par la dégradation de leurs conditions de travail, la montée
du risque psychosocial s'inscrit pour la première fois en tête des consultations
pour pathologies professionnelles en France. Tel est en effet le résultat d'une
récente publication de l'Agence française de sécurité sanitaire, de
l'environnement et du travail (AFSSET). Mais ce constat n'est pas nouveau :
depuis longtemps, la France a l'un des taux d'absentéisme et de consommation
d'antidépresseurs les plus élevés d'Europe. La souffrance au travail s'observe
davantage dans les grandes entreprises où une partie importante des salariés ne
se sent pas reconnue par le management tant sur le plan de la rémunération que
de l'évolution de carrière. La pression du résultat et l'augmentation croissante
de la charge de travail entraînent, de surcroît, des troubles de plus en plus
nombreux chez les salariés. Les TPE (très petites entreprises) sont, elles,
certes confrontées aux mêmes contraintes, mais offrent un cadre qui peut plus
facilement conjuguer motivation, responsabilisation et satisfaction.
No 2.984
09 décembre 2009
Pandémies et économie
La pandémie de grippe A/H1N1 : quelle menace pour la reprise ?
ECO Flash - BNP Paribas
Raymond Van der Putten
Le coût économique de la pandémie de grippe A/H1N1 est, pour l'heure, marginal.
L'ampleur qu'elle pourrait prendre est difficilement prévisible car nous
manquons à son sujet de repères historiques. La grippe espagnole de 1918/1919
s'est déroulée dans les conditions très particulières de l'Après-guerre et le
cas du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) n'a concerné que deux pays (Hong
Kong et le Canada). Plusieurs scénarios sont envisagés pour la grippe A. Dans le
pire des cas, un an après le déclenchement de la pandémie, le produit intérieur
brut (PIB) pourrait chuter de plus de quatre points, les effets étant concentrés
sur les premiers mois. Dans l'hypothèse d'une propagation plus modérée, l'impact
sur l'activité économique pourrait se limiter à -1 %. Le gouvernement français
s'est préparé au pire : il a acheté près de 100 millions de doses de vaccin pour
un coût d'environ 800 millions d'euros.
Economie et grippe A/H1N1 : voir plus loin que l'épidémie actuelle
Le Figaro
Nicolas Bouzou
Si l'épidémie de grippe A/H1N1 s'avérait plus grave que prévu, elle pourrait
constituer un obstacle à la reprise. Mais elle peut également avoir du bon.
D'abord, elle rappelle le lien fondamental qu'entretiennent l'économie et la
santé : la bonne santé des individus est une condition indispensable pour le
développement économique, notamment des pays pauvres. Ensuite, l'auteur rappelle
que la pandémie actuelle peut aussi être l'occasion de revoir certains aspects
de l'organisation du travail, comme la place du télétravail ou celle du temps
choisi. Mais plus encore, la grippe a la vertu de ressembler à un essai grandeur
nature face aux deux risques majeurs auxquels sont confrontées nos économies :
le risque terroriste et le risque de pandémie. La lutte contre ces deux risques
représente un bien public global.
Laboratoires pharmaceutiques : les vaccins anticrise
Le nouvel Economiste
Aurélien Clerc
Le modèle économique des grands laboratoires pharmaceutiques est en train de
changer. Il a longtemps reposé sur l'exploitation de rentes créées par certains
médicaments phares, les " blockbusters ". Cependant, la concurrence des
médicaments génériques remet en cause ce modèle. La fabrication des vaccins,
traditionnellement la " vache à lait " des laboratoires, secteur d'activité peu
dynamique mais sûr, joue un rôle central dans la réorientation de leur
stratégie. Plusieurs raisons expliquent ce revirement. D'abord, le progrès
technologique a permis de passer du vaccin préventif au vaccin thérapeutique, ce
dernier offrant beaucoup plus d'applications. Ensuite, la nature des vaccins
joue en faveur des laboratoires : ce sont des produits biologiques, c'est-à-dire
vivants. Le risque de concurrence par des génériques est donc minime. Le secteur
des vaccins a dès lors toutes les chances de représenter un nouveau relais de
croissance pour les grands laboratoires. Les pouvoirs publics ont pris
conscience de l'importance stratégique de ce secteur et lui apportent un
soutien, financier ou institutionnel, sans faille.
Vaccins : les producteurs du Sud s'organisent
Médecine Tropicale
Jean-Jacques Bertrand
Les producteurs de vaccins dans les pays du Sud ne sont plus absents des marchés
internationaux : en valeur, ils représentent plus de 10 % de la production
mondiale, en volume, leur contribution est plus importante encore en raison des
prix peu élevés pratiqués dans la plupart de ces pays. La situation a donc
beaucoup évolué depuis les années 1980 où le secteur était éclaté en une myriade
de sociétés de petite taille. Aujourd'hui, il y a des producteurs locaux plus ou
moins puissants (en Chine, en Inde, au Brésil, en Indonésie et dans les pays
d'Europe centrale et orientale - PECO) et des groupes ayant une présence
internationale et investissant fortement dans la recherche et développement
(c'est le cas notamment en Inde). Les organisations internationales comme
l'Organisation mondiale de la santé (OMS) encouragent ce processus en stimulant
des alliances et des réseaux impliquant les producteurs du Sud. Leur importance
est ainsi appelée à croître.
Comment produire des vaccins contre des maladies oubliées ?
Economists' Voice
Owen Barder, Michael Kremer et Heidi Williams
Il existe des maladies qui ne trouvent pas de traitement parce que les grands
laboratoires ne sý intéressent pas. Souvent, ces maladies " oubliées " ne sont
pas rares, mais concernent des milliers de personnes, comme le paludisme ou les
formes de VIH présentes sur le continent africain. On attribue cette défaillance
du marché au faible pouvoir d'achat des populations concernées, mais les
véritables raisons ont un caractère plus technique. La première est
l'inconsistance temporelle à laquelle sont confrontés les laboratoires : le coût
de développement du vaccin est élevé, mais une fois le produit disponible, les
gouvernements veulent l'offrir à un prix trop bas pour intéresser les
laboratoires. L'autre facteur est le caractère de bien public du vaccin : tout
le monde en profite, mais personne ne veut faire l'effort du développement.
Pourtant des solutions existent pour sortir de cette impasse.
Les vaccins, l'Etat moderne et les sociétés
Médecine Sciences
Anne-Marie Moulin
Les vaccins ont permis un essor démographique sans précédent dans le monde. Un
tournant décisif se situe dans les années 1950. Le début de la production de
vaccins sur cultures cellulaires et les essais cliniques touchant des millions
de personnes marquent le début de la diversification des vaccins et de leur
production à une échelle industrielle. Les Etats se sont profondément impliqués
et les vaccins ont ainsi contribué au développement des Etats-nations. Le sort
des vaccins, qui sont aujourd'hui au cœur de l'actualité en raison de
l'émergence d'une nouvelle souche du virus de la grippe, se règle désormais sur
une scène de plus en plus globale où se déploie notamment l'activité des
organisations internationales.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
MARCHE DU TRAVAIL
L'impact de la crise sur l'emploi en France : quels ajustements ?
La note de veille du CAS
Maxime Liégey
Les crises et les mutations de l'économie contraignent le marché du travail à
procéder à des ajustements. En France, le marché du travail actuel est
caractérisé par une flexibilité à la marge, c'est-à-dire qu'il ne s'ajuste pas
en profondeur mais qu'il utilise des amortisseurs de choc ponctuels. Il s'exerce
alors comme une rétention de la main-d'œuvre dans les industries vieillissantes
et le transfert de l'emploi des industries matures aux industries émergentes,
comme l'industrie verte, est quasi inexistant. Lors de la dernière crise
économique, c'est l'emploi intérimaire et les contrats à durée déterminée (CDD)
qui ont joué les rôles d'amortisseurs de choc dans les secteurs industriel et
des services respectivement. L'emploi permanent ne sert généralement pas de
variable d'ajustement. Ainsi, les salariés en contrats stables ont été
relativement épargnés par les destructions d'emplois au deuxième trimestre 2009.
Ce phénomène de rétention de la main-d'œuvre n'est pas propre à la France. En
effet, il ne dépend pas des facteurs institutionnels français mais est davantage
dû aux recompositions structurelles du tissu productif qui ont eu lieu au cours
de la seconde moitié des années 1990, dans la plupart des pays industrialisés.
Le recentrage des entreprises sur leur activité principale et le recours à la
sous-traitance ont, il est vrai, contribué à la multiplication du nombre
d'emplois " à la marge ", comme l'intérim, qui servent désormais de variables
d'ajustement au marché du travail.
ECONOMIES ETRANGERES
Allemagne : le bilan de la grande coalition et les défis de la nouvelle
majorité
Lettre de l'OFCE
Paola Monperrus-Veroni
Lors des élections législatives allemandes de septembre 2009, les conservateurs
(CDU) et leurs alliés libéraux (FDP) ont remporté une majorité confortable de
sièges. Une nouvelle coalition constituée par les démocrates chrétiens d'Angela
Merkel et les libéraux de Guido Westerwelle gouvernera l'Allemagne au cours des
quatre prochaines années. Le volontarisme réformateur de la coalition sortante
était absent des programmes électoraux des deux partis vainqueurs. Il faut dire
que les marges de manœuvre en matière budgétaire ont été quelque peu entamées
par la crise économique et financière, la plus grave qu'ait subie le pays depuis
l'Après-guerre, ainsi que par les plans de relance. Le retour à l'orthodoxie
budgétaire semble se profiler. Le débat sur le rééquilibrage des sources de la
croissance et sur l'érosion du système de solidarité collective devrait
également être, dans les prochains mois, particulièrement intense.
COMMERCE INTERNATIONAL
Les pays émergents dans le commerce international de l'UE
Isabelle Bensidoun, Guillaume Gaulier, Françoise Lemoine et Deniz Unal
La Lettre du CEPII
Au cours de la dernière décennie, les pays émergents, exportateurs de produits
manufacturés, et les pays rentiers, exportateurs de produits primaires, ont
accru leurs parts dans les exportations mondiales au détriment des pays avancés.
Les pays émergents ont également constitué pour ces derniers de nouveaux
débouchés et des partenaires dans la division internationale du travail. Bien
positionnée sur ces marchés dynamiques, l'Union européenne (UE) a mieux résisté
que les États-Unis ou le Japon à l'offensive des économies émergentes sur le
marché mondial, n'enregistrant qu'un repli modéré de sa part dans les
exportations mondiales.
No 2.985
23 décembre 2009
Bilan de l'économie mondiale 2009
La reprise risque d'être atone dans la plupart des pays de l'OCDE
Perspectives économiques de l'OCDE
OCDE
De la fin de l'année 2008 jusqu'à l'été 2009, la plupart des pays de
l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont connu
une baisse ininterrompue de leur produit intérieur brut (PIB). Le PIB de
l'ensemble de la zone a ainsi diminué de 4,25 %. Mais certains signes indiquent
toutefois que le pire de la récession est désormais derrière nous. L'ajustement
des stocks, plus rapide que prévu, la reprise des économies émergents, le regain
de confiance des entreprises et les effets stimulants des mesures de relance ont
en effet contribué à atténuer la contraction de la production. Les conditions
financières restent, en revanche, restrictives. L'année 2010 devrait être
marquée par un taux de chômage particulièrement élevé - on prévoit 10 % aux
Etats-Unis et 12 % dans la zone euro - et le volant de ressources inemployées
devrait être d'une ampleur exceptionnelle.
Le taux de chômage tutoiera les 10 % dans les pays de l'OCDE en 2010
Perspectives de l'emploi de l'OCDE
OCDE
En décembre 2007, le taux de chômage de la zone de l'Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE) a atteint son point le plus bas depuis le
début des années 1980. Il est ensuite remonté et s'est élevé à 8,3 % en juin
2009. La crise économique mondiale a en effet entraîné la mise au chômage de 15
millions de travailleurs dans la zone. Selon l'OCDE, une nouvelle dégradation
est à venir en 2010. Pour réagir à la crise, la plupart des pays ont mis en
place des dispositifs de relance budgétaire dont la ponction cumulée sur le
budget représente près de 4 % du produit intérieur brut (PIB) de la zone pour la
période 2008-2010. Toutefois, ces dispositifs présentent, comme le montre
l'étude de l'OCDE, d'importantes disparités.
Crise financière mondiale : acte II
Rapport annuel
Banque des règlements internationaux
L'année 2008, ainsi que le début de 2009, ont été marqués par les suites de la
crise financière mondiale, la plus grave depuis cinquante ans. Tout au long de
la période, les établissements financiers ont été au centre des préoccupations,
car leurs problèmes de solvabilité et de liquidité ont fait courir le risque de
produire une réaction en chaîne. La faillite de la banque d'investissement
américaine Lehman Brothers à l'automne 2008 a constitué le point culminant de la
crise. Ce n'est que depuis mars 2009 que la confiance revient progressivement
sur les marchés financiers internationaux. La gestion de la crise a nécessité
une riposte sans précédent des autorités monétaires, notamment des banques
centrales. Ces dernières ont procédé à des baisses très importantes de leurs
taux d'intérêt et ont mené une politique de bilan particulièrement active.
Fortes turbulences sur les marchés, normalisation relative en zone euro
Rapport annuel de la Banque de France
Christian Noyer
L'année 2008 et les premiers mois de 2009 ont été marqués par les incidences de
la crise financière qui s'est, au fur et à mesure, transformée en une crise
mondiale, touchant l'ensemble des marchés. Les marchés d'actions ont fortement
chuté et les changes ont opéré un mouvement de repli sur le dollar qui a
bénéficié de son statut de valeur refuge. Par ailleurs, les cours de toutes les
matières premières ont connu une très forte volatilité, leur tendance globale,
depuis les plus hauts atteints mi-2008, étant à la baisse. A l'inverse, la
situation monétaire de la zone euro s'est révélée beaucoup plus stable. Suite au
ralentissement des crédits accordés au secteur privé et malgré un contexte de
baisse des taux de marché à court terme, la progression de l'agrégat M3 a
ralenti, entamant ainsi une normalisation progressive du rythme de sa
croissance.
Forte contraction des échanges commerciaux
Rapport sur le commerce mondial en 2009
OMC
Les signes d'une forte dégradation de l'économie mondiale sont devenus
manifestes à la fin de 2008 et au cours des premiers mois de 2009. La crise
économique mondiale a provoqué la contraction des flux commerciaux et la chute
de la production. Une des caractéristiques de ce ralentissement des échanges en
2008/2009 est notamment que le fléchissement de la demande a été plus général
que par le passé, toutes les régions étant touchées en même temps. On a en effet
assisté, à partir de septembre 2008, à une baisse synchronisée des exportations
et des importations des grands pays développés et en développement. La
croissance du commerce des marchandises en termes réels a été de 2 % en 2008
contre 6 % en 2007. Avec la diminution de la croissance de la production
mondiale en 2009, la chute du commerce s'est accentuée.
Le flux d'IDE victimes de la crise
Rapport sur l'investissement dans le monde 2009
CNUCED
Les flux mondiaux d'investissement direct étranger (IDE) ont été gravement
affectés par la crise économique et financière. Le mouvement de baisse engagé
entre 2007 et 2008 s'est ainsi encore accentué en 2009, avec un recul de 44 %
des entrées d'IDE au premier trimestre 2009, selon les premières estimations de
la CNUCED. La crise mondiale a également redistribué les cartes. La chute des
flux d'IDE en 2008 vers les pays développés (29 %) s'est en effet accompagnée
d'une forte hausse de la part des pays en développement et des pays en
transition dans les flux mondiaux (43 %). En Afrique, les IDE ont atteint un
niveau historique, l'Afrique de l'Ouest enregistrant une hausse de 63 % par
rapport à 2007. En Asie du Sud-Est, du Sud et de l'Est un niveau record a
également été atteint, avec une progression de 17 %. Ces bons résultats ne
devraient toutefois pas se confirmer en 2009, car les flux d'IDE devraient
reculer dans toutes les régions du monde.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ECONOMIES ETRANGERES
Les évolutions récentes du marché du travail dans les métropoles brésiliennes
Revue d'Economie Régionale et Urbaine
Amir Coelho Barros, Jean-Louis Girard, Lucia Silva Kubrusly et João Saboia
Le marché du travail brésilien a toujours présenté d'importants contrastes
régionaux. La mise en place du plan Real, sous la présidence de Fernando
Henrique Cardoso en 1994, semble toutefois avoir provoqué, au cours de la
décennie 1995-2005 qui a suivi, une profonde mutation de l'emploi au Brésil. Les
différentes évolutions de ce dernier dans les régions métropolitaines
brésiliennes dépassent en effet le clivage habituel entre nord (Nordeste) et sud
(Sudeste). Certaines régions réputées moins développées présentent une
amélioration sensible de nombreux indicateurs (le nombre d'années de
scolarisation, le pourcentage de personnes occupées, le revenu moyen, etc.).
C'est le cas de Recife et de Fortaleza, au nord du pays. Au contraire,
l'ensemble des régions les plus riches situées au sud (comme São Paulo et
Brasília) connaissent, à l'exception de Porto Alegre, la tendance inverse. Cette
situation préfigurerait donc une relative atténuation des disparités régionales.
DEVELOPPEMENT
Les transferts financiers des migrants sont-ils bénéfiques pour le
développement ?
Techniques financières et Développement
Lucas Patriat
Les transferts financiers des migrants représentent une manne importante pour
les pays d'origine. S'ils ont fortement diminué au cours de 2009, en raison de
la crise économique mondiale - on parle même désormais de flux négatifs -, les
transferts financiers ont, en dix ans, été multipliés par trois. Ils
représentent actuellement le double de l'aide publique au développement (APD).
Mais les effets de ces derniers sur le développement semblent contradictoires.
Leur impact sur la balance des paiements est, certes, incontestable et cet
argent permet en outre aux plus pauvres d'accéder aux biens de première
nécessité. Certaines études montrent toutefois que la volatilité des sommes
envoyées peut remettre en cause la validité de certaines études macroéconomiques
qui insistent sur les effets positifs des transferts. Au niveau microéconomique,
ceux-ci pourraient de surcroît avoir un effet contreproductif sur le
comportement des bénéficiaires. Ces derniers pourraient avoir tendance pour
vivre à ne compter que sur cette ressource financière et être ainsi moins
enclins à chercher à travailler.
No 2.986
06 janvier 2010
Japon : un modèle à réinventer
Le gouvernement Hatoyama confronté à des défis majeurs
Ecoweek - BNP Paribas
Raymond Van der Putten
La victoire électorale, l'été 2009, du Parti démocrate du Japon (PDJ) de Yukio
Hatoyama constitue un tournant historique dans la vie politique du Japon. Elle
met en effet un terme à plus de cinquante années de domination sans partage du
Parti libéral démocrate (PLD). Le nouveau gouvernement qui a été porté au
pouvoir sur le thème du changement s'est fixé un programme particulièrement
ambitieux. Le Japon a été touché de plein fouet par la crise économique mondiale
et s'il semble être sorti de la récession, la situation n'en demeure pas moins
fragile. Alors que le gouvernement a commencé à mettre en œuvre ses premières
mesures de politique économique, des doutes persistent sur sa capacité à mener à
bien l'ensemble des réformes annoncées dans un contexte où la dette publique
devrait bientôt atteindre 200 % du produit intérieur brut (PIB).
Le PDJ peut-il changer le Japon ?
Foreign Affairs
Yoichi Funabashi
L'alternance politique de l'été 2009 au Japon constitue un événement majeur. La
victoire du Parti démocrate du Japon (PDJ) de Yukio Hatoyama a soulevé une vague
d'espoir sans précédent dans un pays qui a subi de plein fouet la crise
économique mondiale, mais qui surtout semble ne s'être jamais véritablement
remis des conséquences de l'éclatement de la bulle financière des années 1980.
Les difficultés économiques de l'Archipel, sur fond de réformes d'inspiration
libérale, ont fini par fragiliser des pans entiers de la société japonaise.
Aujourd'hui, le pays est en quête d'un nouveau modèle qui lui permettrait de
renouer avec le dynamisme économique et de remédier à des déséquilibres sociaux
de plus en plus prononcés. Le Japon - qui est en passe de perdre son rang de
deuxième économie mondiale - souhaite également redéfinir les liens qui
l'unissent à ses deux principaux partenaires : la Chine et les Etats-Unis. Le
défi que doit relever le PDJ est donc à la mesure de sa victoire : historique !
Le déclin de l'Archipel révèle la faillite du néolibéralisme
Le Monde
Sébastien Lechevalier
Le Japon a vécu une année 2009 qui restera à n'en pas douter dans les annales.
L'Archipel a été non seulement un des pays les plus durement touchés par la
crise, mais il est également désormais sur le point de céder sa place chèrement
acquise depuis 1968 de deuxième puissance économique mondiale, à la Chine ! Pour
les uns, la crise s'explique avant tout par un choc extérieur puisque les
fondamentaux - à l'exception de la dette publique - étaient plutôt bons avant
2008. Pour les autres, cette thèse n'est pas convaincante : la crise est plutôt
pour eux la manifestation d'un déclin structurel du Japon engagé depuis
plusieurs années. Une troisième piste doit, selon l'auteur, être explorée. La
crise ne serait pas tant celle du modèle théorique de l'économie japonaise que
la faillite de la politique d'inspiration néolibérale menée dans l'Archipel
depuis le début des années 1980.
Le Japon renonce à l'emploi à vie
Alternatives économiques
Camille Dorival
Au cours des deux dernières décennies, le marché du travail japonais a subi des
transformations profondes. Le modèle dominant de l'emploi à vie, qui imprègne
encore fortement les esprits quand on pense à l'économie nipponne, appartient
désormais au passé. Le ralentissement économique qui a suivi l'éclatement de la
bulle financière a d'abord entraîné une augmentation du chômage à partir du
début des années 1990. Les entreprises ont ensuite cherché, pour rester
compétitives, à flexibiliser leur main-d'œuvre. Ces évolutions concomitantes ont
conduit à ce qu'aujourd'hui, seule une partie des salariés bénéficie encore de
l'emploi à vie : les hommes et les travailleurs qualifiés. Les autres, les
femmes, les jeunes et les moins qualifiés, sont devenus la variable d'ajustement
d'un marché du travail où les précaires sont de plus en plus nombreux.
Le déclin annoncé de la population japonaise
Population et sociétés
Jacques Véron
Selon les projections démographiques de l'Institut national de recherche
japonais sur la population et la sécurité sociale, l'Archipel devrait compter
moins de 100 millions d'habitants d'ici à 2050 contre 128 millions aujourd'hui.
Parmi les pays développés, le Japon est sans doute celui dans lequel le
processus de vieillissement et de dépopulation est le plus avancé. L'Archipel a
en effet l'une des plus basses fécondités du monde - 1,3 enfant en moyenne par
femme - et l'espérance de vie la plus élevée de la planète. Dans les prochaines
années, en raison de l'augmentation du nombre des 65 ans et plus, la population
active devrait continuer de diminuer et le taux de dépendance s'accroître
fortement.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
SECTEURS
Peut-on vraiment réformer les professions réglementées ?
La Gazette de la société et des techniques
Jean-François Jamet et Xavier Piccino
En 2008, la commission Attali, à l'occasion des travaux qui ont abouti à la
rédaction du Rapport pour la libération de la croissance française, s'est
intéressée à la situation de nombreuses professions réglementées. Les mécanismes
de protection mis en place, parfois depuis plusieurs siècles, pour assurer la
qualité de services aux consommateurs, sont en effet devenus dans quelques cas
de véritables rentes de situation. L'ouverture de certaines de ces professions,
souvent en position de monopole - comme les métiers judiciaires (notaires,
avoués, huissiers...) et de santé (pharmaciens, vétérinaires...), ainsi que
certains services (taxis, cafés, coiffeurs...) - offrirait des opportunités
d'emploi et de croissance. Cependant, la réforme de ces professions, esquissée à
plusieurs reprises par les gouvernements successifs, n'a jamais abouti. Outre la
mobilisation efficace des corporations en question, cette inertie pourrait aussi
s'expliquer par le fait que le cadre de référence de la réforme devient de plus
en plus européen.
CONSOMMATION
Vente à distance : l'activité augmente mais l'emploi reste stable
Consommation et modes de vie
Martial Ranvier et Raphaël Wintrebert
Dynamisée par le e-commerce dont le chiffres d'affaires a atteint 20 milliards
d'euros en 2008 -10 milliards supplémentaires sont attendus pour 2010 -,
l'activité de la vente à distance (VAD) connaît une croissance exceptionnelle
qui devrait se renforcer dans les années à venir. Celle-ci est essentiellement
due à l'arrivée des pure players (les entreprises qui ne vendent que sur
l'Internet), opposés aux click and mortar dont la distribution est
également physique (magasins). Mais l'expansion de la vente à distance ne semble
pas bénéficier à toutes les entreprises du secteur. Si l'effectif salarié
devrait rester stable dans l'ensemble (26 000 personnes environ), celui des
grandes entreprises vendant par correspondance (VPC) se réduira sensiblement au
profit de l'effectif des petites structures et des pure players qui
recruteront bien davantage.
MARCHE DU TRAVAIL
Des entreprises satisfaites de leurs recrutements ?
Le 4 pages du CEE
Guillemette de Larquier
Le débat concernant le marché du travail se focalise souvent sur les moyens que
mettent en œuvre les chômeurs pour trouver un emploi et les difficultés de
certaines entreprises à recruter. En revanche, les efforts de recherche et de
recrutement fournis par ces dernières et la satisfaction qu'elles en retirent
sont rarement étudiés. L'enquête Offre d'emploi et recrutement (Ofer)
révèle que les entreprises sont globalement satisfaites de leurs embauches. En
même temps, elles ný consacrent qu'un effort relativement modéré. Il apparaît en
effet que les entreprises sont d'autant plus satisfaites qu'elles ont eu peu de
candidats à départager. Pourtant, un effort plus soutenu dans l'évaluation des
candidats semble améliorer l'appréciation que les établissements portent sur les
candidats et les mettrait à l'abri d'un turnover imprévu.
REVENUS ET SALAIRES
Le salaire : première source d'insatisfaction vis-à-vis de l'emploi en 2007
INSEE Première
Pauline Charnoz et Michel Gollac
En 2007, le salaire apparaissait comme la première source d'insatisfaction
vis-à-vis de leur emploi pour une majorité de salariés. Cette insatisfaction
concernant la rémunération était exprimée par 55 % des travailleurs des
entreprises de plus de dix salariés du secteur marchand et devançait celle
concernant les conditions de travail, la stabilité de l'emploi et le temps de
travail. L'écart entre salaire perçu et salaire jugé " normal " est relativement
important : la moitié des salariés l'évalue à plus de 330 euros mensuels. Les
salariés jugent leur niveau de rémunération par comparaison avec celui d'autres
salariés aux caractéristiques proches. Le sentiment d'appartenir à une
entreprise qui paie bien ou mal influence également leur opinion.
No 2.987
20 janvier 2010
Fin de règne pour le dollar ?
Le dollar face à la crise : un refuge pas très sûr
La Lettre du Cepii
Agnès Bénassy-Quéré
Depuis le début de la crise financière en 2007, le dollar a connu une évolution
erratique. Deux phases de dépréciation/appréciation se sont succédé, mais à la
fin de 2009, le niveau du taux de change du dollar n'était pas très éloigné de
celui du début de la crise. Cette évolution du billet vert a surpris, car la
crise qui a débuté aux Etats-Unis, jette un doute sérieux sur la stabilité du
système financier et le dynamisme de l'économie américaine. L'observation des
composantes de l'offre et de la demande d'actifs en dollar permet de mieux
comprendre la situation. Ainsi, si les titres du Trésor américain ont joué leur
rôle traditionnel de valeur refuge surtout au début de la crise, les
investisseurs internationaux ont nettement réduit leurs placements dans des
titres privés américains. En revanche, les Américains ont massivement rapatrié
des capitaux. L'évolution future du dollar reste l'une des grandes incertitudes
de l'après-crise, même si, compte tenu de la persistance des équilibres de
balances de paiement dans le monde, l'hypothèse d'un dollar faible paraît la
plus probable.
La versatilité du modèle américain et le dollar
Revue d'économie financière
Jacques Mistral
Dans le passé, on a pu constater une certaine corrélation entre les fluctuations
du dollar et le succès du modèle économique américain. Ainsi, on peut formuler
l'hypothèse selon laquelle les variations du taux de change du dollar sont le
reflet de la versatilité du succès de l'économie américaine et constater que la
tendance longue du modèle américain est baissière en raison de l'affaiblissement
des paramètres fondamentaux de son insertion internationale. En même temps, les
Etats-Unis sont dotés d'une capacité de rebond sans égale qui conduit, en fin de
compte, les investisseurs internationaux à miser à chaque fois sur la
supériorité du modèle américain. La crise actuelle suggère que nous sommes
arrivés à la fin d'un tel cycle et qu'à court et moyen termes, le billet vert
restera faible.
Le dollar : pivot du système monétaire international
Géopolitique
Michel Aglietta
Depuis plus d'un demi-siècle, le dollar est le pivot du système monétaire
international (SMI). Le fait que le SMI repose sur une devise clé s'explique par
les avantages qu'elle procure en termes d'externalités de réseau et de
liquidité. Par contre, l'hégémonie du billet vert est contestée par des facteurs
qui lui sont propres, mais également par des éléments liés à la construction du
SMI. Ainsi, les Etats-Unis ont tendance à créer de la monnaie en fonction de
leurs propres besoins qui n'ont aucune raison de coïncider avec ceux du reste du
monde. Par ailleurs, le SMI est hétérogène : il est composé de monnaies évoluant
dans des systèmes de change fixe ou de change flexible. Cette dernière
caractéristique, combinée à la polarisation des déséquilibres financiers
(Chine/Etats-Unis), conduit à l'instabilité de l'ensemble du système. La crise
actuelle peut avoir une influence positive, car elle a attiré l'attention sur la
nécessité de repenser la gouvernance du SMI.
Vers la double guerre des taux de changes
Les Echos
Patrick Artus
La crise économique mondiale semble toucher à sa fin et on discute maintenant
des scénarios de sortie de crise. Compte tenu du mouvement de désendettement du
secteur privé dans les pays industrialisés, le retour à la croissance ne peut
venir ni de leur demande intérieure, ni des exportations vers les autres pays de
l'Organisation de développement et de coopération économiques (OCDE), mais
plutôt des pays émergents. Cependant, la plupart des pays occidentaux partent
avec un handicap en termes de compétitivité dans cette relance des marchés.
Cette situation conduit, selon l'auteur, à une double guerre des changes : entre
les pays de l'OCDE, d'une part, et entre les Etats-Unis et la Chine ainsi que
les pays exportateurs de pétrole, de l'autre.
La fin du dollar n'est pas pour demain
Le Monde
Pierre-Antoine Delhommais
Le dollar est aujourd'hui affaibli par la crise économique et plusieurs pays,
dont la Chine, ont exprimé le souhait de le voir remplacé par une nouvelle
monnaie internationale. Cependant, il semble qu'il ne s'agisse pas de signes, au
moins directs, annonçant la fin du dollar. Aucun signal concret ne laisse
présager un tel scénario. Par ailleurs, les nombreux avantages liés à la devise
américaine maintiennent le statu quo. Cette inertie du système monétaire
international (SMI) est aussi liée à l'absence d'alternatives réalistes : les
Droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international (FMI) sont loin
d'être prêts à devenir une véritable monnaie, le yuan chinois n'est pas
convertible, l'euro n'est pas porté par de solides ambitions politiques et un
retour vers l'or, personne ne l'envisage.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
FINANCE
Comment fonctionne un hedge fund ?
Le Débat
Donald Mac Kenzie
La crise financière de l'automne 2008 a provoqué un regain d'intérêt concernant
les pratiques des principaux acteurs intervenant sur les marchés. Parmi ces
derniers figurent les hedge funds qui, bien que très souvent
décriés dans les médias, n'en restent pas moins relativement méconnus. En 1998
déjà, la faillite du fonds LTCM avait mis en péril le système financier
international. La dernière crise en date a provoqué la chute de nombreux
hedge funds, mais ceux qui ont survécu à la tourmente vont pouvoir saisir
les opportunités offertes par la décision de certaines banques de se désengager
du marché des instruments financiers risqués.
MONDIALISATION
La montée du Sud ravive les tensions économiques entre les pays
Accomex
Nicolas Meunier
Si les économies qui répondent au terme générique " Sud " sont très diverses,
elles semblent, dans leur ensemble, peser plus lourd dans l'économie mondiale
depuis quelques années. Ainsi, le produit intérieur brut (PIB) du Sud représente
désormais 30 % du PIB mondial. Le nombre de capitalisations boursières émanant
du Sud a, en outre, doublé en dix ans et la part des investissements directs à
l'étranger (IDE) réalisés par les pays émergents sur le territoire de leurs
semblables représentait, en 2005, 40 % du total des IDE (contre 20 % en 1995).
Le poids politique des pays émergents et en développement s'est également accru
: le G7 a cédé sa place au G20 et les organisations internationales, comme le
Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, ont accepté de revoir
la répartition entre leurs membres des quotas de décision. Cette nouvelle
configuration géopolitico-économique tend à raviver les tensions entre les pays,
notamment entre ceux du Nord et du Sud, ainsi qu'autour des ressources
naturelles.
PROTECTION SOCIALE
Agences régionales de santé : vers une meilleure gouvernance du système de
santé ?
Droit social
Pierre-Louis Bras
Depuis plus d'une décennie, les réformes mises en œuvre dans le domaine de la
santé ont toutes eu pour objectif de modifier la gouvernance du système de soins
et d'assurance-maladie. La loi portant réforme de l'hôpital et relative aux
patients, à la santé et aux territoires (loi HPST) s'inscrit dans ce processus à
travers la création des agences régionales de santé (ARS). Ces dernières visent
à rassembler dans un organisme unique, à l'échelon régional, les administrations
en charge d'assurer la régulation et la supervision des différentes composantes
du système de santé. Pour comprendre les raisons qui ont présidé à la mise en
place de cette nouvelle organisation et en saisir les limites, l'auteur resitue
la genèse des ARS dans la globalité de l'histoire de la Sécurité sociale.
No 2.988
3 février 2010
A quand la prochaine crise alimentaire ?
Les initiatives internationales pour lutter contre la faim sont peu
nombreuses
The Economist
Si aucun chef d'Etat du G8 n'a assisté - à l'exception de Silvio Berlusconi - au
sommet des Nations unies pour l'alimentation, le premier depuis 2002, qui s'est
tenu à Rome du 16 au 22 novembre 2009, cette réunion a toutefois permis de
relancer le débat sur la question alimentaire. La hausse des prix alimentaires
mondiaux, en 2007-2008, la plus forte depuis trente ans, a certes pris fin, mais
les déséquilibres structurels mondiaux n'ont, eux, pas disparu. Des initiatives
internationales ont récemment vu le jour - le G8 a, notamment, promis
d'augmenter les dépenses consacrées au développement agricole - mais les
initiatives les plus importantes demeurent nationales. Pourtant, selon le
magazine britannique The Economist, il est urgent, pour prévenir une
nouvelle crise alimentaire, de trouver une solution internationale afin
d'améliorer le fonctionnement du marché agricole mondial.
L'autosuffisance alimentaire n'est pas un rempart contre la crise
La vie des Idées
Antoine Bouet et David Laborde-Debucquet
Le protectionnisme en matière agricole est aujourd'hui une pratique bien établie
: le taux moyen de protection du secteur agricole mondial est quatre fois plus
élevé que celui du secteur industriel (16,4 % contre 3,9 %). Le commerce
international des produits agricoles progresse moins vite que l'échange de
produits industriels. Les ajustements aux chocs de demande sont donc
particulièrement lents. Pourtant, le protectionnisme agricole ne serait pas
responsable, selon les auteurs, du déclenchement des crises alimentaires. Les
politiques protectionnistes tendraient au contraire à faire baisser les prix des
biens agricoles à long terme : la demande serait découragée par les droits de
douane et les contingents tandis que la production aurait tendance à croître. A
trop se focaliser sur la question du protectionnisme agricole, on aurait, selon
les auteurs, tendance à laisser de côté d'autres facteurs susceptibles, eux, de
favoriser l'apparition d'une nouvelle crise alimentaire...
Quand le Sud vend sa terre
Alternatives économiques
Pascal Canfin
Si l'achat de terres agricoles dans les pays en développement (PED) par certains
pays riches n'est pas un phénomène nouveau, celui-ci s'est amplifié ces
dernières années lorsque la hausse des prix des biens agricoles a fait prendre
conscience à certains Etats de leur dépendance en matière alimentaire. Depuis
deux ans, de nouveaux acheteurs, des Etats ou des entreprises privées totalement
étrangères au secteur de l'agroalimentaire, se portent acquéreurs de terres
arables dans certains PED comme à Madagascar ou en Afrique. Les vendeurs en
tirent une rente non négligeable ou échangent leurs terres contre des matières
premières comme le pétrole. Les acheteurs y voient un moyen de se prémunir
contre la volatilité des prix des marchés agricoles devenus de plus en plus
spéculatifs. Mais l'auteur nous rappelle que ces opérations ne sont pas sans
risques.
Ces réfugiés de la faim
Manière de voir
Jean Ziegler
Si le sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique fut l'occasion
d'attirer l'attention des médias et des chefs d'Etat et de gouvernement sur le
sort des réfugiés climatiques, l'auteur revient, ici, sur un phénomène moins
récent mais qui n'a pas pour autant disparu, bien au contraire : les réfugiés de
la faim. Ces derniers sont particulièrement nombreux sur le continent africain
où le nombre de personnes sous-alimentées est passé de 81 à 203 millions entre
1972 et 2002. Les populations côtières sont les plus touchées par ce phénomène.
Cette situation s'expliquerait par la disparition, ces dernières années, de
communautés entières de pêcheurs qui n'ont pas pu résister à l'intensification
de la concurrence. Les réfugiés alimentaires sont de plus en plus nombreux à
venir frapper aux portes de l'Union européenne (UE). Mais la plupart d'entre
eux, refoulés aux frontières, sont renvoyés à leur sort et contraints de
survivre dans des conditions de plus en plus précaires.
La faim dans le monde : vraies et fausses solutions
L'Economie politique
Stéphane Madaule
Les terribles émeutes de la faim de l'été 2008 ont brutalement ramené au premier
plan la question de l'équilibre alimentaire de la planète. Les mouvements
erratiques des marchés internationaux ont montré que ces derniers pouvaient être
un facteur de diffusion de la faim. Pour que la lutte contre la faim soit
réellement efficace, l'investissement dans l'agriculture et l'alimentation dans
les pays en développement doit redevenir une priorité. Cet investissement ne
sera néanmoins suivi d'effets, selon l'auteur, que s'il s'accompagne d'une
régulation des marchés, seule susceptible de permettre à l'économie libérale de
produire tous ses bienfaits.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
TRAVAIL
Le nouveau monde de la production
Sciences Humaines
Pierre Veltz
Si la question de l'emploi est aujourd'hui celle qui domine le débat sur
l'évolution du travail, notamment concernant ses formes juridiques, les
préoccupations à l'égard du travail lui-même, son contenu, son contexte
organisationnel et relationnel sont tout aussi importantes. Les catégories
auxquelles on recourt habituellement pour définir et décrire le travail semblent
désormais avoir perdu de leur pertinence. Ce constat vaut pour les catégories
générales de classement des activités (primaire, secondaire et tertiaire), la
mesure de la productivité dans l'entreprise ou le lien entre travail individuel
et travail organisé. L'auteur propose une nouvelle grille de lecture, plus
opérante, qui permet de prendre en compte les évolutions qu'ont connues, au
cours des dernières années, les organisations du travail, ainsi que les modes de
production.
COMMERCE INTERNATIONAL
Crise et commerce : les déboires du haut de gamme
La Lettre du CEPII
Antoine Berthou et Charlotte Emlinger
Le commerce mondial a fortement chuté entre la fin de 2008 et le début de 2009.
Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit un recul de près de 12 % en
volume et de 25 % en valeur (dollars) des échanges pour l'ensemble de 2009 par
rapport à l'année précédente. La chute du commerce a particulièrement touché les
produits haut de gamme. Les études montrent que sur une décennie,
l'élasticité-revenu des importations de ces produits se révèle environ 60 %
supérieure à celle des importations de produits bas de gamme. Dans un contexte
de crise économique mondiale, cette plus grande sensibilité au revenu a
davantage pénalisé les exportateurs de produits haut de gamme.
EUROPE
La politique européenne de développement : une réponse à la crise de la
mondialisation ?
Fondation pour l'innovation politique
Jean-Michel Debrat
A l'heure des crises internationales - qu'elles soient alimentaire, climatique,
financière ou énergétique - le monde en développement a plus que jamais besoin
d'un partenariat solide avec l'Europe. Certes, l'Union européenne (UE) fournit
déjà 60 % de l'aide publique au développement, soit l'équivalent de 93 euros par
citoyen européen en 2007, mais la politique de développement de l'UE demeure
confrontée à des défis stratégiques majeurs, comme notamment les écarts de
développement économique et humain à l'intérieur des différents espaces proches
de l'Europe. Construire une capacité d'intervention politique et opérationnelle
à la mesure de son ambition régionale et globale est dans l'intérêt stratégique
de l'Europe, tout comme le besoin de voir ses voisins se développer et
prospérer. Mais pour atteindre ces objectifs, une nouvelle architecture de
l'aide européenne reste encore à trouver.
No 2.989
17 février 2010
Comment sortir de la crise ?
Les dilemmes de la sortie de crise
Alternatives économiques
Sandra Moatti
Depuis quelques mois, les signes de reprise des économies des pays développés
deviennent de plus en plus tangibles. Celle-ci reste toutefois fragile et de
nombreuses menaces obscurcissent l'horizon. Parmi ces dernières, l'augmentation
du chômage est sans doute la plus inquiétante. Des arbitrages délicats en
matière de politiques budgétaire et monétaire attendent les gouvernements et les
banques centrales. Les multiples facteurs qui ont donné naissance à la crise
n'ont pas disparu et le monde n'est plus, après ce choc, tout à fait le même. La
crise a redistribué les cartes entre pays riches et pays émergents. La Chine, en
particulier, va jouer un rôle de plus en plus déterminant. Ce nouveau contexte
géoéconomique sera, à plus long terme, un facteur essentiel dans la manière dont
les économies convalescentes parviendront à sortir de la crise.
Quelles stratégies adopter ?
Lettre de l'OFCE
Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak
Les finances publiques des pays de l'Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) sont-elles soutenables ? La crise a en effet
provoqué de fortes hausses des déficits et des dettes publics. Faut-il
rapidement réduire les dépenses de l'Etat et augmenter les impôts pour rétablir
les comptes publics au risque de freiner la reprise ? Faut-il compter sur la
reprise pour réduire les déficits publics ? Les organisations internationales
comme le Fonds monétaire international (FMI) ou l'OCDE ont commencé à engager
une réflexion sur la stratégie budgétaire de sortie de crise mais sans vraiment
tirer les leçons des événements des deux dernières années. Dans la mesure où le
niveau d'activité reste nettement inférieur à la production potentielle et que
la croissance prévue pour 2010 se situe également en dessous de la croissance
potentielle, les politiques budgétaires ainsi que la politique monétaire
doivent, selon les auteurs, rester expansionnistes, comme l'engagement en a
d'ailleurs été pris au G20 de septembre 2009 et au Conseil européen d'octobre
2009.
Etats-Unis : la reprise en butte à de formidables obstacles
Crédit Agricole - Perspectives Trimestriel
Hélène Baudchon et Michael Carey
La récession la plus grave qu'aient connue les Etats-Unis depuis la Grande
Dépression des années 1930 a pris fin l'été dernier. Si la récession est donc
techniquement terminée, la reprise s'annonce délicate car de nombreux facteurs
pourraient en freiner le rythme. Parmi ces derniers figurent la hausse de
l'épargne des ménages qui souhaitent reconstituer leur patrimoine détruit durant
la crise, la faiblesse du marché de l'emploi, les incertitudes des entreprises
et l'assouplissement plutôt lent des conditions d'octroi de crédit. Les auteurs
estiment toutefois, qu'à moins d'une erreur de politique économique, la
probabilité d'une rechute en récession de l'économie américaine n'est
aujourd'hui que de 20 %.
L'Asie à la rescousse ?
Finances et Développement
Olivier Blanchard
La récession que le monde vient de traverser sort de l'ordinaire. Il ne sera
donc pas aisé pour l'économie mondiale de retrouver rapidement le chemin d'une
croissance vigoureuse. La crise a sans doute entraîné une baisse de la
production potentielle. Dans ces conditions, la reprise ne s'accompagnera pas de
taux de croissance très élevés. Pour qu'elle soit durable, il va falloir, selon
l'auteur, procéder à de délicats rééquilibrages, tant à l'intérieur des
différentes économies qu'au plan international. Aux Etats-Unis comme ailleurs,
un rééquilibrage entre dépense publique et dépense privée sera à terme
indispensable. Il sera enfin probablement nécessaire pour consolider la reprise
de parvenir à une augmentation des exportations nettes des Etats-Unis et à une
diminution équivalente dans le reste du monde, essentiellement en Asie.
A la recherche d'un modèle de croissance
Esprit
Entretien avec Michel Aglietta et Alain Lipietz
Si la plupart des pays avancés semblent désormais sortis de la récession, les
facteurs à l'origine de la crise demeurent. De même, les questions de fond qui
ont été soulevées à l'occasion de ce choc économique majeur sont pour la plupart
d'entre elles restées, jusqu'à présent, sans véritable réponse. La seule
question qui, depuis quelques mois, hante les esprits est de savoir si la
reprise sera durable. Pourtant, selon les auteurs, nous sommes face à une remise
en cause systémique. Notre modèle de croissance ne peut donc être relancé à
l'identique. L'enjeu fondamental est de parvenir à inventer d'autres modèles. A
cet égard, la croissance verte figure aujourd'hui parmi les alternatives les
plus prometteuses.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
MARCHE DU TRAVAIL
Soixante ans de réduction du temps de travail dans le monde
Insee Première
Gérard Bouvier et Fatoumata Diallo
Depuis 1950, la durée annuelle du travail a baissé dans tous les pays
développés. Cette évolution s'explique tout d'abord par l'effet de la
salarisation de l'emploi - ce facteur s'observe surtout jusqu'au milieu des
années 1960 -, puis par la réduction de la durée annuelle de travail des
salariés à temps complet, qui commence à se mettre progressivement en place à
partir de la fin de cette décennie. Plus récemment, elle résulte également du
développement du temps partiel. Cet effet est un peu moins fort en France depuis
la mise en place des 35 heures. Bien que générale, la baisse a nettement
accentué les différences entre les pays : aujourd'hui, la durée annuelle varie
de 1 413 heures aux Pays-Bas à plus de 2 150 heures en République de Corée.
INDICATEURS
Mesurer le bien-être : retour sur le rapport Stiglitz
Commentaire
André Babeau
Si le produit intérieur brut (PIB) reste l'indicateur privilégié de l'évolution
du bien-être d'une population, il est, de l'avis de tous, insuffisant car il ne
fait référence qu'à des mesures de flux (production, revenu, consommation) et
non à la notion de patrimoine (stocks). La version définitive du rapport de la
Commission Stiglitz, remis au président de la République, Nicolas Sarkozy, en
septembre 2009, ne réserve, selon l'auteur, qu'une place modeste au patrimoine.
Mais, quoi qu'il en soit, la référence aux stocks plutôt qu'aux flux, ne suffit
pas à établir une mesure convenable du bien-être. Seule la pluralité des
approches - qui prêtent notamment attention au ressenti des individus - le
permettrait. Des outils existent déjà : depuis trente-cinq ans, l'Institut
national de la statistique et des études économiques (INSEE) publie ses
Données sociales. De même, les travaux du Centre de recherche pour l'étude
et l'observation des conditions de vie (CREDOC) sont riches d'enseignement. La
difficulté tient essentiellement au rapprochement cohérent de ces données
macroéconomiques, au niveau national comme au niveau international.
CONSOMMATION
Quand consommer, c'est travailler
Idées
Marie-Anne Dujarier
La consommation est souvent opposée au travail. On associe aussi généralement la
première à la pure jouissance et le second à la pénibilité. Or, les
consommateurs sont de plus en plus impliqués, sans qu'ils en prennent
véritablement conscience, dans la production des biens et services qu'ils
consomment. Leur contribution (l'installation d'un kit d'abonnement à
l'Internet, la customisation d'un produit, etc.) étant gratuite, les
entreprises auraient tort de se priver de cette main-d'œuvre qui par ailleurs
est disponible, motivée et fidèle. Les spécialistes de la sociologie du travail
et de la consommation voient dans cette " coproduction " un véritable travail
puisque le consommateur s'engage dans des " tâches productives prescrites,
socialement organisées dans le but de créer de la valeur économique ".
No 2.990
03 mars 2010
La presse : le dilemme gratuit-payant
Chronique d'une automutilation
NZZ Folio
Kurt W. Zimmermann
2009 fut pour la presse une année noire. Si la crise économique n'a pas épargné
ce secteur, les difficultés auxquelles font face les journaux sont bien plus
profondes. Le principal problème tient à ce que la presse a, en un peu plus
d'une décennie, assisté à la destruction de son modèle économique vieux de 400
ans. Celui-ci reposait sur un financement plus ou moins équilibré entre les
recettes tirées de la publicité et des annonces et celles obtenues grâce à la
vente. Vers 1995, le modèle a commencé à vaciller avec l'offre de journaux
gratuits et le développement de l'Internet, qui va aboutir à la mise en ligne
gratuite des articles de presse. Cependant, ni l'offre gratuite sur le Web, ni
les journaux imprimés proposés gratuitement n'ont réussi à atteindre l'équilibre
financier, car désormais la plupart des annonces publicitaires ne se font plus
dans la presse papier, mais sur l'Internet, notamment par l'intermédiaire de
Google.
La presse écrite à l'épreuve d'Internet
Etudes
Antoine de Tarlé
L'histoire de l'Internet et de la presse ressemble à un malentendu. Les éditeurs
de presse ont d'abord cru qu'ils pourraient attirer des lecteurs vers des offres
payantes après leur avoir offert des " amuse-bouches " copieux d'articles
gratuits. Ensuite, la migration de la publicité du support papier vers le Web a
été sous-estimée. Plus grave encore, l'Internet a modifié les habitudes de
nombreux lecteurs pour qui s'informer se résume de plus en plus souvent à une
rapide revue de presse. En France, la situation du secteur de la presse est
aggravée par plusieurs maux spécifiques, notamment les coûts de fabrication plus
élevés, les carences dans le système de distribution et la faiblesse de l'offre
rédactionnelle.
Presse française : réveiller la " belle endormie "
Le Monde
Bernard Pecquerie
Les quotidiens nationaux généralistes français sont à bien des égards parmi les
plus mal en point en Europe : nombre restreint de titres, tirages faibles, offre
rédactionnelle insuffisante.... Comment réveiller la " belle endormie " et
trouver de nouvelles recettes ? A l'étranger où la presse subit aussi les
contraintes liées à l'Internet, les journaux ont su développer des formules qui
résistent à la crise et qui pourraient être des sources d'inspiration pour les
éditeurs de presse français comme le développement de suppléments du week-end,
très rémunérateurs à l'étranger, la segmentation du marché (une rédaction qui
produit plusieurs journaux pour des publics distincts), ou la vente du journal à
moitié prix. Il serait également possible de développer des partenariats entre
journaux en vendant, via un site payant commun avec les concurrents, une partie
des contenus, comme les pages Opinions/Débats.
Contenus éditoriaux sur l'Internet : bientôt la fin de la gratuité ?
Wirtschaftsdienst
Ralf Dewenter
L'analyse théorique du marché de la presse et des médias en général montre que
le prix de vente dépend davantage des particularités de ce marché que du
consentement à payer des acheteurs. Si les articles de journaux sont
relativement similaires, l'effet de la concurrence fait que le prix de vente
tend vers le coût marginal d'un article. Sur l'Internet, le coût de la mise à
disposition d'un article est en effet proche de zéro et le modèle de la gratuité
s'impose ainsi naturellement. La situation est différente si on part du coût de
production : celui-ci est positif compte tenu de la rareté des capacités
journalistiques. Par ailleurs, les marchés des médias ont la spécificité d'être
à double face : il y a deux types d'utilisateurs (les lecteurs et les
annonceurs) dont l'utilité est liée par un effet de réseau : plus le journal est
gratuit, plus il y a de lecteurs et plus il est intéressant dý placer une
publicité.
L'industrie de la presse n'en est pas à son premier bouleversement
The Economist
En 1845, l'invention et le développement du télégraphe ont été une source de
grande inquiétude pour les journaux. Pour la plupart des observateurs, cet
événement signifiait la mort de la presse généraliste au profit d'une presse
spécialisée. Mais l'avenir a montré le contraire : le télégraphe a permis un
enrichissement et une actualisation plus rapide des journaux. La course à
l'actualité est devenue le nerf de la guerre, suscitant de nouvelles craintes,
cette fois-ci à propos du journalisme qui risquait de ne plus offrir que des
informations superficielles. En fin de compte, les journaux ont survécu, car ils
ont préservé un atout : concentrer et apporter les nouvelles rapidement aux
lecteurs. Aujourd'hui, l'Internet représente un défi comparable à celui du
télégraphe. L'enjeu porte davantage sur le médium à travers lequel les
actualités parviennent jusqu'aux utilisateurs (papier, numérique), que sur le
modèle économique lui-même.
Microsoft plus " gentil " que Google avec la presse ?
Les Echos
Jean-Christophe Féraud
L'entreprise américaine Google bénéficie d'un quasi-monopole : aux Etats-Unis,
elle s'arroge près de 65 % des recherches sur l'Internet, en France, ce taux
atteint même 90 %. Vis-à-vis de la presse, l'entreprise californienne est peu
généreuse : elle exploite ses articles sans verser le moindre centime aux
éditeurs. Dans le contexte de la crise de l'édition, le géant américain News
Corp (Rupert Murdoch) tente de profiter de la rivalité entre Google et
Microsoft. Ce dernier cherche, en effet, un moyen pour diffuser plus largement
son moteur de recherche Bing. News Corp a donc proposé à Microsoft de passer un
accord qui lui permettrait d'indexer le contenu des journaux du groupe de presse
sur son moteur de recherche Bing moyennant rémunération. Cet accord pourrait
constituer les prémices d'un nouveau modèle économique pour la presse : la
production des informations serait indirectement financée par les moteurs de
recherche indexant les articles.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ECONOMIES ETRANGERES
Etats-Unis : l'assurance maladie verra-t-elle le jour ?
Chronique internationale de l'IRES
Catherine Sauviat et Estelle Sommeiller
Le Président des Etats-Unis, Barack Obama, qui vient de célébrer son premier
anniversaire à la Maison-Blanche, avait fait de la réforme du système de santé,
le fer de lance de sa campagne pour l'élection présidentielle de 2008. La
réforme a été, tout au long de 2009, la priorité de l'agenda législatif
américain. Un premier projet de loi a déjà été adopté par le Congrès. Pour
qu'une assurance maladie nationale voie le jour, il faut désormais que les deux
textes votés par la Chambre des représentants et le Sénat soient unifiés et
fassent l'objet d'un ultime vote. Or, la perte par les Démocrates de leur
majorité qualifiée de soixante sièges au Sénat avec l'élection, en janvier 2010,
du sénateur républicain Scott Brown dans l'Etat du Massachussetts, met désormais
en péril l'avenir de la réforme. Les Républicains ont en effet la possibilité de
bloquer le débat par des manœuvres d'obstruction systématique et de menacer
ainsi l'adoption de la réforme.
UNION EUROPEENNE
Les territoires au cœur de la nouvelle stratégie économique européenne
Bulletin de l'Observatoire des politiques économiques en Europe
René Kahn
Depuis 2006, les institutions régionales et locales de l'Union européenne (UE)
sont chargées de mettre en œuvre la stratégie de Lisbonne-Göteborg, qui
assignait, en 2000, comme objectif à l'UE de devenir l'économie de la
connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010.
Lors du Conseil européen de Göteborg en juin 2001, les Etats membres avaient
ajouté la dimension environnementale à la stratégie arrêtée à Lisbonne. Sous
l'impulsion de la Commission européenne, qui s'inspire elle-même des récentes
recherches issues de l'économie géographique, émerge une nouvelle conception du
développement et de l'aménagement du territoire basée sur la spécialisation
territoriale. A partir de l'analyse de l'évolution du statut des régions en
Europe, au cours des dernières années, l'auteur décrit le processus qui a
conduit dans le contexte de la mondialisation et de la domination des idées
libérales, à faire des territoires le fer de lance de la politique économique
européenne.
MANAGEMENT DU RISQUE
Le concept de risque et son évolution
Responsabilité et environnement - Annales des Mines
Gilles Motet
Le sens donné au concept de risque a évolué au fil du temps. Une bonne
compréhension de cette évolution est fondamentale pour pouvoir aborder de façon
pertinente les problèmes de sécurité et leur gestion. Aujourd'hui, de nombreuses
divergences d'opinions sur les questions, les démarches et les techniques liées
au management du risque résultent des différences d'interprétation de cette
notion. L'auteur revient sur les interrogations soulevées par l'évolution du
concept et la façon de gérer les risques dans différents champs de l'activité
humaine. Il analyse ensuite le problème de l'incertitude et ses conséquences
pour le management du risque.
No 2.991
17 mars 2010
Royaume-Uni : l'héritage travailliste
L'économie britannique sort très affaiblie de la crise
Conjoncture BNP-Paribas
Caroline Newhouse-Cohen
Le Royaume-Uni connaît actuellement la récession la plus longue depuis la fin de
la Seconde Guerre mondiale. Celle-ci a entraîné la plus forte chute du produit
intérieur brut (PIB) depuis 1955 (- 5,8 % par rapport au premier trimestre
2008). L'inertie de la demande intérieure semble être l'obstacle majeur à la
reprise. Les ménages, face au ralentissement de la progression des revenus
salariaux, ont augmenté leur épargne au détriment de la consommation. Si la
contraction de l'emploi a été moindre qu'au cours des récessions de 1980 et
1990, le taux de chômage des 15-24 ans (15 % environ, soit un taux supérieur à
celui de la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de
développement économiques - OCDE) est en outre préoccupant.
Le modèle britannique dans tous ses états
Chronique internationale de l'IRES
Florence Lefresne
En dépit du plan de sauvetage de 2008 qui s'élevait à 3 % du produit intérieur
brut (PIB) et des mesures gouvernementales visant à lutter contre la progression
du taux de chômage, celui-ci a, à la fin de 2009, retrouvé son niveau de 1996 (8
%, 40 % des chômeurs ayant moins de 25 ans). Si la situation de l'emploi au
Royaume-Uni est alarmante, le pire semble toutefois avoir été évité, notamment
grâce au rôle joué par les syndicats (Trade Unions) qui sont parvenus à
limiter le nombre des licenciements. Mais leur action a un coût économique :
elle se traduit le plus souvent par le gel ou la diminution des salaires et une
flexibilité accrue du temps de travail. En guise d'exemple, le principal
syndicat à British Airways a, en juillet 2009, accepté une diminution de 2,6 %
des salaires des pilotes. Des initiatives du même type se sont multipliées tout
au long de 2009. Au total, 55 % des employeurs auraient décidé de geler les
salaires.
Une société en miettes ?
The Economist
Crime, délitement familial, alcool, drogues : les conservateurs et près de deux
Britanniques sur trois, selon les intentions de votes, pensent que la société
est en miettes. Le thème de l'insécurité est en effet au cœur de la campagne des
élections législatives de 2010. La désagrégation de la famille est souvent
pointée du doigt. Le nombre de familles monoparentales, trois fois supérieur à
celui enregistré en 1970, ainsi que le taux de grossesse chez les jeunes filles
âgées de 13 à 19 ans, qui demeurent parmi les plus élevés d'Europe, sont autant
de faits alarmants que les conservateurs mettent en avant à l'occasion de la
campagne électorale. Mais ces derniers oublient de préciser que la
monoparentalité résulte le plus souvent, contrairement aux décennies passées,
d'un choix librement consenti. De même, si les grossesses chez les jeunes filles
restent fréquentes, celles-ci sont en nette baisse par rapport aux années 1990.
La criminalité dans son ensemble a, selon le British Crime Survey,
également diminué : elle a chuté de 45 % depuis son pic de 1995.
Le taux de pauvreté le plus élevé de l'Europe occidentale
The Guardian
Amelia Gentleman et Hélène Mulholland
Il y a quelques années, Harriet Harman, ministre britannique de la Condition
féminine et de l'Égalité, avait commandé au Comité national pour l'égalité, un
groupe indépendant d'universitaires, un rapport sur les inégalités au
Royaume-Uni. Celui-ci a finalement été publié à la fin du mois de janvier 2010.
Les résultats font apparaître que les 10 % des Britanniques les plus riches sont
cent fois plus fortunés que les 10 % les plus pauvres, ce qui fait du
Royaume-Uni le pays le plus inégalitaire d'Europe occidentale. Les enfants sont
particulièrement touchés puisque 13 % d'entre eux vivraient dans une pauvreté
extrême. A l'origine, les travaillistes attendaient de l'étude qu'elle prouve, à
la veille des élections du printemps 2010, que les conservateurs avaient,
pendant des années, privilégié les plus riches. Au final, au vu des conclusions
du rapport Harman, les travaillistes sont accusés de s'être montrés incapables
d'inverser la tendance en dépit de la forte croissance qu'a connue le
Royaume-Uni au cours de la décennie 2000.
La Banque d'Angleterre peut-elle sauver le Royaume-Uni ?
Alternatives économiques
Jacques Adda
La récession qu'affronte l'économie britannique depuis plusieurs mois a
contribué à la dégradation de la dette publique. Quel que soit le vainqueur des
prochaines élections, la rigueur sera donc de mise. Le Trésor britannique a
d'ailleurs déjà envisagé des coupes budgétaires qui devraient s'élever à 8 % du
produit intérieur brut (PIB) sur les sept prochaines années. Afin de calmer les
tensions sur la dette publique, la Banque d'Angleterre a également décidé de
mener une politique monétaire accommodante. Il semble toutefois que cette "
détente quantitative " qui visait à faciliter le financement des agents privés
n'ait pas eu les effets escomptés puisque la pénurie de crédit persiste. Il
arrive en effet qu'en situation de crise, l'augmentation du volume de liquidités
en circulation - au Royaume-Uni, l'écart entre les ressources disponibles dans
l'économie et les besoins de financement s'élève à 15 % du PIB, soit le plus
important des pays développés - ne suffise pas à relancer l'économie si ces
liquidités ne parviennent pas à dépasser la sphère financière et à irriguer la
sphère réelle.
Le nouveau conservatisme britannique
La vie des Idées
Antoine Colombani
A l'approche des élections législatives qui se dérouleront au printemps 2010,
David Cameron, le leader du Parti conservateur (Tories) est, selon la
plupart des sondages, donné vainqueur. S'il se réalise, ce scénario serait-il
pour autant le prélude à un retour du thatchérisme ? Il semble que la réponse
soit négative. Le jeune leader Tory veille, en effet, à se présenter
comme un candidat modéré, dépourvu de dogmatisme. Il se garde bien d'ailleurs de
se référer, dans ses discours, à Margaret Thatcher ou aux théories économiques
de l'Ecole de Chicago, chères à la Dame de Fer. Mais cette rupture assumée avec
le néolibéralisme ne conduit pas pour autant à plus d'interventionnisme en
économie. L'Etat n'est pas, selon le candidat des Tories, au-dessus du
marché. David Cameron entend incarner un nouveau conservatisme, moderne,
compassionnel et promouvoir un " capitalisme à visage humain ".
EGALEMENT DANS CE NUMERO
FINANCE
Pourquoi réglementer les hedge funds ?
La Lettre du CEPII
Michel Aglietta, Sandra Khanniche et Sabrina Rigot
La récente crise financière est une nouvelle occasion de réfléchir à la place
des hedge funds (fonds spéculatifs) au sein du monde de la finance. Les
risques encourus par ces fonds sont en effet à la mesure des paris qu'ils
prennent dans leur quête de rendements élevés. Leur mode de fonctionnement qui
repose sur la combinaison des leviers de dette et de la dépendance à la
liquidité des marchés les rend particulièrement vulnérables aux crises
financières, tandis que leurs réactions propagent le risque systémique. Les
événements récents ont suscité l'inquiétude des régulateurs qui jusque-là se
sont montrés plutôt indulgents vis-à-vis de ces fonds. Une révision de la
régulation appliquée aux hedge funds est en train d'évoluer mais les
nouvelles propositions réglementaires font débat.
BIODIVERSITE
Estimer la valeur de la nature
Le journal du CNRS
Entretien avec Jean-Michel Salles
2010 a été décrétée par l'Organisation des Nations unies (ONU), année
internationale de la biodiversité. Il y a huit ans, les gouvernements de la
planète prenaient l'engagement de mettre un terme à l'appauvrissement de la
biodiversité d'ici à 2010. Force est de constater aujourd'hui que l'objectif est
loin d'être atteint. Au printemps 2009, un rapport commandé par le Conseil
d'analyse stratégique (CAS) sur l'approche économique de la biodiversité a été
rendu public. Ce travail avait deux objectifs principaux : réaliser une
présentation et une analyse critique des méthodes utilisables pour estimer des
valeurs économiques de la biodiversité et des services écosystémiques et
appliquer ces méthodes aux écosystèmes présents sur le territoire national afin
de fournir des " valeurs de référence " pouvant être utilisées, en particulier,
dans l'évaluation socioéconomique des investissements publics. Jean-Michel
Salles, vice-président du groupe de travail auteur du rapport, en détaille dans
cet entretien les différentes propositions.
CLIMAT
Le GIEC dans la tourmente
Projet
Jean-Charles Hourcade
Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), mis en
place en 1988 par le G7, a pour mission d'évaluer de façon objective les
informations scientifiques et économiques nécessaires pour comprendre les
risques liés au changement climatique d'origine humaine. L'institution - qui n'a
pas de production propre mais réunit des articles ayant déjà fait l'objet d'une
première publication - est, depuis quelques semaines, la cible de vives
critiques abondamment relayées dans les médias, en particulier au Royaume-Uni,
de la part des climato-sceptiques qui remettent en cause les conclusions de ses
différents rapports. Pour mieux nous permettre de comprendre les enjeux de cette
polémique, l'auteur rappelle ici les règles scientifiques très strictes qui
entourent la publication des rapports du GIEC. La collaboration de diverses
communautés de sciences sociales constitue également, selon lui, un obstacle de
taille à l'élaboration de résultats scientifiques ainsi qu'à leur compréhension
par le plus grand nombre.
No 2.992
31 mars 2010
Faut-il s'inquiéter de la dette publique ?
Jusqu'où peut aller l'endettement public?
Special report - Natixis
Patrick Artus
Avec la crise économique, les dettes publiques ont atteint des niveaux records.
Jusqu'où un Etat peut-il s'endetter ? La question est devenue brûlante depuis
quelques mois. Le mouvement à la hausse peut en effet continuer tant que les
déficits sont monétisés par les banques centrales dans un environnement de taux
d'intérêt bas. C'est actuellement le cas partout, y compris dans la zone euro,
par le biais du refinancement des banques commerciales par la Banque centrale
européenne (BCE). Mais l'endettement ne pourra se poursuivre dès lors que les
banques centrales augmenteront les taux d'intérêt ou que les agents économiques
privés refuseront de détenir davantage de monnaie non rémunérée.
La dette publique, cet objet obscur
Eclairage - Crédit agricole
Jean-Paul Betbèze
La dette est un objet complexe et il n'est guère étonnant que les économistes
soient divisés s'agissant de ses effets. L'explication principale est qu'on peut
difficilement parler de " la " dette. Celle-ci est en effet une addition de
dettes spécifiques. Chacune d'elles a des origines différentes et dépend de la
conjoncture, des politiques suivies, des consensus nationaux pour les résorber
et, bien sûr, de l'état des économies nationales. On peut ainsi opérer des
distinctions entre une dette " fatale ", sociale ou permanente, mais également
entre une dette de crise et une dette stratégique. Sortir de la spirale de
l'endettement réclame la mise en œuvre d'une stratégie crédible et mesurée pour
que les agents économiques soient convaincus du retour de la croissance et
renoncent ainsi à épargner de manière préventive (effet Ricardo).
Le niveau d'endettement de la France est-il alarmant ?
Le nouvel Economiste
Philippe Plassart
Dans la plupart des pays industrialisés, la crise a conduit à une explosion de
la dette publique. En France elle approche désormais les 1 500 milliards
d'euros, ce qui correspond à environ 80 % du produit intérieur brut (PIB), un
niveau jamais atteint depuis 1945. Si personne ne reproche aux responsables
politiques d'avoir fait le choix de la relance, financée par des déficits
massifs, les économistes sont néanmoins unanimes à penser que cette politique ne
peut être menée indéfiniment. Concernant le niveau global de la dette - est-il
soutenable ou non - et le choix du moment opportun pour engager une stratégie de
réduction, il ný a, en revanche, en dépit des recommandations du Fonds monétaire
international (FMI) ou de l'Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE), aucun consensus parmi les spécialistes de ces questions.
Un plan d'économies pour la France de 50 milliards d'euros
Sociétal
François Ecalle
La dette publique de la France s'envole, non seulement sous l'effet de la crise,
mais, plus grave encore, sous celui d'un déficit structurel qui, à lui seul,
dépasse déjà le critère des 3 % fixé par le traité de Maastricht. Le niveau
d'endettement exige désormais un assainissement rapide des finances publiques.
Si la liste des réformes à entreprendre est longue, toutes n'ont cependant pas
le même degré d'efficacité. Un premier train de mesures indispensables mais dont
l'effet risque d'être limité, comprend notamment la réforme de l'Etat, des
retraites, du système de santé et des collectivités locales. D'autres réformes
plus simples à mettre en œuvre, mais qui devraient s'avérer décisives pourraient
également être lancées comme celle de la valeur du point de la fonction
publique, ainsi que de l'indexation des prestations sociales, la réduction des
dépenses fiscales (qui, en tout, s'élèvent à environ 70 milliards d'euros) ou la
révision du taux de remboursement des dépenses de santé.
Réduire la dette grâce à la Constitution
Document de travail - Fondapol
Jacques Delpla
Afin de garder sous contrôle l'endettement public, certains pays inscrivent dans
leur Constitution une règle contraignante, visant l'équilibre budgétaire à moyen
terme. En 2009, l'Allemagne a choisi cette voie et la France pourrait s'en
inspirer. Le choix allemand ne peut guère laisser indifférente la France, car
les deux pays sont étroitement liés à travers l'Union économique et monétaire
qui impose une certaine harmonisation des politiques économiques en Europe.
Cependant, la justification d'une telle règle va bien au-delà de ces
considérations de coopération économique. Elle part de l'idée qu'en l'absence de
règle contraignante, il sera très difficile pour la France d'assainir ses
comptes publics et de maintenir sa crédibilité financière. En outre, l'adoption
d'une telle règle pourrait contribuer à instaurer davantage d'équité
intergénérationnelle.
Il ný a pas que la dette publique
The Economist
La dette globale d'un pays se compose de la dette publique (Etat et
collectivités locales), de la dette des ménages, de celle des entreprises non
financières et, enfin, de la dette des établissements financiers. Ces quatre
catégories, mises en regard du produit intérieur brut (PIB), fournissent une
information sur le niveau d'endettement global. De nombreux Etats ont vu ce
dernier augmenter de 50 % et plus au cours de la décennie écoulée. C'est
notamment le cas du Royaume-Uni et de l'Espagne dont le taux global est
respectivement de 465 et 365 %. Les Etats-Unis, avec environ 300 %, ont un
niveau d'endettement inférieur à celui de nombreux pays industrialisés. Dans le
passé, les phases de hausse ont toujours été suivies de longues périodes de
réduction du niveau de la dette (deleveraging). Aujourd'hui, le nombre de
pays concernés et le niveau sont plus élevés, ce qui rend la tâche plus
difficile.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
INEGALITES SALARIALES
Les femmes commencent à tirer profit de leur réussite scolaire
INSEE Première
Alice Mainguené et Daniel Martinelli
Les taux de chômage des hommes et des femmes en début de carrière se sont
progressivement rapprochés au cours des vingt-cinq dernières années. Si les
jeunes femmes ont désormais, grâce à leur niveau de formation, un léger avantage
en matière de chômage, celui-ci reste, à diplôme identique, souvent plus élevé
que pour les hommes, les spécialités choisies par celles-ci ne correspondant en
effet pas toujours aux besoins du marché du travail. A niveau de qualification
identique, les salaires des débutantes sont également, en début de vie active,
moins élevés que pour les débutants. Toutefois, en 2008, la crise a, à diplôme
et spécialité équivalents, davantage affecté les jeunes hommes que les jeunes
femmes.
UNION EUROPEENNE
Etats baltes et Irlande: de l'euphorie à la dépression salariale
La Lettre de l'OFCE
Sandrine Levasseur
Parmi les pays européens les plus touchés par la crise financière figurent
l'Irlande et les trois Etats baltes. Le point commun de ces quatre pays est
qu'ils ont accumulé des pertes importantes de compétitivité ces dernières
années, notamment à cause d'une croissance des salaires supérieure à celle de la
productivité du travail. La modération salariale reste pourtant le seul choix
pour restaurer la compétitivité, car les autres solutions - sortir de la zone
euro (pour l'Irlande) ou dévaluer la monnaie (pour les trois Etats baltes) - ne
constituent pas des scénarios souhaitables. C'est donc, malgré les résistances
de la population, dans la voie des réductions salariales que ces quatre pays
commencent à s'engager depuis quelques mois.
ENVIRONNEMENT
La crise écologique : une question de justice
Défense nationale
Hervé Kempf
La crise écologique a pris depuis quelques années une ampleur considérable. Le
nombre de chefs d'Etat et de gouvernement présents lors de la conférence de
Copenhague en décembre 2009 témoigne de la place centrale qu'occupe désormais
cette question dans l'agenda des relations internationales. Cette crise
environnementale planétaire est aggravée par la formidable expansion économique
des grands pays émergents comme la Chine et, dans une moindre mesure, l'Inde
dont les émissions de dioxyde de carbone (CO2) viennent s'ajouter à celles déjà
considérables des Etats-Unis et de l'Europe. A la crise écologique se superpose
de surcroît le problème de la limitation des ressources dont la principale reste
aujourd'hui le pétrole. Cette crise devrait également affecter plus durement les
pays les plus pauvres alors même que leur responsabilité dans les émissions de
gaz à effet de serre depuis deux siècles est très faible. La crise écologique
pose donc de façon cruciale la question de l'équité dans un monde uni par un
péril commun.
No 2.993
14 avril 2010
Pays émergents : vers un nouvel équilibre mondial ?
Les pays émergents sortent renforcés de la crise
The Economist
Au cours de l'automne 2008-2009, d'aucuns pensaient que les pays en
développement (PED) seraient entraînés dans la spirale dépressive des économies
occidentales. Pourtant les sombres pronostics qui leur étaient réservés ne se
sont pas réalisés. Mieux encore, les pays émergents ont pour la plupart
rapidement renoué avec une croissance vigoureuse. Forts des enseignements de la
crise de 1997-1998, ils ont su mettre en œuvre les mesures adéquates pour
résister à ce nouveau choc économique. D'ailleurs, ces derniers ont fait
davantage avec leurs dépenses de relance pour combattre la récession mondiale
que les pays riches. En accélérant le processus de rééquilibrage de la puissance
économique entre le Nord et le Sud, la crise a renforcé des économies émergentes
qui semblent désormais s'émanciper toujours davantage de l'Occident.
Le G20 n'est pas un G7 à vingt
La Lettre du CEPII
Agnès Bénassy-Quéré, Olena Havrylchyk, Rajiv Kumar et Jean Pisani-Ferry
La crise économique mondiale a accéléré le processus de légitimation du G20
comme principale instance de coopération économique internationale. Cependant on
a pu constater à l'occasion des différents sommets qui se sont tenus depuis 2008
que les pays participant à ce forum n'avaient pas exactement les mêmes
priorités. Alors que les pays développés sont principalement soucieux du
renforcement de la régulation financière, les pays émergents cherchent avant
tout à éviter un nouveau protectionnisme et se préoccupent de la répartition des
pouvoirs au sein des institutions internationales comme le Fonds monétaire
international (FMI). L'agenda du G20 a surtout été dominé jusque-là par la
gestion immédiate de la crise et des questions qui relèvent par excellence de sa
compétence, comme celle des déséquilibres mondiaux, n'ont pas été abordées. Il
est pourtant impératif, compte tenu des nouveaux équilibres mondiaux, que le G20
prenne toute sa dimension et ne se cantonne pas à n'être qu'un G7 à vingt.
Au loin, les multinationales du Sud s'activent
Accomex
Héloise Brière
Depuis quelques années, les rachats de certains fleurons occidentaux par des
multinationales originaires des pays émergents ont particulièrement attiré
l'attention des médias parce ces opérations bousculent l'ordre établi. Ces
dernières aussi spectaculaires soient-elles ne sont pourtant que la partie la
plus visible d'un processus qui va en s'accélérant et en vertu duquel les
relations entre pays du Sud progressent chaque année, même si le phénomène reste
à ce jour difficilement mesurable. La part des pays en développement (PED) dans
les investissements directs à l'étranger (IDE), les opérations de
fusion-acquisition conduites par des firmes issues des pays émergents ou encore
les échanges commerciaux Sud-Sud sont en forte augmentation. Tirant certains
enseignements de la crise mondiale, qui a plus durement frappé les pays
développés, les grandes firmes des pays émergents ont modifié leurs priorités et
tendent désormais à se recentrer sur les marchés du Sud.
Le principal défi pour l'Asie en développement : rééquilibrer sa croissance
Finances et Développement
Eswar Prasad
La stratégie de croissance des pays émergents d'Asie, très orientée vers les
exportations, est considérée comme un facteur de déséquilibre de l'économie
internationale. De nombreux économistes considèrent même que celle-ci a
contribué, à des degrés divers, au déclenchement de la crise économique
mondiale. Compte tenu du rôle moteur que joue désormais cette région du monde,
rôle, qui de surcroît est appelé à prendre encore davantage d'importance dans
les années à venir, il est désormais crucial d'adopter des mesures susceptibles
de modifier la stratégie de croissance des pays qui la composent.
BRIC : le nouveau visage du pouvoir mondial ?
Financial Times
Alan Beattie
Les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) sont devenus emblématiques de la montée
en puissance des marchés émergents dans l'économie mondiale. Leur croissance a
été spectaculaire au cours des dernières années et ils sont sortis de la
récession plus rapidement et à un rythme bien plus soutenu que leurs homologues
des pays riches. S'agit-il pour autant d'un tournant décisif dans l'équilibre du
pouvoir économique mondial ? Ces pays sont-ils réellement en passe de supplanter
les économies avancées ? La réponse à cette dernière question est : probablement
pas encore. Les BRIC constituent tout d'abord un groupe tellement disparate que
toute généralisation les concernant s'avère abusive, mais, en outre, la Chine,
le poids lourd du quartet, reste tributaire d'un modèle économique tourné vers
la demande extérieure qui ne peut pas lui permettre dans l'immédiat de jouer les
tout premiers rôles.
Pays émergents : après la Chine, l'Inde et le Brésil, à qui le tour ?
Le Monde Economie
Antoine Reverchon et Adrien de Tricornot
La dynamique de développement des grands pays émergents s'est manifestée sous
des formes identiques dans plusieurs autres pays mais de façon moins visible car
il s'agissait d'économies de taille plus réduite. Après les trois principales
économies du BRIC que sont le Brésil, la Chine et l'Inde, d'autres pays vont
probablement, d'ici quelques années, faire à leur tour leur entrée dans la cour
des grandes nations émergentes. On peut, d'ores et déjà, prévoir que le Mexique,
l'Indonésie, la Turquie ou l'Egypte y figureront. La pauvreté et les inégalités
sont toutefois des handicaps majeurs pour la croissance des pays émergents car
elles sont autant d'obstacles au développement d'une classe moyenne qui permet
d'offrir un niveau de consommation domestique suffisant
EGALEMENT DANS CE NUMERO
MARCHE DU TRAVAIL
La sécurisation des trajectoires professionnelles
Informations sociales
Bernard Gazier
La réforme du marché du travail dans les pays développés est un débat ancien.
Jusqu'à la crise qui a débuté en 2008, la logique de la flexibilisation a
constitué l'agenda dominant. Au cours des dernières années, l'idée d'associer à
la flexibilité du marché du travail une certaine sécurité en termes de
trajectoires professionnelles, ce que l'on nomme la " flexicurité " déjà
pratiquée dans certains Etats du nord de l'Europe comme le Danemark, a néanmoins
ouvert de nouvelles pistes de réflexion. Elle conduit en effet à un changement
de paradigme reposant sur une vision dynamique des carrières professionnelles et
familiales.
INEGALITES
La société française : les mots et les chiffres
La vie des Idées
Lise Bernard
Si les analyses sur la société française ne manquent pas, certaines semblent en
décalage avec la réalité sociale du pays. Le dernier ouvrage de Louis Maurin,
Déchiffrer la société française, dont l'article rend ici compte, contribue,
à partir de diverses sources statistiques, à offrir une connaissance approfondie
de la société française. De l'immigration au chômage en passant par la famille,
le portrait de la France sociale des années 2000 dressé par l'auteur est riche.
La question des inégalités (sociales, de revenus, d'accès à la culture, de
genre, etc.) y est centrale.
IMMIGRATION
Marché international des migrants qualifiés : quelle est la place de la
France ?
Rapport du Conseil d'analyse économique
Frédéric Docquier et Hillel Rapoport
Les enjeux de la migration des " cerveaux " demeurent plus que jamais essentiels
dans un environnement économique où la connaissance joue un rôle fondamental. La
performance relative de la France sur le marché international des migrants
qualifiés est plutôt décevante. Si elle souffre d'un déficit net avec les pays
d'immigration traditionnels comme les Etats-Unis, le Canada ou l'Australie,
l'exode des " cerveaux " français apparaît moins marqué que celui constaté pour
des pays européens comparables, tels l'Allemagne ou le Royaume-Uni. Par rapport
aux pays en développement (PED), par contre, l'attractivité de la France est
moindre. L'Hexagone accueille deux fois moins d'immigrés qualifiés que
l'Allemagne et trois fois moins que le Royaume-Uni.
No 2.994
28 avril 2010
No spécial : Le capitalisme en questions
Qu'est-ce que le capitalisme ?
Le nouvel esprit du capitalisme
Sciences Humaines
Xavier Molénat
Entre 1904 et 1905, Max Weber a publié une analyse restée célèbre sur le système
capitaliste dans laquelle il développe l'idée selon laquelle l'essor de ce
dernier, à partir du milieu du XVIIIe siècle, est profondément lié à l'éthique
protestante. Près d'un siècle plus tard, Luc Boltanski et Eve Chiapello publient
Le nouvel esprit du capitalisme. Les deux sociologues expliquent dans cet
ouvrage comment le capitalisme a su, pour se légitimer, s'approprier les
critiques qui lui étaient adressées, notamment le problème des inégalités, de
l'injustice ou de l'aliénation. Au fur et à mesure, les conditions de travail se
sont améliorées et la valorisation de l'autonomie au travail a atténué le
sentiment d'aliénation. Cependant, un nouveau paysage des injustices émerge,
car, si les salariés ont aujourd'hui des marges d'action plus importantes, ils
doivent également supporter plus de risques et assumer seuls la responsabilité
des échecs, des retards ou des ordres contradictoires qu'ils peuvent recevoir.
Faut-il des cycles en économie ?
Die Zeit
Edmund S. Phelps
Le capitalisme est par nature cyclique et marqué par des crises. Compte tenu de
l'aversion au risque et à la perte qui caractérise la plupart des individus, ces
phénomènes sont généralement perçus négativement. Au contraire, pour J. A.
Schumpeter, la crise est un phénomène foncièrement positif car elle porte en
elle, à travers un processus de destruction créatrice, le germe du retour de la
croissance. Edmund S. Phelps partage ce point de vue. L'homme serait finalement
plus pauvre sans l'existence des cycles, car l'alternance entre accélération et
repos est également une caractéristique de la nature humaine. Cependant, toute
expansion ou boom n'est pas bénéfique. Phelps distingue par exemple le boom lié
à la nouvelle économie de l'Internet qu'il juge positivement et celui lié aux
subprimes et au secteur de l'immobilier qui n'a pas engendré de véritables
plus-values.
Eviter le va-et-vient entre boom et dépression
Die Zeit
Hans-Christoph Binswanger
La cyclicité du capitalisme serait liée à l'obligation de croissance. Telle est
l'analyse faite par l'économiste suisse Hans-Christoph Binswanger pour qui la
croissance est surtout entretenue par une création monétaire et de crédit
inconsidérée. Il serait préférable, selon lui, que les banques centrales
contrôlent plus strictement la masse monétaire afin d'éviter l'apparition de
bulles spéculatives. Certes, l'investissement réel utile serait ainsi également
réduit, mais il faudrait s'en accommoder, car le danger est que les phases de
boom nuisent trop à l'environnement. Le but serait d'atteindre un chemin de
croissance durable et soutenable qui mettrait fin à la surconsommation des
ressources. L'auteur estime que, dans les conditions actuelles, une moyenne de
croissance de 1,8 % au maximum satisferait à cette condition tout en répondant
aux besoins de la planète.
La guerre des capitalismes aura-t-elle vraiment lieu ?
La vie des Idées
Sébastien Lechevalier
Depuis les premiers travaux de Michel Albert, il y a environ vingt ans, la thèse
selon laquelle il existerait des formes diverses de capitalisme ne fait
aujourd'hui plus débat. Michel Albert avait en effet établi une distinction
entre le capitalisme néo-américain et sa forme rhénane ou continentale. Depuis,
la mondialisation et le succès du modèle libéral ont eu tendance à laisser
penser qu'on assistait désormais à un phénomène de convergence : les
spécificités nationales et régionales s'estomperaient sous l'effet de la
concurrence et le modèle anglo-saxon du capitalisme financier deviendrait
progressivement la seule et unique voie. La crise économique que nous traversons
depuis 2007 a quelque peu ébranlé cette certitude. Il se pourrait même que le
capitalisme financiarisé soit profondément remis en cause et que le monde soit
en définitive conduit à un affrontement des modèles. C'est la thèse que
développe le Cercle des économistes dans La guerre des capitalismes aura lieu,
publié en 2008.
Le capitalisme est-il moral ?
Le nouvel Economiste
Caroline Castets
La question du lien entre capitalisme et morale agite les économistes depuis
plusieurs siècles. Pour Adam Smith la morale et la vertu ne sont pas nécessaires
au fonctionnement harmonieux de la société, car, comme l'écrivait le penseur
écossais, un des pères fondateurs de l'économie politique, les mécanismes de
marché garantissent que des actions individuelles indépendantes les unes des
autres, guidées par " une main invisible ", conduisent spontanément à l'ordre
plutôt qu'au chaos. Selon une interprétation plus critique, le capitalisme se
caractériserait surtout par une attitude pragmatique et ne se convertirait pas
spontanément à la responsabilité sociale. Le système serait cependant "
moralisable " sous la contrainte extérieure du politique et du législateur. La
question fondamentale serait ainsi la recherche du niveau approprié de
régulation et de la bonne gouvernance.
Google, parfait modèle du capitalisme cognitif
Multitudes
Bernard Girard
S'il y a bien une entreprise qui incarne, depuis plus d'une décennie,
l'avènement de l'économie du savoir en même temps qu'un nouveau type de
capitalisme, reléguant la version fordiste de ce dernier au passé, c'est Google.
Les méthodes de management de l'entreprise californienne, particulièrement
originales - comme celle qui invite les ingénieurs à consacrer 20 % de leur
temps libre à des projets personnels -, font sa réussite et participent de son
excellente réputation de par le monde. Le modèle présente néanmoins des failles
comme celle relative à la protection des données. L'entreprise de Mountain View,
symbole du capitalisme cognitif, doit également désormais relever de nombreux
défis si elle ne veut pas voir, dans les prochaines années, son leadership
contesté par de nouveaux concurrents.
Le capitalisme est-il en crise ?
Les crises, moteur du capitalisme
Esprit
Robert Boyer
Si la crise actuelle trouve son origine dans la crise des subprimes,
celle-ci s'inscrit, selon Robert Boyer, éminent représentant de l'Ecole de la
régulation, dans l'histoire des transformations sociales, institutionnelles et
politiques. Le régime fordiste de l'Après-guerre, caractérisé par un
accroissement de la productivité et une hausse des salaires, a fait place à un
régime intermédiaire. Ce régime post-fordiste, qui émerge d'abord aux Etats-Unis
et est animé par le capitalisme financier ou patrimonial, a misé sur
l'internationalisation pour réduire les coûts, mettant ainsi en concurrence les
salaires et provoquant un accroissement des inégalités que les politiques
d'endettement, notamment Outre-Atlantique, ont cherché à atténuer. Selon
l'auteur, il est temps de prendre des mesures permettant de libérer les
économies des contraintes de la finance. Mais, le capitalisme financier
anglo-saxon s'étant solidement imposé au cours des deux dernières décennies, un
changement de paradigme est particulièrement difficile à opérer et suppose une
mutation en profondeur des esprits.
La crise remet-elle en cause le capitalisme ?
Financial Times
Martin Wolf
L'économie mondiale semble se trouver, selon les termes mêmes de Jean-Claude
Trichet, gouverneur de la Banque centrale européenne (BCE), à un " point
d'inflexion ". Le monde a affronté, il est vrai, la crise la plus grave depuis
celle de 1929. Celle-ci s'est produite, en outre, dans un monde qui n'a jamais
été aussi globalisé qu'aujourd'hui. Si, selon Martin Wolf, l'avenir du
capitalisme n'est pas remis en cause, celui-ci s'en trouve profondément
bouleversé. L'économie de marché a perdu de sa superbe, de nouvelles formes de
capitalisme devraient se faire jour, l'Etat est de retour et les Etats-Unis
voient leur prestige entamé tandis que les économies émergentes s'émancipent de
plus en plus de l'Occident.
La crise du capitalisme américain
National Affairs
Luigi Zingales
Pour la première fois dans l'histoire des Etats-Unis, une crise économique a
provoqué dans l'opinion publique américaine des réactions très hostiles au
capitalisme. Ce phénomène s'explique, selon l'auteur, par la défiance que
nourrit désormais le peuple américain à l'égard d'un système économique qui
aurait perdu au cours des dernières décennies ce qui faisait sa singularité par
rapport aux autres pays, notamment d'Europe. Cette transformation de la nature
du capitalisme démocratique américain s'explique en particulier par les
transformations profondes du secteur de la finance. Renouer avec l'essence du
modèle originel est, selon l'auteur, une condition nécessaire pour véritablement
sortir de la crise et retrouver les voies de la prospérité.
.
Comment la crise du capitalisme financier s'est propagée au monde émergent
Revue Tiers Monde
Philippe Hugon
Née aux Etats-Unis, la crise s'est - mondialisation du capitalisme financier
aidant - propagée au reste du monde. Mais, selon l'auteur, les canaux de
contagion diffèrent en fonction des modes de développement. La nature du régime
d'accumulation (introverti ou extraverti) ainsi que le solde de la balance
commerciale (déficitaire ou excédentaire) conduisent à des degrés de résilience
différenciés. Ainsi, les grands pays à régime d'accumulation introvertie et à
excédents extérieurs comme la Chine et les économies rentières - même si
celles-ci connaissent une chute de leurs réserves de change - s'en sortent
mieux. La reprise dans les pays déficitaires à régime d'accumulation mixte comme
l'Argentine ou l'Afrique du Sud risque en revanche d'être beaucoup plus lente. A
plus long terme, il faudra également gérer les risques sociopolitiques dus à
l'absence de systèmes sociaux et fiscaux qui servent généralement d'amortisseurs
en temps de crise.
Le capitalisme est-il réformable ?
Le capitalisme d'Etat revient en force
Foreign Affairs
Ian Bremmer
La crise a redonné à l'Etat un rôle prépondérant et a relégué le marché au
second plan. Ce " capitalisme d'Etat " n'est pas un phénomène nouveau. Mais la
doctrine libérale qui s'est imposée au cours des deux dernières décennies
l'avait mis aux oubliettes. Certains voient dans ce revirement l'amorce du
déclin des Etats-Unis ainsi qu'une réelle avancée des économies du Sud dans
lesquelles l'Etat a toujours eu un rôle privilégié. Le retour du capitalisme
d'Etat entraîne, selon l'auteur, avec lui d'autres bouleversements, notamment le
renforcement des liens entre entreprises et Etat et la montée en puissance des
hedge funds.
Les neuf maux du capitalisme
Alternatives économiques
Jean Gadrey
Le capitalisme traverse périodiquement des phases de crise, mais la plus récente
dont la gravité est exceptionnelle nous pose une question fondamentale : ce
système peut-il vraiment être réformé ? Pour l'auteur, la crise actuelle, la
montée des périls écologiques, ainsi que la nature même du système amènent à
douter de la possibilité d'éviter ce cycle de chocs économiques à répétition, et
plus inquiétant encore, de parvenir à adapter le capitalisme aux défis majeurs
du XXIe siècle, c'est-à-dire réussir à concilier le capitalisme avec la
construction d'une société solidaire et soutenable et un développement humain
durable.
De quoi avons-nous (vraiment) besoin ? Bonheur, consommation, capitalisme
Mouvements
La question du désir humain pour des objets ou des services et de la
satisfaction de ce besoin a retrouvé à l'occasion de la récente crise toute son
actualité, notamment dans le cadre du débat sur la décroissance. La contrainte
écologique permet de réfléchir de nouveau à des stratégies de limitation et/ou
de réorientation de la croissance industrielle et de la consommation des biens
manufacturés. Alors que depuis deux décennies, rien ne semblait plus en mesure
de ralentir ou d'interrompre l'extension de la dynamique capitaliste, on a
assisté, en l'espace de quelques mois, à la renaissance d'une critique radicale
des modes de production capitaliste.
Peut-on réformer le capitalisme ?
Etudes
Gaël Giraud et Cécile Renouard
Alors que la plupart des pays industrialisés du Nord entrent en convalescence,
l'économie mondiale semble, en dépit des engagements et des discours martelés
depuis l'éclatement de la crise à l'automne 2008, sur le point de renouer avec
le business as usual. Les tentatives initiées par les principaux
dirigeants de la planète en matière de régulation de l'économie mondiale,
notamment à l'occasion des sommets du G20, restent largement insuffisantes.
Selon les auteurs, il est possible d'envisager une autre figure du capitalisme
que celle d'inspiration anglo-saxonne qui s'est imposée dans les sociétés
occidentales depuis les années 1980. Cette réforme du capitalisme passe
notamment par la mise en place de nouvelles modalités de régulation du secteur
financier, une refonte des systèmes fiscaux, un changement de modèle de
croissance face au défi écologique ou encore une réaffirmation de la fonction
sociale de l'entreprise.
No 2.995
12 mai 2010
Le retour du chômage de masse
Crise économique et emploi : des ajustements nationaux variables
Revue de l'OFCE
Marion Cochard et al.
La récession mondiale a laissé des traces durables : entre le premier trimestre
2008 et le deuxième trimestre 2009, le produit intérieur brut (PIB) des pays de
l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a chuté de
4,7 %. Ce recul de l'activité s'est accompagné de destructions massives
d'emplois. Elles ont été très rapides et marquées aux Etats-Unis et en Espagne,
un peu moins au Japon et au Royaume-Uni, et relativement limitées en France, en
Italie et surtout en Allemagne. Ces observations ne sont pas surprenantes et
s'expliquent par la nature différente des marchés du travail de ces pays,
notamment leur degré de flexibilité. Face à la hausse du chômage, les réponses
des gouvernements sont restées timides, car, pour l'instant et à l'exception de
l'Allemagne, seule une faible part des plans de relance a été affectée aux
mesures de soutien de l'emploi et aux dispositifs financiers en faveur des
chômeurs.
Un million de chômeurs en fin de droits en 2010
Alternatives économiques
Camille Dorival
A la suite de la plus forte récession de l'Après-guerre, ainsi que de l'entrée
en vigueur de nouvelles règles d'indemnisation, le nombre de chômeurs en fin de
droits atteint en France, en 2010, la barre d'un million de personnes, ce qui
correspond à une hausse d'environ 40 % par rapport à 2008. La plupart de ces
personnes (environ 600 000) pourront bénéficier d'un des dispositifs existants.
Près de 220 000 d'entre elles intégreront ainsi le revenu de solidarité active
(RSA) et 170 000 percevront l'allocation de solidarité spécifique (ASS). Selon
Pôle emploi, le sort de 400 000 personnes en fin de droits ne serait pas encore
réglé pour le moment. Il s'agit souvent de jeunes, âgés de moins de 25 ans et
qui ne sont donc pas éligibles au RSA, ou de personnes vivant dans un ménage
dont les revenus sont trop élevés pour qu'elles aient droit aux dispositifs
existants.
Quel taux de croissance pour réduire le chômage ?
Eco France - Crédit agricole
Olivier Bizimana et Axelle lacan
Le taux de chômage, qui a atteint 9,6 % en France métropolitaine au quatrième
trimestre 2009, est attendu en hausse jusqu'au troisième trimestre 2010. Il
pourrait ainsi franchir la barre des 10 %. Dans le même temps, la France
affiche, et cela pour le troisième trimestre consécutif, un taux de croissance
positif. Dans ce contexte, une question mérite une attention particulière : quel
taux de croissance permettra de réduire le chômage et quand celui-ci
baissera-t-il ? Les analyses des auteurs suggèrent que l'économie française doit
afficher un taux de croissance d'au moins 1,7 % pour stabiliser son taux de
chômage. C'est plus que ce qui est anticipé pour 2010 et pour 2011, mais des
effets démographiques aideront, entre autres, à contenir la hausse du chômage,
voire à faire baisser son niveau en 2011.
Existe-il des institutions favorables à un chômage faible ?
Idées
Christine Erhel
L'équilibre sur le marché du travail est influencé par de nombreuses
institutions. A partir de celles qui entravent directement la fixation du
salaire d'équilibre, comme le salaire minimum, l'analyse économique s'est
penchée progressivement sur d'autres facteurs, tels les règles de licenciement
et le droit du travail, puis sur la protection sociale, les politiques d'emploi,
le système fiscal ou le degré de concurrence sur les autres marchés. Dans le
cadre des politiques de l'emploi, la thématique des réformes institutionnelles
comme solution au chômage a ainsi gagné du terrain, que ce soit en référence au
modèle libéral incarné par les pays anglo-saxons ou au modèle danois avec sa
flexicurité. Néanmoins, la question fondamentale, celle du lien effectif entre
institutions et performances du marché du travail, n'est toujours pas tranchée.
Choc démographique, politique d'emploi et sortie de crise
L'Option - Confrontations Europe
François Michaud
La démographie et, plus précisément, le choc démographique, est un facteur
essentiel de l'évolution du marché du travail. Ce choc mondial ne concerne pas
seulement les pays développés. En Europe, où l'essentiel du vieillissement de la
population sera acquis dès 2020-2025, il y a une grande hétérogénéité de
situations. Les pays d'Europe centrale et orientale (PECO), l'Allemagne et
l'Europe du Sud seront davantage touchés par le vieillissement que la France ou
les pays du Nord. Une des conséquences de ces disparités pourrait résider dans
des différentiels de croissance économique, rendant moins attractifs les pays où
la démographie est moins dynamique. La France et l'Allemagne pourraient ainsi
suivre des sentiers de croissance très différents.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
MONNAIES
Créer des monnaies régionales pour traiter la crise globale
Le Journal de l´École de Paris du management
Bernard Lietaer
Au début de la crise économique, la plupart des Etats ont craint d´être
entraînés dans une débâcle bancaire et financière. Aujourd'hui, au moment où les
gouvernements sont en train de gérer la sortie de crise, de plus en plus
nombreux sont ceux qui s´interrogent sur la possibilité de transformer celle-ci
en opportunité. Ainsi, ce choc économique majeur pourrait être l´occasion de
créer de nouvelles monnaies régionales et de renforcer leur rôle. Cela offrirait
un moyen efficace d'empêcher le déclenchement de crises systémiques et
permettrait de stabiliser le système monétaire international (SMI).
NOUVELLES TECHNOLOGIES
La vraie révolution numérique
La Gazette de la société et des techniques
Michel Berry et Christophe Deshayes
Le monde vit en ce début de siècle la révolution numérique qu'on nous avait
prédite depuis des décennies. Le plus souvent, celle-ci nous est présentée dans
les médias à travers les innovations et les prouesses technologiques accomplies
par les Nokia, Google, Apple, Facebook et autre Twitter. Cette révolution
numérique ne doit cependant pas être réduite à sa seule dimension technique car
ce qui se joue depuis quelques années est d'une toute autre nature : il s'agit
ni plus ni moins de l'avènement d'un monde nouveau dont les conséquences se font
sentir dans des pans entiers de l'industrie et dans les organisations, avec " la
révolution du collaboratif ". Elle est en outre à l'origine de transformations
sociales profondes.
INNOVATION
Entreprises, entrepreneurs et milieux innovateurs
La Revue des Sciences de Gestion
Dimitri Uzunidis
L´innovation dépend de la nature systémique des relations qui caractérisent un
milieu économique. Il ne s'agit pas uniquement des interactions économiques mais
également des structures sociales qui sont à l´origine des comportements
innovateurs. Or, les institutions (Etat, collectivités locales) jouent un rôle
significatif dans l´organisation et l´évolution des structures économiques. En
retour, le milieu innovateur contribue à la performance innovante des
entreprises par l´offre des ressources scientifiques et techniques qu´il peut
organiser. Ainsi, l´innovation résulte d'un phénomène bien plus complexe que la
simple organisation spécifique des relations économiques.
No 2.996
26 mai 2010
Bataille autour des ressources énergétiques
Le pétrole ne disparaîtra pas comme ça !
Foreign Policy
Daniel Yergin
Le 11 juillet 2008, le West-Texas-Intermediate (WTI), la référence américaine
pour les cours du pétrole, atteignait 147,27 dollars le baril. Un an plus tard
exactement, le prix de l'or noir était tombé à 59,87 dollars, avec un plus bas
de 32 dollars en décembre 2008. Ces fortes fluctuations rendent la planification
des investissements futurs très difficile. Mais cela ne doit pas faire illusion.
Selon l'auteur, la fin du pétrole n'est pas pour demain. Certes, le rythme de la
consommation d'énergies s'accélère et, chaque jour, des milliards de barils de
pétrole sont négociés à New York dans des volumes toujours plus importants,
menaçant ainsi le niveau des réserves. Mais les études effectuées sur les 800
plus grands gisements mondiaux indiquent que les ressources actuelles sont
suffisantes pour répondre à la demande dans les décennies à venir.
Le pétrole et la Chine-Afrique : plus qu'une relation commerciale
Afrique contemporaine
Michal Meidan
L'accroissement du volume des importations chinoises de pétrole provenant des
pays africains a permis à l'empire du Milieu d'assurer l'indépendance de son
approvisionnement en ressources énergétiques nécessaires à son essor économique.
Si la politique chinoise de going out est ancienne, les investissements
directs de la Chine en Afrique dans le secteur du pétrole ont nettement augmenté
depuis 2003. Ses entreprises exportent leurs capitaux et leur savoir-faire,
prennent une participation financière et acquièrent très souvent des gisements.
Certains pays africains sont en concurrence pour attirer les investissements :
l'Angola, par exemple, est en passe de devenir le premier fournisseur de la
Chine, volant la vedette à l'Arabie saoudite. Mais cette relation Chine-Afrique,
souvent présentée comme gagnante-gagnante, n'est pas exempte de critiques comme
celle dénonçant la faible contribution de l'activité chinoise à l'emploi local.
La sécurité gazière de l'Europe : de la dépendance à l'interdépendance
La note de veille du CAS
Christian Stoffaës, Dominique Auverlot et Hervé Pouliquen
La sécurité gazière de l'Union européenne (UE) a atteint un niveau critique.
L'UE importe en effet 60 % de sa consommation actuelle de gaz et cette
proportion pourrait atteindre 80 % en 2025. Le poids de la Russie dans
l'approvisionnement inquiète. Une rupture prolongée dans les importations
entraînerait, en effet, d'importantes difficultés économiques et sociales. C'est
pourquoi l'UE s'efforce de trouver des moyens de réduire le recours à
l'importation en développant, par exemple, l'extraction de ressources gazières
non conventionnelles. Mais il est plus urgent, à court terme, pour la Commission
européenne de rechercher un consensus entre les 27 Etats membres en conciliant
les attentes des pays de l'Est et de l'Ouest du continent. Ceci permettrait de
passer d'une dépendance à l'égard des fournisseurs à une interdépendance
mutuellement bénéfique. La création d'une centrale européenne d'achats de gaz
autorisant la construction de nouvelles voies d'accès peut constituer un premier
pas dans ce sens.
Gérer les incertitudes du nouvel ordre énergétique mondial
Foreign Affairs
David G. Victor et Linda Yueh
Les incertitudes liées aux demandes croissantes d'énergie émanant des économies
émergentes comme celles de la Chine, de l'Inde et du Brésil, au défi climatique
et à la sécurité de l'approvisionnement sont de plus en plus nombreuses et
viennent bousculer l'ordre énergétique mondial. Les accords bilatéraux se sont
multipliés mais une gestion de ces incertitudes, au niveau international, devra,
selon les auteurs, passer par le marché. Pour cela, les institutions seront
amenées à jouer leur rôle de garants des conditions d'échange. Mais les
initiatives en ce sens sont actuellement peu nombreuses. L'Agence internationale
de l'énergie (AIE) semble avoir fait peu d'efforts en faveur de l'intégration
des nouveaux consommateurs d'énergie. Le G20, de son côté, n'a aucun plan
concret pour mettre en œuvre la politique qu'il a proposée en 2009 à Pittsburgh,
à savoir une réduction des subventions à l'énergie. Il est pourtant urgent,
rappellent les auteurs, de coordonner les initiatives menées localement.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
UNION EUROPEENNE
L'Europe en 2040 : trois scénarios
OFCE - Document de travail
Jean-Paul Fitoussi et Eloi Laurent
Au cours des trente dernières années, l'Europe a connu de profonds changements,
à commencer par la réunification du continent avec l'effondrement des régimes
communistes à l'Est, l'arrivée massive des femmes sur le marché du travail ou
encore la révolution technologique de l'Internet et du téléphone mobile. Qu'en
sera-t-il dans trente ans ? Quel visage offrira-t-elle ? Ce que l'on sait d'ores
et déjà, c'est que l'Union européenne va devoir relever le défi du
vieillissement de sa population et affronter sans doute les conséquences du
changement climatique. Pour le reste, tout est affaire de prospective. Les
auteurs ont donc élaboré trois scénarios possibles pour l'Europe de 2040 : le
premier renvoie à l'Antiquité (" l'empire du vide "), le second au Moyen-Âge ("
le retour des villes-Etats ") et le dernier à la Renaissance (" l'Europe de la
renaissance ").
SECTEUR
Les transports en France : dynamisme pour les voyageurs, repli pour les
marchandises
INSEE première
Christophe Bordet, Alain Nolin et Frédéric Boccara
En 2008, l'activité de la branche transports en France a ralenti : la production
en volume a continué d'augmenter (+ 0,6 %) mais moins vite qu'en 2007 (+ 3,8 %).
Si le ralentissement était général, il a été, dans ce secteur, largement dû à la
contraction du transport de marchandises. C'est le transport de voyageurs qui a
soutenu la croissance de la branche (+ 5 % contre 3,5 % en 2007). Dans ce
domaine, tous les modes de transport ont progressé, transports ferroviaire et
urbain en tête. L'investissement en infrastructures, essentiellement public,
s'est maintenu à un niveau élevé (19,2 milliards d'euros) dans l'ensemble de la
branche, et les émissions de dioxyde de carbone (CO2) liées au transport ont
continué de baisser (- 3,6 %).
SCIENCE ECONOMIQUE
Les économistes face à la débâcle financière
Commentaire
Francis Fukuyama et Seth Colby
La crise mondiale que nous sommes encore en train de vivre a été la plus grave
depuis celle de 1929. On pourrait penser que, depuis les années 1930, la science
économique s'est développée et que les outils méthodologiques à disposition des
spécialistes se sont diversifiés. Pourtant, peu nombreux sont ceux qui ont su
prévoir la crise actuelle. Il semble donc que, pour les économistes, le temps
d'une remise en cause soit venu. Afin de diminuer les chances de se laisser
surprendre à nouveau, il faudrait, selon les auteurs, revoir la manière dont la
science économique est généralement appréhendée mais également celle dont les
économistes sont recrutés.
No 2.997
09 juin 2010
La Chine à l'heure des choix
La crise accélérateur des transformations économiques chinoises
Revue d'économie financière
Thierry Apoteker
La Chine est sortie relativement indemne de la crise globale de 2008-2009. Ce
choc exogène est cependant un facteur d'accélération des transformations
économiques. La crise va en effet favoriser des changements structurels profonds
concernant la stratégie de développement du pays. La nouvelle étape à franchir
passe dorénavant par une réorientation de la production vers la consommation
domestique finale et les régions intérieures, une diversification des relations
commerciales et un développement rapide des entreprises multinationales
chinoises au travers d'acquisitions à l'étranger, notamment dans les secteurs
énergétique et minier. La Chine devra également, pour rendre pérenne son
développement dans le cadre d'un nouveau régime de croissance, affronter, au
cours de la prochaine décennie, d'autres défis, en particulier ceux liés à la
détérioration du climat social, à la dégradation environnementale ainsi qu'à la
dépendance à l'égard de l'énergie et des matières premières.
La fin du modèle de croissance extravertie
La Lettre du CEPII
Françoise Lemoine et al
Depuis trente ans, la Chine s'est dotée d'un mode de croissance qui a connu des
succès remarquables. L'économie chinoise est ainsi en passe de devenir la
deuxième puissance économique mondiale. Toutefois, ce modèle se trouve désormais
à un tournant. Si le choc, qu'a constitué la crise économique de 2008-2009, a
révélé les fragilités d'un modèle de croissance s'appuyant sur le secteur
exportateur, celui-ci engendre depuis plusieurs années déjà des tendances qui,
si elles se poursuivent, risquent de conduire le pays dans une impasse :
dégradation des termes de l'échange, faiblesse de la consommation privée, dégâts
environnementaux, etc. L'heure est donc venue pour la Chine de faire
progressivement basculer le centre de gravité de son économie vers le marché
intérieur. Seul ce changement de stratégie est à même d'assurer le développement
à long terme de l'empire du Milieu.
La Chine peut-elle sortir du piège du dollar ?
La Revue des Deux Mondes
Annick Steta
Depuis 2008, la Chine est accusée par ses partenaires de maintenir un taux de
change du yuan artificiellement bas afin d'améliorer la compétitivité de ses
produits à l'exportation. Le régime de change chinois relève en effet
officiellement du flottement contrôlé mais l'importance des interventions de la
Banque centrale l'apparente davantage à un régime de changes fixes. Avec la
crise, la question de la réévaluation de la monnaie chinoise est devenue encore
plus brûlante. Les Etats-Unis ont ainsi, depuis le début de 2010, redoublé
d'efforts auprès de Pékin pour obtenir satisfaction. Pour les autorités
chinoises, la situation est complexe car le pays est en réalité pris au piège de
la devise américaine. Ce que ces dernières redoutent plus que tout, c'est une
chute du billet vert. Le volume d'avoirs libellés en dollars que détient la
Chine est en effet tel que toute baisse de la monnaie américaine provoquerait
mécaniquement une diminution de la valeur de ses actifs. Pour se sortir
progressivement de cette nasse, Pékin a décidé de mettre en œuvre une double
stratégie.
Chinoiseries monétaires
Le Monde Economie
Martin Wolf
Les autorités chinoises manipulent-elles la monnaie ? Pour l'auteur, la réponse
est : oui. Pékin est intervenu à une échelle gigantesque pour maintenir son taux
de change à un niveau faible. La Chine, selon lui, contrôle à la fois
l'appréciation du taux nominal et du taux réel de change. Les mesures prises par
les autorités chinoises s'apparentent également à du protectionnisme
puisqu'elles équivalent à l'instauration d'un droit de douane uniforme et à une
subvention aux exportations. Les économistes qui tendent à minimiser les effets
négatifs de la sous-évaluation du yuan sont donc, pour l'auteur, dans l'erreur.
Ce qu'il s'attache ici à démontrer.
La Chine, centre du monde
Etudes
Claude Meyer
Le XXIe siècle naissant marque incontestablement le retour de la Chine au centre
du monde. En l'espace de trente ans, cet immense pays de 1,3 milliard
d'habitants est sorti du sous-développement pour devenir la deuxième économie
mondiale. Cette croissance spectaculaire de la Chine suscite dans les pays
développés davantage de crainte que d'admiration. Mais en fin de compte,
l'empire du Milieu n'a fait, au cours des décennies passées, que retrouver la
place qui fut la sienne jusqu'au début du XIXe siècle. Pour l'avenir, Pékin se
fixe clairement pour ambition d'asseoir son leadership en Asie au détriment de
son rival japonais. Cette volonté chinoise de suprématie régionale s'intègre
plus largement dans une logique de puissance globale. La Chine poursuit ainsi un
double objectif : le développement des échanges économiques et la stabilité du
système mondial sur la base du multilatéralisme et de la multipolarité. La Chine
redevenue une grande puissance se sent également investie d'une mission : porter
la voix des pays en développement face à un ordre mondial régi par les pays
occidentaux. C'est cette démarche qu'elle suit désormais dans le cadre du G20.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
UNION EUROPEENNE
Pourquoi il faut aider la Grèce
Projet
Gaël Giraud
Il y a exactement un an, Problèmes économiques, dans son numéro du 1er
avril 2009 (no 2.968), se demandait si un Etat riche pouvait faire
faillite. Le prêt accordé, le 5 mai 2010, par l'Union européenne (UE) et le
Fonds monétaire international (FMI) à la Grèce, d'un montant de 110 milliards
d'euros, sauvant in extremis l'économie hellénique de la faillite, n'aura
pas laissé le temps de répondre à la question. En raison de l'ampleur de son
déficit et de sa dette publics (respectivement 13 % et 115 % du produit
intérieur brut - PIB -, les critères de Maastricht étant respectivement de 3 %
et de 60 %), la Grèce n'ayant plus accès aux marchés pour se refinancer était
bel et bien en passe de faire faillite. La crédibilité de la zone euro étant en
jeu et la monnaie européenne violemment attaquée sur les marchés, les Etats
membres ont, après moult hésitations, décidé de venir en aide à la Grèce. La
création d'un fonds inédit d'assistance financière d'un montant de 750 milliards
d'euros a, en outre, rassuré le reste du monde sur la volonté de l'UE de
défendre sa devise. L'aide à la Grèce pourrait également constituer une étape
importante de l'histoire de la zone puisqu'elle est susceptible d'ouvrir la voie
à des politiques monétaire et budgétaire communes.
SECTEURS
Sociétés de télévision et opérateurs téléphoniques : une nouvelle forme de
concurrence
Réalités industrielles - Annales des Mines
Charles Bébert
Les émissions de télévision demeurent une distraction appréciée : au niveau
mondial, cette dernière représente - avec trois heures et sept minutes par jour
- la principale activité de loisir. Le secteur traverse une phase de mutations
importantes dont les origines remontent aux années 1980. Outre les évolutions
techniques, des nouveaux canaux de diffusion (satellite, puis l'Internet et
encore plus récemment la HD - haute définition) sont apparus et le nombre de
chaînes s'est accru sensiblement. Parallèlement, l'évolution des goûts du public
s'est traduite par une fragmentation de l'audience. Aujourd'hui, les sociétés de
télévision doivent faire face à des concurrents nouveaux : les opérateurs
téléphoniques qui menacent le modèle économique traditionnel des chaînes.
PROTECTION SOCIALE
Les fondements des Etats-providence européens
Ecoflash
Alexis Trémoulinas
L'Europe se distingue par rapport au reste du monde par la qualité de son modèle
social qui reste jusqu'à présent tout à fait singulier. Néanmoins, les
tentatives d'instaurer une certaine harmonisation européenne se heurtent à de
nombreuses difficultés. Ces dernières s'expliquent par la diversité des modèles
sociaux en Europe - issus de particularismes culturels, de constructions
historiques et compromis politiques nationaux qui ont conduit à ce qu'on appelle
aujourd'hui l'Etat-providence. En partant d'une lecture polanyienne de la
division du lien social en don, la redistribution étatique et l'échange
marchand, Esping Andersen a proposé une typologie qui fait aujourd'hui autorité.
Il distingue quatre régimes : l'Etat-providence corporatiste-continental, le
régime social-démocrate scandinave, le régime libéral anglo-saxon, ainsi que le
régime méditerranéen et familialiste.
No 2.998
23 juin 2010
Les paradis fiscaux sur la sellette
2010, année cruciale pour les paradis fiscaux
Alternatives internationales
Christian Chavagneux
Il aura fallu qu'éclate la plus grave crise financière depuis les années 1930
pour que les Etats se préoccupent sérieusement des problèmes posés par les
paradis fiscaux. Selon le Government Accountability Office, équivalent américain
de la Cour des comptes, une partie significative des circuits financiers
empruntés par les banques américaines, notamment pour la gestion de certains
produits complexes, passait en effet par les îles Caïmans. Les décisions prises
lors de la réunion du G20 à Londres, en avril 2009, constituent une première
historique en matière de lutte contre les paradis fiscaux. Il faut dire que,
ceux-ci représentant au moins en moyenne l'équivalent de 2,5 à 3 % de produit
intérieur brut (PIB), les Etats ont trouvé là un moyen aisé de récupérer des
fonds pour combler des déficits publics qui ont très fortement augmenté avec la
crise.
A la recherche des paradis fiscaux
Etudes
Thierry Cretin
La récente mise à jour des listes des paradis fiscaux établies par
l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en 2009, a
montré que ces derniers ne correspondaient pas toujours à l'idée que l'on s'en
fait habituellement. Parmi les caractéristiques qui permettent de définir une
place offshore figurent l'absence ou le faible niveau d'imposition, la
liberté des échanges et la complexité du système juridique et des secteurs
financier et bancaire. Mais il en est une autre, de taille, à laquelle se heurte
immanquablement la coopération financière dans sa lutte contre les paradis
fiscaux : le secret bancaire.
Paradis fiscaux et places offshore : opérations et régulation
Ecoflash
Jean-Marc Figuet et Bernard Sionneau
Lors des réunions du G20 à Londres et à Pittsburgh en avril et novembre 2009, la
question des paradis fiscaux a focalisé l'attention des principaux dirigeants de
la planète. Leur disparition permettrait de mettre à jour entre 10 000 et 13 000
milliards de dollars, jusque-là rendus invisibles par l'opacité propre aux
circuits financiers des places offshore. L'appel lancé par les Etats pour
renforcer la coopération financière semble avoir porté ses fruits puisque
l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a fait
savoir, le 20 novembre 2009, que sa liste noire (qui regroupe les Etats ne
souhaitant pas s'engager à appliquer les standards de la finance internationale)
ne comportait désormais plus aucun nom. Si l'ensemble des places offshore
n'ont pas encore appliqué ces standards, toutes se sont engagées à le faire.
Mais des incertitudes demeurent. La multiplicité des acteurs (firmes
multinationales, particuliers, banques, cabinets de conseil et d'audit, etc.) et
la sophistication des opérations financières tendent à limiter la portée des
accords de coopération internationale dans la lutte contre les paradis fiscaux.
La lente agonie du secret bancaire suisse
L'Economie politique
Bruno Gurtner
En inscrivant, dès les années 1930, le secret au cœur de son système bancaire -
celui-ci fait l'objet de l'article 47 de la loi bancaire helvète qui a été votée
en 1934 -, la Suisse s'est placée très tôt en tête de la liste des paradis
fiscaux. C'est la raison pour laquelle les pressions émanant du G20 pour lutter
contre les places offshore s'exercent d'abord sur ce pays. Si la
Confédération helvétique persiste à rejeter systématiquement l'échange
automatique d'informations, elle a, cependant, commencé à reconsidérer ses
positions en la matière, devant le risque de figurer sur la liste noire de
l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) des pays
non coopératifs, et face aux pressions exercées en particulier par les
Etats-Unis. La Suisse a en effet signé, entre 2009 et 2010, les douze
conventions prévoyant l'assistance administrative en cas d'évasion fiscale et a
négocié vingt-trois accords bilatéraux, y compris avec la France et les
Etats-Unis.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
SPORT ET ECONOMIE
La Coupe du monde 2010 ou l'Afrique du Sud dans un miroir
Géoéconomie
Thierry Vircoulon
A la fin du mois de juin 2010, débutera la Coupe du monde de football,
l'événement sportif le plus médiatisé au niveau planétaire avec les Jeux
olympiques. Pour la première fois de l'histoire, c'est le continent africain qui
accueille ce championnat, et plus précisément l'Afrique du Sud. Cette dernière a
déjà, depuis la fin de l'apartheid, organisé avec succès deux autres grands
championnats sportifs : les Coupes du monde de rugby (en 1995) et de cricket (en
2003). Pour la " nation arc-en-ciel " qui n'est pas parvenue à régler les deux
grands défis qui se posaient à elle, en 1994 - en finir avec la pauvreté et le
racisme - cette Coupe revêt des enjeux considérables, sur le plan tant politique
qu'économique. Aussi, les responsables sud-africains comptent-ils bien, en
organisant cette compétition, démontrer que leur pays, qui revendique le statut
de puissance émergente - au même titre que l'Inde et le Brésil - est à la
hauteur de ses ambitions continentales et mondiales.
RISQUE PAYS
Le nouveau paysage du risque pays
Conjoncture - BNP Paribas
Guy Longueville
Le risque pays, une notion composite qui englobe l'ensemble des aléas pouvant
affecter un investisseur financier dans ses relations avec un pays donné, a été
profondément affecté par la crise économique mondiale. Les changements qui se
sont produits concernent les composantes mais également le périmètre du risque
pays. D'abord, la crise a mis fin à une période d'amélioration du risque,
notamment dans les pays en développement (PED). Ensuite, elle a modifié la prise
en compte du risque dans les pays développés, considérés jusqu'en 2006-2007
comme non risqués. Dans ce groupe de pays, il devient de plus en plus malaisé de
traiter isolément le risque bancaire et de crédit ou bien encore le risque
souverain, car l'intensité croissante des composantes du risque pays a pour
corollaire un renforcement de leurs interactions.
ECONOMIES ETRANGERES
Le rôle accru des entreprises dans la politique familiale
Chronique internationale de l'IRES
Mechthild Veil
Pendant très longtemps, la politique familiale allemande n'a pas été considérée
comme une priorité en Allemagne, se conformant en cela à une tradition qui
remonte à l'Après-guerre et considère la famille non seulement comme une valeur,
mais aussi comme une institution sociale fondamentale, ayant une fonction de
médiation entre l'Etat et l'individu. Mais le très faible niveau de la fécondité
(longtemps compensé par un solde migratoire très favorable) annonce, pour les
années à venir, un choc démographique d'une ampleur considérable. Les pouvoirs
publics ont commencé à prendre très au sérieux ce problème et plusieurs
dispositions ont été adoptées : augmentation du niveau des allocations
familiales, amélioration du statut fiscal des familles, instauration d'un congé
parental très généreux et investissements massifs dans les dispositifs d'accueil
des jeunes enfants. Plus récemment, les entreprises, confrontées à une prochaine
pénurie de main-d'œuvre, se sont mises à leur tour à s'intéresser à cette
problématique et font désormais figure de véritables laboratoires d'innovation
et d'expérimentation.
No
2.999
07 juillet 2010
Comment réformer les retraites
Pour un big bang des retraites
Futuribles
Jacques Bichot
L'année 2010 représente pour la France une nouvelle étape du processus de
réforme des systèmes de retraite. Celle-ci se déroule dans un contexte
particulièrement difficile puisqu'avec la crise économique des déficits qui
n'étaient attendus qu'en 2020 surviennent dix ans plus tôt. Comme lors des
phases précédentes, les mesures qui seront adoptées devraient consister en
quelques ajustements paramétriques. Pourtant, nombreuses sont les voix qui,
comme celle de Jacques Bichot, s'élèvent pour appeler à une refonte radicale du
système. Le big bang des retraites jugé nécessaire par l'auteur ne peut
toutefois être mis en œuvre du jour au lendemain. En Suède, une telle opération
s'est révélée longue et difficile, alors que les conditions y étaient beaucoup
plus favorables. Selon lui, ce que la France peut dorénavant décider, c'est au
moins de s'engager dans la voie qui préparerait une grande réforme systémique.
Faut-il reculer l'âge légal du départ à la retraite ?
Revue de l'OFCE
Samia Benallah, Cindy Duc et François Legendre
En 2009, environ 75 % des prestataires du régime général d'assurance vieillesse
sont partis à la retraite à (ou avant) soixante ans, l'âge minimum légal
d'ouverture de leurs droits. Les auteurs examinent les arguments qui plaident en
faveur d'un relèvement de cet âge. Ils montrent notamment que les effets des
réformes de 1993 et de 2003, combinées avec certaines tendances
socio-économiques comme une entrée dans la vie active plus tardive que dans le
cas des générations précédentes ou encore la multiplication de carrières
davantage heurtées, devraient conduire dans les quinze prochaines années à un
relèvement sensible de l'âge moyen de départ en retraite.
Le système par répartition ressoude le pacte entre générations
Projet
Nicolas Postel
Le système de retraite par répartition a été conçu pour que la question de la
prise en charge du vieillissement échappe à la sphère privée. Selon l'auteur,
les choix opérés en matière de réforme depuis quinze ans ont peu à peu conduit à
un affaiblissement de la logique du système par répartition, générateur d'un
potentiel conflit intergénérationnel. Il défend l'idée que la question des
retraites est avant toute chose une question sociopolitique, sans contrainte
économique majeure. Il conteste, entre autres, l'idée selon laquelle il serait
naturel de travailler plus longtemps, puisque l'espérance de vie augmente, en
montrant que ce choix ne permettrait pas, dans un contexte de chômage de masse,
de régler la question du financement des retraites. Préserver le système par
répartition est essentiel, si l'on souhaite échapper à un conflit entre
générations qui demeure pour le moment fantasmatique.
La réforme suédoise : des choix novateurs ?
Rapport du Conseil d'orientation des retraites
Antoine Math
En 2001, après un processus politique de plusieurs années, un nouveau régime de
retraite a été adopté en Suède. Ce système, fondé sur la méthode des comptes
notionnels à cotisations définies exerce, en France, une certaine fascination
sur nombre de responsables politiques ou sur des économistes spécialisés dans
l'étude de la question des retraites. Les uns et les autres attribuent, en
effet, à ce système de nombreux avantages comme un meilleur pilotage à long
terme, une plus grande équité, un partage plus équilibré des risques entre
salariés, une lisibilité améliorée sur l'acquisition des droits ou une plus
grande transparence. L'auteur se propose, afin de vérifier ces prétendus
avantages, de comparer le système de retraite français avec son pendant
scandinave. Si la technique utilisée dans le système suédois est originale, les
contraintes auxquelles il doit faire face sont assez similaires à celles
affrontées par d'autres et les choix effectués en France présentent bien des
ressemblances avec ceux de la Suède.
" Pas de bonne réforme des retraites sans économie de l'avenir "
touteleurope.fr
Entretien avec Bruno Palier
En raison de la crise économique mondiale, de nombreux gouvernements en Europe
vont être contraints de repenser leurs systèmes de retraite. La France ne fait
donc pas exception. Bruno Palier, spécialiste de la protection sociale en
Europe, revient sur les enjeux de la réforme en France, puis sur la situation
actuelle des systèmes de retraite chez nos voisins. Il montre que la façon dont
se posent au nord et au sud du continent les termes du débat est déterminante
pour l'issue des réformes engagées. Il insiste également sur le fait que réussir
de telles réformes passe par une transformation de l'économie européenne afin
que cette dernière retrouve une véritable compétitivité dans le contexte de la
mondialisation. Il déplore à ce propos l'échec de la stratégie de Lisbonne.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
FINANCE
La banque change d'univers
Revue d'économie financière
Olivier Pastré
Depuis 1990, l'industrie bancaire a profondément changé, à tel point que
certains jugent aujourd'hui que la banque, au sens traditionnel du terme,
n'existe plus. Cette mutation s'explique par un triple choc : technologique,
réglementaire et économique. Celui-ci a conduit à une diversification étonnante
des métiers bancaires - de la gestion des moyens de paiement à
l'assurance-dommage en passant par la domotique - qui, souvent, n'ont
strictement aucun lien entre eux. Cette évolution complique à la fois leur
gestion et leur contrôle. Ainsi, au gré des évolutions et malgré des avancées
concernant la régulation du secteur bancaire, de nouveaux problèmes émergent,
comme l'a montré la crise des subprimes. La réflexion engagée autour de
la réglementation ne doit pas porter que sur le seul secteur bancaire, mais
englober également les hedge funds, les paradis fiscaux ou les agences de
notation.
SALAIRES ET REVENUS
Les très hauts salaires du secteur privé
INSEE PREMIERE
Michel Amar
Les très hauts salaires du secteur privé, soit le 1 % des salariés à temps
complet les mieux rémunérés, ont perçu en 2007 un salaire annuel moyen de 215
600 euros. Ce niveau de rémunération est sept fois plus élevé que celui de la
moyenne des salariés à temps complet. Figurent principalement dans la catégorie
des très hauts salaires, des dirigeants d'entreprise, des professionnels de la
finance ou des commerciaux. Ces salariés sont très majoritairement des hommes,
même si la part des femmes (13 %) dans cette catégorie s'accroît. Au cours de la
période qui s'étend de 2002 à 2007, les très hauts salaires ont bénéficié
d'augmentations substantielles : entre 5,8 % par an et 14,5 %, selon les cas, en
moyenne et en euros constants, contre 2,3 % en moyenne pour l'ensemble des
salariés ayant travaillé continûment au cours de ces cinq années.
ECONOMIES ETRANGERES
Le Mexique est-il toujours latino-américain ?
Accomex
Florence Pinot de Villechenon
Le 1er janvier 1994, le Mexique créait avec ses voisins d'Amérique du Nord, le
Canada et les Etats-Unis, l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Près
de cinq cents ans séparent la conquête du Mexique par les Espagnols et l'entrée
en vigueur de l'ALENA. Si le Mexique partage avec ses voisins latino-américains
plusieurs siècles d'histoire, la stratégie commerciale extravertie sur laquelle
il a misé ces dernières années l'a quelque peu éloigné du sud du continent.
Premier exportateur d'Amérique latine, en particulier pour les biens "
transformés ", le Mexique tend toutefois à être éclipsé par la récente montée en
puissance du Brésil sur les scènes régionale et internationale.
No 3000 (numéro
anniversaire)
21 juillet 2010
Vous pensiez tout savoir de l'économie ?
Freakonomics ou l'économie insolite
Quand l'économie renouvelle ses méthodes
" Au départ, mes travaux n'ont pas été très bien reçus par les sociologues "
Problèmes économiques
Entretien avec Gary Becker
Lauréat, en 1992, du prix de la Banque de Suède en sciences économiques en
mémoire d'Alfred Nobel, Gary Becker, 79 ans, a accepté d'accorder une interview
à la rédaction de Problèmes économiques. S'il a été l'un des premiers
économistes à s'intéresser à des questions sociétales comme la famille ou la
criminalité, il rappelle, dans cet entretien, combien il a été, au début,
difficile de faire accepter ses travaux auprès de la plupart de ses collègues
sociologues. Interrogé sur la freakonomics, Gary Becker vante le sérieux
et la qualité des études menées par son collègue du département d'économie de
l'université de Chicago, Steven Levitt. Selon Gary Becker, celles-ci contribuent
au renouvellement des approches et des outils des sciences économiques qui
peuvent être appliqués à de nombreux domaines. C'est une des raisons pour
lesquelles il prédit un avenir radieux à la science économique.
Comment éduquer vos enfants pour qu'ils prennent soin de vos vieux jours
Journal of Political Economy
Gary Becker
Avant la publication, en 1981, de Traité sur la famille, un des ouvrages
phares de Gary Becker, les questions portant sur les relations entre les membres
de la famille, comme le divorce, le mariage, la place de l'homme et de la femme
dans le couple, la parentalité, les enfants, etc. avaient été largement
négligées par les économistes. Selon Gary Becker, le modèle malthusien a échoué
parce qu'il ne prend pas en compte l'appréciation de la valeur du temps qui
augmente le coût de la prise en charge des enfants et dissuade donc de procréer.
Les parents sont en outre, selon sa thèse, encouragés à investir dans
l'éducation de leurs enfants pour augmenter les chances de bénéficier, plus
tard, d'un " retour sur investissement ", c'est-à-dire d'une aide lorsqu'ils
seront âgés. Mais n'étant jamais certains d'obtenir un tel retour, les parents
inculquent en sus à leurs enfants les sentiments de culpabilité, de l'amour
filial et de l'obligation envers leurs aïeuls.
Etes-vous vraiment libre de vos décisions au quotidien ?
La vie des Idées
Emilie Frenkiel
Selon la science économique " classique ", l'individu n'aurait qu'un seul mode
de pensée, réfléchi et rationnel qui le conduirait à maximiser son bien-être et,
plus largement grâce à l'intervention de la " main invisible ", celui de la
société. Mais l'économie comportementale a montré que l'individu pouvait au
contraire se montrer intuitif et automatique. Une nouvelle doctrine du
paternalisme libertarien a, avec le concept anglo-saxon de nudge (" coup
de coude " en français), trouvé un moyen permettant d'inciter les individus à
prendre les " bonnes " décisions sans les priver de leur liberté d'action.
L'impact des nudges aux Etats-Unis a été tel que le président, Barack
Obama, en est devenu un fervent adepte. Ces " coups de coude ", émanant
d'institutions ou d'entreprises, imperceptibles pour les individus, représentent
en effet une troisième voie permettant d'expliquer les décisions individuelles
et en mesure de mettre d'accord sur ce point keynésiens et libertariens.
Quand la biologie vient au secours de l'économie
Le Monde Economie
Antoine Reverchon
Déjà au XIXe siècle, les théoriciens britanniques de la décision rationnelle,
comme Jevons et Edgeworth, s'inspiraient de l'Ecole psychophysiologique
allemande pour laquelle la pensée était le résultat d'une fonction
physiologique. Aujourd'hui, la neuroéconomie, produit du rapprochement entre la
science du cerveau et la science économique, tente d'élaborer des modèles
prédictifs de la prise de décision. Désireux d'être considérés comme de
véritables scientifiques, bon nombre d'économistes ont multiplié les expériences
neurologiques et ont, de ce fait, popularisé une nouvelle discipline au sein de
la science économique : la neuroéconomie. Certains chercheurs nous mettent
toutefois en garde contre le danger qu'il y aurait à confondre l'homme social et
l'homme biologique.
Dealers, avortement, altruisme...la freakonomics à la conquête de
nouveaux objets d'étude
L'homo-œconomicus est mort. Vive l'homo-altruisticus
!
Super freakonomics (Éditions Denoël)
Steven Levitt et Stephen Dubner
Dans les années 1970, un meurtre a été commis dans la banlieue de Chicago. Ce
crime s'est déroulé une demi-heure durant devant plusieurs témoins. Mais aucun
d'entre eux n'est intervenu ni n'a cherché à alerter la police. Pourquoi ? Cette
question ne relève a priori pas de la science économique. La réponse la
plus évidente est que, face au danger, des individus rationnels ont tout intérêt
à rester passifs ou à s'enfuir. Pourtant, l'homme est capable, dans bon nombre
de situations, de faire preuve d'altruisme. C'est ce qu'a montré une expérience
menée, il y a quelques années, aux Etats-Unis, par des professeurs d'université,
laquelle consiste à mettre en scène dans le cadre d'un jeu deux personnes devant
se partager vingt dollars.
Comment faire baisser la criminalité ? Légalisez l'avortement !
Quarterly Journal of Economics
Steven Levitt et John Donohue
Aux Etats-Unis, la criminalité a, depuis la légalisation de l'avortement en 1973
- lorsque la Cour suprême a rendu son arrêt dit " Roe versus Wade " -,
nettement régressé. Dans les cinq Etats qui l'ont autorisée trois ans avant, en
1970, la diminution du nombre de crimes a commencé plus tôt que partout
ailleurs. Les Etats affichant des taux d'avortement élevés dans les années 1970
et 1980 ont connu une importante baisse de la criminalité au cours des années
1990. Il existerait ainsi une causalité entre la légalisation de l'avortement et
la diminution du nombre de crimes. La première aurait en effet contribué à
expliquer 50 % de la seconde. Au-delà des faits, les auteurs mettent en évidence
le rôle de l'instruction de la mère ainsi que son âge et ses origines ethniques
dans la relation entre les deux variables. Chez les femmes noires concernées par
les réformes de la législation sur l'avortement, de moins de 20 ans, mariées ou
célibataires, on constate en effet une forte diminution de la fécondité.
Pourquoi les dealers vivent-ils encore chez leur maman ?
Freakonomics (Éditions Denoël)
Steven Levitt et Stephen Dubner
Les dealers pratiquent un commerce illicite censé les enrichir. Alors pourquoi
vivent-ils toujours chez leur mère ? Travail sociologique à l'appui - en
particulier celui que Sudhir Venkatesh, professeur de sociologie à l'université
Columbia (New York), a effectué pendant six ans au sein d'un gang d'un ghetto de
Chicago, lorsqu'il était doctorant en sociologie -, Steven Levitt répond à la
question. Certes, les revenus de la vente de drogue sont considérables (jusqu'à
68 400 dollars par an au moment de l'étude), mais ce commerce requiert une
main-d'œuvre nombreuse, jusqu'à deux cents individus environ qui sont considérés
comme de véritables salariés. Or, les dealers n'interviennent qu'en bout de
chaîne, c'est-à-dire après les décisions du chef de bureau, des directeurs, des
chefs locaux et des lieutenants. Un dealer empoche alors 3,30 euros de l'heure
nets en moyenne, soit moins que le salaire minimum fédéral...
La freakonomics ne va-t-elle pas trop loin ?
Avortement et criminalité : les erreurs des " freakonomistes "
The Wall Street Journal
Jon E. Hilsenrath
La thèse, développée par Steven Levitt et John Donohue, selon laquelle la baisse
de la criminalité aux Etats-Unis dans les années 1990 s'explique par la
légalisation de l'avortement vingt-cinq ans plus tôt a fait l'objet d'un vif
débat lors de sa publication dans le Quarterly Journal of Economics, en
2001. Tant du côté des milieux conservateurs - qui considèrent l'avortement
comme un crime - que chez les démocrates qui y voient une stigmatisation des
mères afro-américaines. Certains économistes ont en outre critiqué le choix des
statistiques utilisées pour l'étude.
Freakonomics, des réponses parfois trop simples à des questions
complexes
Sociétal
Baptiste Marsollat
Peut-on s'appeler Loser et réussir dans la vie ? Pourquoi souscrire une
assurance décès quand on s'apprête à commettre un attentat suicide ? Vaut-il
mieux conduire ou marcher en état d'ivresse ? Si ces questions traitées
dans Freakonomics et Super freakonomics sont insolites, les
réponses ne le sont pas moins ! Ainsi, au regard du nombre de décès par
kilomètre parcouru, un piéton ivre a huit fois plus de chances de mourir d'un
accident de la circulation qu'un automobiliste saoul. On peut toutefois
contester l'unité retenue : le décès à l'heure ne modifierait-il pas la donne ?
A propos d'un autre problème, celui du réchauffement climatique, les auteurs de
ces deux ouvrages ont également fait l'objet de critiques en ne proposant que
des solutions de nature presque exclusivement économique. Certains climatologues
les ont en effet jugés dangereusement irresponsables et profondément ignorants
du sujet.
Freakonomics ou " trouver les bons chiffres pour expliquer la
face cachée de tout "
Problèmes économiques
Entretien avec Philippe Steiner
Sur le blog tenu par Steven Levitt et Stephen Dubner hébergé par le quotidien
américain The New York Times, il est indiqué que la freakonomics
explore la face cachée de tout. Il est vrai que les ouvrages, Freakonomics
et Super freakonomics, co-écrits par les deux bloggeurs traitent de
tous les sujets dans un style accessible à tous. Mais, comme le rappelle
Philippe Steiner, spécialiste de la sociologie économique, qui a accepté de
répondre aux questions de la rédaction de Problèmes économiques,
l'analyse de faits sociaux par des économistes reste périlleuse, car leur
démarche aboutit à forger une socio-économie capable d'endogénéiser les facteurs
sociaux. C'est que l'on appelle, depuis les années 1960, l'" impérialisme
économique ", contre lequel les fondateurs de la sociologie économique moderne
n'ont eu de cesse de s'élever.
No 3001
1er septembre 2010
L'Europe après la crise grecque
Après la crise grecque : où en est-on ?
L'Expansion
La crise grecque, qui s'est muée en une " crise de l'euro ", a fortement
ébranlé, au printemps 2010, l'Union européenne (UE) et les marchés financiers
internationaux. La crise qui a éclaté à la suite de l'endettement excessif de
l'Etat grec, s'est ensuite rapidement étendue à d'autres pays, comme l'Espagne,
le Portugal ou l'Irlande. Afin d'endiguer cette " crise de la dette européenne
", les chefs d'Etat et de gouvernement ont annoncé, le 9 mai 2010, la mise en
place du Fonds de stabilisation financière, constitué à partir de garanties
émises par les Etats, ainsi qu'une contribution du Fonds monétaire international
(FMI). Ce Fonds européen représente un pas de plus vers une gouvernance commune
de la zone euro. Néanmoins, la création de cet instrument financier n'a pas pour
autant mis un terme à la crise et de nombreuses questions demeurent...
La crise révèle l'incohérence de la zone euro
Le Monde
Michel Aglietta
L'histoire montre que, le plus souvent, les crises bancaires internationales
dégénèrent en crises de dettes souveraines. La crise de la dette européenne ne
fait pas exception. Son déclenchement n'est cependant pas vraiment une surprise,
car les difficultés de la Grèce et d'autres pays, ainsi que les turbulences
autour de la monnaie unique sont le résultat du manque de cohérence de la zone
euro qui se traduit par un problème de crédibilité. Les investisseurs
internationaux, craignant une crise systémique, se sont rués vers les titres
publics allemands, selon un scénario classique de fuite vers la qualité. Seul le
déploiement de moyens d'intervention d'urgence et de garanties gouvernementales
associées a pu mettre fin à cette spirale négative. Cependant, ces moyens
restent insuffisants. L'Union européenne ne pourra pas sortir de l'impasse sans
un changement radical de politique et de gouvernance économiques.
Le Fonds de stabilisation financière, une fausse bonne idée ?
Ifo-Schnelldienst
Hans-Werner Sinn
La création du Fonds de stabilisation financière, annoncée le 9 mai 2010, a
calmé les marchés et mis fin à une grave crise de la zone euro. Hans-Werner
Sinn, directeur de l'institut IFO à Munich et un des économistes allemands les
plus réputés, s'interroge sur les bien-fondés de cette décision. Tout d'abord,
parce qu'il réfute l'idée même de l'existence d'une crise systémique qui aurait
menacé l'euro, sa baisse demeurant relativement modérée. La crise concernait
plutôt les détenteurs des titres des pays fragilisés par la crise - surtout des
établissements bancaires. Le problème était, selon lui, que certains pays
craignaient de ne plus pouvoir se financer aussi bon marché que durant les
premières années de la monnaie commune. Hans-Werner Sinn estime, ensuite, que
l'union monétaire a besoin de mécanismes d'ajustement afin de réduire les
déséquilibres dans la zone euro. Or, le Fonds de stabilisation qui s'assimile à
une assurance tout risque, rend ces ajustements plus difficiles, ce qui peut
s'avérer dangereux à terme.
Quelle solution autre que des politiques économiques très restrictives ?
Flash Economie - Natixis
Patrick Artus
Afin de réduire rapidement leurs déficits, les gouvernements de la zone euro ont
décidé de mettre en place un ensemble de politiques restrictives. Cette décision
a recueilli l'aval de la Banque centrale européenne (BCE), de la Commission
européenne et de l'Allemagne, qui préconisent de regagner de la compétitivité,
en pratiquant notamment une plus grande modération dans les politiques
salariales. Cependant, si le niveau des salaires dans certains pays a augmenté
plus vite qu'en Allemagne, cette évolution est aussi due à un effet de
convergence et à une spécialisation induite par l'euro. Ainsi, les pays du sud
de l'Europe ont exploité leurs avantages comparatifs dans les domaines de
l'agriculture et du tourisme. Une baisse des salaires n'aurait ainsi que peu
d'effet sur leur compétitivité industrielle. La mise en œuvre d'une politique
économique alternative nécessite de s'interroger sur les mécanismes de
spécialisation productive existant dans la zone euro, ainsi que sur l'absence de
solidarité financière directe entre Etats membres.
Repenser la gouvernance économique de la zone euro
Bruegel Policy Contribution
Jean Pisani-Ferry
La crise grecque est riche d'enseignement : outre les insuffisances de
l'appareil statistique dont s'est dotée la Commission européenne pour suivre les
politiques économiques des Etats membres, elle a démontré la rigidité des règles
de gouvernance en vigueur et le besoin de compléter le système de prévention des
crises par un meilleur management des périodes marquées par des turbulences
économiques. Afin de repenser la gouvernance économique de la zone euro, la
Commission européenne a déjà manifesté son intention de renforcer les règles
existantes. Selon Jean Pisani-Ferry, ceci reste insuffisant. Il faudrait
d'abord, au-delà du suivi de la discipline budgétaire, étendre la surveillance à
d'autres aspects de la politique économique des Etats membres. Il faudrait
ensuite décider quel degré de décentralisation on souhaite adopter à l'avenir.
Enfin, il serait souhaitable de compléter le système de règles aujourd'hui en
vigueur, notamment dans le domaine de la résolution de crises, en particulier
par un mécanisme de restructuration de la dette des pays surendettés.
Egalement dans ce numéro
Commerce international
Après la crise : éviter le protectionnisme
Finances et Développement
Christian Henn et Brad Mac Donald
Le protectionnisme n'a guère joué de rôle dans la contraction brutale du
commerce de biens et de services en 2008 et 2009. Selon l'Organisation mondiale
du commerce (OMC), peu de pays ont en effet mis en œuvre de nouvelles mesures
allant dans ce sens. A cet égard, le spectre de la crise des années 1930 a sans
aucun doute joué un rôle positif en dissuadant les décideurs politiques de
renforcer les obstacles au commerce. Cependant, dans la mesure où les taux de
chômage sont, dans les pays avancés, à leurs niveaux les plus élevés depuis
plusieurs années, les pressions protectionnistes vont continuer de s'exercer de
façon durable. La plus grande vigilance restera donc, au cours des prochains
mois, de rigueur.
Economie et Société
Pour en finir avec l'hégémonie du lien économique
Réalités industrielles - Annales des Mines
Michel Berry
Il est devenu naturel, en particulier dans les pays avancés, de considérer que
ce qui fonde la relation sociale est avant tout d'essence économique. En période
de crise, ce constat aboutit logiquement à ne mobiliser, pour renouer avec la
croissance, que des mesures d'ordre économique. Or, la part de l'économie dans
les activités humaines a considérablement diminué dans les pays riches. Les
biens échangés ne sont qu'un moyen parmi d'autres d'établir des relations entre
les individus. Aujourd'hui, remédier au mal-être dans lequel la société est
plongée nécessite donc de prendre en compte d'autres sources de richesses que
les seuls échanges économiques.
Secteurs
L'activité de transport aérien est-elle un modèle rentable ?
Prospective stratégique
Vincent Bamberger
Les compagnies aériennes sont désormais confrontées à deux types de difficultés
: la faiblesse des barrières à l'entrée sur le marché du transport aérien et
l'absence de " ressources rares " qui garantissaient, jusque-là, la rentabilité
des transporteurs. L'autorisation d'employer une route aérienne s'obtient
maintenant plus facilement ; les compagnies ont augmenté, en investissant
davantage dans les infrastructures, leur capacité physique à emprunter une route
- le créneau horaire ou slot - ; l'offre de vols bon marché s'est accrue,
etc. La disparition progressive de ces ressources rares a ainsi provoqué la
hausse des droits de trafics, le renchérissement des créneaux horaires et la
multiplication du nombre d'appareils. Si les business models de transport
aérien sont nombreux (traditionnel, low cost, charter, jet privé, etc.),
aucun ne peut miser aujourd'hui sur la durabilité de la rentabilité.
No 3002
15 septembre 2010
Le Brésil de Lula
Le Brésil de Lula : de l'espoir... à la désillusion ?
Alternatives Sud
Laurent Delcourt
Le second mandat du Président brésilien, Ignacio Lula da Silva, s'achèvera dans
quelques semaines. L'heure du bilan a donc sonné. Lors de sa première
investiture, en janvier 2003, le risque pays du Brésil atteignait 2 436 points,
contre 216 en 1996. En s'attelant en priorité à résoudre les graves problèmes
financiers du pays, Lula a réussi à redonner confiance aux investisseurs et à
stopper l'hémorragie de capitaux qui favorisait l'inflation. Si, depuis, les
institutions internationales, le Trésor américain, les grandes banques
d'affaires et les agences de notation n'ont de cesse de louer le travail
accompli par Lula, les choix opérés par ce dernier ont suscité une véritable
déception chez bon nombre de Brésiliens qui ont considéré que sa politique
économique, lors de son premier mandat, constituait un renoncement au regard du
projet populaire dont le Parti des travailleurs (PT) était porteur. Mais une
fois le spectre de l'inflation éloigné, les enjeux sociaux sont devenus, à la
fin du premier mandat et au cours du second, la priorité du gouvernement.
Quand le Brésil tire la leçon des crises financières
The Economist
Si les pertes du Brésil imputables à la récente crise financière s'élèvent,
selon la Banque des règlements internationaux (BRI), à 25 milliards de dollars,
aucune grande banque brésilienne n'a fait faillite. Il faut dire que le pays a
beaucoup appris des crises récurrentes qui se sont succédé au cours des
dernières décennies. Les taux d'intérêt, maintenus volontairement par les
autorités locales à un niveau très élevé, ont permis d'augmenter la part des
dépôts brésiliens dans les banques du pays (deux tiers du total des dépôts, soit
le ratio le plus élevé d'Amérique latine) et ont attiré les capitaux étrangers,
consolidant ainsi les systèmes bancaire et financier. Mais la médaille a
cependant son revers. Le niveau des taux d'intérêt tend en effet à décourager
l'endettement des ménages et à entraver la consommation de la classe moyenne.
Une classe moyenne en plein essor
The Economist
Selon l'Institut brésilien de géographie et de statistiques (IBGE), la part de
la population se situant dans la classe moyenne - qui regroupe les ménages ayant
un revenu compris entre 603 et 2 603 dollars - est passée de 42 %, en 2004, à 52
%, en 2008 et est restée stable après la crise. Les emplois relevant de
l'économie officielle qu'occupent ces ménages leur permettent d'avoir accès au
crédit. Le crédit à la consommation a ainsi augmenté de 28 % par an au cours des
trois dernières années. Seuls les taux d'intérêt, particulièrement élevés au
Brésil, pourraient, à terme, constituer un obstacle au développement de la
classe moyenne.
Lula a-t-il vraiment fait reculer la pauvreté ?
Alternatives internationales
Pierre Salama
Le Brésil compte divers programmes de lutte contre la pauvreté, comme la "
Bolsa Família " qui concerne 12 millions de foyers. Si ce programme existait
déjà avant l'arrivée au pouvoir de Lula, ce dernier en a étendu l'application et
simplifié les procédures. Parallèlement à la forte croissance économique que
connaît le pays ces dernières années - celle-ci, moins volatile que par le
passé, a permis à 19 millions de Brésiliens d'accéder à la classe moyenne - et à
une conjoncture favorable, ces programmes sociaux ont contribué au recul de la
pauvreté. Le Brésil enregistre toutefois, chaque année, le niveau d'inégalités
le plus élevé de tous les pays émergents. La redistribution très inégalitaire
des fruits de la croissance a en effet exacerbé les écarts de revenus entre les
riches et les pauvres.
Brésil, puissance régionale, puissance mondiale
Atlas de la mondialisation
Marie-Françoise Durand, Philippe Copinschi, Benoît Martin et Delphine Placidi
Depuis la conférence de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à Cancún
(Mexique), en août 2003, au cours de laquelle Lula a pris la tête du G20 qui
rassemble les principaux pays émergents, le Brésil est, aux côtés de l'Inde et
de la Chine, une des nations leader des pays du Sud. Son influence au niveau
mondial tant sur le plan économique que diplomatique n'a cessé de s'affirmer.
Les contributions humanitaires du Brésil, comme celles offertes à Haïti au
lendemain du tremblement de terre de janvier 2010, ont, notamment, été
multipliées par vingt en trois ans. Lula a, en outre, depuis 2003, doublé le
nombre de personnels envoyés pour des opérations de paix dans le cadre de
l'Organisation des Nations unies (ONU). De même, le géant sud-américain compte
désormais 11 entreprises (dont Petrobras au douzième rang, 5 banques et 4
entreprises sidérurgiques) parmi les 500 plus grandes firmes mondiales, contre 7
en 2007. Aujourd'hui dixième puissance mondiale, le Brésil pourrait, s'il
parvient à maintenir un niveau de croissance annuelle autour de 5 à 6 %, se
hisser, selon la Banque mondiale, au cinquième rang en 2014.
Egalement dans ce numéro
ECONOMIE INTERNATIONALE
Lendemains de crise
La Lettre du CEPII
Agnès Bénassy-Quéré, Benjamin Carton, Fan He, Masahiro Kawai, Yung Chul et Jean
Pisani-Ferry
La reprise, dont les prémices ont eu lieu en 2009, a connu des rythmes
différents selon les pays en raison notamment du découplage, plus important que
prévu, entre les économies avancées et celles des pays émergents. Le système
monétaire international reste dominé par le dollar, l'euro n'étant pas considéré
comme un concurrent de taille. Si le renminbi (yuan) repose sur une économie
forte, il ne peut cependant pas obtenir un statut international sans une
convertibilité complète. La stabilité du système monétaire international ne
dépendra toutefois plus uniquement du dollar. En ce qui concerne le G20, le
projet de faire du groupe des économies les plus importantes la principale
instance de coordination internationale ne semble pas avoir survécu aux premiers
signes de la reprise. Celui-ci reste toutefois en mesure de jouer les premiers
rôles dans le rééquilibrage de la croissance mondiale.
CULTURES ET ENTREPRISES
Penser la diversité des cultures
Sciences Humaines
Entretien avec Philippe d'Iribarne
Dans le monde de l'entreprise et du management, les logiques culturelles jouent
un rôle fondamental. A l'heure de la mondialisation, la diversité des cultures
nationales n'a pas perdu de sa force. Au sein des firmes multinationales, un
travail permanent d'adaptation des valeurs portées par l'entreprise est
nécessaire lorsque ces dernières s'implantent à l'étranger et y recrutent du
personnel local et cela en dépit même d'une certaine homogénéisation des
pratiques managériales inspirées des méthodes anglo-saxonnes. L'organisation du
travail et les rapports au sein de l'entreprise doivent ainsi, pour bien
fonctionner, être repensés. Philippe d'Iribarne, directeur de recherche au CNRS,
a fait de l'analyse des cultures nationales dans la mondialisation son terrain
d'investigation, développant, depuis de nombreuses années, une approche
singulière au sein des sciences sociales.
ECONOMIES ETRANGERES
La Suisse et l'Union européenne : une énigme
Idées
Guillaume Vallet
Le succès de l'intégration économique et monétaire opérée en Europe depuis la
signature du traité de Rome en 1957 est indéniable. Les projets d'intégration "
concurrents ", comme l'Association européenne de libre-échange (AELE), créée en
1960, n'ont pas eu de succès sur le long terme, car la plupart de ses membres
ont rejoint l'UE, à l'exception de la Norvège (qui a néanmoins adhéré à l'Espace
économique européen, EEE, en 1994) et de la Suisse. Cette dernière entretient
avec l'UE des relations particulières : tout en se tenant à l'écart du processus
d'intégration économique, elle a progressivement cherché à y participer, mais
sans y adhérer. Cette " intégration non adhésive " si elle sert les intérêts du
pays, est néanmoins très précaire, notamment à cause de la problématique liée au
taux de change. Le pays sera-t-il un jour condamné à l'adhésion à l'UE ?
No 3003
29 septembre 2010
La réindustrialisation en marche
La politique industrielle est de retour
Alternatives économiques
Marc Chevallier
Les menaces qui pèsent sur l'avenir de l'industrie française ne datent pas de la
crise récente. Ce secteur est malmené depuis une dizaine d'années déjà. Les
autorités publiques s'inquiètent des conséquences d'une telle évolution, car
au-delà même des emplois directement concernés, un affaiblissement durable de
l'industrie serait source de graves problèmes pour l'ensemble de la société et
de l'économie. L'intervention de l'Etat s'est donc avérée nécessaire et des
politiques pour stabiliser, voire relancer l'industrie française se sont succédé
ces dernières années, sans toujours être très efficaces. Cet article fait un
tour d'horizon des principaux moyens d'action utilisés, de leurs contenus et de
leurs résultats : les grands programmes, les pôles de compétitivité, le Fonds
stratégique d'investissement, etc.
Diagnostic de l'industrie française
Rapport public du ministère en charge de l'Industrie
Jean-François Dehecq
Au cours de la dernière décennie, l'industrie française a enregistré un double
repli : l'emploi industriel a diminué (de 16 à 13 % depuis 2000) et la position
de l'industrie française, rapportée aux performances des principaux partenaires
économiques, s'est dégradée. La baisse de l'emploi industriel affecte tous les
secteurs - et ce bien que certains d'entre eux éprouvent des difficultés de
recrutement. En termes comparatifs, le secteur manufacturier français pèse moins
dans la valeur ajoutée que ce n'est le cas dans la plupart des pays européens.
La balance commerciale de l'industrie française se dégrade. Ces tendances
contrastent notamment avec celles observées en Allemagne. Par ailleurs, si, dans
les branches les plus intensives en recherche et développement (R&D), l'effort à
ce titre est comparativement plus important en France qu'en Allemagne,
l'Hexagone accuse un retard notable en termes de dépenses totales de R&D
rapportées au produit intérieur brut (PIB). La faiblesse du nombre de grandes
PME en est une explication.
Les trois déterminants de la désindustrialisation
Les Cahiers de la DG Trésor
Lilas Demmou
Le phénomène de recul de l'industrie dans l'économie, parallèlement à une forte
croissance du secteur des services, est qualifié de " désindustrialisation ".
Celle-ci est, à des degrés variables, commune à l'ensemble des pays développés
et s'explique par trois facteurs : le transfert de certaines tâches (et
d'emplois) au secteur des services afin d'améliorer l'efficacité de l'action
entrepreneuriale, la déformation de la structure de la demande au cours du temps
(en raison notamment des gains de productivité dans les différents secteurs de
l'économie) et, enfin, l'essor du commerce mondial et l'effet de la concurrence
étrangère sur les performances du secteur industriel. Le rôle de ces trois
facteurs évolue de manière contrastée : ainsi, l'effet " externalisation " a
joué davantage avant 2000, tandis que l'effet " déformation " a davantage pesé
ces dernières années.
Quand les délocalisations deviennent des erreurs stratégiques
Futuribles
André-Yves Portnoff
La pratique des délocalisations, très fréquente en Europe et aux Etats-Unis,
peut s'avérer une stratégie risquée, notamment quand il s'agit d'activités de
production. Telle est l'hypothèse avancée par l'auteur qui dénonce l'illusion
selon laquelle les pays industrialisés croient pouvoir conserver les tâches les
plus " nobles " de recherche et d'innovation et se décharger des fonctions plus
frustes de fabrication. Cette politique représenterait donc un danger réel pour
l'Occident, car celui qui se sépare à moyen ou long terme de son appareil
productif risque de perdre sa capacité d'innovation. Pour que cette dernière se
développe pleinement, elle doit rester physiquement proche de la production.
Après cette vigoureuse mise en garde, l'auteur se penche sur les conditions
susceptibles de donner un nouvel élan à l'industrie.
Désindustrialisation et choix politiques
Sociétal
André Gauron
La désindustrialisation est un phénomène complexe qui n'a pas seulement comme
facteur d'explication les délocalisations ou la concurrence internationale, mais
touche également l'environnement social, fiscal et éducatif. Une telle approche
va à l'encontre du discours fondé sur des slogans du type " l'entreprise sans
usine " et " le développement d'une économie tournée vers l'essor de services
autour des biens manufacturiers ". Dès lors, l'auteur critique notamment la
politique d'exonérations de cotisations sociales sur les activités peu
qualifiées qui aurait accéléré le déclin de l'emploi dans l'industrie en faveur
notamment du tourisme, des transports et de la distribution. Cette politique
aurait également réduit les incitations à la formation et ainsi renforcé la
déformation de la structure salariale au profit des peu ou des non-qualifiés. Il
faudrait donc réaffirmer le leadership de l'industrie par rapport aux services,
comme cela se fait avec succès en Allemagne.
Egalement dans ce numéro
ECONOMIES ETRANGERES
La locomotive asiatique grince
Topic
HEC Eurasia Institute
Les économies asiatiques figurent parmi celles qui sont sorties le plus
rapidement de la crise économique. Un certain nombre d'incertitudes persistent
toutefois dans la région. Le Japon tente de contenir une dette publique
considérable, la croissance du secteur agricole, en Inde, stagne désespérément.
Mais c'est la Chine - affichant 11,9 % de croissance au premier trimestre 2010 -
qui attire toutes les attentions. Si la reprise des exportations a permis à la
balance commerciale d'être de nouveau excédentaire, l'optimisme des entreprises
étrangères installées dans ce pays se dégrade. Le plan de relance a en outre
provoqué, via un desserrement du carcan bancaire, une explosion du nombre des
créances douteuses. A cela s'ajoute une crise sociale. En effet, après trente
années de forte croissance économique, les Chinois réclament désormais leur part
du gâteau.
EUROPE
La zone euro en crise
La Lettre du CEPII
Agnès Bénassy-Quéré et Laurence Boone
Si la crise mondiale a provoqué un gonflement des dettes publiques, celles-ci
ont révélé des problèmes structurels auxquels la zone euro doit désormais faire
face : une union monétaire dépourvue de fédéralisme budgétaire et où la
coordination gouvernementale est faible. L'ajustement budgétaire entre les Etats
membres est ainsi devenu une priorité mais il ne doit pas entraver la reprise
économique. La marge de manœuvre est toutefois étroite : les taux d'intérêt sont
à un niveau particulièrement bas et la dévaluation de l'euro, impossible.
ECONOMIES ETRANGERES
Le véhicule électrique se fait toujours attendre
Le Journal de l´Ecole de Paris
Patrick Pélata et al.
Le véhicule électrique est encore loin de détrôner le moteur à explosion. Pour
l'instant, seul le Japon a réellement réussi à mettre au point cette
technologie, mais le prix des voitures hybrides ou électriques reste élevé.
Celui-ci représente ainsi un des facteurs freinant la croissance du secteur.
Aujourd'hui, en raison notamment du coût de l'énergie et de la limitation des
émissions de CO2, le véhicule électrique revient incontestablement à la mode.
Pourtant, et malgré des années de recherches, des obstacles à son développement
demeurent. Au-delà des aspects techniques - comme notamment la faible densité
énergétique des batteries et la durée de chargement de celles-ci -, d'autres
aspects doivent également évoluer : les usages de la voiture, les modèles
d'affaires, les relations entre les différents acteurs de l'automobile....
No 3005
27 octobre 2010
Etats-Unis, une sortie de crise incertaine
Le surendettement retarde la reprise
The Economist
Les Américains ont le moral en berne. L'économie américaine n'est plus en
récession depuis quinze mois, mais la reprise reste très fragile. Désormais
conscients des conséquences d'un endettement excessif, les ménages sont
réticents à emprunter pour consommer. Or, la reprise économique dépend notamment
du niveau des dépenses privées. Les économistes les plus optimistes misent sur
la baisse du taux d'intérêt pour décourager l'épargne. Mais on sait aussi que la
durée moyenne nécessaire pour que l'économie retrouve toute sa vigueur après une
grave crise financière est environ de sept années...
Comment un taux de chômage record va changer l'Amérique
The Atlantic Monthly
Don Peck
Le taux de chômage aux Etats-Unis a atteint 10 % en octobre 2009, un niveau
record depuis les années 1930, et se situe désormais autour de 9,6 %. L'économie
américaine a, depuis le début de la crise, perdu dix millions d'emplois qu'il
sera très difficile de retrouver rapidement - il faudrait en effet créer 1,5
million d'emplois par an pour renouer avec le niveau de chômage de 2007 (5 %).
Non seulement le taux de chômage actuel entrave la croissance mais il risque de
décourager les jeunes diplômés issus de la génération Y (nés entre la fin des
années 1970 et le milieu des années 1990). Le fossé entre le salaire de début de
carrière d'un diplômé (de la génération X des personnes nées entre 1959 et 1981)
entré sur le marché du travail dans une période favorable et celui d'un jeune
diplômé qui l'intègre aujourd'hui se creusera en effet, exacerbant les
inégalités de revenus. Réputés notamment pour leur optimisme, les jeunes de la
génération Y risquent de voir celui-ci sérieusement entamé. Cela pourrait avoir
pour conséquence un affaiblissement de l'esprit d'entreprise.
Les Etats-Unis et le défi chinois
E-note de l'IFRI
Jacques Mistral
L'interdépendance commerciale et financière entre les Etats-Unis et la Chine,
qui est à l'origine de l'expression " Chinamérique ", n'a cessé de s'intensifier
au cours des dernières années. Cette relation particulière qui lie les deux
pays, à la fois concurrents et rivaux, détermine désormais en grande partie le
sort de l'économie mondiale. La Chine s'est, jusqu'à maintenant, satisfaite d'un
statu quo qui est la meilleure chance de lui garantir un progrès
économique régulier dont elle entend tirer le plus de bénéfices possible. Si,
selon l'auteur, l'interdépendance entre les deux économies semble malgré tout
durable, celle-ci a récemment, en raison du déséquilibre commercial
sino-américain, été remise en question par les Américains. Pékin pourrait, sous
la pression de Washington qui souhaite une appréciation de la monnaie chinoise,
être amené dans les prochains mois à introduire des modifications dans le
mécanisme de formation du taux de change du yuan et ainsi renoncer à
l'indexation de celui-ci sur le dollar.
La réforme de Wall Street, une " avancée considérable pour piloter les
risques globaux "
Le Monde.fr
Entretien avec Michel Aglietta
La réforme de Wall Street, votée par le Congrès des Etats-Unis et signée par le
président Barack Obama en juillet 2010, est la plus importante, en matière de
régulation financière, depuis le New Deal. A titre d'illustration, la
règle Volcker - inspirée par celui qui fut directeur de la Réserve fédérale
(Fed) de 1979 à 1987 - sépare désormais les activités des banques de dépôts et
des banques d'affaires de celles de trading sur fonds propres dont les
excès ont été révélés à l'occasion de la dernière crise financière. La réforme
octroie également une responsabilité nouvelle à la Fed : celle de garantir la
stabilité du système dans son ensemble. Mais l'auteur rappelle que les premiers
effets de la réforme ne seront pas immédiatement visibles. En 1933, il avait
fallu deux ans avant que les réformes engagées ne deviennent opérationnelles...
Améliorer l'accès à l'assurance santé : une réforme historique mais limitée
Lettre de l'OFCE
Christine Rifflart et Vincent Touzé
Si la qualité des soins aux Etats-Unis est l'une des meilleures au monde, les
dépenses de santé y représentent 16 % du produit intérieur brut (PIB) contre 11
% en France (et 8,9 % en moyenne dans les pays de l'Organisation de coopération
et de développement économiques - OCDE), l'espérance de vie y est également plus
faible et la mortalité infantile plus importante. Les Etats-Unis sont en outre
le seul pays de l'OCDE, avec le Mexique et la Turquie, à ne pas offrir de
couverture universelle ou quasi universelle à sa population. En raison d'une
offre de couverture particulièrement concentrée et des prix élevés qui en
découlent, 46,3 millions de résidents n'avaient, en 2008, aucune assurance
santé. La réforme voulue par Barack Obama et adoptée au printemps 2010 devrait
mettre fin à ces inégalités d'accès car elle simplifie le processus d'adhésion
aux programmes publics et incite à s'assurer. Mais elle n'oblige toutefois pas à
le faire et ne traite pas véritablement la question de la maîtrise des dépenses
de santé.
Egalement dans ce numéro
ALIMENTATION
Le modèle alimentaire français contribue à diminuer le risque d'obésité
Consommation et modes de vie
Gabriel Tavoularis et Thierry Mathé
En dépit des nouvelles contraintes liées au monde du travail, à la crise du
modèle familial traditionnel et à la simplification des repas, le modèle
alimentaire français évolue très lentement. Les repas structurés, pris à heures
régulières et comportant plusieurs plats, en restent les principales
caractéristiques. Ce modèle s'oppose à celui des Etats-Unis où l'alimentation
hors repas est privilégiée et où la proportion des personnes obèses est plus
élevée : 26,9 % de la population adulte contre 14,5 % en France. Si le manque
d'activité physique est régulièrement mis en cause dans l'augmentation du risque
d'obésité, les études comparatives du Centre de recherche pour l'étude et
l'observation des conditions de vie (CRÉDOC) semblent montrer que le modèle
alimentaire est également déterminant.
ENERGIE
Le marché de l'électricité, vers une nouvelle organisation
Revue de l'énergie
Dominique Finon
La loi sur la nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME) constitue
une ultime étape dans le processus de libéralisation du marché de cette énergie.
Le texte qui a été voté au cours de l'été 2010 par l'Assemblée nationale, vise
deux objectifs : d'une part, une augmentation des parts de marché des
concurrents du fournisseur historique et, d'autre part, le développement d'une
concurrence de détail débouchant sur des prix en cohérence avec le coût du kWh
nucléaire. La loi NOME doit, par ailleurs, mettre un terme au TaRTAM (tarif
réglementé transitoire d'ajustement du marché). Depuis l'ouverture du marché de
l'électricité, aucun concurrent d'EDF n'a pu s'imposer, car grâce à son parc
nucléaire, le fournisseur historique bénéficie de faibles coûts de production.
La loi NOME l'oblige à céder une partie de sa production nucléaire à ses
concurrents à un prix inférieur à celui du marché. Il est à noter que ce prix a
une nature fort particulière : défini sur injonction politique, il a des
fondements économiques faibles.
MONDIALISATION
Les grandes métropoles au cœur de la globalisation
Rapport au Président de la République
Christian Saint-Eienne
La concentration des activités est le ferment du développement économique. C'est
la raison pour laquelle les grandes métropoles qui agglomèrent un ensemble très
vaste d'activités jouent un rôle clé dans le processus de croissance. Ainsi en
Chine, ce sont avant tout Shanghai, Canton et Pékin qui se développent. De la
même manière, dans l'Union européenne, les trente-huit grandes métropoles qui
s'étendaient sur moins de 1 % du territoire réalisaient, il y a dix ans, près du
tiers du produit intérieur brut (PIB) de la zone. En France, seul le Grand Paris
a véritablement la capacité de devenir un attracteur global en compétition avec
Tokyo, Shanghai, Londres, New York, etc.
No
3010
05 janvier 2011
L'Afrique décolle
L'Afrique à l'heure de la croissance
L'Economie politique
Entretien avec Jean-Michel Severino
Dans son dernier livre Le Temps de l'Afrique coécrit avec Olivier Ray,
Jean-Michel Severino, ancien directeur de l'Agence française de développement (AFD),
dresse le portrait d'un continent africain qui semble sur le point de décoller.
L'Afrique dispose en effet de facteurs endogènes de croissance : un gigantesque
potentiel démographique, des réserves en matières premières considérables, des
finances publiques assainies après des années de politiques d'ajustement
structurel, le premier réservoir de terres arables du monde, etc. Ces phénomènes
sont bien sûr fragiles et réversibles. Le décollage économique s'opère également
de façon inégale, l'Afrique subsaharienne accusant ainsi un retard évident par
rapport aux pays situés aux extrémités nord et sud du continent. Mais la
croissance semble désormais assez solidement installée, avec un taux moyen de 5
à 6 % depuis une décennie, permettant d'espérer que cette fois l'Afrique s'en
sorte...
Quand l'Afrique se met à faire rêver les investisseurs
Financial Times
Fiona Rintoul
En juin 2010, peu avant le début de la Coupe du monde de football organisée en
Afrique du Sud, le Boston Consulting Group (BCG) a consacré, pour la première
fois, un rapport aux pays africains et à quarante entreprises aux ambitions
mondiales originaires du continent. Au même moment, McKinsey, a publié une étude
de 80 pages intitulée " Les Lions africains " qui dresse le portrait des pays
apparaissant aujourd'hui comme les moteurs de la croissance de l'Afrique. Cet
intérêt pour " le continent oublié ", reflète le nouveau regard que portent sur
lui les investisseurs internationaux. Ces derniers sont de retour - et en dépit
des nombreux obstacles qui demeurent -, ils fondent désormais de grands espoirs
dans le décollage économique du continent le plus pauvre de la planète.
La Chinafrique, mythes et réalité
Etudes
Agnès Andrésy, Jean-François Marteau et Gaël Raballand.
L'intérêt grandissant, depuis une décennie, de la Chine pour l'Afrique suscite
la plus grande méfiance en Occident. Le gouvernement de Pékin y est la plupart
du temps accusé de se livrer à une nouvelle forme de colonialisme. En réalité,
les choses sont plus complexes. La présence chinoise, si elle croît, n'en reste
pas moins encore assez faible. Les investissements directs de l'Empire du Milieu
en Afrique représentaient ainsi, semble-t-il, en 2009, seulement 10 % de
l'ensemble des investissements chinois dans le monde. Quant à leur montant moyen
sur le continent noir, il restait bien moins important que ceux du Japon ou des
Etats-Unis. Certes, les grandes opérations dans le secteur des matières
premières confortent l'image d'une Chine prédatrice, mais la majorité des
investissements chinois sont le fait de petits entrepreneurs qui ne bénéficient
pas tous du soutien des autorités de Pékin.
Un continent riche de ses nouveaux consommateurs
L'Expansion
Benjamin Neumann
Si le continent noir reste le plus pauvre de la planète, avec deux Africains sur
trois vivant avec 2 dollars par jour, l'émergence d'une classe moyenne qui
commence à atteindre une taille critique pourrait jouer dans la prochaine
décennie un rôle social stabilisateur susceptible favoriser le décollage
économique. A côté d'une classe moyenne " supérieure " dont les effectifs
tournent autour d'une vingtaine de millions de personnes, majoritairement
présentes en Afrique du Sud, au Nigeria et au Ghana, apparaît en effet un groupe
de consommateurs, numériquement bien plus important, qui était, selon la Banque
mondiale, de 200 millions en 2005 et pourrait être de 400 en 2020. Dans un
contexte d'urbanisation accélérée, ces Africains sont parvenus à régler leurs
problèmes de survie et songent dorénavant à améliorer leurs conditions
d'existence. Bon nombre de grandes multinationales comme Bel,
L'Oréal, Orange ou Lafarge, ont pris conscience de ce potentiel et ont fait de
l'Afrique un axe stratégique de leur développement.
Afrique : le dernier continent fertile
Foreign Affairs
Roger Thurow
Au cours des prochaines années, la demande en denrées alimentaires des grands
pays émergents comme la Chine et l'Inde ne va cesser de croître. En outre, dans
ces pays, selon certains scénarios, la raréfaction de l'eau, pourrait y faire
chuter la production de riz et de blé, d'ici à 2050, de 30 à 50 %. C'est la
raison pour laquelle, les regards se tournent de plus en plus vers l'Afrique,
une région du monde qui a été largement tenue en dehors de la révolution verte
de l'Après-guerre. Le continent dispose en effet d'un potentiel considérable :
les ressources en terre et en eau y sont largement sous-employées et on y trouve
plus de la moitié des terres arables inutilisées dans le monde. Mais, faute de
politiques agricoles appropriées, la productivité de l'agriculture africaine est
restée jusqu'ici très insuffisante. Il est donc urgent, afin que l'Afrique soit
demain en mesure de se nourrir et de satisfaire les besoins alimentaires de la
planète, dý mettre en place les conditions d'une véritable révolution agricole !
Egalement dans ce numéro
MONDIALISATION
La marque France
La Gazette de la société et des techniques
Pierre-Louis Dubourdeau et Maxime Leclère
La valeur créée par le contenu immatériel des produits (recherche et
développement, innovation, design, marketing, etc.) ne cesse depuis des
décennies de prendre de l'importance. Pour les entreprises comme pour les Etats
qui se livrent une compétition acharnée, la marque joue ainsi un rôle croissant.
La France forte d'une longue histoire et d'une culture très riche, tire-t-elle
suffisamment parti de sa notoriété et de ses spécificités ? Les auteurs
cherchent à travers une approche quantitative à mettre en évidence les forces et
les faiblesses de la France en termes d'image, à identifier ce qui contribue à
créer de la valeur afin d'esquisser une stratégie qui permettrait de construire
et de développer une stratégie de marque efficace.
POLITIQUES PUBLIQUES
L'intervention publique dans le domaine économique : quelles limites ?
L'ENA hors les murs
Thomas Chalumeau
L'intervention publique dans le domaine économique a été, à l'occasion de la
crise mondiale, largement réhabilitée. L'Etat régulateur fait ainsi son retour à
côté de l'Etat actionnaire et de l'Etat investisseur. Cependant, cette
réhabilitation de l'intervention publique est également la conséquence des
mutations de l'économie mondiale qui replacent, face à la compétition mondiale,
la stratégie industrielle des Etats et des collectivités locales au cœur de la
réussite collective. Le capitalisme du XXIe siècle sera-t-il ainsi beaucoup plus
marqué par le rôle des Etats que nous ne le pensions il y a encore peu ?
ECONOMIES ETRANGERES
Les politiques de l'eau en Amérique latine : le retour du secteur public
Accomex
Daniel Solano
Si l'Amérique latine est richement dotée en eau - la Banque mondiale estime la
consommation moyenne à 24 400 mètres cubes par personne -, l'accès à l'eau et la
qualité des réseaux demeurent très inégaux. La participation privée au
développement des infrastructures, dans les années 1980, a finalement été
considérée comme un échec. Le modèle de gestion de l'eau a en effet montré ses
limites et les investisseurs étrangers se sont retirés. Dans la plupart des pays
latino-américains, la gestion de l'eau incombe, depuis le début des années 2000,
au secteur public. L'appui financier des institutions financières
multilatérales, comme la Banque mondiale, s'est également intensifié au cours
des dernières années.
No 3011
19 janvier 2011
La guerre des monnaies
De la crise à la guerre des devises
Les Echos
Christian de Boissieu
Le redémarrage des économies occidentales après la plus grave crise de
l'Après-guerre est particulièrement difficile. Afin de doper leur compétitivité
et leurs exportations, certains pays sont tentés de laisser leur devise se
déprécier. Cette tentation est d'autant plus forte que le retour de la
croissance peut davantage provenir de la demande des pays émergents que de la
consommation des pays avancés. Cette " guerre " monétaire qui risque de
s'installer cache néanmoins d'autres débats, plus anciens, comme ceux portant
sur les déséquilibres internationaux (déficits américains, excédents chinois,
japonais...) ou sur la coordination internationale des politiques
macroéconomiques. Dans ce contexte, l'Europe doit aussi s'interroger sur les
moyens qu'elle souhaite se donner afin de disposer d'une vraie politique de
change pour l'euro.
Le dollar, la crise et les déséquilibres mondiaux
Reflets et Perspectives de la vie économique
Christophe Blot
L'hypothèse d'un lien entre les déséquilibres internationaux et la crise
financière mondiale est régulièrement avancée. Elle se fonde sur l'observation
selon laquelle une partie de l'abondance d'épargne des pays enregistrant un
excédent de leur solde courant aurait contribué au maintien de conditions
financières particulièrement favorables aux Etats-Unis. Cet argument ne permet
cependant pas d'expliquer la totalité du boom immobilier ni l'euphorie
spéculative sur les produits structurés. Par ailleurs, la crise n'a pas permis
d'atténuer les déséquilibres internationaux et la crainte persiste d'un
ajustement du dollar, malgré son étonnante stabilité durant la crise. Une
meilleure coordination des politiques macroéconomiques semble plus nécessaire
que jamais afin d'éviter une nouvelle crise.
La " fuite devant le dollar " : jusqu'à quand et quelles conséquences ?
Flash marchés - Natixis
Patrick Artus
Depuis la réduction des taux directeurs jusqu'à un niveau historiquement bas, la
Réserve fédérale (Fed) s'est engagée dans la création monétaire ou
l'assouplissement monétaire (Quantitative easing, QE), seul moyen, selon
elle, de stimuler l'économie dans un contexte où les taux d'intérêt sont proches
de zéro. La Fed espère ainsi stimuler non seulement la demande intérieure, mais
également la valeur des actifs réels, comme l'immobilier, et les actifs
financiers. Néanmoins, la politique de QE est très controversée : elle peut
également entraîner un déplacement des flux vers les pays émergents et conduire
à l'appréciation des cours des matières premières. A cela s'ajoute l'expansion
budgétaire américaine également très vigoureuse, qui inquiète beaucoup les
intervenants des marchés financiers : ils craignent l'indifférence de
l'administration américaine vis-à-vis du reste du monde, ainsi que la perte de
qualité du dollar.
Peut-on éviter un affrontement des monnaies ?
Télos
Barry Eichengreen
Les banques centrales sont de plus en plus impliquées dans ce qui ressemble
chaque jour davantage à une guerre des monnaies. Aux Etats-Unis, au Japon, en
Chine et en Europe, les autorités monétaires multiplient les opérations qui
affaiblissent leurs monnaies. La volatilité qui s'ensuit avive les tensions
commerciales, notamment entre la Chine et les Etats-Unis, et fait courir le
risque d'un retour du protectionnisme. Cependant, cette guerre n'est pas
inévitable. L'action des banques centrales peut même être bénéfique (notamment
en relançant le commerce entre les pays industrialisés), à condition que les
banquiers centraux se coordonnent et expliquent précisément leurs décisions
d'achat d'actifs. Ceci ne résoudra pourtant pas les problèmes des pays
émergents, menacés par l'inflation, la formation de bulles et la tentation
d'adopter des mesures de rétorsion. Une solution pour eux serait de favoriser
une augmentation de la demande intérieure de produits manufacturés.
La responsabilité de la monnaie de réserve
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Gerald Braunberger
Le monde connaît une instabilité monétaire croissante, reflet des difficultés
qu'éprouvent les Etats à trouver une organisation satisfaisante du système
monétaire international (SMI). Cette situation n'est pas nouvelle. L'histoire
monétaire montre que tous les efforts visant à installer un système pérenne ont,
jusqu'ici, échoué. Elle enseigne également que chaque système est profondément
influencé par sa devise de réserve. Si l'ancien étalon-or a si bien fonctionné,
c'est parce que le Royaume-Uni, qui jouait à l'époque le rôle du pays angulaire,
avait parfaitement fait siennes les règles informelles du système. Les
Etats-Unis n'ont jamais voulu jouer ce rôle, ni dans le cadre du système de
Bretton Woods, ni après l'abandon de ce dernier. Depuis, le monde vit sans
système monétaire intégré, avec le dollar comme monnaie de réserve non
officielle. Avec la crise économique mondiale, les tensions monétaires
réapparaissent et il y a peu d'espoir que cette situation change rapidement.
Par quoi remplacer le dollar ?
Finances et Développement
Benjamin J. Cohen
Pendant des décennies, le dollar a régné en maître incontesté sur le système
monétaire international (SMI). Récemment, deux facteurs ont néanmoins contribué
à ébranler sa toute-puissance : la dette extérieure croissante des Etats-Unis
et, surtout, la récente crise économique qui a démarré outre-Atlantique. La
question du déclin de la devise américaine comme monnaie de réserve est devenue
récurrente. Les avis divergent, par contre, lorsqu'il s'agit de se mettre
d'accord sur le choix de la devise qui pourrait remplacer le billet vert.
L'euro, le yen, le renmimbi (yuan) ou les DTS (droit de tirage spécial) sont
susceptibles de jouer le rôle de monnaie de réserve. Mais aucune de ces monnaies
ne satisfait pour le moment à l'ensemble des critères nécessaires à mettre en
place. Il ný a donc pas aujourd'hui d'alternative évidente au dollar. L'avenir
sera ainsi probablement marqué par la coexistence de plusieurs devises, sans
qu'aucune ne devienne hégémonique. Les conséquences politiques et économiques
d'un SMI ainsi fragmenté pourraient être considérables.
Egalement dans ce numéro
CONSOMMATION
Les internautes, premiers clients des industries culturelles
Consommation et modes de vie
Bruno Maresca, Romain Picard et Thomas Pilorin
La forte baisse des ventes de certains produits culturels - celles-ci ont été
pour la musique et la vidéo divisées par deux depuis 2000 - est de plus en plus
souvent expliquée par les pratiques croissantes de piratage sur l'internet. Une
étude récente, réalisée par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation
des conditions de vie (CREDOC) à la demande du ministère de la Culture, montre
au contraire que les ménages équipés d'une connexion à l'internet sont ceux qui
dépensent le plus en biens et services culturels. Pour ces derniers, la
fréquentation régulière de l'internet a pour conséquence l'augmentation de leur
niveau de dépenses en sorties, en achats de livres, mais également de CD audio
et vidéos.
RESSOURCES NATURELLES
Quel avenir pour le gaz non conventionnel ?
Revue de l'énergie
Gilbert Hamaide, Florence Verzelen, Claude Bontemps et Amélie Faivre
Le gaz non conventionnel occupe aujourd'hui une place centrale dans les débats
concernant les perspectives de développement du gaz naturel. Le concept est
apparu aux Etats-Unis dans les années 1980 après que les autorités américaines
eurent décidé de promouvoir l'exploitation de ressources gazières nationales
particulièrement difficiles à produire. A l'heure actuelle, le gaz non
conventionnel, qui nécessite généralement pour être produit, en raison des
faibles perméabilités des réservoirs où il se trouve piégé, des fracturations et
des forages horizontaux, n'est exploité de façon significative qu'en Amérique du
Nord et vient de s'engager dans la même voie en Australie. Les estimations des
réserves mondiales de ce type de gaz restent à ce jour incertaines, mais leur
contribution devrait permettre au moins de doubler les réserves mondiales de gaz
naturel.
DEVELOPPEMENT
Après la crise, un nouveau paradigme du développement ?
Mondes en Développement
Philippe Hugon
La crise semble, d'une certaine manière, avoir montré les limites de la
mondialisation. C'est en cela que celle-ci représenterait, selon l'auteur, une
rupture dans l'histoire de l'économie mondiale, mais également dans la pensée
économique. Parmi les changements produits par la crise : la tendance, notamment
dans les grandes économies émergentes, à la reconquête des marchés intérieurs ;
la réintégration par les pays en développement (PED) de la contrainte
environnementale dans leur modèle de croissance, puis la multiplication, au Sud,
des plans de relance légitimant à nouveau le rôle de l'Etat. Un nouveau
paradigme du développement - s'éloignant de celui qui était, jusque-là,
largement défini par le consensus de Washington - semble désormais en passe de
s'imposer.
No 3012
2 février 2011
La fin de l'État providence ?
La Grande-Bretagne préfère la Big Society au Big Government
Document du CERI
Anne Daguerre
Les élections britanniques qui se sont déroulées en mai 2010 ont mis fin à
treize années de pouvoir travailliste. Afin de rompre avec le Big Government
- supposé avoir été mis en place au cours des mandats de Tony Blair et de Gordon
Brown -, un Etat qualifié par les conservateurs de centralisateur et démesuré,
le nouveau Premier ministre, David Cameron, leader des Tories (conservateurs), a
annoncé peu de temps après son entrée au 10 Downing Street qu'il suivrait, lui,
une tout autre voie en favorisant l'avènement de la Big Society. Celle-ci
tend à substituer au Big Government une démocratie locale
auto-administrée par les citoyens et cofinancée par le secteur privé et le
mouvement associatif. L'application des principes de la Big Society a
déjà entraîné des coupes budgétaires importantes, notamment en ce qui concerne
les collectivités locales.
La politique du care, soin mutuel ou Etat maternant ?
Esprit
Marc-Olivier Padis
Si la notion de care (soin) figure déjà dans les travaux d'Adam Smith et
de David Hume, elle est véritablement développée dans les années 1980 aux
Etats-Unis. Remis récemment au goût du jour par Martine Aubry, le social care
désigne un projet de société qui créerait du lien entre les individus sans
opposer les dispositifs publics au soutien familial ou aux solidarités de
voisinage. Si le social care est en effet un moyen de régler certaines
difficultés auxquelles doit aujourd'hui faire face l'Etat providence, l'auteur
se propose d'en identifier le public cible et de voir comment peuvent
s'articuler les deux niveaux que constituent les institutions et les individus.
Peut-on parler d'une Europe sociale ?
Revue de l'OFCE
Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak
Si le modèle social européen (MSE) fait aujourd'hui l'objet d'un certain
consensus, ce que ce dernier recouvre précisément reste néanmoins
particulièrement ambigu. Incarné de façon différente dans chaque pays de l'Union
européenne (UE), le MSE est en outre désormais confronté à de nouveaux défis
économiques (comme la croissance des dépenses publiques, la mondialisation,
etc.) et sociaux, notamment la montée de l'individualisme. L'analyse du mode
d'intervention des institutions européennes (Commission européenne, Parlement,
etc.) dans le domaine social, ainsi que des processus de coordination entre
Etats membres - en particulier sur la Méthode ouverte de coordination (MOC) -,
conduit les auteurs à s'interroger sur l'avenir incertain de l'Europe sociale.
Menaces sur la protection sociale
Alternatives économiques
Camille Dorival
Mise à mal dans tous les pays occidentaux, notamment par les effets conjugués du
chômage de masse, d'une croissance en berne et du vieillissement démographique,
la protection sociale a, au cours des dernières années, fait l'objet, en
particulier en France, de diverses réformes concernant les retraites, les
assurances maladie et chômage, les minima sociaux, la dépendance, le handicap et
la famille. L'auteur en fait le bilan et met en évidence leurs principales
caractéristiques.
De l'Etat infirmier à l'Etat investisseur
Document de La République des Idées
Bruno Palier
Si les dépenses sociales représentent un coût toujours croissant, celles-ci
peuvent également être considérées comme un investissement. C'est à cette
nouvelle façon de penser l'Etat providence que nous invite l'auteur, dans cette
présentation qu'il fait de l'ouvrage Trois leçons sur l'Etat providence
(La République des Idées/Seuil, 2008) qu'il a coécrit avec Gøsta Esping-Andersen,
spécialiste danois reconnu de la protection sociale. Cette approche implique de
substituer à la conception traditionnelle des politiques sociales une
perspective renouvelée, plus dynamique, qui tiendrait compte de la trajectoire
de vie des individus, des aléas de l'économie de la connaissance et de
l'émergence de nouvelles inégalités entre les genres, les générations et les
groupes sociaux propres aux sociétés post-industrielles.
Egalement dans ce numéro
AGRICULTURE
Agriculture biologique : vers une bulle économique ?
Paysans
Gil Kressmann
La consommation de produits " bio " est à la mode et la part de l'agriculture
biologique dans la production agricole totale est en augmentation. Cette
tendance pourrait se poursuivre, le Grenelle de l'environnement ayant en effet
fixé à cette filière l'objectif de couvrir 6 % des surfaces agricoles en 2012 et
même 20 % en 2018, contre seulement 2 % aujourd'hui. Néanmoins, cet objectif
pourrait être trop ambitieux et même déstabiliser l'agriculture biologique.
D'abord, les produits " bio " restent relativement onéreux. Ensuite, si le
nombre d'agriculteurs cherchant à reconvertir leur exploitation en vue de
produire avec le label " agriculture bio " est en hausse, le phénomène inverse
est également une réalité : faute d'atteindre une rentabilité nécessaire pour
dégager un revenu suffisant, un certain nombre d'exploitants abandonne chaque
année cette filière. Par ailleurs, les marges de progrès de l'agriculture
conventionnelle demeurent très importantes.
ECONOMIES ETRANGERES
La puissance en trompe-l'œil de l'économie russe
La Revue des Deux Mondes
Annick Steta
Comme les autres grands pays émergents, la Russie a été frappée de plein fouet
par la crise économique mondiale. Cette dernière y a surtout révélé certaines
défaillances de la politique du Kremlin qui, au cours des dernières années,
n'est pas parvenu à diversifier l'économie, ni à bâtir des institutions solides.
Le pays doit de plus faire face à un déclin démographique, entamé aux lendemains
de la chute de l'Union soviétique, qui ne favorise guère le dynamisme
économique. Par ailleurs, si elle confère à la Russie le premier rang parmi les
producteurs et exportateurs mondiaux de gaz et le deuxième parmi les producteurs
de pétrole, la rente énergétique - outre le fait que des investissements massifs
doivent être réalisés pour assurer la pérennisation de cette filière - constitue
à terme un véritable piège empêchant l'indispensable modernisation de
l'économie.
IMMIGRATION
L'impact économique de l'immigration
Ecoflash
Alexis Trémoulinas
L'immigration est devenue un phénomène mondial : d'après l'Organisation
internationale des migrations (OIM), le nombre de migrants s'élève aujourd'hui à
3 % de la population mondiale, soit 200 millions de personnes. L'impact
économique de ces mouvements de population est lié à leur taux d'activité : si
celui-ci est élevé, l'immigration, surtout si elle est qualifiée et jeune,
contribue à élever le potentiel productif d'un pays. Elle peut ainsi représenter
une solution aux problèmes liés au vieillissement des pays du Nord. Mais il y a
également des effets négatifs, surtout dans le cas d'une immigration non
qualifiée massive. Elle peut entraîner le taux de chômage des non qualifiés à la
hausse et creuser les inégalités sociales. Ce double effet explique les
difficultés que connaissent les politiques publiques à apporter des réponses
appropriées au phénomène de l'immigration.
No 3013
16 février 2011
L'Allemagne, un modèle pour la France ?
Des excédents pour longtemps
Conjoncture
Catherine Stephan
Une des forces principales du modèle allemand est sa capacité à dégager des
excédents commerciaux très importants. L'actuel rebond de la croissance que
connaît l'Allemagne, après la forte chute du produit intérieur brut (PIB) en
2009, s'explique, en effet, par les performances à l'exportation de ses
entreprises. Cette dynamique est favorisée par un ensemble de facteurs : la
spécialisation sectorielle de l'économie, l'amélioration de la position
concurrentielle, les réformes du marché du travail et la restructuration du
processus de production. Les entreprises allemandes se trouvent ainsi
aujourd'hui dans une situation confortable avec un taux d'autofinancement élevé,
tandis que les comptes publics s'améliorent plus rapidement que prévu.
Les Allemands ne sont pas dupes des limites du " tout export "
Enjeux Les Échos
Karl de Meyer
De nombreux dirigeants en Europe, en particulier en France, s'interrogent
aujourd'hui sur les raisons des performances de l'économie allemande. Certains
se demandent même si l'Allemagne n'est pas le modèle à suivre. La fascination
exercée par le modèle allemand ne doit pas cependant nous en faire oublier les
inconvénients et les limites, ce dont ont parfaitement conscience les élites
politiques et économiques outre-Rhin : une forte dépendance aux fluctuations du
commerce mondial (ainsi que, à un degré moindre, des variations des taux de
change) et la crainte diffuse que les pays émergents puissent à l'avenir assurer
eux-mêmes la production des biens d'équipement. L'économie allemande a également
des faiblesses structurelles, comme la pénurie de main-d'œuvre due au
vieillissement démographique et la relative faiblesse de la consommation
intérieure. A ces phénomènes s'est ajouté récemment le creusement des inégalités
sociales.
Les raisons de la faiblesse de la consommation intérieure
Ifo-Schnelldienst
Projektgruppe Gemeinschaftsdiagnose
Les importations allemandes ont atteint en novembre 2010 un record absolu depuis
1950, date à partir de laquelle ces dernières sont comptabilisées par le service
des statistiques fédérales. Néanmoins, pour un certain nombre d'observateurs, la
demande intérieure demeure trop modeste. L'étude approfondie de la consommation
allemande montre qu'il s'agit surtout d'une faiblesse relative. Au cours de la
dernière décennie, la consommation publique et privée en Allemagne n'a été que
très légèrement en retrait par rapport à celles enregistrées en Italie ou en
France, une véritable " faiblesse " ne s'observant qu'en comparaison avec des
pays comme l'Irlande, le Portugal ou la Grèce. Cependant, la dynamique de la
demande intérieure allemande a été moins vigoureuse que dans de nombreux pays
européens. Les raisons en sont, outre la modération salariale, une insuffisance
de l'investissement des entreprises, liée à d'importants effets structurels et
conjoncturels.
Quelles politiques mener si la France veut ressembler à l'Allemagne ?
Flash économie - Natixis
Patrick Artus
Malgré de nombreuses similitudes, la France et l'Allemagne ont des économies
très différentes. Si la France désirait se rapprocher du modèle allemand, elle
devrait engager des changements politiques et économiques de long terme. Il lui
faudrait en priorité mettre en place une politique budgétaire plus rigoureuse,
modifier le partage des revenus au détriment des salariés, réaliser des réformes
fiscales et institutionnelles permettant l'émergence de petites et moyennes
entreprises (PME) de plus grande dimension et davantage tournées vers
l'exportation, entamer une politique de réindustrialisation et réformer le
système éducatif afin d'accroître l'employabilité des jeunes. Le succès
incertain d'une partie de ces réformes rend in fine fort improbable le
rapprochement des deux modèles économiques.
Comment rééquilibrer les moteurs de la croissance allemande ?
La note de veille du CAS
Rémi Lallement
Le succès du modèle allemand doit être replacé dans un contexte plus large,
celui de la divergence croissante entre les pays du nord et du sud de l'Europe.
Concernant les performances de l'Allemagne, les facteurs hors prix (comme les
aspects qualitatifs ou l'innovation), dans lesquels l'Allemagne excelle depuis
longtemps, ne sont pas suffisamment pris en compte par les analyses. Espérer une
modification à brève échéance du modèle allemand semble donc illusoire.
Cependant, le souci constant des Allemands d'améliorer la compétitivité-prix des
biens produits n'est pas sans danger et peut conduire à freiner la croissance du
produit intérieur brut (PIB). Le vrai débat ne porte donc pas tant sur la
question de savoir si l'Allemagne doit réaménager son modèle, mais plutôt sur la
manière dý parvenir. Compte tenu des réalités politiques, institutionnelles et
démographiques, les marges de manœuvre sont étroites. Et une reprise
substantielle de la croissance dans ce pays dépendra de la conjugaison réussie
de plusieurs leviers.
Egalement dans ce numéro
MONDIALISATION
Equité et justice dans la mondialisation
Etudes
Pascal Lamy
La recherche de l'équité et de la justice présuppose, selon Pascal Lamy,
directeur de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), un sentiment
d'appartenance à une communauté. Mais si, à l'échelle nationale, celle-ci prend
tout sens, cela est moins évident aux niveaux mondial et européen, les
dispositifs de gouvernance y étant bien moins puissants. Le rôle de l'OMC est
précisément, en accroissant les échanges, de favoriser la diffusion du progrès
économique et social grâce à l'adoption d'un traitement différencié des
économies.
DEVELOPPEMENT DURABLE
La prospérité sans croissance est-elle possible ?
Terraeco
Entretien avec Tim Jackson
A l'occasion de la récente crise économique mondiale, la question des limites de
la croissance a fait l'objet de nombreux débats. Comment peut-on en effet œuvrer
au bien-être des hommes sans mettre en péril une planète aux ressources limitées
? Existe-t-il des alternatives crédibles au système de croissance perpétuelle
sur lequel est fondé le développement de nos économies ? Tim Jackson, professeur
au Centre for Environmental Strategy de l'université du Surrey (Royaume-Uni) a,
quant à lui, cherché, dès 2006, à apporter une réponse à ces questions complexes
dans un rapport intitulé Prosperity Without Growth remis à la Commission
britannique pour le développement durable et dont il a depuis tiré un ouvrage,
paru en France en 2010 sous le titre Prospérité sans croissance. La
transition vers une économie durable.
COMPETITIVITE
Redevenir compétitif grâce au design
Accomex
Jean-Gilles Cahn
La compétitivité des entreprises se fonde sur des facteurs prix et hors prix.
Tandis que la première composante dépend de la structure des coûts de production
dont certains se situent hors du périmètre d'influence de l'entreprise, la
deuxième - à l'heure surtout où l'on s'interroge sur l'érosion de la
compétitivité française - suscite de plus en plus d'intérêt. L'enjeu est de
réussir à changer l'image des produits made in France de sorte que ces
derniers soient perçus comme différents et désirés pour eux-mêmes. Aussi, à côté
de la technicité, de la qualité de fabrication et des services associés aux
produits, le design a-t-il un rôle important à jouer. La notoriété dont profite
Paris en tant que capitale de la mode et des industries de création constitue
donc à ce titre un atout considérable.
No 3014
2 mars 2011
Les multinationales dans la mondialisation
Les champions du Sud à la conquête du monde
The Economist
Les économies émergentes connaissent, depuis quelques années, des taux de
croissance spectaculaires. Affectées, elles aussi, par la crise de l'économie
mondiale, elles en sont, contrairement aux pays développés, sorties très
rapidement. Grâce à ces progrès économiques fulgurants, de nombreuses firmes
originaires des pays en développement (PED) rivalisent désormais avec leurs
homologues du Nord. Au cours des dix dernières années, ces entreprises
multinationales en plein essor ont vu leur chiffre d'affaires et leur
rentabilité progresser bien plus vite que ceux de leurs concurrentes des pays
avancés. Ces firmes ont également adopté de nouvelles méthodes de gestion des
ressources humaines afin de se doter du capital humain indispensable pour être
concurrentielles au niveau international.
Rester ou délocaliser ?
Alternatives économiques
Guillaume Duval
Quelles sont les raisons qui président pour une entreprise à la décision de
s'implanter sur un territoire plutôt que sur un autre ? La recherche du moindre
coût n'est pas, contrairement aux idées reçues, la seule motivation. Une
entreprise peut en effet privilégier une localisation à proximité immédiate de
ses marchés ou l'accès à des ressources rares. Le dumping social exercé
par les multinationales qui localisent leurs activités dans des pays émergents
ou en développement reste cependant bien réel. Il tend même depuis quelques
années à accroître les déséquilibres entre ces derniers et les pays développés
dans la mesure où désormais des usines délocalisées peuvent atteindre une
productivité équivalente ou supérieure à leurs homologues des pays avancés,
malgré un coût du travail cinq à dix fois plus faible.
Délocalisation et nouveau modèle économique : le cas du secteur
textile-habillement
La revue de l'IRES
Gilbert Ammar et Nathalie Roux
Le secteur du textile-habillement a été marqué dans les années 2000 par
d'importantes mutations. La mondialisation a abouti à un redéploiement
international des firmes à la recherche de nouvelles sources de compétitivité.
Le secteur a ainsi été confronté à de nombreuses vagues de délocalisations qui
ont conduit à un effondrement de l'emploi. Face à ces nouveaux défis, les
producteurs se sont recentrés sur leur cœur de métier. En réorganisant la
production en réseaux et en recourant à l'innovation, ils ont adopté une
nouvelle stratégie industrielle et marketing qui repose sur la rapidité des flux
d'approvisionnement et sur la flexibilité permettant ainsi d'éviter une
délocalisation de la production dans les pays d'Asie à bas coût de main-d'œuvre.
Les multinationales définissent-elles les règles de la mondialisation ?
Politique étrangère
Christian Chavagneux
Si les Etats conservent un rôle essentiel dans la définition des normes
politiques de la mondialisation, ils ne sont pas les seuls acteurs producteurs
de ces normes. Ils doivent composer avec la montée en force des acteurs privés,
notamment les multinationales, dans le domaine-clé de la fixation des règles en
particulier. Les grands cabinets d'audit anglo-saxons, les associations
professionnelles, les cartels internationaux œuvrent constamment à ce que les
principes régissant la mondialisation respectent et valorisent leurs intérêts
particuliers. Il devient ainsi de moins en moins pertinent de raisonner,
concernant la production des normes internationales, à partir d'une distinction
entre espace public et espace privé, les deux s'entremêlant de façon toujours
plus complexe.
Les multinationales favorisent-elles les salaires et les conditions de
travail ?
L'Observateur de l'OCDE
Alexander Hijzen et Paul Swaim
S'il y a bien une question qui est particulièrement débattue à propos des
multinationales, c'est celle portant sur les conséquences en matière de salaires
et de conditions de travail de leur implantation dans les pays en développement
(PED). Les adversaires de la mondialisation qui considèrent de manière générale
que ces effets sont négatifs ont fait de cette question un de leurs chevaux de
bataille favoris. Les études récentes de l'Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) qui comparent les pratiques des entreprises
locales et celles des sociétés étrangères apportent, de leur côté, un éclairage
relativement précis et nuancé sur les impacts de l'investissement direct
étranger (IDE) à l'égard de l'emploi, des salaires et des conditions de travail
dans les pays d'accueil.
Egalement dans ce numéro
Union européenne
L'Estonie fait son entrée dans l'euro
Lettre de l'OFCE
Céline Antonin et Sandrine Levasseur
L'Estonie est devenue, le 1er janvier 2011, le 17e membre de la zone euro.
L'entrée de ce pays balte dans l'Union économique et monétaire (UEM) est la
consécration de vingt années d'ancrage à l'Europe, en matière monétaire - à
travers le currency board -, en matière commerciale - les deux tiers des
exportations estoniennes sont destinées à l'Union européenne (UE) - ainsi qu'en
matière budgétaire. Si le respect des critères de Maastricht, indispensable pour
pouvoir adhérer à la zone euro, est indiscutable, le niveau de pauvreté de la
population, l'ampleur de la récession économique (- 13,9 % en 2009) et la faible
compétitivité de l'économie rendent cependant cette intégration particulièrement
périlleuse.
Temps de travail
Vie professionnelle versus vie privée : pour un nouveau modèle de
société
Cadres
Dominique Méda
De nombreuses études consacrées, en France, au temps de travail montrent qu'une
majorité d'hommes et de femmes aspire à un meilleur équilibre entre vie
professionnelle et vie familiale. Le modèle actuel d'organisation sociale
fonctionne toujours selon des principes reposant sur une spécialisation
traditionnelle des rôles qui s'effectue bien souvent, concernant les femmes, au
détriment de leur carrière. Repenser notre modèle d'organisation sociale est la
condition d'une véritable égalité professionnelle entre hommes et femmes et
permettrait d'accorder à tous la possibilité d'exercer pleinement l'ensemble des
rôles qui leur échoient.
Démographie
La population des régions françaises en 2040
INSEE Première
Olivier Léon
D'ici 2040, si les tendances démographiques actuelles se poursuivent, la France
métropolitaine comptera 71 millions d'habitants (73 millions pour la France
entière) - une augmentation de 15 % par rapport à aujourd'hui. En métropole,
l'exode vers les villes du sud et de l'ouest devrait continuer, mais le solde
migratoire des régions méditerranéennes pourrait évoluer moins rapidement qu'au
cours des vingt dernières années. En revanche, si le centre (Limousin, Auvergne)
voit une légère amélioration de sa situation, la croissance démographique au
nord et à l'est restera atone. Avec l'arrivée aux grands âges des générations du
baby-boom, le nombre de décès augmentera ; ainsi, les migrations interrégionales
façonneront les dynamiques régionales davantage que le solde naturel.
No 3015
16 mars 2011
Sud : le grand chantier de la protection sociale
La protection sociale, moteur de la croissance
Note d'orientation sur la protection sociale
OCDE
La possibilité que survienne un choc (catastrophe naturelle, maladie grave,
conflit armé, etc.) constitue pour un individu un risque qui représente un
facteur de pauvreté et de recul de la croissance. En l'absence d'un système de
protection sociale efficace, les plus déshérités adoptent ainsi, dans bien des
cas, des stratégies de survie " négatives " qui perpétuent leur état. La
vulnérabilité est par conséquent, dans les pays en développement (PED), à la
fois une cause, un symptôme et une conséquence de la pauvreté chronique,
véritable obstacle à la croissance. Seul un système de protection sociale
suffisamment développé peut permettre de rompre ce cercle vicieux. Celui-ci peut
même, en renforçant l'équité, favoriser la croissance.
Un citoyen du monde sur quatre bénéficie d'une couverture sociale
Rapport mondial sur la sécurité sociale
Organisation internationale du travail
La protection sociale revêt deux dimensions : la sécurité des revenus et l'accès
aux soins médicaux. La mesure de l'étendue de la protection sociale se fait sur
chacune des trois branches principales (soins médicaux, retraite et chômage)
définies par la norme minimum de la convention sur la sécurité sociale de 1952.
Le dernier rapport mondial sur la sécurité sociale dans le monde de
l'Organisation internationale du travail (OIT), montre que seul un tiers des
pays dans le monde - soit 28 % de la population mondiale - est doté de systèmes
de protection sociale comportant l'ensemble des branches telles que définies
dans la convention. Si, dans les pays du Sud, la couverture sociale s'étend peu
à peu, celle-ci concerne néanmoins essentiellement les employés du secteur
formel, et en particulier ceux du secteur public et des grandes entreprises.
Les balbutiements de la sécurité sociale en Chine
Finances et Développement
Steve Barnett et Nigel Chalk
La crise économique mondiale a, en réduisant considérablement le pouvoir d'achat
dans les pays avancés, tari la demande extérieure de produits chinois. Si la
relance de l'économie par la demande interne est rapidement apparue aux
autorités chinoises comme une solution sérieuse pour résoudre la crise, celle-ci
ne pouvait être mise en œuvre qu'en augmentant le pouvoir d'achat des Chinois.
Le gouvernement a ainsi décidé d'accorder une place particulièrement importante
à l'amélioration du système de sécurité sociale notamment en développant les
systèmes de retraite et de santé - le gouvernement a fixé pour objectif que 90 %
de la population soient couverts d'ici à la fin 2011 -, ce qui permettrait de
garantir un revenu minimum au plus grand nombre.
Le Brésil, laboratoire de la protection sociale au Sud
VIe conférence de l'Association internationale de sécurité sociale
Stephen Kay et Milko Matijascic
L'Amérique latine fait souvent figure, avec la mise en place, dans les années
2000, de transferts monétaires conditionnels (TMC), de véritable laboratoire en
matière de politiques sociales. Le programme brésilien bolsa família
(bourse famille) est à ce titre emblématique. Si celui-ci a contribué à réduire
de manière considérable la pauvreté au Brésil, l'étude réalisée par
l'Association internationale de sécurité sociale (ISSA) montre que son impact a
été bien moindre sur les inégalités - le pays se maintient parmi les dix Etats
les plus inégalitaires au monde. L'étude montre en effet que si les TMC sont
essentiels pour garantir un certain pouvoir d'achat, ils ne sont efficaces sur
la réduction des inégalités qu'à condition d'être accompagnés d'une augmentation
des dépenses d'éducation et de santé qui sont seules en mesure de favoriser
réellement la redistribution des revenus.
L'assurance maladie en Afrique : le Rwanda, un cas exemplaire
The New York Times / Courrier international
Donald G. McNeil Jr.
L'Afrique est la région du monde où l'assurance maladie est la moins développée.
Un pays fait toutefois figure d'exception sur le continent : le Rwanda, qui
affiche un taux de couverture de la population de 92 %. Pour 2 dollars par an et
par habitant, l'assurance maladie permet de bénéficier des soins de base pour
traiter les principales causes de maladies mortelles et d'avoir accès aux
médicaments essentiels recommandés par l'Organisation mondiale de la santé
(OMS). Mais si les dépenses de santé au Rwanda s'élèvent désormais à 307
millions de dollars par an, 53 % sont financées par l'aide étrangère, en
particulier celle des Etats-Unis.
Egalement dans ce numéro
ENVIRONNEMENT
De Stockholm à Copenhague : la lutte des ONG pour la protection de
l'environnement
Revue Tiers Monde
Sylvie Ollitrault
Les organisations non gouvernementales (ONG) ont toujours joué un rôle
fondamental dans la protection de l'environnement. Soutenues par les
institutions internationales, elles ont progressivement déployé un savoir-faire
en matière de lobbying. Déçues par les résultats obtenus à l'issue des sommets
de Stockholm en 1972 et de Rio en 1992, les ONG ont profité de la mobilisation
médiatique à l'occasion du sommet de Copenhague, en décembre 2009, pour alerter
l'opinion publique sur la situation des " réfugiés climatiques ", glissant ainsi
d'une thématique purement environnementale à une thématique humanitaire. Si,
selon les prévisions de l'Organisation des Nations unies (ONU), ces derniers
devraient être au moins 250 millions dans le monde, en 2050, l'auteur
s'interroge toutefois sur la pertinence de ce choix stratégique dans le cadre de
la lutte pour la protection de l'environnement.
MARKETING
Qu'est-ce qu'une marque de vin ?
La revue des sciences de gestion
François Bobrie
Pour le consommateur, la perception de la valeur d'un vin est un élément
essentiel de sa décision d'achat. Deux écoles de marketing s'affrontent
concernant la stratégie à adopter pour réussir cette opération de valorisation
du vin auprès des clients : l'une cherche à mettre en avant le terroir et
privilégie une forme collective d'information, l'autre opte pour une approche
par les marques en s'appuyant sur les méthodes éprouvées du " branding ".
En appliquant la sémiotique à l'analyse du développement des vins européens,
australiens, sud-africains, américains et chinois, l'auteur propose de dépasser
cet affrontement. Il en ressort que la communication autour de la valeur du vin
repose essentiellement sur la façon de mettre en histoire de nombreux signes de
qualité universels (origine, millésime, cépage, classement) et plus spécifiques
aux lieux de production.
HISTOIRE DE LA PENSEE ECONOMIQUE
Entretien imaginaire avec John Maynard Keynes
Economie appliquée
Rolande Borrelly et Ramón Tortajada
A la faveur de la crise économique mondiale, John Maynard Keynes a fait son
grand retour ! Pour relancer l'économie, les Etats ont, en effet, eu abondamment
recours aux principes du célèbre économiste britannique. Dans cet entretien
imaginaire, les réponses apportées aux questions qui sont posées au maître de
Cambridge permettent d'éclairer quelques aspects de la crise actuelle, notamment
sur la détermination du prix des actifs ou le problème monétaire international.
Les réponses inspirées de ses principaux ouvrages, de ses articles, de ses
rapports et de sa correspondance viennent nous rappeler en particulier tout
l'intérêt pour les économistes de ne pas être sourds aux leçons de l'histoire.
No 3016
30 mars 2011
La finance mondiale après la crise
Les Etats otages des banques
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Philippe Plickert
La crise des subprimes a rappelé, une fois encore, combien l'activité
bancaire pouvait être risquée. Tout d'abord, parce qu'à partir d'une certaine
taille, les banques représentent un risque systémique qui leur permet de
bénéficier d'une garantie implicite de la part des autorités publiques, le
fameux " too big to fail ". Ensuite, parce que le sauvetage
d'établissements financiers très lourdement endettés, compte tenu du montant des
capitaux mobilisés, peut constituer à terme une menace pour la stabilité des
finances publiques des pays concernés. Les Anglo-Saxons emploient l'expression "
too big to save. " pour décrire cette situation. Malgré l'assainissement
en cours du secteur bancaire, la menace potentielle que représentent les banques
systémiques demeure, faute de solution satisfaisante concernant la gestion et la
prise en charge de ce risque. Parmi les réformes envisageables, celle qui
consisterait à travers l'instauration d'une taxe bancaire à obliger les banques
à partager les coûts engendrés par leur sauvetage, séduit de plus en plus
économistes et gouvernements.
Re-réglementation financière : un défi transatlantique
Revue d'économie financière
Jacques Mistral
La crise financière de 2007-2009 aura un impact durable sur la réglementation
bancaire et financière. Tel était le vœu formulé par les chefs d'Etat et de
gouvernement lors du premier sommet du G20, organisé en pleine tourmente, le 15
novembre 2008, à l'initiative du président de la République, Nicolas Sarkozy, et
de l'ancien Premier ministre britannique, Gordon Brown. Mais au fil des réunions
et conférences internationales, les Etats ont semblé de moins en moins enclins à
se mettre d'accord sur l'ampleur des réformes à mener. La convergence
internationale des réglementations est difficile à réaliser pour plusieurs
raisons : l'absence de leadership au niveau mondial, la divergence des
situations économiques, etc... Le principal défi est de mettre en œuvre des
réformes praticables, car en l'absence d'institutions supranationales pouvant
légitimement instaurer de nouvelles règles juridiques internationales, tout
accord doit être ratifié par les Parlements nationaux. Le modèle à suivre est,
selon l'auteur, celui de la nouvelle supervision bancaire (Bâle III), adoptée
récemment, qui constitue à ses yeux une tentative réussie de convergence des
réglementations bancaires nationales.
Bâle III : quels effets pour les banques ?
Finances et Développement
Inci Ötker-Robe et Ceyla Pazarbasioglu
Bâle III est la principale réforme mise en œuvre depuis la crise de 2007-2009.
Cette nouvelle réglementation bancaire, adoptée au sommet de Séoul en novembre
2010, renforce les règles internationales en matière de fonds propres et de
liquidités. Les banques doivent également composer avec Solvancy II, ainsi
qu'avec d'autres réglementations nationales. Les établissements qui sont les
plus concernés sont les banques d'investissement, et, au niveau régional, les
banques européennes et nord-américaines. Quels seront les coûts de cette
nouvelle réglementation pour les investisseurs ? Quel en sera l'impact sur le
système financier ? Ces questions restent aujourd'hui sans réponse. Une
évolution probable est que les banques cherchent à transférer certaines de leurs
activités à risque vers le " système bancaire parallèle ", moins réglementé.
Le " central banking " après la crise
Analyses économiques - CAE
Jean-Paul Betbèze, Christian Bordes, Jézabel Couppey-Soubeyran et Dominique
Plihon
En réaction à la crise économique et financière de 2007-2009, les banques
centrales, partout dans le monde, ont pris des mesures d'une ampleur inédite
depuis la crise des années 1930. Cet élargissement de leurs activités
s'accompagne d'un certain nombre d'interrogations. Si les économistes et les
banquiers centraux sont tous d'accord sur le fait que les banques centrales
n'ont pas été suffisamment attentives à la stabilité financière, ils divergent
quant à la meilleure manière d'articuler la politique monétaire et les mesures
de stabilité financière. L'analyse d'une enquête concernant ces questions menée
auprès d'économistes et de responsables de politique monétaire fait ainsi
apparaître des clivages importants. Les désaccords portent sur le principe de la
séparation entre les deux politiques et sur les modalités de leur gouvernance.
La stabilité financière peut-elle devenir un bien public mondial ?
Economie et management
Dominique Plihon
Aborder la stabilité financière à travers la notion de bien public mondial
présente un double intérêt. D'abord, celle-ci permet d'expliquer l'absence de
stabilité financière par l'échec des marchés (l'instabilité financière est à
l'origine d'externalités négatives qui ne sont pas prises en compte par les
agents économiques), ensuite, elle offre un cadre très précis pour réfléchir aux
réformes qui amélioreront la stabilité des marchés financiers. C'est donc
l'architecture internationale du système monétaire et financier qui doit être
réformée dans son ensemble. L'objectif serait de mettre en place une
organisation fédérale supranationale qui parvienne à combler les trois déficits
actuels du système : juridictionnel, de participation et d'incitation.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ECONOMIES ETRANGERES
Espagne, de la grande expansion à la crise
Accomex
Julian Pérez
Considérée, au cours des années 2000, comme l'une des économies les plus
dynamiques de l'Union européenne (UE) en raison de sa forte croissance (3,2 %
par an en moyenne de 1992 à 2007), l'Espagne - qui a subi de plein fouet la
crise économique et financière de 2007-2009 - se retrouve aujourd'hui en grande
difficulté. Nombreux sont ceux qui voient même le pays faire défaut sur sa dette
ou sortir de la zone euro. La crise qui a frappé l'économie espagnole s'est
produite en trois temps : d'abord une hausse des taux d'intérêt, puis
l'effondrement du marché des capitaux et enfin l'augmentation de la dette
souveraine mettant un terme au " miracle espagnol ". Si l'on se projette
toutefois à plus long terme, l'économie espagnole devrait, en investissant dans
les secteurs porteurs comme l'énergie verte, la santé et le tourisme, renouer
avec la croissance.
CULTURE
Le cinéma est-il un bien de luxe ?
Revue d'économie politique
Sophie Ragot
Si le cinéma était encore, au cours de la période d'Après-guerre, un loisir
populaire, l'évolution du prix des places et des revenus à laquelle s'ajoute
l'apparition de produits culturels concurrentiels, comme la télévision et la
vidéo, ont petit à petit fait du cinéma un produit de luxe. Les élasticités-prix
et revenu - qui mesurent l'impact de l'évolution de ces variables sur la demande
- calculées par l'auteur dans son étude économétrique consacrée à la France,
confirment en effet cette évolution. Ainsi, en 2005 (date de la fin de l'étude),
le public des salles de cinéma est plutôt jeune - 47,5 % des personnes
concernées ont moins de 24 ans -, instruit, urbain et issu des catégories
socioprofessionnelles (CSP) supérieures.
DEVELOPPEMENT
Microfinance : le temps de la maturité ?
Mondes en Développement
Marc Labie, Michel Lelart et Thierry Montalieu
Alors que la Banque centrale du Bangladesh vient récemment - semble-t-il, pour
des motifs politiques - de démettre Muhammad Yunus, l'inventeur du microcrédit,
de ses fonctions à la Grameen Bank et que le secteur de la microfinance est
touché par un certain nombre de scandales, notamment en Inde, les chercheurs en
économie du développement ont désormais suffisamment de recul pour évaluer
l'impact en termes de développement de plusieurs décennies de pratique de la
microfinance. Celle-ci n'est plus, en effet, considérée comme un objet de
curiosité et a intégré, depuis longtemps, la palette des instruments économiques
mobilisés dans le cadre des programmes de la lutte contre la pauvreté. De
l'analyse de son fonctionnement et des résultats obtenus, tant au niveau
microéconomique que macroéconomique, il ressort une image plutôt contrastée et,
force est de reconnaître, qu'à ce stade de son développement, les questions
demeurent toujours plus nombreuses que les réponses.
No 3017
13 avril 2011
Compétitivité : la France décroche-t-elle ?
Les 35 heures ont-elles nui à la compétitivité de la France ?
LExpansion.com
Emilie Lévêque
En France, le débat sur la perte de compétitivité du pays, en particulier
vis-à-vis de l'Allemagne, a été, au début de l'année 2011, relancé par la
publication d'une étude de l'Institut COE-Rexecode qui estime que la baisse de
la durée légale du travail, instituée il y a une douzaine d'années, serait l'une
des principales causes du décrochage compétitif français. Si la durée annuelle
du travail ou la productivité des Français ne semblent pas réellement en cause,
le coût du travail est considéré comme le facteur clé qui expliquerait l'écart
de compétitivité franco-allemand. Faut-il pour autant en rendre uniquement
responsables les 35 heures ? Dans les faits, la hausse du Smic horaire induite
par l'application des lois Aubry a été compensée par des allègements de charges
sur les bas salaires et une modération salariale pendant plusieurs années pour
les autres salariés, mais celle-ci a été moins forte qu'outre-Rhin.
Compétitivité : pourquoi la France a un problème
Télos
Elie Cohen
Depuis trente d'ans, la France voit s'éroder progressivement ses parts de marché
à l'export, de 6 % en 1980 à 3,8 % en 2010. Ce décrochage compétitif porte sur
tous les secteurs et concerne toutes les régions du monde. Il ne s'explique pas
uniquement par la montée en puissance des pays émergents puisque la France perd
également du terrain au sein de la zone euro et que la perte de compétitivité
est particulièrement marquée vis-à-vis de l'Allemagne, qui, elle, maintient sa
position traditionnelle au sein du commerce mondial. L'effondrement du commerce
extérieur français s'est accompagné d'une importante désindustrialisation :
l'industrie ne représente plus en effet que 13 % de la valeur ajoutée en France
contre 29 % outre-Rhin. L'accent mis sur les coûts salariaux apparaît excessif
puisque les raisons du décrochage de la France sont multiples. Un regain de
dynamisme du commerce extérieur français passe, aujourd'hui, par une
amélioration tant des éléments de compétitivité hors coûts comme l'innovation,
la créativité, la montée en gamme des produits exportés que des éléments de
compétitivité coûts.
Quelles sont les clés de la productivité ?
Alternatives économiques Poche
Arnaud Parienty
La hausse de la productivité du travail est la meilleure manière d'augmenter le
niveau de vie d'une population. Or, les gains de productivité n'ont cessé depuis
quelques années de ralentir dans la zone euro, notamment en France. Dans le
débat sur la perte de compétitivité de l'économie française, les statistiques de
productivité sont donc particulièrement utiles. L'auteur revient, ici, sur les
différentes notions de productivité, les problèmes posés par sa mesure, ainsi
que sur la difficulté d'établir des comparaisons internationales pertinentes.
L'écart de productivité entre les Etats-Unis et la zone euro continue de
se creuser
La Lettre du CEPII
Michel Fouqin
Entre 1950 et 1970, les niveaux de productivité du travail ont convergé entre
les Etats-Unis et les pays d'Europe de l'Ouest et le Japon. Ce processus s'est
ensuite peu à peu atténué pour s'interrompre complètement à partir du milieu des
années 1990. Le développement à cette date outre-Atlantique des technologies de
l'information et de la communication (TIC) explique en partie l'accélération de
la croissance de la productivité du travail, tandis que celle-ci ralentit en
Europe et au Japon. Une autre raison essentielle de la divergence tient au
changement de l'intensité du contenu en emplois de la croissance. Alors que ce
dernier diminue nettement aux Etats-Unis, il augmente de façon sensible en
Europe permettant de réduire, avant la récente crise, le chômage de masse. En
France, par rapport à la décennie 1980, la croissance du taux d'emploi
s'accélère ainsi de 0,36 point après 1995.
Comment améliorer la productivité de la France ?
Economie et statistique
Philippe Aghion et al.
Les gains de croissance de la productivité et donc de croissance potentielle
sont un enjeu majeur pour certains pays industrialisés, principalement
européens, parmi lesquels la France. Une étude menée sur un échantillon de
dix-sept pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE) sur la période 1985-2003 montre que la mise en œuvre de politiques
publiques visant à élever le niveau de formation de la population en âge de
travailler et à réduire simultanément les rigidités sur les marchés des biens et
du travail rendrait cet objectif atteignable. Pour ce qui est de la France, le
rattrapage des performances des Etats-Unis concernant la formation supérieure de
la population et le niveau des rigidités croisées sur les marchés des biens et
du travail permettrait un gain de croissance annuelle de la productivité globale
des facteurs (PGF) respectivement de 1 point et de 0,4 point.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
PHILANTHROPIE
Des Brésiliens bien peu philanthropes !
Veja
Luís Guilherme Barrucho
La mondialisation, en favorisant, au cours des dernières décennies,
l'augmentation rapide du nombre de grandes fortunes, a entraîné la
transformation de la philanthropie traditionnelle : le philanthro-capitalisme
est aujourd'hui la forme dominante notamment aux Etats-Unis où celle-ci est
devenue monnaie courante - Bill Gates et Warren Buffet en sont les représentants
les plus médiatiques. En revanche, celle-ci reste, dans nombre de pays, peu
développée. C'est le cas en particulier au Brésil où la part consacrée aux
donations dans le produit intérieur brut (PIB), 0,3 %, se situe bien en-deçà de
la moyenne de l'Amérique latine. La fiscalité, particulièrement peu incitative,
serait, selon l'auteur, la principale cause de la faible inclination des
Brésiliens pour le don. En outre, et contrairement aux Etats-Unis, les
philanthropes brésiliens négligent particulièrement le financement de
l'enseignement supérieur laissant les universités dépendre totalement des
subventions publiques.
TRANSPORTS
Transport maritime : entre globalisation et développement durable
Etudes
Cyrille P. Coutansais
Le transport maritime qui assure 90 % du transit commercial mondial joue un rôle
central dans la globalisation. Il a connu un essor considérable depuis les
années 1950 : le tonnage mondial a été multiplié par cinq, la productivité par
dix tandis que le coût réel du transport a été divisé par trois ou quatre. Quant
au tonnage transporté, il est passé en quarante ans en volume de 2 566 millions
de tonnes à 6 170. Au cours des dernières décennies, le déplacement du centre de
gravité de l'économie mondiale vers l'Asie a bouleversé le système océanique
mondial, ainsi que la hiérarchie des ports : la première voie d'échange est,
depuis 1983, l'axe transpacifique et parmi les quatre premiers ports figurent
Singapour, Shanghai, Hong Kong et Shenzhen. La dimension environnementale est,
aujourd'hui, en raison des problèmes liés au réchauffement climatique à
l'origine des changements les plus importants dans ce secteur.
MARCHE DU TRAVAIL
Les secteurs créateurs d'emplois à court-moyen terme après la crise
La note d'analyse du CAS
Maxime Liégey et Cécile Jolly
Compte tenu de l'ampleur du choc conjoncturel de 2008-2010, la relative bonne
tenue de l'emploi pendant la crise, notamment par rapport aux prévisions
initiales, a surpris. Il est cependant à craindre que la reprise ne soit que
faiblement créatrice d'emplois. Toutefois, les résultats d'un travail de
prévision, réalisé par le Centre d'analyse stratégique (CAS), mettent en
évidence - outre le rebond mécanique des secteurs exposés au commerce
international comme notamment celui du manufacturier - de forts potentiels de
création d'emplois dans le secteur du commerce ou de l'hôtellerie, les services
à la personne, ainsi que dans certaines filières vertes.
No 3018
13 avril 2011
Numéro spécial : Douze dilemmes de l'économie d'après-crise
Finance mondiale
Banques : utiles ou nocives à l'économie ?
Revue d'économie financière
Georges Pauget et Dhafer Saïdane
La crise financière de 2007-2009 s'ajoute à une longue liste de crises dont le
coût est chaque fois plus élevé. Celle des subprimes aurait ainsi coûté
près de 1 000 milliards de dollars. Cette crise dont les banques portent une
part importante de responsabilité a conduit à s'interroger sur le rôle et les
pratiques de l'industrie bancaire. Depuis, les affaires ont repris et les
banques renouent avec les bénéfices, sans pourtant mettre fin à la perte de
confiance entre elles, les usagers et les autorités réglementaires. Afin
d'appréhender la complexité de l'activité bancaire, les auteurs proposent de
revenir sur les origines du métier de banquier et sur ses diverses mutations. Ce
détour permet de rappeler le besoin d'établir un nouveau contrat de confiance
entre le public et la banque, basé sur l'utilité sociale de cette dernière et
son rôle structurant dans nos sociétés. Le nouveau paradigme bancaire devra
ainsi être centré sur la croissance, la maîtrise des risques et la gouvernance.
Vers un régime monétaire multipolaire : le meilleur ou le pire des
scénarios ?
La Lettre du CEPII
Agnès Bénassy-Quéré et Jean Pisani-Ferry
La réforme du système monétaire international (SMI) figure en bonne place à
l'agenda du G20, dont la France assure la présidence pour un an. L'hégémonie du
dollar est remise en cause depuis de nombreuses années et la crise de 2007-2009
a encore renforcé la défiance à l'égard du billet vert. Les mutations de
l'économie mondiale actuellement à l'œuvre plaident pour l'avènement d'un
système monétaire multipolaire reposant sur le dollar, le renminbi et l'euro. Ce
nouveau régime pourrait gommer certaines imperfections du (non-) système
monétaire international actuel, mais il est également susceptible d'en exacerber
d'autres comme la volatilité des taux de change ou le risque de " guerre des
monnaies ". Avec un tel système, certaines questions resteraient de plus sans
réponse, comme celle concernant la fourniture de liquidité mondiale. Selon les
conditions de sa mise en œuvre, un régime monétaire multipolaire pourrait ainsi
s'avérer le meilleur comme le pire des scénarios.
Politique monétaire
De la peur de la déflation au risque d'inflation
L'Expansion Management Review
Ulrich Pidun, Daniel Stelter et Katrin van Dyken
La crainte d'une récession à double creux (double dip) de l'économie
américaine a longtemps alimenté les rumeurs d'une possible déflation qui
frapperait de nombreux pays développés. Mais le spectre d'un scénario à la
japonaise semble désormais s'éloigner. A l'inverse, l'environnement économique
actuel constitue pour certains un parfait terreau pour un retour de l'inflation
: une politique monétaire laxiste de certaines banques centrales qui a gonflé la
base monétaire et un niveau élevé d'endettement des Etats que ces derniers
pourraient être tentés de réduire par l'inflation. Le dernier épisode
inflationniste traversé par un grand pays avancé a été la " grande inflation "
américaine entre 1965 et 1985. Si, aujourd'hui, la menace semble moins immédiate
qu'en cas de déflation, les auteurs suggèrent néanmoins de sý préparer car le
phénomène aurait sans doute un impact fort sur la compétitivité économique à
long terme.
Banques centrales entre stimulation monétaire et stabilité financière
Commentaire
Jacques De Larosière
Les banques centrales ont pour rôle de réglementer et de superviser les
opérations des différentes banques. Elles veillent à la solvabilité à l'égard
des déposants et surveillent la production de monnaie. Pour assurer ces
missions, elles s'appuient sur la réglementation et la politique monétaires. La
théorie économique considère également qu'elles ont un rôle à jouer en matière
de régulation du taux de croissance et de l'inflation. Ces deux axes de l'action
des banques centrales peuvent les conduire à un dilemme : si leur soutien à la
croissance dure trop longtemps, le risque est de voir se former des bulles ; si,
à l'inverse, elles se fixent comme seul objectif de prévenir l'inflation, le
risque encouru cette fois est d'étouffer l'activité. La crise de 2007-2009 a
illustré ce dilemme, d'abord en ce qui concerne les origines de la crise, puis
dans la phase de sortie. Le défi posé aux banques centrales sera, semble-t-il,
de parvenir à mieux concilier à l'avenir la politique monétaire et les mesures
visant à garantir la stabilité financière.
Dette
Endettement : atout ou fardeau ?
The Economist
Il est particulièrement difficile pour la science économique de déterminer si un
phénomène aura à terme un effet positif ou négatif sur la croissance. Ainsi, bon
nombre de comportements économiques peuvent être, à certains moments, considérés
comme des atouts pour la croissance et à d'autres comme des fardeaux. C'est le
cas notamment de l'endettement privé. Considéré comme un facteur de croissance,
il a été fortement encouragé jusqu'au milieu des années 2000. Puis, le modèle de
croissance financé par la dette ayant atteint, avec la crise, ses limites, il
est finalement devenu un fardeau.
Réduire la dette sans freiner l'activité économique
Finances et Développement
Emanuele Baldacci, Sanjeev Gupta et Carlos Mulas-Granados
La crise économique mondiale a entraîné, dans de nombreux pays, une augmentation
très importante de la dette publique, ce phénomène étant plus marqué dans les
économies avancées. Dans ces dernières, elle pourrait atteindre en moyenne 108 %
du produit intérieur brut (PIB) en 2015, soit 35 points de plus qu'à la fin de
2007. Les seuils de 60 % du PIB pour les pays avancés et de 40 % pour les pays
émergents, sont en général retenus comme le degré d'endettement souhaitable pour
assurer la viabilité budgétaire. L'expérience montre qu'après une crise
bancaire, l'allègement de la dette prend du temps. Cette fois, il sera
particulièrement difficile de la réduire car le redressement doit s'effectuer
dans un contexte d'accentuation généralisée du risque, d'instabilité accrue des
marchés financiers et d'affaiblissement de la demande. Les gouvernements vont
devoir se livrer à un dosage délicat entre diminution des dépenses non
prioritaires et augmentation des recettes fiscales. Il leur faut concevoir des
stratégies de réduction de la dette publique qui soient crédibles et ne mettent
pas en péril la croissance.
Croissance
Relance ou rigueur ?
The Economist
Selon de récentes études menées par les universités Harvard et de Singapour, le
taux de croissance moyen des pays membres du G7 devrait, en tenant compte des
tendances démographiques et de productivité actuelles, être de 1,45 % par an au
cours de la prochaine décennie, soit un taux inférieur à celui de la période qui
a suivi l'Après-guerre. Comment, dans ces conditions, relancer la croissance ?
Les Etats-Unis et l'Union européenne (UE) ont choisi deux options très
différentes. Conscients que l'austérité budgétaire risque de menacer à court
terme une reprise encore très fragile, les Américains ont adopté une solution
keynésienne en choisissant de stimuler l'activité. Les Européens, davantage
préoccupés par la réduction des déficits et des dettes publics, ont engagé, eux,
des politiques d'austérité en espérant qu'avec le retour de la confiance et des
finances publiques assainies, la croissance sera au rendez-vous.
Montée des émergents ou déclin de l'Occident ?
Perspectives du développement mondial 2010
OCDE
La résilience du monde en développement face à la pire crise financière de
l'Après-guerre a révélé la vigueur de l'activité économique en dehors des
principaux pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE). Depuis plus de dix ans, le taux de croissance des pays en développement
dépasse celui des économies avancées. Une nouvelle géographie de la croissance
se dessine, faisant progressivement basculer le centre de gravité de l'économie
mondiale vers l'Asie émergente. Le clivage traditionnel entre Nord et Sud
devient également de moins en moins pertinent dans un monde qui se multipolarise
et dans lequel le Sud est de plus en plus hétérogène. Pour de nombreux
observateurs, ce basculement de la richesse est perçu comme le signe
avant-coureur du déclin de l'Occident mais pour d'autres, une prospérité accrue
du monde en développement peut à terme bénéficier autant aux pays riches qu'aux
pays pauvres.
Economique et social
Chômage : agir ou se résigner ?
Finances et Développement
Mai Chi Dao et Praksah Loungani
La crise financière a débouché sur une crise de l'emploi : au niveau mondial, le
nombre total de chômeurs est estimé à 210 millions, soit 30 millions de plus
qu'avant la crise. Certes, la reprise est là, mais elle est dans la plupart des
pays faiblement créatrice d'emplois. Dans un premier temps, l'action des
autorités publiques a consisté à soutenir la demande globale, à favoriser le
chômage partiel et à subventionner l'embauche. Mais plus la crise s'éloigne,
plus l'endettement public devient un souci majeur, tandis que les marges de
manœuvre pour lutter contre le fléau du chômage diminuent. Son coût social se
fait ainsi de plus en plus sentir. Il comprend non seulement la perte du revenu,
mais entraîne aussi des coûts secondaires comme le déclassement scolaire et
économique des enfants des familles concernées. Doit-on aujourd'hui se résigner
à vivre avec un certain volant de chômage ou existe-t-il encore des moyens de
lutter contre " la tragédie du chômage ", notamment le chômage de longue durée ?
Les Etats providence dans les pays riches : converger ou disparaître
Sciences Humaines
Entretien avec Gøsta Esping-Andersen
Gøsta Esping-Andersen a, dans son ouvrage Les trois mondes de l'Etat
providence publié en 1990, établi une typologie de l'Etat providence selon
laquelle il existe trois modèles de protection sociale dans les pays riches :
anglo-saxon, nordique et d'Europe continentale. Si le marché est central dans le
premier modèle, le secteur public universaliste constitue la caractéristique
principale du deuxième. Le troisième est davantage hybride : l'Etat y est en
effet dominant mais la famille y détient un rôle très important. Vingt ans après
l'établissement de cette typologie, il s'avère qu'en dépit de réformes
incessantes, les différents types d'Etat providence se sont révélés très
stables. Ces derniers n'ayant, en outre, que très peu convergé. L'Etat
providence est-il ainsi amené à disparaître ou un modèle peut-il au contraire
s'imposer dans les pays riches ?
Gouvernance
Zone euro : solidarité ou éclatement ?
Sociétal
Christian de Boissieu
En 2010, la crise financière a débouché sur une crise de la dette souveraine,
notamment dans la zone euro. Celle-ci qui trouve son origine dans d'importants
déséquilibres économiques et financiers, pourrait conduire in fine à
l'éclatement de la zone. C'est pour cette raison que les chefs d'Etat et de
gouvernement des pays membres ont fait le choix de renforcer la solidarité
financière, mais également la gouvernance européenne, se conformant ainsi à la
tradition qui veut que la gouvernance de l'Union européenne (UE) ne se renforce
qu'à l'occasion de crises graves. Néanmoins, cet effort de solidarité ne va pas
résoudre certains problèmes comme celui de l'hétérogénéité de la zone euro. Au
sein de celle-ci, des intérêts antagonistes coexistent : certains pays aspirent
à davantage d'harmonisation et de convergence, quand d'autres souhaitent plus de
concurrence et de spécialisation. L'histoire récente témoigne de la difficulté
qui en découle : à deux reprises - d'abord lors de l'inauguration du Marché
unique, ensuite, lors de l'introduction de l'euro -, on a surestimé la force de
convergence des nouvelles institutions au risque de mettre en péril le projet
européen.
G20 ou G0 ?
Foreign Affairs
Ian Bremmer et Nouriel Roubini
La crise économique et financière de 2007-2009 est venue rappeler combien il
était important d'ériger des règles communes de gouvernance mondiale. Il existe
déjà un certain nombre d'organisations internationales qui permettent de définir
des systèmes de régulation, communs à l'ensemble des Etats. Mais ces instances
éprouvent souvent beaucoup de difficultés à mettre tous les participants
d'accord. Le G20, forum international qui rassemble les vingt pays les plus
riches de la planète, cherche depuis la crise à assurer le leadership en matière
de gouvernance mondiale. Mais, notamment en raison de la multiplication des
objets de litiges (monétaires, budgétaires, commerciaux, etc.) ainsi que de
l'hétérogénéité des pays membres, il semble dans l'incapacité de véritablement
jouer ce rôle.
No 3019
11 mai 2011
Matières premières : un défi pour la croissance
L'indispensable partage face à la menace de pénurie
Le Monde Economie
Martin Wolf
La croissance des pays émergents, notamment en Asie, engendre des besoins
énergétiques qui représentent une rupture de tendance par rapport à la fin du
XXe siècle : d'ici à 2035, la demande primaire globale d'énergie pourrait
augmenter de 50 %. Jusqu'ici, l'essor des pays émergents était bénéfique à tous
: aux importateurs de produits à haute valeur ajoutée comme aux exportateurs de
ressources naturelles. Celui-ci a engendré une certaine prospérité et offert de
nouvelles opportunités. Mais à l'avenir, si l'humanité ne parvient pas à
maîtriser la pression que ces mutations exerceront sur les ressources
naturelles, la croissance des puissances émergentes risque de se traduire par un
jeu à somme nulle, voire négative. Au-delà du progrès technologique qui pourrait
permettre de surmonter cette nouvelle rareté des ressources naturelles, il
faudrait également atteindre un niveau de coopération politique infiniment plus
élevé que celui qui ayant cours aujourd'hui.
Volatilité des prix de matières premières : à qui la faute ?
La Note d'analyse du CAS
Johanne Buba et Maxime Liegey
Les volumes traités sur les marchés des matières premières ont considérablement
augmenté depuis les années 2000, en particulier sur les marchés de gré à gré. En
parallèle, on a assisté à une financiarisation accrue du secteur avec une
explosion du nombre de contrats futures et d'options sur les matières
premières. Compte tenu du fait que les matières premières représentent des
inputs incontournables pour l'économie réelle, l'évolution des prix sur ces
marchés fait l'objet d'une attention toute particulière. Ainsi, savoir si la
spéculation joue un rôle important sur les marchés des matières premières est
devenu une priorité pour les pouvoirs publics. Les auteurs analysent le cas de
la hausse des prix de la période 2007-2008 et concluent que celle-ci s'explique
par l'évolution des fondamentaux du marché. Les données disponibles à ce sujet
sont malheureusement loin d'être exhaustives. Afin d'instaurer davantage de
transparence et de permettre un meilleur fonctionnement de ces marchés, il
faudrait mettre en place un système de régulation qui soit mieux à même de
prévenir l'emballement des cours.
La gestion stratégique des ressources minérales : vers le développement des
oligopoles ?
Responsabilité et environnement - Annales des Mines
Patrice Christmann et Bruno Martel-Jantin
Pendant longtemps, la majorité des acteurs politiques et économiques n'ont prêté
que peu d'attention à l'industrie minérale et à la sécurité des
approvisionnements en métaux. En Europe, certains pays ont même manifesté un
large désintérêt pour ces questions. Cependant, sous l'effet de l'accroissement
démographique mondial et de l'essor rapide des pays émergents, la question de la
rareté est de retour et les ressources minérales redeviennent une priorité.
D'ici à 2050, l'accès à ces dernières constituera même un défi stratégique
majeur. L'industrie minérale mondiale doit, elle, faire face à un nombre
croissant d'enjeux et de risques, liés à des coûts d'investissement et
d'exploitation en augmentation, qui peuvent augurer un renforcement du niveau de
la concentration dans ce secteur.
Terres rares : l'inquiétant monopole chinois
Ifo-Schnelldienst
Jutta Albrecht et al.
Les terres rares sont un groupe de métaux aux propriétés chimiques
particulières. On les trouve généralement sous forme d'oxyde dans des minerais
peu courants. Paradoxalement, elles ne sont pas si rares - en termes absolus,
l'or est par exemple beaucoup plus rare - mais elles ne sont présentes qu'en de
très faibles concentrations, de sorte que leur exploitation nécessite
l'extraction de quantité très importantes de terres. Face à des coûts
d'exploitation élevés, l'Occident a progressivement cessé d'exploiter les terres
rares, au profit de la Chine qui assure aujourd'hui plus de 95 % de la
production mondiale. Ceci confère à l'Empire du Milieu une position stratégique
très importante, car ces matières premières sont indispensables à la fabrication
de nombreux produits technologiques, comme les alliages des moteurs électriques,
les générateurs d'éoliennes offshore, les disques durs des ordinateurs,
les panneaux photovoltaïques, etc. La Chine a déjà commencé à restreindre
l'exportation de terres rares - elle en est également le plus grand consommateur
et en a besoin pour son propre développement -, obligeant les pays occidentaux à
relancer dans l'urgence l'exploration.
Est-il possible de découpler le lien croissance/matières premières ?
Futuribles
Françoise Grosse
Au rythme actuel de leur exploitation, les ressources naturelles risquent d'être
rapidement épuisées. Rendre le développement soutenable nécessite donc de
dissocier la croissance économique de la consommation effrénée de ces dernières.
Une solution avantageuse serait de développer le recyclage. Mais il faut
cependant bien distinguer le taux de recyclage apparent du taux réel. L'auteur
montre que ce procédé ne fait finalement que retarder les échéances. L'économie
circulaire ne saurait donc à elle seule constituer une solution miracle. Il
faudrait aller beaucoup plus loin et réduire très fortement la quantité de
matériau utilisée par unité produite. Outre l'innovation et le progrès
technologique, l'économie de la fonctionnalité qui permet d'optimiser les usages
des produits représente une alternative prometteuse.
EGALEMENT DANS CE NUMERO
ENTREPRISES
Le patron de PME, ou le syndrome de Peter Pan
La Gazette de la société et des techniques
Benjamin Bertrand, Philippe Bodénez et Étienne Hans
Les petites et moyennes entreprises (PME) sont souvent considérées comme les
réserves de croissance les plus substantielles, notamment en raison de leur
potentiel de réactivité et d'innovation. Cette image repose sur une
représentation du dirigeant de PME ayant pour objectif principal d'œuvrer à
cette croissance. La Confédération générale du patronat des petites et moyennes
entreprises (CGPME) définit le patron de PME comme celui qui engage dans son
entreprise tout son avoir financier pour y exercer des fonctions réelles et
uniques de responsabilité et de gestion, mettant en jeu son savoir et son
honneur. Une étude réalisée à l'Ecole nationale des Mines de Paris, montre
cependant une tout autre réalité : celle de dirigeants atteints du syndrome de
Peter Pan, un complexe les empêchant de se considérer comme contribuant à la
croissance économique.
HISTOIRE DE LA PENSEE ECONOMIQUE
John Rawls ou le libéralisme équitable
Sciences Humaines
Julien Damon
Grand théoricien du contrat social, John Rawls a connu un succès considérable
avec la publication, en 1971, de son ouvrage principal Théorie de la justice.
Libéral et égalitariste, il a sans cesse cherché une coexistence harmonieuse
entre efficacité économique et justice sociale. Une société devrait, selon lui,
assurer l'égale liberté des uns et des autres et répartir de manière équitable
les " biens premiers " comme le droit de vote. Ainsi, si les inégalités
pouvaient profiter aux plus désavantagés, celles-ci devraient être considérées
comme légitimes. Cette conception libérale et égalitaire, typiquement
rawlsienne, a, par la suite, permis de légitimer l'instauration, dans les pays
avancés, de minima sociaux comme le revenu minimum d'insertion (RMI), créé en
France en 1988.
EMPLOI
Pourquoi un chômage plus long à Paris ?
Connaissance de l'emploi
Yannick L'Horty et Florent Sari
Longtemps Paris s'est distinguée par son marché du travail très dynamique. La
capitale attire pour cette raison de nombreux provinciaux à la recherche d'un
emploi. Toutefois, une étude ciblée sur le sort des chômeurs de longue durée
montre que cette ville présente aujourd'hui un risque particulier pour les
sans-emploi : le chômage de longue durée y est supérieur à celui que connaissent
les autres Franciliens. Géographiquement, le phénomène concerne surtout
Paris-intra-muros et la petite couronne. Au-delà d'un effet de composition,
l'inadéquation entre les emplois offerts à Paris et les qualifications des
chômeurs qui y résident serait un des facteurs explicatifs de ce phénomène.
La
désindustrialisation
française :
un état des
lieux
Flash
économie -
Natixis
Patrick
Artus
La France,
comme
beaucoup
d’autres
pays,
connaît une
désindustrialisation
continue. Ce
processus
s’est
accentué ces
dernières
années : le
secteur
industriel
ne
représente
plus que 12
% de
l’emploi
total en
2011, contre
16 % en
1999, ce
recul
s’accompagne,
en outre,
d’une
diminution
des parts de
marché dela
France dans
le commerce
mondial. Les
causes de la
désindustrialisation
sont
multiples :
faiblesse de
la demande
intérieure
orientée
vers les
produits
industriels,
délocalisations,
positionnement
en milieu de
gamme (d’où
une plus
forte
sensibilité
aux coûts de
production),
fiscalité
défavorable,
difficultés
à recruter
des salariés
(surtout
jeunes)
ayant des
formations
scientifiques,
etc. La
plupart de
ces facteurs
représentant
des
tendances
lourdes et
difficiles à
inverser à
court terme.
L’industrie
française vue
d’Allemagne
Handelsblatt
Florian
Brückner
Les facteurs
à même
d’expliquer
le déclin de
l’industrie
française
sont
nombreux.
Vus
d’Allemagne,
ils se
résument
néanmoins à
un
principal
handicap :
le faible
nombre
d’entreprises
de taille
moyenne, le
Mittelstand
comme on les
qualifie
outre-Rhin.
Si la France
et
l’Allemagne
disposent
d’un
effectif
total
d’entreprises
à peu prêt
égal, leurs
profils sont
très
différents :
la France
compte
nettement
plus
d’entreprises
d’une
personne et
surtout
moins de
firmes de
taille
intermédiaire
(entre 50 et
500
employés),
réputées
être très
dynamiques
et
créatrices
d’emplois.
Par
ailleurs, si
de nombreux
Mittelständler
allemands
relèvent du
secteur
manufacturier,
les Français
sont plus
présents
dans les
services,
l’artisanat,
le commerce
et la
gastronomie.
La
construction
automobile :
une
comparaison
France-Allemagne
Rapport
d’information
du Sénat
Alain
Chatillon
L’automobile,
qui occupe
une place de
premier plan
parmi les
secteurs
industriels,
est
révélateur
des
différences
profondes
qui séparent
la Franceet
l’Allemagne.
Globalement,
l’industrie
automobile
allemande se
caractérise
par un poids
plus
important,
une
spécialisation
plus intense
et des
performances
supérieures
à ceux
enregistrés
dans ce
secteur en
France. Au
total,
l’Allemagne
produisait,
en 2007,
5,7 millions
de
véhicules,
contre 2,5
millions en
France. La
récente
crise
financière
et
économique a
encore
accentué ce
décalage :
tandis que
la
production
allemande
dépasse
celle de
l’avant-crise,
l’industrie
automobile
française
s’essouffle.
La
modération
salariale en
vigueur en
Allemagne
est souvent
citée pour
expliquer le
dynamisme
industriel
dans ce
pays.
Cependant,
ce qui joue
beaucoup
plus en
faveur des
constructeurs
allemands
est
l’intensité
des
délocalisations
réalisées et
le
positionnement
dans le haut
de gamme.
Industrie ou
services :
un dilemme
européen ?
La Lettredu
CEPII
Colette
Herzog et
Denis Ünal
L’échange
des biens
industriels
représente
les deux
tiers du
commerce
mondial, le
reste étant
composé de
services et
de biens
primaires
(20 et 13 %
respectivement).
Par
ailleurs,
l’Europe,
les
États-Unis
et le Japon
prennent
chacun un
positionnement
différent en
matière de
spécialisation
sectorielle.
Le Japon est
surtout
spécialisé
dans
l’industrie,
tandis que
les
États-Unis
ont de
solides
avantages
comparatifs
dans le
secteur
tertiaire.
L’Europe
occupe une
situation
intermédiaire :
elle est
fortement
spécialisée
dans les
services,
sans pour
autant
s’être
désengagée
du secteur
industriel.
Au sein de
l’Union
européenne,
l’examen des
avantages
comparatifs
révèle une
grande
diversité.
Si la
plupart des
pays
parviennent
à les
maintenir
dans
l’industrie
ou à les
conforter
dans les
nouveaux
services,
d’autres
restent
focalisés
sur des
prestations
plus
traditionnelles
dont le
potentiel de
croissance
est plus
faible.
Réformer la
politique
industrielle
Le Monde
Pierre-André
Buigues
Tous les
pays
pratiquent -
à des degrés
divers - une
politique
industrielle.
Partout,
elle
concerne
quatre
grands
champs : la
recherche et
développement
(R&D), les
petites et
moyennes
entreprises
(PME), le
développement
régional,
l’environnement
et les
économies
d’énergie.
Les modèles
d’intervention
diffèrent
pourtant
nettement
d’un pays à
l'autre.
L’auteur
présente
quatre
leviers
d’action
susceptibles
de renforcer
l’efficacité
de la
politique
industrielle
:
décentraliser
le soutien
aux
entreprises,
recentrer
les aides
sur les PME,
renforcer la
politique de
la
concurrence
et, enfin,
imposer des
évaluations
microéconomiques
indépendantes
devant
aboutir à la
suppression
automatique
des mesures
n’ayant pas
fait la
preuve de
leur
efficacité.
Faut-il
craindre la
désindustrialisation ?
Esprit
Philippe
Askenazy
Si l’on s’en
tient aux
statistiques
sectorielles,
la
désindustrialisation
ne fait
guère de
doute et
concerne de
nombreux
pays. Cette
tendance a
un impact
symbolique
fort sur
l’image
qu’une
nation se
fait de sa
propre
richesse
dans la
mesure où
l’industrie
est
intimement
liée au fait
de produire
des biens
matériels.
Cependant,
la véritable
question est
de savoir
s’il s’agit
d’une
évolution
incontrôlable
ou si la
désindustrialisation
renvoie à
une réalité
instrumentalisée
par les uns
ou les
autres. De
même, le
débat sur le
déclin
industriel
ne devrait
pas se
focaliser
sur un
modèle
industriel
ancien, mais
adopter une
perspective
plus large,
afin
d’identifier
les domaines
dans
lesquels la
France est
en mesure
d’innover et
d’exporter,
comme la
recherche et
la santé.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Internationalisation
des élites
économiques
Actes de la
recherche en
sciences
sociales
Michael
Hartmann
Dans le
sillage de
la
mondialisation
revient
régulièrement
le thème de
l’émergence
d’une
« élite
mondiale »
ou d’une
« classe
internationale
des
affaires ».
L’analyse de
ce phénomène
présentée
ici qui
s’appuie sur
une enquête
empirique
auprès des
dirigeants
des 100 plus
grandes
entreprises
dans huit
pays, ne
parvient pas
à confirmer
ce constat.
Selon cette
dernière,
l’internationalisation
des élites
économiques
reste très
limitée,
malgré
quelques
différences
d’un pays à
l’autre.
Même dans le
contexte de
la
mondialisation,
le cadre
national et
étatique
reste donc
prédominant,
en France
tout
particulièrement.
Ainsi,
l’Hexagone
se
caractérise
par le
maintien
d’une élite
nationale
traditionnelle
et par la
diminution
de son
internationalisation
d’une
cohorte à
l’autre.
Danone et le
social
business :
quel bilan ?
Le Journal
de l’École
de Paris du
management
Emmanuel
Marchant
Née, en
2005, d’une
rencontre
entre Franck
Riboud,
président
directeur
général de
Danone, et
Muhammad
Yunus,
fondateur de
la première
banque de
microcrédit
(Grameen
Bank), la
Grameen
Danone Food
constitue la
première
expérience
de
social
business :
une activité
– la
production
de yaourts
fortifiés
destinés aux
enfants
bangladais –
dont
l’objectif
n’est pas la
maximisation
du profit
mais de
résoudre des
problèmes de
santé
publique ou
d’environnement.
Le géant
agroalimentaire
français a
ensuite
souhaité
renforcer
son activité
de
social
business
en créant,
en 2007, la
société
d’investissement
à capital
variable
(SICAV),
Danone
Communities,
dans le but
de soutenir
de nouveaux
projets dans
différents
pays.
L’auteur
dresse un
bilan des
activités
menées
récemment
par celle-ci
et examine
leurs
conséquences
tant pour
les
populations
concernées
que pour le
groupe.
La nouvelle
gouvernance
de l’État
social
Informations
sociales
François-Xavier
Merrien
Depuis
environ
trente ans,
partout dans
le monde des
réformes de
l’État
social et
des
politiques
sociales ont
été
entreprises.
Ces
dernières
sont
inspirées
par le
modèle
néolibéral
dans lequel
l’État
acteur
laisse peu à
peu la place
à un État
régulateur
et
incitateur.
En France,
l’État-providence
a également
connu de
profondes
mutations.
Mais
l’évolution
française ne
résulte pas
d’une
révolution
idéologique
comme dans
les pays
anglo-saxons
ou dans les
pays
nordiques.
Les réformes
ont été
décidées
dans le
cadre d’une
crise
majeure du
système
social. Les
modes de
gestion des
politiques
sociales
comme leur
contenu ont
été
transformés
par la
nouvelle
gouvernance,
la
décentralisation
ainsi que
par la
réduction et
l’individualisation
des
prestations.
n° 3041 Russie, le tournant ?
Les défis
de l’économie russe
International Affairs
Sergey Aleksashenko
Vingt ans après la fin de l’Union
soviétique, la Russie conserve une place à
part dans l’économie mondiale. En dépit
d’une décennie de croissance soutenue, après
la difficile transition des années 1990 et
la crise de 1998, elle reste une économie
rentière qui peine à se moderniser. La
Russie n’est compétitive ni à l’égard du
monde en développement, ni à l’égard des
pays avancés. Le risque qui menace
aujourd’hui le pays est, qu’en l’absence de
réformes structurelles, il reste en marge
des économies les plus dynamiques du XXIe
siècle.
La longue
vie de l’Homo sovieticus
The
Economist
Les fraudes aux récentes
élections législatives et présidentielle en
Russie ont donné lieu aux plus grandes
manifestations de ces dernières années. La
confiscation de la démocratie dans un pays
où le logiciel mental de l’Union des
républiques socialistes soviétiques (URSS)
s’est avéré plus pérenne que l’était son
idéologie a fini par exaspérer une partie de
la population, essentiellement la classe
moyenne éduquée et urbanisée. Vladimir
Poutine a su asseoir dans les années 2000 sa
popularité grâce à la croissance économique
et la poursuite de la guerre en Tchétchénie.
Mais le retour de l’État qu’a parfaitement
incarné le dirigeant russe ne s’est pas
accompagné des réformes nécessaires pour
permettre au pays de se débarrasser de son
héritage soviétique. La mainmise des élites
bureaucratiques, en particulier des services
de sécurité, sur les affaires du pays
s’exerce sur fond de corruption et de
violence d’État. Après une décennie de
« stabilité »,la Russie de 2012 semble bien
aussi fragile que l’était vers la fin de ses
jours l’Union soviétique.
La
croissance au secours de la démographie
IRIS
Alexandre Latsa
Après l’éclatement de l’Union soviétique en
1991, la jeune Fédération de Russie ne
compte plus que 148,3 millions d’habitants
et connaît à partir de 1996 un effondrement
démographique important. La brutale
dégradation de l’environnement économique et
social, au cours de la décennie 1990, a eu
des répercussions considérables sur les
conditions d’existence. Il faut attendre
2009 pour observer une inversion de tendance
avec une légère remontée de la courbe. En
2010, la population était évaluée à 142,9
millions d’individus. Si la Russie voit peu
à peu s’éloigner les perspectives
démographiques catastrophiques que certains
instituts envisageaient au début des années
2000, la question démographique reste
néanmoins une priorité de l’agenda
politique, en raison notamment de ses
conséquences économiques. Pour faire face à
ses besoins de main-d’œuvre, la Russie
cherche, pour les années à venir, à
favoriser les flux d’immigration.
Un BRIC
pas comme les autres
Revue des
Deux Mondes
Thomas Gomart
En 2001, Jim O’Neil, chef économiste de la
banque d’affaires américaine Goldman Sachs,
lance l’acronyme BRIC (Brésil, Russie, Inde
et Chine) pour orienter régionalement des
stratégies d’investissements. Après le
déclassement géopolitique qui a suivi la fin
de l’Union soviétique, au cours des années
1990, la « marque » BRIC va permettre à la
Russie de rebondir en tirant avantage de
cette nouvelle représentation du monde basée
sur l’idée de puissances émergentes. Une
décennie plus tard, si la Russie est
parvenue à retrouver un positionnement
international plus proche de son poids
économique et géographique, elle n’a pas
vraiment atteint son objectif qui est de
devenir une puissance régionale à prétention
globale, au même titre que les géants
chinois ou brésilien. Son assimilation au
groupe des BIC continue d’ailleurs d’être
contestée, dans la mesure où, restant une
économie rentière incapable de moderniser
son tissu économique, elle ne présente pas
le même profil que les autres membres du
groupe.
L’économie russe et l’Asie
Monde
chinois
Julien Vercueil
Au moment où l’Union européenne, partenaire
historique, est empêtrée dans des
difficultés financières, économiques et
institutionnelles, la Russie, dont l’immense
territoire est en grande partie situé en
Asie, est tentée de réorienter ses échanges
vers l’Orient. Les principales puissances
asiatiques constituent en effet les pôles
les plus dynamiques de l’économie mondiale
et disposent d’atouts et de besoins
complémentaires de ceux de leur voisin
russe. Au cours des années 2000, les
échanges commerciaux se sont
considérablement développés entre les deux
aires géographiques mais ils s’inscrivent
dans un mouvement de croissance rapide de la
valeur globale du commerce extérieur russe
qui ne s’est pas limitée à l’Asie. Si le
potentiel dont pourrait tirer profit la
Russie de ses relations avec l’Asie reste
donc immense, ces dernières n’ont jusqu’à
présent pas tenu toutes leurs promesses.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Guerre
financière et finance criminelle
Revue
Défense Nationale
Hervé
Juvin
Les scandales qu’a constitué
l’affaire des subprimes
aux États-Unis ou celle de la falsification
des comptes publics grecs impliquant de
grands établissements bancaires américains
renommés comme Citigroup ou Goldman Sachs
ont jeté un profond discrédit sur certaines
pratiques du monde de la finance. Cette
perte de confiance a même fini par
atteindre, par ricochet, les banques
commerciales dont les activités quotidiennes
sont pourtant éloignées de celles des
établissements de la haute finance. Les
développements récents de la crise de la
dette souveraine en Europe conduisent
désormais une partie de l’opinion publique à
considérer que les États-nations ont perdu
tout pouvoir face à une planète financière
qui ne serait plus guidée que par l’appât du
gain.
La crise
du logement
Esprit
Bernard
Coloos
Le problème de la « crise du
logement » revient de manière récurrente
dans le débat public. Cette question
s’accompagne d’analyses contradictoires
concernant les raisons de l’échec des
politiques mises en œuvre. Dans le même
temps, il existe un large consensus pour
condamner les aides fiscales aux
investisseurs privés, l’important retard des
programmes de construction, la nécessité de
poursuivre la mixité sociale, le nombre
insuffisant de terrains à bâtir et, enfin,
les difficultés rencontrées par de plus en
plus de ménages pour accéder à la propriété.
La plupart de ces points relève davantage du
ressenti qu’il ne résiste à l’indispensable
analyse des faits. La « crise du logement »
dissimule une réalité plus complexe, car
pour la majorité des Français, les
conditions de logement ne cessent de
s’améliorer.
Où en est
l’économie espagnole ?
La Caixa
Durement frappée par la crise
économique mondiale, l’Espagne pourrait,
selon les perspectives de La Caixa– un grand
établissement bancaire espagnol – ne pas
connaître de reprise immédiate. Le taux de
croissance du produit intérieur brut (PIB)
devrait continuer d’être négatif. Les
indicateurs de l’offre, comme de la demande,
n’incitent pas non plus à l’optimisme :
l’indice de production, en baisse à la fin
de 2011, fragilise le redémarrage de
l’investissement. En outre, le taux de
chômage touchait, à la fin de l'année
dernière, 21,5 % de la population active. La
confirmation de ce scénario,
particulièrement pessimiste dépendra en
partie des solutions apportées à la crise de
la dette souveraine et de l’ampleur des
mesures que prendra le gouvernement
espagnol. Une nouvelle récession est
toutefois très probable.
n° 3042 25 avril 2012
Les
start-up favorisent-elles l’emploi ?
Kauffman
Foundation
Dane Stangler et Robert E.
Litan
Aux États-Unis, la crise de 2008 est la plus
grave en termes d'emplois détruits (plus de
huit millions). Si, en janvier 2012,
l’emploi non agricole a augmenté de 243 000
postes, la situation demeure inquiétante :
selon certains analystes, en effet, le pays
devrait créer plus de 263 000 emplois chaque
mois pour sortir de l'impasse. Les
chercheurs de la Fondation Kauffman se sont
intéressés à la nature des entreprises qui
embauchent le plus. Jusqu'en 2005,
pratiquement toutes les créations nettes
d'emplois aux États-Unis provenaient
d'entreprises créées il y a moins de cinq
ans. Ceci montre qu’au cours de cette
période, sans les start-up, les destructions
d’emplois auraient été, chaque année,
supérieures aux créations. L’étude de la
Fondation Kauffman révèle qu’aujourd’hui les
jeunes entreprises comptent encore pour
environ les deux tiers dans la création
d'emplois.
Informatique : délocaliser n’est pas une
fatalité
Bloomberg
Businessweek
Andy Grove
Selon Andy Grove, ancien président directeur
général (PDG) et co-fondateur de
l’entreprise américaine Intel, il existe un
mythe selon lequel les entreprises
innovantes du secteur de l’informatique,
considérées comme l’avenir de l’économie
moderne, pourraient, à elles seules, régler
définitivement le problème du chômage. Or,
au cœur de la crise économique, le taux de
chômage dans la région de San Francisco,
berceau de la Silicon Valley, était plus
important que la moyenne nationale. On
évalue, en outre, le nombre d’emplois
manufacturiers dans l’industrie informatique
aux États-Unis à 166 000, soit un niveau
inférieur à ce qu’il était avant l’invention
du premier PC (personal
computer) en 1975. Pourquoi le secteur
informatique ne crée-t-il pas plus
d’emplois ? L’auteur apporte une partie de
la réponse en analysant le rôle négatif joué
par la délocalisation des emplois.
L’impact
de l’internet sur l’économie française
McKinsey
& Company
Si des études, menées
notamment par l’Institut national des études
économiques (INSEE) et par l’Autorité de
régulation des communications électroniques
et des postes (ARCEP), ont déjà cherché à
mesurer l’impact de l’internet sur
l’économie française, aucune d’entre elles
n’était parvenue à apporter une vision
globale intégrant les effets directs et
indirects de l’internet sur les dynamiques
de croissance et de développement
économiques. C’est chose faite avec le
travail mené par McKinsey & Company. L’étude
du cabinet de conseil américain montre que
l’internet a, en 2010, contribué pour un
quart de la progression du produit intérieur
brut (PIB) français. En outre, le web a,
depuis le début des années 2000, permis la
création nette de 700 000 emplois, soit un
quart du total. À cela s’ajoutent les
emplois indirects et induits. Si, en matière
de développement numérique, la France se
situe dans la moyenne des pays de
l’Organisation de développement et de
coopération économiques (OCDE) – au 17e
rang –, des progrès sont encore possibles :
notre voisin britannique, par exemple,
occupe la quatrième place.
Pourquoi
Apple ne fabrique pas l’iphone aux
États-Unis
The New
York Times
Charles Duhigg et Keith
Bradsher
« Que faire pour que l’iPhone soit fabriqué
aux États-Unis ? », c’est la question
qu’avait posée au patron d’Apple, Steve
Jobs, début 2011 lors d’une rencontre dans
la Silicon Valley, le président américain,
Barack Obama. Si le géant informatique
américain ne compte « que » 20 000 salariés
à l’étranger contre 43 000 aux États-Unis,
les Américains se souviennent qu’ils étaient
400 000 à travailler pour le constructeur
automobile General Motors dans les années
1950. Sans oublier le nombre d’employés
sous-traitants d’Apple qui s’élève à
700 000. L’enquête – ayant fait l’objet d’un
article polémique – qu’a menée le
New York Times pour
comprendre pourquoi l’iPhone n’est pas
fabriqué aux États-Unis conduit à penser que
le choix de la délocalisation des activités
d’assemblage en Chine s’explique avant tout
par une recherche de flexibilité plutôt que
par un souci de réduction des coûts.
Numérique : la fin des emplois de masse ?
Technology Review
David Talbot
L’automatisation, les nouvelles technologies
et l’insertion du numérique dans les
processus de production semblent être les
principaux facteurs explicatifs du processus
de délocalisation. Ce n’est pas la première
fois que l’on assiste, dans l’histoire
économique, à la destruction de certaines
tâches et en contrepartie à la création de
nouveaux types d’emplois. Mais cette
dynamique de destruction/création n’a, selon
une série d’études menées par le
Massachussetts Institute of Technology (MIT)
dont la Technology Review
fait état, jamais été aussi rapide et
intense qu’aujourd’hui. La révolution
technologique a cela de nouveau qu’elle
concerne autant les emplois des classes
moyennes que ceux des salariés à bas
revenus. Les recherches du MIT montrent
également que l’adaptation à ces nouveaux
modes de production sera plus longue encore
et plus difficile que celle qu’ont
nécessitée les précédentes révolutions. Et
que les générations à venir n’y sont pas
encore préparées…
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Carburant
cher, un mal nécessaire ?
Lettre de l’OFCE
Céline Antonin
Les prix de l’essence affichent à nouveau
des records. Ils ont atteint - et dépassent
même - leur pic de 2008. Deux facteurs
expliquent l’essentiel de cette hausse : la
dépréciation de l’euro par rapport au dollar
et l’augmentation des cours du pétrole,
accentuée par l’instabilité politique au
Moyen-Orient. Mais même en l’absence de ce
deuxième facteur géopolitique, les experts
estiment que les prix du pétrole devraient
rester durablement élevés car ils sont
structurellement orientés à la hausse.
Celle-ci aura des conséquences importantes
sur le pouvoir d’achat des ménages.
Cependant, une baisse des prix des
carburants via une diminution des taxes
risquerait d’être coûteuse économiquement et
écologiquement. La mise en place de mesures
transitoires et ciblées comme les « chèques
transports » semble être une meilleure
solution.
Marché
unique : peut-on aller encore plus loin ?
Lettre du
CEPII
Vincent Aussilloux, Charlotte
Emlinger et Lionel Fontagné
La crise des dettes souveraines a fragilisé
le projet d’intégration européen. Au cours
des dernières décennies, grâce au Marché
unique, des progrès substantiels ont
pourtant été réalisés dans l’intégration des
marchés des États membres. Ce processus
lancé dans les années 1980 est loin d’être
achevé puisque demeurent de nombreuses
barrières non tarifaires ainsi que des
barrières aux échanges dans le secteur des
services. Le modèle de simulation économique
utilisé par les auteurs montre que
l’élimination de toutes les barrières au
commerce subsistant au sein de l’Union
européenne (UE) apporterait des gains deux à
trois fois supérieurs à ceux déjà obtenus.
Si cet objectif reste une hypothèse
quasiment irréaliste, il n’en demeure pas
moins que la poursuite de l’intégration
européenne constitue pour l’UE l’un des
principaux leviers de croissance.
Hayek,
l’euro ou la concurrence des monnaies
Sociétal
Gérard Dréan
En 1976, le célèbre économiste autrichien
Friedrich Hayek s’opposa au projet d’une
monnaie européenne unique. Il rédigea en
trois semaines un ouvrage intitulé
Denationalisation of
Money, the Argument Refined, proposant
comme alternative au projet européen la
libre concurrence entre monnaies. Hayek
imagine un système de monnaies fiduciaires
concurrentes, plus souple qu’un système
d’étalon-or, mais où la discipline monétaire
est garantie par la libre concurrence mieux
que par un monopole étatique. À l’heure où
d’aucuns se demandent si « la création de
l’euro était une bonne idée ? », le livre de
Hayek, plus de trois décennies après sa
rédaction, retrouve une belle actualité.
n° 3043 09 mai 2012
n° 3044 20 ans de développement durable
« Rio+20 » : l’heure
du réalisme écologique ?
La note d’analyse du CAS
Blandine Barreau
Du 20 au 22 juin 2012 se tiendra à Rio de
Janeiro (Brésil) la Conférence des Nations
unies sur le développement durable. Cette
réunion internationale marquera
l’anniversaire du Sommet de la Terre
organisé, il y a vingt ans, dans cette même
ville et qui avait consacré la notion de
développement durable. La Conférence« Rio+20
» se déroulera dans un contexte particulier
où, face à l’urgence des défis à relever,
le début d’un certain réalisme écologique
est de rigueur : l’heure est désormais aux
approches pragmatiques et à la définition
des priorités. Les principaux objectifs
inscrits à l’agenda de cette conférence
sont, dans le cadre du développement durable
et de l’éradication de la pauvreté,
l’adoption d’une vision de l’économie verte
qui puisse servir de guide à l’ensemble des
acteurs, la relance de la dynamique impulsée
par le Sommet de 1992 et relancée en 2000
avec les objectifs du millénaire pour le
développement (OMD) et enfin, l’amélioration
de la gouvernance mondiale.
La mesure du
développement durable
Responsabilité et
environnement
Didier Blanchet
En 2009, le rapport de la commission
Stiglitz-Sen-Fitoussi a passé en revue les
principales approches disponibles en matière
d’indicateurs de développement durable. La
conception d’un indice phare qui permettrait
une évaluation pertinente de la durabilité
globale a été considérée comme un objectif
hors d’atteinte. Il ne suffit pas en effet
de « verdir » le produit intérieur brut
(PIB) pour obtenir des informations claires
sur le caractère soutenable de notre modèle
de croissance. L’approche qui a été retenue
par la commission est plutôt une approche
dite par les « stocks », qui s’efforce,
quelle que soit leur nature économique,
sociale ou environnementale, de suivre les
niveaux des différents facteurs ou freins à
la croissance.
La croissance verte,
une illusion ?
Futuribles
Benjamin Dessus
En dépit des multiples avertissements
régulièrement lancés à l’occasion des
conférences internationales sur les risques
liés au changement climatique, peu de
programmes d’envergure ont été mis en œuvre
dans le monde pour permettre une baisse
significative des émissions de gaz à effet
de serre. Le défi énergétique reste donc
entier pour une planète en croissance
démographique qui compte déjà 7 milliards
d’habitants dont la majorité aspire à
atteindre le niveau de prospérité des pays
les plus riches. Face aux ambiguïtés de la
croissance « verte » et aux solutions misant
principalement sur la technologie et la
poursuite d’une croissance soutenue,
l’auteur suggère d’emprunter d’autres voies,
en particulier celles d’une sobriété
énergétique à la fois individuelle et
collective et d’un fort ralentissement,
voire un arrêt total de la croissance
économique dans les pays les plus
développés.
La transition
écologique
Études
Alain Grandjean
Si la transition écologique vers un nouveau
modèle socio-économique est de plus en plus
ressentie comme une nécessité, la crise
économique a abouti à en différer la mise en
œuvre. Le découplage relatif observé au
cours des dernières années entre produit
intérieur brut (PIB) et consommation de
ressources a amené à une meilleure
efficacité énergétique du PIB et à une
légère « décarbonation » de nos énergies.
Mais il reste insuffisant. L’objectif à
atteindre est un découplage absolu seul à
même de faire baisser les émissions de gaz à
effet de serre et de réduire les
prélèvements physiques sur la biosphère.
Pour ce faire, les moyens de politique
publique à mobiliser doivent être à la
hauteur des défis à relever. Cela passe en
particulier par le lancement d’un plan
massif d’investissement dans la transition
vers un modèle économique durable. Ce
programme pourrait être financé par une
politique monétaire « non conventionnelle »
menée sous l’égide de la Banque
centrale européenne (BCE).
Environnement : des
bonnes intentions aux bonnes pratiques
Consommation et modes de
vie
Régis Bigot et Sandra Hoibian
Au cours des deux dernières décennies, la
sensibilité environnementale s’est largement
diffusée dans la société française. Une
étude récente du Centre de recherche pour
l’étude et l’observation des conditions de
vie (CRÉDOC) met en évidence les changements
de comportements adoptés par les ménages qui
traduisent un réel désir de mieux protéger
la planète. Si dans certains domaines comme
le logement ou le chauffage, les Français
n’ont pas accompli de réels progrès, dans
d’autres, en revanche, comme la préservation
de l’eau, la place de l’automobile, le tri
et le recyclage, l’achat et la vente de
produits d’occasion, le boycott de certains
biens ou la consommation de produits bio,
nos concitoyens n’en sont pas restés qu’aux
bonnes intentions et les changements
observés sont significatifs.
Également dans ce numéro
Mettre l’Afrique sur
les rails
Finances et développement
Paul Collier
La prochaine décennie pourrait être celle du
décollage de l’Afrique. Les ressources
privées prêtes à être investies sur le
continent abondent dans un contexte où les
perspectives de croissance des pays avancés
paraissent sombres et où l’avenir des
grandes économies émergentes est devenu plus
incertain. La découverte probable de
nouvelles ressources naturelles et
l’exploitation de vastes terres agricoles
aujourd’hui sous-utilisées ouvrent à
l’Afrique des perspectives de croissance
considérable. Pour tirer pleinement partie
de ce potentiel, la construction de
nouvelles infrastructures de transport est
cependant indispensable, en particulier le
développement de réseaux de chemins de fer.
Les économistes
déroutés par nos comportements
La Vie
des idées
Cyril Hédoin
Selon la science économique « classique »,
l’individu n’aurait qu’un seul mode de
pensée rationnel qui le conduirait à
maximiser son bien-être : il ne serait rien
d’autre qu’un homo
oeconomicus. Mais l’économie
comportementale a montré au cours de ces
dernières années qu’il existait des
personnalités multiples, parfois
incohérentes. Gilles Saint-Paul s’efforce,
dans son ouvrage The
Tiranny of Utility. Behavioral Social
Science and the Rise of Paternalism, de
mettre en perspective les développements
récents de l’économie comportementale avec
les mesures, plus ou moins coercitives, que
les pouvoirs publics ont mises en place aux
États-Unis et en Europe pour inciter les
individus à prendre les « bonnes » décisions
sans que ceux-ci aient l’impression de
perdre leur liberté d’action.
« Rien ne peut
remplacer l’industrie »
Les Échos
Entretien avec Jean-Louis
Beffa
L’industrie représente un important vecteur
de création de richesses. Il est ainsi dans
l’intérêt national de préserver des sites
industriels sur le territoire national. Les
évolutions et les politiques micro et
macroéconomiques des dernières années ont
cependant affaibli le socle industriel
français. Ainsi, le déploiement du modèle
libéral-financier a accordé beaucoup
d’importance à l’actionnariat et à la
rentabilité immédiate au détriment de la
production. Pourtant, un modèle alternatif
existe, comme le montre l’exemple de
l’Allemagne où l’État s’implique totalement
dans la défense des intérêts de l’industrie.
Il apporte ainsi un soutien déterminant à
ses capacités exportatrices et au secteur de
la recherche et développement (R&D) qui lui
est liée.
n° 3045 Crise de l'euro, regards extérieurs
La rançon
du succès
Finances et
développement
Florence Jaumotte
Au cours des années qui ont suivi son
lancement, l’euro a semblé très bien
fonctionner. Les réformes lancées avant son
entrée en vigueur, puis la suppression du
risque de change et la baisse du coût du
crédit une fois la monnaie européenne en
circulation, ont accéléré l’intégration
économique et financière des États membres
de la zone euro. Les perspectives de forte
croissance dans les pays périphériques ont
drainé d’abondants flux de capitaux.
Cumulées à la faiblesse des taux d’intérêt,
elles ont donné l’impression que certaines
économies européennes avaient enregistré des
progrès sur le plan structurel. Mais en
réalité, les crédits ont essentiellement
alimenté des investissements immobiliers et
la consommation, stimulant ainsi la demande
intérieure et la hausse des salaires.
D’importants déséquilibres se sont ainsi
créés au sein de l’Union, montrant que la
zone euro ne sera pas une union monétaire
optimale tant qu’une meilleure surveillance
et coordination des politiques économiques
ne seront pas réalisées.
Rigueur
financière et réformes structurelles
Études
économiques de l’OCDE
OCDE
Pour l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE), l’origine
de la crise de la zone euro se trouve dans
l’accumulation de déséquilibres économiques,
budgétaires et financiers excessifs et dans
le retournement du cycle mondial du crédit.
Des mesures décisives ont dû être prises
pour stabiliser les marchés de la dette
souveraine européenne. L’OCDE salue dans ce
contexte la mise en place du Mécanisme
européen de stabilité (MSE). Pour les
experts du château dela Muette,
l’assainissement budgétaire est
indispensable et doit s’accompagner d’une
politique monétaire accommodante, mais qui
continue à préserver la stabilité des prix.
Outre la réforme des finances publiques et
de la gouvernance économique et financière
au sein de l’Union européenne, les chefs
d’État et de gouvernement doivent surtout
mener d’ambitieuses réformes structurelles.
Elles permettront de pallier les nombreuses
insuffisances des marchés des biens et
services, du travail et des systèmes fiscaux
et relanceront ainsi la croissance.
Stiglitz :
mettre fin aux politiques d’austérité
Les Échos
Gabriel Grésillon
Pour l’économiste américain Joseph Stiglitz,
les réponses apportées par les responsables
européens à la crise de la zone euro ne sont
pas à la hauteur des problèmes et aggravent
la situation plutôt qu’elles ne
l’améliorent. La cure d’austérité imposée à
la Grèce par l’Union européenne (UE) et le
Fonds monétaire européen (FMI) n’a fait
ainsi qu’augmenter le poids de la dette et
accélérer la récession. À l’échelle de l’UE,
l’accent mis sur les politiques de rigueur
est en train d’étouffer la croissance. Le
"prix Nobel" d’économie préconise plutôt de
relever les impôts pour permettre aux États
d’augmenter les dépenses afin que
s’enclenche un effet
multiplicateur. Au-delà de la
politique d’austérité, J. Stiglitz voit dans
les dérégulations des années 1980 la
véritable cause de la crise de la dette
souveraine. Repenser l’architecture
financière mondiale serait ainsi une
condition sine qua non pour résoudre la
crise à long terme.
Le grand
défi des déficits extérieurs
Financial
Times
Martin Wolf
Martin Wolf, éditorialiste au
Financial Times,
estime que si la première partie de la crise
est derrière nous, le pessimisme reste
néanmoins de mise concernant l’avenir de
l’euro. Il fonde son scepticisme sur
l’analyse suivante : quand bien même la zone
euro ferait à l’avenir le choix du
fédéralisme financier, les déséquilibres
structurels au sein de l’Union ne
disparaîtront pas pour autant. Cette
évolution était pourtant prévisible – les
déficits extérieurs enregistrés avant la
crise (et non pas les déficits budgétaires
comme le veulent les traités en vigueur)
étaient de parfaits indicateurs des
perturbations. Plus ces déficits perdurent,
plus ils façonnent la structure et la
compétitivité de l’économie et pèsent ainsi
sur l’avenir du continent. Dans ce contexte,
l’ajustement par les taux de change étant
devenu impossible depuis la création de
l’euro, les corrections s’opèrent désormais
par le biais des crises économiques et de la
faillite des États.
Le
problème est autant financier que
démographique
The Atlantic
Megan McArdle
Pour sortir l’Europe de la crise, les
politiques d’austérité sont insuffisantes si
la rigueur n’est pas relayée par la
croissance. L’Union européenne est cependant
confrontée à un problème particulier : où
trouver des moteurs de croissance sur un
continent confronté au déclin
démographique ? Le magazine américain
The Atlantic attire
ainsi l’attention sur un problème
structurel, celui du vieillissement. Dans
tous les pays, les systèmes sociaux sont
sous pression. Le dividende démographique
des baby boomers étant largement entamé sur
le Vieux Continent, l’âge de plus en plus
avancé de la plupart des salariés rend
difficiles des progrès substantiels de
productivité. Il est certes en théorie
envisageable qu’un pays enregistre en même
temps une diminution de son produit
intérieur brut (PIB) global et une
augmentation de son PIB par tête – le
bien-être individuel augmenterait ainsi. Le
poids considérable de la dette rend
cependant cette option très peu probable.
La Chine
se tourne
vers l’Europe
Real
Instituto Elcano
Alicia Sorroza
La Chine entretient depuis longtemps une
relation privilégiée avec les États-Unis.
L’Europe, quant à elle, ne se trouvait pas
vraiment jusqu’à présent au centre des
préoccupations des dirigeants chinois. La
situation a évolué très rapidement depuis le
déclenchement de la crise économique et
financière. Les difficultés de la zone euro
permettent désormais à l’Empire du Milieu de
réduire son exposition à l’économie
américaine et d’accroître son influence en
Europe. Outre l’achat d’obligations
européennes, la Chine mise surtout sur
l’investissement. Pékin qui autrefois
s’intéressait principalement aux grands
États se tourne aujourd’hui vers les petits
pays en difficulté de la périphérie
européenne. De ces nouvelles relations avec
l’Europe, la Chine espère obtenir rapidement
le statut d’économie de marché et la levée
de l’embargo sur les ventes d’armes. En
revanche, du côté européen, l’élaboration
d’une politique commune vis-à-vis de Pékin
devient dans ce contexte de plus en plus
difficile.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Augmenter
l’impôt sur les hauts revenus ?
Projet
Gaël Giraud et Cécile Renouard
La fiscalité sur les hauts revenus a été
l’un des thèmes importants de la dernière
campagne présidentielle. Notamment de celle
du candidat du Parti socialiste, qui a
proposé de créer deux nouvelles tranches
d’impôt sur le revenu. L’une concernerait
les revenus supérieurs à 150 000 euros
annuels et serait associée à un taux
d’imposition de 45 %, l’autre les revenus
au-delà d’un million d’euros, avec un taux
d’imposition de 75 %. Cette réforme ne
génère pas énormément de recettes (500
millions au total), mais elle a le mérite,
selon les auteurs, d’aller dans le sens
d’une réduction des inégalités de revenu.
Les deux économistes saisissent l’occasion
pour combattre quelques idées reçues, comme
celles qui assimilent un taux d’imposition
élevé à une spoliation ou qui pointent le
risque d’exil fiscal des contribuables les
plus fortunés.
Le
devenir incertain des théories économiques
Le Débat
Robert Boyer
La revue Le Débat a
publié dans son numéro de mars-avril 2012 un
dossier intitulé : « La science économique
sur la sellette ». Dans ce dernier,
plusieurs économistes français de renom
exposent leur vision de l’évolution et de
l’avenir des théories économiques. Ainsi,
pour Christian de Boissieu, la science
économique a besoin d’un véritable
aggiornamento,
c’est-à-dire d’une mise à jour de son corpus
théorique. Jacques Mistral revient, lui,
sur la place prise ces dernières années par
la théorie de la finance. Christian Sautter
fait, quant à lui, l’éloge des économistes
marginaux. Robert Boyer qui avait ouvert le
dossier en pointant l’urgence d’une réforme
de la discipline répond aux points de vue
exposés par ses commentateurs. Pour lui,
l’avenir des théories économique et
financière est plus que jamais incertain.
Quel coût
du travail en France ?
INSEE
Première
Dominique Demailly, Diane
Marlat et Laurence Rioux
Dans les entreprises de dix salariés et plus
de l’industrie et des services marchands, le
coût horaire du travail – qui comprend le
traitement, les cotisations sociales ainsi
que les frais de formation – est, en 2008,
inférieur à 32 euros. C’est dans les
activités financières et d’assurance, où la
proportion de cadres est forte, qu’il est le
plus élevé. En revanche, la main-d’œuvre
étant peu qualifiée dans les secteurs de
l’hébergement et de la restauration, le coût
horaire du travail y est le plus bas. Les
écarts entre, d’un côté, l’industrie
manufacturière et, de l’autre, les services
marchands et la construction, tendent en
outre à s’accroître en raison, ces dernières
années, d’une augmentation annuelle plus
importante du coût horaire du travail dans
l’industrie manufacturière.
n° 3046 7 milliards d'hommes
Sept
milliards
d’êtres
humains, et
après ?
Population &
sociétés
Gilles
Pison
Selon
l’Organisation
des Nations
unies (ONU),
la
population
mondiale a
franchi, le
31 octobre
2011, le
seuil des 7
milliards
d’habitants.
En réalité,
la qualité
des
informations
dont dispose
l’ONU
différant
d’un pays à
l’autre, le
seuil aurait
pu être
franchi deux
ans plus tôt
ou pourrait
l’être dans
quelques
mois. Dans
les années à
venir, la
croissance
démographique
mondiale
devrait se
poursuivre,
mais en
décélérant.
La fécondité
est en
baisse en
Asie et en
Amérique
latine
tandis qu’en
Afrique,
l’essor
démographique
continue en
dépit des
ravages
causés par
l’épidémie
du sida.
D’ici un
demi-siècle,
l’humanité
n’échappera
pas à un
surcroît de
1 à 3
milliards
d’habitants.
La vraie
question,
dont dépend
la survie de
l’espèce
humaine à
terme, en
raison des
ressources
limitées de
la planète,
est moins
celle du
nombre des
humains que
celle de
leur mode de
vie.
Vieillissement :
il est
possible
d’anticiper
L’Expansion
Management
Review
Richard
Shediac,
Chadi N.
Moujaes et
Mazen Ramsay
Najjar
Les
approches
démographiques
traditionnelles
sont
marquées par
une forme de
fatalisme
qui veut
notamment
qu’aucun
pays ne
puisse
échapper à
son destin
démographique
et aux
conséquences
que celui-ci
fait peser
sur sa
trajectoire
socio-économique.
C’est une
tout autre
approche que
proposent,
ici, les
auteurs qui
défendent
une démarche
proactive de
la
démographie.
Les
gouvernements
et les
entreprises
auraient une
responsabilité
particulière
dans
l’anticipation
de
phénomènes
comme le
vieillissement.
Si les
mesures
adaptées
étaient
ainsi mises
en œuvre, la
contrainte
démographique
pourrait
aisément, en
fonction du
degré de
développement
et de
l’ampleur du
vieillissement
dans chaque
pays, se
transformer
en
opportunité
économique
et sociale.
Un humain
sur deux
habite en
ville
Sciences
Humaines
Julien
Damon
Depuis 2008,
un habitant
de la
planète sur
deux vit en
ville. En
2050, les
urbains
représenteront
70 % de la
population
mondiale et,
d’ici-là, 95
% de la
croissance
urbaine
serait
absorbée par
les villes
des pays en
développement
(PED).
Pourtant, et
contrairement
aux idées
reçues,
l’urbanisation
accrue ne se
traduira pas
par
l’explosion
du nombre de
mégalopoles.
Aujourd’hui,
celles-ci
n’absorbent
que 4 % de
la
population –
ce taux
devrait
atteindre 10
% tout au
plus en
2025.
L’urbanisation
devrait donc
se faire au
profit des
villes
moyennes.
Quoi qu’il
en soit, les
régions
urbaines
constitueront
une réelle
menace pour
l’environnement :
celles-ci
concentrent
en effet les
deux tiers
de la
consommation
mondiale
d’énergie et
les trois
quarts des
émissions
des gaz à
effet de
serre
(GES).
Le monde se
masculinise
The Wall
Street
Journal
Jonathan
Last
Il naît
naturellement
entre 104 et
106 garçons
pour 100
filles. Au
cours des
trois
dernières
décennies,
l’introduction
progressive
de
l’échographie
en Asie
aurait
considérablement
modifié ce
rapport.
Celui-ci est
en effet
passé à 112
garçons pour
100 filles
en Inde et à
121 pour 100
en Chine. Le
recours
accru à
l’avortement
sélectif
aurait
ainsi, toute
considération
morale mise
à part,
« privé » la
population
mondiale de
plus de 160
millions de
femmes. Dans
un ouvrage
paru en
2011, sous
le titre
Unnatural
Selection,
la
journaliste
Mara
Hvistendahl,
correspondante
en Chine du
magazine
américain
Science,
décrit les
conséquences
socio-économiques
d’une
masculinisation
du monde.
Immigration :
quels effets
dans les
pays
riches ?
Regards
croisés sur
l’économie
El
Mouhoub
Mouhoud
Selon une
enquête de
l’Organisation
des Nations
unies (ONU)
menée auprès
de 74 pays
(dont la
France)
entre 1980
et 2005, une
augmentation
de la
population
active de 1
% due à
l’immigration
accroît le
produit
intérieur
brut (PIB)
de 1 % et
laisse donc
inchangé le
PIB par
habitant.
Contrairement
aux idées
reçues,
l’immigration
ne tire les
salaires
vers le bas
qu’en cas de
substituabilité
de la
main-d’œuvre
peu
qualifiée.
Dans le cas
d’une
complémentarité
entre les
emplois des
natifs et
ceux des
immigrés,
les salaires
des premiers
tendent à
augmenter.
En outre,
les
immigrants
débourseraient
à long
terme, selon
l’auteur,
plus
d’impôts
qu’ils ne
percevraient
de
prestations
sociales. Si
l’immigration
peut
permettre de
réduire le
ratio de
dépendance,
celle-ci ne
peut en
revanche
résoudre à
elle seule
le problème
du
financement
des systèmes
de retraite.
L’individualisation
des
relations
d’emploi
Cadres
Bernard
Gomel
Les pouvoirs
publics
cherchent
depuis
plusieurs
années à
flexibiliser
le marché du
travail.
Pour
beaucoup
d’économistes,
une trop
grande
protection
de l’emploi
constitue un
frein à la
création
d’emplois et
un obstacle
à
l’adaptation
aux
mutations de
l’environnement
économique
et social
des
entreprises.
Cet objectif
reste une
priorité,
même si deux
mesures
directes
pour
flexibiliser
le contrat à
durée
indéterminée
(CDI) – le
contrat
nouvelles
embauches (CNE)
et le
contrat
premier
embauche (CPE)
– ont été
abandonnées.
Alléger
l’encadrement
du
licenciement
des salariés
en CDI,
créer un
contrat
unique qui
se
substituerait
au système
de
protection
dual actuel
(CDI et
contrat à
durée
déterminée,
CDD) ou
allonger la
période
d’essai sont
des
propositions
qui
continuent à
être
discutées.
La finalité
de ces
réformes est
de
transférer
une partie
des risques
de
l’employeur
vers le
salarié ;
les
relations
d’emploi
sont ainsi
de plus en
plus
individualisées.
À quoi
servent les
paradis
fiscaux ?
Le Journal
de l’École
de Paris du
management
Christian
Chavagneux
Apparus au
XIXe
siècle aux
États-Unis,
dans le
New-Jersey
et le
Delaware,
les paradis
fiscaux se
sont depuis
multipliés.
Les Iles
anglo-normandes,
le
Liechtenstein,
le
Luxembourg
ou la Suisse
figurent
parmi les
principaux
en Europe.
Les
entreprises
multinationales
y ont
recours
pour
s’adonner à
l’optimisation
fiscale.
Plus de la
moitié des
flux
financiers
transitent
aujourd’hui
par des
paradis
fiscaux et
85 % des
hedge funds
y sont
domiciliés.
L’Organisation
de
coopération
et de
développement
économiques
(OCDE),
l’Union
européenne,
les
États-Unis
et le G20
ont décidé,
depuis 2009,
de renforcer
la
régulation
de la
finance
internationale
et de faire
de la lutte
contre les
centres
financiers
offshore
une
priorité.
L’Asie
converge-t-elle
vers un
capitalisme
anglo-saxon ?
La Vie
des idées
Bernard
Thomann
Le
spectaculaire
développement
économique
de l’Asie
orientale,
survenu dans
le contexte
de la
mondialisation
débutée dans
les années
1980, a fait
dire à de
nombreux
commentateurs
que le monde
était en
train de
s’uniformiser
autour d’un
capitalisme
libéral.
L’auteur
démontre, en
s’appuyant
sur la
théorie de
la
régulation,
que cet
« état
final » est
en fait loin
d’exister.
Le
capitalisme
asiatique se
fonde sur
des modèles
de
croissance
très
différents
selon les
pays
(fordiste
pour la
Corée du
Sud,
industriel
et
commercial
pour la
Thaïlande…).
Certes,
depuis la
crise
asiatique du
début des
années 1990,
ces
économies
ont eu pour
point commun
de renforcer
le poids des
marchés –
notamment
financiers
–, se
rapprochant
ainsi du
modèle
anglo-saxon.
Mais, selon
l’auteur,
elles
convergent
moins vers
une
occidentalisation
de l’Asie
que vers une
nouvelle
forme de
capitalisme,
dans une
intégration
régionale
propre.
Portrait de l’économie
française
- les caractéristiques de l’économie française :
évolution depuis un demi-siècle
(Jean-Charles Asselain)
- l’économie française à l’heure de la
mondialisation et de la crise : atouts et
handicaps (Jean-Hervé Lorenzi)
- désindustrialisation et « tertialisation » :
risques et opportunités (Sarah
Guillou)
- les échanges extérieurs français : des
excédents aux déficits
(Guillaume Gaulier)
- le sous-emploi : un mal persistant ?
(Christine Erhel)
- les inégalités : quelle dynamique depuis
les années 1980 ?
(Clément Schaff)
- État et finances publiques depuis la fin
des années 1970
(Michel Bouvier)
Ressources
productives et choix institutionnels
- le tissu productif français :
une faiblesse ? (Nathalie
Avallone)
- la démographie, un atout majeur pour
l’économie française (Mathieu
Plane)
- les performances économiques du système
éducatif français
(Jean-Richard Cytermann)
- temps de travail et productivité : une
spécificité nationale
(Jean-Louis Dayan)
- le système financier français dans la
globalisation financière
(Yves Jégourel)
- le modèle social : richesse ou frein
économique ? (Julien Damon)
- le système fiscal est-il efficace ? (Jean-Marie
Monnier)
n° 3047 La Turquie, le nouveau tigre
La Turquie a su résister à la crise
(Éclairages émergents du Crédit agricole – Tania Sollogoub)
Une croissance insolente, mais à quels coûts ?
(The Economist)
Turquie, puissance régionale (L’Expansion – Yves-Michel
Riols)
Une émergence sur fond de compromis libéral
(Mondes en développement – Levent Unsaldi)
La Turquie n’est pas membre des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) mais
des MIST (Mexique, Indonésie, Corée du Sud, Turquie) –
(Asia Times Online – Spreeram Chaulia)
L’éclairage de Problèmes économiques
- le chômage par régions
- l’économie turque en chiffres
- l’UE et la Turquie
- un modèle turc ?
- un pays très inégalitaire
- Erdogan, dix ans de pouvoir
Pour en savoir plus
Également dans ce numéro :
Quel avenir pour Sony ? (Bloomberg
Businessweek – Bryan Gruley et Cliff Edwards)
Propriétaires, locataires : une nouvelle fracture sociale
(Consommation et modes de vie Mélanie Babès,
Régis Bigot et Sandra Hoibian)
L’apport de la nouvelle économie géographique
(Idées – Jacques-François Thisse)
L’économie tertiaire est-elle vraiment
révolutionnaire ?
(Les Cercle Les Échos – Hubert Bonin)
Démystifier le secteur des services
(MCKinsey Global
Institute – Charles Roxburgh, James Manyika,
Richard Dobbs et Jan Mischke)
Tertiarisation et productivité : le cas
français
(L’économie française – INSEE – Amandine
Schreiber et Augustin Vicard)
Le club « ultra-select » des firmes
exportatrices de services
(La Lettre du
CEPII – Matthieu Crozet, Daniel Mirza et
Emmanuel Milet)
Services : vers un nouveau modèle
économique (Ernst
& Young)
L’éclairage de Problèmes économiques
- L’essor des services en chiffres
- le succès des entreprises hybrides
- typologie des services
- les politiques publiques de développement du
secteur des services
- les services créateurs d’emploi à moyen terme
Pour en savoir
plus
Également dans ce numéro :
Les sept points faibles des PME françaises
à l’export
(L’Expansion Management Review – Stéphan
Bourcieu)
Les enjeux du financement de la protection
sociale (Droit
social – Gilles Saint-Paul)
Matières premières et gouvernance
(Études – Thierry Vircoulon)
Les
sept plaies de l’Amérique dObama
(Politique internationale –
Jean-Michel Quatrepoint)
Les États-Unis face au défi de la compétitivité
(Harvard Business Review –
Michael E. Porter et Jan W. Rivkin)
Relance ou gestion de la dette ?
(Chronique internationale de
l’IRES – Estelle Sommeiller)
L’impuissance de la Réserve Fédérale
(Project Syndicate – Martin
Feldstein)
Après la réforme du système de santé
(Flash Economie-Natixis – Inna
Mufteeva)
Lueurs d’espoir pour l’économie américaine
(The Economist)
Les éclairages de Problèmes économiques :
- L’économie américaine en chiffres
- Des plans de sauvetage aux réformes
- Le poids de l’État en recul sous la présidence
démocrate
- Élection présidentielle 2012 : le Parti
républicain, à la conquête de la Maison-Blanche
- Élection présidentielle 2012 : financement de
la campagne et intentions de vote
Pour en savoir en plus
Également dans
ce numéro :
- Entrepreneurs et capitalistes chinois :
qui sont-ils ?
(Le Journal de l’École de Paris du management –
Yves Chevrier)
- L’OMC et les normes internationales
(Responsabilité et
environnement – Pascal Lamy)
France-Allemagne : histoire d’un
chassé-croisé démographique
Population et sociétés
Gilles Pison
Avec un indice de fécondité de 2 enfants par
femme et une croissance de sa population
de 5,6 pour mille en 2011, la France
s’illustre par son dynamisme démographique.
En Allemagne, en revanche, la même année, la
population a baissé de 0,6 pour mille. Ces
évolutions contrastées, si elles se
poursuivent, laissent entrevoir un
dépassement de la population allemande par
celle dela France dès 2055. Pourtant,
l’Allemagne a longtemps eu une démographie
plus dynamique, et ce n’est qu’à partir dela
Seconde Guerre mondiale que le rapport avec
la France s’est inversé.
La
situation du marché du travail s’est
dégradée
DARES-Analyses
Claude Minni
et al
Avec le ralentissement de l’activité
économique, la situation du marché du
travail s’est dégradée en France, au cours
de l’année 2011. Les créations d’emploi y
ont été deux fois moins nombreuses qu’en
2010, se situant à environ 60 000 contre 124
000 l’année précédente. Cette baisse
s’explique, pour partie, par le repli du
secteur de l’intérim notamment dans
l’industrie. Dans un contexte de poursuite
de l’augmentation de la population active,
le taux de chômage est reparti à la hausse
en 2011 pour s’établir à 9,8 % pour
l’ensemble de la France. Les hommes qui
avaient profité de la reprise de 2010, mais
très présents dans l’intérim, ont vu leur
taux de chômage augmenter tandis que celui
des femmes a légèrement reculé.
La
croissance du PIB s’est maintenue
INSEE
Première
Anne-Juliette Bessone,
Vladimir Passeron et Aurélien Poissonnier
Après une récession en 2009 sans précédent
depuis la Seconde Guerre mondiale, la France
a connu en 2011, et pour la deuxième année
consécutive, une croissance positive. Le
produit intérieur brut a progressé de 1,7 %
en moyenne annuelle. La demande des
entreprises s’est accélérée, elles ont
davantage investi et ont reconstitué leurs
stocks. La consommation des ménages, en
revanche, s’est ralenti. Leur revenu
disponible n’a crû que très faiblement,
l’augmentation des prix, notamment celui de
l’énergie, ayant été plus rapide que celle
des revenus d’activité. Quant aux sociétés
non financières, elles ont vu leurs taux de
marge et leur épargne reculer.
Un léger
recul du pouvoir d’achat
Note de conjoncture de
l’INSEE
Le revenu disponible brut (RDB) des
ménages a, selon l’Institut national de la
statistique et des études économiques
(INSEE), quelque peu ralenti en 2012 en
raison notamment d’un moindre dynamisme de
leurs revenus d’activité et d’une
accélération des prélèvements obligatoires.
Un léger recul du pouvoir d’achat est ainsi
attendu, le faible ralentissement des prix à
la consommation ne suffisant pas à en
maintenir le niveau. En ce qui concerne la
consommation des ménages, celle-ci a
légèrement accéléré en 2012. Quant à leur
taux d’épargne, il marque un net recul.
Le solde
des transactions courantes se creuse
Balance des
paiements et position extérieure de la
France
Banque de France
Le solde des transactions courantes de la
France, qui résulte des flux économiques de
biens, de services et de revenus entre
résidents et non-résidents, est déficitaire
de 38,9 milliards d’euros pour l’année 2011,
soit 1,9 % du produit intérieur brut (PIB).
La détérioration de ce solde se confirme :
douze mois auparavant, il s’élevait à - 30
milliards d’euros contre - 25 milliards en
2009. Le principal facteur qui explique
cette évolution est l’augmentation du
déficit des échanges de biens – en hausse de
20 milliards en 2011 ; les échanges de
services et de revenus, quant à eux, se
redressent mais sans compenser le solde
négatif des biens. Enfin, les flux
d’investissements directs aboutissent en
2011 à des sorties nettes de 35 milliards,
équivalentes à celles de l’année 2010, mais
inférieures de quelque 25 milliards à celles
de 2008 et 2009.
Le
déficit commercial s’amplifie
Le
Chiffre du commerce extérieur
DGDDI
Si, en 2011, les échanges ont, après la
vigoureuse reprise de 2010, ralenti, ils ont
néanmoins dépassé leur niveau d’avant la
crise. Les ventes du secteur agroalimentaire
et de l’industrie du luxe ont tiré les
exportations tandis que le renchérissement
du cours des matières premières –
alourdissant la facture énergétique – a
contribué au gonflement du montant des
importations. Au final, le déficit
commercial continue de se creuser : - 69,6
milliards d’euros en 2011 (contre – 51,5
milliards en 2010).
Des
finances publiques en cours de redressement
Rapport sur
la situation et les perspectives des
finances publiques
Cour des comptes
Le redressement des finances publiques s’est
poursuivi en 2011. Le déficit public a
fortement reculé (de 1,9 point de produit
intérieur brut - PIB) pour revenir à 5,2 %
du PIB. Cette baisse tient toutefois pour
moitié à la fin des mesures temporaires,
comme notamment le plan de relance, qui
avaient aggravé le déficit en 2010 et qui
n’ont pas été reconduites en 2011. Ce
déficit est, en majeure partie, structurel
- 4 % du PIB en 2011 contre 3,2 % en
moyenne dans la zone euro - et concentré sur
l’État. Les administrations locales sont à
l’équilibre et le régime général de la
Sécurité sociale continue à accuser un
déficit structurel de 0,6 point du PIB. La
dette publique, quant à elle, a encore
augmenté en 2011 ; elle s’élève à 86 % du
PIB (après 82,3 % en 2010) et reste très
proche de la moyenne de la zone euro.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
L’industrie britannique de la finance : un
régime létal ?
The
Economist
Première place financière
mondiale, la City serait menacée.
Séparation des activités de dépôt et
d’investissement, augmentation des fonds
propres, taxation des transactions
financières, sont autant de réglementations
susceptibles, dans un contexte de
ralentissement de l’activité économique,
d’encourager les délocalisations et la
rétractation du volume des transactions.
Sauf que l’activité de la place de Londres
provient pour l’essentiel de banques
internationales, certes installées dans la
capitale anglaise mais qui ne sont pas
concernées par ces nouvelles obligations.
Quant à la menace que constituerait le
déplacement du centre de gravité de
l’économie internationale vers l’Asie,la
City ne manquerait pas d’atouts pour y
faire face.
L’économie iranienne dans la tourmente
Esprit
Fereydoun A. Khavand
L’économie iranienne traverse une période
difficile. Certes, elle bénéficie toujours
de la rente pétrolière lui assurant de très
importantes rentrées de devises, mais ces
revenus arrivent de moins en moins à
dissimuler les fragilités structurelles dont
souffre le système économique : une économie
étatisée et rentière, des politiques
économiques peu lisibles et des rivalités
entre les différents pôles du pouvoir, qui
empêchent la mise en œuvre des réformes. Ces
dysfonctionnements pèsent fortement sur la
conjoncture : les indicateurs
macroéconomiques du pays affichent l’un des
taux de croissance les plus faibles et l’un
des taux d’inflation les plus élevés de la
région.
Une
classe moyenne émergente
L’Observateur OCDE
Mario Pezzini
Traditionnellement, les classes moyennes
jouent un rôle économique et social
déterminant, de par leur consommation et
leur attachement aux valeurs démocratiques.
Elles se sont d’ailleurs imposées comme le
moteur du développement dans de nombreux
pays de l’OCDE. Dans les pays émergents, les
nouvelles classes moyennes, en plein essor,
sont aussi appelées à jouer un rôle central.
À condition, toutefois, que les pouvoirs
publics prennent en compte leur
vulnérabilité notamment face à l’emploi et
la protection sociale et mettent en place un
service public de qualité. Il en va de la
capacité de cette catégorie de population à
jouer pleinement son rôle de moteur de la
croissance et du développement ; au moment
même où, dans les pays développés, les
classes moyennes se sentent menacées.
Qu’est-ce
que la classe moyenne dans les pays du Sud ?
The
Journal of Economic Perspectives
Abhijit V. Banerjee et Esther
Duflo
À partir de données sur les habitudes et les
modes de consommation et d’investissement de
la classe moyenne, les auteurs ont cherché à
établir les traits caractéristiques de ce
groupe social dans les pays en
développement. Ils s’efforcent, en
particulier, de déterminer ce qui distingue
la classe moyenne de la masse des pauvres,
entendu comme les personnes vivant avec
moins de 2 dollars par jour (en parité de
pouvoir d’achat). Toute la difficulté
méthodologique de l’entreprise a été de
rassembler des informations comparables,
selon les pays, à partir d’enquêtes ou de
sondages, afin de pouvoir en tirer des
enseignements pertinents pour l’ensemble des
pays en développement.
Le
nouveau moteur de l’Afrique
Finances
& Développement
Calestous Juma
Longtemps grand oublié de la croissance, le
continent africain connaît, depuis quelques
années, une renaissance économique dans un
contexte de récession mondiale. Ce dynamisme
est concomitant à l’émergence d’une jeune
classe moyenne dont la forte propension à
consommer vient alimenter, à son tour, la
croissance. Les sources de cette vitalité
africaine sont nombreuses. À commencer par
les changements politiques et économiques à
l’œuvre depuis une dizaine d’années,
changements qui ont largement contribué à
l’amélioration du climat des affaires. À
cela, il faut ajouter l’émergence d’une
catégorie de jeunes entrepreneurs très
présents dans les nouvelles technologies, la
multiplication d’initiatives allant dans le
sens d’une plus grande intégration
régionale et le développement d’une nouvelle
génération d’universités. Si tous ces
éléments participent à l’émergence d’une
classe moyenne, moteur de croissance et de
développement, il n’en demeure pas moins que
les chantiers auxquels les autorités doivent
s’atteler restent nombreux.
Les
contours de la classe moyenne chinoise
La Vie
des idées
Jean-Louis Rocca
Depuis quelques années, la croissance des
revenus a été particulièrement forte en
Chine. De plus en plus de gens acquièrent
un logement, voyagent ou envoient leurs
enfants étudier à l’étranger, notamment aux
États-Unis. Dans le même temps, le niveau
d’éducation de la population n’a cessé
d’augmenter et le nombre de diplômés de
l’enseignement supérieur est désormais
considérable. Autant de signes qui attestent
de l’apparition d’une classe moyenne à
l’image de ce qu’ont connu les économies
avancées, il y a quelques décennies. La
classe moyenne chinoise reste néanmoins très
hétérogène en termes de profil sociologique
des individus qui la constituent. À
l’avenir, les dirigeants chinois attendent
beaucoup du renforcement d’un groupe social
qui permettrait en développant le marché
domestique de changer le modèle de
croissance du pays.
Chine :
le mythe de la classe moyenne
Foreign
Policy in Focus
Nan Chen
La formidable croissance économique que la
Chine a connue, au cours des dernières
décennies, s’est accompagnée de l’émergence
dans ce pays d’une classe moyenne dont les
caractéristiques seraient proches de celle
des pays riches. L’apparition de ce nouveau
groupe social en Chine se serait faite, en
raison de la mondialisation et du
déséquilibre commercial entre cette dernière
et les États-Unis, aux dépens de la classe
moyenne américaine qui est victime, elle,
depuis quelques années, d’un certain déclin.
L’auteur considère qu’en réalité, cette
thèse aussi répandue soit elle, ne se
vérifie pas dans les faits. En Chine, on a
plutôt assisté à la naissance d’une élite
et à l’explosion des inégalités. Loin des
idées reçues qui ont cours, notamment
outre-Atlantique, la classe moyenne chinoise
serait tout au plus embryonnaire.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Nouveau
rôle pour les banques centrales ?
Sociétal
Denise Flouzat-Osmont D’Amilly
Depuis la crise financière, qui a débuté en
2007, l’évolution des politiques monétaires
a conduit à des changements importants dans
le rôle des banques centrales. Elles ont été
amenées, ces cinq dernières années à
intervenir bien au-delà de la politique
conventionnelle « classique ». Les banques
centrales semblent être entrées dans un
« nouvel âge » qui les conduit à élargir les
objectifs qui leur sont traditionnellement
assignés. Un retour sur l’histoire de ces
institutions depuis 1960 permet de remettre
en perspective le nouveau rôle qui leur est
aujourd’hui dévolu.
Le défi
de l’anglicisation pour les entreprises
La Gazette
de la société
et des techniques
Jérôme Saulière
L’utilisation de l’anglais, la langue des
affaires internationales pose des défis
considérables aux entreprises françaises.
Son usage est un facteur de valorisation,
mais il peut également être un facteur de
stress pour les salariés qui en ont une
maîtrise insuffisante. Si cette question
intéresse désormais les organisations
syndicales, le manque général de réflexion
économique et stratégique sur le sujet est
manifeste : comment gérer la transition sans
brusquer les équipes ? Jusqu’où faire
pénétrer l’anglais avant qu’il ne devienne
envahissant ? Comment empêcher que les
rapports de pouvoir ne deviennent
subordonnés à la maîtrise de la langue … ?
Ambitions
et contradictions du « modèle » singapourien
Monde
chinois, nouvelle Asie
Caroline Figoni
Singapour est à l’Asie ce que Suez est à
l’Afrique : un centre névralgique de
l’économie mondiale. Mais la cité-État est
plus que cela – dynamique et ultramoderne,
elle est la quatrième place financière au
monde et ses indicateurs économiques font
pâlir d’envie les plus grandes puissances
occidentales. Par le choix du multilinguisme
et du mélange des cultures, Singapour
représente aussi un laboratoire avancé de
la mondialisation. Mais sur quoi repose son
succès ? S’il est avant tout le fruit des
investissements intensifs du gouvernement
dans les deux facteurs de production que
sont le travail et le capital, la trop forte
dépendance du modèle singapourien des
performances de son économie est aussi
source d’inquiétude. À l’heure où la crise
financière pèse sur les taux de croissance,
la question de la pérennité et la viabilité
de ce modèle commence à se poser de façon
pressante.
Réduire
l’endettement
est
difficile
Finances et
développement
Stijn
Claessens
La plupart
des crises
financières
sont
provoquées
par un
endettement
excessif.
Les
responsables
de ces
déséquilibres
ne sont
cependant
pas toujours
les mêmes :
il peut
s’agir des
États, des
ménages, des
entreprises
ou bien des
institutions
financières.
Pour des
raisons de
nature
microéconomique,
mais
également
macroéconomique,
l’ensemble
de ces
acteurs ne
parvient pas
facilement à
retrouver un
niveau de
dette plus
soutenable.
Le
désendettement
est ainsi un
processus
qui
s’inscrit
dans la
durée et est
souvent
accompagné
d’une faible
croissance,
voire d’une
récession.
Parfois,
l’État peut
se
substituer
comme moteur
de
croissance à
la
consommation
privée et
ainsi éviter
la
dépression,
mais à
l’occasion
de la crise
actuelle,
cette voie
n’est pas
aussi facile
à suivre
qu’auparavant,
car les
niveaux de
dette
souveraine
sont déjà
élevés.
Néanmoins,
l’action des
pouvoirs
publics dans
les phases
d’assainissement
financier
demeure
importante,
surtout au
niveau de la
coopération
internationale.
Pour une
politique de
relance
Le Monde –
supplément
« Culture et
idées »
Entretien
avec Paul
Krugman par
Claire
Gatinois
La thèse
défendue par
le « prix
Nobel
d’économie »
Paul Krugman
va à
l’encontre
de la
politique
menée
aujourd’hui
par la
plupart des
pays
confrontés à
la crise :
plutôt que
de mettre en
œuvre des
politiques
d’austérité,
le célèbre
économiste
américain
préconise au
contraire
d’augmenter
les
dépenses
publiques.
Selon lui,
une telle
politique de
relance,
conforme à
ce que
Keynes
proposait
dans les
années 1930
pour le
Royaume-Uni,
ne
dégraderait
pas les
finances
publiques. À
long terme,
elle
pourrait
même les
améliorer :
les dépenses
publiques,
financées
par des
prêts à des
taux très
bas comme
ils le sont
actuellement,
permettraient
à terme
d’engranger
plus de
recettes
fiscales et
les dégâts
provoqués
par la
récession
seraient
ainsi
évités.
Plaidoyer en
faveur d’une
politique
d’offre
Flash
économie –
Natixis
Patrick
Artus
La crise aux
États-Unis
et en Europe
est due,
selon
Patrick
Artus, à un
excès
d’endettement.
Pour sortir
durablement
du marasme,
il est
indispensable
de mettre un
terme à ce
phénomène,
même si au
moment où la
crise a
débuté, la
politique de
relance
s’est avérée
efficace.
Toutefois
l’auteur
reconnaît
qu’un
désendettement
simultané
des secteurs
privé et
public n’est
pas sans
danger pour
la
croissance.
Aussi
préconise-t-il,
afin
d’éradiquer
la crise,
deux
solutions :
que l’État
choisisse de
réduire les
dépenses non
productives
et
maintienne
les dépenses
d’investissement
et, dans
l’hypothèse
où la
rentabilité
des
entreprises
serait trop
faible,
qu’il
pratique une
politique de
déformation
du partage
des revenus
au détriment
des
salariés.
Comment
restructurer
les dettes
souveraines ?
L’Économie
politique
Jérôme
Sgard
La crise des
dettes
souveraines
que traverse
la zone
euro,
particulièrement
prononcée
dans le cas
de la
Grèce, a
ramené au
premier plan
la question
récurrente
de
l’insolvabilité
d’un État
souverain.
Depuis la
crise
mexicaine de
1982, le
Fonds
monétaire
international
(FMI) a joué
un rôle
central dans
la
restructuration
des États en
situation de
faillite,
notamment
des pays en
développement.
En matière
de dette
souveraine,
contrairement
à ce qui
prévaut dans
le domaine
des
faillites
privées, il
n’existe
pas de
règles
juridiques
fixées par
une
juridiction
supranationale
qui puissent
s’appliquer
de facto
aux
créanciers.
Au cours des
trente
dernières
années, le
FMI a donc
dû inventer
une méthode
et des
principes
pour
parvenir à
restructurer
ou
rééchelonner
de manière
efficace la
dette des
États
faillis.
Risque de
défaut et
union
monétaire :
le cas de la
zone euro
Revue de la
stabilité
financière
de la Banque
de France
Julien
Matheron,
Benoît Mojon
et
Jean-Guillaume
Sahuc
Au sein
d’une union
monétaire,
le risque de
défaut doit
impérativement
être pris en
compte dans
le cadre de
la
coordination
des
politiques
budgétaire
et
monétaire.
Outre la
question du
lien entre
politique
monétaire et
solvabilité
budgétaire,
l’union
monétaire –
comme le
démontre le
cas de la
zone euro –
exige une
coordination
efficace des
politiques
budgétaires,
afin de
limiter le
risque qu’un
État laisse
« filer »
ses
déficits.
Par
ailleurs, la
zone euro a
souffert,
jusqu’en
2008, de
l’incapacité
des marchés
à apprécier
de façon
juste la
qualité des
obligations
souveraines
émises par
les
différents
États. Pour
résoudre la
crise, la
politique
monétaire
pratiquée
par la
Banque
centrale
européenne
(BCE) a
néanmoins
démontré une
relative
efficacité :
d’abord en
ce qui
concerne le
taux
d’intérêt à
court terme,
puis – grâce
aux mesures
non
conventionnelles
mises en
œuvre - pour
faire
baisser
également
les taux à
plus long
terme.
Le retour de
la
répression
financière »
Frankfurter
Allgemeine
Zeitung
Philippe
Plickert
La voie la
plus
probable
pour sortir
de la crise
de la dette
sera de
combiner une
inflation
moyennement
élevée et
une forme de
« répression
financière »,
débouchant
sur des taux
d’intérêt
réel
négatifs.
Cette
« répression »
prend
aujourd’hui
plusieurs
formes : une
orientation
de l’épargne
privée par
les pouvoirs
publics -
notamment
pour
accorder des
prêts
directs aux
États -, un
plafond
implicite ou
explicite
sur les taux
d’intérêt,
une
limitation
des
mouvements
de capitaux
- dans le
cadre de la
lutte contre
l’évasion et
les paradis
fiscaux -,
des ratios
prudentiels
qui
privilégient
des titres
publics ou
la
nationalisation
des banques.
On pourra
considérer
ce
processus
comme étant
l’opposé du
mouvement de
libéralisation
financière
des trente
dernières
années. Pour
certains
économistes,
il s’agit
même d’une
dé-mondialisation,
voire d’un
retour au
système de
Bretton
Woods.
Quel avenir
pour le
Royaume-Uni
dans l’Union
européenne ?
Questions
d’Europe
Pauline
Schnapper
Le
Royaume-Uni
occupe une
place à part
en Europe.
En refusant
de signer le
pacte de
stabilité
budgétaire
sur lequel
vingt-cinq
États-membres
s’étaient
mis d’accord
en décembre
2011, le
Premier
ministre
britannique,
David
Cameron, a
satisfait
les plus
eurosceptiques
de son parti
- certains
allant
jusqu’à
souhaiter un
retrait de
l’Union
européenne
(UE) – au
risque
d’isoler
encore un
peu plus son
pays en
Europe. À
l’heure où
l’UE semble
se diriger
vers une
plus grande
intégration
économique,
voire vers
davantage de
fédéralisme,
se pose
ainsi la
question de
l’avenir du
Royaume-Uni
en son sein.
L’avenir du
travail et
de l’emploi
Futuribles
Hugues
de Balathier
Lantage
En juillet
2011, le
Centre
d’analyse
stratégique
(CAS)
publiait un
travail
prospectif
sur
l’évolution
du marché du
travail et
de l’emploi
dans les
vingt ans à
venir. Après
un rappel
des
mutations
récentes du
marché du
travail, il
répond à
quelques
questions
apparemment
simples
telles que :
"Pourquoi
nous
travaillons
?" "Avec qui
? Où ? Et
comment ? ».
Il en
ressort que
nous ne
travaillerons
pas en 2030
comme nous
le faisons
aujourd’hui.
Deux
scénarios
d’évolution
sont
retenus. Le
premier
repose sur
un modèle de
croissance
fondé sur
l’économie
de la
connaissance
numérique et
verte. On y
observe un
développement
important
des
nouvelles
formes de
travail, de
formation et
un
renforcement
du rôle de
la société
civile. Le
second
retient
l’avènement
de nouveaux
équilibres
favorables à
une moindre
pression sur
le travail
et l’emploi
en France.
La
réalisation
de l’un ou
l’autre de
ces
scénarios
dépendra
avant tout
des choix
des acteurs
politiques
et
économiques
en termes de
compétitivité
et de
cohésion
sociale
Auto-entrepreneurs :
quel bilan ?
INSEE
première
Jérôme
Domens et
Justine
Pignier
Le statut de
l’auto-entrepreneur
– un régime
destiné à
faciliter
l'exercice
d'une
activité
entrepreneuriale
– a été
introduit
par la loi
de
modernisation
de
l’économie
en date du
4 août 2008.
En 2009,
328 000
personnes se
sont
déclarées
auto-entrepreneurs,
mais
seulement la
moitié ont
exercé une
activité
économique
effective.
En moyenne,
ils ont tiré
un revenu
annualisé de
4 300 euros.
Deux ans
plus tard,
fin 2011, un
tiers est
toujours
actif, mais
seuls 79 000
ont pu
dégager un
revenu de
façon
continue
depuis la
création de
leur
entreprise.
Si le revenu
provenant de
leur
activité a,
en moyenne,
progressé,
dans 90 %
des cas, il
reste
inférieur au
salaire
minimum
interprofessionnel
de
croissance
(SMIC). Peu
nombreux
sont
d’ailleurs
ceux à avoir
quitté
l’auto-entrepreneuriat
pour
rejoindre le
régime non
salarié
classique.
La diversité des crises
économiques
Une histoire des crises
(Vincent Duchaussoy)
Comment les théories économiques
expliquent-elles les crises ?
(Robert Boyer)
Les pouvoirs publics face aux crises : prévenir
et/ou guérir ? (Sophie Brana)
Crises et systèmes financiers
(Dominique Plihon)
Les grandes crises du XXe
siècle
Les controverses autour de la Grande Dépression
(Pierre Bezbakh)
La crise des années 1970 : une crise atypique ?
(Michel-Pierre Chélini)
Une brève histoire des crises financières dans
les pays émergents
(Christophe Destais)
Le Japon des années 1990, laboratoire des crises
(Evelyne Dourille-Feer)
La bulle Internet (Yves
Jégourel)
La Grande Récession
Les mécanismes de la Grande Récession
(Nicolas Couderc, Olivia
Montel-Dumont)
Le monde face à la crise : comparaisons
internationales (Xavier
Timbeau)
Les gouvernements et les banques centrales face
à la Grande Récession (Jérôme
Creel)
L’Europe face à la crise des dettes souveraines
(Franck Lirzin)
Quelle économie mondiale après la crise ?
(Cécile Bastidon Gilles)
Les États
face à la dictature des marchés
Pouvoirs
Denis Kessler
Les marchés financiers sont devenus l’objet
de toutes les critiques, notamment depuis
l’éclatement de la crise financière en
2007/2008. Les reproches adressés aux
marchés sont en effet nombreux : ils
auraient pour seul objectif la spéculation,
ils seraient exagérément court-termistes,
ils fonderaient leurs décisions sur la base
de notations émises par des agences
irresponsables et sans contrôle démocratique
et exerceraient ainsi une pression
inadmissible sur les pays emprunteurs.
L’auteur soutient que la plupart de ces
critiques ne résistent pas à l’analyse. Ces
dernières répondent, selon lui, au besoin
qu’ont les gouvernements de désigner des
boucs émissaires afin de mieux faire
accepter aux citoyens des efforts, comme
notamment le remboursement de dettes
publiques dont les citoyens ne se sentent
pas individuellement responsables.
L’essor
du capitalisme d’État
The Economist
Au moment où les pays riches
de l’Occident, affaiblis par la crise
économique et financière, affrontent une
crise de leur système capitaliste, une
forme alternative au capitalisme occidental
se développe dans certains pays émergents :
le capitalisme d’État. Ce système cherche à
allier le pouvoir étatique à la force du
système capitaliste. L’essor économique de
la Chine et du Brésil témoigne de
l’efficacité de ce concept. Un des vecteurs
du succès est la formation d’entreprises
très puissantes, notamment dans le secteur
de l’énergie, des télécommunications et dans
le domaine bancaire et financier. Le
développement rapide de cette forme de
capitalisme est toutefois marqué par de
nombreux fléaux comme la corruption et le
copinage. Enfin, certaines pratiques liées
au capitalisme d’État portent clairement
atteintes aux règles du commerce mondial et
pourraient conduire à une organisation plus
autoritaire des marchés et des sociétés.
La
coordination des politiques économiques :
une nécessité
Revue
d’économie financière
Laurence Boone
La crise financière de 2008 suivie de la
crise de la dette souveraine ont montré les
limites du mode de gouvernance de la zone
euro. Longtemps écartée, la coordination des
politiques économiques apparaît aujourd’hui
indispensable à la sortie de crise. Pour
l’heure, le choix semble être celui d’une
gouvernance décentralisée, administrée
essentiellement dans un cadre
intergouvernemental. Après avoir analysé les
forces et faiblesses de la réforme à
l’œuvre, l’auteur insiste sur la nécessité
d’aller plus loin dans la coordination des
politiques économiques nationales, préalable
à une union monétaire solide.
Biens
publics mondiaux et coopération
internationale
Économie
et management
Philippe Lacoste
La réflexion sur la notion de biens publics
mondiaux, entendue comme la transposition au
niveau mondial de celle de bien public, ne
va pas sans soulever un certain nombre de
questions. Le caractère mondial du bien
public renvoie, en effet, à l’idée d’une
communauté internationale qui a des biens
communs à promouvoir. Se pose alors la
question d’une possible souveraineté
internationale. L’auteur s’attache à
montrer comment la notion même de bien
public international, implique le
développement de nouvelles formes de
coopération des États dans le but de
réguler la mondialisation, à l’image des
initiatives qui ont d’ores et déjà été
prises dans le domaine de la santé. Il en va
du bien être de l’humanité.
Un État
promoteur
Le cercle des
économistes – rencontres économiques
d’Aix-en-Provence
Antoine Gosset-Grainville
La crise financière a modifié les champs
d’intervention de l’État : d’abord, en
portant un coup d’arrêt à l’idéologie des
marchés autorégulateurs, ensuite - via la
crise des dettes souveraines - en
restreignant les marges de manœuvre
étatiques dans la poursuite des politiques
économiques. Ainsi, une période s’ouvre
durant laquelle un nouvel équilibre est à
chercher entre État et marché. Celui-ci doit
conjuguer la baisse des moyens de l’État
avec le renouvellement de ses missions. Le
résultat pourrait être l’avènement d’un
« État promoteur » qui facilite le
financement de l’économie et accompagne la
transition vers une économie plus durable et
plus respectueuse de la cohésion sociale.
Les États qui sauront se doter de telles
institutions pourraient ainsi obtenir un
avantage concurrentiel considérable.
Crise de
la zone euro : quelles conséquences pour
l’Afrique ?
La Lettre
du CEPII
Maëlan Le Goff
L’Europe joue un rôle clef dans le
développement économique de l’Afrique.
Beaucoup de pays ont en effet conservé des
liens étroits avec les anciennes puissances
coloniales ce qui se manifeste à travers
leurs échanges de biens et services et les
investissements qu’ils reçoivent. Les
difficultés que traverse la zone euro
pourraient ainsi avoir des conséquences
négatives pour le continent : pour les pays
d’Afrique du Nord, très dépendants des
échanges avec l’Europe, pour les petits pays
insulaires qui bénéficient d’un tourisme
important, pour les pays d’Afrique
sub-saharienne qui dépendent beaucoup de
l’aide publique au développement. La crise
européenne met donc en lumière la fragilité
du développement africain et pourrait
pousser le continent à se tourner davantage
vers les pays émergents.
La
bataille de l’eau
Revue des
deux mondes
Annick Steta
L’eau douce est un bien rare. Pour preuve, à
l’horizon 2050, environ 45 % de la
population mondiale vivra dans des zones où
l’eau manque de façon chronique. La faute à
une consommation mondiale qui augmente
beaucoup plus vite que la population et la
production. La répartition inéquitable de
cette ressource est à l’origine de
nombreuses tensions. Pour autant, des
solutions existent qui permettraient un
meilleur ajustement entre l’offre et la
demande. Trente cinq ans après la première
conférence internationale sur l’eau
organisée sous l’égide des Nations unies à
Mar del Plata, l’ensemble de la population
n’a pas encore accès à une eau douce de
qualité, il en va, pourtant, du
développement économique comme de la
stabilité internationale.
L’euro et
le système monétaire international
Journal of
Policy Modeling
Barry Eichengreen
Lorsqu'il a assumé la présidence du G20, le
gouvernement français avait mis au centre de
son programme la réforme du système
monétaire international (SMI). Toutefois, en
2011, comme en 2012, la réforme n’a pas
beaucoup avancé. Cet échec est largement
attribué à l'approfondissement de la crise
dans la zone euro. Ne constituant pas une
zone monétaire optimale, l’union monétaire
européenne souffre notamment de deux lacunes
: l’absence d’un mécanisme d’ajustement
adéquate pour corriger les déséquilibres
entre États membres et celle d’une
régulation bancaire commune. À l'instar des
responsables européens qui peinent à
résoudre ces problèmes, la réforme du SMI
n’avance pas non plus. La raison est
simple : ce dernier souffre de problèmes qui
sont tout à fait comparables à ceux de la
zone euro. Finalement, les deux sont
confrontés au même enjeu : avancer ou pas
sur la voie de l’intégration.
L’année 2012 a été marquée par une reprise atone et inégale dans les économies avancées. Cette situation est liée à la fois aux effets persistants de la crise de 2008 et aux difficultés budgétaires des pays de la zone euro soumis aux pressions des marchés. Cette plus ou moins grande vigueur de la reprise affecte également les États-Unis et le Japon. Dans ces pays, le chômage devrait néanmoins continuer à refluer modérément tandis qu’il continuera d’augmenter dans la zone euro en 2012 et probablement en 2013. La principale menace pour l’économie mondiale demeure la crise de la zone euro. Les incertitudes entourant l’évolution économique des pays européens pèsent en effet sur la croissance des grands pays émergents.
3057 L'Espagne en crise
L’Espagne
a encore les cartes en main
Conjoncture BNP Paribas
Thibault Mercier
Après avoir longtemps fait figure de bon
élève de la zone euro, l’Espagne traverse
aujourd’hui une crise profonde : taux de
chômage abyssal - un actif sur quatre est
sans emploi -, croissance négative, déficit
public et taux d’endettement records. La
crise financière de 2008-2009, en
précipitant l’éclatement de la bulle
immobilière, a agi comme un révélateur des
importants déséquilibres de l’économie
espagnole largement assise sur le crédit et
l’investissement dans la construction
résidentielle. L’absence de réformes
structurelles, l’insuffisance des
investissements productifs et la forte
augmentation de la dette extérieure ont
exacerbé la vulnérabilité de l’économie
espagnole aux chocs externes. Pour autant,
Madrid possède les atouts devant lui
permettre de sortir de la crise tout en
préservant son autonomie financière, à
condition toutefois de mener à leur terme
les réformes en cours.
La
gestion de la crise espagnole
Notes – Les
Economistes atterrés
Philippe Légé
La crise qui frappe l’Espagne depuis
plusieurs années n’est toujours pas réglée.
Sous l’impulsion de l’Union européenne, le
pays s’est imposé une cure d’austérité. Le
nouveau traité européen de stabilité
budgétaire - le Traité sur la stabilité, la
coordination et la gouvernance (TSCG) –
renforce cette orientation. Pourtant, avant
2008, la dette publique représentait moins
de 40 % du produit intérieur brut (PIB) et
le solde budgétaire était positif. En
revanche, la balance commerciale accumulait
des déficits et l’endettement privé avait
fortement augmenté. Le TSCG aurait-il pu
empêcher les divergences productives et les
déséquilibres commerciaux ? L’auteur répond
par la négative et illustre son propos par
un exposé de la crise du secteur bancaire
espagnol.
L’Europe
se devait de sauver les banques espagnoles !
ABC
Entretien avec Xavier Sala i
Martin par Javier Tahiri
À la fin du printemps 2012, la situation de
l’Espagne est véritablement devenue
alarmante. La défiance des marchés ayant
atteint un seuil critique, le pays s’est
trouvé au bord de la banqueroute et le
recours au Fonds européen de stabilité
financière (FESF) pour sauver le système
bancaire espagnol est apparu inévitable.
Xavier Sala i Martin, célèbre professeur à
l’université Columbia (New York) et
conseiller en chef pour le Réseau de la
compétitivité mondiale du Forum de Davos
dresse, dans un cet entretien accordé en
juin 2012 au journal électronique espagnol
ABC, un bilan très
sombre des conséquences de la crise que
traverse l’Espagne. Il estime en particulier
que l’état désastreux dans lequel se trouve
aujourd’hui le secteur bancaire est le
résultat de multiples décisions erronées
prises au fil des ans par les pouvoirs
publics. Selon lui, sans une intervention de
l’Europe, l’Espagne aurait fait faillite.
Marché du
travail : une réforme de plus
Chronique
internationale de l’IRES
Catherine Clément
La réforme du marché du travail décidée par
le gouvernement conservateur de Mariano
Rajoy dès son arrivée au pouvoir en novembre
2011, est la dernière d’une longue série de
mesures visant à assouplir des règles
contraignantes héritées du franquisme.
Entrée en vigueur en février 2012, cette
réforme témoigne de la volonté du nouveau
gouvernement d’aller encore plus loin dans
la flexibilisation du marché du travail.
Si, sans surprise, le nouveau régime donne
satisfaction au patronat, il est jugé très
sévèrement par les syndicats qui dénoncent
son inefficacité à relancer l’économie et
son caractère injuste. Pour autant,
l’ensemble des acteurs sociaux partagent le
diagnostic de la nécessité de lutter contre
le chômage et d’augmenter la productivité du
travail, allant jusqu’à s’accorder sur les
remèdes.
Une
reprise remarquable de la compétitivité
Real
Instituto Elcano
William Chislett
Le déficit du compte courant espagnol
atteignait 10 % du produit intérieur brut
(PIB) en 2008, soit le plus élevé de tous
les pays de la zone euro. Lorsque l’Espagne
disposait de sa propre devise, la peseta, la
compétitivité pouvait être améliorée par la
dévaluation. Aujourd'hui, dans la mesure où
elle est membre de la zone euro, une hausse
de la compétitivité ne peut provenir que des
gains de productivité et d’un meilleur
rapport qualité/prix. Dans ce contexte plus
contraignant et en dépit de la crise,
l’Espagne a réussi à inverser la tendance.
En effet, la croissance récente des
exportations a contribué, plus que la baisse
des importations, à réduire le déficit
commercial, évitant ainsi une récession
encore plus grave. La question qui se pose
désormais est de savoir si ce succès
perdurera lorsque la croissance sera de
retour.
Économie
de la robotique : les nouveaux enjeux
Réalités
industrielles
Françoise Roure et Grégoire
Postel-Vinay
L’économie industrielle de la machine-outil,
à travers l’automatisation et la
normalisation de la qualité, se fixait pour
objectif d’augmenter la productivité globale
des facteurs de production par une réduction
drastique du coût du facteur travail. À
l’ère de l’économie de la robotique, un
facteur supplémentaire est venu s’ajouter au
travail et au capital : la « connaissance »,
qui combine l’information à sa traduction
utile dans l’action. La robotique s’avère
désormais être un facteur déterminant de
compétitivité et de création d’emplois. Le
sous-investissement de la France dans le
secteur des robots a, au cours des dernières
années, constitué un véritable handicap.
Au-delà des frontières de l’industrie, le
recours aux robots est appelé à croître
notamment, en raison du vieillissement de la
population, dans le secteur des services à
la personne.
Finance
éthique, finance islamique : quelle place en
France ?
La revue des
Sciences de gestion – Direction et gestion
Michel Roux
La crise financière et bancaire a remis en
cause de nombreux paradigmes macro et
microéconomiques. L’équilibre de la finance
mondiale s’est déplacé au bénéfice des pays
émergents. Du côté des banques, on s’efforce
de rendre la finance plus responsable et
plus proche de l’économie réelle. Ainsi, les
business model
bancaires sont réévalués en faveur d’un
recentrage sur le cœur du métier de la
banque de détail. Dans ce contexte, la
finance éthique et la finance islamique
constituent des opportunités de
développement dans le secteur de la banque
de détail. La finance islamique représente
en effet un marché estimé entre 700 et 1000
milliards de dollars. Dans un monde plus
instable que jamais, la France cherche
aujourd’hui à prendre sa part dans le
recyclage de ce considérable gisement
d’épargne.
De l’(in)utilité
des agences de notation
Regards
économiques
Mikael Petitjean
Les agences de notation, qui sont des
organismes chargés d'évaluer financièrement
des acteurs économiques et les valeurs ou
engagements financiers qui leurs sont
associés, ont beaucoup fait parler d’elles
depuis la crise des
subprimes. Cette dernière a également
été l’occasion de poser un certain nombre de
questions relatives au fonctionnement de ces
organismes : pourquoi les agences ont-elles
été créées ? Comment expliquer le rôle
crucial qu’elles jouent aujourd’hui ?
Faut-il les réformer ? L’auteur considère
que si les agences n’usurpent pas leur
pouvoir, elles ne sont pas non plus un
facteur indispensable de transparence. Il
insiste également sur l’importance
d’introduire des réformes qui conduisent à
une plus grande diversité et à un plus grand
conservatisme dans l’attribution des
notations.
3058 Energie, l'heure des choix
Les vents
incertains de la transition énergétique
Politique
internationale
Pierre Geoffron
La crise énergétique de ce début de XXIe
siècle pose des défis immenses à
l’humanité, d’une part parce qu’elle résulte
de l’impasse du modèle de croissance
économique et d’autre part parce qu’elle
oblige à imaginer dans un laps de temps très
court - de vingt ou trente ans - en raison
des contraintes du changement climatique,
des sociétés à faible émission de carbone.
Cette révolution qui n’appelle rien de moins
qu’un changement de paradigme énergétique
est qualifiée de transition énergétique.
Celle-ci suppose une rupture des fondements
de nos économies et de nos modes de vie. La
mise en œuvre de ce processus risque
toutefois de se heurter à de multiples
incertitudes macroéconomiques et
géopolitiques.
La
transition énergétique allemande est-elle
soutenable ?
La note
d’analyse du CAS
Étienne Beeker et Clélia Godot
En 2011, après l’accident de Fukushima
(Japon), l’Allemagne a entamé une transition
énergétique radicale ou
Energiewende, dont l’objectif est
l’abandon complet du nucléaire avant 2022,
puis la réduction des émissions de gaz à
effet de serre du pays de 80-95 % avant
2050. D’ici là, le pays se verra donc
contraint de produire son électricité en se
passant presque complètement du gaz, du
pétrole et du charbon pour les remplacer à
80 % par des énergies renouvelables. La
transition énergétique décidée par le
gouvernement recueille jusqu’à présent une
forte adhésion de la population malgré des
augmentations prévisibles du prix de
l’électricité. De nombreux obstacles devront
toutefois être surmontés afin de réussir
cette transition énergétique comme le
développement du réseau électrique national
ou le coût et le financement des
investissements nécessaires. La décision de
l’Allemagne n’est enfin pas sans conséquence
sur ses voisins européens.
L’Europe
et l’énergie : économie et sécurité
Commentaire
Philippe Esper et Claude
Mandil
Les ressources naturelles et énergétiques
sont des biens indispensables au bon
fonctionnement des économies et des
sociétés. La sécurité de leur
approvisionnement est, en ce début de XXIe
siècle qui se montre particulièrement
instable, une des questions stratégiques
majeures. L’Europe, à défaut de se doter
d’une politique énergétique commune, - qui
n’est pas réaliste si l’on entend par là
l’harmonisation des bouquets énergétiques à
l’échelle du continent - doit néanmoins
apporter à cette question une attention
particulière. Certains pays européens ont,
selon les auteurs, la capacité en réunissant
leurs efforts d’assumer dans ce domaine une
forme de leadership qui permettrait à
l’Europe de se prémunir contre les aléas
économique et géopolitique qui pourraient
menacer sa sécurité énergétique.
Le nouvel
âge d’or du gaz naturel
The
Economist
Les nouveaux gisements de gaz
non conventionnel semblent être en mesure de
transformer le marché mondial de l’énergie.
Si le XXe siècle a
été le siècle du pétrole, le XXIe
siècle pourrait être celui du gaz. Il y a
cinq ans seulement, en effet, les réserves
mondiales estimées de gaz naturel
n’allaient guère au-delà d’une cinquantaine
d’années. Aujourd’hui, les gaz de schiste et
les autres gaz non conventionnels, mais
aussi la découverte de nouveaux gisements
conventionnels ont étendu les perspectives à
deux cents ans ou plus. En raison de
nombreuses contraintes technique,
économique ou environnementale, l’avènement
de cet âge d’or du gaz ne devrait toutefois
pas être aussi rapide et facile qu’escompté.
Nucléaire : vers un monde bipolaire ?
La Revue
de
l’énergie
Pierre Buisson et Yasmine
Arsalane
L’accident de Fukushima (Japon), en2011, a
brisé dans son élan la relance du
développement de l’industrie nucléaire
mondiale qui commençait à s’esquisser un
quart de siècle après l’accident de
Tchernobyl. Les réactions à cet évènement
ont néanmoins été diverses. L’Allemagne a
ainsi décidé de sortir de cette énergie,
tandis que la France s’est engagée à réduire
sa part dans le mix énergétique et à en
renforcer la sécurité. Si la plupart des
pays de l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) devraient,
dans les années à venir, sortir du
nucléaire, en Russie et dans les pays
émergents d’Asie les perspectives de
croissance de cette source d’énergie
demeurent a contrario élevées.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Le RSA
est-il plus incitatif que la RMI ?
Connaissance
de l’emploi
Véronique Simonnet
Plus de vingt ans après la mise en place du
revenu minimum d’insertion (RMI) et quatre
ans après la création du revenu de
solidarité active (RSA), on peut tirer un
premier bilan comparatif de la capacité des
deux dispositifs à favoriser le retour vers
l’emploi des personnes exclues du marché du
travail. Une étude de cas types fait
apparaître qu’à long terme le RSA est
financièrement plus avantageux que le
dispositif RMI pour les allocataires
retrouvant un emploi au niveau du salaire
minimum interprofessionnel de croissance
(SMIC), mais qu’en revanche il l’est moins à
court terme. L’exploitation des données
compilées par la Caisse nationale
d’allocations familiales (CNAF) conduit en
effet à observer une augmentation relative
des taux de retour à l’emploi après la
réforme de 2009.
La voie
chilienne
Études
Roberto Fernandez
Au cours des vingt dernières années, le
Chili a connu une forte croissance
économique – de l’ordre de 8 % en moyenne
par an - qui a permis une amélioration
sensible du niveau de vie de la population.
En témoigne le recul de la pauvreté et
l’émergence d’une vaste classe moyenne. Pour
autant, la population reste pessimiste. De
plus en plus méfiante vis à vis du
politique, elle craint de perdre ses acquis
récents en matière de consommation et
d’accès à l’éducation. Le mouvement des
étudiants (la révolution des pingouins) est
le symbole du souhait des Chiliens d’une
plus grande intervention de l’État, qui
mettrait ainsi fin au dogme du modèle
économique libéral qui a prévalu
jusqu’alors. Le gouvernement ne pourra
retrouver la confiance de la population qu’à
la condition qu’il engage des réformes
structurelles et fiscales susceptibles de
réduire les inégalités.
La
politique industrielle en Europe
Reflets et
perspectives de la vie économique
Pierre-André Buigues
La politique industrielle connaît un regain
d’intérêt. Malgré les débats dont elle fait
l’objet depuis l’origine, force est de
constater qu’elle n’a jamais vraiment été
abandonnée : elle constitue même, dans de
nombreux pays, une réalité économique
incontestable. Si les objectifs de la
politique industrielle sont souvent
convergents – recherche et développement
(R&D), soutien aux petites et moyennes
entreprises (PME), protection de
l’environnement, économie d’énergie – les
approches diffèrent selon les pays.
Plusieurs modèles de politiques
industrielles coexistent en effet en
Europe : en France, la voie suivie est celle
d’une approche centralisée avec un soutien
important aux champions nationaux alors que
l’Allemagne privilégie une méthode
décentralisée plus favorable aux PME.
n° 3059 Commerce extérieur et compétitivité
L'Inde, express ou omnibus ?
The
Economist
En Inde,
au
troisième
trimestre
2012, le
produit
intérieur
brut
(PIB) a
crû de
5,3 %,
soit la
plus
faible
performance
depuis
dix ans.
Sur
l’ensemble
de
2012-2013,
les
économistes
estiment
que la
croissance
ne
pourra
pas
dépasser
les 6 %,
certains
la
voient
même
s’inscrire
entre
5,4 et
5,8 %.
Les
performances
de
l’économie
indienne
sont,
avec de
tels
taux,
très
inférieures
aux 9,5
% que
connaissait
le pays
au
milieu
des
années
2000. Si
la
conjoncture
internationale
morose
est pour
partie
responsable
du
ralentissement
économique
de
l’Inde,
les
problèmes
du pays
sont
surtout
d’ordre
domestique
: taux
d’intérêt
élevés
en
raison
de
l’inflation,
lourdeurs
bureaucratiques,
paralysie
politique,
etc. En
septembre
2012, le
gouvernement
a
annoncé
un
nouveau
train de
réformes
économiques
majeures
destiné
à lever
certains
des
obstacles
à la
reprise
d’une
croissance
forte
mais sa
concrétisation
demeure
incertaine
en
raison
notamment
de la
virulence
de
l’opposition
au
Parlement,
le Parti
du
Congrès
n’y
disposant
plus
depuis
septembre
d’une
véritable
majorité.
Croissance
indienne :
les
enjeux
macroéconomiques
Revue
d’économie
financière
Christophe
Cottet
Au cours
de la
dernière
décennie,
le
régime
de
croissance
indien a
été en
mesure
d’atteindre
des taux
parmi
les plus
élevés
au
monde,
tout en
conservant
une
relative
stabilité.
Les
facteurs
qui ont
permis
d’atteindre
des taux
de
croissance
élevés
sont-ils
pérennes ?
La
situation
des
finances
publiques
constitue
à n’en
pas
douter –
avec
l’enjeu
démographique
et les
questions
portant
sur
l’investissement,
les
infrastructures
et les
réformes
économiques
– l’un
des
principaux
facteurs
de
vulnérabilité.
L’ampleur
du
déficit
budgétaire,
qui
devrait
se
situait
aux
alentours
de 5,8 %
du
produit
intérieur
brut
(PIB)
pour
l’année
fiscale
2012-2013
à fin
mars,
est en
effet
une
source
de
préoccupation
majeure
pour les
économistes
et les
agences
de
notation.
De même,
l’Inde
est-il
le plus
endetté
des
grands
pays
émergents :
la dette
publique
s’élevait
à 71 %
du PIB
en
2010-2011
alors
que dans
la
plupart
des pays
émergents
celle-ci
se
situait
à des
niveaux
inférieurs
à 50 %
de leur
PIB.
Inde-Chine :
le défi
post-mondialisation
libérale
L’Économie
politique
Jean-Joseph
Boillot
La
comparaison
entre
les deux
géants
asiatiques
que sont
l’Inde
et la
Chine
est
ancienne.
Alors
que,
dans les
années
1980,
ces pays
avaient
un
niveau
de
produit
intérieur
brut
(PIB)
par
habitant
équivalent,
l’écart
des taux
de
croissance
entre
les deux
nations
a été
tel
depuis –
que ce
niveau
se situe
désormais
dans un
rapport
de 1 à 4
en
faveur
de
l’Empire
du
Milieu.
Même si
la Chine
affichait
un taux
de
croissance
de 5 %,
il
faudrait
plus de
trois
décennies
à l’Inde
pour
rattraper
le PIB
chinois.
Alors
que les
interrogations
sur la
capacité
de
l’Inde à
retrouver
le
rythme
de
croissance
qui a
été le
sien au
cours
des
années
2000
n’ont
cessé au
cours
des
derniers
mois, il
est
acquis
que les
deux
rivales
ne
jouent
plus
dans la
même
catégorie.
La Chine
est
devenue
la
deuxième
économie
mondiale,
tandis
que
l’Inde
doit se
contenter
pour
l’heure
du
statut
de
petite
économie
moyenne,
de la
taille
de la
France.
Son
principal
défi
sera,
d’ici à
2030, sa
capacité
à
poursuivre
son
développement
vers un
statut
de pays
intermédiaire.
Infosys
à la
recherche
d’un
nouveau
business
model
Time
Bobby
Ghosh
Infosys
est à
l’Inde
ce que,
toutes
proportions
gardées,
Apple
est aux
États—Unis,
une
entreprise
pionnière
de ce
secteur
des
technologies
de
l’information
et de la
communication
(TIC)
qui a
fait au
cours
des
dernières
décennies
la
fierté
du pays.
Aujourd’hui,
à
l’image
de
l’Inde,
la firme
de
Bangalore
qui
emploie
150 000
salariés
et forme
des
bataillons
d’ingénieurs,
est à un
tournant.
Les
résultats
commerciaux
des
derniers
trimestres
ont été
décevants.
L’entreprise
est en
quête
d’un
nouveau
modèle
économique
qui la
rapprocherait
de celui
des
sociétés
informatiques
comme
Microsoft.
Plutôt
que de
mobiliser
des
centaines
d’ingénieurs
à la
conception
de
solution
non
renouvelable
adaptée
à un
seul
client,
l’ambition
est
désormais
de
développer
des
produits
logiciels
et des
plateformes
originales
et
personnalisables
à
l’infini.
La
classe
moyenne :
nouveau
moteur
de la
croissance
Deustche
Bank
Research
Rachna
Saxena
Il
n’existe
pas en
Inde de
définition
officielle
de la
classe
moyenne.
Les
estimations
varient
entre
environ
30 et
300
millions
de
personnes.
Mais
même en
recourant
aux
estimations
les plus
larges,
le poids
de
celle-ci
ne
dépasse
pas 30 %
de la
population
totale.
L’importance
de cette
catégorie
sociale
tient à
sa
croissance,
qui a
été ces
dernières
années
plus
rapide
que
celle du
reste de
la
population.
Selon
certaines
études,
le
montant
de la
consommation
de la
classe
moyenne
indienne
serait
comparable
au total
de la
consommation
des
ménages
irlandais,
et sa
part est
appelée
à
tripler
dans les
quinze
prochaines
années.
Ce
groupe
social
qui se
montre,
selon
les
enquêtes
d’opinion,
particulièrement
optimiste
quant à
l’avenir
économique
de
l’Inde,
constitue
donc
pour le
pays,
comme
dans la
plupart
des pays
émergents,
un
véritable
moteur
de la
croissance.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
La
nouvelle
ruée
vers
l’or
Revue
des deux
mondes
Annick
Steta
Avec
l’aggravation
de la
crise
économique,
l’engouement
pour
l’or –
une
valeur
refuge –
ne se
dément
pas. Au
cours
des cinq
dernières
années,
le prix
de
l’once
est
ainsi
passé de
moins de
700
dollars
à 1 800
dollars.
Entre
2003 et
2007,
lorsque
certains
investisseurs
commençaient
à
émettre
des
doutes
sur la
pérennité
d’une
croissance
fondée
sur
l’expansion
de
l’immobilier,
son prix
avait
déjà
plus que
doublé.
En 2009,
au plus
fort de
la
crise,
les
banques
centrales
sont
redevenues
acheteuses
nettes
d’or
pour la
première
fois
depuis
vingt
ans. La
frénésie
actuelle
pour le
métal
jaune a
également
ravivé
le débat
autour
d’un
éventuel
retour
au
système
de
l’étalon-or.
Les
expérimentations
sociales
en
économie
Informations
sociales
François
Legendre
« Expérimenter,
évaluer
puis
généraliser »,
telle
est la
méthode
qui,
dans les
pays
anglo-saxons,
a la
faveur
des
politiques
sociales.
Le
premier
terme à
en
anglais
un sens
très
particulier,
on parle
de
« randomized
social
experimentations »,
c’est-à-dire
« expérimentations
sociales
avec
assignation
aléatoire
des
participants ».
Ce
programme
de
recherche
qui a
ses
détracteurs
et ses
promoteurs,
fait
l’objet
d’une
reconnaissance
académique
aux
États-Unis
avec
l’attribution,
en 2010,
à
l’économiste
française
du
Massachusetts
Institute
of
Technology
(MIT),
Esther
Duflo–
qui a
expérimenté
cette
approche
dans les
pays en
développement
dans le
cadre de
la lutte
contre
la
pauvreté
– d’une
des plus
prestigieuses
distinctions
décernée
par
l’American
Economic
Association
pour
récompenser
un
économiste
de moins
de
quarante
ans. En
France,
cette
méthode
commence
à être
introduite
dans les
sciences
économiques.
Ses
dernières
applications
montrent
qu’elle
peut
apporter
d’utiles
contributions
au débat
public.
Une
Union
monétaire
en
trompe-l’œil
?
La vie
des
idées
Jacky
Fayolle
Le
système
complexe
de
paiement
qui
existe
au sein
du
Système
de
banques
centrales
de la
zone
euro,
appelé
Target,
est le
réseau
par
lequel
transitent
tous les
transferts
de
capitaux
entre
les
banques
européennes.
Au cours
des
premières
années
du
fonctionnement
de la
zone
euro, ce
système
était
équilibré.
Le
déclenchement
de la
crise
dans les
pays
périphériques
a
perturbé
ce
mécanisme.
De plus
en plus,
ce
dernier
aboutit
à une
accumulation
de
dettes
entre
les
États
membres,
dégradant
la
qualité
de la
monnaie
unique.
Si pour
certains,
cette
évolution
est
potentiellement
explosive
et ouvre
la voie
à un
chantage
possible
des pays
du Sud
vis-à-vis
du Nord,
pour
d’autres,
elle
représente
– faute
de
mécanismes
plus
explicites
- une
solidarité
implicite
avec les
pays qui
connaissent
des
déséquilibres
de la
balance
des
paiements
courants.
La France est victime de la dégradation progressive de sa compétitivité comme en témoigne l’évolution du solde commercial. La productivité n’est pourtant pas en cause, elle a évolué au même rythme que celle de ses principaux partenaires, notamment européens. Comme la plupart de ces derniers, l’Hexagone doit s’accommoder des spécificités de l’Union économique et monétaire (UEM). Quand l’euro s’apprécie, les pays dont l’avantage compétitif repose sur le facteur coût connaissent une position inconfortable : s’ils exportent des produits relativement chers et facilement substituables, ils perdent des marchés. La Franceest exactement dans ce cas de figure et cela pour plusieurs raisons : la charge fiscale et celle des prélèvements sociaux pesant sur le entreprises, le coût du travail, le niveau du salaire minimum, etc.
La compétitivité prix
est-elle vraiment coupable ?
(La lettre du CEPII -
Antoine Berthou et Charlotte Emlinger)
Le déclin des parts de marché de la France
par rapport à l’Allemagne ou au Royaume-Uni
ne semble pas s’expliquer par une
dégradation de la compétitivité prix. La
raison en est plutôt dans le fait que ces
pays profitent d’une marge extensive (nombre
de marchés d’exportations) plus étendue.
Ainsi, l’Allemagne présente un avantage
structurel en termes de couverture par ses
exportations des marchés - le nombre de pays
et de marchés destinataires des exportations
allemandes est donc plus important
outre-Rhin. Une grande partie des
différentiels de compétitivité entre les
pays européens s’explique par les facteurs
hors prix, c’est-à-dire la qualité des
produits, l’image de marque, le service
après-vente, etc. Dans ce contexte, la
faiblesse de l’effort de recherche et
développement (R&D) en France constitue en
réel handicap.
Le dilemme de la
compétitivité en France
(OFCE le blog - Jean-Luc
Gaffard)
La compétitivité d’une nation n’est pas
assimilable à celle d’une simple entreprise.
Une firme gagne des parts de marché au
détriment d’une autre. Dans le contexte du
commerce mondial cependant, les bénéfices
d’un pays deviennent la condition des
bénéfices de l’autre, c’est-à-dire qu’ils
peuvent alimenter une demande s’adressant au
second. La France qui accumule des déficits
commerciaux depuis plusieurs années, est
confrontée à ce défi. La meilleure solution
serait d’agir à la fois sur la compétitivité
prix à court terme et la compétitivité hors
prix à moyen terme. Cependant, la priorité
donnée au rétablissement des comptes publics
rend la tâche difficile, car un
alourdissement de la ponction fiscale
effectuée sur les ménages lié à un transfert
de charges visant à améliorer les marges des
entreprises risque de peser sur la demande ;
ce dilemme rend ainsi toute amélioration de
la compétitivité particulièrement difficile.
À quoi sert l’excédent
commercial ? Le cas allemand
(Frankfurter Allgemeine
Zeitung - Philippe Plickert)
L’Allemagne enregistre des excédents
commerciaux records. En 2012, les
exportations pourraient dépasser pour la
première fois les 1 100 milliards d’euros et
les importations 900 milliards. L’excédent
qui en résulte doit cependant être minoré du
déficit des échanges de services et des
transferts financiers, de sorte que le solde
final de la balance des paiements courants
devrait se situer à 160 milliards d’euros.
Si ce chiffre constitue également un niveau
record, il se situe avec 6 % du produit
intérieur brut (PIB) toujours dans la limite
haute de la fourchette définie par la
Commission européenne en matière de solde
commercial. Néanmoins, on peut s’interroger
sur le niveau de cet excédent. In fine, tout
excédent commercial permet de réaliser des
dépenses de consommation. La population
allemande, vieillissante, accumule ainsi une
épargne pour l’avenir – lorsque le nombre
d’actifs commencera à baisser, ce qui fera
disparaître mécaniquement l’excédent
commercial.
Les États doivent-ils
avoir peur de la mondialisation ?
Les échanges internationaux se sont
profondément transformés ces dernières
décennies entraînant (Commentaire - Pascal
Lamy)
dans leur sillage une mutation en profondeur
des économies et des sociétés. Au point
qu’aujourd’hui, la mondialisation fait
débat. Ces évolutions rendent plus que
jamais nécessaire l’élaboration de nouveaux
concepts et outils statistiques afin de
mieux les appréhender. À la lumière de ces
changements conceptuels il s’avère que,
contrairement à une idée largement
répandue, l’Europe et la France ne sont pas
dépourvues d’atouts dans la course au
commerce mondial. Pour autant,
l’exacerbation de la concurrence implique
des politiques publiques volontaristes,
notamment dans les domaines de la formation
et de la recherche. Il en va de la
productivité des économies européennes, et
donc de la croissance et de l’emploi.
Également dans ce numéro :
Les circuits courts
alimentaires : quel bilan ?
(Paysans - Jean Magimel)
La vente de produits alimentaires en circuit
court de proximité connaît depuis une
dizaine d’années un nouvel essor. Les
consommateurs sont en effet en demande d’une
production plus locale et profitent des
formes diverses qui se développent : vente
directe à la ferme et sur les marchés,
points de vente collectifs, paniers et AMAP
(Association pour le maintien d’une
agriculture paysanne). L’Agence de
l’environnement et de la maîtrise de
l’énergie (ADEME) estime que 6 à 7 % des
achats alimentaires en France se font par
des circuits courts. Ils ne représentent
cependant pas que des avantages. Ce genre
d’activité demande du temps et une grande
disponibilité. En plus, ramené au kilo
vendu, leur bilan environnemental n’est pas
systématiquement meilleur que celui des
circuits longs.
La fiscalité de la
biodiversité existe-t-elle ?
(Responsabilité et
environnement - Guillaume Sainteny)
Si, depuis plusieurs années, la fiscalité
s’est développée dans nombre de domaines
liés à l’environnement (énergie, transports,
climat, déchets, etc.), elle n’est encore
que balbutiante en matière de biodiversité.
Ce constat est valable, quel que soit le
niveau de compétence, de l’échelon local à
l’international. En réalité, la biodiversité
n’a historiquement pas été véritablement
prise en compte dans l’édification du
système fiscal français. Globalement, ce
dernier est défavorable à sa préservation.
Il en va ainsi de la fiscalité locale, sur
le patrimoine, l’urbanisme ou l’eau. Le
principe de l’intégration de l’environnement
dans les politiques publiques devrait
désormais conduire dans ce domaine à un
changement de philosophie.
L’inflation telle
qu’elle est perçue par les ménages
(INSEE Analyses - Jérôme
Accardo, Claire Célérier, Nicolas Herpin et
Delphine Irac)
Depuis quelques années, on mesure un écart
durable entre le taux d’inflation
officiellement enregistré et la perception
de ce phénomène par les ménages. Afin de
l’analyser, l’Institut national de la
statistique et des études économiques
(INSEE) calcule non seulement l’indice des
prix à la consommation (IPC), mais également
les opinions personnelles sur l’inflation (OPI).
Au début, l’écart entre les deux mesures
semblait s’expliquer par l’introduction de
l’euro qui aurait perturbé la perception des
prix. Aujourd’hui, d’autres explications
sont envisagées. Ainsi, la perception des
prix élémentaires n’aurait pas de biais
systémique mais, contrairement à l’IPC fondé
sur les parts budgétaires du consommateur
moyen, les personnes enquêtées donneraient
un poids plus important aux biens à forte
fréquence d’achat.
Portée et limites de la détente monétaire
(Rapport annuel - Banque des règlements internationaux)
Zone euro : pourquoi n'y a-t-il pas plus d'inflation ?
(Le Cercle Les Échos - Jean-Pierre Dumas)
Une monnaie en or, une idée réaliste ?
(Deutsche Bank Global Market Research - Daniel Brebner et Xiao
Fu)
La monétisation ne peut pas fonctionner
(Note de synthèse – Institut Turgot - Frank Shostak)
Quel avenir pour les banques centrales ?
(VoxEU.org - Stefano Ugolini)
Également dans le numéro :
Les tendances de l'art contemporain
(Terraeco - Alice Bomboy)
La crise dans les pays arabes
(Techniques Financières et Développement - Entretien avec
Amine Benbernou)
Les tendances de l'art contemporain
(Rapport annuel Artprice - Thierry Ehrmann)
Un marché pas comme les
autres?
- Les spécificités du marché du travail et leurs
conséquences (Jean Vercherand)
- Le travail marchandise: une fiction
(François Vatin)
- Recrutement et détermination du salaire:
l'importance des conventions
(Guillemette de Larquier)
- Un marché fortement réglementé: les grandes
lignes du droit du travail en France
(Jean-Michel Lattès)
- Négociation collective et conflits du travail:
comparaison internationales
(Michel Lallement)
"un"
ou "des" marchés du travail?
- La segmentation des marchés du travail dans
les pays avancés: état des lieux, évolutions
récentes (Aline Valette)
- Inégalités et discriminations sur le marché du
travail (Dominique Meurs)
- Les marchés du travail en Europe: diversité,
convergence et enjeux
(Christine Erhel, Mathilde Guergoat-Larivière)
- Marchés du travail et migrations
internationales (Manon Dos
Santos)
Chômage et politiques de
l'emploi
- La mesure du chômage: un enjeu de société
(Jacques Freyssinet)
- Comment les économistes expliquent-ils la
persistance du chômage?
(Arnaud Chéron)
- Lutter contre le chômage dans un contexte de
crise: comparaisons internationales
(Dominique Redor)
- Les emplois aidés: bilan et perspectives
(Yannick L'Horty)
- L'indemnisation du chômage est-elle
désincitative? (François
Fontaine)
- La formation professionnelle: quelle place
dans les politiques de l'emploi?
(Eric Verdier)
Quand les
firmes du
Net
échappent à
l’impôt
The New York
Times
Charles
Duhigg et
David
Kocieniewski
Les grandes
entreprises
américaines
du Web,
grâce à des
techniques
d’optimisation
fiscale
reposant sur
des montages
financiers
complexes,
ne paient
que très peu
d’impôt. Les
cas
emblématiques
d’Apple, de
Google ou
d’Amazon ont
révélé
l’inadaptation
des systèmes
fiscaux aux
États-Unis
comme en
Europe.
L’essence
même de
l’économie
numérique
qui réside
dans la
dématérialisation
du service
est en fait
la clé du
problème.
L’accroissement
des débits
dans les
télécommunications,
permettant
de rendre à
distance un
service de
façon
connectée,
et
l’explosion
du logiciel,
qui
concentre
l’essentiel
de la valeur
ajoutée,
permet aux
géants du
Web
d’échapper
de plus en
plus
facilement à
la TVA, en
localisant
la
facturation
du service
dans un
paradis
fiscal, mais
aussi de se
soustraire à
l’impôt sur
les sociétés
en
localisant
l’activité
hors du pays
où a
réellement
lieu
l’activité
économique.
La
régulation
de
l’économie
numérique
est
désormais
urgente.
Celle-ci
passe
notamment
par une
refondation
de la
fiscalité de
ce secteur
d’activité
qui génère
aujourd’hui
une richesse
considérable.
Apple
vs
Samsung :
bataille
autour des
brevets
L’Usine
nouvelle
Christian
Nguyen Van
Yen
Depuis
plusieurs
années,
l’américain
Apple et le
coréen
Samsung se
livrent une
guerre sans
merci devant
les
tribunaux de
nombreux
pays sur la
question des
brevets
exploités
pour le bon
fonctionnement
de leurs
appareils de
téléphonie
mobile. En
septembre
2012,
Samsung a
été condamné
par un
tribunal
californien
à verser la
somme de 1
milliard de
dollars à
son
concurrent
pour la
contrefaçon
d’un certain
nombre de
brevets
américains.
Le
contentieux
juridique
entre les
deux
mastodontes
sur fond de
guerre
commerciale
n’est pas
encore
terminé mais
il restera
à coup sûr
comme un des
affrontements
les plus
spectaculaires
de
l’histoire.
L’un des
enjeux
fondamentaux
de cette
bataille est
de parvenir
à trouver un
juste
équilibre
entre
concurrence
et
protection
des intérêts
des
innovateurs.
Le livre
connaîtra-t-il
le même sort
que la
musique ?
Réalités
industrielles
Laurence
Franceschini
L’industrie
musicale a
été au cours
de la
dernière
décennie
frappée de
plein fouet
par la
révolution
numérique.
La forte
diminution
en quelques
années des
petits
disquaires
indépendants
et
l’incertitude
pesant sur
l’avenir des
grandes
chaînes de
distribution,
en raison de
l’effondrement
de la vente
des supports
physiques de
musique
enregistrée,
ou les
pratiques de
la
« piraterie »
sur
l’Internet
en sont sans
doute
l’illustration
la plus
spectaculaire.
L’édition
littéraire
dont les
caractéristiques
sont très
différentes
de celle de
la filière
musicale
fait
néanmoins
face
aujourd’hui
aux mêmes
défis que la
musique.
Est-elle
pour autant
appeler à
connaître
les mêmes
bouleversements ?
Rien n’est
moins sûr.
Fort d’une
politique
publique du
livre, qui
au nom de la
préservation
de la
diversité
culturelle,
n’a pas
tardé à
apporter les
premières
réponses à
la mutation
numérique en
cours, le
secteur de
l’édition
devrait être
en mesure de
s’adapter
rapidement
aux
bouleversements
économiques
radicaux
auquel il
est
aujourd’hui
confronté.
Amazon : le
désenchantement
des
« employés
du futur »
Financial
Times
Sarah
O’Connor
Alors que le
géant du
commerce en
ligne crée
des milliers
d’emplois en
Europe, il
ne fait pas
toujours le
bonheur de
ses
salariés.
Les
révélations
sur les
conditions
d’emploi et
de travail
des
« associés
des centres
de
traitement
Amazon »
selon la
terminologie
en usage
dans
l’entreprise
américaine
commencent à
soulever
l’indignation
des
consommateurs
et sont à
l’origine
d’un
scandale en
Allemagne.
Pour les
pouvoirs
publics,
l’arrivée
dans des
régions
durement
frappées par
le chômage
des
gigantesques
entrepôts du
leader
mondial du
commerce
électronique
soulève
naturellement
un espoir
immense.
Mais la
précarité
des «
emplois du
futur » du
système
Amazon
semble loin
d’être à la
hauteur des
promesses
soulevées
par l’espoir
d’une
renaissance
économique.
« Big
Data » :
nouvel
eldorado ou
menace ?
The
Washington
Post
Ariana
Eunjung Cha
Avec la
démocratisation
de
l’Internet
haut débit,
des
milliards de
données sont
déversés par
les
particuliers,
les
entreprises
ou l’État
sur le Net.
Ce phénomène
a été
baptisé « Big
Data »
(« données
massives »).
Celui-ci a
pris une
telle
ampleur que
les auteurs
d’un rapport
publié en
2012 par le
Forum
économique
mondial de
Davos
estiment
que ces
données
constituent
désormais
une nouvelle
ressource
dont la
valeur est
économiquement
comparable
au pétrole.
Grâce aux
progrès
réalisés
dans le
traitement
informatique
des grandes
masses de
données, des
analystes du
secteur de
la finance
ou du
marketing
peuvent
aujourd’hui
exploiter le
déluge
d’informations
qui
circulent
surla Toile,
en
particulier
à travers
les réseaux
sociaux.
Mais la
manipulation
à grande
échelle de
ces données
pose
désormais la
question
épineuse de
la
protection
de la vie
privée.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Le
patrimoine
national au
plus haut
INSEE
Première
Léa
Mauro et
Adeline
Bachellerie
Le
patrimoine
ou valeur
nette est
défini comme
la
différence
entre la
valeur des
actifs
(financiers
d’un côté et
non
financiers
dont
essentiellement
les
bâtiments et
les terrains
de l’autre)
et celle des
passifs (par
nature
financiers).
En 2011, le
patrimoine
économique
national
s’est élevé
à 13 620
milliards
d’euros,
soit près de
huit fois le
produit
intérieur
brut (PIB).
Plus des
trois quarts
ou 10 411
milliards
d’euros de
ce
patrimoine
sont détenus
par les
ménages, le
reste se
partage
entre les
entreprises
– 2 702
milliards
d’euros – et
les
administrations
publiques
(507
milliards
d’euros,
soit 30 % du
PIB). Du
côté des
entreprises,
la valeur
nette des
sociétés non
financières
a cru
fortement en
2011, celle
de leurs
homologues
financiers a
décéléré.
Enfin, le
passif des
administrations
publiques
continue de
croître.
Les noces
d’or du
couple
franco-allemand
Question
d’Europe
Gérard
Saint-Paul
Le 22
janvier
1963, le
général de
Gaulle et le
chancelier
Adenauer
signent à
Paris le
traité
d’amitié et
de
coopération
entre la
France et
l’Allemagne.
Cet accord
unique en
son genre
unit depuis
cinquante
ans
maintenant
de façon
quasi
« institutionnelle »la
France et
l’Allemagne.
De la
création du
système
monétaire
européen au
lancement de
l’euro, de
la chute du
mur de
Berlin à la
réunification
de
l’Allemagne,
etc. le
couple
franco-allemand
a su – avec
des hauts et
des bas –
constituer,
au cours du
denier
demi-siècle,
la clé de
voûte de la
construction
européenne.
En un temps
où l’Union
européenne a
traversé une
des crises
les plus
graves de
son
histoire,
l’avenir de
l’Europe
dépend plus
que jamais
de la
capacité de
la Franceet
de
l’Allemagne
d’unir leurs
efforts pour
œuvrer
ensemble à
un meilleur
avenir.
Quand le
citoyen se
réapproprie
sa santé...
La Gazette
de la
société et
des
techniques
Robert
Picard et
Antoine Vial
Depuis les
années 1940,
la médecine
a accompli
des progrès
spectaculaires.
Dans le même
temps, elle
est devenue
de plus en
plus
spécialisée,
d’un haut
degré
technique et
concentrée
dans
l’hôpital et
ses plateaux
technologiques
médicalement
efficaces
mais
déshumanisés
et coûteux.
La
révolution
numérique
offre
aujourd’hui
des
alternatives
efficaces au
plan
thérapeutique
à ce
système. De
nombreuses
PME
innovantes
développent
des
applications
paramétrables
à distance
et
téléchargeables
sur un
mobile ou
une
tablette,
des
plateformes
pour accéder
de façon
conviviale
aux
prestations
requises
pour être
soigné chez
soi, etc.
Les
solutions
basées sur
des
technologies
numériques
ouvrent
peut-être,
selon les
auteurs, la
voie à une
réappropriation
par le
citoyen de
sa santé
ainsi qu’une
piste pour
résorber le
déficit de
la sécurité
sociale.
n° 3063 Renouveau du dialogue social
Les
va-et-vient du dialogue social
Organisation
internationale du Travail - Working paper
Lucio Baccaro et Stefan Heeb
La crise économique et financière de 2008
marque un tournant dans l’histoire du
dialogue social. Jusqu’à cette date,
celui-ci semblait condamné à un certain
déclin : la mondialisation, le changement
technique, l’intégration européenne, ainsi
que l’application de politiques plus ou
moins néolibérales dans de nombreux pays ont
affaibli la pratique des négociations
collectives et des politiques bi ou
tripartites. La crise économique a modifié
la donne. Depuis, les gouvernements
cherchent à réconcilier des objectifs
apparemment opposés : minimiser les
conséquences sociales de la crise et dans le
même temps assainir le secteur financier et
les finances publiques. Face à ces défis, le
dialogue social est ainsi plus que jamais
nécessaire.
Le
dialogue social français : une urgence, mais
laquelle ?
Idées
économiques et sociales
Igor Martinache
Faible taux de syndicalisation, manque de
dialogue entre les syndicats et les
organisations patronales…le dialogue social
en France semble en panne. Pour autant, et
ce n’est pas le moindre des paradoxes, le
taux de participation aux élections
professionnelles et l’ancrage des syndicats
dans les entreprises dénotent un certain
dynamisme de la vie syndicale. En outre,
l’évolution récente des règles régissant
les syndicats – comme celles concernant la
représentativité et la transparence
financière – a conduit à une réelle
modernisation. D’autres évolutions comme la
juridicisation des relations
professionnelles ont, à l’inverse, des
effets plus ambigus. Enfin, une certaine
cacophonie est toujours de mise concernant
les mesures qui devraient être adoptées pour
améliorer le dialogue social.
Quel
compromis social à propos des
restructurations ?
La Revue
de l’IRES
Rachel Beaujolin-Bellet,
Frédéric Lerais et Dominique Paucard
Les modes de gestion des restructurations
d’entreprises qui s’accompagnent de pertes
d’emplois ont beaucoup évolué depuis une
quinzaine d’années. Trois orientations
majeures sont observables :
l’individualisation de la relation d’emploi,
l’indemnisation par rapport à
l’employabilité des salariés et, enfin, la
place et le rôle pris par les acteurs
publics dans l’accompagnement de ces
mutations. Sur le terrain, on note une
diversification des pratiques de suppression
d’emplois basées largement sur une
individualisation croissante de la relation
à l’emploi (rupture conventionnelle et
d’autres formes de départ volontaires), qui
rendent les contours de l’entreprise de plus
en plus flous. Dans le même temps, la
logique d’accompagnement des salariés,
c’est-à-dire l’objectif d’un reclassement,
recule face à l’indemnisation.
La
juridicisation des relations de travail
Sociologie du
Travail
Jérôme Pélisse
Au cours des deux dernières décennies, les
conflits et les négociations sociales ont
beaucoup évolué. Ces changements portent à
la fois sur la forme, les enjeux et les
acteurs. Le droit joue un rôle important
dans ces mutations. Deux phénomènes doivent
être distingués : la juridicisation et la
judiciarisation des conflits sociaux. Si la
première notion renvoie à l’extension de la
référence qu’est le droit dans les
interactions de travail, la deuxième
concerne la saisie plus fréquente des
institutions judiciaires (prud’homme,
tribunaux de grande instance, cours d’appel,
etc.). Contrairement à ce que certains
médias laissent parfois entendre, on ne peut
pas vraiment parler de judiciarisation
croissante. A contrario, un processus de
juridicisation semble bien se développer,
par l’entremise d’une attention et d’une
médiation plus forte des décisions
judiciaires et d’une extension de la
négociation.
Responsabilité sociale des entreprises et
activité syndicale
La Revuedes
Sciences de gestion
Marc Morin
Selon la définition de la Commission
européenne de la responsabilité sociétale
des entreprises : « être socialement
responsable signifie non seulement
satisfaire pleinement aux obligations
juridiques applicables, mais aussi aller
au-delà et investir davantage dans le
capital humain, dans l’environnement et les
relations avec les parties prenantes ». La
compréhension et la modélisation des
processus et des décisions obéissant à une
véritable démarche de responsabilité
sociétale demeurent néanmoins insuffisantes.
De nombreuses études font en effet
l’économie d’une réelle réflexion sur
l’institutionnalisation de cette démarche et
le caractère conflictuel des questions de
responsabilité sociale des entreprises
(RSE). Ces conflits évoluent – ils ne
portent plus désormais uniquement sur les
salaires et les conditions de travail, mais
s’étendent à des aspects éthiques et à de
véritables projets sociétaux.La RSE pourrait
trouver auprès du monde syndical un relais
susceptible de favoriser son développement.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
L’Agenda 2010, un
modèle pour
la France ?
Regards sur
l’économie allemande
Bert Rürup
L’Allemagne est aujourd’hui la locomotive
économique de l’Europe. Il y a dix ans, la
situation était toute autre : l’Allemagne
était considérée comme « l’homme malade » du
continent. La perte de compétitivité de son
économie était en effet particulièrement
inquiétante. Le diagnostic fait à l’époque
notamment par le Conseil des Sages était
sans équivoque : les dysfonctionnements du
marché du travail et d’une protection
sociale très généreuse n’incitant pas au
retour à l’emploi avaient affaibli
l’économie. Le discours de politique
générale du chancelier Schröder devant le
Bundestag, le 14 mars 2003, marquait le
début d’une vaste politique de réforme
structurelle, baptisée Agenda 2010. Quels
sont les enseignements que la France peut
tirer de cette politique et quels sont les
autres facteurs du nouveau dynamisme
outre-Rhin ?
Peut-on
dévaluer sans dévaluer ?
La lettre du
CEPII
Yves-Emmanuel Bara et Sophie
Piton
Pour sortir plus vite de la crise, certains
pays sont tentés de recourir à des mesures
de dévaluation compétitive. Tous les grands
pays développés ont déjà – via le
déversement de flux de capitaux inédits par
l’intermédiaire des politiques monétaires
non conventionnelles – contribué à réévaluer
leurs monnaies et celles des pays émergents.
Quant à certains pays, comme le Japon, ils
jouent ouvertement la carte de la
dévaluation. En la matière, deux stratégies
sont possibles : la dévaluation externe ou
la dévaluation interne. Réputée plus rapide
et plus efficace, la dévaluation externe ne
semble pourtant pas à la portée des pays de
la zone euro : pour cela, il faudrait
d’abord sortir de la monnaie unique, mais
les coûts de sortie sont considérables.
Le bilan
économique de Mario Monti
Télos
Jacques Fayette
Mario Monti, ancien commissaire européen au
Marché intérieur, a été nommé, en novembre
2011, au poste de président du Conseil des
ministres par le Président de la république
italienne, Giorgio Napolitano succédant
ainsi à Silvio Berlusconi. Fonction qu’il a
occupée jusqu’à sa démission le 21 décembre
2012, provoquant la dissolution du Parlement
et l’organisation d’élections générales
anticipées en février 2013. Élections qui se
sont soldées par l’échec de la candidature
du « professore » : il n’a obtenu que 10 %
des suffrages. En cause, un bilan en
demi-teinte. En effet, sous la houlette de
Mario Monti, l’Italie a retrouvé une
certaine crédibilité sur le plan économique
– en témoigne, le resserrement des écarts de
taux des bons du Trésor italien et du Bund
allemand -, mais sur le plan social, la
politique de rigueur couplée à un taux de
chômage de plus de 11 % en octobre 2012,
s’est vite révélée impopulaire
3064 Économie illégale et mondialisation
Mafias et
globalisation
Informations
et commentaires
Yves Achille
Un rapport récent de l’Office des Nations
unies contre la drogue et la criminalité (ONUDC)
indique que les bénéfices de la criminalité
organisée – à l’exception de l’évasion
fiscale - s’élèveraient à environ 3,6 % du
produit intérieur brut mondial en 2009. Le
blanchiment d’argent représenterait des
centaines de milliards de dollars
supplémentaires. Quant aux bénéfices de la
seule criminalité transnationale organisée,
ils seraient équivalents à 1,5 % du PIB
mondial. Depuis les années 1980, l’essor des
activités illicites a été favorisé par
plusieurs évolutions majeures : la
globalisation économique et financière,
l’effondrement de l’URSS et le 11 Septembre
2001 - qui a conduit à une réorientation des
moyens des services de sécurité occidentaux
vers la lutte contre le terrorisme, donnant
ainsi une liberté d’action plus importante
aux mafias. La mondialisation a également
entraîné des changements profonds au niveau
de la structure et des stratégies des
organisations criminelles.
Criminalisation financière : une autre
mondialisation
Rapport moral
sur l’argent dans le monde
Alain Bauer
Depuis une trentaine d’années, on assiste à
une imprégnation de la finance par le crime
organisé. Aux États-Unis, l’attorney
général, Michael Mukasey, dénoncera, dès
avril 2008, six mois avant la chute de la
banque Lehman Brothers, la criminalisation
des marchés économiques et financiers. De
nombreuses crises financières à dimension
criminelle qui ont éclaté, au cours des
dernières décennies, illustrent clairement
cette dérive. Aux États-Unis, de la crise
des savings and loans
(caisses d’épargne) américaines dans les
années 1980 à la crise des
subprimes, les malversations et les
fraudes auxquelles se sont livrés certains
dirigeants ou courtiers ont fait l’objet
d’enquêtes et de poursuites judiciaires.
Leçons de
management des barons mexicains de la drogue
The
Economist
Au Mexique, les cartels de la
drogue ont fait entrer dans le pays, au
cours des dernières années, des revenus
estimés à plusieurs dizaines de milliards de
dollars. Joaquin Guzman, surnommé El Chapo,
est un de ces barons mexicains du trafic de
drogue. Patron du cartel de Sinaloa, il
aurait amassé grâce à ses activités
illégales 1 milliard de dollars et figurait
dans le dernier palmarès Forbes des hommes
les plus riches du Mexique. Une telle
prospérité s’explique par les méthodes de
management appliquées par les organisations
criminelles mexicaines qui gèrent leurs
activités comme de véritables entreprises
multinationales de l’économie légale.
La
contrefaçon de produits à risques sur
l’Internet
Futuribles
Franck Guarnieri et Éric
Przyswa
En 2011, plus de 9 millions de produits
contrefaits ont été saisis par les douanes
françaises, parmi lesquels 1,5 million issus
de commandes particulières sur l’Internet.
Ce montant considérable témoigne d’un
phénomène en pleine expansion mais qui reste
encore difficilement mesurable : l’essor de
la diffusion de contrefaçons de produits à
risque sur la Toile. Ces pratiques
pourraient à l’avenir avoir des conséquences
très importantes pour les consommateurs et
certains secteurs économiques. La difficulté
à réguler les échanges sur l’Internet
constitue néanmoins un obstacle majeur pour
les entreprises victimes de contrefaçon
comme pour les institutions en charge de
lutter contre ce fléau.
Cybercriminalité :
quels moyens de répression
La Nouvelle
RevueGéopolitique
Ardavan Amir-Aslani
Les cyberattaques et la cybercriminalité
représentent une nouvelle menace qui pèse
sur les États, les entreprises et les
citoyens. La globalisation des réseaux
informatiques et l’instantanéité des
connexions rendent particulièrement
complexes la mise en œuvre de moyens de
prévention et de protection physiques et
légaux contre ces dangers. La lutte contre
les cybercrimes passe par une veille
constante des évolutions technologiques et
par une coordination et une harmonisation de
la protection juridique au niveau
international.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Les
tendances économiques de l’agriculture
Paysans
Lucien Bourgeois
Dans un demi-siècle, le secteur agricole
restera stratégique. La crise mondiale sur
les produits alimentaires a rappelé la
nécessité pour les pays développés de rester
vigilants sur l’approvisionnement
alimentaire. La production agricole, surtout
celle de céréales, progresse plus vite que
la population depuis la Seconde Guerre
mondiale mais les projections
démographiques, qui tablent sur une nouvelle
progression de deux milliards d’habitants
d’ici à 2050, montrent que le défi
démographique constituera, compte tenu de la
quantité limitée de terres arables et
d’eau, un enjeu de taille pour
l’alimentation. Dans ce contexte, chaque
État devra être attentif à garantir sa
souveraineté alimentaire. L’agriculture
française, quant à elle, est aujourd’hui une
des plus compétitives au monde. Depuis le
début des années 1970, la France dégage un
excédent de sa balance des échanges
agroalimentaires. En 2011, celui-ci a
dépassé 11 milliards d’euros.
L’Allemagne profite-elle de l’euro ?
Frankfurter
Allgemeine Zeitung
Matthias Kullas
L’idée selon laquelle l’Allemagne tirerait
profit de l’euro s’est largement imposée au
cours des dernières années. La disparition
du risque de change aurait dopé ses échanges
avec ses partenaires européens. Par
ailleurs, si le deutschemark avait toujours
eu cours, il se serait fortement apprécié
durant la période récente, de sorte que les
exportations allemandes auraient baissé. En
réalité, depuis la création de l’Union
économique et monétaire (UEM), l’Allemagne a
eu le deuxième taux de croissance le plus
bas de la zone euro. En outre, la part
relative des exportations allemandes dans la
zone euro a baissé au cours des dernières
années. Ce sont les exportations vers le
reste du monde qui ont été les plus
dynamiques. Enfin, les craintes quant à une
appréciation de la monnaie seraient
largement surestimées. Du fait de sa très
forte imbrication dans l’économie mondiale,
l’Allemagne profiterait de biens importés
moins chers, augmentant ainsi le bien-être
des entreprises et des consommateurs.
Transport
ferroviaire de voyageurs et concurrence
La note
d’analyse du CAS
Thomas Revial, Christine
Raynard et François Vielliard
Sous l’impulsion dela Commission européenne,
les compagnies nationales de chemins de fer
s’ouvrent progressivement à la concurrence.
L’objectif est d’améliorer la productivité
et la qualité du transport et de réduire son
coût pour la collectivité. Le transport de
marchandises est ainsi ouvert au jeu de la
concurrence depuis 2007 et les liaisons
internationales de passagers le sont depuis
2010. Certains pays ont plus que d’autres
anticipé cette ouverture. Ces exemples, en
particulier le cas allemand, montrent que la
concurrence peut, si elle est bien
organisée, avoir des effets bénéfiques pour
l’usager, le contribuable et l’opérateur. En
France, une ouverture plus progressive est
envisagée, de manière à donner à chacun –
clients, opérateur, personnel – le temps de
s’adapter à cette nouvelle donne.
3065 La bataille pour la concurrence
Les
cartels en Europe
Revue
française d’économie
Emmanuel Combe et Constance
Monnier
La lutte contre les cartels est un objectif
central de la politique de la concurrence.
La majorité d’entre eux ont une dimension
européenne, le niveau pertinent de décision
pour les entreprises se situe en effet
aujourd’hui à l’échelle continentale.
Certains secteurs, comme la chimie et les
services sont plus propices à des ententes
et des collusions. Une majorité des cartels
se révèlent être durables et affectent des
marchés de taille importante avec une
augmentation des prix souvent de 30 %. Les
dommages infligés à l’économie ne font ainsi
pas de doute, ce qui explique la sévérité de
la politique antitrust de la Commission
européenne.
Dans les
coulisses du contrôle de la concurrence
Frankfurter
Allgemeine Zeitung
Justus Haucap et Luis Manuel
Schultz
Le contrôle et la surveillance de la
concurrence sont particulièrement complexes
: apporter en effet la preuve qu’une
entreprise viole les règles de la
concurrence est généralement très difficile.
L’apport de la science économique constitue
une aide précieuse pour les administrations
en charge de la lutte contre les cartels.
L’existence de ces derniers est très
difficile à démontrer, notamment dans le cas
des cartels informels, c’est-à-dire
lorsqu’il y a entente entre les entreprises
sans qu’un accord explicite ait été conclu.
Pour prouver l’existence d’un cartel, les
administrations de contrôle ont recours à
des méthodes empruntées à la science
forensique (l’ensemble des principes
scientifiques et des techniques appliqués à
l’investigation criminelle) : elles étudient
les indices laissés par les entreprises
(notamment la fréquence, l’amplitude et le
sens de la variation des prix, les chiffres
de vente, etc.) - l’économiste se transforme
alors en véritable détective.
Concurrence et innovation : une relation
complexe
VoxEU.org
Noboru Kawahama
La concurrence, lorsqu’elle est forte, fait
baisser les prix et par conséquent les
profits. C’est la raison pour laquelle
certains économistes considèrent qu’elle
freine également l’innovation. La relation
entre concurrence et innovation est en effet
particulièrement complexe. Joseph
Schumpeter, économiste autrichien et
spécialiste des questions liées à
l’innovation, a lui-même éprouvé la
difficulté d’établir les liens entre ces
deux facteurs. Dans ces derniers écrits, il
semble penser que, pour créer les meilleures
incitations à innover pour les entreprises,
un certain degré de monopole peut être
préférable à la concurrence. Ce point de vue
est néanmoins infirmé par l’économiste
américain Kenneth Arrow pour qui seule la
concurrence conduit à l’innovation,
l’objectif étant de rester compétitif. Pour
le régulateur, l’objectif est de parvenir à
trouver le bon équilibre entre concurrence
et innovation. Une politique de concurrence
qui ne prendrait pas en compte l’innovation
ferait en effet courir de grands risques à
l’économie.
Concurrence et compétitivité
La Tribune
Bruno Lasserre
La concurrence peut être un facteur
important de compétitivité. La récente crise
a montré l’importance de cette relation :
les pays qui sont parvenus le plus
rapidement à relancer leur économie sont
ceux qui privilégient la concurrence et non
pas les monopoles. Une des conditions pour
créer cet environnement favorable est
d’assurer une saine régulation de
l’économie. Bruno Lasserre, président de
l’Autorité de la concurrence, souligne
particulièrement cette dimension de son
travail. En France, la politique de la
concurrence a profité d’un effort important
de modernisation. Outre le contrôle des
marchés privés, les autorités de contrôle
conservent des missions de surveillance des
monopoles publics et prêtent une attention
particulière aux nouvelles formes
monopolistiques, notamment dans le domaine
des technologies de l’information et de la
communication.
Les
enjeux des procédures de concurrence
Concurrences
Jean-Paul Tran Thiet
La Commissioneuropéenne est un acteur
central dans la lutte contre les pratiques
anticoncurrentielles. Au cours des quinze
dernières années, celle-ci s’est montrée de
plus en plus active dans ce domaine : les
amendes infligées sont aujourd’hui vingt
fois plus élevées. Cette inflation n’est pas
sans poser de problèmes. On constate en
effet une disproportion croissante entre les
amendes infligées pour pratiques
anticoncurrentielles et les pénalités
financières encourues pour d’autres
infractions. Par ailleurs, les juristes
spécialisés en droit de la concurrence
s’interrogent également sur les moyens de
parvenir à une meilleure application des
principes du procès équitable dans le
contrôle de la concurrence au niveau
européen.
Le
conseil en stratégie concurrentielle
Revue Lamy de
la concurrence
Philippe Rincazaux et Gildas
Muizon
Les entreprises sont souvent conduites à
prendre des décisions qui peuvent avoir des
conséquences sur l’équilibre concurrentiel :
pénétrer un nouveau marché, modifier la
grille des prix, racheter un concurrent,
préparer une opération de fusion, etc. Or,
les règles en vigueur du droit de la
concurrence sont très contraignantes pour
les stratégies mises en œuvre. La
coexistence de règles nationales et
européennes auxquelles peuvent, lors
d’opérations transatlantiques, s’ajouter
celles d’un pays tiers, complique davantage
encore la démarche des entreprises. Dans ce
contexte, le conseil apporté par les
juristes et les économistes spécialisés
s’avère particulièrement précieux.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Réformer
le système monétaire international
Analyses
économiques - CAE
Agnès Bénassy-Quéré
et al.
La réforme du système monétaire
international (SMI) conserve aujourd’hui
toute son actualité. Cette réforme est
rendue nécessaire au moins pour deux raisons
essentielles. La première tient aux liens
étroits qu’entretiennent les déséquilibres
monétaires (instabilité des taux de change,
déséquilibres des balances courantes, etc.)
et les déséquilibres financiers (bulles
spéculatives, crises bancaires ou de
liquidité, etc.). Toute réforme de la
régulation financière doit donc
s’accompagner d’une réorganisation du
système monétaire international. La seconde
raison est liée aux mutations de l’économie
mondiale dont le centre de gravité s’est
déplacé vers l’Asie. Ainsi, avec la montée
en puissance des grands pays émergents, un
système monétaire centré sur le dollar n’est
plus véritablement adapté à la multipolarité
croissante.
L’industrie du jeu vidéo
Géoéconomie
Philippe Chantepie
C’est au début des années 1960 qu’a été
créé, par un programmeur du Massachusetts
Institute of Technology (MIT), l’un des tout
premiers jeux vidéo de l’histoire sur un
ordinateur offert par la firme DEC au MIT.
Au cours des quarante dernières années,
l’industrie du jeu vidéo a été marquée par
de multiples développements. Souvent comparé
au cinéma en salle par son chiffre
d’affaires, ce secteur connaît actuellement
encore des transformations majeures. Mais la
benjamine des industries culturelles et de
communication, est aujourd’hui, - en passe
de devenir la première industrie culturelle.
La
croissance face au vieillissement
Sociétal
Mathilde Lemoine
Les conséquences globales du vieillissement
sur la croissance demeurent pour la science
économique difficiles à déterminer.
L’allongement de la durée de la vie tendrait
à limiter la capacité collective d’une
nation à innover et ralentirait la diffusion
des innovations dans l’ensemble de
l’économie. Le vieillissement serait
également un facteur de détérioration de
l’offre de travail qui conduirait à un
sous-emploi des seniors extrêmement
pénalisant pour la croissance effective. En
revanche, le ralentissement de la croissance
démographique impliquerait un niveau plus
élevé de capital par habitant et donc de la
production par habitant. Enfin une durée de
vie active plus longue favoriserait une
meilleure accumulation du capital humain
qui est une source de croissance.
3066 La Chine, le grand tournant
- Le dernier aterrissage en douceur ?
(Project Syndicate)
- A quoi ressemblera la Chine en 2030 (La Tribune - François
Roche)
- Menaces sur la prospérité ? (Esprit)
- Recherche et innovation : "le vrai Grand Bond en avant"
(Le Débat)
- Le développemetn durable à la chinoise
(Futuribles)
L'éclairage de Problèmes économqiues
Un développement inégal
- Chine : les chiffres clés
- La lente marche vers l'internationalisation du yuan
- Une Chine vieilleavant d'être riche
- Portraits des nouvzeaux dirigeants
- Les relations sino-américaines
Pour en savoir plus...
- Hommes-femmes : les inégalités salariales persitent
- Mieux connaître la société
- La gouvernance des projets d'infrastructure de transport
3067 Compétitivité 2.0
La compétitivité est au cœur est au cœur du débat
économique en France. Cet automne, les décisions prises par le gouvernement à la
suite de la publication du rapport Gallois ont constitué une première étape
historique qui pourrait permettre au pays de renouer avec la compétitivité.
3068 Management et entreprise
Un siècle
de management
Alternatives économiques – Hors série
Marc Mousli
Si la pratique managériale est ancienne, sa
formalisation n’a en revanche guère plus
d’un siècle. C’est en effet au début du XXe
siècle que sont publiés aux États-Unis et en
France les premiers ouvrages sur le
management moderne. Si les premières
réflexions portent principalement sur
l’organisation du travail au sein de
l’entreprise, les problématiques abordées
par les spécialistes du management vont, au
fil du temps, se complexifier. Le facteur
humain devient progressivement un thème de
recherche majeur : la psychologie inspirant
alors de nombreux travaux. Par la suite,
l’analyse du pouvoir et de la stratégie de
l’entreprise deviendront des questions
centrales des études sur le management.
Aujourd’hui, les nouvelles approches
managériales placent davantage au cœur de
la réflexion les questions liées à la
motivation, à l’adhésion et à l’intégration
des individus au sein de l’entreprise.
Qu'est-ce
qu'une entreprise ?
Idées
économiques et sociales
Olivier Weinstein
Depuis la fin du XIXe
siècle, la firme est avec le marché une des
institutions majeures du capitalisme.
L’historien américain, Alfred Chandler,
affirmait même que la grande entreprise
moderne a joué « le rôle le plus
fondamental dans la transformation des
économies occidentales ». Mais qu’est-ce
véritablement qu’une entreprise ? La
définition de cette institution reste
particulièrement ardue. C’est à partir de
l’article de l’économiste Ronald Coase,
publié en 1937 et redécouvert dans les
années 1960, sur « la nature de la firme »
(« The Nature of the Firm »)
que s’est construite la vision aujourd’hui
dominante : la conception contractuelle. La
firme a connu des transformations profondes
tout au long de l’histoire du capitalisme.
Celle-ci est aujourd’hui un système
sophistiqué reposant sur des configurations
organisationnelles complexes, et des réseaux
de relations et de pouvoirs multiformes.
L’art du
leadership
Financial
Times Business Education
Simon Caulkin
Selon Peter Drucker, l’un des penseurs
majeurs du management au XXe
siècle, l’art de manager est un élément
fondamental de toute activité humaine. Dans
l’esprit de ce grand théoricien, le
management n’est donc pas qu’une fonction
inhérente à l’entreprise mais une fonction
sociale. La vision de P. Drucker du
management comme un « art libéral » puisant
abondamment son inspiration des humanités
semble pourtant aujourd’hui quelque peu
désuète. Le pouvoir et la richesse des
entreprises capitalistes se sont tellement
accrus que le style de gestion qui leur est
propre a essaimé dans la plupart des autres
organisations : ONG, services publics,
universités, etc. La leçon de Steve Jobs qui
expliquait le succès de l’entreprise Apple
par l’alliance réussie de la technologie,
des arts libéraux et des humanités semble
pourtant montrer encore aujourd’hui la
fertilité de la conception du management
développée jadis par P. Drucker.
Refonder le
management : un projet de société
Cadres
Xavier Leflaive
La pratique managériale trouve en partie sa
source dans les cadres juridiques et formels
de l’entreprise. Elle est également liée à
l’image que la collectivité se fait de cette
dernière. Les nombreux maux dont souffrent
aujourd’hui les salariés révèlent que le
fossé qui s’est creusé entre l’entreprise
telle qu’elle fonctionne et les attentes des
citoyens est de plus en plus grand. Pourtant
des méthodes alternatives de management
existent et un nombre croissant de cadres
souhaiterait s’en saisir. Mais cette
refondation de la gestion des entreprises
passe au préalable par un débat collectif
sur la place et le rôle de l’entreprise au
sein de la société.
Former ou
éduquer à la gestion ?
L’Expansion
Management Review
Éric-Jean Garcia
Toutes les grandes écoles de commerce
françaises se fixent aujourd’hui comme
objectif de former une nouvelle génération
de dirigeants capables d’affronter les défis
qui se posent en ce début de XXIe
siècle aux entreprises et à la société. La
manière dont ce principe louable se traduit
concrètement dans le projet éducatif de ces
écoles pose toutefois bien des questions.
Prises dans une logique de marché où priment
le classement et l’employabilité de leurs
diplômés, les business
schools hexagonales manquent
cruellement de marge de manœuvre. Leur
volonté et leur capacité d’intégrer aux
programmes qu’elles délivrent une véritable
éducation au management apparaissent ainsi
limitées.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Un siècle
d’évasion fiscale
La vie des
idées
Arnaud Bourgain et Skerdilajda
L’évasion fiscale ainsi que les transferts
illicites de fonds issus de la corruption et
du crime organisé sont au cœur du système
économique et financier mondial. Après un
long travail d’investigation, Nicholas
Shaxson, journaliste financier britannique,
montre dans un ouvrage paru en 2011,
Treasure Islands. Tax
Havens and the Men Who Stole the World,
(publié en français, en 2012, sous le titre
Les paradis fiscaux.
Enquête sur les ravages de la finance
néolibérale), comment la finance
offshore est parvenue
à infiltrer l’ensemble des relations
économiques internationales. Nicholas
Shaxson replace dans une perspective
historique le développement et le
fonctionnement des centres
offshore dont l’activité contribue
notamment à la persistance de la corruption
et de la pauvreté des pays en développement.
La taxe
Tobin n’a pas d’incidence sur la volatilité
La lettre du
CEPII
Gunther Capelle-Blancard et
Olena Havrylchyk
Onze pays européens ont décidé d’appliquer –
vraisemblablement à partir de 2014 - une
taxe de 0,1 % sur les échanges d’actions et
d’obligations et de 0,01 % sur les échanges
de produits dérivés. C’est la première fois
qu’une telle taxation au niveau
supranational voit le jour. L’idée est
pourtant ancienne, elle remonte à John
Maynard Keynes dans les années 1930. Les
opposants à la taxe sur les transactions
financières avancent qu’elle rend non
seulement les transactions plus coûteuses –
un coût que l’utilisateur final risque de
supporter -, mais qu’elle pourrait également
augmenter la volatilité des marchés en
diminuant la liquidité. Les études
empiriques qui ont été menées jusque-là sur
ce sujet ne décèlent cependant, malgré la
baisse des volumes des transactions, aucun
effet sur la volatilité.
Investissement à long terme et capitalisme
familial
Revue
d’économie financière
Christine Blondel
Les fonds disposés à financer des
investissements à long terme et qui assument
les risques associés sont une ressource rare
au sein des circuits économiques. Dans ce
contexte, le capitalisme familial et la
place qu’il attribue au long terme fait
figure d’exception. Cette particularité
s’explique par la volonté de ces entreprises
d’assurer leur pérennité et la transmission
intergénérationnelle des entreprises. Les
entreprises familiales accordent ainsi une
importance primordiale à l’investissement à
long terme que ce soit pour leur propre
financement ou en tant qu’investisseurs dans
d’autres entreprises. La forte implication
dans la philanthropie et l’investissement
social des propriétaires d’entreprises
familiales apparaît comme une attitude
conforme à cet intérêt particulier.
3069 Regards insolites sur la crise
Crise de l'innovation ou crise financière ?
(Project Syndicate -Kenneth Rogoff)
Inégalités = endettement ? (Finances et développement -
Michael Kumhof et Romain Ranciere)
En route vers "l'économie des zombies ?" (Frankfurter
Allgemeine Zeitung - Philippe Plickert)
Un autre regard sur la répartition des richesses en Europe (Statistics
Paper Series - BCE - Eurosystem Household Finance and Consumption Network)
Le succès du Bitcoin (monnaie électronique) ne se dément
pas (L'Expansion - Raphaële Krayan)
Le "made in world" ne connaît pas la crise (Les Échos -
Richard Hiault)
L'éclairage de Problèmes
économiques
De la société post-industrielle à l'industrie 2.0
- un autre déséquilibre : l'engouement pour les actifs sûrs
- chiffres et faits insolites sur la crise
- qui sont les Européens les plus riches ?
- quel avenir pour la cybermonnaie ?
- rigueur ou relance : le débat n'en finit pas
Pour en savoir plus
Adam Smith, le père tranquille de l'analyse économique (La
Revue des deux mondes - Annick Steta)
Réconcilier les Français avec la mondialisation (Commentaire
- Mathilde Lemoine)
Quand les demandeurs d'emploi travaillent (Dares Analyses -
Benoît Ourliac et Julie Rochut)
3070 Pauvreté et inégalités
Crise : en Europe, le pire est à venir
Revue
Internationale du Travail
Paul de Beer
Contrairement a ce qui a pu être observé
lors des précédentes crises, dans la
plupart des pays européens les salaires
horaires réels n’ont été que faiblement
affectés par la récession. Cela
s’explique notamment par les mesures de
réduction de la durée du travail
(chômage partiel), qui ont permis aux
entreprises de baisser leurs coûts de
main-d’œuvre sans toucher au salaire
horaire. La rémunération hebdomadaire
moyenne, en revanche, a diminué.
Étonnamment, les inégalités se sont
globalement atténuées en Europe, tandis
que le taux de pauvreté s’est accru.
Mais ces tendances masquent une grande
disparité selon les pays. Une
comparaison des effets de la crise sur
cinq pays européens montre que l’impact
sur le montant des revenus et leur
répartition est très variable, selon les
régimes de protection sociale, les
forces institutionnelles en présence et
les politiques publiques nationales.
Toutefois, les mesures d’austérité
prises en Europe n’ont pas à ce jour
fait sentir tous leurs effets, qui
s’annoncent particulièrement néfastes,
sur la pauvreté et les inégalités.
L’Allemagne : triple « A » et pauvreté
Le
courrier
Thomas Schnee
Si l’Allemagne est aujourd’hui l’une des
économies les plus compétitives de la
zone euro, elle le paye par une pauvreté
et une précarité importantes. Les « lois
Hartz » menées à partir de 2003 par le
gouvernement Schröder ont flexibilisé un
marché du travail jusque-là très rigide,
en durcissant les conditions d’obtention
de l’allocation chômage et en facilitant
le développement des « mini-jobs ».
Depuis 2005, l’Allemagne a divisé par
deux son taux de chômage. Mais 70 % des
chômeurs allemands vivent en-dessous du
seuil de pauvreté contre une moyenne de
45 % au sein de l’Union européenne (UE),
et le pays compte 7,5 millions de
travailleurs à temps partiel, rémunérés
un maximum de 400 euros par mois. Les
minis jobbers,
parfois en quête d’un simple revenu
d’appoint, ne sont pas nécessairement en
situation de pauvreté monétaire.
Toujours est-il qu’en Allemagne, le
phénomène de la pauvreté ne se cantonne
plus aux länder de l’est.
Un
monde moins pauvre, mais plus
inégalitaire
Finances
& Développement
Branko Milanovic
Ces vingt dernières années, les
inégalités entre riches et pauvres se
sont creusées à l’intérieur des pays
mais aussi entre les pays, alors même
que le revenu moyen a augmenté. Les
effets combinés du progrès
technologique, des changements
institutionnels, de l’évolution des
normes et de la mondialisation sont les
principales causes du creusement des
écarts de revenu dans les pays riches.
Dans la plupart des pays émergents, en
l’absence de véritables politiques
redistributives l’essor économique
profite principalement aux catégories
les plus riches de la population.
L’inégalité globale, c’est-à-dire entre
les habitants du monde, est quant à elle
beaucoup plus forte qu’il y a cinquante
ans. Cependant, le « découplage
économique » entre les pays en
développement et les pays riches,
accentué avec la crise, contrebalance
l’accroissement des inégalités à
l’intérieur des pays. La tendance de
l’inégalité mondiale s’inscrit ainsi
plus nettement à la baisse depuis 2008.
Logique d’assistance et stigmatisation
des pauvres
Idées
économiques et sociales
Nicolas Duvoux
Alors qu’elle s’est historiquement
construite sur une logique d’assurance,
la protection sociale française s’est
peu à peu tournée vers une logique
d’assistance. Pour combler les failles
du système d’assurance sociale face au
développement du chômage de masse, les
pouvoirs publics ont en effet
privilégié des formes d’aides sociales
« actives », envisagées de manière
individualisée comme la contrepartie
d’une démarche responsable. L’auteur
montre que l’émergence de la logique
d’assistance est venue bouleverser les
représentations sociales de la pauvreté.
Le ciblage des prestations sur les plus
vulnérables participe d’une
stigmatisation des pauvres, en les
enfermant dans des dispositifs
spécifiques. Des mécanismes objectifs
tels que l’effet de seuil d’une part, et
subjectifs tels qu’une partie du
discours politique d’autre part,
nourrissent également un ressentiment
plus général au sein de la population,
qui tend à opposer les travailleurs
précaires aux « assistés », deux
catégories sociales pourtant très
proches.
Comment
réduire la pauvreté et les inégalités ?
L’Économie
Politique
Denis Clerc
Les politiques sociales ont d’une manière
générale tendance à se concentrer sur la
lutte contre la pauvreté. Pourtant, dans
l’optique d’une amélioration de la
satisfaction et de la santé des citoyens,
cette lutte n’est pas nécessairement la plus
efficace, ni la plus facile à mener. Le
sentiment de pauvreté individuelle au sein
d’une société vient, pour une bonne part, de
l’écart entre les conditions de vie
personnelles et la condition de vie moyenne
dans cette société. La réduction de la
pauvreté doit donc aller de pair avec une
baisse des inégalités. Celle-ci est
possible, notamment grâce à des politiques
fiscales limitant les niches fiscales,
facteur principal de la dégressivité de
l’impôt. La pauvreté, sous toutes ses
formes, peut quant à elle être combattue de
la façon la plus efficace par la création
d’emplois, de qualité. Les deux objectifs –
baisse de la pauvreté et baisse des
inégalités – ne doivent pas être confondus,
mais recherchés conjointement.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Trading
à haute
fréquence, une innovation de trop
Esprit
Gabrielle Durana
La Bourse a davantage changé au cours des
années récentes qu’au cours des deux
derniers siècles. Au cœur du nouveau
système, le trading à
haute fréquence occupe désormais une place
centrale. Dotés d’ordinateurs surpuissants
et d’algorithmes complexes, des
traders d’un nouveau
genre opèrent un million de fois en une
microseconde. Le plus important est d’être
plus rapide que les autres. Cette pratique
représente aujourd’hui 30 à 50 % du volume
des transactions journalières en Europe et
jusqu’à 75 % à Wall Street. Depuis 2010,
plusieurs « krachs éclairs » sont venus
montrer que le trading
à haute fréquence avait rendu le système
financier particulièrement instable. Les
autorités des marchés financiers ont
désormais pris conscience des risques liés à
cette pratique.
Les
jeunes issus de l’immigration face à
l’emploi
Connaissance
de l’emploi - CEE
Yaël Brinbaum et Géraldine
Rieucau
La question des difficultés d’insertion
professionnelle des jeunes issus de
l’immigration a longtemps tardé à être
inscrite à l’agenda politique. Entreprises,
syndicats et responsables politiques
s’attellent désormais à trouver des
solutions pour lever les réticences à
l’embauche, car il n’y a guère de doute que
ces jeunes en particulier rencontrent plus
de difficultés sur le marché du travail que
les autres (taux de chômage et d’emploi
précaire plus élevés). La façon dont les
jeunes issus de l’immigration cherchent et
trouvent un travail permet de mieux
comprendre ces différences. Certains d’entre
eux se distinguent en effet par leur
propension à activer plus ou moins certains
canaux (missions locales, candidatures
spontanées…) ou à rechercher davantage
certains types d’emploi (comme le travail
indépendant), mais à caractéristiques
individuelles similaires, les démarches de
recherche dépendent davantage du niveau de
diplôme, de l’origine sociale ou de
l’expérience acquise que du pays d’origine
des parents.
L’Asie à l’horizon
2020
Lettre
Trésor-Éco
Stéphane Colliac
Région de loin la plus dynamique du monde au
cours de la dernière décennie, l’Asie
contribue aujourd’hui à plus des deux tiers
de la croissance mondiale. La zone est
engagée dans un processus de convergence
progressive de son niveau de revenu vers
celui des économies avancées. Les besoins
essentiels restant néanmoins considérables,
cette situation devrait favoriser la
poursuite d’une dynamique de croissance
d’ici à 2020. L’intégration régionale
commerciale et financière des pays
asiatiques est à l’œuvre depuis plusieurs
années et est appelée à se renforcer. Le
maintien du potentiel de croissance passe
désormais dans la plupart des pays par une
augmentation du taux d’investissement. En
Chine et au Vietnam en revanche, si
l’investissement a augmenté, il est devenu
moins productif. Un rééquilibrage du modèle
de croissance chinois vers la consommation
devrait avoir lieu à terme.
n° 3071 Le Slow Made : une révolution
Du
Slow Made à
la
Slow
Économie
Les métiers
d’art à mots découverts
Christophe Rioux
Depuis trente ans, ont émergé dans le
sillage du mouvement Slow
Food, en Italie, qui rejetait le modèle
de la Fast
Food, de nombreux autres mouvements se
réclamant de la philosophie
Slow. Parmi eux, le
Slow Made, fondé
récemment en France, en réaction à la crise
de 2007-2008, se démarque des autres
mouvements Slow en
particulier parce que ses promoteurs se
fixent comme objectif de refonder en
profondeur notre modèle de croissance en
posant les bases d’une autre économie : la
Slow Économie. Le
principe fondamental du
Slow Made étant de repenser les modes
de production et de consommation actuels,
notamment les rapports qu’ils entretiennent
au temps et à l’espace.
Slow Made,
rompre avec notre modèle de croissance
Problèmes économiques
- La Documentation française
Entretien avec Marc Bayard et Misha
Pinkhasov
Près de cinq ans après le déclenchement de
la crise économique la plus grave depuis
celle des années 1930, bien des questions
qu’elle a suscitées sur la pérennité de
notre modèle de croissance demeurent
ouvertes. Le Slow Made,
un mouvement lancé très récemment et qui
touche notamment les métiers de l’art et de
la création, a justement pour ambition
d’apporter quelques réponses qui
représentent une remise en cause profonde de
notre façon de produire et de consommer. Les
promoteurs du Slow Made
proposent ainsi de prendre de nouveau le
temps nécessaire pour fabriquer des produits
de qualité en rupture avec le système de la
production de masse dans lequel
l’obsolescence des objets est programmée.
Ils aspirent également à éveiller la
conscience du consommateur afin que l’acte
d’achat s’inscrive dans une véritable
démarche de responsabilité sociale et
environnementale.
Quand les
consommateurs prennent le pouvoir
La révolte des moutons -
Éditions Autrement
Pascale Hébel
Selon le Centre de recherche pour l’étude et
l’observation des conditions de vie
(CRÉDOC), 2013 est en termes de consommation
la pire année depuis 1980.
Cette tendance à la frugalité
semble s’accompagner d’un changement dans
les habitudes de consommation et dans notre
relation aux objets. Ainsi, par contrainte
ou par souci de préserver la planète, l’acte
de consommation fait l’objet d’une véritable
réflexion : le consommateur est désormais
prêt à renoncer au statut de propriétaire
unique d’un bien, il est également disposé à
privilégier la sobriété proposée par
certains produits low cost,
ou à offrir une seconde vie aux objets en
les revendant ou en les échangeant. Adoptés
principalement par les jeunes, ces nouveaux
modes de consommation pourraient être
appelés à durer.
Réapprendre à maîtriser le temps
Alternatives économiques
Igor Martinache
Le temps, convention sociale, constitue dans
notre société un enjeu central de pouvoir.
Si nous disposons de davantage de temps,
aujourd’hui, que dans les années de
l’Après-guerre, ce temps libre est parfois
contraint, c’est le cas pour ceux qui
travaillent à temps partiel. Avec la
flexibilisation des horaires, le temps s’est
également désynchronisé : le temps du repos
et des loisirs pour certains devient le
temps du travail pour d’autres. Le temps
libre devient rare, on croît qu’il
s’accélère et nous ressentons le besoin de
le rationaliser. Dans ces conditions,
l’auteur nous explique que les activités
hors-travail doivent être rentables : le
temps libre sert à se cultiver, les loisirs
des enfants doivent avoir une dimension
éducative, etc. Retrouver la maîtrise du
temps semble ainsi devenu pour chacun, en ce
début de XXIe
siècle, un défi majeur.
Slow Made,
Slow Food,
Slow City… De quoi
parle-t-on ?
Sciences
Humaines
Christophe Rymarski
Le Slow Made semble
raisonner comme un lointain écho à d’autres
mouvements baptisés Slow,
nés il y a une trentaine d’années. En
réalité, le Slow Made
s’est inspiré des premiers mouvements
Slow apparus en
Italie, comme le Slow Food
et la Slow City, il
s’en est depuis considérablement éloigné
puisque, contrairement à ceux-ci - et
contrairement à ce que pourrait laisser
penser son nom – il ne prône pas la lenteur.
L’ensemble des mouvements
Slow (Slow Food,
Slow City,
Slow Management,
Slow Education,
etc.) constituent un immense réseau touchant
plus de vingt millions de personnes dans le
monde. Ces derniers partagent tous l’idée
selon laquelle aujourd’hui, tous les actes
de la vie quotidienne s’effectuent dans la
précipitation et que la technologie, censée
nous faire gagner du temps, nous en fait, en
réalité, perdre car elle permet d’accomplir
toujours plus de choses dans une journée.
Les mouvements Slow
se différencient également du
Slow Made en cela
qu’ils se situent tous du côté de la demande
alors que le Slow Made
s’intéressera d’abord à l’offre.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Cinéma :
l’enjeu asiatique
Télos
Monique Dagnaud
Le cinéma asiatique est en plein essor. Il
s’appuie sur une demande locale dynamique -
dont la préférence pour les films nationaux
se précise - ainsi que sur une production
en pleine expansion, notamment en Inde, en
Chine et au Japon. Ainsi, l’industrie
cinématographique américaine, qui domine
pourtant largement le marché mondial, peine
à toucher les cinéphiles asiatiques. Ces
derniers sont en effet davantage sensibles à
une offre singulière se référant à la
culture locale et reconnaissable à
l’utilisation de problématiques et styles
narratifs qui leur sont propres. Cette
particularité asiatique, une « richesse »
pour certains, pourrait néanmoins expliquer
la difficulté des pays de ce continent à
atteindre une audience mondiale.
La
bioéconomie, un secteur d’avenir
Réalités
industrielles
Frédéric Sgard et Yuko
Harayama
Les biotechnologies ont pris leur essor à la
suite des découvertes spectaculaires de ces
cinquante dernières années sur le vivant.
Les avancées scientifiques majeures des
décennies 1990 et 2000 ont été
particulièrement déterminantes dans
l’influence de ces technologies sur
l’économie. La bioéconomie regroupe les
applications des biotechnologies dans trois
grands secteurs : l’agriculture, la santé et
l’industrie. La transition de notre modèle
économique vers plus de durabilité, un souci
croissant pour l’environnement et une
moindre dépendance vis-à-vis des ressources
naturelles offrent aux biotechnologies un
avenir prometteur. Ce potentiel demandera
toutefois pour s’exprimer pleinement la mise
en œuvre de politiques volontaristes afin
d’aplanir les obstacles qui en limite
aujourd’hui le développement.
La
ré-industrialisation : nouveau défi des
États-Unis ?
Géoéconomie
Laurence Daziano
Depuis les années 1970, plusieurs pays
(États-Unis, Royaume-Uni, France, Espagne,
Portugal, etc.) voient la part de leur
industrie dans le produit intérieur brut
(PIB) reculer. Ce phénomène se traduit par
des délocalisations vers les pays émergents,
des pertes d’emploi massives et un déficit
de la balance commerciale. Les États-Unis
semblent pourtant s’être engagés dans la
voie de la ré-industrialisation, profitant
de la conjugaison de plusieurs facteurs :
augmentation des coûts de production dans
les pays émergents, coût salarial américain
relativement bas, baisse des prix
énergétiques due à l’exploitation des gaz de
schiste et politique publique volontariste.
Le succès de General Motors, pourtant au
bord de la faillite en 2008, illustre bien
ce nouveau souffle dans le secteur
industriel américain.
Les politiques économiques, pourquoi et comment ?
Le cadre théorique de la politique économique : quelles évolutions ?
(Hubert Kempf)
Les échelons multiples de l’intervention publique (Christophe
Demazière)
Les politiques économiques dans une économie mondialisée : contraintes et enjeux
(Sophie Brana)
Les politiques économiques dans l’Union européenne : interdépendances et choix
institutionnels (Franck Lirzin)
Pour ou contre les règles de politique budgétaire ? (Jérôme
Creel)
Les dépenses publiques sont-elles trop élevées en France ?
(Adrien Matray)
Comment évaluer les politiques publiques ? (Antoine Bozio)
Instruments et objectifs
des politiques économiques
Les politiques budgétaires à l’heure de la consolidation des finances publiques
(Gilbert Koenig)
La politique monétaire, quel renouvellement avec la crise ?
(Christian Bordes)
Les politiques fiscales dans les pays de l’OCDE : comparaisons, évolutions
(Jacques Le Cacheux)
Les politiques sociales : quel avenir ? (Philippe Batifoulier)
Les politiques de l’emploi : des objectifs multiples
(Christine Erhel)
La politique industrielle au cœur des enjeux français et européens
(Pierre-Noël Giraud)
La politique commerciale à l’heure de la mondialisation (Michel
Rainelli)
Les modèles de développement après le consensus de Washington
(Philippe Hugon)
n° 3072 Salaires et justice
Les
inégalités de salaires dans les pays de
l’OCDE
Revue de
l’IRES
Estelle Sommeiller
La fin des Trente Glorieuses a mis un terme
à la forte hausse des salaires et du niveau
de vie dans les pays industrialisés. Depuis
le début des années 1980, les inégalités
salariales n’ont eu de cesse de se creuser
avec néanmoins des différences notables
entre les pays. Ainsi, dans le monde
anglo-saxon et dans la plupart des pays
d’Europe du Nord, ces inégalités se sont
accrues de manière significative. En
revanche, les inégalités de salaire
demeurent particulièrement faibles en Italie
et en Norvège. Au-delà des différences, on
observe plusieurs traits communs, notamment
le développement des bas salaires et
l’envolée des hautes rémunérations. La crise
semble renforcer ces phénomènes : depuis
2008, les hauts salaires augmentent de
nouveau et le salaire moyen stagne.
Rémunération des dirigeants : Qui doit
réguler ? Et comment ?
Rapport Moral
sur l’Argent dans la Monde 2013
Daniel Lebègue et Alain Martel
La rémunération des dirigeants d’entreprise
est un défi de taille posé à la bonne
gouvernance des firmes. Malgré
d’incontestables progrès en matière de
gouvernance d’entreprise depuis le début des
années 2000, des excès de certaines hautes
rémunérations persistent, portant notamment
sur le niveau de leur progression et parfois
même, sur leur décorrélation avec la
performance réelle de l’entreprise. Certes,
les conseils d’administrations s’accordent
sur certains principes – transparence,
modération, responsabilité – mais de
nombreuses questions restent en suspens :
est-ce à l’État d’intervenir ? Comment
renforcer la responsabilité des conseils
d’administration ? L’autorégulation
peut-elle être une solution? En Europe et en
Amérique du Nord, le débat s’est focalisé
sur le principe du say on
pay, c’est-à-dire du droit reconnu des
assemblées générales des actionnaires de se
prononcer par un vote sur la rémunération
fixe et variable des mandataires. Ce
principe est-il suffisant ?
À quel
niveau fixer les salaires minima ?
Journal
international de recherche syndical
Patrick Belser et Kristen
Sobeck
La question du salaire minimum est débattue
depuis des décennies. De nombreuses études
ont ainsi été consacrées aux conséquences
des modifications marginales du niveau des
salaires minima. Par ailleurs, si les
économistes ne parviennent toujours pas à se
mettre d’accord sur le bien fondé de la
fixation de salaires minima, dans plus de 90
% des pays, ce type de dispositif est
appliqué. Les questions complexes auxquelles
les gouvernements sont confrontés restent
cependant nombreuses : à quel niveau fixer
et comment ajuster le salaire minimum. Afin
d’aider les gouvernements et les partenaires
sociaux à résoudre ces questions,
l’Organisation internationale du travail
(OIT) propose un cadre d’évaluation.
Celui-ci prend en compte les besoins des
travailleurs eu égard au niveau général des
salaires, du coût de la vie et des
prestations sociales, ainsi que des facteurs
économiques comme la productivité et le
niveau de l’emploi.
Sexe,
rémunération et inégalités
La Pensée
Rachel Silvera
L’écart de rémunération entre les sexes est
une réalité persistante : le salaire des
hommes est en moyenne plus d’un quart
supérieur à celui des femmes. Pour définir
cet écart, on raisonne en moyenne mêlant
toutes les formes d’inégalités : en termes
d’accès à un emploi qualifié ou d’accès aux
secteurs les plus rémunérateurs face au
temps de travail. Pour les économistes, ce
qui n’est pas expliqué par de telles
variables – le résidu - serait en fait le
vrai cœur de la discrimination salariale.
Pour d’autres qui réfutent cette approche,
les discriminations de sexe existent dès
l’entrée sur le marché du travail et
perdurent tout au long de la carrière. De ce
point de vue, la discrimination n’est pas
une donnée exogène au marché du travail,
mais le fruit de stéréotypes de genre. Des
décisions de justice récentes semblent
donner plus de crédit à cette forme de
discrimination entre les sexes.
Qu’est-ce
qu’un salaire juste ?
Forum
Wirtschaftsethik
Michael Assländer
Depuis les temps les plus anciens, les
hommes se sont posé la question du juste
salaire – sans parvenir à y apporter une
réponse satisfaisante. Pour les philosophes
antiques, toute « chose », y compris le
travail, a son juste prix. Aristote posait
en principe d’équité que chacun ne soit pas
payé seulement en fonction de sa performance
mais aussi de ses mérites. Les philosophes
du moyen-âge ont ajouté à la réflexion la
dimension d’un salaire de subsistance. La
conception moderne de ce qu’est un salaire
juste revient à Adam Smith. Le philosophe et
économiste écossais définit une série de
critères. Ainsi, la rémunération varie en
fonction de l’agrément de celle-ci, de
l’effort déployé, de la dangerosité du
travail, mais également de la durée
effective d’occupation du travailleur, ainsi
que des perspectives d’avenir. Aujourd’hui,
le débat se poursuit autour des questions
relatives au salaire minimum, à
l’encadrement des hauts revenus, etc. Le
sentiment de l’injustice sociale demeure
néanmoins et, avec lui, l’impression que
gain et mérite ne vont pas toujours de pair.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
La Croatie :
nouvel État membre de l’UE
Financial
Times
Neil Buckley
Le 1er juillet
2013, la Croatie est devenue le
vingt-huitième État membre de l’Union
européenne (UE). Deuxième pays de l’ancienne
Yougoslavie, après la Slovénie, à intégrer
l’UE, cette adhésion, en faisant de la
Croatie un pays européen comme les autres,
met un terme définitif à l’épisode sanglant
qu’a été la guerre d’indépendance au début
des années 1990. S’il n’y a eu aucun État
post-communiste, dont le processus
d’adhésion n’ait été suivi avec autant de
soins par la commission de Bruxelles, de
nombreux doutes persistent néanmoins sur la
capacité du pays à réussir son intégration.
Cette économie du sud-est de l’Europe est en
effet particulièrement fragile. En outre,
l’État souffre de nombreux maux, notamment
d’une corruption, qui en dépit d’une lutte
déterminée des autorités croates, continue
de prospérer.
Diversité
des canaux de redistribution
Sociétal
François Écalle
La fiscalité n’est ni l’unique canal de
redistribution des revenus, ni le plus
puissant : les prestations sociales, hors
retraites, ont un impact deux fois plus
important. Ces canaux relativement
transparents ont des effets redistributifs
assez proches en France et dans les autres
pays européens. Toutefois, la politique de
redistribution passe également par des
circuits plus flous, voire totalement
opaques : fourniture de biens et services
non marchands, taxation du capital des
entreprises, tarification des services
publics marchands, réglementation. En
France, l’État recourt plus qu’ailleurs à ce
type de canaux redistributifs. La politique
de redistribution relevant d’un choix
politique, le travail de l’économiste est de
se prononcer sur l’efficacité de cette
politique et sur ses effets sur l’emploi et
le pouvoir d’achat.
L’Afrique
est-elle vraiment bien partie ?
L’Économie politique
Henri-Bernard Solignac-Lecomte
L’afro-optimisme est-il une illusion de plus
projetée sur l’Afrique ? La croissance
observée ces dernières années
constitue-t-elle un véritable décollage
économique analogue à celui des pays
asiatiques ? L’analyse économique et sociale
incite à plus de réserve. Les ressources
naturelles encore peu exploitées et la
jeunesse de la population offrent un beau
potentiel, mais le sous-développement des
infrastructures, l’inadéquation de
l’éducation et de la formation à l’emploi,
le poids de l’économie informelle et de
l’agriculture familiale, constituent un
frein majeur. Les réformes structurelles
sont indispensables et dépendent largement
de la formation d’élites locales compétentes
et dégagées de la corruption. Alors
l’Afrique sera « vraiment partie »…
N° 3073 Nourrir la planète
Résoudre la crise
alimentaire
L’Annuel de l'OCDE
2013
Ken Ash
En ce début de XXIe
siècle, garantir la sécurité alimentaire
mondiale reste parmi les défis majeurs
auxquels a à faire face l’humanité. À moins
de deux ans de l’échéance, fixée en 2015, il
est désormais difficilement envisageable
d’atteindre le premier objectif du
Millénaire pour le développement (OMD), à
savoir diviser par deux la part de la
population souffrant de la faim au cours de
la période 1990-2015. Si sur le front de la
malnutrition des progrès ont été réalisés
cette évolution s’est ralentie récemment.
Avec plus de 850 millions de personnes
souffrant de la faim, ce phénomène reste
très préoccupant. Enfin, dans certaines
régions les plus touchées par ce fléau,
principalement situées en Afrique ou en Asie
de l’Est, on n’a observé aucune amélioration
au cours des dernières années.
Prix interntaionaux
des produits alimentaires : volatilité ou
hausse durable ?
Revue Tiers Monde
Benoît Daviron
Depuis 2006, les marchés internationaux de
produits alimentaires ont connu à deux
reprises une flambée des prix. De nombreux
débats et études ont été consacrés à cette
question. Le rapport du Panel d’experts de
haut niveau du Comité de la sécurité
alimentaire (HPLE) a cherché à synthétiser
l’ensemble de ces travaux. Trois grandes
interprétations complémentaires expliquant
le comportement récent des prix des produits
alimentaires peuvent être retenues : la
première considère que le phénomène relève
de la volatilité des prix agricoles, la
deuxième met l’accent sur l’existence de
crises alimentaires périodiques en lien avec
la dynamique de l’investissement public tant
dans la production que dans l’utilisation
des produits agricoles, enfin la troisième
voit dans les flambées des prix le signe
avant-coureur d’une pénurie persistante sur
les marchés agricoles.
Fonds
d’investissement et sécurité alimentaire
Techniques Financières et Développement
Marie Garcin et Gilles Peltier
Depuis les émeutes de la faim de 2008, qui
ont touchés de nombreux pays africains,
garantir la sécurité alimentaire est devenue
un objectif majeur pour la communauté
internationale. Les investisseurs publics et
privés sont invités à unir leurs efforts
dans le but d’améliorer la productivité
agricole en Afrique subsaharienne. En
l’absence de stratégies efficaces et
durables, les résultats restent toutefois
jusqu’à présent très décevants. Premier
fonds d’investissement consacré à la
sécurité alimentaire en Afrique, African
Agriculture Fund est un partenariat
public-privé innovant qui associe des
institutions de développement, soucieuses de
l’orientation stratégique des projets, et
des investisseurs privés qui apportent une
impulsion entrepreneuriale. Il devrait
contribuer à une structuration des filières
agricoles et ouvrir des perspectives
prometteuses pour les paysans du continent.
La ruée
mondiale vers l’or vert
Finances &
Développement
Rabah Arezki, Klaus Deininger
et Harris Selod
L’envolée des prix internationaux des
produits alimentaires en 2007-2008 a
entraîné une importante vague d’acquisitions
de terres agricoles par des étrangers.
Trendeo, une société spécialisée dans la
veille et la collecte d’informations
s’inspirant d’une méthode employée par
l’Organisation non gouvernementale (ONG)
GRAIN, validée par la Banque mondiale, a
relevé un pic pour ce type d’investissement
au cours de l’année 2009 avec 33 millions
d’hectares échangés. Dans un rapport publié
en 2010, la Banque mondiale mettait en garde
contre le danger potentiel que représente
pour les pays en développement la cession de
grandes surfaces agricoles. Les petits
paysans qui alimentent les marchés locaux
pourraient d’être évincés au bénéfice
d’exploitations intensives entièrement
consacrées à l’exportation vers les pays
riches, sans parler du risque que les terres
soient bradées au mépris des droits locaux.
D’autres en revanche voient dans ces
acquisitions transnationales une opportunité
de rattraper des décennies de
sous-investissement dans le secteur
agricole.
L’avenir
du système alimentaire mondial
Futuribles
Jean-Louis Rastoin et Gérard
Ghersi
Selon l’Organisation des Nations unies
(ONU), la terre pourrait compter deux
milliards d’habitants supplémentaires d’ici
2050, soit neuf milliards de personnes.
Cette perspective soulève un immense défi en
termes d’alimentation, quand on sait
qu’environ 15 % de la population mondiale
est encore sous-alimentée. Le système
alimentaire agro-industriel tertiarisé tend
aujourd’hui à se généraliser sous l’effet
d’une consommation de masse de produits de
plus en plus identiques. À l’horizon 2050,
deux scénarios prospectifs sont envisagés
celui de la continuité qui verrait le
renforcement du système agro-industriel à
grande échelle, et celui de la rupture qui
proposerait un modèle alternatif basé sur un
système alimentaire de proximité. Ces
scénarios sont examinés au regard de quatre
critères de développement durable : la
performance économique, la préservation
écologique, l’équité sociale et la
gouvernance participative.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Reconstruire la Grande Europe
Notre Europe
Entretien de Jacques Delors
avec Teresa de Sousa
À l’occasion d’une visite au Portugal,
effectué en juin 2013, Jacques Delors,
président de la Commissioneuropéenne de 1985
à 1994 et fondateur du
think tank « Notre Europe » a accordé
un entretien à Teresa de Sousa du quotidien
portugais Público
dans lequel il analyse les racines de la
crise européenne et donne son point de vue
sur les mesures prises pour y faire face. Au
cours de cet échange, il revient sur le rôle
des institutions européennes durant la crise
et notamment de la Commission européenne et
de la Banque centrale européenne (BCE).
L’ancien président dela Commission formule
enfin un certain nombre de recommandations
susceptibles de redonner aux peuples
européens confiance dans l’avenir.
EAU : LA
BATAILLE DU NIL
Financial
Times
Katrina Manson et Borzou Daragahi
« L’Égypte est un don du Nil » écrit
Hérodote en 450 avant Jésus-Christ. Et
pourquoi pas les pays en amont ? Pendant
plus de quatre millénaires, l’Égypte fut le
seul bénéficiaire des eaux du Nil. Le pays
le plus en aval estime ainsi avoir des
droits historiques sur son exploitation,
prolongés par la signature de deux traités :
le premier en 1929 avec la puissance
coloniale britannique et le second avec le
Soudan en 1959. L’Égypte, en plus d’un droit
de veto sur tout projet de construction sur
le Nil décidé en amont, dispose depuis cette
date de 66 % du débit annuel du fleuve, le
Soudan 22 %. Après s’être longtemps
accommodés de ces accords, les pays en amont
créent en 1999 l’Initiative du bassin du Nil
pour promouvoir une répartition plus
équitable des eaux du fleuve. Les accords
d’Entebbe de 2010, signés par six pays en
aval (Éthiopie, Kenya, Tanzanie, Rwanda,
Burundi, Ouganda,) remettent plus clairement
en cause l’hégémonie égyptienne et
soudanaise. Par ailleurs, la construction
éthiopienne du Grand barrage de la
Renaissance renforce les désaccords
régionaux sur l’exploitation du Nil.
Iran :
les sanctions ont un fort impact sur
l’économie
Alternatives internationales
Entretien avec Nader Habibi
par Yann Mens
Depuis sa naissance en 1979,la République
islamique d’Iran n’est jamais parvenue à
établir des relations « normales » avec la
communauté économique internationale. Les
révélations relatives aux ambitions
nucléaires iraniennes au début des années
2000 ont marqué un tournant dans les
relations internationales du pays. Après
l’échec des négociations diplomatiques sur
ce dossier, le Conseil de sécurité des
Nations unies a adopté une série de
résolutions qui ont ouvert la voie à des
sanctions économiques de plus en plus
sévères contre l’Iran. Des mesures
additionnelles à celles des Nations unies
ont été de surcroît prises de manière
unilatérale par les Occidentaux. Si les
sanctions internationales n’ont pas empêché
le pays de poursuivre son programme
nucléaire, elles ont néanmoins infligé à son
économie des dégâts considérables.
n° 3074 Bilan de l'économie française 2013
La crise
n’a pas fait chuter la fécondité
Population et sociétés
Gilles Pison
Au 1er janvier
2013, la France métropolitaine compte 63,7
millions d’habitants auxquels s’ajoutent 2,1
millions d’habitants des départements
d’outre-mer, soit un total de 65,8 millions.
Alors que dans la plupart des pays
développés, l’incertitude suscitée par la
crise économique et la montée du chômage a
fait chuter la fécondité, c’est le cas
notamment aux États-Unis, la France a
échappé jusqu’à présent à ce mouvement
général. Passant de 2,02 en 2010 à 2,00 en
2011, la baisse de la fécondité est en effet
restée très limitée. Cette évolution
s’explique d’une part, par le fait que dans
notre pays, la récession a été moins forte
qu’ailleurs, l’économie française ayant
relativement mieux résisté à la crise que
certains de ses voisins. D’autre part, parce
que les politiques sociale et familiale ont
servi d’amortisseur au choc de la récession.
La
dégradation du marché du travail se poursuit
DARES-Analyses
Claude Minni
et al
Avec la contraction de l’activité
économique, la dégradation du marché du
travail entamée au deuxième semestre 2011
s’est poursuivie en 2012. Plus de 50 000
emplois ont été détruits au cours de l’année
en France métropolitaine. Le taux d’emploi
des 15-64 ans a cependant augmenté de 0,2
point, s’inscrivant en baisse entre 15 et 54
ans et en forte hausse entre 55 et 64 ans.
Le recul de l’emploi en 2012 s’explique
d’abord par la perte de 61 000 postes
d’intérimaires. Le taux de chômage en
augmentation de 0,8 point en un an s’établit
à 10,5 % pour l’ensemble dela France (10,1 %
pour la Francemétropolitaine). Avec
respectivement, plus de 10 % et 25 %, les
taux de chômage des hommes et des jeunes
atteignent des pics historiques.
Le PIB
stagne, le pouvoir d’achat recule
INSEE
Première
Anne-Juliette Bessone,
Vladimir Passeron et Hélène Soual
Alors que la croissance économique a été
positive en 2011, celle-ci a été nulle en
2012 : en euros constants le produit
intérieur brut (PIB) a en effet stagné.
L’investissement des entreprises ainsi que
leurs stocks ont diminué. Il en a été de
même pour la consommation des ménages et
cela pour la première fois depuis vingt ans.
La demande intérieure étant atone, les
importations ont décru tandis que les
exportations ont continué de progresser. Le
ralentissement des revenus d’activité et du
patrimoine a provoqué un recul du pouvoir
d’achat du revenu disponible brut des
ménages. Quant aux sociétés non financières,
leurs taux de marge et d’autofinancement
baissent de nouveau.
Le revenu
disponible brut des ménages reste stable
Note de conjoncture de
l’INSEE
Selon l’Institut national de la
statistique et des études économiques
(INSEE), après avoir légèrement diminué (-
0,9 %) en 2012, le revenu disponible brut
des ménages s’est en 2013 stabilisé, en
partie grâce au ralentissement des prix à la
consommation. Les revenus d’activité (+ 0,9
% en 2013 contre + 1 % l’année précédente)
et les prestations sociales (+ 3,5 % en 2012
contre + 4 % en 2011) ralentissent. C’est le
cas également des prélèvements obligatoires
(+ 4, 6 % après + 7,4 % en 2011) permettant
une légère progression du revenu disponible
brut en termes nominaux.
Nouvelle
dégradation des transactions courantes
Balance des
paiements et position extérieure de la
France
Banque de France
Le solde des transactions courantes dela
France, qui résulte des flux économiques de
biens, de services et de revenus entre
résidents et non-résidents enregistre un
déficit de 44,4 milliards d’euros soit 2,2 %
du produit intérieur brut (PIB) contre 35
milliards (1,8 %) en 2011. Cette situation
déficitaire perdure depuis 2005.
Contrairement aux années précédentes, la
détérioration du solde des transactions
courantes en 2012 s’explique notamment par
le repli du solde (excédentaire) des
revenus. Les échanges de biens ont été plus
dynamiques et l’excédent des services a même
augmenté. Quant aux flux d’investissement
directs, ils se soldent en 2012 par des
sorties nettes de 28 milliards et des
entrées de 18,6 milliards d’euros, soit une
sortie nette de 9,4 milliards d’euros. Ce
qui constitue une baisse significative par
rapport à 2011.
Réduction
du déficit commercial
Le
Chiffre du commerce extérieur 2012
DGDDI
L’année 2012 a été marquée par
l’essoufflement des échanges. La réduction
du déficit manufacturier a permis de ramener
le déficit commercial de la France à – 67,2
milliards contre – 74 milliards en 2011. Les
contre-performances de l’industrie
automobile et des produits agricoles ont
affecté les exportations françaises.
A contrario,
l’industrie aéronautique et spatiale a
réalisé des livraisons record, + 18,3 %
contre + 0,6 % en 2011. De même, les ventes
de produits liés à la santé, en particulier
du secteur pharmaceutique ont repris
vigoureusement, après un fléchissement
l’année précédente. De leur côté, les
exportations de produits de l’industrie du
luxe sont restées bien orientées. Quant aux
importations, elles ne progressent plus que
faiblement, en raison du recul des achats
automobiles, des produits métallurgiques et
de machines et équipements.
Lente
poursuite du redressement des finances
publiques
Rapport sur
la situation et les perspectives des
finances publiques
Cour des comptes
Le redressement des finances publiques s’est
poursuivi en 2012. Malgré un important
effort pour le réduire, le déficit public
n’a cependant baissé que de 0,5 point pour
s’établir à 4,8 % du produit intérieur brut
(PIB). Cette faible amélioration tient
surtout à la faiblesse de l’activité
économique – la croissance a été nulle en
volume – et à l’accroissement de la
composante conjoncturelle du déficit. Par
conséquent, la dette publique n’a pas pu
être stabilisée : elle a même cru de plus de
4 points pour s’établir à 90,2 % du PIB.
Cette tendance à la hausse de l’endettement
public risque de se reproduire en 2013. En
ce qui concerne la ventilation du déficit,
ce sont - comme les années précédentes - les
administrations publiques centrales qui
concentrent l’essentiel du déficit.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Quand la
voiture devient contrainte
Revue Projet
Jean-Pierre Orfeuil
La diffusion massive de l’automobile
individuelle à partir des années 1930 a
structuré l’espace urbain : construction
d’hypermarchés en périphérie des villes, de
voies à grande vitesse, de parking y compris
à proximité des lieux historiques,
multiplication des « banlieues-dortoirs »,
etc. La hausse importante de certaines
charges (loyers, transports ou remboursement
de prêts immobiliers), l’augmentation des
prix pétroliers et la baisse concomitante
des revenus ces dernières années constituent
un goulot d’étranglement pour un nombre
croissant de ménages. Autrefois symbole de
liberté, l’utilisation de la voiture devient
une dépendance qui rogne le budget des plus
modestes. Les considérations écologiques
récentes soulignent elles aussi la nécessité
d’atténuer les méfaits voire d’imaginer un
modèle alternatif au « tout voiture ».
Suisse :
un franc succès
Conjoncture
BNP Paribas
Catherine Stephan
Au cours de l’année 2011, le franc suisse a
connu des variations inhabituelles à la
hausse. Malgré les interventions massives de
la Banque nationale suisse (BNS),
l’appréciation de la monnaie s’est fortement
accélérée durant l’été, notamment contre
l’euro, pénalisant ainsi fortement les
exportations. En septembre 2011, lorsque le
franc a frôlé la parité contre l’euro, la
BNS a décidé de fixer un taux plancher de
1,20 pour un euro. Dans l’immédiat, la
menace de déflation qui planait sur la
Suisse s’est éloignée. Mais cette stratégie
n’est pas sans risque. Elle entraîne une
expansion importante du bilan de la Banque
nationale suisse qui expose le pays sur les
marchés des changes et des taux. Par
ailleurs, la Confédération helvétique s’est
davantage liée à la zone euro : fin 2012,
elle détenait près de 15 % des réserves de
change en euro.
3074 Bilan de l'économie française 2013
La crise n’a pas fait chuter la fécondité
Population et sociétés
Gilles Pison
Au 1er janvier 2013, la
France métropolitaine compte 63,7 millions d’habitants auxquels s’ajoutent 2,1
millions d’habitants des départements d’outre-mer, soit un total de 65,8
millions. Alors que dans la plupart des pays développés, l’incertitude suscitée
par la crise économique et la montée du chômage a fait chuter la fécondité,
c’est le cas notamment aux États-Unis, la France a échappé jusqu’à présent à ce
mouvement général. Passant de 2,02 en 2010 à 2,00 en 2011, la baisse de la
fécondité est en effet restée très limitée. Cette évolution s’explique d’une
part, par le fait que dans notre pays, la récession a été moins forte
qu’ailleurs, l’économie française ayant relativement mieux résisté à la crise
que certains de ses voisins. D’autre part, parce que les politiques sociale et
familiale ont servi d’amortisseur au choc de la récession.
La dégradation du marché du travail se poursuit
DARES-Analyses
Claude Minni et al
Avec la contraction de l’activité économique, la dégradation du marché du
travail entamée au deuxième semestre 2011 s’est poursuivie en 2012. Plus de
50 000 emplois ont été détruits au cours de l’année en France métropolitaine. Le
taux d’emploi des 15-64 ans a cependant augmenté de 0,2 point, s’inscrivant en
baisse entre 15 et 54 ans et en forte hausse entre 55 et 64 ans. Le recul de
l’emploi en 2012 s’explique d’abord par la perte de 61 000 postes
d’intérimaires. Le taux de chômage en augmentation de 0,8 point en un an
s’établit à 10,5 % pour l’ensemble dela France (10,1 % pour la
Francemétropolitaine). Avec respectivement, plus de 10 % et 25 %, les taux de
chômage des hommes et des jeunes atteignent des pics historiques.
Le PIB stagne, le pouvoir d’achat recule
INSEE Première
Anne-Juliette Bessone, Vladimir Passeron et Hélène Soual
Alors que la croissance économique a été positive en 2011, celle-ci a été nulle
en 2012 : en euros constants le produit intérieur brut (PIB) a en effet stagné.
L’investissement des entreprises ainsi que leurs stocks ont diminué. Il en a été
de même pour la consommation des ménages et cela pour la première fois depuis
vingt ans. La demande intérieure étant atone, les importations ont décru tandis
que les exportations ont continué de progresser. Le ralentissement des revenus
d’activité et du patrimoine a provoqué un recul du pouvoir d’achat du revenu
disponible brut des ménages. Quant aux sociétés non financières, leurs taux de
marge et d’autofinancement baissent de nouveau.
Le revenu disponible brut des ménages reste stable
Note de conjoncture de l’INSEE
Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques
(INSEE), après avoir légèrement diminué (- 0,9 %) en 2012, le revenu disponible
brut des ménages s’est en 2013 stabilisé, en partie grâce au ralentissement des
prix à la consommation. Les revenus d’activité (+ 0,9 % en 2013 contre + 1 %
l’année précédente) et les prestations sociales (+ 3,5 % en 2012 contre + 4 % en
2011) ralentissent. C’est le cas également des prélèvements obligatoires (+ 4, 6
% après + 7,4 % en 2011) permettant une légère progression du revenu disponible
brut en termes nominaux.
Nouvelle dégradation des transactions courantes
Balance des paiements et position extérieure de la France
Banque de France
Le solde des transactions courantes dela France, qui résulte des flux
économiques de biens, de services et de revenus entre résidents et non-résidents
enregistre un déficit de 44,4 milliards d’euros soit 2,2 % du produit intérieur
brut (PIB) contre 35 milliards (1,8 %) en 2011. Cette situation déficitaire
perdure depuis 2005. Contrairement aux années précédentes, la détérioration du
solde des transactions courantes en 2012 s’explique notamment par le repli du
solde (excédentaire) des revenus. Les échanges de biens ont été plus dynamiques
et l’excédent des services a même augmenté. Quant aux flux d’investissement
directs, ils se soldent en 2012 par des sorties nettes de 28 milliards et des
entrées de 18,6 milliards d’euros, soit une sortie nette de 9,4 milliards
d’euros. Ce qui constitue une baisse significative par rapport à 2011.
Réduction du déficit commercial
Le Chiffre du commerce extérieur 2012
DGDDI
L’année 2012 a été marquée par l’essoufflement des échanges. La réduction du
déficit manufacturier a permis de ramener le déficit commercial de la France à –
67,2 milliards contre – 74 milliards en 2011. Les contre-performances de
l’industrie automobile et des produits agricoles ont affecté les exportations
françaises. A contrario,
l’industrie aéronautique et spatiale a réalisé des livraisons record, + 18,3 %
contre + 0,6 % en 2011. De même, les ventes de produits liés à la santé, en
particulier du secteur pharmaceutique ont repris vigoureusement, après un
fléchissement l’année précédente. De leur côté, les exportations de produits de
l’industrie du luxe sont restées bien orientées. Quant aux importations, elles
ne progressent plus que faiblement, en raison du recul des achats automobiles,
des produits métallurgiques et de machines et équipements.
Lente poursuite du redressement des finances publiques
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Cour des comptes
Le redressement des finances publiques s’est poursuivi en 2012. Malgré un
important effort pour le réduire, le déficit public n’a cependant baissé que de
0,5 point pour s’établir à 4,8 % du produit intérieur brut (PIB). Cette faible
amélioration tient surtout à la faiblesse de l’activité économique – la
croissance a été nulle en volume – et à l’accroissement de la composante
conjoncturelle du déficit. Par conséquent, la dette publique n’a pas pu être
stabilisée : elle a même cru de plus de 4 points pour s’établir à 90,2 % du PIB.
Cette tendance à la hausse de l’endettement public risque de se reproduire en
2013. En ce qui concerne la ventilation du déficit, ce sont - comme les années
précédentes - les administrations publiques centrales qui concentrent
l’essentiel du déficit.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Quand la voiture devient contrainte
Revue Projet
Jean-Pierre Orfeuil
La diffusion massive de l’automobile individuelle à partir des années 1930 a
structuré l’espace urbain : construction d’hypermarchés en périphérie des
villes, de voies à grande vitesse, de parking y compris à proximité des lieux
historiques, multiplication des « banlieues-dortoirs », etc. La hausse
importante de certaines charges (loyers, transports ou remboursement de prêts
immobiliers), l’augmentation des prix pétroliers et la baisse concomitante des
revenus ces dernières années constituent un goulot d’étranglement pour un nombre
croissant de ménages. Autrefois symbole de liberté, l’utilisation de la voiture
devient une dépendance qui rogne le budget des plus modestes. Les considérations
écologiques récentes soulignent elles aussi la nécessité d’atténuer les méfaits
voire d’imaginer un modèle alternatif au « tout voiture ».
Suisse : un franc succès
Conjoncture BNP Paribas
Catherine Stephan
Au cours de l’année 2011, le franc suisse a connu des variations inhabituelles à
la hausse. Malgré les interventions massives de la Banque nationale suisse (BNS),
l’appréciation de la monnaie s’est fortement accélérée durant l’été, notamment
contre l’euro, pénalisant ainsi fortement les exportations. En septembre 2011,
lorsque le franc a frôlé la parité contre l’euro, la BNS a décidé de fixer un
taux plancher de 1,20 pour un euro. Dans l’immédiat, la menace de déflation qui
planait sur la Suisse s’est éloignée. Mais cette stratégie n’est pas sans
risque. Elle entraîne une expansion importante du bilan de la Banque nationale
suisse qui expose le pays sur les marchés des changes et des taux. Par ailleurs,
la Confédération helvétique s’est davantage liée à la zone euro : fin 2012, elle
détenait près de 15 % des réserves de change en euro.
3075 Faut-il en finir avec l'austérité ?
Erreurs
de prévision : quand le FMI fait son
mea culpa
FMI –
Working Paper
Olivier
Blanchard et Daniel Leigh
Avec la crise, le niveau de
l’endettement public a fortement augmenté
dans les économies avancées depuis 2008.
Afin de maintenir la confiance des marchés,
notamment financiers, le Fonds monétaire
international (FMI) a appelé à une réduction
de ces dettes à moyen terme. Mais les effets
des coupes budgétaires et fiscales observés
à court terme sur l’activité économique –
que le FMI avait tenté d’évaluer grâce à
l’estimation des « multiplicateurs
budgétaires » dans la livraison d’octobre
2012 des Perspectives de
l’économie mondiale – suscitent un vif
débat. Le FMI a dû, dans un rapport rendu
public au cours de l’été 2013, tester la
robustesse de ses premiers résultats et a
admis avoir sous-estimé l’impact du
redressement budgétaire – qu’il s’agisse
d’une réduction des dépenses ou d’une hausse
des recettes fiscales – sur l’activité
économique, le chômage, la consommation
privée et l’investissement.
La
débâcle de l’austérité
Revue de l’OFCE
Xavier Timbeau
Si la crise économique de 2008 a touché
quasiment tous les pays, certains ont
davantage été affectés, en partie parce que
les mesures d’assainissement des finances
publiques décidées en 2011 y ont été plus
drastiques. C’est le cas de la zone
euro dont la croissance économique n’a pas
retrouvé son niveau d’avant la crise. Le
recul du produit intérieur brut (PIB) par
habitant y a été, en outre, plus important
(- 5 % par rapport à 2008) qu’aux États-Unis
(- 1,6 %). Quant au taux d’utilisation des
capacités de production, celui-ci est dans
la zone euro à son niveau le plus bas depuis
1993, tandis que son évolution est favorable
aux États-Unis et au Japon, en raison d’une
impulsion budgétaire moins négative, voire
positive dans le cas du Japon. La zone euro
pâtit également de l’absence de coordination
des ajustements budgétaires renforçant le
jeu destructeur des
« multiplicateurs ».
L’austérité n’est pas une solution en
période de crise
Regards
croisés sur l’économie
Michel Aglietta
Les politiques d’austérité ne sont ni bonnes
ni mauvaises en soi. Selon l’auteur, c’est
la nature et l’origine de l’endettement de
l’État qui devraient déterminer le
bien-fondé d’une politique de redressement
budgétaire. Celle-ci est nécessaire si
l’accroissement de la dette publique
s’explique par une gestion budgétaire trop
laxiste. Les politiques d’austérité sont en
revanche contre-productives si le niveau
d’endettement du secteur privé est à
l’origine de la récession. Dans ce cas, des
mesures de désendettement via une
mutualisation des dettes doivent être
adoptées. En menant une politique
d’austérité, le risque est de créer un
cercle vicieux : déprime de la demande
(consommation et investissement), baisse de
la production et aggravation du déficit.
C’est ce scénario qui s’est récemment
déroulé en Grèce ainsi qu’au Portugal et qui
menace actuellement l’Espagne.
Austérité : les leçons de l’histoire
Télos
Urs Luterbacher
La montée de groupes politiques radicaux
dans certains pays européens depuis quelques
années est un phénomène qui préoccupe de
plus en plus les pouvoirs publics. Certains
avancent l’idée que l’accroissement des
niveaux de l’endettement des États dans la
zone euro favoriserait l’expansion des
mouvements politiques extrémistes. En
comparant la période actuelle avec les
années 1920-1930 qui ont vu la montée du
fascisme en Italie et du nazisme en
Allemagne, l’auteur montre les limites de
cette approche. Selon lui, c’est bien
davantage la gravité de la récession et sa
durée qui favoriseraient la montée de
l’extrémisme politique.
Il y
avait d’autres solutions
The New York
Review of Books
Martin Wolf
En imposant aux économies de la zone euro
une récession importante depuis la fin de
l’année 2010, l’austérité a sapé la reprise.
Le taux de croissance du produit intérieur
brut (PIB) de la zone ne s’est élevé qu’à +
2 % entre 2009 et 2010 et ne devrait être
que de + 0,4 % entre 2010 et 2013. L’étendue
des effets de la récession à tous les États
membres constitue un facteur aggravant. Dans
ce contexte, l’austérité est, selon
l’auteur, une grave erreur que l’on aurait
pu éviter. Ce dernier s’est intéressé tout
particulièrement au cas du Royaume-Uni où le
gouvernement aurait pu, selon lui, en
bénéficiant des taux d’intérêt réels nuls à
long terme, augmenter l’investissement
public plutôt que de le diviser par deux ;
baisser les impôts ; et diminuer le rythme
de la réduction des dépenses courantes.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
La
pauvreté n’est pas une fatalité
The Economist
En l’espace de vingt ans, la
pauvreté a été réduite de moitié. En 1990,
43 % de la population des pays en
développement (PED) disposaient de moins
d’un dollar par jour pour leur subsistance.
Deux décennies plus tard, ils ne sont plus
que 21 % dans ce cas, le seuil de pauvreté
ayant été entre-temps relevé à 1,25 dollar
par jour. Désormais, les Nations unies se
sont fixées comme objectif d’éradiquer
l’extrême pauvreté en 2030. Mais est-il
réaliste d’imaginer que le monde puisse en
finir avec ce fléau dans un laps de temps
aussi court ? Pour ce faire, il faudrait,
selon les économistes spécialistes de cette
question, que le rythme annuel de réduction
de la pauvreté se maintienne à environ 1 %,
comme ce fut le cas entre 1990 et 2010.
Conserver un tel rythme ne sera pas facile
mais l’objectif reste atteignable. Au cours
des dernières années, les organisations
internationales et les gouvernements n’ont
pas seulement réussi à réduire de façon très
importante la pauvreté, ils ont également
mieux appris à la combattre.
Le
casse-tête économique des dépenses
militaires
Innovations
Geneviève Schméder
La théorie économique propose deux grandes
approches pour répondre à la question de
l’utilité des dépenses militaires. Selon la
première, plutôt libérale ou « smithienne »,
ces dépenses sont considérées comme
paupérisantes mais indispensables pour
assurer la sécurité nationale. Cette analyse
tranche avec le second discours, plutôt
« keynésien », selon lequel les dépenses
militaires peuvent conduire à des résultats
économiques positifs, notamment via leurs
effets multiplicateurs et la capacité que
celles-ci offrent aux gouvernements de
réguler l’activité nationale. L’apparente
unanimité sur le bienfait ou non des
dépenses militaires sur l’économie n’existe
pas : la complexité des relations entre
défense et croissance interdit en effet
d’apporter une réponse univoque.
La France
dans dix
ans
Note du CGSP
Commissariat général à la
stratégie et à la prospective
Le Commissariat général à la stratégie et à
la prospective (CGSP) dresse le portrait de
la France dans dix ans. Le vieillissement de
sa population et la baisse de son poids
relatif dans l’économie internationale sont
des tendances qui s’avéreront difficile à
inverser. En revanche, les orientations
stratégiques des futurs gouvernements
(réforme du marché du travail, politiques
d’emploi, amélioration de l’efficacité du
système de santé, etc.) pourraient atténuer
certaines difficultés structurelles de
l’économie. Mieux formée et très bien
équipée, la France de 2025 pourrait s’avérer
d’autant plus attractive et dynamique
qu’elle saura jouer de ses atouts.
3076 Europe : richesse, inégalités et solidarité
L’Europe
demeure le continent le plus riche
Global Wealth Report 2012
Credit suisse
L’Europe est une des régions les plus riches
au monde, si l’on prend comme référence la
richesse privée. Selon le Global Wealth
Report, publié annuellement par la
banque Credit suisse, la valeur totale du
patrimoine des ménages européens a même
dépassé en 2012 – et pour la huitième fois
consécutive - celle des autres régions du
monde. Cependant, l’écart avec l’Amérique du
Nord s’est réduit et atteint le niveau le
plus faible depuis 2006. L’Europe continue
de devancer l’Amérique du Nord seulement
parce qu’elle est plus peuplée. L’ensemble
États-Unis et Canada reste en effet la
région où la richesse moyenne est la plus
élevée au monde. D’autres données confirment
la position insolite de l’Europe : non
seulement on y trouve le pays comptant le
patrimoine moyen le plus important (la
Suisse), mais également les pays ayant
connu les plus grandes pertes absolues de
patrimoine privé par rapport à 2011 : la
France, l’Italie et l’Allemagne.
Répartition de la richesse en Europe
VoxEU.org
Paul de Grauwe et Yuemei Ji
Une étude de la Banque centrale européenne
(BCE) publiée en avril 2013 montre des
niveaux de patrimoines des ménages très
différents selon les États membres de la
zone euro. Les ménages les plus riches
possèdent en effet jusqu’à huit fois plus
que les ménages les plus pauvres. Il
apparaît également qu’au sud de l’Europe,
parmi les pays qui sont confrontés à de
graves difficultés économiques, certains
présentent des niveaux de richesses privés
souvent élevés, voire supérieurs à la
moyenne européenne et plus importants que
ceux de l'Allemagne, de la France, de
l’Autriche ou des Pays-Bas. En utilisant une
définition plus large de la richesse qui
englobe également celle des entreprises et
de l’État, les auteurs relativisent
nettement les données de la BCE et montrent
que les pays du centre et du nord de
l’Europe sont les plus riches en termes de
capitaux par tête.
La
solidarité financière face à la crise de
l’euro
Notre Europe
Sofia Fernandes et Eulalia
Rubio
La question de la solidarité au sein de
l’Union européenne (UE) est revenue en force
avec la crise de la dette souveraine. Outre
les prêts bilatéraux, les pays de l’UE et de
l’Union économique et monétaire (UEM) ont
mis sur pied trois instruments de
solidarité, afin d’aider les pays en
difficulté et de garantir une meilleure
stabilité financière : le Fonds européen de
stabilité financière (FESF), le Mécanisme
européen de stabilité financière (MESF) et
le Mécanisme européen de stabilité (MES)
dont le dernier représente l’instrument
permanent de nature intergouvernementale en
vigueur depuis 2012. Tous ces dispositifs
entraînent des coûts budgétaires auxquelles
s’ajoutent les implications potentielles des
déséquilibres dans les soldes TARGET2 (le
système de paiement et de compensation entre
les banques centrales de la zone euro),
ainsi que les actions exceptionnelles dela
Banque centrale européenne (BCE).
Convergence ou divergence des économiques
européennes ?
La note d’analyse du CAS
Mouhamadou Sy
La convergence économique des pays européens
est un des objectifs principaux à l’origine
de l’Union européenne (UE). Le traité de
Maastricht a réaffirmé cette ambition, mais
vingt ans après son adoption, la convergence
réelle entre les États membres de la zone
euro ne s’est pas réalisée selon le scénario
initial. Au-delà des effets de la crise des
dettes souveraines, on constate une
polarisation des activités productives du
fait des rendements d’échelle croissants et
d’externalités liés à la constitution même
du marché unique, ainsi qu’à l’euro. Les
fonds structurels, prévus quant à eux pour
atténuer les divergences, ont paradoxalement
pu accroître l’hétérogénéité en facilitant
les échanges des pays du centre avec la
périphérie.
Quelle
solidarité financière ?
Project Syndicate
Jean Pisani-Ferry
Quatre ans après le début de la crise des
dettes souveraines, l’Union européenne ne
ressemble plus à celle d’avant la crise. Le
principe de la solidarité financière a été
adopté et l’union bancaire est en bonne
voie. L’Europe s’est ainsi dotée de
puissants mécanismes de stabilité. Malgré
ces réussites, une question fondamentale n’a
pas encore trouvé de réponse: sur quel
principe l’Europe va-t-elle baser sa
solidarité financière : la mutualisation des
dettes et des risques ou la
responsabilisation individuelle. Dans ce
dernier cas, les États cesseraient de
secourir les banques en difficulté pour que
cette dette privée ne soit plus à la charge
du contribuable. Tant que l’Europe hésitera
entre ces deux approches, l’avenir de l’euro
restera incertain.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Rémunération du haut management
Le nouvel Économiste
Jacques Secondi
La rémunération des dirigeants d’entreprise
est une question particulièrement sensible à
laquelle les entreprises n’ont pas encore
apporté de réponses satisfaisantes. Alors
que les dirigeants n’engagent pas leur
patrimoine dans l’entreprise et ne prennent
guère de risque, ils se voient gratifiés
d’une rémunération et d’avantages jugés
excessifs par l’opinion publique. L’étroite
communauté de destin qui lie hauts cadres
dirigeants et actionnariat dans les grandes
entreprises cotées explique ces dernières
années l’évolution du niveau de rétribution
des premiers. Donner plus de poids à
l’actionnariat en matière de rémunération du
haut management selon le principe du « say
on pay » qui permet aux actionnaires de se
prononcer sur le montant des émoluments du
PDG de l’entreprise pourrait faire des
émules en France. Ce système est en effet
obligatoire dans toutes les grandes
entreprises anglo-saxonnes et déjà mis en
place dans une quinzaine de pays de l’Union
européenne.
Le
bien-être progresse-t-il moins vite que le
PIB ?
Consommation et modes
de vie
Régis Bigot et al
L'indicateur standard utilisé pour la
mesure de l'évolution du bien-être a
longtemps été le produit intérieur brut
(PIB). Devant la montée des critiques contre
la tentation de réduire à un simple
indicateur économique les multiples
dimensions que recouvre cette notion, la
commission Stiglitz-Sen-Fitoussi a, en 2009,
invité les chercheurs à renouveler leurs
approches. Le Centre de recherche pour
l’étude et l’observation des conditions de
vie (CRÉDOC) s'appuyant sur les données de
l'enquête « Conditions de vie et
aspirations », qui examine chaque année
depuis le début des années 1980 l'évolution
des conditions de vie et des opinions des
Français, montre, qu'au cours du dernier
quart siècle, le bien-être de nos
concitoyens aurait finalement augmenté moins
vite que le PIB
Les
nouveaux défis du trade finance
Accomex
Corinne Vadcar
En dépit des efforts des banques privées,
des banques multilatérales de développement
et des agences de garanties des
exportations, la crise économique et
financière de 2007 a fortement affecté le
financement du commerce mondial (trade
finance) qui a diminué de 22 % entre
2012 et 2013, provoquant par effet de
ricochet une forte baisse du volume des
échanges commerciaux internationaux (- 69 %
sur la même période). Selon l’auteur, le
financement du commerce mondial devra
également relever certains défis notamment
liés à l’application de la nouvelle
réglementation bancaire induite par les
Accords de Bâle III, à l’insertion des
économies émergentes dans le commerce
mondial, et à la fragmentation toujours plus
accrue des chaînes de valeur mondiales.
3077 Bilan de l'économie mondiale 2013
Une
reprise atone et inégale
Perspectives économiques de l’OCDE
En 2013, si la reprise de la
croissance mondiale s’est affermie, elle
reste particulièrement inégale. Les grandes
économies émergentes – ou encore les
États-Unis grâce à un assouplissement de la
politique monétaire – ont bénéficié d’une
forte expansion tandis que certains pays de
la zone euro, notamment ceux qui étaient
caractérisés par d’amples déséquilibres
avant la crise, ne parviennent pas à sortir
de la récession. La demande des ménages
américains et japonais s’accroit mais elle
reste faible dans la zone euro, sauf en
Allemagne. En outre, la croissance
vigoureuse du commerce en Asie, en Afrique
et au Moyen-Orient n’a pas compensé l’atonie
des échanges de marchandises entre les pays
membres de l’Organisation de coopération et
de développement économiques (OCDE).
Un
chômage toujours élevé
Perspectives
de l’emploi de l’OCDE
Alexander Hijzen et Pascal
Marianna
En raison de la faiblesse du niveau de la
demande globale et du manque de vigueur de
la reprise de l’économie mondiale, le taux
de chômage des pays de l’Organisation de
coopération et de développement économiques
(OCDE) s’établissait, au printemps 2013, à 8
%, soit 2,4 points de plus qu’au mois de
décembre 2007. Depuis le début de la crise,
16 millions de personnes se sont ainsi
ajoutées au nombre des chômeurs de la zone
qui a atteint, cette année, 48 millions. Si,
selon les prévisions de l’OCDE, le taux de
chômage doit rester stable jusqu’à la fin de
2014, certains pays sont toutefois plus
touchés que d’autres. Ce dernier est
inférieur à 5 % en Autriche, en Corée du
Sud, au Japon, en Norvège et en Suisse, mais
il est supérieur à 25 % en Espagne et en
Grèce. Un ralentissement de la progression
des salaires réels ainsi qu’une accélération
des inégalités de revenu sont également à
prévoir pour les mois à venir.
La crise
de la zone euro pèse sur les marchés
Rapport annuel de la BRI
Banque des règlements
internationaux
Grâce aux politiques de soutien de grande
ampleur adoptées notamment au second
semestre 2012, les marchés ont connu une
véritable embellie. Les initiatives sont
venues principalement des banques centrales
qui ont abaissé leur taux d’intérêt ou,
comme la Réserve fédérale américaine (Fed),
qui ont multiplié les innovations
financières afin de poursuivre leur
politique d’assouplissement monétaire. La
Banque centrale européenne (BCE) a, quant à
elle, autorisé les opérations monétaires sur
titres (OMT). Si ces politiques de soutien
ont réduit le risque de dégradation de la
situation économique et suscité un regain
d’optimisme, le niveau d’endettement du
secteur privé non financier reste toujours
élevé. Dans certains pays, il se maintient
même à des sommets historiques.
L’inflation s’est maintenue dans la zone
euro
Rapport
annuel de la Banque de France
Christian Noyer
Les politiques de soutien mises en œuvre par
les autorités monétaires, ainsi que
l’accalmie sur le front de la crise des
dettes souveraines en Europe ont permis aux
marchés de se redresser progressivement.
Toutefois, les craintes relatives à
l’évolution de la situation dans la zone
euro restent élevées. Sur le marché des
changes, le dollar a retrouvé son rôle de
valeur refuge. Le yen, quant à lui, s’est
fortement déprécié suite au programme
d’achat de titres de la Banqued u Japon. Du
côté des marchés de matières premières, les
prix du pétrole, mais également ceux des
métaux et des matières agricoles, sont
restés à des niveaux historiquement élevés.
L’inflation dans la zone euro s’est
maintenue - avec une progression moyenne de
2,5 % en 2012 - à un niveau voisin de celui
de 2011 (2,7 %). La masse monétaire a
poursuivi sa croissance à un taux plus élevé
qu’en 2011.
Brusque
décélération du commerce mondial
Rapport
sur le commerce mondial 2013
OMC
En 2012, la croissance du commerce mondial
est tombée à 2 % contre 5,2 % l’année
précédente. Le ralentissement économique en
Europe qui a pesé sur la demande mondiale
d’importations explique cette évolution. La
brusque décélération des échanges
commerciaux a été due principalement à la
faible croissance des économies développées
et aux incertitudes concernant l’avenir de
l’euro. La situation plus favorable de
l’économie américaine a été insuffisante
pour contrebalancer la faiblesse persistante
des économies de l’Union européenne. La
croissance de la Chine, même si celle-ci a
été moins bonne que prévue, a permis en
partie d’amortir la baisse de la demande des
pays développés. Globalement, la croissance
mondiale du commerce et de la production a
été inférieure à son taux moyen à long
terme.
Les IDE
retrouvent leur niveau d’avant la crise
Rapport
sur l’investissement dans le monde 2013
CNUCED
Si les indicateurs économiques fondamentaux
ont enregistré une croissance positive au
niveau mondial, l’investissement direct à
l’étranger (IDE) a chuté de 18 % en 2012
pour s’établir à 1 350 milliards de dollars.
L’incertitude concernant les politiques
économiques de la plupart des pays riches
aura sans doute incité les investisseurs à
la prudence. Le niveau des liquidités des
sociétés transnationales (STN) a pourtant
atteint un niveau record, ce qui pourrait
donner lieu à de nouveaux investissements en
2014. La Commission des Nations unies sur le
commerce et le développement (CNUCED)
prévoit ainsi une augmentation des flux
d’IDE qui devraient atteindre 1 600
milliards de dollars en 2014 puis 1 800
milliards de dollars en 2015. Les économies
en développement continuent de représenter
une part importante de ces flux. Les pays du
Sud attirent en effet 52 % des destinations
des IDE. Les flux en provenance des BRICS
(Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du
Sud) sont en outre passés de 7 milliards de
dollars en 2000 à 145 milliards en 2012
(soit 10 % du total mondial). L’Union
européenne est, en revanche, à elle seule
responsable de 70 % de la baisse des flux
d’IDE dans le monde.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Comprendre le consommateur arabe
Harvard
Business Review
Vijay Mahajan
Une série de voyages entrepris dans
différents pays arabes, entre 2008 et 2011,
ont convaincu Vijay Mahajan, professeur à
l’université du Texas à Austin, que nombre
d’idées qui ont cours aujourd’hui sur les
consommateurs et les marchés de cette région
étaient sans fondement. Le produit intérieur
brut (PIB) des vingt-deux pays de la Ligue
arabe équivalait en 2011 à 2 300 milliards
de dollars. Ce qui en ferait si cet ensemble
était un pays la huitième économie de la
planète, devant l’Inde ou la Russie. Comme
dans d’autres pays émergents, la classe
moyenne y est en pleine expansion. La
population est, en outre, particulièrement
jeune, la moitié des habitants est en effet
âgée de moins de vingt-cinq ans. Le
potentiel de croissance de ces marchés est
donc considérable. Pour toucher les
consommateurs du monde arabe, les
entreprises occidentales se doivent
toutefois de ne pas ignorer
l’interdépendance très étroite de la culture
et de la religion.
Les
services à la personne soutiennent les
ruraux
INSEE
Première
Yohan Baillieul, Gaëlle
Chaillot et Isabelle Benoteau
Le secteur des services à la personne compte
près de 2 millions de salariés : en 2010,
1,8 million d’employés, hors assistantes
maternelles, ont en effet travaillé au
domicile de particuliers pour ce type
d’activité. Au niveau national, ils
représentent 5 % des salariés, mais dans
certaines régions, ce taux est plus élevé,
notamment dans le Sud-Ouest où il dépasse
les 6 % de l’emploi salarié. Globalement, ce
genre d’emploi est davantage sollicité dans
les zones rurales, âgées et dans celles où
la proportion de cadres est élevée. Il
s’agit d’une main-d’œuvre essentiellement
féminine (90 %) et relativement âgée (24 %
ont plus de 55 ans). Dans la plupart des
cas, il s’agit d’un travail de proximité :
pour près de la moitié des salariés de
particuliers-employeurs le trajet
emploi-maison est de moins de cinq
kilomètres.
3078 Pays arabes : l'urgence des réformes
Monde
arabe : quelle voie de
développement ?
Finances &
Développement
Masood Ahmed
Deux ans et demi après le « printemps
arabe », la situation politique et
économique des pays arabes en transition
reste particulièrement difficile et les
nombreuses questions soulevées par la vague
de changement qui a déferlé sur le monde
arabe, depuis 2011, n'ont toujours pour la
plupart pas trouvé de réponses. À tel point
que beaucoup se demande aujourd'hui quel est
le sens de cette transition. Pourtant la
mutation actuellement en cours dans la
région offre une occasion historique aux
pays arabes de repenser en profondeur leurs
systèmes politiques mais également
économiques. Si à court terme la
stabilisation de l'économie est un enjeu
majeur pour de nombreux États arabes, des
défis fondamentaux devront être relevés à
plus long terme qui permettront, grâce à la
mise en œuvre de réformes structurelles, de
moderniser et diversifier les économies
régionales.
L’Égypte
victime du marasme économique
Macroéconomie
et Développement
Sophie Chauvin
La transition politique que traverse
l’Égypte est longue et douloureuse. Si à
court terme le pays doit éviter un
effondrement de l’économie, il doit aussi
faire face à moyen terme à des défis
considérables. Les bonnes performances qu’a
connues par le passé l’économie égyptienne
ont été rendues possibles par un contexte
extérieur favorable et les recettes tirées
de diverses rentes (pétrole, Canal de Suez,
transferts des migrants, aide étrangère). La
révolution de 2011 a été un révélateur de la
dégradation de la situation économique
notamment de la question de l’inégale
distribution des richesses, de la hausse de
la pauvreté et du chômage. Le ralentissement
de la croissance auquel est confronté
l’Égypte depuis le début de la révolution
montre à quel point la mise en œuvre de
stratégies de croissance est plus urgente
que jamais. La relance de l’économie ne sera
toutefois possible sans une amélioration
préalable de la situation politique et une
restauration de la confiance des
investisseurs
privés.
Qatar :
une stratégie globale de diversification
Moyen-Orient
Mark Farha
Le Qatar micro-État du Golfe persique a
l'une des croissances économiques les plus
élevées du monde. L'émirat détient les
troisièmes réserves mondiales de gaz naturel
après la Russie et l'Iran. Grâce à cette
manne gigantesque, le pays est capable
d'assurer le bien-être de ses deux millions
d'habitants – dont 85 à 90 % d'étrangers –
pendant des décennies. Toutefois, les
autorités qatariennes conscientes de leur
dépendance aux hydrocarbures ont cherché
à mettre en œuvre une stratégie de
développement fondée sur la diversification
de l'économie. Les efforts déployés, au
cours des dernières années, par Doha pour
tirer profit de sa richesse à travers des
investissements ambitieux dans de multiples
domaines ont ainsi attiré l'attention du
monde entier.
L’Arabie
saoudite, puissance prodigue
Financial
Times
Michael Peel
L'Arabie saoudite, premier exportateur
mondial de pétrole, s'est lancé grâce à
l'augmentation des revenus tirés du brut
dans une ambitieuse politique
d'investissement visant à développer les
infrastructures. Le pays le plus peuplé du
Conseil de coopération du Golfe offre
dorénavant selon le gouvernement britannique
une destination de choix pour les
investissements directs à l'étranger (IDE).
Les autorités saoudiennes ont pris
conscience du rôle crucial joué par la
dégradation de la situation économique dans
le déclenchement des révolutions arabes en
2011. Le pays n'a pas été épargné par les
manifestations de masse et les Saoudiens
sont intervenus militairement chez leur
voisin du Bahreïn pour y mettre un terme au
soulèvement d'une partie de la population.
En dépit d'un programme de dépenses
publiques de relance considérable, le
processus de réformes économiques et
sociales avance toutefois lentement et
risque sans changements culturels majeurs
d'être difficile à mener à son terme.
Les
ressources naturelles : enjeu clef de
l’intégration régionale
La lettre du
CEPII
Céline Carrère, Julien Gourdon
et Marcelo Olarreaga
L’intégration régionale redessine les
frontières du commerce mondial. Au cours des
quinze dernières années les pays du
Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord ont eux
aussi emprunté cette voie et accéléré leur
intégration. Le commerce intra-régional
semble toutefois ne pas avoir
significativement profité de l’Accord de la
zone arabe de libre-échange (ZALE) effectif
depuis 1998. Cet ensemble régional compte
des États très hétérogènes sur le plan de la
dotation en ressources naturelles. Or,
lorsque une région comprend à la fois des
pays riches et des pays pauvres en
ressources naturelles, les mieux dotés
risquent de connaître un détournement de
commerce par substitution des importations
des pays riches en ressources naturelles par
des importations en provenance des pays
partenaires pauvres.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Le Prix
Nobel 2013
Frankfurter
Allgemeine Zeitung
Philip Plickert
Le prix dela Banque royale de Suède en
sciences économiques en mémoire d'Alfred
Nobel, usuellement appelé « prix Nobel
d'économie », a été attribué cette année à
trois économistes américains Eugene Fama,
Lars Peter Hansen et Robert Shiller pour
leurs travaux sur les marchés financiers. Le
comité Nobel souligne notamment l’importance
de leur recherches empiriques sur le prix
des actifs financiers. Les trois chercheurs
qui depuis plusieurs années figuraient parmi
les favoris, n'ont pourtant pas cosigné
leurs travaux, ce qui tient notamment à la
différence de leurs approches. Eugen Fama et
Lars Peter Hansen défendent la thèse de
l’efficience des marchés, tandis que Robert
Schiller est un des pionniers de la finance
comportementale qui suppose que la
rationalité des individus n’est pas
systématique.
Une
deuxième Grande Dépression
Foreign
Affairs
James Bradford Delong
Alan Stuart Blinder, professeur d’économie à
l’université de Princeton, a publié, en
2013, aux États-Unis
After the Music Stopped : the Financial
Crisis, the Response and the Work Ahead
(Quand le bal est fini :
la crise financière, les réactions et ce qui
reste à faire, Penguin Press). Dans ce
livre, ce dernier analyse la crise de 2008
et ses conséquences pour l’économie
américaine. Selon J. Bradford DeLong qui
rend compte dans Foreign
Affairs de cet ouvrage, il s’agit du
meilleur opus paru à ce jour sur le sujet.
Si A. S. Blinder, ancien directeur assistant
du Congressional Budget Office et
vice-président du Bureau des gouverneurs du
Système de réserve fédéral à l’époque du
Président Clinton, dépeint une Amérique qui
cinq ans après la chute de Lehman Brothers
reste convalescente, il n’en demeure pas
moins optimiste quant à l’avenir du pays.
Pour J. Bradford DeLong, en revanche, qui
compare la récente crise avec celle des
années1930, A. S. Blinder est exagérément
optimiste. La situation est en effet selon
lui bien pire que ce l’on pouvait craindre.
Photographie du marché du travail en France
INSEE
Première
Fabien Guggemos et Joëlle
Vidalenc
En 2012, le taux de chômage en France a
atteint 9,8 % – le taux le plus élevé depuis
1999 – ce qui représente 2,8 millions de
personnes. Si la dégradation de l’emploi
affectait davantage les ouvriers et les
employés, les professions intermédiaires,
jusque-là épargnées, sont désormais
concernées. Parmi les 25,8 millions de
Français qui ont un emploi, 5,3 % sont en
situation de sous-emploi. C’est plus souvent
le cas chez les jeunes, les femmes et les
employés. En outre, sur dix personnes qui
travaillent, une sur dix est non salariée,
cinq sont ouvriers ou employés et quatre
sont des cadres ou professions
intermédiaires.
3079 Economie et littérature
Les
multiples liens entre économie et
littérature
Épistémocritique
Christine Baron
Le dialogue entre des disciplines aussi
distinctes que la littérature et l’économie
est a priori difficile. La pensée économique
s’exprime dans un langage souvent codifié et
stéréotypé auquel s’oppose justement la
littérature. Les économistes ont par
ailleurs adopté un modèle de scientificité
plus proche des sciences de la nature que
des sciences humaines. Malgré ces
différences, les liens entre les deux champs
disciplinaires sont multiples. Quelques-uns
des grands penseurs économiques comme Adam
Smith ont été des philosophes moraux
s’exprimant exclusivement via le genre
littéraire. Certains économistes, notamment
dans le domaine de l’économie politique,
recourent également fréquemment à un mode
d’expression littéraire pour remettre en
question leur propre discipline. Enfin, de
nombreuses œuvres littéraires, en
particulier des romans, ont pour
arrière-plan l’histoire économique.
Les
Buddenbrook, une œuvre économique
« totale »
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Stephan Finsterbusch
Avec Les Buddenbrook, Thomas Mann a
réalisé une œuvre monumentale devenue un
classique de la littérature moderne.
L’histoire retrace le lent déclin au XIXe
siècle d’une grande famille marchande de la
Hanse. Au cours du travail préparatoire,
Thomas Mann a accumulé une importante
documentation sur l’économie et la
comptabilité. In fine, le livre décrit
l’essor de la société moderne qui devient
une société de marché. Le choix de chacun y
est de s’adapter ou de disparaître. En 1929,
en pleine crise économique, Thomas Mann a
reçu le prix Nobel de littérature, notamment
grâce au Buddenbrook. Quatre-vingts
ans plus tard, dans leur quête de comprendre
la Grande récession, certains économistes
ont évoqué le syndrome « Buddenbrook ».
La
littérature, un marché des singularités
Contextes
Anthony Glinoer
Les principes de la théorie
économique néoclassique – la variation du
prix en fonction de l'offre et de la
demande, la concurrence par les prix,
l’action individuelle selon son intérêt
personnel – prennent une place prépondérante
dans les interactions humaines. Néanmoins,
certaines pratiques ordinaires leur sont
partiellement ou totalement étrangères comme
par exemple choisir un « bon » restaurant,
un tableau ou un médecin. Ce type de biens
et services s’assimile en effet davantage à
une économie des singularités où la
concurrence par les qualités l’emporte sur
la concurrence par les prix. Les œuvres
littéraires appartiennent à ce type de
biens. Des formes de jugement alternatives
se sont développées pour évaluer leur valeur
: réseaux, labels, guides et classements.
Une
rentrée littéraire de plus en plus capitale
Institut GfK
Raphaël Couderc
Dans le secteur de l’édition, la fin de
l’été et l’automne constituent avec la
rentrée littéraire, puis l’attribution des
principaux prix – souvent annonciatrice de
succès commercial – une période cruciale
pour le chiffre d’affaires. En 2013, le cru
s’annonce sous les meilleurs auspices :
entre la mi-août et la mi-octobre, 1,15
million d’exemplaires estampillés « rentrée
littéraire 2013 » se sont en effet déjà
vendus, un volume néanmoins en baisse par
rapport à 2012. Quant aux romans récompensés
par un prix, les coefficients
multiplicateurs de leurs ventes peuvent
aller de 2 à 10 selon les ouvrages.
La
difficile situation des libraires
indépendants
Xerfi-France, Ministère de la Culture et de
la Communication et SFL
Le livre représente en France la
moitié du marché des biens culturels. Malgré
cette position exceptionnelle, la filière du
livre est à son tour touchée par les
évolutions de l’environnement économique.
Hormis le e-commerce, les spécialistes du
livre accusent des ventes en baisse de 2 à 3
%. Les plus touchés sont les petits
libraires indépendants. Sur la seule année
2012, leurs ventes se sont effondrées de 8
%. En 2011, leur rentabilité a même affiché
un taux de résultat moyen de - 0,6 %. Si le
métier de libraire demeure souvent une
affaire de passionnés, la survie de cet
acteur essentiel de la chaîne du livre
semble aujourd’hui presque tenir de
l’anomalie économique. Sauvegarder le réseau
des libraires en France reste toutefois
possible. Les libraires peuvent en effet
compter sur trois leviers : le soutien des
pouvoirs publics et des éditeurs,
l’augmentation du taux de marge commerciale
et, enfin, l’amélioration de l’attractivité
des points de vente.
Le livre
numérique : où en sommes-nous ?
Le Cercle-Les Échos
Hugo Zylberberg
À l’image d’autres industries culturelles
comme la musique, la presse ou
l’audiovisuel, la chaîne de valeur du
secteur de l’édition se recompose avec
l’arrivée du livre numérique. Certains
acteurs, notamment les libraires, sont
particulièrement affectés par cette mutation
majeure. L’essor du livre numérique
s’accompagne également d’une pratique
dommageable pour l’utilisateur :
l’intégration verticale qui segmente l’offre
afin de conserver les parts de marché. Cette
démarche présente de nombreux inconvénients.
Des modèles ouverts ont été développés qui
permettent de les éviter grâce notamment au
principe d’interopérabilité. En France,
cette voie est défendue par le projet MO3T
(modèle ouvert 3 tiers) qui est porté par un
large consortium d’éditeurs français, de
libraires et de prestataires techniques et
académiques. Il permettrait de passer d’une
logique de vente de contenus à une logique
de vente de droits. Soutenu par la
Commission européenne, ce projet pourrait
être un des piliers d’une politique
culturelle européenne visant à réussir la
transition numérique.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
L’argent
du FMI
Lettre du CEPII
Christophe Destais
Lors de la crise des dettes souveraines,
plusieurs pays ont bénéficié de crédits
accordés par le Fonds monétaire
international (FMI), certains de ces prêts
ont également été assortis de programmes
d’ajustement. Les ressources allouées par le
FMI proviennent des États-membres qui
s’engagent à financer l’institution
internationale de façon permanente dans la
limite d’un certain montant, la quote-part,
et de crédits que les membres les plus
riches d’entre-eux acceptent de lui
accorder. Ainsi, la structure financière du
FMI fait de ce dernier un intermédiaire
financier de nature coopérative, un fonds
d’investissement mutuel à effet de levier.
Par ailleurs, le FMI dispose également d’un
stock d’or qu’il ne peut cependant mobiliser
que dans des circonstances exceptionnelles.
Actuellement, des débats aux enjeux
importants portent sur la question de la
gouvernance du Fonds, notamment sur la place
des pays émergents, et sur la taille que ce
dernier doit avoir et sur son rôle vis-à-vis
de la zone euro.
États-Unis : pourquoi le prix de l’essence
ne baisse pas
Bloomberg Businessweek
Asjylyn Loder, Mario Parker et
Matthew Philips
Pour la première fois en dix-huit ans les
États-Unis produisent plus de pétrole qu’ils
n’en importent. Le pays est même devenu le
premier exportateur mondial d’hydrocarbures.
Ce sont des États de l’Ouest américain comme
le Nord Dakota, le Wyoming, le Colorado ou
l’Oklahoma qui ont contribué à la forte
augmentation de la production nationale de
pétrole. Or, ces zones d’extraction sont
éloignées des principaux centres de
raffinage et des grandes agglomérations
urbaines. Les infrastructures de transport
du brut étant insuffisantes, les producteurs
se sont livrés à une concurrence acharnée
qui a conduit à une hausse du prix du
pétrole domestique et du prix à la pompe.
Mieux
lutter contre les discriminations
Idées économiques et sociales
Adélaïde Ploux-Chillès
Le 9 novembre 2012, s’est tenue à Lyon, dans
le cadre des Journées de l’économie (JECO),
la conférence « Mieux lutter contre les
discriminations » dont l’objectif était de
montrer la nécessaire complémentarité entre
les lectures juridique et économique des
discriminations. En partant d’exemples
concrets comme le programme de Sciences Po,
la création de quotas de femmes dans la
fonction publique ou encore l’égalisation
des congés parentaux, l’auteur s’interroge
sur la mesure de l’ampleur des
discriminations, sur leurs mécanismes ainsi
que sur l’efficacité des politiques visant à
lutter contre ces dernières.
3080 Les pays émergents
Après des années d’euphorie, les grands pays émergents : le Brésil, l’Inde, la Chine sont confrontés désormais à un net ralentissement de leur croissance économique. Qu’est-ce qui explique ce phénomène ? Est-il durable ? Quelles en sont les conséquences pour les BRICs et pour l’économie mondiale ? Désormais les regards se tournent aussi vers les nouveaux pays émergents : Le Bangladesh, l' Éthiopie, le Nigeria, l'Indonésie, le Vietnam et le Mexique.
3081 L'innovation aujourd'hui
La machine
à idées est-elle en panne ?
The Economist
En dépit de la frénésie
créatrice qui s’est de nouveau emparée dela
Silicon Valley depuis trois ans, certains
économistes, ingénieurs ou entrepreneurs du
secteur de la high tech californienne se
montrent depuis quelques temps
particulièrement pessimistes quant à
l’avenir considérant que l’innovation serait
aujourd’hui outre-Atlantique quasiment au
point mort. La crise financière n’aurait été
qu’un épiphénomène masquant une réalité bien
plus grave et préoccupante. Les économies
avancées auraient atteint un plateau
technologique qui expliquerait la "Grande
stagnation" à laquelle elles sont
confrontées. Les nouvelles technologies
n’auraient pas aujourd’hui le même effet sur
la croissance économique que certaines
innovations fondamentales passées. Pourtant,
des études récentes offrent des raisons
d’espérer. Ces dernières montrent que les
chiffres indiquant une baisse de la
productivité refléteraient un état de la
technologie pré-Google, voire pré-web.
Innover au
début du XXIe siècle
Entreprendre & Innover
Entretien avec Frédéric Fréry
par Philippe Silberzahn
Aujourd’hui malgré une recherche foisonnante
autour des questions liées à l’innovation,
deux confusions ont, selon Frédéric Fréry,
professeur à l’ESCP Europe, toujours cours.
La première est celle qui continue de régner
entre innovation et créativité et la seconde
a trait au concept d’innovation disruptive
telle que définie par Clayton Christensen,
professeur à l’université Harvard,
c’est-à-dire une innovation caractérisée par
le fait qu’initialement il s’agit d’une
technologie inférieure à la technologie
dominante. Cette dimension est fondamentale
dans la mesure où l’innovation de rupture
est une innovation dont on ne se méfie pas.
À travers divers exemples récents comme
celui de la voiture électrique, du lecteur
MP3 ou de l’iPad d’Apple, Frédéric Fréry
décrit les enjeux et les défis auxquels les
entreprises sont désormais confrontées pour
définir et adopter des stratégies efficaces
en matière d’innovation.
Les
pouvoirs publics risquent d’étouffer de
brillantes idées
Financial Times
Clive Cookson
L’innovation occupe aujourd’hui une place
centrale dans les stratégies que les
responsables politiques souhaitent mettre
en œuvre dans les pays riches pour renouer
avec une croissance forte et pérenne.
Pourtant un certain nombre de mesures prises
par les pouvoirs publics constituent parfois
plutôt des obstacles que des encouragements
à l’épanouissement des idées brillantes.
C’est le cas notamment de la politique de
soutien à la recherche et développement
(R&D) qui cible de façon insuffisante les
jeunes entreprises ou la réglementation en
matière de gestion des risques qui ne
garantit pas nécessairement un juste
équilibre entre principe de précaution et
innovation.
Les
incitations à l’innovation dans les
entreprises
Recherches économiques de Louvain
Claire Bonnard
Un rapport publié en 2010 intitulé
Science and Engineering Indicators
montre une baisse importante du nombre de
brevets déposés, au cours des dernières
années, par l’Union européenne. Quant à la
France, elle dépose désormais en moyenne
trois fois moins de brevets triadiques que
l’Allemagne. Cette évolution est
particulièrement inquiétante à une époque où
pour les économies avancées l’innovation est
devenue un facteur stratégique de
croissance. Aussi, la question des
incitations à l’innovation est plus que
jamais primordiale. À ce titre, une étude de
2008 réalisée par l’Observatoire de la
propriété intellectuelle attire l’attention
sur un fait préoccupant : le système
français de rémunération des inventeurs
semble peu incitatif à l’innovation pour
les
ingénieurs.
L’open
innovation ouvre à de nouvelles pratiques
L’Expansion Management Review
Delphine Manceau et al.
Les démarches d’innovation ouverte –
l’open innovation – est en vogue au sein des
entreprises. Nombre d’entre elles ouvrent en
effet depuis quelques années leurs
dispositifs d’innovation en collaborant avec
de multiples partenaires extérieurs dans le
but d’améliorer leur capacité dans ce
domaine stratégique. Si cette démarche
existait bien avant que le terme ne soit
inventé, celle-ci est aujourd’hui
complètement repensée et génère une approche
systématique qui va bien au-delà du simple
travail en réseau. L’open innovation
entraîne un changement culturel profond et
porte ses fruits à condition toutefois que
les investissements et le soutien managérial
au sein de l’entreprise soient à la hauteur
des enjeux.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
L’imposition commune des couples
INSEE Analyses
Alexis Eidelmann
Comme dans de nombreux pays, les couples
mariés ou pacsés ne sont en France pas
imposés de la même manière qu’un couple
vivant en union libre. Ceux qui sont unis
légalement tirent majoritairement avantage
de l’imposition commune : le mécanisme du
quotient conjugal favorise les couples au
sein desquels les revenus sont suffisamment
inégaux pour entrer dans des tranches
différentes de l’impôt sur le revenu.
L’effet est d’autant plus grand que le
revenu global est élevé. Ainsi, 60 % des
couples mariés ou pacsés acquittent un impôt
inférieur à celui qu’ils auraient payé en
déclarant séparément leurs revenus. Mais le
quotient conjugal n’est pas le seul facteur
qui modifie l’imposition des couples.
Certains dispositifs fiscaux jouent plutôt
en défaveur des déclarations communes.
Le poids
économique de la culture en France
Culture chiffres
Yves Jauneau
En 2011, la production en valeur du secteur
de la culture en France, parties marchande
et non marchande confondues, a atteint 85
milliards d’euros. En raison notamment du
repli de l’activité de l’édition, de la
presse et de la musique, le poids de la
culture dans l’économie française (2,2 %)
est en recul depuis 2004, après avoir été en
hausse constante jusqu’à cette date.
L’audiovisuel, le spectacle vivant et le
patrimoine représentent respectivement 25 %,
18 % et 11 % de la valeur ajoutée culturelle
(VAC). L’augmentation des prix dans le
domaine du spectacle vivant explique sa
nette progression depuis quinze ans. En
revanche, le livre et la presse ne
concentrent plus que 15 % de la VAC, contre
26 % en 1995.
L’économie
israélienne dans tous ses états
Politique étrangère
Jacques Bendelac
L’économie israélienne, affichant un taux de
croissance de 4,6 % en 2011, se porte bien
en dépit de l’état de guerre quasi-permanent
qui règne dans le pays. Le passage
progressif, au cours des soixante-cinq
dernières années, du dirigisme
militaro-industriel au libéralisme semble
lui avoir réussi. Quatre événements
marquants peuvent être retenus. D’abord, la
mise en place, en 1985, d’un plan d’urgence
visant à stopper l’inflation galopante, qui
avait atteint 445 % l’année précédente, et à
privatiser des entreprises publiques –
l’État s’est retiré de 200 sociétés entre
1985 et 2010. Ensuite, l’ouverture en 1995
de l’économie israélienne à la concurrence
internationale et l’adhésion, la même année,
à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Puis l’adoption, en 2003, d’un régime de
taux de change flottant et de transactions
en devises libres. Enfin, l’entrée, en 2009,
à l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE),
garantissant le respect des règles de
démocratie et de l’économie de marché.
3082 L'Allemagne : ses choix, ses défis
Au cœur de la compétitive allemande
Regards sur l’économie allemande
Alain Fabre
Les performances économiques divergentes entre la France et l’Allemagne
s’expliquent par des stratégies industrielles différentes. À la fin des années
1990, en réponse aux défis posés par la mondialisation, l’Allemagne a fait le
choix de la poursuite d’un développement fondé sur l’activité productive – la
France, de son côté a privilégié la consommation et le modèle de l’entreprise
sans usine, suivant ainsi davantage l’exemple américain. Le choix allemand s’est
avéré particulièrement judicieux, car l’industrie reste en ces premières années
du XXIe siècle un des
principaux moteurs de l’activité économique. L’Allemagne a également profité de
sa forte imbrication dans le commerce mondial et de son tissu dense de petites
et moyennes entreprises (PME). Dans un système économique où les grands groupes
sont plus facilement tentés de se soustraire au territoire national comme lieu
de production, ce sont les PME qui deviennent le moyen de relever les défis.
Disséquer le miracle allemand
The Economist
Selon une étude du cabinet McKinsey, l’essor économique que
l’Allemagne a connu au cours de la dernière décennie pourrait se prolonger dans
les prochaines années. D’ici 2025, les exportations, traditionnel fer de lance
de la réussite Outre-Rhin, augmenterait de 80 %. Si les gouvernements allemands
successifs ont souvent fait des choix qui se sont avérés gagnants ces dernières
années et si de nombreux paramètres économiques devraient rester au vert, le
pays est néanmoins tenu de faire face à des défis de taille. Outre le problème
du vieillissement démographique et du coût social du miracle allemand –
stagnation du niveau de vie de la plupart des habitants, qui se traduit par la
hausse des inégalités - l’Allemagne a souvent investi de façon peu judicieuse
l’épargne nationale, entraînant d’importantes pertes de richesse. De plus en
plus d’économistes attirent ainsi l’attention sur la nécessité de rééquilibrer
le modèle économique vers davantage d’investissements, notamment publics.
Les dangers de l’excédent commercial allemand
CER Bulletin
John Springfold et Simon Tilford
Plusieurs institutions, dont le Fonds monétaire international (FMI), ont
récemment émis des avis négatifs concernant l’ampleur des excédents commerciaux
de l’Allemagne. La Commission européenne a même décidé de mener une « enquête
approfondie» sur les excédents commerciaux jugés « excessifs ». Selon Bruxelles,
l’excédent des comptes courants qui devrait atteindre 7 % du produit intérieur
brut (PIB) en 2013 pèse sur les partenaires européens de l’Allemagne et freine
la croissance de l'économie mondiale. Si l’excédent avec la zone euro a
récemment baissé, cette diminution est surtout due à la faiblesse de l’activité
dans les pays en crise. Certains économistes craignent que le niveau de cet
excédent, même réduit, rende l’ajustement plus difficile pour ces pays. Depuis
la crise, la zone euro est en effet devenue excédentaire, ce qui entraîne une
appréciation de la monnaie unique. Le risque ultime pourrait être que
s’enclenche un processus déflationniste dans les pays du Sud de l’Europe.
Les excédents allemands ne sont pas le problème
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Patrick Welter
Selon les responsables politiques allemands les critiques récentes dela
Commission européenne concernant le niveau jugé excessif des excédents du pays
sont infondées. Pour les pouvoirs publics, « il n’y a ainsi aucun déséquilibre
qui nécessiterait une correction de la politique allemande ». Selon ces
derniers, la situation actuelle est le résultat des choix opérés par les
consommateurs et les entreprises. L’ajustement nécessaire au rééquilibrage
risquerait ainsi d’introduire des distorsions nuisibles qui brideraient le libre
choix des agents économiques. En outre les excédents commerciaux allemands sont
le résultat d’avantages comparatifs, fondés surtout sur un effort d’innovation
permanent et non pas sur un dumping salarial ou monétaire. Enfin, ces excédents
exerceraient une pression sur les pays en difficulté de la zone euro afin que
ces derniers engagent les réformes structurelles qui leurs permettront de
retrouver la compétitivité.
Les nouveaux flux d’immigration vers l’Allemagne
Wirtschaftsdienst
Carsten-Patrick Meier
Depuis 2010, le flux net d’immigration vers l’Allemagne atteint des niveaux de
plus en plus élevés. En 2012, le solde net de population était d’environ 400 000
personnes, principalement en provenance d’Europe de l’Est et du Sud. Cette vague
migratoire s’explique par la situation économique favorable que connaît
l’Allemagne depuis quelques années et qui tranche avec les difficultés
auxquelles sont confrontés la plupart des pays européens. Cet afflux de
migrants augmente le potentiel de production, exerce un effet de modération sur
les salaires et les prix et permettra très probablement à terme d’améliorer la
situation des comptes sociaux.
Les défis de la politique énergétique allemande
Réalités industrielles – Annales des Mines
Rolf Linkohr
L’Allemagne a décidé d’emprunter la voie d’une politique énergétique qui est
très éloignée de celle suivie par la France. Peu de temps après la catastrophe
nucléaire survenue au Japon en 2011, le gouvernement allemand a annoncé un
important changement de cap de la politique énergétique nationale : une sortie
complète du nucléaire d’ici à 2022, compensée par un recours massif aux énergies
renouvelables. Cette politique donne lieu à un large consensus dans le pays,
mais se heurte à plusieurs problèmes : le transport et le stockage de l’énergie,
le coût des investissements, le prix élevé de l’énergie supporté par le
consommateur, etc. Ainsi, si le principe même de la transition énergétique ne
fait plus débat, la question du rythme auquel celle-ci doit être menée et celle
de son coût ne sont pas encore tranchées.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Comment monter en gamme pour une PMI ou un territoire ?
Le Journal de l’École de Paris du management
Joseph Puzo
L’exemple de l’entreprise Habia, producteur de fils et câbles, situé à
Montmirail, montre comment il est possible pour une entreprise de taille moyenne
de grandir et d’être compétitive face à la concurrence internationale. En 1980,
Habia comptait une centaine de salariés pour un chiffre d’affaires de 5 millions
d’euros. En 2012, après trois phases de montée en gamme et un fort développement
à l’international, la société compte 1 700 salariés, dont 850 en France ; son
chiffre d’affaires atteint 115 millions d’euros. Entre les deux dates,
l’entreprise a vécu un rachat par les salariés (leveraged management buy-out),
suivi d’un changement de nom – la société a été rebaptisée Axon - et enfin une
gestion habile de la crise de 2008 au cours de laquelle il n’y a eu aucun
licenciement, ce qui a permis à l’entreprise de redémarrer son activité plus
rapidement que ses concurrentes.
Mesurer le développement
Revue Tiers Monde
Jean-Jacques Gabas
Il existe une multitude d’indicateurs qui permettent de mesurer le développement
d’un pays. La mise en perspective historique de ces derniers met en évidence
leur grande diversité. Ainsi, jusque dans les années 1960, les notions de
croissance et de développement étant confondues, le produit intérieur brut (PIB)
était l’indicateur privilégié par les économistes. Les préoccupations sociales
ne sont apparues qu’à la fin des années 1960 pour laisser la place, dans la
décennie 1980, à des indicateurs macroéconomiques financiers. Par la suite,
l’accent mis sur les effets négatifs des politiques d’ajustement
structurel prônées par les organisations internationales, a placé la lutte
contre la pauvreté en tête des priorités. Désormais, de nouvelles dimensions du
développement comme la question de la soutenabilité ou de la sécurité émergent.
Quelle que soit leur nature, les indicateurs de mesure du développement
s’inscrivent dans des courants de pensée qui dominent à tour de rôle l’histoire
économique.
L’insertion professionnelle des docteurs
Bref du Céreq
Julien Calmand
En France, l’accès à l’emploi stable – c'est-à-dire un emploi à durée
indéterminée - pour les titulaires d’un doctorat reste difficile. Ce phénomène
s’explique en grande partie par la spécificité des modes de recrutement dans la
recherche publique. En outre, malgré le rapprochement observé depuis quelques
années entre l’université et le monde de l’entreprise, l’accès des docteurs aux
emplois du privé est encore aujourd’hui limité. L’enquêteGénération 2007 du
Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) montre qu’après
cinq ans sur le marché du travail 94 % des détenteurs d’un doctorat sont en
emploi, dont 86 % d’emplois à durée indéterminée.
Les industries culturelles à l’heure du numérique
Réalités industrielles
Laurence Franceschini
La révolution numérique a entraîné dans les industries culturelles une
dématérialisation de l’offre et un bouleversement de la structure des coûts. Le
gratuit ainsi que le paiement « à l’acte » et à l’abonnement sont désormais les
modèles de revenu les plus répandus. Si le chiffre d’affaires global du secteur
a augmenté entre 2007 et 2011, les évolutions sont plus contrastées d’une
activité à l’autre. Ainsi, tandis que les chiffres d’affaires de la presse et de
la musique ont fortement diminué, celui des jeux vidéo a progressé de façon
spectaculaire. Les rapports de force au sein des industries culturelles ont
également été modifiés au profit des grands acteurs de l’internet – comme
Amazon, le géant du e-commerce – qui bénéficient, en France, d’une fiscalité
avantageuse.
L’économie numérique, une menace pour la démocratie ?
The New York Times
Jaron Lanier
À l’heure où les réseaux sociaux jouent les premiers rôles dans le déclenchement
des révolutions, et où les petites organisations comme WikiLeaks parviennent à
déstabiliser une superpuissance comme les États-Unis – autant d’éléments qui
semblent montrer qu’internet favorise le renforcement de la démocratie –, on
assiste en parallèle à une concentration du pouvoir aux mains de firmes, comme
Google ou Facebook. Cette apparente contradiction s’explique selon l’auteur par
la nature de ce qui fait aujourd’hui la puissance – qu’elle s’exerce dans le
domaine de la finance, de la politique ou encore du commerce, etc. –
c’est-à-dire la maîtrise d’algorithmes complexes permettant de rassembler des
masses d’informations sur les internautes qui serviront ensuite à modeler leur
comportement. Ces « serveurs sirènes » qui hébergent les données privées
constituent désormais, selon lui, une véritable menace pour la démocratie.
Les données personnelles, la nouvelle ruée vers l’or
Enjeux Les Échos
Claude Vincent
Selon l’entreprise américaine IBM, 90 % des données hébergées (« big data ») sur
les disques durs et les serveurs ont été collectées au cours des deux dernières
années. L’énorme potentiel représenté par le « big data » n’a pas échappé aux
GAFA – acronyme désignant les quatre géants de l’internet : Google, Apple,
Facebook et Amazon – qui se livrent désormais une bataille sans merci pour en
contrôler la plus grande part. En 2011, Facebook a en effet dépensé plus d’1
milliard de dollars en infrastructures, dont une large partie a servi à financer
ses « réservoirs à données » (data centers). L’enjeu est de taille puisque le
réseau social, deuxième site internet le plus visité après Google, qui compte
aujourd’hui 1 milliard d’utilisateurs, retire, par profil, un gain de 5 dollars
en moyenne. L’Institut Ponemon qui classe les entreprises protégeant le mieux
les données personnelles vient de retirer Apple et Google du classement. Amazon
est en troisième position. Et Facebook n’y a jamais figuré.
Plaire à la génération du millénaire
Financial Times
Emily Steel
La révolution numérique a profondément modifié les habitudes de consommation
dans le domaine du divertissement. À commencer par celles des jeunes adultes
âgés de 18 à 35 ans, qui forment la génération du millénaire. Si ces
« Milleniums » disposent, aux États-Unis, d’un pouvoir d’achat de 900 milliards
de dollars, ils n’achètent pourtant ni CD, ni DVD, ni livres. Ils regardent
désormais les programmes télévisés ou les films en streaming (flux continu) sur
leurs smartphones et écoutent de la musique sur des sites comme Spotify. Pour
ces jeunes, l’accès aux biens est devenu plus important que leur possession.
Ainsi, pour atteindre la génération du millénaire, les médias sont amenés à
repenser complètement leurs stratégies.
Un Nouveau souffle pour Facebook
The Wall Street Journal
Evelyn M. Rusli
L’entrée en bourse, le 17 mai 2012, de l’entreprise Facebook – la plus
importante des introductions boursières de l’histoire des valeurs technologiques
– fut un échec retentissant. En l’espace de dix jours, le titre a en effet perdu
25 % de sa valeur, obligeant Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, à revoir en
profondeur sa stratégie. Jusque-là peu enclin à développer la publicité sur son
site, le jeune fondateur du célèbre réseau social, s’est finalement résolu à
augmenter les ventes d’annonces publicitaires, notamment sur l’application
Facebook des smartphones. Les recettes financières ont alors bondi atteignant
1,8 milliard de dollars début 2013 entrainant la valeur de l’action à la hausse
de 105 %. Début février, l’entreprise devrait également annoncer une
augmentation de 40 % de son chiffre d’affaires.
Comment la NSA a (presque) tué internet
Wired
Steven Levy
Les révélations d’Edward Snowden, jeune consultant en technologies de
l’information et de la communication (TIC), qui - avant sa fuite à Hong Kong
puis à Moscou - travaillait pour l’Agence de sécurité nationale américaine (NSA)
ont provoqué un véritable séisme pour les géants de l’internet. Les informations
diffusées par Snowden par l’intermédiaire du Guardian et
du Washington Postmontrent
en effet quela NSA et le Federal Bureau of Investigation (FBI) avaient accès aux
serveurs de l’ensemble des entreprises opérant sur le Net dans le but de
récupérer les données personnelles des utilisateurs. Microsoft, Yahoo!, Google,
Facebook et Apple ont d’abord démenti toute implication avant que l’information
ne soit confirmée par la Maison-Blanche. Désormais, ces entreprises auront
beaucoup de mal à convaincre les internautes que le Net n’est pas un vaste
instrument de surveillance.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Inégalités : une crise pour rien ?
La Vie des Idées
Nicolas Frémeaux
Si la grande volatilité des revenus du capital et les moins-values financières
provoquées par la crise ont affecté les hauts revenus dans les grandes économies
avancées, la reprise, même fragile, a en revanche depuis 2010 profité aux plus
aisés. Les inégalités ont ainsi retrouvé, en 2013, leur niveau d’avant la crise.
Aux États-Unis, la croissance des revenus du centile supérieur de la
distribution des revenus a été de 31,4 % tandis que les 99 % restants de la
population ont vu leurs revenus stagner. En France, le niveau de vie (revenus
après impôts et transferts) des quatre premiers déciles a diminué pendant la
crise alors que celui des couches supérieures a augmenté. En 2010, les 20 % les
plus aisés ont un niveau de vie 4,5 fois supérieur aux 20 % les plus modestes.
Ce rapport était de 4 au milieu des années 1990 et de 4,3 avant la crise.
L’accroissement de la part du patrimoine privé dans le revenu national a
également fortement contribué à la montée de ces inégalités.
Corée du Sud : temps de travail et précarité
Chronique internationale de l’IRES
Jean-Marie Pernot
En Corée du Sud, en 2011, la durée du travail annuelle moyenne des salariés
dépassait d’environ 400 heures celle des pays de l’Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE). En dépit d’une période de baisse de la
durée effective du travail entre 2001 et 2004, cette dernière n’est guère
différente aujourd’hui de la durée légale de 1953, soit 48 heures hebdomadaires.
Depuis 2004, les Coréens bénéficient de deux semaines de congés payés par an
mais la plupart d’entre eux ne prennent guère plus d’une semaine ou
s’abstiennent complètement de prendre du repos. Les durées excessives de travail
ont introduit massivement de la précarité en matière de santé et de sécurité au
travail, une ruine démographique et des inégalités de toute nature. Quant à la
baisse du temps de travail amorcée timidement dans les années 2000, elle a
conduit à amplifier une autre forme de précarité, celle des statuts d’emploi,
renforçant ainsi encore le dualisme de la société. La nécessité de renforcer
l’État social et d’améliorer les conditions de vie de la population continue
d’être dans ce contexte l’objet de débats publics importants lors de la campagne
électorale présidentielle de l’automne 2012.
Engager les Français au-delà des écogestes
Consommation et modes de vie
Bruno Maresca
La synthèse issue du débat sur la transition énergétique a établi que l’objectif
de réduction des consommations d’énergie ne peut être atteint uniquement par le
recours à l’innovation technologique. Non seulement cette dernière n’est pas
d’emblée appropriable, mais les gains qu’elle génère ont des effets de rebonds –
plus la technique est économe, plus l’usage s’amplifie. Par ailleurs, la
progression du confort est une dynamique collective qui fait progresser la
demande d’électricité. Dans ce contexte, la montée en puissance des énergies
renouvelables et l’amélioration des performances énergétiques ne suffisent pas.
Les pouvoirs publics misent ainsi sur une évolution des comportements des
consommateurs. Après les écogestes, c’est la sobriété énergétique qui devient le
nouvel impératif. L’objectif est un mode de vie global moins consommateur
d’énergie.
La mer :
vecteur et enjeu du futur
Études
Emmanuel Desclèves
La mer, milieu originel de la vie, en recèle encore la plus large diversité et
la plus forte densité. Formidable réservoir de ressources, l’océan qui occupe 70
% de la surface de la Terre reste pourtant très largement inconnu. On connaît
ainsi beaucoup mieux la surface de la lune que les grands fonds marins. De même,
depuis l’époque des Grandes Découvertes, qui ont permis aux navigateurs
portugais et espagnols d’ouvrir le commerce maritime direct entre l’Europe et
l’Extrême- Orient et le Nouveau monde, les réseaux maritimes continuent d’être
les vecteurs de la mondialisation. La course croissante aux ressources maritimes
n’est toutefois aujourd’hui pas sans risques. Celle-ci suscite en effet des
compétitions et des tensions de plus en plus vives, en particulier là où le
découpage des zones économiques exclusives (ZEE) fait l’objet de contestations
(mer de Chine, Arctique et Méditerranée orientale).
Le flux tendu du fret maritime : conteneur
et ports
Esprit
Olivier Mongin
Huit porte-conteneurs de 14 000 boîtes avec un équipage de 200 hommes à bord
transportent autant de marchandises entre l’Europe et l’Asie que 140 cargos des
années 1960 avec 6500 marins à bord. Le marché des conteneurs concerne
aujourd’hui environ 3 000 navires qui transportent 80 % des huit milliards de
tonnes de marchandises qui sont échangés par mer chaque année. Le transport
maritime est donc au cœur du commerce mondial. La vitesse du navire de transport
commercial de haute mer n’est pasde facto aussi
rapide que celle de l’avion, elle favorise pourtant une circulation maritime à
« flux tendu » un mode de circulation qui s’accompagne d’une capacité de
stockage/déstockage sans concurrence grâce au conteneur et à la construction de
ports adaptés et gigantesques comme ceux de Singapour ou de Tanger.
Pour une gestion durable des pêches
Responsabilité et environnement
Philippe Cury
La pêche, dernière activité de prélèvement d’une ressource sauvage, est
aujourd’hui sérieusement menacée. Si les ressources halieutiques ont en effet
longtemps été considérées comme inépuisables, la croissance très rapide de la
pêche à partir des années 1950 – l’activité devenant planétaire - et la
modernisation des techniques de traque des bancs de poissons ont conduit au
bout de quelques décennies à une dangereuse surexploitation. Certains travaux
scientifiques envisagent désormais, si la pression humaine (surpêche, pollution
et destruction des milieux marins) se poursuit au rythme actuel, la disparition
au milieu du siècle des espèces de poissons les plus couramment pêchées. Dans un
contexte de sécurité alimentaire de plus en plus tendu, il convient désormais de
trouver les moyens de sauvegarder l’une des principales ressources alimentaires
de la planète tout en jetant les bases d’une pêche responsable et durable.
Les énergies marines renouvelables
Note de synthèse - ISEMAR
Paul Tourret et Anne Gallais Bouchet
Les ressources énergétiques situées sous la mer comme le gaz ou le pétrole sont
depuis longtemps abondamment exploitées par l’homme. Désormais la quête de
nouvelles sources d’énergie décarbonée sur ou dans les océans conduit à
l’émergence d’une nouvelle industrie promise à un florissant avenir celle des
énergies marines renouvelables (EMR). Celles-ci peuvent être tirées du vent
(éolienne), des courants marins (hydrolienne), de la houle (énergie
houlomotrice) ou de la différence de température entre les eaux de surface et
les eaux profondes des océans (énergie thermique). Ces nouvelles filières
industrielles prennent place sur les littoraux tandis que les processus
logistiques et de maintenance impliquent les ports. En raison de leurs
implantations dans les milieux marins, les EMR participent enfin aux enjeux
complexes de l’intégration aux autres activités - le transport, la pêche ou le
tourisme - et à l’environnement.
L’Arctique : un trésor caché
The Economist
Une étude du Service américain de prospection géologique (US
Geological Survey) de 2008 évalue à 90 millions de barils de pétrole et 1 669
milliards de mètres cubes de gaz naturel les réserves d’hydrocarbures de
l’Arctique, soit 13 % et 30 % respectivement des réserves mondiales non encore
découvertes. Plus de 84 % de ces ressources seraient conservées sous la mer. Le
pétrole n’est pas une nouveauté dans cette région puisque les premiers puits y
ont été creusés dans les années 1920 mais l’exploitation pétrolière a toujours
été compliquée dans ces lieux inhospitaliers. Le réchauffement climatique qui
accélère la fonte de la glace et le progrès technique rendent désormais
l’exploration et l’exploitation plus rentables même si celle-ci devrait rester
particulièrement difficile compte tenu des conditions climatiques. C’est
l’épuisement des champs pétroliers plus accessibles au Moyen-Orient et dans
d’autres régions du monde, qui expliquent que les majors voient désormais dans
l’Arctique une nouvelle opportunité.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Les enjeux économiques du partenariat transatlantique
Lettre du CEPII
Lionel Fontagné, Julien Gourdon et Sébastien Jean
En 2013, les États-Unis et l’Union européenne se sont engagés dans la
négociation d’un accord de libre-échange. Le niveau de protection tarifaire
réciproque étant faible, la libéralisation commerciale que permettra la
conclusion du Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (PTCI)
consistera avant tout à réduire les barrières non tarifaires. Les simulations
effectuées par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales
(CEPII) montrent que grâce au PTCI le commerce bilatéral entre les deux zones
pourrait augmenter de moitié. Avec le basculement du centre de gravité de
l’économie mondiale vers l’Asie, les enjeux de cette négociation commerciale
vont toutefois bien au-delà des échanges bilatéraux et concernent la place des
deux partenaires dans les nouveaux rapports de force économiques mondiaux.
Six questions à Michel Aglietta
Géographie, Économie, Société
Entretien avec Michel Aglietta
Professeur émérite de l’université Paris Ouest – Nanterre – La Défense et
chercheur au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII),
Michel Aglietta a, étudiant, commencé par s’intéresser à l’étude du capitalisme
et aux comparaisons des théories marxiste et keynésienne. Au cours d’un travail
de recherche qu’il a effectué avec Robert Boyer, à la fin des années 1970, au
ministère de l’Économie et des Finances, il a développé la « théorie de la
régulation » qui l’a rendu célèbre jusqu’au Japon et en Amérique latine. Cette
théorie analyse le fonctionnement des économies et leurs diverses configurations
dans le temps et l’espace, en tenant compte de l’imbrication entre politique,
droit, normes sociales et activité économique, ainsi que de l’existence
d’organisations et d’institutions desquelles dépendent les marchés. Michel
Aglietta revient, dans l’entretien, sur le rôle qu’il a accordé à la monnaie
dans ses différents travaux de recherche et aborde également la question de
l’avenir de l’euro.
Formation professionnelle initiale : une comparaison France-Allemagne
La Note d’analyse - CGSP
À côté de la formation professionnelle continue qui s’adresse généralement
aux personnes ayant déjà une première expérience professionnelle, ainsi qu’aux
demandeurs d’emploi et les peu- ou non-qualifiés, les enjeux de la formation
professionnelle initiale sont également cruciaux. Présenté comme un élément
central de la compétitivité allemande, le système de formation professionnelle
des jeunes suscite l’intérêt de nombreux pays. Une lecture comparée des systèmes
en vigueur en France et en Allemagne permet de saisir les cheminements qui ont
conduit, dans les deux pays, au paysage actuel ainsi que les différences
structurelles qui les distinguent.
Comprendre les récentes manifestations de rue
Chronique internationale de l’IRES
Fernando J. Pires de Sousa
Au cours de l’été 2013, le gouvernement brésilien a dû affronter d’importantes
manifestations. Un projet d’augmentation des tarifs des transports publics a été
à l’origine de la contestation sociale, mais très vite d’autres sujets de
mécontentements sont apparus, notamment le coût de la préparation de la Coupe du
monde de football, organisé au Brésil en 2014. Depuis, l’agitation sociale est
retombée, sans pourtant disparaître complètement. Les raisons de la mobilisation
sont en effet plus profondes. La présidence Lula a su réduire la pauvreté et les
inégalités grâce notamment au programme phare de Bolsa
família, conduisant ainsi à l’émergence d’une large classe moyenne. Dilma
Roussef, la nouvelle présidente élue en 2010, s’est davantage concentrée sur la
lutte contre la grande pauvreté, oubliant ainsi un peu les attentes de cette
nouvelle classe moyenne qui aspire à de meilleures infrastructures, davantage
d’investissements dans les services publics, moins de corruption, etc.
Repenser la stratégie de croissance
Financial Times
Samantha Pearson
Après une décennie d’euphorie, le Brésil, comme d’autres pays émergents, doit
faire face à un fort ralentissement de sa croissance. Les multiples causes de
cette « panne » sont apparues très clairement durant l’année 2013 qui a été
marquée par une contestation sociale d’une ampleur inédite. Le pays est en effet
confronté à une série de difficultés : la fin du super-cycle du prix des
matières premières, le changement de cap monétaire de la banque centrale
américaine (la Fed) et, enfin, une balance commerciale dont l’excédent a chuté
de 35 % en 2012 pour atteindre son niveau le plus bas depuis treize ans. Ces
difficultés conjoncturels viennent s’ajouter à un problème structurel de
compétitivité dont souffre le Brésil depuis plusieurs années, ainsi qu’aux
faiblesses de son modèle de croissance, très dépendant de la consommation.
Le défi de la compétitivité
VoxEU.org
Otaviano Canuto, Matheus Cavallari et José Guilherme Reis
Le Brésil a brillamment passé l’épreuve de la grande crise de 2009, mais depuis
deux ans les indicateurs économiques sont en berne. Le taux de croissance a
nettement ralenti se situant à 1 ou 2 % seulement et avec une inflation de plus
en plus importante, l’économie brésilienne est aujourd’hui en quasi-stagflation.
Le pays est surtout confronté à un problème de compétitivité. Certes, depuis
2000, les exportations ont triplé, mais cette performance s’explique avant tout
par des effets géographiques et une composition sectorielle favorable. Malgré ce
dynamisme des exportations, le Brésil demeure un pays peu ouvert. Rares sont en
effet les nouvelles entreprises qui parviennent à entrer sur les marchés tournés
vers l’exportation, car elles sont handicapées par des coûts de production trop
élevés. L’augmentation des salaires n’a pas suivie celle de la productivité.
Engager des réformes microéconomiques en faveur d’une politique d’offre et de
développement du capital humain apparaît de plus en plus nécessaire.
Brésil : une désindustrialisation précoce
FMSH – Working Paper Series
Pierre Salama
En dépit de la forte croissance des années 2000, le Brésil doit faire face à une
désindustrialisation précoce. Si cette situation est semblable à celle
rencontrée par d’autres pays latino-américains, elle tranche en revanche avec ce
qu’on observe en Chine. Ce pays a réussi à développer son appareil industriel et
à monter en gamme sur le plan de la production. Au Brésil, seules quelques rares
filières sont parvenues au même résultat. L’intensification des relations
commerciales asymétriques entre les deux pays au cours des dernières années
n’explique pas cette évolution, car ce n’est pas l’ouverture à l’international
qui conduit à la désindustrialisation, mais la manière selon laquelle cette
dernière est conduite. Le Brésil a fortement développé ses exportations de
ressources naturelles, renforçant ainsi une primarisation de son appareil
productif. L’afflux massif de capitaux étrangers mais également la forte
appréciation de sa monnaie, le real, sont le résultat de cette stratégie
économique.
Retraites, éducation : ne pas hypothéquer l’avenir
The Economist
Les Brésiliens bénéficient d’un système de retraite
particulièrement généreux. Les seules pensions de réversions s’élèvent ainsi à 3
% du produit intérieur brut (PIB). L’importance des dépenses de retraites et de
pensions s’explique par l’idéalisme de la génération qui a vaincue la junte
militaire (1964 – 1985), l’objectif initial était que les privilèges sociaux de
quelques-uns deviennent les droits de tous. Quant à l’éducation, si le Brésil a
accompli dans ce domaine d’importants progrès, le pays reste, en termes de
résultats éducatifs, dans les profondeurs du classement des enquêtes de
l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). Le
principal problème est que le budget de l’éducation n’est pas utilisé
efficacement : si les pays de l’OCDE dépensent en moyenne 30 % de plus par
étudiant que par élève, le Brésil en dépense cinq fois plus.
Des élections sous tension ?
Panorama – Les publications économiques de COFACE
Dominique Fruchter
Depuis 1990, le Brésil est parvenu à réduire de manière très importante la
pauvreté et à augmenter le niveau de vie des habitants. Les politiques menées
sous la présidence Cardoso, poursuivies et intensifiés au cours des mandats de
Lula et Dilma Roussef, notamment à travers le programme d’aide conditionnelleBolsa
familia, ont été particulièrement efficaces. Mais le coefficient de Gini,
qui permet de mesurer l’inégalité des revenus dans un pays, reste avec 0,5 en
2012 toujours à des niveaux élevés. Les inégalités demeurent et les partis
politiques ne parviennent que difficilement à apporter une réponse aux nouvelles
aspirations de la classe moyenne. À cela s’ajoutent des tensions également
fortes dans les zones rurales et forestières. À l’approche des élections de
l’automne 2014, Dilma Roussef, qui dispose d’une popularité importante, fait
preuve d’écoute, mais les réponses que le futur président pourra apporter
prendront nécessairement du temps à se concrétiser.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Banques : la crise a modifié les business
models
Revue d’économie financière
Sylvie Matherat
La crise économique mondiale de 2008 aété provoquée par une crise financière
déclenchée à l’origine par une crise de liquidité ayant frappé certains
établissements spécialisés, puis les banques universelles. À la suite de cette
dernière, de nouvelles exigences réglementaires ont été fixées au secteur
bancaire par les autorités publiques. Celles-ci ont ensuite été complétées par
certaines réformes de structures. Ce nouveau cadre vise à atteindre deux
objectifs : limiter le risque de faillite et de contagion et faciliter la
résolution de crises touchant des entités bancaires parfois très complexes. Les
défis à relever ne s’arrêtent cependant pas là. Les autorités de surveillance
doivent aujourd’hui veiller à ce que la mise en œuvre des nouvelles règles n’ait
pas de conséquences négatives, comme de favoriser certaines activités risquées à
l’origine de la crise ou de rendre plus difficile le financement de l’économie.
Situation financière des entreprises : la France décroche
Futuribles
Gilbert Cette et Arnaud Sylvain
La France est, depuis plusieurs années, confrontée à un problème de
compétitivité. À ce titre, la situation financière des entreprises françaises
apparaît particulièrement difficile. Une analyse comparée avec d’autres grands
pays européens montre, en effet, qu’au cours des deux dernières décennies,
différents indicateurs comme le taux de marge, le taux d’épargne, les revenus
nets ou le taux d’endettement des sociétés non financières se sont sensiblement
et durablement dégradés. Si ce diagnostic devait se confirmer, il augurerait
d’un avenir plutôt sombre sur le plan de l’investissement productif, de
l’évolution des revenus des ménages, de la création de richesse et en définitive
de la croissance économique.
La crise des subprimes :
une crise historique du capitalisme
Idées économiques et sociales
Dominique Plihon
La dérégulation des marchés des échanges et des capitaux a, dans les années
1980, conduit à un développement de la finance d’une telle ampleur que celle-ci
a fini par dominer le capitalisme contemporain. Selon les économistes
orthodoxes, celle-ci devait théoriquement allouer de façon optimale les
ressources financières en assurant leur transfert vers les emplois les plus
utiles à la société et favoriser la gestion efficace des risques. Or la réalité
est, selon l’auteur, tout autre et la crise des subprimes de
2008 semble avoir mis en échec la finance moderne. Cette crise – systémique par
nature, notamment parce qu’elle a d’abord frappé les économies constituant le
centre du capitalisme (les États-Unis) – est aussi celle du capitalisme moderne
puisqu’elle revêt de multiples dimensions : financière, économique, sociale et
environnementale.
Si les années 1990 et 2000 ont été celles du triomphe planétaire
du capitalisme, la crise dans laquelle sont plongées la plupart des économies
avancées depuis 2008 montre qu’il ne fonctionne pas sans heurts. Bulles
financières, endettement public, menace écologique, inégalités et tensions
sociales croissantes… Autant de dysfonctionnements qui nourrissent la question
d’un « changement de modèle » pour nos économies.
Après un détour par les origines du capitalisme, ce numéro
hors-série de Problèmes économiques en décrypte les rouages, en insistant plus
particulièrement sur les spécificités du capitalisme contemporain.
Aux origines du capitalisme
Comment définir le capitalisme ? (Jean-Pierre
Biasutti et Laurent Braquet)
Les facteurs de l’émergence du capitalisme : une question
controversée (Philippe
Norel)
Le capitalisme, des origines au XXe siècle (Jean-Charles
Asselain)
Capitalisme et systèmes politiques (Philippe
Raynaud)
Le capitalisme et ses rouages
L’innovation, au cœur de la dynamique capitaliste (Marie
Coris)
L’entrepreneur face au manager et au trader : figure centrale ou
secondaire du capitalisme ? (Jacques
Brasseul)
Le capitalisme, d’une crise à l’autre : résilience,
transformations(Robert
Boyer)
Le capitalisme face à ses critiques (Gilles
Ravaud)
Le capitalisme aujourd’hui
Du capitalisme managérial au capitalisme actionnarial (Antoine
Rebérioux)
La diversité contemporaine du capitalisme (Bruno
Amable)
Un capitalisme sans conflits sociaux ? (Eric
Neveu)
La transition des économies planifiées, vingt ans plus tard (Bernard
Chavance)
Les puissances émergentes, porteuses de nouveaux modèles ?(Michel
Aglietta)
Écologie, croissance, quête de sens… Les défis contemporains du
capitalisme (Jean
Gadrey)
Encadré : Le capitalisme « cognitif », nouvelle forme de
capitalisme ? (Jean-Marie
Monnier, Carlo Vercellone)
Les inégalités professionnelles entre les sexes perdurent
CEPREMAP
Dominique Meurs
La journée internationale de la femme, le 8 mars, est l’occasion chaque année de
rappeler la persistance des inégalités entre les femmes et les hommes sur le
marché du travail. En dépit de progrès notables et de l’évolution des discours,
le même constat est fait tous les ans : l’égalité est, en effet, encore loin
d’être acquise. Déjà au XVIIIe siècle,
Émilie du Châtelet, mathématicienne et physicienne française traductrice de l’un
des travaux les plus importants d’Isaac Newton, regrettait que si peu de place
ait été accordée jusque-là aux femmes, notamment dans le monde du travail. Si,
désormais les filles accèdent à l’éducation et peuvent exercer des métiers qui
étaient, il y a encore peu de temps, réservés aux hommes, l’accès aux emplois
stratégiques et/ou les mieux rémunérés reste difficile.
Recrutement : quand les stéréotypes ont la vie dure
Bref du CÉREQ
Lydie Chaintreuil et Dominique Épiphane
En 2013, le Centre d’études et de recherche sur les qualifications (Céreq) a
mené, dans le cadre des projets du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse (FEJ),
une étude qualitative auprès de recruteurs français, visant à évaluer la
discrimination à l’embauche selon le sexe. Si celle-ci est, dans la plupart des
cas, punie par la loi, le critère du sexe n’est pas neutre au moment du
recrutement. La sélection s’avère biaisée par de nombreux stéréotypes attribués
« naturellement » aux postulants et postulantes. Ainsi, selon les conclusions de
l’étude, les femmes seraient généralement considérées comme étant « mieux
organisées » et les hommes, « plus fonceurs ».
L’emploi des femmes en Europe : des situations très divergentes
La Vie des Idées
Mathilde Guergoat Larivière
L’Union européenne (UE) s’est fixé, dans le cadre de la stratégie Europe 2020,
l’objectif d’atteindre un taux d’emploi
féminin de 60 %. Si la quasi-totalité des États membres ont engagé des réformes
visant à faciliter l’emploi des femmes, les disparités en termes de
participation féminine au marché du travail restent très fortes. Parmi les pays
enregistrant un taux d’emploi des femmes élevé figurent la Suède (72 %) et le
Danemark (70,5 %). Malte (41 %) et la Grèce (45 %) affichent, au contraire, les
taux les plus faibles. Dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO), les
politiques publiques en direction de l’emploi des femmes sont moins nombreuses
que dans les pays d’Europe du Nord où les femmes bénéficient de services de
garde d’enfants, de congés accordés à la suite d’une naissance, et du temps
partiel choisi.
Les économistes femmes sont-elles plus hétérodoxes que les hommes ?
Finances et développement
Ann Mari May
Selon l’Institut de recherche du Crédit suisse, les entreprises qui comptent des
femmes dans leurs conseils d’administration affichent généralement de meilleurs
résultats que leurs homologues n’en ayant aucune. La différence de points de vue
serait donc enrichissante. Des études menées auprès d’économistes américains des
deux sexes ont en outre montré que si ces hommes et ces femmes, qui ont suivi
les mêmes formations universitaires, s’accordent sur les principes fondamentaux
de l’économie (maximisation de l’utilité, besoins illimités, ressources rares,
etc.), les économistes femmes montrent une plus grande propension que leurs
collègues masculins à privilégier l’intervention de l’État plutôt que le recours
au marché.
La Suède, un modèle d’égalité hommes-femmes
The Economist
La Suède sert généralement de modèle aux autres États membres de
l’Union européenne (UE) en matière de politique familiale. La conception
nordique de la famille est très éloignée des valeurs familiales plus
traditionnelles ayant cours dans d’autres pays. En effet, en Scandinavie
l’individu prime sur la famille. L’État encourage les femmes à prendre part à la
vie active. Ainsi, grâce à l’aide que celui-ci procure aux mères de famille en
termes de prise en charge des enfants et des personnes âgées, les taux d’emploi
féminin et de fertilité sont particulièrement élevés en Suède.
Les femmes sont sources de croissance économique
OCDE
Selon l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE), l’accumulation de capital humain a un effet très bénéfique
sur la croissance économique. Les recherches menées par l’OCDE dans trente pays
membres entre 1960 et 2008 montrent également qu’une répartition plus équitable
de l’éducation entre les hommes et les femmes accentue ce phénomène.
L’investissement dans l’éducation aurait un rendement élevé – une année
supplémentaire d’enseignement général se traduirait par une hausse annuelle de
10 % de la production par habitant –, et l’augmentation du niveau d’études
expliquerait environ 50 % de la croissance économique dont près de la moitié est
due à l’élévation de la formation des femmes. L’égalité des chances entre les
hommes et les femmes a également des effets positifs sur le marché du travail.
Aux États-Unis et en Corée du Sud, le taux d’activité accru des femmes et la
meilleure répartition de l’emploi féminin entre les secteurs d’activité ont en
effet permis d’augmenter la croissance économique.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
La marque dans les industries culturelles
Communication et management
Hélène Laurichesse
Les spécificités des industries culturelles, et plus particulièrement du secteur
audiovisuel, induisent une forme hybride du concept de « marque ». Si, selon
l’auteur, celle-ci revêt trois fonctions, l’une d’entre elles est prédominante.
La marque donne en effet du sens à l’œuvre et constitue un repère afin de mieux
reconnaître celle-ci. Mais elle constitue avant tout un formidable outil
permettant d’augmenter les profits de l’entreprise. Cet objectif assumé
d’accroissement des revenus est propre aux industries culturelles. Le procédé de licensing,
qui permet de protéger le nom d’une marque, a par exemple permis aux créateurs
de « Harry Potter » de gagner davantage de la vente des produits dérivés (2,8
milliards de dollars par film, soit 20 milliards en tout environ) que de la
diffusion des films (7,7 milliards de dollars).
L’économie de la mode
Réalités industrielles
Dominique Jacomet et Pascal Morand
L’industrie de la mode qui regroupe l’ensemble des activités ayant en commun la
« parure » de la personne, ce qui inclut la fabrication de vêtements, d’articles
de maroquinerie, de chaussures, et de bijoux, a un poids considérable dans
l’économie française. En termes d’activité globale, le chiffre d’affaires du
secteur s’élève à environ 152 milliards d’euros et représente près de 550 000
emplois salariés. Le succès des entreprises françaises du luxe est tel qu’il
permet de renouer avec la dimension industrielle. La mode constitue aujourd’hui
un élément essentiel du soft
poweréconomique et culturel de la France.
Lutte contre la faim : vers la transition agricole et alimentaire
IDDRI – Working Paper
Maria-Luiza Apostolescu et
al.
Résoudre le problème de la faim dans le monde ne peut se limiter à une
simple augmentation de la production agricole. Il est en effet nécessaire
d’engager une transition vers un paradigme agricole et alimentaire cohérent et
durable qui implique d’agir dans tous les secteurs liés aux problématiques
alimentaires et nutritionnelles. Favoriser cette transition passe également par
une accélération de la transition démographique et un rééquilibrage des rapports
de force existants au sein des systèmes de lobbying. De même, le passage
progressif de l’agriculture conventionnelle vers l’agroécologie est devenu
aujourd’hui indispensable. Enfin, la réalisation du droit à l’alimentation ne
pourra se faire sans une amélioration de la gouvernance mondiale sur ces
questions.
L’épargne : le choc des cultures
Die Politische Meinung
Entretien avec Roland Benedikter
Les traditions et la culture d’un pays jouent un rôle fondamental dans le
comportement d’épargne et d’endettement de ses habitants. L’Europe et les
États-Unis sont, dans ce domaine, si éloignés qu’on peut parler d’un véritable
choc des cultures. Sur le Vieux Continent, l’épargne est une condition préalable
à la consommation : on travaille, puis, à partir d’une partie du fruit de son
labeur, on constitue une épargne qui permettra ensuite de consommer. L’acte
d’achat est donc le résultat, l’expression matérialisée du passé. La conception
américaine est diamétralement opposée. Aux États-Unis, l’argent est davantage un
pari sur l’avenir, une avance qui se transforme par la suite en obligation, en
engagement. Ainsi, dans la culture américaine, qui est une véritable
« civilisation de l’avenir », contracter des dettes n’a rien de négatif.
L’argent n’est finalement qu’une convention sociale sans valeur en soi, qui sert
à insérer l’avenir dans le présent. De ces différences découle une dynamique
sociétale, culturelle et économique complètement distincte.
À chaque pays ses comportements d’épargne
Constructif
Didier Davydoff
Les grandes théories de l’épargne fonctionnent assez bien pour expliquer les
différences de comportement entre les individus d’un même pays, mais elles sont
peu efficaces pour comprendre les différences qui ont cours d’un pays à l’autre.
Ces-dernières sont pourtant importantes et ne s’expliquent pas uniquement par le
choix des définitions employées. L’analyse de la composition du patrimoine,
ainsi que des pratiques d’endettement, permet de mieux comprendre ces
différences. Le comportement d’épargne est également influencé par le modèle de
protection sociale en vigueur – en particulier son degré de générosité - et
dépend aussi de la place et de l’activité des marchés financiers. Enfin, le taux
de propriétaires de logement joue également un rôle non négligeable.
Les marchés d’actifs sûrs : mythe ou réalité ?
Risques
Didier Folus
De nombreux investisseurs rechercbent des titres présentant un faible niveau de
risque. Les actifs financiers sûrs sont ainsi au cœur de la finance de marché.
Le système financier a en effet besoin d’actifs considérés comme sûrs, non
seulement pour protéger la valeur de l’épargne, mais également pour servir de
garantie à des prêteurs, pour permettre aux entités souveraines de se financer
et aux banques centrales de conduire la politique monétaire. Un actif financier
sûr est celui dont le propriétaire ne doute pas. L’idée selon laquelle il
existerait des actifs « sans risque » repose donc essentiellement sur la
perception que les investisseurs ont du marché. Or cette dernière peut être
biaisée comme l’ont montrés la crise des subprimes et
des dettes souveraines.
Comprendre les taux d’intérêt négatifs
Le Cercle-Les Échos
Pascal Ordonneau
Les taux d’intérêt peuvent être négatifs. Ce phénomène se produit lorsque
l’inflation dépasse le taux d’intérêt nominal (le taux d’intérêt réel est donc
négatif) ou s’il faut payer les emprunteurs afin qu’ils acceptent d’être
débiteurs. Le premier cas, les taux d’intérêt réels négatifs, est le plus
courant. Cette situation avantage l’emprunteur, car elle constitue une
incitation à s’endetter. Le second cas correspond à une situation où le taux
d’intérêt monétaire est nul et où il faut payer les demandeurs de monnaie pour
qu’ils en acceptent. Les offreurs, pour leur part, en ont trop, ils sont prêts à
payer pour qu’on les en débarrasse. L’économie peut alors se retrouver plongée
dans la déflation et la récession.
Les grandes tendances de l’épargne des Français
Analyses et Synthèses – ACPR-Banque de France
Jean-Baptiste Feller
En 2013, les placements des ménages français étaient constitués majoritairement
de dépôts bancaires (27 %) et de contrats d’assurance vie (35 %). La part de
l’épargne bancaire réglementée est en nette progression (augmentation de 22 %
des encours) par rapport à l’année précédente. Cette dernière tendance s’inscrit
dans un contexte particulier : hausse du plafond du livret A et du livret de
développement durable (LDD) et baisse sensible des taux de rémunération servis
depuis 2012. La progression des encours d’épargne réglementée – ils ont atteint
un niveau historique - ne semble pas avoir eu de conséquences négatives sur la
collecte en assurance vie. À la suite de la nouvelle baisse du taux du livret A
au 1er août 2013, une
amorce de décollecte sur les livrets réglementés se dessine, ainsi qu’un
possible regain d’intérêt des ménages pour l’épargne logement.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
La machinerie économique du IIIe Reich
La Vie des Idées
Jean-Marc Dreyfus
L’économie allemande sous le IIIe Reich
est perçue comme une gigantesque et incroyable machinerie. Pourtant, elle a
constamment failli sombrer dans une crise grave, notamment en raison des
difficultés d’approvisionnement en devises. C’est un des enseignements
qu’apporte l’ouvrage de référence de l’historien britannique Adam Tooze,
professeur à l’université Yale (États-Unis),Le Salaire de la destruction,
consacré à une lecture de l’histoire du IIIe Reich
à travers le prisme de l’économie. L’auteur montre que l’énorme effort
d’armement et le gouffre abyssal qu’ont constitués les dépenses de guerre ont
été financés par la fiscalité, l’épargne forcée et l’exploitation des
territoires occupés en Europe. Si de nombreuses décisions ont finalement été
influencées par des intérêts économiques, l’auteur met également en relief
l’irrationalité idéologique fondamentale du régime.
Les étudiants étrangers : un enjeu de la politique migratoire
La lettre du CEPII
Lionel Ragot
On dénombre aujourd’hui dans le monde 4,3 millions d’étudiants étrangers (dont
53 % sont asiatiques), soit deux fois plus qu’il y a dix ans et cinq fois plus
qu’en 1975. Six pays de l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE), dont les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la
France, attirent à eux seuls plus de la moitié d’entre eux. L’enjeu est
considérable tant pour les pays d’accueil que pour les pays d’origine. Les
étudiants étrangers sont en effet considérés comme des vecteurs de diffusion de
normes culturelles, économiques et politiques. L’enseignement qui leur est
dispensé constitue également une forme d’aide au développement. Une fois
diplômés et installés dans le pays d’accueil, les étudiants étrangers permettent
aussi d’accroitre le niveau de qualification de la main-d’œuvre locale.
Le transport maritime est de retour
Review of Maritime Transport
CNUCED
Le transport maritime tiré par l’essor de la demande intérieure chinoise et par
l’augmentation des échanges intra-asiatiques et Sud-Sud connaît depuis plusieurs
mois une embellie qui annonce, après plusieurs années difficiles, un probable
retournement de cycle. Les spécialistes du secteur envisagent en effet désormais
une forte reprise du fret maritime dans deux ans. Le charbon et le minerai de
fer constituent actuellement, en raison de l’appétit asiatique pour ces matières
premières, un véritable relais de croissance pour les grands vraquiers.
L’amélioration de la situation s’explique toutefois davantage par la réduction
de l’excès d’offre de transport que par l’amélioration de la conjoncture
mondiale. Il suffit pour s’en convaincre d’observer l’amélioration actuelle de
la situation du secteur des porte-conteneurs qui lui ne profite pas de
l’embellie. Ces navires emportent d’Asie des marchandises dont ont besoin les
consommateurs Américains et Européens. Or, avec la crise, ces derniers ont
fortement réduit leurs achats.
Abenomics : la réponse du Japon à la crise
Diplomatie
Éric Boulanger
En décembre 2012, Shinzo Abe revient au pouvoir six ans après une première
expérience en qualité de Premier ministre au cours de laquelle il s’était
illustré par son inexpérience. Cette fois, il propose à ses compatriotes un plan
très ambitieux qui doit, selon lui, permettre de relancer une économie japonaise
anémiée, en quasi stagnation depuis deux décennies. Sa politique des trois
« flèches », en référence à une célèbre légende nippone – une flèche peut être
brisée mais pas trois attachées ensemble – consiste en un policy-mix,
aussi dénommé Abenomics, qui
s’appuie sur une politique budgétaire expansionniste, une reprise en main de la
politique monétaire – relèvement de la cible d’inflation et dépréciation du taux
de change – et des politiques actives de croissance, comprenant entre autres des
mesures de réduction des inégalités et d’incitations pour les entreprises à
investir et à augmenter les salaires.
Le pays riche le plus endetté au monde
Econote – Société Générale
Audrey Gasteuil-Rougier
Avec une dette publique qui a atteint 220 % du produit intérieur brut (PIB) fin
2012, le Japon est le pays développé le plus endetté au monde. Mais
contrairement aux pays très endettés de la zone euro, les taux d’intérêt de la
dette nippone sont parmi les plus bas du monde. Ceci s’explique par le fait que
l’épargne intérieure est abondante et que la dette est presque exclusivement
détenue par les résidents. Cette situation ne pourra toutefois pas durer
indéfiniment. À moyen-long terme, la question de la « soutenabilité » de la
dette publique va inévitablement se poser en raison de la progression continue
de cette dernière, de la faiblesse structurelle de la croissance et de la baisse
tendancielle de l’épargne nationale liée au vieillissement de la population.
L’Archipel nippon conserve de nombreux atouts
Politique étrangère
Claude Meyer
En dépit d’un apparent déclin, face à une Chine dynamique et triomphante, le
Japon reste une grande puissance économique qui produit aujourd’hui presque
autant que sa grande rivale asiatique. Si le pays fait en effet face à des défis
immenses, notamment l’absence de leadership politique, un endettement public
considérable et le vieillissement de la population, il conserve aussi de réels
atouts, en particulier l’excellence technologique, le dynamisme commercial, la
puissance financière ainsi que le leadership économique et commercial en Asie.
L’archipel nippon pourrait donc, armé d’une forte volonté politique, renouer
rapidement avec la confiance et une croissance modérée mais durable.
Quel avenir pour le système de protection sociale ?
Informations sociales
Thierry Ribault
Après la Seconde Guerre mondiale, le Japon a adopté un système de protection
sociale largement inspiré du rapport britannique Beveridge. Dans les années
1960, le dispositif sera complété par la mise en place d’un système de
couverture universelle ouvert à tous les citoyens. Longtemps, le pays a voulu
croire qu’il disposait d’un modèle de protection sociale égalitaire en dépit du
fait qu’au fil du temps celui-ci s’est montré de moins en moins efficace.
S’adressant, en effet, essentiellement à la classe moyenne active et aux
personnes âgées, il a pénalisé les femmes et ignoré les pauvres, dont le nombre
s’est fortement accru ces dernières années. À partir de 2009, des mesures visant
à réformer le système ont été adoptées mais celles-ci restent jusqu’à présent
insuffisantes pour assurer la pérennité du système de protection sociale.
Le Japon face au vieillissement
Financial Times
David Pilling
Le Japon est aujourd’hui, avec un âge médian de quarante-quatre ans et 25 % de
personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, le pays développé le plus vieux du
monde. Alors que le taux de natalité de l’Archipel a conduit à un triplement de
la population japonaise au XXe siècle,
sa faiblesse aujourd’hui fait que le pays pourrait ne plus compter qu’une
centaine de millions d’habitants d’ici trente ans et quarante-cinq en 2100
contre 126 millions actuellement. À partir des années 1960, l’État prend
conscience de l’imminence d’une crise du vieillissement et favorise très tôt la
construction de maisons de repos et la formation de personnels soignants à
domicile. Dans les années 1990, le pays a multiplié et renforcé les services de
soins à long terme. Mais des problèmes de financement de ce programme ont
conduit les gouvernements successifs à réduire les prestations accordées. Fort
heureusement pour le Japon, la crise du vieillissement survient lentement, ce
qui a permis à l’État de s’y préparer et à la société de s’y adapter.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
L’austérité était-elle inévitable ?
VoxEU.org
Lorenzo Bini Smaghi
Mettre en œuvre des politiques d’austérité lors d’une récession risque de créer
un cercle vicieux qui peut conduire à déprimer la demande, faire baisser la
production et aggraver le déficit. Cette situation n’est toutefois pas
exactement celle que vit l’Europe depuis que les États ont engagé, à des degrés
divers, des plans de rigueur. Les faibles taux de croissance de la zone euro
s’expliquent avant tout par les politiques économiques appliquées avant la
crise. Ces dernières ont conduit à des taux d’endettement privé et publique peu
ou pas soutenables. Mieux vaut ainsi faire à temps des réformes structurelles
en faveur de la croissance pour éviter de tomber dans le piège de l’austérité.
Médicaments : comment les prix sont-ils déterminés ?
La note d’analyse du CGSP
Virginie Gimbert et Daniel Benamouzig
Le montant des dépenses publiques consacrées aux médicaments – qui constituent
le premier poste de dépense des Français – s’élevait, en 2012, à 27 milliards
d’euros. La détermination du prix du médicament est une question qui répond à
des enjeux à la fois économiques, sanitaires et sociaux. Celle-ci renvoie en
effet à des intérêts stratégiques multiples, voire divergents. D’un côté, les
industriels ont des exigences liées à la profitabilité, à l’emploi et à
l’investissement et sont soumis à une concurrence internationale de plus en plus
forte. De l’autre, les pouvoirs publics doivent garantir l’accès aux médicaments
améliorant la santé et le bien-être, grâce à un prix et à un niveau de
remboursement adaptés, tout en respectant l’équilibre des finances publiques. Le
processus de détermination des prix qui en découle est ainsi particulièrement
complexe. Les règles spécifiques sont en outre nombreuses, ce qui tend à rendre
le système relativement opaque.
Quand les fonds investissent l’enseignement supérieur
Éducpros – Groupe l’Étudiant
Isabelle Dautresme
Depuis quelques années, le domaine de l’éducation fait l’objet en France de
l’intérêt croissant des investisseurs, en particulier l’enseignement supérieur
privé. Le phénomène
semble, ces derniers temps, s’accélérer avec la prise de contrôle par des fonds
d’investissement d’un nombre de plus en plus important d’écoles. Secteur en
croissance et encore peu structuré, dont le modèle économique est en pleine
mutation, besoins de financement qui s’annoncent considérables avec la
révolution numérique, frais de scolarité élevés, les écoles supérieures privées
ont en effet tout pour attirer les fonds d’investissement en quête de marchés
toujours plus lucratifs.
Les nouvelles tendances de la mondialisation
Revue des deux Mondes
Alain Bienaymé
La mondialisation s’est accélérée depuis les années 2000. La multiplication par
sept du volume du trafic mondial d’Internet, depuis2005, a considérablement
réduit les distances et fortement augmenté la vitesse de réaction des
multinationales. Les nombreuses délocalisations qui se sont produites dans les
années 1990 ont largement favorisé la montée en puissance des économies
émergentes et ont contribué à l’augmentation des salaires dans les pays du Sud,
augmentation qui a d’ailleurs contribué à ce que certaines entreprises des
économies avancées rapatrient leurs activités. La « mondialisation chaude » des
années 2000 est également caractérisée par l’explosion des transactions
financières : 350 000 millions de dollars de produits financiers s’échangent
chaque jour dans le monde, soit 180 fois le produit mondial brut annuel.
Gouvernance et protectionnisme
Ramsès
Dominique David et Franck Dedieu
Comment gouverner dans un espace mondialisé, en perpétuelle évolution et au sein
duquel de multiples échanges (commerciaux, électroniques, etc.) échappent à
l’État ? Si celui-ci a vu sa puissance s’éroder au profit notamment des
entreprises et de la société civile, il conserve néanmoins des marges de
manœuvre utilisant divers instruments de gouvernance comme le protectionnisme.
C’est le cas notamment des États chinois et brésilien qui cherchent à se
protéger contre la concurrence des économies en développement, moins riches. Les
États-Unis y recourent également en complétant régulièrement le « Buy American
Act » par de nouvelles mesures. Quant à l’Union européenne, elle semble en
revanche se cantonner à un « protectionnisme de normes » visant avant tout à
faire respecter les standards de sécurité.
L’éclatement du système commercial mondial
Finances et Développement
Jagdish Bhagwati
La libéralisation des échanges progressivement mise en œuvre après la
SecondeGuerremondiale a contribué de façon importante à la prospérité des
nations en favorisant l’augmentation générale des revenus de la population
mondiale. Pourtant, avec l’échec du cycle des négociations de Doha, lancé en
2001 – le premier sous les auspices de l’Organisation mondiale du commerce (OMC)
–, et la multiplication des négociations bilatérales et régionales, l’avenir du
système commercial multilatéral s’est désormais quelque peu assombri. Parmi les
accords commerciaux préférentiels en cours de négociation figurent le
Partenariat transpacifique (TPP) entre les États-Unis et les pays de l’Asie du
Sud-Est et le Partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement (TTIP)
entre les États-Unis et l’Union européenne (UE). Ces accords pourraient, s’ils
devaient aboutir, constituer une grave menace pour l’OMC.
La mondialisation est-elle bénéfique à l’emploi ?
OCDE
Jean-Yves Huwart et Loïc Verdier
Les délocalisations et l’internationalisation des actionnaires ont, en réduisant
l’ancrage local des entreprises, dégradé le marché du travail dans les pays
riches. Les pertes d’emplois dues à l’accroissement de la concurrence des pays
émergents sont en effet massives. Ainsi, dans les pays membres du G7, le nombre
de salariés du secteur du textile a chuté de plus de 60 % entre 1970 et 2003. En
revanche, certaines branches de l’économie, comme la chimie, l’automobile, les
médicaments et l’agroalimentaire, sont parvenues, jusqu’à la crise économique et
financière de 2008, à maintenir leurs effectifs. Dans le même temps, la
mondialisation a également créé de nombreux emplois dans les services. En outre,
les délocalisations ne sont pas les seules responsables des suppressions
d’emplois : l’amélioration des technologies et des processus de fabrication en
expliquent également une bonne partie.
Favoriser les emplois nomades
Alternatives économiques
Pierre-Noël Giraud
Les emplois nomades – emplois délocalisables et fabriquant des biens et des
services exportables (industrie, agriculture, tourisme, services et finance) –
créent davantage de richesse que les emplois sédentaires (bâtiment, travaux
publics, etc.) dans la mesure où les biens et les services qu’ils produisent ont
une valeur marchande supérieure. Or la France ne compte plus que 16 % d’emplois
nomades, contre 21 % en Allemagne. Si le taux est encore plus faible aux
États-Unis (12 %), celui-ci tient compte des emplois high tech de la Silicon
Valley, particulièrement créateurs de valeur. Ainsi, plutôt que de raisonner en
termes de nationalité des entreprises, donc en termes de « made in France », les
dirigeants devraient, selon l’auteur, se poser la question du lien entre
investissements et création d’emplois nomades.
Les entreprises ont besoin des États
The Economist
Le débat sur l’antagonisme des relations entre les firmes
multinationales et l’État n’est pas nouveau. Il s’est même intensifié avec la
crise économique et financière de 2008. Ces entreprises sont en effet accusées
de ne pas payer suffisamment d’impôt à un moment où les politiques d’austérité
mises en œuvre pour rééquilibrer les finances publiques pèsent lourdement sur le
pouvoir d’achat des classes moyennes. En réalité, l’État a besoin des firmes
multinationales pour assurer la croissance économique et créer des emplois. À
l’inverse, ces entreprises dépendent des politiques publiques en matière de
recherche scientifique et d’infrastructure. L’État est également un client
important pour de nombreuses entreprises.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Comment réinventer l’hôpital ?
La Gazette de la société et des
techniques
Édouard Hatton, Sophie Letournel et Arthur Stril
Depuis de nombreuses années, les projets de réforme du milieu hospitalier se
succèdent, mais n’aboutissent pas. Pourtant, la nécessité de faire évoluer
l’hôpital fait l’unanimité. Cette réforme prend un caractère d’urgence à un
moment où la détérioration des finances publiques oblige l’Etat à faire des
économies drastiques, y compris dans le champ de la protection sociale. Il est
vrai que le système hospitalier est très complexe, une myriade d’acteurs
intervient dans son organisation, sa régulation et son pilotage. De nombreux
projets de réforme échouent face à des problèmes de gouvernance et de
communication. La véritable difficulté n’est donc pas d’obtenir un consensus
théorique, mais de le confronter à la dure réalité du terrain.
L’essor économique de l’Afrique
Revue d’économie du développement
Shantayanan Devarajan et Wolfgang Fengler
Le continent africain connaît depuis 2000
un taux de croissance annuel moyen de 5 %. Avec un taux de croissance de 4 %,
les pays non rentiers comme ceux de l’Afrique subsaharienne ont également
contribué à cet essor. La pauvreté a en outre diminué en moyenne d’environ un
point de pourcentage chaque année depuis 1996. Les progrès en matière
d’éducation et de soins de santé ont également été considérables. La
démocratisation du processus politique et les réformes macroéconomiques mises en
œuvre depuis quelques années ont entraîné le décollage du continent. De même,
l’évolution démographique, l’urbanisation et les progrès technologiques ont
favorisé ce processus. Pourtant, certains économistes doutent de la pérennité
des progrès réalisés. La corruption et les rentes pétrolières retardent en effet
le développement de l’Afrique qui reste handicapé par des infrastructures
insuffisantes ou obsolètes.
Repenser la fiscalité internationale
L’Observateur de l’OCDE
Gerri Chanel
Nombre de règles de fiscalité internationales, conçues il y a des dizaines
d’années, n’ont pas suivi les évolutions liées à la mondialisation. Désormais,
les transactions transfrontalières entre entreprises associées (ou filiales)
sont considérables. Elles représentent en effet à peu près un tiers du total des
transactions internationales. Les bénéfices issus de ces échanges dits
« internes » étant imposables, le taux de taxation est fixé en fonction des
« prix de transfert » : ce qui s’avère un calcul particulièrement complexe et
opaque. Rendre le système de fiscalité internationale pour les
firmes multinationales plus juste et plus transparent est l’un des défis posés
aux États ainsi qu’aux organisations internationales, comme l’Organisation de
coopération et de développement économiques (OCDE).
Si les chiffres sont un outil d’information indispensable à la qualité du débat public, ils doivent être également utilisés et interprétés avec discernement et pondération
À l’origine du déficit public à 3 % du PIB
La Tribune
Guy Abeille
L’indicateur du déficit public inférieur à 3 % du produit intérieur brut (PIB)
est un des ratios économiques les plus fréquemment utilisés. Il figure parmi les
critères de convergence (ou « critères de Maastricht ») que doivent respecter
les États membres de l’Union européenne candidats à l’entrée dans la zone euro,
critères qu’ils doivent continuer à respecter après leur adhésion sous peine de
s’exposer à des avertissements puis à des sanctions. En dépit du fait que ce
ratio soit devenu une norme publique incontournable, son origine reste largement
inconnue, en particulier du grand public. C’est en France, au début des années
1980, que ce dernier a été mis au point au ministère de l’Économie et des
Finances afin d’imposer plus facilement la rigueur à l’ensemble des ministères.
Par la suite, ce ratio, bien que dépourvu d’une réelle pertinence économique, a
fait école dans toute l’Europe.
À quoi servent les chiffres ?
Lafinancepourtous.com
« Statistiques et démocratie : à quoi servent les chiffres ? »,
c’est la question qui a été posée lors d’une conférence-débat coorganisée par le
Conseil national de l’information statistique (CNIS) et le Conseil économique,
social et environnemental (CESE) le 30 janvier 2014. L’objectif des
organisateurs était de mieux faire connaître la statistique publique et ses
méthodes, favoriser une plus large utilisation de ses productions et débattre
avec les utilisateurs, décideurs, journalistes mais aussi simples citoyens,
des évolutions possibles de cet outil. Le thème de la conférence est en effet
d’une grande actualité, car la statistique et les chiffres ont aujourd’hui
envahi le débat public. S’ils permettent d’éclairer les grands enjeux
contemporains, ils sont également une arme de combat et leur interprétation peut
se révéler parfois un authentique art. Faire de la pédagogie grand public sur
les chiffres et la statistique est donc plus que jamais une nécessité.
L’économie malade de ses chiffres
Le crépuscule de l’homo oeconomicus
David Orrel et Tomáš Sedlácek
L’essai Le Crépuscule de l’homo oeconomicus de
David Orrel et Tomáš Sedlácek, paru en 2012, se propose d’analyser la crise qui
a débuté en 2007. Les auteurs partagent le point de vue de ceux qui imputent la
responsabilité de cette dernière aux dérives de la conceptualisation
mathématique de l’économie et à la sous-estimation de l’interdépendance entre
l’économie réelle et le système financier. Plutôt que de remédier à certaines
défaillances systémiques qui ont mené à la crise, les auteurs préconisent de
modifier notre façon de penser la science économique. Celle-ci est en effet
fondée sur l’hypothèse de la rationalité des individus et cherche ainsi à
réduire la réalité à une équation ou un modèle mathématique. Cette façon de
procéder peut conduire à la surexploitation des données, voire à une dictature
des chiffres, dont le véritable pouvoir de prédiction est en fin de compte assez
limité.
Croissance : l’idolâtrie du chiffre
Revue politique et parlementaire
Charles Le Lien
En matière de production nationale, le taux de croissance passe pour l’alpha et
l’oméga de l’information économique. En réalité, celui-ci se révèle en
définitive un chiffre peu significatif. Sa marge d’erreur est en effet souvent
supérieure à sa valeur absolue. Le chiffre définitif de la croissance n’est
connu avec exactitude qu’au bout de quatre années. On peut ainsi imaginer
l’imprécision qui entoure ce type d’information économique. Cependant, le
recours à des chiffres en réalité peu pertinents n’est, selon l’auteur, qu’une
partie du problème, l’autre étant l’oubli de chiffres réellement significatifs.
Ainsi, une mesure plus juste de l’accroissement de la richesse nationale
consisterait à se référer à la variation de la formation brute de capital fixe (FBCF)
plutôt qu’au taux de croissance habituellement utilisé.
Quand les statisticiens du travail définissent le travail
Chronique internationale de l’IRES
Pierre Concialdi
Qu’est-ce que le travail ? Comment le définir ? Il existe pléthore de
définitions de cette grandeur économique et sociale, mais jusqu’à récemment,
nous ne disposions pas, au niveau international, de définition officielle. Le
Bureau international du travail (BIT) a depuis longtemps défini les concepts de
population active, de chômage ou de sous-emploi, mais ce n’est qu’à l’occasion
de la XIXe conférence
internationale des statisticiens du travail (CIST), qui a eu lieu à Genève du 2
au 11 octobre 2013, que le BIT s’est penché sur les normes internationales
définissant les concepts à partir desquels les instituts statistiques nationaux
élaborent les chiffres du marché du travail. Lors de cette réunion, le CIST a
adopté une résolution dont la principale conséquence est d’imposer aux instituts
nationaux de la statistique l’obligation de publier au moins deux indicateurs
phares du travail : le taux de chômage et un taux de chômage élargi prenant en
compte le sous-emploi quantitatif.
Les chiffres suspects des grands projets
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Julian Trauthig
Réaliser des grands projets d’infrastructure comme les aéroports, les gares ou
les salles de concerts philharmoniques est particulièrement complexe. Ces
derniers suscitent parfois l’hostilité citoyenne, lorsque les riverains
considèrent que la future infrastructure ou les travaux qu’elle occasionne
constitueront une source de nuisance. Les grands travaux font également souvent
l’objet de débats en raison de l’inflation des coûts. Les économistes évoquent à
propos de ce phénomène une forme de darwinisme inversé : c’est-à-dire la survie
des travaux les plus onéreux. Les analyses portant sur les grands projets font
apparaître plusieurs biais : une tendance à la surestimation – pour des raisons
stratégiques – des bénéfices du projet pour le citoyen et à la sous-estimation
des coûts pour la collectivité. Il existe pourtant un certain nombre de règles
simples pour réduire ces biais, comme l’attribution d’un bonus aux responsables
si leur projet reste jusqu’au bout dans le cadre financier initial.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Les jeux d’argent en France
INSEE Première
Éric Rakedjian et Marina Robin
Le secteur des jeux s’organise en France autour de quatre grands pôles :la
Françaisedes jeux (FDJ), le Pari mutuel urbain (PMU), les casinos et, depuis
l’autorisation de jouer légalement en ligne en juin 2010, les jeux en ligne.
L’arrivée de ce quatrième acteur n’a toutefois pas modifié l’équilibre et la
hiérarchie au sein du secteur. Les jeux en ligne ne représentent en effet que
7 % du marché en 2012. Globalement, le secteur des jeux a été est très dynamique
au cours des dernières années : entre 2000 et 2012, les paris ont augmenté de
76 % en valeur ; ils atteignent 46,2 milliards d’euros en 2012. Le taux de
prélèvements obligatoires, qui varie selon le type de jeux, représente, quant à
eux, 12 % des mises. Un joueur parie en moyenne 2 000 euros par an ; nette des
gains, la dépense s’élève à 400 euros. Par ailleurs, treize adultes sur 1000
sont des joueurs à risque.
La FEDaprès Bernanke
Conjoncture – BNP - Paribas
Alexandra Estiot
Au cours des deux mandats de Ben Bernanke à la tête de la Réservefédérale des
États-Unis (Fed), l’institution aura eu pour principale mission d’apporter une
réponse à la crise économique et financière la plus grave depuis les années
1930. Le 31 janvier 2014, Janet Yellen a succédé à Ben Bernanke comme présidente
du Conseil des gouverneurs de la Fed. Il est aujourd’hui difficile de prévoir
comment la politique monétaire américaine évoluera désormais tant les
incertitudes sur la trajectoire que suivra l’économie dans les prochains mois
demeurent nombreuses. Le sous-emploi est tel aujourd’hui aux États-Unis que la
Fed devra rester accommodante dans la durée pour s’assurer de ne pas étouffer la
croissance. Janet Yellen, première femme de l’histoire à la tête dela Fed, ne
fait d’ailleurs pas mystère de son tout premier objectif : réduire le chômage et
redonner de la vigueur aux salaires réels.
Les nuits parisiennes : le regard de l’économiste
Recherche sociale
Luc Gwiazdzinski
Forte de ses 27 millions de touristes par an, Paris
est célèbre pour son offre patrimoniale mais elle l’est moins en ce qui concerne
la vie nocturne. La concurrence entre les capitales européennes s’étant accrue
ces dernières années, la municipalité parisienne a été amenée à revoir ses
nycthémères – correspondant à la succession d’une nuit et d’un jour – et a
élaboré une stratégie touristique mobilisant tous les acteurs économiques du
monde de la nuit. Il faut dire que les enjeux sont de taille. Les retombées
économiques de l’activité nocturne sont en effet considérables : 1600
entreprises employant plusieurs dizaines de milliers de salariés animent ce
secteur dont le chiffre d’affaires s’élève à 1,4 milliard d’euros par an.
Quel modèle productif dans dix ans ?
Note du CGSP
Antton Achiary et
al.
Si l'économie française montre qu'elle a du mal à absorber le choc massif
de la crise, ses performances s'étaient en réalité dégradées dès avant 2008. Les
atouts du pays n'ont pas disparu mais les faiblesses ont pris le dessus. Pour
redonner de la vigueur à notre modèle productif, il est indispensable dans un
premier temps d'identifier précisément ses points faibles : les déséquilibres
macroéconomiques affectant le secteur exposé à la concurrence internationale,
les freins à l'innovation et à l'investissement dans les entreprises ou encore
les incohérences qui pèsent sur les acteurs du système productif (système de
formation, organisation de la recherche et développement, relations
interentreprises). Ce diagnostic permet de poser trois questions essentielles
auxquelles des réponses claires devront être apportées. La première porte sur
les politiques visant à augmenter la croissance potentielle, la deuxième est
relative à l'organisation du système productif, et enfin la troisième concerne
le type d'insertion de la France dans le commerce mondial.
Industrie : des défis majeurs à relever
Lettre Trésor-Éco
Guillaume Ferrero, Alexandre Gazaniol et Guy Lalanne
La désindustrialisation est un phénomène qui touche l'ensemble des économies des
pays développés. Toutefois son rythme diffère selon les pays, ce qui traduit en
partie des écarts de compétitivité face à la concurrence internationale. Bien
que la France se caractérise par une base industrielle diversifiée et la
présence de grandes entreprises bien insérées dans la mondialisation, la
désindustrialisation y apparaît plus rapide que dans d'autres pays européens. La
poursuite de ce phénomène et le ralentissement récent des gains de productivité
dans l'industrie font peser un risque sur la croissance de long terme de
l'économie française. Face à ces difficultés, l'État a un rôle majeur à jouer en
concevant un environnement favorable au développement des entreprises et en
mettant en place des politiques efficientes de soutien à certaines industries.
Les ressorts d’une renaissance industrielle
Le Journal de l’École de Paris du management
Pierre-Noël Giraud
En dépit de la publication, au cours des dernières années, de nombreux rapports
préconisant les réformes à mettre en œuvre pour renouer avec la compétitivité,
la France peine à trouver des réponses adéquates aux questions posées par les
mutations rapides de l’économie mondiale. Il faut dire que certains mythes,
comme celui de l’avènement d’une société postindustrielle, et une compréhension
insuffisante des mécanismes à l’œuvre à l’ère de la globalisation continuent de
jouer, selon l’auteur, un rôle négatif dans l’évolution de notre modèle
productif. Cela conduit en particulier à négliger la gravité de notre déclin
industriel et à ne pas favoriser le type d’emploi le plus créateur de valeur
dans l’économie contemporaine. Mais tout ne dépend pas de la France car une
bonne part de nos difficultés provient également de l’inégale répartition de
l’industrie en Europe et au niveau mondial.
Les singularités du marché français du travail
Commentaire
Françoise Gri
Le mauvais fonctionnement du marché du travail en France s'illustre par
l'importance du chômage et l'insuffisance du taux d'activité des Français. Le
pays souffre, selon l'auteur, de trois handicaps majeurs : la rigidité du marché
de l'emploi, le coût du travail et le manque d'intérêt des responsables
politiques pour le développement des services et leur incompréhension de la
dynamique mondiale sur ce sujet. Le principal obstacle à toute réforme semble
être l'indécision des gouvernants et l'opinion des Français sur le bien-fondé de
ces mutations. Des réformes structurelles devraient pourtant être engagées de
façon urgente afin de permettre un bon fonctionnement du marché du travail, une
condition indispensable à l'amélioration de la compétitivité des entreprises et
à un retour de la croissance.
Et si la France gagnait la bataille de la mondialisation…
Géoéconomie
Jean-Claude Beaujour
Pour une majorité de nos concitoyens, la mondialisation, loin d'être considérée
comme un processus positif, est perçue comme la principale responsable de la
dégradation des performances de l'économie française, en particulier de la
montée et de la persistance du chômage. S'il est indéniable que la France
rencontre dans le contexte international et européen actuel des difficultés,
elle détient un certain nombre d'atouts : le pays reste le sixième exportateur
mondial et le quatrième destinataire des investissements étrangers. Dès lors,
plutôt que de subir la mondialisation, l'auteur suggère, à partir d'une analyse
lucide de la réalité, d'imaginer des pistes de réflexion afin de donner les
moyens aux entreprises françaises de regagner des parts de marché et plus
globalement à l'économie nationale de retrouver le chemin de la croissance.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Les hawalas à
l’ère des nouvelles technologies
Techniques financières et développement
Ismael Mahamoud
Un hawala est
un système traditionnel de paiement informel très répandu en Afrique de l’Est
mais également en Asie. Son principe de base est de faire circuler l’argent au
sein d’un réseau d’agents de change – les correspondants locaux de la hawala principale
peuvent être des individus exerçant une activité commerciale - : un client verse
une somme d’argent à un agent, qui contacte un de ses confrères le plus proche
du destinataire final de cet argent et lui demande de lui verser le montant
souhaité (généralement contre une commission) en échange de la promesse de le
lui rembourser plus tard. Ce système repose entièrement sur la confiance
existant entre les acteurs du réseau. Les hawalas suscitent
un intérêt accru à la fois des pouvoirs publics désireux de les réglementer et
des économistes soucieux de mieux comprendre ce système financier parallèle. Le
durcissement de la réglementation bancaire et financière qui s’observe
actuellement au niveau international risque toutefois d’affaiblir ce système de
paiement alternatif.
Délocalisation, l’hydre fiscale ?
Reflets et perspectives de la vie économique
Philippe Neefs et Antonin Gourgue
Les « délocalisations fiscales » – délocalisations de sièges sociaux motivées
par des considérations d’ordre fiscal – peuvent s’avérer néfastes pour les
États, dans la mesure où les distorsions des échanges et des investissements
auxquelles elles aboutissent produisent une diminution des assiettes fiscales
nationales. Les auteurs reviennent sur les mesures prises par l’Organisation de
coopération et de développement économiques (OCDE) et par les ministres
européens de l’Économie et des Finances (Conseil ECOFIN) pour instaurer une
concurrence fiscale loyale entre les États membres de l’OCDE ou de l’Union
européenne. Ils s’interrogent également sur la capacité des traités fiscaux
signés entre États à s’adapter au contexte économique actuel, notamment aux
activités dématérialisées qui ne sont par définition rattachées à aucun
territoire. Dans ces conditions, il semble difficile de considérer « l’évitement
de l’impôt » et « la planification fiscale » comme des activités illégales.
Publicité : le choc Internet-mobile
Futuribles
André-Yves Portnoff
Frappés par la crise économique, les investissements publicitaires ont diminué
avant de retrouver des couleurs et d’opérer une diversification autour des
nouveaux terminaux mobiles, comme les tablettes et les téléphones mobiles. On
observe désormais un développement rapide de la publicité sur l’Internet mobile
au détriment de l’Internet fixe. Cette tendance devrait s’accélérer au cours des
prochaines années. Alors que les États-Unis sont leader du marché de la
publicité dans les nouveaux médias, en France, les annonceurs hésitent à prendre
des risques et à se positionner sur ce secteur. Il leur faut convaincre un
public encore réticent devant une forme de publicité qui devient de plus en plus
« intrusive » et « omniprésente ».
3092 Chine, géant aux pieds d'argile ?
Les raisons du ralentissement chinois
Document de travail - FMSH-EHESS
Guilhem Fabre
Après avoir enregistré des taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) à
deux chiffres jusqu’en 2010, l’économie chinoise est confrontée à un net
ralentissement : le taux de croissance du PIB atteint désormais 7,4 %. La fin du
boum des matières premières ainsi que la crise économique et financière de 2008
– qui a réduit les importations des pays occidentaux en provenance de la Chine–
en sont les principales raisons. La baisse relative de la consommation des
ménages, concomitante à une augmentation du taux d’épargne dans les années 2000,
a conduit l’État à lancer un vaste plan de réforme de 575 milliards de dollars
destiné à encourager l’investissement, notamment des entreprises publiques au
détriment des entreprises privées. L’État a ainsi fait le choix d’un « modèle
d’offre » dont la réussite n’est aujourd’hui pas garantie.
Des inégalités de revenu croissantes
Document de travail - Texas A&M University
Li Gan
Si le taux de croissance annuel moyen, supérieur à 8 %, enregistré par
l’économie chinoise au cours des vingt dernières années a considérablement
enrichi le pays, l’enquête menée en 2011 auprès de 8 438 ménages, ruraux et
citadins, et portant sur l’évolution de leurs revenus, a montré que les
inégalités, mesurées par le coefficient de Gini (0,61 en Chine contre 0,44 en
moyenne au niveau mondial), comptaient parmi les plus importantes au monde. La
montée des inégalités s’est traduite par une atonicité du niveau de consommation
intérieure. Il est désormais urgent, selon l’auteur, de passer d’un modèle
économique d’exportations, tourné vers l’extérieur, à un modèle favorisant la
consommation domestique via notamment la mise en place de politiques de
transferts sociaux.
La Chine rattrapée par sa
dette
Conjoncture BNP-Paribas
Christine Peltier
La dette publique chinoise a atteint 250 % du produit intérieur brut (PIB) en
2013. Depuis le plan de relance de grande ampleur mis en œuvre en 2009, l’offre
de prêts émanant des banques locales, qui représentait à l’époque 32 % du PIB,
s’est fortement accrue. Le resserrement de la politique monétaire à partir de
2010 a, dans un premier temps, ralenti la progression des crédits bancaires.
Mais les banques ont transféré certaines créances hors de leurs bilans et
proposé des produits de financement alternatifs (shadow banking) en
contournant les nouvelles règles de la politique monétaire. Ainsi, une part
croissante des financements de l’économie a été distribuée via ce processus, les
prêts bancaires traditionnels ne représentant plus que 53 % des nouveaux flux de
financement. Dans ces conditions, le risque de crédit augmente
fortement, exerçant une pression sur des taux d’intérêt déjà élevés, et rendant
l’accès au crédit, pour les entreprises et les ménages, plus difficile.
La difficile lutte contre la pollution
Financial Times
Pilita Clark et Lucy Hornby
En 2012, la Chine a émis 10 gigatonnes de dioxyde de carbone (CO2)
dans l’atmosphère, soit plus que les États-Unis et l’Union européenne réunis.
Un tel niveau d’émissions constitue un facteur d’aggravation du réchauffement
climatique, c’est pourquoi les pays développés demandent aux autorités
chinoises, dans le cadre des négociations internationales sur le climat, de
prendre les mesures nécessaires pour les réduire. Mais cette diminution apparaît
coûteuse en termes de croissance économique et les avis divergent quant à la
date à laquelle le pic de ces rejets de CO2 sera
atteint.
Urbanisation galopante : pour le meilleur et pour le pire
The Economist
La Chine n’en finit pas de bâtir des méga-cités dont les
gratte-ciel sont parmi les plus hauts du monde. En 2020, il est prévu que toutes
les villes de 500 000 habitants soient connectées au réseau ferroviaire de
trains à grande vitesse. Si le nombre de nouveaux citadins croît, comme
l’affirme la Banque mondiale, de 13 millions par an, la population urbaine – qui
atteint aujourd’hui 52 % de la population totale – pourrait avoisiner les 70 %
en 2030. Mais l’offre de main-d’œuvre excédentaire des campagnes devrait
progressivement se tarir, ralentissant ainsi le rythme de l’urbanisation qui, si
elle est une véritable source de croissance, est également à l’origine de graves
problèmes, comme l’augmentation de la pollution et l’édification de cités
fantômes.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Planète Football : l’Europe excelle
Finances et Développement
Stefan Szymanski
La Coupe du monde de football qui a commencé le 12 juin au Brésil, est la
compétition footballistique la plus prestigieuse. Pour les joueurs
internationaux, c’est un moment souvent crucial de leur carrière, car beaucoup
d’entre eux espèrent d’être repérés par un club européen afin de pouvoir
intégrer une des grandes ligues du Vieux Continent. Le succès du football
européen est en effet incontestable, même si son efficience économique est moins
nette. La libéralisation du marché des joueurs, initié par l’arrêt Bosman
de 1995, en est en partie responsable. De plus en plus de ligues nationales
souffrent d’un certain déséquilibre compétitif, avec un petit nombre de clubs
traditionnellement dominants et qui creusent l’écart financier avec les autres
clubs. Un nouveau système de réglementation financière, appelé « fair-play
financier », cherche à limiter ces effets.
1. Débat autour du Capital
au XXIe siècle de
Thomas Piketty
Wall Street Journal
Daniel Schuchman
Véritable best-seller aux États-Unis, où il est sorti en avril 2014, Le
Capital au XXIe siècle de
l’économiste français Thomas Piketty suscite, de part et d’autre de
l’Atlantique, un intense débat. Selon Daniel Shuchman, qui dirige un fonds
spéculatif à New York, le livre de Thomas Piketty peut être considéré comme
l’œuvre d’un « nouveau marxiste ». L’ouvrage qui retrace l’évolution historique
de la répartition des revenus et des patrimoines depuis le XVIIIe siècle,
est selon lui, moins une analyse économique qu’une « étrange litanie
idéologique » : l’économiste français ferait preuve d’une utopie sans borne en
menant une guerre sans merci aux riches et aux entrepreneurs.
2. Débat autour du Capital
au XXIe siècle de
Thomas Piketty
New York Review of Books
Paul Krugman
Selon Paul Krugman, « Prix Nobel d’économie » en 2008, l’ouvrage de Thomas
Piketty est une œuvre admirable proposant une analyse novatrice sur les
inégalités qui changera la façon dont on pense la société et dont on fait de
l’économie. En comparant le taux de rendement du capital avec celui de la
croissance, l’économiste français montre que les revenus du capital croissent
plus vite que ceux du travail. Il en découle une accumulation de richesses chez
les détenteurs de capital au détriment des travailleurs, favorisant ainsi une
hausse constante des inégalités et un retour au capitalisme patrimonial.
N° 3093 Les villes dans la globalisation
Des villes aux « économies métropolitaines »
Keys to the City
Michael Storper
Depuis la fin du XVe siècle,
l’urbanisation connaît une très forte expansion, le phénomène s’étant encore
accéléré avec la mondialisation. Le lent déclin, au XVIIIe siècle,
de cités commerciales historiques, comme Venise, ainsi que l'émergence de
"villes-monde", comme Shanghai ou Hong-Kong, exacerbent dès cette époque la
concurrence entre les villes. L'urbanisation bouleverse également au sein d’un
pays les équilibres entre ces grandes cités et le reste du territoire et crée
de nombreux clivages entre les principales aires métropolitaines riches. Si
géographes, sociologues et économistes s'accordent sur ce dernier point,
l'explication de la croissance urbaine reste un défi majeur pour les sciences
sociales.
Le grand retour des villes
Futuribles
Jean Haëntjens
Les 600 plus grandes villes de la planète devraient, dans les décennies à venir,
générer les deux tiers de la richesse mondiale. Véritable puissance économique,
la métropole est un moteur essentiel de la croissance. Récemment,la France a
créé un nouveau statut pour les villes de plus de 400 000 habitants afin de leur
permettre d’exercer pleinement leur rôle en matière de développement économique,
d’innovation et de transition énergétique. Le Danemark, la Suède et les Pays-Bas
ont également réduit le nombre de leurs communes pour leur donner plus de poids.
Aux États-Unis, les maires des grandes métropoles sont considérés comme de
véritables chefs d’entreprise. Les États fédérés doivent ainsi coopérer avec les
édiles des grandes cités américaines dans des domaines aussi divers que les
politiques publiques en matière sociale, environnementale et culturelle.
Grand Paris : projet pour une métropole globale
Revue d’économie régionale et urbaine
Lise Bourdeau-Lepage
Le projet urbain du « Grand Paris » a été imaginé pour transformer
l’agglomération parisienne en une grande métropole mondiale du XXIe siècle.
La région Île-de-France dispose de nombreux atouts pour que ce projet devienne
réalité. En effet, par rapport aux autres régions françaises, le produit
intérieur brut (PIB) par habitant et la productivité sont respectivement de 50 %
et 30 % plus élevés. Sur le plan démographique, l’Île-de-France a également
l’avantage avec un excédent naturel plus important. Les moins de trente ans y
représentent 56 % de la population. L’activité économique francilienne se
caractérise par une forte concentration des services financiers, qui sont par
essence particulièrement lucratifs. Enfin, l’agglomération parisienne attire les
actifs les plus qualifiés : 65 % des cadres des aires urbaines de 200 000
emplois et plus travaillent en Île-de-France. Si l’attractivité de cette
dernière n’est plus à démontrer concernant les activités culturelles et la
recherche et développement (R&D), la région reste toutefois en retard en matière
de création d’entreprises.
Urbanisation et classe moyenne
McKinsey Global Institute
Richard Dobbs et
al.
L'urbanisation représente aujourd’hui une formidable opportunité sur le
plan économique. Le développement des villes s’accompagne en effet de
l’augmentation très importante du nombre de consommateurs. En 2025, le cabinet
américain de conseil aux entreprises, McKinsey Global Institute, prévoit qu’ 1,8
milliard de personnes supplémentaires rejoindront les rangs de la "classe
moyenne consommatrice". Cette tendance est particulièrement marquée dans les
villes émergentes qui compteront, à cette date, plus de 600 millions de nouveaux
consommateurs. Grâce à un taux d’emploi et à l'augmentation progressive de leurs
revenus, leur accession à des biens ne se limitant pas aux biens de première
nécessité est une aubaine pour l’industrie. L'accroissement du nombre de
citadins dans les pays du Sud toutefois représente également un défi pour les
métropoles qui devront investir dans les infrastructures.
Des villes vertueuses et intelligentes
La Nouvelle Revue Géopolitique
Samuele Furfari
Dans l’Union européenne (UE), 70 % de la demande totale en énergie primaire est
consommée dans les zones urbaines. Selon l’Agence internationale de l’énergie
(AIE), la consommation énergétique des villes devrait croître à un rythme encore
plus soutenu dans les années à venir, et celle du secteur du transport urbain
pourrait doubler d’ici à 2050. Désormais, c’est sur les villes que l’on compte
pour réduire la consommation d’énergie. Depuis quelques années, un nouveau
concept est apparu celui de smart
cites (villes intelligentes) ,
c’est-à-dire des métropoles qui, grâce aux technologies de l’information et de
la communication(TIC), parviennent à créer des synergies entre l’aménagement du
territoire, la mobilité urbaine et l’efficacité énergétique.
Villes mondiales : le centre de gravité se déplace vers l’Asie
Economist Intelligence Unit
Le poids économique des villes augmente de façon constante depuis
plusieurs décennies. Les 120 métropoles qui figurent au classement des
principales villes mondiales établi par le magazine britannique The
Economist, représentent en effet à elles seules 750 millions de personnes
et un produit intérieur brut (PIB) de 20 200 milliards de dollars, soit 29 % du
PIB mondial. Avec un taux de croissance de près de 5 % en moyenne, les villes
devraient constituer dans les dix années à venir, la principale opportunité de
croissance commerciale mondiale. Les grandes agglomérations planétaires sont
ainsi en concurrence pour attirer talents et investissements. Du côté de la
demande, les entreprises comparent les avantages compétitifs de chacune : coûts,
perspectives de croissance, infrastructures, "maturité financière" et qualité de
l’environnement. Une des évolutions majeures des années 2000 est le déplacement
progressif du centre de gravité de l’économie mondiale vers les mégapoles
asiatiques.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Innovation et croissance : quelles politiques publiques ?
Réalités industrielles
Alain Villemeur
En dépit de la volonté affichée de promouvoir des politiques d’innovation, qui
permettraient de stimuler la croissance, la France ne parvient pas à obtenir,
dans ce domaine, d’aussi bons résultats que des pays comme la Suède, l’Allemagne
ou encore les États-Unis. En analysant les facteurs clés qui structurent
l’écosystème de l’innovation, comme le rapprochement entre les entreprises et
les universités, les nouveaux produits et le renouvellement des entreprises,
force est de constater que notre pays éprouve de sérieuses difficultés en
particulier sur les deux derniers points. Une révolution culturelle et
institutionnelle qui passerait par la mise en œuvre de nouvelles politiques
publiques en matière d’innovation semble plus nécessaire que jamais.
Zone euro : faut-il rester ou en sortir ?
Paysans
Thierry Pouch
Faut-il ou non sortir de l’euro est une question qui fait débat depuis de
nombreuses années. Celle-ci se pose de nouveau en raison du succès remporté par
plusieurs partis politiques hostiles à la construction européenne, lors des
élections européennes de mai 2014, et des conséquences d’une crise économique
qui semble interminable. Quelles seraient les implications pour un État et les
entreprises d’un abandon de la monnaie unique ? Seul un examen attentif de
différents paramètres comme la possibilité ou non de recourir à la dévaluation,
l’impact sur les échanges commerciaux ainsi que les multiples enjeux politiques
permet de déterminer les avantages et les inconvénients pour un État membre de
rester ou de sortir de la zone euro.
Consommation : vers une frugalité choisie
Consommation et modes de vie
Justine Colin et
al.
Depuis la crise économique de 2008, de nouveaux comportements d’achat et de
consommation ont émergé en France. Si près d’un Français sur deux a adopté des
comportements de frugalité contrainte, une petite partie d’entre eux (14 %)
s’est également engagée dans une frugalité choisie. Celle-ci est guidée par des
valeurs comme la simplicité et la durabilité qui sont apparues à partir d'une
nouvelle conception du bien-être. Le temps libre et la réalisation de soi sont
ainsi des valeurs en hausse qui favorisent aujourd'hui le développement de
modèles de consommation alternatifs.
- Hors-série n° 6 Comprendre l'économie mondiale
Le nouveau visage de l’économie mondiale
L’émergence des BRIC : le leadership occidental
bousculé ?(Christine
Rifflart, OFCE)
La géographie du commerce mondial : 1967-2012 (Deniz
Ünal, CEPII)
La géographie des investisseurs (Sandra
Rigot, Université Paris XIII-Saint-Denis)
Les flux migratoires (Jean-Christophe
Dumont, Jean-Pierre Garson, OCDE)
Migrations inernationales et mondialisation des économies (Jean-Christophe
Dumont et jean-Pierre Garson)
Le monde énergétique de la décennie 2010 : entre profusion
d'hydrocarbures et transition vers les renouvelables (Patrice
Geoffron, Université Paris-Dauphine)
La division internationale des processus de production au coeur
de la nouvelle géographie des échanges (Michel
Rainelli, Université de Nice)
Les interdépendances entre les grandes économies (Michel
Dupuy, Université Bordeaux IV)
Tensions et déséquilibres
Endettement et déséquilibres des balances courantes : quels
risques pour l’économie mondiale ? (Cécile
Bastidon Gilles, Université Toulon-Var)
La finance mondiale : maîtrisée ou porteuse de nouvelles crises ?(Christophe
Boucher, Université de Lorraine)
Les grandes monnaies internationales : guerre ou équilibre ? (Jean-Pierre
Patat, CEPII)
Les conflits autour du libre-échange (Bernard
Guilllochon, Université Paris-Dauphine)
La crise écologique mondiale (Romain
Weikmans, Edwin Zaccai, Université libre de Bruxelles)
Les inégalités mondiales : recul ou creusement ? (Florent
Bresson, Université d’Auvergne)
L’économie mondiale, un navire sans capitaine ? (Jean-Marc
Siroën, Université Paris-Dauphine)
Trois événements qui ont façonné notre monde
Financial Times
Martin Wolf
L’année 2014 est riche en commémorations : c’est non seulement l’année du
centenaire dela Première Guerre mondiale, mais également celle de l’anniversaire
du débarquement des Alliés trente ans plus tard, en juin 1944, sur les plages de
Normandie pour libérer l’Europe du nazisme et, enfin, celle de la commémoration
des vingt-cinq ans du début de l’effondrement de l’Union soviétique en 1989,
événement marquant la fin de la guerre froide qui avait divisé le monde pendant
plus de quarante ans. Depuis cette date, la planète a connu une nouvelle ère de
mondialisation qui dépasse par son ampleur celle qui a précédé le premier
conflit mondial. Le siècle écoulé entre 1914 et 2014 peut ainsi paraître comme
une parenthèse. Aujourd’hui, plus que jamais, les nations n’ont d’autre choix
que de coopérer, même si la tension entre la coopération et le conflit est
latente.
De quelques mythes sur la Grande Guerre
VoxEU. org
Mark Harrison
Les leçons de la Première Guerre mondiale de 1914-1918 éclairent assurément le
présent. Même si nombre d’entre elles demeurent incomprises. Certains mythes ont
ainsi toujours cours comme l’idée selon laquelle le déclenchement de cette
guerre fut accidentel, où que celle-ci a été remportée par les Alliés grâce à
l’arme alimentaire. L’auteur revient sur plusieurs de ces mythes en mettant en
avant notamment le rôle des décisions prises par Berlin dont certaines se
révélèrent bien plus néfastes pour les approvisionnements allemands en
nourriture que le blocus mis en place par les Alliés. De manière plus générale,
un enseignement fondamental peut être tiré des analyses de la Grande Guerre :
les régimes autoritaires deviennent dangereux pour les autres nations lorsqu’ils
se mettent à redouter l’avenir.
Les conséquences économiques de la paix
Atlantico
Entretien avec Vincent Laniol
Les effets dévastateurs dela Grande Guerre se sont fait sentir de longues années
durant en raison, d’une part, des immenses pertes humaines et des destructions
matérielles, et d’autre part, des conséquences découlant du traité de
Versailles, signé le 28 juin 1919. Les clauses financières et morales de ce
dernier ont constitué une pomme de discorde, en particulier entre Paris et
Berlin. Au cœur du différend : le montant des réparations allemandes dues à la
France et le verdict de culpabilité que les vainqueurs ont fait endosser à
l’Allemagne. Dès la signature du traité, le système de réparations fut
sévèrement jugé par certains contemporains, parmi eux John Maynard Keynes. En
total désaccord avec plusieurs des dispositions du traité, le célèbre économiste
de Cambridge préconisait de mettre en œuvre un plan qui aurait permis le
redémarrage de l’économie allemande, assurant ainsi le remboursement plus rapide
d’une dette allégée…
1914-2014 : et si la France n’avait pas tant changé ?
L’Expansion
Franck Dedieu et Béatrice Mathieu
Au cours du XXe siècle,
des mutations économiques, politiques et sociales ont profondément transformé
l’économie française. Comparativement, l’environnement économique de la Belle
Époque nous apparaît donc très éloigné de celui des années 2010. Une analyse
plus attentive de l’économie d’avant 1914 révèle néanmoins de nombreuses
similitudes avec l’époque actuelle. Les années qui précèdent le déclenchement de
la Première Guerre mondiale sont ainsi marquées par des débats sur le déclin de
l’économie française, la politique industrielle de l’Allemagne érigée en modèle,
la puissance des lobbys financiers ou encore le bien-fondé de la rigueur
budgétaire.
Les enseignements de la première mondialisation
Trésor-Éco
Violaine Faubert
La mondialisation amorcée dans les années 1970 n’est pas sans précédent : la
période allant de 1870 à 1914 a été, elle aussi, marquée par une ouverture
économique et une expansion rapide du commerce et de l’investissement. Ces
années, caractérisées par la croissance des échanges commerciaux, se sont
également accompagnées de crises financières auxquelles les crises
contemporaines font écho. L’expérience de cette première mondialisation, permet
de tirer certains enseignements, comme notamment les avantages liés à
l’endettement des pays émergents en monnaie locale et au rééquilibrage des
balances courantes qui limitent la vulnérabilité des économies à des arrêts
soudains de flux de capitaux.
Le retour des héritiers
Frankfurter Allgemeine Zeitung
Gerald Braunberger
L’héritage et les grandes fortunes ont joué un rôle très important au XIXe siècle.
Le choc des deux guerres mondiales et de la crise économique de
l’entre-deux-guerres a changé la donne en provoquant une profonde transformation
des structures économiques. Le rapport entre capital immobilier et financier,
d’une part, et produit intérieur brut (PIB) d’autre part, d’environ 700 % vers
la fin du XIXe siècle, ne se situait plus qu’à environ 400 % en
France dans la première moitié du XXe siècle. Depuis les années 1980,
en revanche ce rapport s’est remis à augmenter et se rapproche aujourd’hui des
niveaux atteints à la Belle époque. Dans la plupart des pays, les inégalités
s’accroissent à nouveau. Ce sont les principales conclusions du récent ouvrage
de l’économiste français Thomas Piketty, intitulé Le
capital aux XXIe siècle. Mais comme le souligne toutefois
l’auteur, il n’y a aucun déterminisme à l’accroissement des inégalités et à la
concentration du capital, contrairement à ce que soutenait, en son temps, Karl
Marx.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Le fonds souverain norvégien et la gestion de la rente pétrolière
Diplomatie
Hélène Raymond
À la fin des années 1960, la Norvège découvrit un important gisement de pétrole
dans la mer du Nord. Très rapidement, la question de la gestion de cette manne
pétrolière inattendue se posa. Le consensus auquel aboutirent le Parlement et le
gouvernement norvégien fut de ne pas exploiter les recettes issues de cette
ressource comme des revenus quelconques et de préserver cette richesse pour les
générations futures : la création d’un fonds souverain destiné à gérer la rente
pétrolière fut dès lors décidée. Considéré comme une référence internationale en
termes de gouvernance et de transparence, celui-ci est parvenu à éviter à la
Norvège– contrairement à tant d’autres pays - d’être victime de la « malédiction
des ressources naturelles ». La qualité des institutions du royaume expliquant
en grande partie cette réussite, la transposition de ce modèle norvégien de
fonds souverain et de gestion de la rente pétrolière à l’ensemble des États
producteurs de pétrole ne paraît pas toutefois évidente.
Peut-on créer un écosystème français du Big
Data ?
Le Journal de l’École de Paris du management
François Bourdoncle
Face à l’explosion du volume d’informations, diffusé notamment sur Internet, le Big
Data, principe qui repose sur le traitement des données informatiques à
grande échelle, vise à proposer une alternative aux solutions traditionnelles de
bases de données et d’analyse. Il est présent dans les activités les plus
inattendues, et les grandes entreprises américaines, comme Google, IBM, Facebook, etc.,
y ont recours afin d’acquérir une masse toujours plus importante d’informations
de toute nature. Or ces géants du numérique et de l’informatique, en déplaçant
la valeur créée dans les entreprises de la technicité pure vers une gestion de
la relation client, menacent de transformer les constructeurs en sous-traitants.
Outre la connaissance des clients, le Big
Data permet d’anticiper les
besoins du marché ou d’optimiser la chaîne logistique. Il constitue donc plus un
écosystème qu’une filière. En France, un écosystème de ce type n’a jusqu’à
présent pas encore vu le jour.
L’approche française de la mondialisation
Économie Appliquée
Jean-Marc Siroën
L’école française de la mondialisation se définit avant tout par son réalisme,
contrairement aux écoles cambridgienne et autrichienne, plus idéologiques.
Celle-ci a toutefois évolué avec le temps. De 1950 à 1980, la pensée économique
de la mondialisation en France a été marquée par les travaux postmarxistes de
François Perroux posant les limites des théories classiques et néo-classiques. À
partir de 1970, l’école française, moins radicale, s’intéressa avant tout aux
faits, tout en assumant l’héritage des courants hétérodoxes précédents, dont
elle partage la méthodologie – qui consiste notamment à solliciter d’autres
disciplines comme la sociologie, la gestion et la science politique. À partir
des années 1980, l’école française de la mondialisation économique, souffrant de
sa difficulté à formaliser ses idées empiriquement, s’est progressivement
inspirée des principes de l’école néo-classique de l’économie internationale.
Mais si, selon l’auteur, l’approche française de la mondialisation a désormais
disparu, la recherche en économie internationale, notamment portée par le Centre
d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), reste, en
France, très active.
Une planète « grise »
The Economist
En 2035, plus de 1,1 milliard de personnes seront âgées de plus de 65
ans. Ce vieillissement de la population mondiale s’accompagnera, en raison de la
chute de la natalité et du ralentissement de la croissance démographique, d’une
augmentation importante du taux de dépendance des personnes âgées. Seules
l’Asie du Sud et l’Afrique, où la fécondité demeure élevée, échapperont à ce
phénomène. Mais le dynamisme démographique de ces deux continents ne permettra
pas d’inverser la tendance générale au vieillissement, ne faisant tout au plus
que ralentir. Ce phénomène devrait avoir des conséquences considérables sur
l’économie. Pour certains économistes, celles-ci pourraient être négatives mais
le débat sur ce point n’est pas clairement tranché. Pour se faire une idée plus
précise des conséquences probables de cette mutation sur la croissance un
examen des trois canaux principaux par lesquels la démographie influe sur
l’économie s’impose : la variation de la population active, la variation du taux
de productivité et l’évolution de la structure de l’épargne.
La Silver Économie, une
opportunité de croissance
Rapport du CGSP
Claire Bernard, Sanaa Hallal et Jean-Paul Nicolaï
La génération du baby-boom (née entre 1945 et la fin des années 1960) voit ses
premières cohortes arriver à l’âge de la retraite. Le phénomène va s’accélérer
au cours des prochaines années. Les baby-boomers sont aussi la première
génération à accompagner ses parents dans le grand âge et la perte d’autonomie.
Le vieillissement de la population est à l’origine d’une demande nouvelle en
matière d’aménagement du domicile, de produits et de services liés à l’autonomie
mais également, concernant les jeunes seniors, dans le secteur des loisirs, de
la culture, du tourisme, etc. L’offre doit donc rapidement s’adapter à
l’ensemble de cette demande ce qui devrait générer des centaines de milliers
d’emplois et constituer des relais de croissance considérables pour l’économie
française. L’État en favorisant l’émergence et le développement de ce que l’on
appelle désormaisla Silver Économie a un rôle décisif à jouer pour faire du
vieillissement une opportunité inédite pour l’économie française.
Des milliers d’emplois en perspective
La Tribune
Florence Pinaud
D’ici à la moitié du XXIe siècle,
le nombre de seniors devrait augmenter fortement. En 2035, un Français sur trois
sera âgé de plus de 60 ans contre un sur cinq trente ans plus tôt. Cette
mutation démographique majeure constitue une opportunité pour la croissance. Le
marché des seniors ouvre en effet des perspectives considérables dans de
nombreux domaines comme les services ou les technologies avancées de la
robotique ou de la domotique. Des milliers d’emplois et d’entreprise de
high-tech pourraient être créés. Les pouvoirs publics s’efforcent aujourd’hui
d’aider ce nouveau secteur baptisé Silver Économie à émerger, après que la
commission « Innovation 2030 » l’a inscrit parmi les sept ambitions pour la
France.
L’Internet favorise les relations sociales et la consommation
Consommation et mode de vie
Thierry Mathé, Pascale Hébel et Martyne Perrot
Aujourd’hui, les plus de 60 ans représentent 23 % de la population et en
constitueront plus d’un tiers en 2060. Les enjeux du vieillissement
démographique ont fait l’objet de nombreuses études qui ont, notamment, porté
sur les pratiques de consommation des seniors. Le passage à la retraite entraîne
souvent une forte baisse de la consommation, en raison de la diminution des
activités et d’occasions de sorties moins fréquentes. Mais une étude récente du
Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CRÉDOC)
montre que l’accès des seniors à l’Internet influe fortement sur leur
sociabilité et par conséquent sur leurs pratiques de consommation. En leur
permettant de maintenir des relations sociales avec les collègues, les amis ou
la famille, le fait d’être connecté les encourage en effet à poursuivre leurs
activités sportives, culturelles ou associatives, à se déplacer, à recevoir des
proches chez eux, etc. et donc à consommer davantage.
Le Japon, pionnier du « silver market »
Le Monde diplomatique
Florian Kohlbacher
Le Japon est aujourd’hui, avec un âge médian de 44 ans, le pays développé le
plus vieux du monde. Selon les prévisions démographiques, 30 % des Japonais
auront 65 ans ou plus en 2025. Le nombre des seniors continuera de croître,
tandis que la population totale chutera en 2050 pour atteindre moins de 95
millions contre près de 127 en 2000. Si l’Archipel nippon est le pays le plus
touché par le vieillissement, il est aussi celui qui a le plus rapidement
anticipé les conséquences économiques, sociales, individuelles et
organisationnelles de cette mutation démographique. Le Japon fait ainsi figure
de pionnier du silver market (« marché argenté » ou « marché du
vieillissement ») et apparaît parmi les pays développés comme le plus avancé en
termes d’innovation et de développement de ce marché prometteur.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
30 ans de globalisation des cycles immobiliers
La lettre du CEPII
Thomas Grjebine
Depuis le début des années 1980, le développement d’un système financier
globalisé et déréglementé a entraîné la globalisation des cycles immobiliers.
Ces derniers ont été marqués par des booms du crédit, l’apparition de bulles
immobilières, une montée des risques et des déséquilibres macroéconomiques et
financiers suivis par des crises bancaires. Depuis 1985, deux cycles immobiliers
globaux se sont succédé (1985-1995 et 1997-2012). La crise de 2007 apparaît à ce
titre comme une reproduction amplifiée de celle qui a touché de nombreux pays de
l’OCDE au début des années 1990 à la suite du retournement du premier cycle
immobilier global.
Bonnes et mauvaises complexités : le cas des écosystèmes d’innovation
Gérer et comprendre – Annales des Mines
Daniel Fixari et Frédérique Pallez
La simplification administrative figure parmi les pistes de réforme que le
gouvernement souhaite mettre en œuvre pour relancer l’économie française. La
nécessité de la réduction de cette complexité semble en effet évidente. La
réforme consisterait à réduire le nombre de structures, à veiller à une
meilleure diffusion de l’information et à améliorer la coordination entre les
différents acteurs du système. Dans le cas des écosystèmes d’innovation la
logique apparaît toute autre. Loin qu’il faille s’atteler à une simplification
qui semble obsolète dans un monde promouvant une « pensée complexe », ces
écosystèmes montrent en effet que l’instauration d’un niveau de coordination
supplémentaire pourrait s’avérer être une solution plus efficace dans certains
cas.
Le marché de la traduction en sciences humaines
La Vie des Idées
Entretien de Lucie Campos avec Gisèle Sapiro
Si la science économique est l’une des disciplines où la propension des
chercheurs à recourir à l’anglais est la plus forte, l’adoption d’une langue
unique fait, selon Gisèle Sapiro, courir le risque d’un appauvrissement de la
réflexion scientifique. Ainsi, la traduction demeure un excellent moyen
d’échanges et de circulation des idées. Pourtant, l’étude qu’elle a menée, sur
la traduction d’ouvrages en sciences humaines et sociales (SHS) du français vers
d’autres langues, dans plusieurs pays dont les États-Unis et le Royaume-Uni
notamment, montre que la traduction est en déclin. Les obstacles dus à la
globalisation du marché de l’édition ne cessent en effet de croître. Ceux-ci
peuvent être d’ordre économique – le coût de la traduction d’un titre en SHS a
fortement augmenté –, culturel – les Anglo-saxons reprochent de plus en plus
aux francophones leur style d’écriture peu narratif –, ou encore politique.
1914-2014 : un siècle d’évolution de la pyramide des âges
Population et sociétés
Gilles Pison
L’histoire d’un pays se lit à travers sa pyramide des âges. Celle de la France
n’a cessé d’évoluer au cours du dernier siècle. Au 1er janvier
1914, la pyramide des âges de la France à la forme d’une meule de foin,
démontrant une certaine harmonie. La Première Guerre mondiale affecte la
régularité de cette pyramide et crée des échancrures, notamment du côté
masculin, en raison du nombre élevé d’hommes tombés au front, et du déficit des
naissances qui en a résulté. Le baby-boom, phénomène visible après la Seconde
Guerre mondiale, vient élargir la pyramide et lui redonne une nouvelle
dynamique. En 2014, celle-ci semble s’acheminer vers la forme régulière qui la
caractérisait il y a cent ans, avant la guerre de 1914-1918.
Le recul de l’emploi se poursuit
DARES-Analyses
Sandra Bernard et
al.
Dans un contexte de faible croissance économique et de gains de
productivité limités, l’emploi salarié a reculé dans l’industrie, la
construction et le tertiaire marchand. À la fin de l’année 2013, le taux de
chômage s’est établi à 9,7 % en France métropolitaine et à 10,1 % pour la
Franceentière. Si, au cours de cette année-là, le taux de chômage a baissé pour
les jeunes âgés de 15 à 24 ans (- 2,6 points), il a peu varié pour les seniors
et les personnes d’âges intermédiaires. En raison d’une fin d’année plus
dynamique, 55 000 emplois ont été créés en 2013. L’amélioration de la
conjoncture envisagée pourrait également permettre d’atténuer les destructions
d’emplois marchands hors intérim d’ici à la fin de l’année. En revanche, le taux
de chômage des hommes a, pour la première fois depuis 1975, dépassé les 10 %.
Légère croissance du PIB et stabilisation du pouvoir d’achat des ménages
INSEE Première
Anne-Juliette Bessone, Vladimir Passeron, Hélène Soual
En 2013, la croissance de l’économie française est, comme en 2012, assez faible
(+0,3 % du produit intérieur brut en euros constants). On observe également un
recul de l’investissement émanant à la fois des entreprises et des ménages. En
revanche, le pouvoir d’achat de ces derniers se stabilise et leur consommation
tend à augmenter (+ 0,2 %) tandis que, l’an passé, celle-ci avait baissé pour la
première fois depuis l’après-guerre. Enfin, la baisse du taux de marge et du
taux d’autofinancement des sociétés financières se poursuit.
Le revenu disponible brut des ménages accélérerait en 2014
Note de conjoncture
INSEE
Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE),
après s’être stabilisé en 2013, le pouvoir d’achat du revenu des ménages devrait
se redresser en 2014 (+ 0,7 %). En termes nominaux, leur revenu disponible brut
(RDB) accélérerait cette année (+ 1,4 % après + 0,6 % en 2013), en raison du
moindre dynamisme des prélèvements obligatoires (+ 2,5 % après + 4,2 %) et de la
légère accélération des revenus d’activité (+ 1,3 % après + 0,9 %), malgré un
ralentissement des prestations sociales (+ 2,4 % après + 2,8 %). Au premier
trimestre 2014, la consommation des ménages a diminué (- 0,5 %), en particulier
les achats d’automobiles. La baisse des dépenses en énergie s’est encore
accentuée en raison d’un hiver doux. La consommation des services n’a, elle, que
faiblement progressé (+ 0,2 %).
Amélioration du solde des transactions courantes
Balance des paiements et position extérieure de la France
Banque de France
Le solde des transactions courantes de la France, qui résulte des flux
économiques de biens, de services et de revenus entre résidents et non
résidents, enregistre un déficit de 30,3 milliards d’euros en 2013, soit 1,4 %
du produit intérieur brut (PIB), contre 31,8 milliards (1,5 %) en 2012. Cette
évolution est due à deux tendances opposées : la réduction du déficit des biens
et la diminution des excédents des services et des revenus primaires. Le premier
mouvement résulte de la diminution des importations alors que le second provient
de la dégradation des soldes de services de transports, d’informatique, de
télécommunication, etc. Quant aux flux d’investissements directs (IDE), ils se
soldent en 2013 par des sorties de 7 milliards d’euros et des entrées de
13 milliards. Pour la première fois depuis les années 1990, le solde des
investissements directs se caractérise ainsi par des entrées nettes de capitaux.
Repli des échanges commerciaux
Le Chiffre du commerce extérieur
DGDDI
L’année 2013 aété marquée par un repli des échanges. Celui des importations, dû
notamment à la chute des approvisionnements énergétiques, a permis de ramener le
déficit commercial de la France à 62,1 milliards d’euros, contre 67,2 milliards
en 2012. Les exportations se sont également contractées (- 1,3 %, après + 3,1
%) surtout dans les secteurs des biens intermédiaires, des machines et des
équipements, en lien avec la faiblesse des investissements en Europe. Ce recul
des exportations est particulièrement important avec les pays hors Union
européenne. En revanche, ces dernières résistent mieux dans des secteurs où la
France possède des avantages comparatifs, comme les produits agricoles ou
pharmaceutiques, l’aéronautique ou encore l’industrie du luxe.
Lente poursuite du redressement des finances publiques
Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques
Cour des comptes
Le redressement des finances publiques s’est poursuivi en 2013, mais à un rythme
plus lent que prévu. Le déficit public n’a ainsi baissé que de 0,6 point pour
s’établir à 4,3 % du produit intérieur brut (PIB). Cette faible amélioration
s’explique surtout par l’atonie des recettes, hors mesures nouvelles, ainsi qu’à
l’anémie de l’activité économique, plus faible que prévu. La croissance des
dépenses publiques en valeur a été moins forte qu’escomptée - notamment en
raison d’une inflation moins élevée qu’anticipée - mais néanmoins insuffisamment
pour compenser la faiblesse des recettes. Toutes les administrations publiques
ont été déficitaires en 2013. La dette publique, quant à elle, a augmenté pour
atteindre 94,1 % du PIB.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Le mystère de la valeur
Revue des Deux Mondes
Dominique Steta
La valeur est considérée comme l’une des questions fondamentales de l’économie
politique. Celle-ci fut posée bien avant la constitution de l’analyse économique
comme discipline scientifique. On peut relever deux grandes catégories de
facteur « expliquant » la valeur : la rareté relative d’un bien et l’utilité
estimée (les scolastiques et les classiques français) ; la quantité de facteur
« travail » nécessaire à la production d’un bien (les classiques britanniques).
Marx fit avancer le débat en affirmant que le travail possède intrinsèquement de
la valeur et que la différence entre la valeur de la force de travail et la
valeur que celle-ci produit est la plus-value. Plus récemment, André Orléan a
nourri la réflexion autour de la valeur en tentant de saisir la valeur marchande
des biens sans l’identifier à une grandeur préexistante. Selon lui, c’est le
désir de monnaie qui crée la mécanique marchande et non le désir de biens
utiles.
Union budgétaire : le champ des possibles
Conjoncture – BNP Paribas
Frédérique Cerisier
Après le choc provoqué par la crise financière de 2008, les pays de la zone euro
ont vu leur déficit s’accroître très rapidement, ce qui a contraint les
instances européennes à instaurer de nouvelles règles afin d’obliger les États
membres à limiter les déséquilibres de leurs finances publiques. Bien que le
calme soit revenu sur les marchés, les conséquences de la crise des dettes
souveraines sont toujours perceptibles, notamment à travers un taux de chômage
qui atteint un niveau record, ainsi qu’une croissance faible. L’union
budgétaire, dont le principe consiste à partager les risques, pourrait apporter
un supplément de liberté dans un environnement où les politiques économiques
sont contraintes ainsi qu’une plus grande solidarité entre les États membres,
notamment pour ceux qui sont soumis à de grandes difficultés financières.
Celle-ci implique cependant un transfert de souveraineté important, ainsi qu’une
intégration plus poussée que celle qu’offre l’union actuelle.
La transition énergétique en France
Études
Alain Granjean
En France, 70 % de l’énergie finale consommée est issue de sources fossiles,
comme le pétrole et le gaz, qui émettent des quantités importantes de gaz à
effet de serre (GES). Parallèlement, la facture énergétique ne cesse d’augmenter
– en 2012, elle a atteint 70 milliards d’euros. Dans le cadre du débat national
sur la transition énergétique, notre pays s’est ainsi fixé plusieurs objectifs
parmi lesquels : diviser par quatre, à l’horizon 2050, les émissions de GES ;
diviser par deux la consommation d’énergie d’ici à la moitié du siècle ;
diminuer de 30 % la consommation fossile avant 2030. L’auteur revient sur les
termes du débat et analyse les orientations de la loi de programmation sur la
transition énergétique, qui a été votée par l’Assemblée nationale le 13 octobre
2014.
Maîtriser la demande en énergie
L’Expansion Management Review
Claire Burlat
La réduction de l’intensité énergétique est l’un des objectifs phares de la
politique énergétique en France (- 2 % par an d’ici à 2015 puis - 2,5 % par an
jusqu’en 2030). La diminution de la consommation de près de 20 % à l’horizon
2020 est un des leviers d’action pour atteindre cet objectif. Comment inciter
les ménages à réaliser des économies d’énergie ? La « théorie du comportement
planifié » est un outil susceptible d’aider les pouvoirs publics dans la
recherche de solutions efficaces à cette question. Cette théorie fournit en
effet des informations qui montrent qu’à l’heure actuelle les ménages français
ne semblent pas encore disposés à adopter un comportement économique en matière
de consommation énergétique. Quatre facteurs peuvent expliquer cette situation.
Parmi ces derniers : le caractère vital de l’électricité confère aux
consommateurs un sentiment d’impuissance face à la gestion de l’énergie ; et
l’absence de normes explicites qui justifieraient un « bon » niveau de
consommation minimise la pression sociale sur les clients.
Peut-on (vraiment) réduire la part du nucléaire ?
La Revue de l’Énergie
Dominique Grand, Christian Le Brun et Roland Vidil
Le programme de transition énergétique en France prévoit de ramener la part du
nucléaire dans la production totale d’électricité de 75 % à 50 %, à l’horizon
2030. Un tel objectif suppose d’accroître de façon importante la production
d’énergies renouvelables. Mais selon les auteurs, étant donné les difficultés de
stockage de la production issue de l’éolien et du solaire, la construction de
centrales thermiques à combustibles fossiles, fortement émettrices de dioxyde de
carbone (CO2), paraît inévitable. Le lancement de nouvelles infrastructures de
production d’énergie (éolien, solaire et énergies fossiles) entraîne, en outre,
un accroissement considérable de l’occupation des sols et un coût financier
supplémentaire dont il faut tenir compte.
Les leçons de la transition énergétique allemande
Commentaire
Rémy Prud’homme
L’électricité peut être produite à partir du charbon, du pétrole, du gaz, du
nucléaire, de l’hydraulique, de l’éolien, du solaire, ou de la biomasse. La part
relative de chacune de ces sources d’énergie dépend de la dotation en ressources
naturelles des pays et de leur politique énergétique. L’Allemagne a choisi de
diminuer la part du nucléaire dans la production d’électricité et d’augmenter la
part des énergies renouvelables. Si la France peut tirer des leçons de
l’expérience allemande, les résultats de celle-ci ne sont pas forcément
conformes à ceux qui étaient attendus. En effet, selon l’auteur, la transition
énergétique outre-Rhin a généré de nombreuses difficultés, notamment d’ordre
économique et financier – le prix de rachat par l’État de l’électricité
éolienne, solaire ou biologique est particulièrement élevé et engendre des coûts
supplémentaires pour les consommateurs –, et d’ordre écologique – l’utilisation
accrue du charbon au lieu du gaz a provoqué une augmentation des rejets de
dioxyde de carbone.
Où va l’Europe de l’énergie ?
Géoéconomie
Jean-François Cirelli
Le principal défi à relever pour bâtir une « Europe de l’énergie » est de
proposer un mix énergétique optimal, c’est-à-dire une énergie qui soit à la fois
compétitive au niveau tarifaire, sécurisée et qui émette peu de dioxyde de
carbone (CO2). Mais l’Europe n’est pas encore parvenue à atteindre cet objectif.
Les vingt-huit États membres se sont en effet jusque-là montrés incapables
d’élaborer sur ce plan une stratégie collective. Si la Grande-Bretagne a
privilégié le charbon puis le gaz (comme l’Italie) et relance son programme
nucléaire, la France a, elle, opté pour cette dernière source d’énergie, tandis
que les pays scandinaves ont choisi l’hydraulique. L’Allemagne a, de son côté,
décidé de fermer ses centrales nucléaires et l’Europe centrale a adopté le
charbon. La difficulté à concevoir une politique énergétique commune tient
également à son coût financier que l’on évalue à 40 000 milliards de dollars.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Jean Tirole, « prix Nobel d’économie » 2014
Rationalité, psychologie et économie
Revue française d’économie
Jean Tirole
Le 13 octobre 2014, le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en
mémoire d’Alfred Nobel, plus communément appelé prix Nobel d’économie, a été
décerné au Français Jean Tirole « pour son analyse du pouvoir de marché et de la
régulation ». Père fondateur de la « nouvelle économie industrielle », celui-ci
a notamment développé des notions théoriques importantes liées aux théories des
jeux et de l’information qu’il a ensuite appliquées à divers domaines, comme le
fonctionnement des cartels ou le réchauffement climatique. Dans la plupart de
ses travaux, la rationalité des agents cherchant à « manipuler à leur profit
l’asymétrie d’information dont souffrent les autres agents » est mise en
évidence. Dans cet article, Jean Tirole montre l’intérêt de rapprocher des
notions issues de l’économie comportementale – dont les analyses prennent leur
source dans la psychologie et la neurologie – des concepts de l’économie en
général.
Richesse : pourquoi la France décroche-t-elle ?
Lettre Trésor-Éco
Camille Thubin
Entre 1975 et 2012, la Francea vu son produit intérieur brut (PIB) par habitant
progresser moins vite que la moyenne des pays de l’Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE), en particulier par rapport aux
États-Unis et à l’Allemagne et au nord de l’Europe. Alors que la France se
classait, il y a une quarantaine d’années, au-dessus de la moyenne des pays de
l’OCDE, elle se situe désormais en deçà de la plupart des grands pays
développés. Ce déficit annuel moyen de croissance du PIB par habitant de 0,4
point par rapport aux pays de l’OCDE s’explique par plusieurs facteurs : son
taux d’emploi (le taux d’activité notamment celui des jeunes et des seniors et
le taux de chômage) - qui pénalise temporairement les performances relatives
françaises en termes de PIB, la stagnation relative de la productivité horaire
depuis les années 1990 et la poursuite du recul des heures travaillées par tête.
Ce diagnostic permet d’identifier les différents leviers sur lesquels la France
peut agir pour relever son PIB par habitant.
Big Data et santé : une comparaison internationale
Accomex
Matthias Fille
Les données publiques de santé offrent de nombreuses perspectives de
réutilisations innovantes comme l’amélioration de la prise en charge du patient
- en particulier passer d’une logique curative à une logique préventive -, le
contrôle des dépenses nationales de santé, notamment dans la perspective du
vieillissement de la population, ou l’offre de nouveaux terrains d’analyses et
d’expérimentations pour la recherche médicale dans les secteurs de
l’épidémiologie, des maladies chroniques, de la pharmacovigilance, etc. De
l’Europe à l’Amérique du Nord en passant par l’Asie, de multiples initiatives
riches d’enseignement ont aujourd’hui cours dont la France pourrait s’inspirer.
Le risque d’une génération perdue
IZA Policy Paper
Werner Eichhorst, Holger Hinte et Ulf Rinne
Depuis la crise économique de 2008, le chômage des jeunes qui était déjà élevé
dans certains pays européens, a fortement augmenté. En Espagne, un des pays les
plus durement touchés, environ un million de personnes âgés de 15 à 24 ans sont
privées d’emploi. Si, globalement, le sud du continent est plus touché que le
nord, le chômage des jeunes constitue un problème grave pour l’ensemble de
l’Europe. Au-delà des pertes économiques, le risque est de voir apparaître une
« génération perdue » de jeunes Européens. La Commission européenne, consciente
du danger, a d’ores et déjà annoncé une série de mesures, notamment des
incitations à la mobilité intra-européenne, et plaide pour des politiques plus
actives en faveur des jeunes chômeurs. Ces dernières devraient être accompagnées
de réformes structurelles mises en œuvre par les États.
Emploi des jeunes : retour sur les politiques récentes
Policy paper de l’Institut de l’entreprise
Face à l’augmentation très importante du chômage des jeunes, le
gouvernement a, en France, à partir de 2012, créé deux nouveaux dispositifs, les
Emplois d’avenir et le Contrat de génération, afin de stimuler l’emploi de cette
catégorie de la population active. Ces mesures ont permis d’enrayer, puis
d’inverser temporairement la courbe du taux de chômage des jeunes qui a décliné
tout au long de l’année 2013. En revanche, en 2014, leurs effets semblent moins
favorables. Au total, ces mesures phares, qui occupent une place importante dans
la politique de l’emploi en faveur des jeunes, peinent à compenser le déclin des
autres contrats aidés.
L’école, premier boulet de l’économie française
Les Échos
Jean-Marc Vittori
Dans le dernier classement global sur l’éducation établi par l’Organisation de
coopération et de développement économiques (OCDE), la France n’occupe que le 27e rang
(sur 36 pays). En ce qui concerne les capacités des élèves, selon les chiffres
de l’enquête PISA de l’OCDE, les élèves français se classent au 21e rang
pour la compréhension de l’écrit et au 25e rang
pour les mathématiques. Ces scores médiocres sont confirmés par l’évaluation des
adultes : l’enquête PIACC, également réalisée par l’OCDE, place la France à
l’avant-dernier rang sur seize pays. Pour Jean-Marc Vittori, éditorialiste au
quotidien économique Les Échos,
le verdict est clair : l’école française n’est plus adaptée au modèle actuel de
société où la majorité des salariés doit être de plus en plus autonomes,
participer à des projets collectifs et effectuer des tâches complexes.
L’apprentissage, un atout pour l’Allemagne
Réalités industrielles – Annales des Mines
Isabelle Bourgeois
Contrairement aux Français, les Allemands privilégient le métier plutôt que le
diplôme, exprimant une préférence très forte en faveur d’une identité sociale
plutôt qu’un statut formel. Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que
l’apprentissage et la formation professionnelle constituent la pierre angulaire
du système éducatif allemand. Ces dispositifs sont outre-Rhin la voie dominante
d’acquisition des savoirs et des qualifications professionnelles. Le système
d’apprentissage allemand bénéficie d’une très forte implication des entreprises
et permet une excellente adéquation entre l’offre et la demande de
qualification. Il en découle un faible taux de chômage chez les moins de
vingt-cinq ans. Au sein des entreprises, outre sa contribution à la cohésion
sociale, le système est également un puissant levier en faveur de l’innovation.
Les faux pas de la formation professionnelle
Rapport de Terra Nova
Mathilde Lemoine et
al.
La qualité des emplois est un des déterminants essentiels de la croissance.
Une main-d’œuvre qualifiée est en effet plus productive et mieux préparée à la
diffusion des innovations. Le niveau de formation initiale et la formation
continue professionnelle constituent ainsi des parties intégrantes de la
compétitivité des entreprises et des États. Les performances françaises en la
matière restent insuffisantes, comme en témoigne la proportion importante de
salariés peu qualifiés dans l’hexagone. La solution consiste à mettre en place
un système efficace de formation professionnelle. Aujourd’hui, les personnes les
moins qualifiées sur le marché du travail sont aussi celles qui bénéficient le
moins de la formation professionnelle. Tel est le constat établi par les auteurs
d’un rapport récent de la fondation Terra Nova. Ces derniers proposent de faire
de la formation professionnelle un levier essentiel de compétitivité et de
réduction des inégalités.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Mesurer l’activité souterraine
Regards croisés sur l’économie
Entretien avec Sébastian Roché
Généralement considérée comme la « somme des revenus générés par la production
de biens et services dissimulés aux autorités gouvernementales », l’économie
souterraine désigne des marchés dont les objets de l’échange sont illégaux. Mais
la définition peut s’étendre à la fraude fiscale, une autre forme d’économie
souterraine. Ces activités ont en commun de priver l’État de certaines
ressources. Elles permettent, en revanche, la création de richesses dans des
domaines où la réglementation ne le prévoit pas, et favorisent la consommation
légale. Les études et les enquêtes consacrées à la mesure de la part de
l’économie souterraine dans le produit intérieur brut (PIB) sont très utiles.
Mais dans la mesure où les collectes de données diffèrent selon les pays, il est
difficile de procéder à des comparaisons internationales.
Comment les entreprises comptent utiliser le CICE
Insee Focus
Yaëlle Gorin et Catherine Renne
Le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) est un avantage
fiscal destiné aux entreprises employant des salariés, soumises à un régime réel
d’imposition – ce qui exclut les microentreprises et les autoentrepreneurs.
L’objectif de ce dispositif est d’améliorer la compétitivité en favorisant
l’investissement et l’innovation. L’avantage fiscal équivaut à une baisse de
cotisations sociales, sous la forme d’une réduction de l’impôt à acquitter en
année n au titre de l’année n-1. L’Institut national de la statistique et des
études économiques (INSEE) a interrogé les entreprises sur l’utilisation
qu’elles comptent faire de ce crédit d’impôt. Pour plus de la moitié d’entre
elles, le CICE servira à investir dans l’appareil de production. Dans
l’industrie, environ une entreprise sur trois envisage de recruter de nouveaux
collaborateurs.
Géopolitique des paradis fiscaux
Politique étrangère
Vincent Piolet
Un paradis fiscal désigne un territoire qui répond aux quatre critères
suivants : une fiscalité faible, une grande opacité, une législation peu
contraignante et une absence ou une faible coopération en matière judiciaire.
L’expansion des paradis fiscaux s’inscrit aujourd’hui dans la logique de
l’internationalisation de l’économie. Les moyens d’action des organisations
internationales pour réguler ces entités sont limités, d’une part, par la
difficulté de s’entendre au niveau international sur une définition commune de
ce qu’est un paradis fiscal, et d’autre part, par le fait que chaque grande
puissance économique dispose d’une ou plusieurs de ces places off-shore.
La lutte contre le terrorisme, à partir des années 2000 – notamment la volonté
des États d’en assécher le financement -, ainsi que la crise économique mondiale
de 2008 – les paradis fiscaux ayant joué un rôle important dans son
déclenchement - ont toutefois permis de réaffirmer la nécessité d’un contrôle
strict des places off-shore.
L’Amérique latine en quête d’un nouveau souffle
Revue de l’OFCE
Christine Rifflart
Après une décennie d’euphorie économique – au cours de laquelle l’Amérique
latine a enregistré un taux de croissance de 4,1 % en moyenne par an entre 2003
et 2013, et cela en dépit de la crise financière de 2008 –, les économies
latino-américaines sont entrées, depuis 2012, dans une période de croissance
modérée. Et il semble peu probable, dans l’immédiat, que le continent renoue
avec des taux de croissance comparables à ceux des années 2000. La région doit
désormais faire face à des problèmes structurels, parmi lesquels des taux
d’épargne et d’investissement particulièrement bas, notamment au Brésil ; des
taux d’inflation qui s’envolent en Argentine et au Venezuela ; et des systèmes
fiscaux très vulnérables puisqu’une grande partie des revenus est issue des
exportations de matières premières. Les économies latino-américaines ne pourront
plus en outre compter sur la demande de l’Europe dont l’économie a été affaiblie
par la crise, et qui tirait autrefois la croissance du sous-continent.
Le Brésil confronté à une crise de l’offre
Accomex
Daniel Solano
Lors de son premier mandat présidentiel (2011-2014), Dilma Rousseff – qui a été
réélue le 26 octobre 2014 à la tête du Brésil – a donné une nouvelle impulsion
aux réformes structurelles, en favorisant notamment l’investissement privé dans
les projets d’infrastructures. Mais cette « nouvelle politique industrielle »
n’a pas permis d’atteindre les objectifs annoncés. Le taux de croissance du
produit intérieur brut (PIB) reste faible – après une forte hausse en 2010 (+
7,5 %), celui-ci est retombé à 2,7 % en 2011, à 1 % en 2012 et à 2,3 % en 2013 –
; le taux d’investissement est particulièrement bas ; la production
manufacturière n’a augmenté que de 1,9 % en 2013, plus particulièrement dans les
secteurs de la chimie et des équipements ; et le taux de productivité global
stagne. La demande des consommateurs brésiliens continuant d’augmenter, c’est
bien à une crise de l’offre que le Brésil doit aujourd’hui faire face.
Argentine, Brésil, Venezuela : entre pénurie et inflation
Diplomatie
Maeva Morin
La croissance économique et l’émergence d’une importante classe moyenne au cours
de la dernière décennie au Brésil, au Venezuela et en Argentine ont facilité
l’accès aux biens de consommation de masse et favorisé l’amélioration des
conditions de vie permettant notamment d’offrir à une partie de la population de
meilleurs services d’éducation et de santé publics. Aujourd’hui, le retour d’une
forte inflation est vécu comme une véritable injustice ravivant dans la
population le souvenir des années d’hyperinflation. En Argentine, des syndicats
se sont opposés, en 2012, au gouvernement pour dénoncer l’inflation galopante.
En juin 2013, l’augmentation du billet de transport de 7 % en moyenne dans les
grandes villes brésiliennes, ainsi que le montant de la facture du Mondial de
football, a conduit la classe moyenne dans la rue. Au Venezuela, les mouvements
étudiants du début de l’année 2014 ont été suivis par des manifestations
citoyennes réclamant une hausse des salaires.
Mexique, le nouveau « tigre aztèque » ?
Foreign Affairs
Shannon K. O’Neil
L’économie mexicaine est forte de nombreux atouts. Les réformes menées ces
dernières années par le Président Enrique Peña Nieto ont en effet permis
d’améliorer l’environnement économique. La libéralisation du marché du travail a
ainsi conduit à une forte diminution de la part du secteur informel dans le
produit intérieur brut (PIB). De même, le système éducatif a été modernisé. Une
autorité régulatrice a également été créée dans le secteur des
télécommunications. Concernant le système de protection sociale, une retraite
universelle et une assurance chômage ont été mises en place. L’accroissement de
la classe moyenne qui rassemble entre 40 et 60 millions de personnes pour une
population totale de 116 millions, ainsi que la position géographique et
stratégique du Mexique, membre de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA),
constituent aussi des atouts auprès des investisseurs étrangers. Certains
obstacles demeurent toutefois : la faiblesse de l’investissement dans les
infrastructures, une productivité stagnante ou encore le niveau d’insécurité.
Les classes moyennes au secours de la croissance ?
Revue Tiers Monde
Pierre Salama
En 2009, les classes moyennes – c’est-à-dire la part de la population dont le
niveau de revenu est compris entre 10 et 100 dollars par jour (à parité de
pouvoir d’achat, au taux de change de 2005) – constituent, selon le Programme
des Nations unies pour le développement (PNUD), 29 % de la population mondiale,
soit 1,85 milliard de personnes. Leur nombre devrait croître à un rythme soutenu
dans les années à venir, surtout dans les pays émergents où la croissance reste
élevée. Certains voient dans cet essor une formidable opportunité pour
redynamiser la croissance en Amérique latine. Mais, si dans les années 1970, les
classes moyennes latino-américaines avaient été un moteur de la croissance – qui
reposait alors sur la production de biens de consommation durables –, les choses
sont aujourd’hui très différentes. Avec la globalisation des échanges, la
croissance dépend, en effet, bien davantage de la demande extérieure que de la
demande domestique.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Kenneth Arrow, un pionnier de l’économie
Finances et Développement
Janet Stotsky
L’économiste américain Kenneth Arrow est le père de plusieurs concepts
fondamentaux des sciences économiques, notamment le modèle Arrow-Debreu et le
théorème d’impossibilité d’Arrow. Né en 1921 à New York dans une famille
modeste, Kenneth Arrow est surtout connu pour sa démonstration mathématique de
l’existence d’un équilibre général en concurrence parfaite, publiée dans un
article de 1954 coécrit avec Gérard Debreu. Il est également le premier à avoir
cherché à « endogénéiser » le progrès technique dans le modèle de Solow en
mettant en avant l’effet d’apprentissage (learning by doing). Kenneth
Arrow a aussi réussi à démontrer l’intuition de Condorcet sur l’impossibilité
des choix collectifs rationnels. En 1972, il reçoit conjointement avec
l’économiste britannique John Hicks le prix dela Banque de Suède en sciences
économiques, en mémoire d’Alfred Nobel.
Le crowdfunding à
la française
La Gazette de la société et des
techniques
Bogdan Filip Popescu et Fantine Lefèvre
Les plateformes de financement participatif sur Internet (crowdfunding)
connaissent un véritable engouement. Il en existe principalement trois formes :
celles qui proposent aux internautes de faire un don – la plus populaire,
notamment dans le secteur culturel (musique, cinéma, etc.) –, d’autres encore
qui fonctionnent selon le principe de prêts rémunérés (crowdlending),
et enfin les plateformes qui permettent un financement participatif en capital (crowdequity).
La France, plutôt bien placée dans le secteur nouveau ducrowdfunding,
pourrait l’être davantage encore. Le financement participatif reste en effet peu
efficace : de nombreuses campagnes de crowdfunding échouent.
C’est pourquoi le gouvernement français, qui a décidé de faire de notre pays un
leader européen en la matière, a mis en place une régulation propre aux
activités decrowdfunding afin
de renforcer la confiance du public vis-à-vis de ce type de financement.
La circulation de l’information dans les entreprises
Entreprises et Histoire
Pierre-Loïc Bolon, Jean-Luc Bouillon et Benjamin Thierry
L’information est une donnée précieuse en économie, surtout dans un
environnement concurrentiel. Le besoin de s’informer ou de transmettre des
informations est en effet essentiel pour les entreprises, comme pour les
organismes publics. En revanche, la nature de la circulation de l’information
diffère selon le secteur d’activité. Dans la finance, elle doit nécessairement
se faire en temps réel. Dans l’industrie lourde, le temps de fabrication d’un
appareil, un avion par exemple, étant de plusieurs décennies, les informations
se transmettent entre générations d’ingénieurs. Si les technologies de
l’information et de la communication (TIC), comme Internet, ont considérablement
favorisé les échanges de données, la capacité à communiquer un savoir-faire dans
le temps et dans l’espace reste un véritable défi. Selon les auteurs, qui citent
McDonald et Coca-Cola, seules les grandes marques y parviennent.
La reprise mondiale se confirme
Perspectives économiques de l’OCDE
OCDE
En 2014, la croissance et les échanges mondiaux ont poursuivi leur redressement
à un rythme modéré dans l’ensemble des économies de l’Organisation de
coopération et de développement économiques (OCDE). En 2015, l’activité devrait
être stimulée par des politiques monétaires accommodantes et la poursuite de
l’assainissement des finances publiques. Le chômage ne reculerait en revanche
que légèrement. Dans les économies émergentes, la croissance sera peu soutenue,
en raison notamment du durcissement des conditions financières. Aux États-Unis,
la reprise devrait continuer à s’accélérer et engendrer une baisse du taux
chômage. La politique monétaire resterait flexible dans la zone euro, où une
nouvelle baisse des taux d’intérêt est attendue, compte tenu de la faiblesse de
l’inflation. Concernant le niveau de la demande des ménages, celui-ci commence à
s’élever dans l’ensemble des pays de l’OCDE, tout en restant fragile du fait de
la faible croissance des revenus et du fort taux de chômage.
Lente baisse du taux de chômage
Perspectives de l’emploi de l’OCDE
OCDE
La reprise économique étant fragile dans l’ensemble des pays membres de
l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la
situation de l’emploi ne s’améliore que lentement. Si dans la zone euro, et au
Danemark, le taux d’emploi est à son plus bas niveau, aux États-Unis, le déficit
d’emploi – écart entre le taux d’emploi courant et son niveau au début de la
crise – se réduit progressivement : il n’est plus que de 4,4 points de
pourcentage en deçà de ce niveau contre 4,9 points au point le plus bas. Au
Japon, en raison du vieillissement démographique, les progrès sont plus
modestes. Le taux d’emploi des jeunes dans les pays de l’OCDE reste bien en deçà
du niveau d’avant la crise. Quant au taux de chômage de longue durée, celui-ci a
atteint 7,4 % en mai 2014, soit 1,8 point de pourcentage au-dessus du niveau
auquel il se situait avant la crise.
Les marchés financiers sous influence
Rapport annuel
Banque des règlements internationaux
L’année écoulée comme la précédente s’est caractérisée par une sensibilité
extrême des marchés financiers à la politique monétaire. Les anticipations
concernant celle menée par les États-Unis sont l’objet d’une attention
particulière : le retour progressif à une pratique plus orthodoxe après une
longue période au cours de laquelle la Réserve fédérale (Fed) a mis en œuvre une
politique monétaire exceptionnellement accommodante fait en effet régulièrement
réagir les marchés. Si cette politique monétaire a largement contribué au
raffermissement de la valorisation des actifs en 2013 et en 2014, le faible
niveau des taux d’intérêt et la volatilité modérée de la valeur des actifs ont
encouragé les acteurs sur les marchés à prendre des positions plus élevées. Ces
évolutions montrent que la politique monétaire peut avoir un effet puissant sur
les conditions de financement et les primes de risque.
Ralentissement de l’inflation dans la zone euro
Rapport annuel de la Banque de France
Christian Noyer
La politique monétaire menée par les grandes banques centrales en 2013 et 2014
n’a pas seulement influencé les marchés financiers, elle a également pesé sur
l’évolution des taux de change. De nombreuses devises ont ainsi enregistré des
dépréciations d’une ampleur plus ou moins importante. L’euro, quant à lui, s’est
distingué par la poursuite du mouvement d’appréciation entamé en 2012. Sur les
marchés de matières premières, les prix du pétrole mais également ceux des
métaux et des matières premières agricoles ont baissé alors qu’ils étaient
encore à des niveaux historiquement élevés en 2012. L’inflation dans la zone
euro s’est ralentie. Sa progression moyenne a été de 1,4 % contre 2,5 % en 2012,
notamment en raison de la décélération des prix de l’énergie. Quant au taux de
croissance de la masse monétaire, il s’est assez nettement replié, reflétant
ainsi le faible dynamisme de la zone euro.
Croissance modérée du commerce mondial
Rapport sur le commerce mondial en 2014
OMC
Alors que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) tablait sur une croissance
de 2,5 % du commerce mondial en 2013, celle-ci a été finalement de 2,2 %, soit à
peu près le même niveau que l’année précédente (2,3 %). Cette croissance plus
faible que ce qui avait été anticipé s’explique essentiellement par la baisse
plus forte que prévu des flux commerciaux des économies en développement au
cours de la seconde moitié de l’année. Les hausses modérées des échanges
mondiaux de marchandises en 2012 et 2013 sont inférieures à la moyenne des vingt
dernières années (5,3 %), et nettement en deçà de la moyenne des deux décennies
précédant la crise de 2008-2009. Cette évolution s’est poursuivie en 2014. Le
volume du commerce mondial des marchandises a en effet, durant les premiers mois
de l’année 2014, continué de croître lentement, avec une augmentation de 2,1 %
au premier trimestre par rapport à la même période de 2013.
Les IDE repartent à la hausse
Rapport sur l’investissement dans le monde 2014
CNUCED
Après une baisse en 2012, l’investissement direct à l’étranger (IDE) mondial est
reparti à la hausse en 2013, les entrées augmentant de 9 % pour atteindre 1450
milliards de dollars. Selon la Conférence des Nations unies pour le commerce et
le développement (CNUCED), cette tendance pourrait se poursuivre dans les
prochaines années avec des flux mondiaux qui s’élèveraient à 1600 milliards de
dollars en 2014, 1750 milliards en 2015 et 1850 milliards en 2016. Il faut
toutefois, compte tenu de la fragilité de certains marchés émergents et de
l’instabilité de la situation géopolitique dans plusieurs régions du globe,
conserver une certaine prudence vis-à-vis de ces prévisions. En 2013, les pays
en développement font toujours la course en tête, avec des entrées d’IDE qui ont
atteint un pic, à 778 milliards de dollars, soit 54 % du total mondial contre 39
% pour les pays développés. Dix des vingt premiers destinataires de l’IDE sont
aujourd’hui des pays en développement ou des pays en transition.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
L’OMC, une organisation hybride et résiliente
Le Journal de l’École de Paris du management
Créée en 1994, à la suite de l’Accord général sur les tarifs douaniers
et le commerce (GATT), l’Organisation mondiale du commerce (OMC) doit, selon
l’auteur, faire face à un certain nombre de contradictions que connaissent
toutes les organisations internationales. L’OMC dont la mission est de rendre le
commerce entre les nations aussi libre que possible et régler les problèmes
commerciaux qui opposent ses États membres n’est dotée en effet que d’un budget
relativement modeste (130 millions d’euros en 2013). Elle doit également
affirmer son autonomie tout en s’inscrivant dans une dynamique de réseau – l’OMC
entretient des relations étroites avec un certain nombre d’autres organisations
internationales, notamment les organisations non gouvernementales (ONG),
l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture
(UNESCO), et l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).
L’Allemagne introduit un salaire minimum
Chronique internationale de l’IRES
Odile Chagny et Sabine Le Bayon
L’Allemagne introduira à partir du 1er janvier 2015 un salaire
minimum légal de 8,5 euros par heure. Contrairement au salaire minimum
interprofessionnel de croissance (SMIC) français, sa revalorisation – prévue
tous les deux ans – ne sera pas du ressort de l’État, mais d’une commission
composée du patronat et des syndicats. L’instauration d’un salaire minimum
constitue néanmoins une rupture majeure avec le principe de subsidiarité et
d’autonomie des partenaires sociaux tel qu’il est en vigueur en Allemagne. Cette
mesure montre que le système existant jusque-là ne permet plus de garantir à
certains travailleurs le respect de leurs droits fondamentaux, d’où la nécessité
d’une intervention de l’État. Toutefois de nombreuses études tendent à montrer
que l’impact du salaire minimum sur l’emploi, la consommation et la
compétitivité devrait globalement être assez limité.
La flambée des prix sur le marché de l’art
Financial Times
Georgina Adams
Le marché de l’art a connu de profondes mutations ces dernières années. Pour
certains spécialistes, il serait même devenu méconnaissable. En effet, il y a
trente ans, l’art contemporain qui tire aujourd’hui le marché, n’était guère
présent dans les grandes salles de vente, dominées à l’époque par les
impressionnistes ou l’art ancien. À partir de 2004, tout a changé : le marché de
l’art moderne et contemporain s’est mis à croître très rapidement, à peine
ralenti par les crises économiques. Les maisons de vente aux enchères sont
devenues des multinationales de l’art, les foires d’art modernes et
contemporaines, comme les biennales, se sont multipliées et l’influence de
nouveaux acheteurs, originaires des économies émergentes, a bouleversé le
marché. De nouveaux métiers ont fait leur apparition, comme celui de
« conseiller artistique », un professionnel dont la tâche est d’aider les
collectionneurs à aborder le monde de l’art. L’augmentation de la richesse
mondiale est un des principaux vecteurs du boom du marché de l’art.
Créatifs et industriels : la ruée vers l’art
La Tribune
Carine Claude
L’intérêt des grandes entreprises industrielles pour l’art ne cesse de croître.
Il se matérialise notamment à travers des partenariats technologiques et
commerciaux. L’objectif de ce mécénat est d’associer le savoir-faire
technologique à la créativité des artistes. Aujourd’hui, les contrats passés ne
concernent plus uniquement la vente d’œuvres existantes ou de commande, mais
aussi leur réalisation en amont. Les fondations d’entreprises jouent un rôle
fondamental dans ces projets qui associent monde industriel et réseaux
culturels. En 2013, le Palais de Tokyo et l’entreprise de télécommunication
Orange ont ainsi organisé la première édition du concours Push
Your Art autour de la vidéo 3D
relief. Au-delà de la coproduction artistique, ces initiatives permettent
également aux visiteurs des musées de vivre des expériences alternatives.
Pourquoi achète-t-on des œuvres d’art ?
Die Zeit
Entretien avec Michael Hutter
Le marché de l’art est en pleine effervescence, mais sait-on vraiment ce qui
pousse un individu à acquérir des œuvres d’art ? L’économiste allemand Michael
Hutter apporte dans cet entretien une série de réponses et aborde également la
question des risques de la spéculation sur ce type de marché. Tous expliquent le
comportement des collectionneurs, on trouve l’accoutumance, voire l’addiction,
le besoin d’asseoir un statut social, ainsi que le potentiel spéculatif des
œuvres d’art. La spéculation n’est pourtant pas une pratique récente, puisque
elle a sur le marché de l’art plus de trois siècles. Contrairement au marché des
actions et de l’immobilier, la régulation du marché de l’art est assez difficile
à mettre en place, car les biens échangés sont pratiquement toujours des pièces
uniques. Ce caractère original fait la valeur de l’œuvre et rend le contexte de
vente toujours singulier.
La mutation réussie des musées
The Economist
Aujourd’hui, un peu partout dans le monde, les musées vivent une
période florissante. Parmi les plus prospères se retrouvent notamment ceux qui
se sont transformés en profondeur. Afin d’élargir leur offre, ces établissements
ont cherché à ne plus être seulement des lieux de conservation du patrimoine
mais également à devenir des forums d’échange globaux et de véritables creusets
culturels. Mais la redécouverte des musées s’explique également par l’évolution
de la demande : dans les pays riches, la proportion des personnes qui font des
études supérieures augmente de façon spectaculaire. Les soutiens se sont
également multipliés : au-delà des édiles locaux, ce sont aujourd’hui les
responsables du développement urbain, les médias et les individus fortunées en
particulier qui s’intéressent au bon développement des musées. Enfin, les
sources de financement se sont beaucoup diversifiées au cours des dernières
années.
Profession : coach pour collectionneur
Les Échos
Martine Robert
La transformation du marché de l’art a favorisé l’apparition de nouveaux
métiers. Parmi ces nouvelles activités, l’« art adviser » est une des plus
originales. Il s’agit de conseillers spécialisés qui assistent les
collectionneurs d’art contemporain dans leurs achats. Les acheteurs fortunés
cherchent en effet à bénéficier d’une connaissance pointue du marché et des
avantages que procure l’accès à un réseau de galeries et d’artistes. Le rôle de
l’« art adviser » est d’estimer et d’acquérir pour son client une œuvre, voire
d’en négocier le prix. L’activité peut s’étendre jusqu’à la gestion de la
collection. Les coachs pour collectionneurs peuvent être salariés, employé
directement par le collectionneur ou être payés par les galeries, mais le plus
souvent ils touchent un pourcentage sur la vente.
Écoles d’art : de l’illusion à coût prohibitif
L’Expansion
Sébastien Julian
Les écoles d’art sont devenues ces dernières années un véritable marché : on en
dénombre environ 400 en France. À côté des fleurons comme les Beaux-Arts de
Paris, les Gobelins ou l’Ensci à Limoges, il existe une myriade d’établissements
dont la qualité de l’enseignement n’est pas toujours garantie. Certaines écoles
réalisent plusieurs millions d’euros de chiffres d’affaires par an, grâce à des
tarifs de scolarité parfois très élevés. Les étudiants qui n’ont pas eu la
chance d’intégrer une grande école d’art, se voient souvent obligé de se
rabattre sur des établissements de moins bonne qualité. L’activité semble
néanmoins tellement séduisante que des fonds d’investissement s’y intéressent :
ainsi, il y a deux ans, l’Atelier de Sèvres – une école préparatoire aux écoles
d’art - a été acheté par Galileo Global Education, une société basée au
Luxembourg qui appartient à un fonds d’investissement américain.
Galeries d’art : promoteur de notoriété des artistes
Culture études
François Rouet
Les galeries d’art contemporain sont essentielles pour faire émerger et
construire la notoriété des artistes. Conjointement avec les maisons de vente
aux enchères, les grands collectionneurs et les musées, les galeries assurent la
vitalité de la scène artistique française. Malgré leur importance, la population
des galeries d’art est difficile à analyser. Faute de référencement dans la
nomenclature d‘activité française, il faut alors croiser les sources et fichiers
à la fois accessibles et pertinents. La présente étude a opté pour une
acceptation initiale large et l’hétérogénéité structurelle des galeries sur le
plan artistique. Près de la moitié des galeries sont regroupées à Paris.
L’activité est également assez concentrée : 12 % d’entre elles totalisent 72 %
du chiffre d’affaires annuel total. L’ampleur de leur activité s’explique
essentiellement par deux facteurs : l’ancienneté et la présence sur le marché
international.
ÉGALEMENT DANS CE NUMERO
Comprendre le déficit de financement des PME
Revue d’économie financière
Michel Dietsch et Xavier Mahieux
Le financement des petites et moyennes entreprises (PME) est l’objet de nombreux
débats, en particulier la question de l’insuffisance des ressources financières
auxquelles ces dernières peuvent accéder. Ce problème de financement s’explique
par les caractéristiques économiques, financières et comportementales des PME,
mais également par les particularités des structures du système financier. Les
PME doivent en effet souvent faire face à un déficit d’information concernant
les possibilités de financement offertes par les banques. Ces entreprises se
caractérisent également par une forte aversion au risque. Et leurs difficultés
sont renforcées par un système financier qui canalise insuffisamment l’épargne
vers les PME. Leur développement devrait ainsi être accéléré par la mise en
œuvre d’un environnement légal et réglementaire plus favorable.
L’euro dans la guerre des monnaies
Les notes du Conseil d’analyse économique
Agnès Bénassy-Quéré, Pierre-Olivier Gourinchas, Philippe Martin et
Guillaume Plantin
Dans le système monétaire international, les monnaies sont en concurrence les
unes avec les autres. Quand une devise s’apprécie, c’est au détriment d’une
autre. Chaque banque centrale se fixe notamment comme objectif de préserver la
valeur de sa monnaie. Et chacune poursuit également des objectifs internes,
comme la stabilité des prix et le plein-emploi, en suivant une politique
monétaire plus (Réserve fédérale – Fed) ou moins (Banque centrale européenne –
BCE) expansionniste. Dans un contexte économique marqué par la désinflation, la
fragmentation du marché du crédit et la faible croissance, les auteurs plaident
pour un assouplissement monétaire dans la zone euro, qui s’accompagnerait d’un
affaiblissement de la devise européenne. Une dépréciation temporaire de l’euro
constituerait une bouffée d’oxygène pour certains États membres dont la
situation économique est particulièrement dégradée.
Londres et Paris à l'heure de la globalisation
Pouvoirs locaux
Jean-Marc Stébé
À l’heure de la globalisation, les grandes villes comme New York, Tokyo, Londres
ou Paris se livrent une concurrence acharnée afin de conserver leur place au
sein de l’Archipel mégapolitain mondial. Au niveau européen, Londres et Paris
sont engagées dans une compétition économique, culturelle, universitaire,
architecturale, etc. Pour ces deux métropoles, l’enjeu est de taille puisqu’il
s’agit d’attirer les entreprises, les emplois, les étudiants, les touristes,
etc. Ces dernières mettent ainsi en œuvre de multiples stratégies, comme lebranding,
pour préserver leur rang au sein des villes globales. Si en termes de finance,
Londres se place devant Paris, la capitale française occupe la première position
en matière de capital culturel et patrimonial.